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25 novembre 2024
Opinions
Texte Collectif
IL FAUT LIBÉRER L'OTAGE BAZOUM
Un catalogue d’absurdités. Voilà comment résumer la série d’actes posés contre le président Mohamed Bazoum par les putschistes nigériens depuis le coup d’État du 26 juillet 2023
Un catalogue d’absurdités. Voilà comment résumer la série d’actes posés contre le président Mohamed Bazoum par les putschistes nigériens depuis le coup d’État du 26 juillet 2023. Neuf mois d’aberrations qui frôleraient le risible si les droits humains les plus basiques et les libertés les plus fondamentales d’un chef d’État élu démocratiquement n’étaient pas écrabouillés par des militaires en quête de légitimité.
Le prix de la démocratie
Mohamed Bazoum a été élu président de la République du Niger en février 2021. Son élection a été démocratique, transparente, inclusive et saluée par la communauté internationale. Aucune crise politique interne majeure, ni aucune situation d’urgence susceptible de mettre en péril la nation n’étaient en perspective. Pourtant, le 26 juillet 2023, des membres de la Garde présidentielle renversaient l’ordre constitutionnel. De nombreuses personnes ont d’abord vu le coup d’État sous un angle géopolitique, mais, au fil des semaines qui suivaient, des éléments publiés dans la presse pointaient plutôt quelque velléité personnelle de défendre des intérêts privés. Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) était né. Dont acte.
Le président Mohamed Bazoum, sa femme, Hadiza, et leur fils Salem Mohamed Bazoum étaient immédiatement arrêtés et retenus dans la résidence officielle, à l’intérieur du palais présidentiel. Commençait alors pour eux un calvaire qui continue aujourd’hui, neuf mois plus tard. Homme politique aguerri et engagé, démocrate reconnu et respecté, Mohamed Bazoum a toujours refusé de démissionner. Sa famille et lui payent aujourd’hui le prix de leur attachement à la Constitution : en ne courbant pas l’échine, il rappelle au monde le prix de la démocratie. La prise d’otages dure depuis neuf mois, neuf mois d’inhumanité.
Il est ici essentiel pour nous, ses avocats, de rappeler avec fermeté que l’arrestation et la détention de Mohamed Bazoum et de sa famille sont totalement illégales. Personne ne peut leur rendre visite, hormis leur médecin. Si, pendant les premiers mois de détention, la famille Bazoum a pu rester connectée au monde extérieur grâce à leur téléphone, celui-ci leur a été retiré en octobre 2023. Depuis cette date, nous n’avons aucun moyen de nous entretenir avec eux. Puisqu’ils sont détenus en dehors de toute procédure, à quel magistrat pouvons-nous demander un droit de communiquer ?
Le soutien de la Cedeao
Dès le coup d’État, la famille Bazoum a pu compter sur le soutien de la Cedeao. L’organisation ouest-africaine et la majorité de ses chefs d’État, à l’exception de ceux issus eux-mêmes de putschs, n’ont eu de cesse de réclamer la libération du président. En vain. Le CNSP a mis en garde la Cedeao contre tout recours à la force pour le libérer : ce serait « son cadavre qu’il [faudrait] venir chercher ». Le 10 décembre 2023, les chefs d’État de la Cedeao ont dépêché leurs pairs sierra-léonais, béninois et togolais pour un « rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel ». Tous, hormis le président Faure Gnassingbé, ont été empêchés d’atterrir à Niamey. Seule réussite : le président togolais a obtenu le transfert de Salem Bazoum au Togo, après qu’il a été inculpé pour complot contre l’autorité de l’État.
Le fils du président vient seulement d’être autorisé à quitter Lomé, où il était soumis à une sorte de régime de semi-liberté. Saisie par nos soins, la Cour de justice de la Cedeao a rendu le 15 décembre 2023 un arrêt historique ordonnant aux autorités de fait du Niger de libérer immédiatement le président et sa famille, et de rétablir l’ordre constitutionnel. Là encore, le CNSP a opté pour la fuite en avant en notifiant sa décision de se retirer de la Cedeao, oubliant que le Niger restait tenu de « s’acquitter des obligations qui lui incombent » pendant une durée d’un an. Mais aujourd’hui, force est de constater que la médiation organisée par la Cedeao est un échec et que les putschistes n’ont cure de la règle de droit.
« Crimen sine lege »
Depuis peu, une nouvelle lubie anime le CNSP. Il faut, coûte que coûte, faire condamner le président Bazoum, quitte à distordre le droit national à l’extrême. Il bénéficie, en tant que président, d’une immunité ? Le CNSP crée une juridiction dont il nomme les magistrats et la saisit le 5 avril pour trancher cette question. Tout en foulant aux pieds les droits fondamentaux de la défense – nous n’avons accès ni au dossier ni à notre client –, la junte oublie sans doute qu’une telle procédure n’est possible que pour un « ancien président ». Mais le président Bazoum n’est pas démissionnaire, il est toujours titulaire de son mandat. Pour justifier le coup d’État, ne faut-il pas l’accuser des pires crimes ? Des poursuites sont en train d’être diligentées contre lui, notamment pour « complot contre la sûreté de l’État ». Le président Bazoum est accusé d’avoir tenté de s’évader alors même qu’il était détenu illégalement…
Avec cette nouvelle procédure, le CNSP veut entériner une situation politique de fait, sans convaincre par le droit. Et la famille Bazoum, dont les droits les plus fondamentaux sont violés chaque seconde, en est la principale victime.
Au nom de l’État de droit et de la dignité humaine, il faut sauver le président Bazoum !
Les signataires :
Brahim Ould Ebety, ancien bâtonnier de Mauritanie
Florence Loan, bâtonnière dauphine de Côte d’Ivoire
Mohamed Seydou Diagne, avocat au barreau de Dakar
Moussa Coulibaly, ancien bâtonnier du Niger
Reed Brody, avocat au barreau de New York
Par Cheikhou Oumar Sy
MONSIEUR LE PRESIDENT, NE VOUS LAISSEZ PAS EMPRISONNER DANS LA TYRANNIE DES PRIORITES ET DES URGENCES
Jérôme Baschet écrivait dans son ouvrage «Défaire la tyrannie du temps » : « Le manque de temps est l’une des pathologies de l’homme moderne. Elle s’aggrave sans cesse dans notre monde soumis à la tyrannie de l’urgence, saturé d’écrans chronométriques...
Emédia |
Cheikhou Oumar Sy |
Publication 25/04/2024
Jérôme Baschet écrivait dans son ouvrage «Défaire la tyrannie du temps », je cite : « Le manque de temps est l’une des pathologies de l’homme moderne. Elle s’aggrave sans cesse dans notre monde soumis à la tyrannie de l’urgence, saturé d’écrans chronométriques et exigeant toujours plus d’efficacité, de rapidité, de calculs et d’anticipations à court terme ».
La pire des erreurs de M. BDDF est de se laisser piéger « par les urgences et les priorités » durant son mandat. Il a hérité d’un pays où tout est une question d’urgence et chaque secteur est une priorité
Toutefois il ne doit pas laisser la pression du «résultat » immédiat l’empêcher d’avoir un regard plus ambitieux avec des solutions durables et structurelles pour que le Sénégal soit sur les rails du développement d’ici les 25 prochaines années. Il n’a pas une obligation de résultats mais une obligation de structuration systémique de notre économie et de notre société.
Le Président Léopold Sédar Senghor a accédé au pouvoir à l’âge de 54 ans, le Président Abdou Diouf à 46 ans, le Président Abdoulaye Wade à 74 ans et son prédécesseur Macky Sall à 51 ans. Malgré tous leurs efforts, ils n’ont laissé que des urgences derrières eux.
Le Président BDDF a 44 ans. Il a le temps d’inviter les Sénégalais à travailler pour un quart de siècle (25 ans) systémique où chaque secteur stratégique (éducation, santé, agriculture, élevage, industrie etc.) aura une feuille de route claire avec l’adhésion et l’appropriation générale de toute la population.
Le mandat des urgences et des priorités est un mandat qui s’inscrit sous la tyrannie du temps, et le temps est l’ennemi des bonnes décisions politiques.
Le jeune président doit oublier qu’en 2029 il y aura une élection présidentielle. Qu’il refuse la chirurgie esthétique des politiques publiques. Il ne doit pas être une Mercedes Mclaren avec une vitesse de 200 km à l’heure pour se retrouver dans le décor des accidents historiques, mais ce Caterpillar Bulldozer qui prend son temps pour dégager calmement les voies du développement pour chaque secteur.
Dans 25 ans, l’actuel président aura 69 ans (une fois de plus Me Wade a accédé au pourvoir à 74 ans), il pourra apprécier avec beaucoup de sérénité les retombées des grands chantiers structurels qu’il avait entamés en 2024. Certains parmi nous serons peut-être dans les cieux mais diront: « Alhamdouliah, il a reussi sa mission, le Sénégal est enfin sur la bonne voie »
Magaye GAYE
ET SI C'ETAIT LE MEILLEUR GOUVERNEMENT QUE LE SENEGAL AIT CONNU DEPUIS LES INDEPENDANCES ?
Franchement, je suis séduit par la qualité de cet attelage qui allie à la fois de solides parcours académiques, des expériences et savoir-faire remarquables et une certaine virginité présumée par rapport aux impairs de gestion passés.
Nous avons pris connaissance de la composition du nouveau gouvernement du Sénégal composé de 30 Ministres et Secrétaires d’Etat.
Franchement, je suis séduit par la qualité de cet attelage qui allie à la fois de solides parcours académiques, des expériences et savoir-faire remarquables et une certaine virginité présumée par rapport aux impairs de gestion passés.
Et en filigrane, un exercice de nomination traversé par un esprit fécond de réforme et de rupture. La constitution de ce gouvernement a évité au pays les erreurs de casting du passé qui se caractérisaient la plupart du temps par des mauvaises pratiques :
- partage du «gâteau» entre parties de la mouvance victorieuse
- trafics d’influence issus de pressions venant de milieux socio- politico- religieux
- pléthore de Ministres
- peu de considération accordée à la compétence et à l’éthique en lieu et place des critères saugrenus de régionalisme et de représentativité politique
Ce gouvernement fait incontestablement nourrir beaucoup d’espoir quant à la rupture souhaitée par les Sénégalais. Il doit être soutenu. Mon rêve est de voir cette équipe aborder dans le premier Conseil des Ministres une question qui paraît anodine et que tous les dirigeants africains se devraient de poser avant tout commencement
C’est quoi véritablement le développement que nous cherchons en vain depuis les indépendances ?
Il apparaît aujourd’hui grand temps de cerner ce concept encore flou afin de susciter l’adhésion communautaire sur les objectifs à atteindre. La croissance économique n’est pas forcément synonyme de développement économique et social.
Compte tenu (i) des incertitudes notées dans son système de mesure (fiabilité insuffisante des statistiques, mauvaises politiques économiques), (ii) du fait qu’elle est souvent mal répartie et extravertie et (iii) du croît démographique.
Toute transformation devrait partir des ressorts spirituels et du vécu culturel des populations concernées. Et avoir comme finalité ultime la satisfaction des besoins exprimés par les êtres humains. L’homme étant au début et à la fin de tout développement, la question de base est de savoir concrètement de quoi il a besoin pour exercer la mission qui lui est confiée sur terre.
Au total, nous pensons que le développement, acception que nous rêvons de voir, désormais remplacée par l’expression «Développement Recentré sur l’Humain (DRH)» devrait permettre de répondre aux 7 besoins ci-après.
1- manger en quantité et qualité suffisante
2- boire de l’eau potable en quantité et qualité suffisante
3- se soigner correctement
4- avoir un habitat et un cadre de vie décent
5- se vêtir dignement
6- effectuer correctement ses déplacements.
7- avoir une éducation et une formation de qualité.
Avec en filigrane 2 autres besoins non moins importants, en général satisfaits lorsque les 7 ci-dessus ont trouvé des solutions : il s’agit de la paix et de la sécurité. Une société qui arrive à satisfaire ces différents besoins est tout naturellement développée. Elle n'a pas forcément besoin d'autoroutes gigantesques, de voies ferrées à grand écartement ou de jolis buildings modernes.
L’homme peut trouver son bonheur et s’estimer être parfaitement heureux avec peu de choses. L’État doit revenir au cœur du développement. Depuis une décennie, je défends sans succès la notion d’État capitaine, en lieu et place des États entraîneurs qui n’ont pas donné les résultats escomptés. En définitive, plus d’État et mieux d’État.
Magaye GAYE
Économiste International
Ancien Cadre de la BOAD et du FAGACE
par Mohamed SYLLA
GUINEE CONAKRY-SENEGAL, DEUX PAYS LIES PAR L’HISTOIRE ET LA GEOGRAPHIE DONT LES RELATIONS MERITENT ATTENTION
Les pays africains aspirent, en cette période cruciale, à une nouvelle orientation sociale, économique et environnementale. Ce qui ne pourra se réaliser que dans l’émancipation des peuples en général et des élites en particulier.
Les pays africains aspirent, en cette période cruciale, à une nouvelle orientation sociale, économique et environnementale. Ce qui ne pourra se réaliser que dans l’émancipation des peuples en général et des élites en particulier. Souvent confondue avec le rejet systématique du passé, de son histoire et de ses alliés, la volonté souverainiste des peuples africains dépasse largement cette vision. C’est une autre forme de révolution, une autre dimension du réveil des consciences, encore plus poussée que pendant la période des indépendances qui est portée par les générations actuelles.
Dans cette perspective, les pays africains sont à la recherche d'une sortie de l'impasse empruntée depuis les indépendances. Ils sont, la plupart du temps, accablés par la misère, la corruption ou les conflits de générations. Sans oublier les problèmes ethniques et régionalistes. Bref, après plus de 60 ans d'indépendance ils restent encore profondément divisés. Que ce soit à l'intérieur ou l’extérieur de leurs frontières. Les institutions régionales et panafricaines peinent à contribuer au développement des Etats.
Dans cette recherche de solutions, les gouvernements des pays africains opèrent-ils les bons choix, prennent-ils des décisions opportunes et réalistes ?
Aujourd’hui, deux pays liés par l’histoire et la géographie nous interpellent : la Guinée et le Sénégal. La Guinée Conakry et le Sénégal sont deux pays distincts et souverains. Chacun possédant des atouts économiques, sociaux et environnementaux certains. Une combinaison de ces atouts pourrait être un modèle de rêve. Ils ont en commun un solide et naturel bloc «économie et richesse» qui se désagrège depuis des années par manque d’attention ou absence de prise de conscience des États. Ces deux pays distincts et souverains pourraient, grâce à des actions harmonisées, devenir un modèle économique prospère et efficace dans la sous-région. Que nous soyons Guinéen ou Sénégalais nous aimons tous quelque chose dans l'autre pays. Cela ne devrait-il pas inspirer les autorités de ces États ?
Pourtant côté Sénégalais le regard est plus tôt ailleurs : en Mauritanie ou en Gambie. Premiers pays visités par le président Bassirou Diomaye Faye nouvellement élu. Et la visite en Guinée ? Peut-être un jour ! A ce stade, l’absence de la Guinée Conakry dans l’agenda du président Bassirou Diomaye Faye peut-elle être analysée comme une erreur stratégique au regard de ce qui est évoqué plus haut ? Sans mettre en exergue les initiatives existantes il serait, à notre sens, opportun que le Sénégal et la Guinée définissent assez rapidement les secteurs de développement stratégiques qu'ils pourraient cibler et mutualiser dans le cadre d'un développement bénéfique aux deux pays. Nous pourrions, entre autres, citer le secteur de l’artisanat, de l’agriculture, de l’industrie et de la culture. Les partenariats sudsud sont de nos jours les plus réalistes comme le démontrent les investissements du royaume du Maroc.
La Guinée Conakry avec sa monnaie nationale (hors zone franc CFA) a affiché d’excellents ratios en 2023, confirmés par la Banque Mondiale. La croissance du pays a accéléré en 2023 pour atteindre 7,1 %. Elle résulterait des bonnes performances du secteur minier. L’inflation sur la même période est également estimée à 9,3% en baisse de 2,3% par rapport à l’année 2022 (Cf les chiffres de la Banque Mondiale).
Si le Sénégal souhaite sortir également de la zone Franc CFA, un regard sur le modèle guinéen n’est pas à écarter. La Guinée tient depuis 1960 avec sa monnaie. Par ailleurs, le retour de la Guinée au sein de l'OMVS, l'Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal doit être une priorité, notamment dans le cadre de la réalisation imminente des projets hydro-agricoles et électriques. A titre d’exemple, le barrage hydroélectrique de Koukoutamba, situé dans la région de Labé dans le nord de la Guinée, (non loin du Sénégal) d’une puissance évaluée à 294 mégawatts, pourra susciter un intérêt commun.
Le régime militaire actuellement en place en Guinée représente- t-il un obstacle à ce projet commun ? La réponse est Non. Le socle du développement économique, social et environnemental repose, avant tout, sur la volonté sincère du peuple et non sur son modèle politique. Plusieurs exemples puisés un peu partout dans le monde viennent appuyer cette thèse. Le Conseil de l’Europe s’inscrit actuellement dans ce cadre avec la présence des pays non Européens qui y siègent en qualité d’observateurs. C’est actuellement le cas du Mexique avec un modèle économique et social très éloigné de la réalité Européenne. Par contre, l’intérêt réside dans les échanges et les partages d’expériences. L’Alternance sénégalaise qui a amené récemment le président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir est un espoir pour le peuple africain. Le peuple Sénégalais a réussi à instaurer et imposer l’alternance politique là où beaucoup d’autres peuples ont échoué ou peinent à y arriver. À moins que quelques hommes courageux ne se lèvent pour mettre fin à la destruction de leur pays
L’histoire et la géographie sont deux atouts naturels. Exploités ils aboutissent à un résultat exceptionnel, extraordinaire et rien pourra les ébranler. Messieurs les Président Bassirou Diomaye Faye et Général Mamady Doumbouyah, à vous de planter les bases d’un nouvel essor
Par Yahya Ahmadou SY
DE LA RENEGOCIATION DES CONTRATS PETROLIERS
Est-il important de souligner que les contrats liés aux domaines pétrolier et minier sont différents des contrats publics. La distinction se fait sur la base du fait qu’un contrat administratif implique la participation d’au moins une entité publique.
Dans un contrat d’Etat pour les ressources en hydrocarbures, les clauses financières sont très contrôlées par toutes les parties impliquées. Cela signifie que ces parties examinent attentivement les aspects financiers du contrat. En ce qui concerne la relation entre la politique et le juridique, il existe une forme de dépendance. Cependant, il y a un domaine qui se montre plus résistant que les autres : le secteur des hydrocarbures.
Est-il important de souligner que les contrats liés aux domaines pétrolier et minier sont différents des contrats publics. La distinction se fait sur la base du fait qu’un contrat administratif implique la participation d’au moins une entité publique. Cependant, tous les contrats conclus par une entité publique ne sont pas automatiquement des contrats administratifs. Les contrats administratifs se reconnaissent par certaines caractéristiques spécifiques : ils sont d’abord qualifiés par le critère organique (présence d’une personne publique). Ensuite, l’existence d’une clause que l’on qualifierait d’inégalitaire (clause exorbitante) soit par leur objet. Enfin, le pouvoir de modification et de résiliation unilatérale plus étendu que s’il s’agissait de simples contrats de droit privé.
Pour les contrats pétroliers, qualifiés de contrat d’Etat, on retrouve plusieurs critères permettant de protéger l’entreprise étrangère :
- La clause relative à la compétence juridictionnelle qui désigne l’appareil judiciaire ou l’institution chargée du règlement des litiges contractuels. Le contrat d’Etat se caractérise dans ce cas particulier, par des règles différentes de celles qui régissent les contrats de droit interne. Par conséquent, dans le domaine de l’investissement international en général et pétrolier en particulier, le recours à une sphère juridictionnelle autre que celle de l’Etat contractant, est une pratique courante. C’est en effet à travers l’arbitrage international que les litiges naissant d’un contrat pétrolier sont réglés dans la pratique. Cette garantie fournie au contractant de l’Etat en matière de contrat d’investissement pétrolier en parlant de l’arbitrage international est appelée :
«De l’égalité des armes» entre l’Etat et l’investisseur privé. Cette égalité signifie que le contrat d’Etat est soumis à un système extérieur à la sphère dans laquelle l’Etat parti au contrat a le monopole du pouvoir judiciaire afin que les deux parties soient à égalité devant le juge. Dans la pratique, cette garantie d’égalité est applicable même dans le cas de modification ou d’annulation unilatérale du contrat par l’Etat.
- La clause relative au droit applicable qui implique le fait que les parties disposent ici d’une certaine autonomie pour choisir la loi applicable à leurs contrats, comme d’ailleurs dans le cas des autres contrats internationaux. Il n’est pas rare que la partie étrangère privée choisisse un autre droit applicable que celui de l’Etat hôte afin d’être en mesure de protéger son investissement contre le pouvoir souverain que détient l’Etat contractant sur ses propres lois.
- La clause relative au pouvoir normatif de l’Etat. Du fait de son caractère corollaire à l’intangibilité, elle a pour but de fournir une protection juridique externe à la partie étrangère privée contre la capacité de l’Etat à changer sa propre loi. Elle permet ainsi de différencier les contrats d’Etats stricto sensu des autres contrats de commerce international. Il s’agit d’une assurance donnée par la partie étatique à la partie privée pour assurer la stabilité de son investissement et immuniser le contrat contre l’exercice du pouvoir normatif dans certains domaines tels que la fiscalité et les contrôles environnementaux. Si on regarde dans l’absolu, cette clause n’est pas une immunité absolue, mais plutôt une immunité juridique. Dans un cadre politique, elle peut être contournée. Dans ce contexte, c’est une garantie juridique, mais le Droit ne résiste pas à la force politique.
Depuis l’adoption en janvier 2019, du projet de loi portant Code pétrolier abrogeant et remplaçant la loi n°98-05 du 8 janvier 1998, le Sénégal a orienté sa politique pétrolière sur le contrat de recherche et de partage de production. Les contrats permettent à l’entreprise étrangère de définir le coût des investissements et de pouvoir se rembourser sur la base du coût pétrolier. C’est après cette étape qu’on peut parler de partage de production sur la base du profit pétrolier.
Toutefois, force est de constater que dans l’intérêt de l’entreprise étrangère, cette dernière tend vers la dérive des coûts. Plus le coût est exorbitant, plus la rémunération est désavantageuse pour l’Etat. A cela s’ajoute la nature offshore du pétrole sénégalais qui rend la production plus complexe et par conséquent plus coûteuse. D’où le piège du contrat de recherche et de partage de production.
Toutefois, il peut y avoir des failles dans les contrats pétroliers qui peuvent être exploitées pour obtenir des avantages financiers. Tout d’abord, l’audit du coût pétrolier qui permet de diminuer la lourdeur du remboursement basée sur l’absence du contrôle de la définition dudit coût par l’entreprise privée. Ensuite le non-respect des cahiers de charges par cette dernière sur le contenu local, Rse, Isg.
Enfin le non-respect des critères environnementaux. L’Etat peut, sur la base de taxation, gratter un maximum de revenu.
Yahya Ahmadou SY
Juriste/publiciste
Par Ibou FALL
JE SUIS JOURNALISTE MAIS JE ME SOIGNE
A peine installé, le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, soucieux de venger les gens de peu, s’offre un coup de taloche dans la fourmilière truculente de l’information : les lanceurs d’alerte...
A peine installé, le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, soucieux de venger les gens de peu, s’offre un coup de taloche dans la fourmilière truculente de l’information : les lanceurs d’alerte, apparemment indispensables à la transparence démocratique et la bonne gouvernance, méritent la reconnaissance de la Nation, un statut, une protection spéciale, une stèle, que dis-je, une institutionnalisation.
Sans cette race à part de héros intrépides, apparemment, le pays de Mamadou Bitiké serait une bamboula permanente, où les coquins et les copains se partageraient les entrailles des gens d’en bas et festoieraient impunément de génération en génération.
Pour preuve, l’ancien président de la rue publique, alias Pros, devenu à son corps défendant Premier ministre, Pmos, donnera le ton, pour se lancer à la conquête du pouvoir, en publiant un pavé sur le pétrole sénégalais… Il précise alors, en présentant le p’tit chef-d’œuvre, que c’est quasiment contraint et forcé qu’il se résigne à le publier, la race des journalistes étant tellement corrompue que personne parmi ces crapauds n’oserait publier de telles vérités.
Bien entendu, dans la presse, personne ne se sent vexé : pensez-vous, c’est le Président de la rue publique Ousmane Sonko, alias Pros, soi-même, qui parle…
Et puis, c’est de notoriété publique : nous autres, journalistes, sommes ces vendus, ces corrompus, ces renégats qui ont vendu leur âme, et peut-être même plus, pour trois sous. Pour dire les choses simplement, nous sommes la caste complice du défunt régime qui enterre sciemment les scandales qu’eux, alors hérauts de l’opposition, dénoncent au péril de leur vie, de leur liberté ; nous faisons même pire en cautionnant les sordides complots qui les font jeter en prison, histoire de faciliter le troisième mandat illégitime (et même illégal, c’est selon) de Macky Sall, le Corrupteur suprême.
Bref, depuis le 2 avril 2024, la marée révolutionnaire qui porte au Palais le Président Bassirou Diomaye Faye, promet de réinventer la roue. C’est sans doute cela le «Projet» dont tout le monde parle, mais personne ne sait grandchose…
Bien sûr, parmi les journalistes, il y en a quelques-uns, les rares exceptions, que les réseaux sociaux plébiscitent et élèvent au rang de légendes vivantes. Ces tâcherons de la propagande qui squattent quelques tribunes depuis tout ce temps, défendent hardiment toutes les victimes du mackyavélisme, pourfendent l’arbitraire et l’indécent, dénoncent la corruption tout comme le népotisme, touchent même du doigt l’innommable en fouillant jusqu’en dessous des ceintures, dans les caleçons de ces pervers de gouvernants et leurs obligés. Et tout cela en posant pour la postérité, le côté photogénique de la tronche face à la caméra, fiers du devoir accompli, certains de leur bon droit.
A chacun son bonheur, n’est-ce pas ? Evitons de faire des jaloux en citant des noms… Oui, mais toute cette populace bigarrée ne suffit pas pour contrôler l’opinion. Ça ne le fait pas, même si l’on y rajoute quelques redoutables papoteurs aux envolées psychédéliques, qui trouvent le temps de faire le beau devant les caméras entre deux ventes de poudre de perlimpinpin ou des gags de mauvais goût. C’est vrai, le peuple des influenceurs s’y est également mis… A défaut de vendre de la pacotille, comme les premiers explorateurs devant les indigènes, ces négociants du nouveau millénaire vendent aux Nègres frustes de ces temps farouches en pleine régression, du réconfort à moindre frais, de la revanche à bon marché, de la haine à foison…
Il est si facile de parler à l’émotion épidermique, lorsque l’on s’adresse à des contemporains à la comprenette grippée.
Que dire des brillantissimes auteurs de «contributions», de «tribunes» et d’ «opinions» qui envahissent les journaux pour… alerter le grand public des dangers qui le guettent ? Des pavés sophistiqués qui défont et refont le monde révèlent au passage qu’il y a tant de gens brillants (dont les coordonnées se trouvent au bas de l’article) qui ne sont pas aux postes qu’ils méritent.
J’en oublierais presque les ténors de la Société civile…
Ben voyons, vous savez bien : les trois pelés et deux tondus qui, du haut de leurs Ong, défendent les droits de l’Homme de manière si originale… Résolument postés du côté des incendiaires, ils gagnent grassement leur vie à éteindre des feux qu’ils encouragent à leurs heures perdues. Bien sûr, il y aura toujours quelque journaliste aussi incorruptible que complaisant pour relayer leurs balivernes, au nom de l’humanisme universel, de la démocratie et de la tolérance.
Et des per diem des séminaires de renforcement de capacités.
Là, maintenant, avec la révolution du tandem Diomaye-Sonko, il est temps de gonfler les troupes qui illuminent l’obscurantisme à grand renfort de «lanceurs d’alerte», pour que ces corrompus de journalistes ferment leurs gueules et, à l’occasion, boutique. Ça ne crachera pas sur les révélations à propos du voisin trop riche pour être honnête ; ou celles du beau gosse qui vous fait cocu ; ni sur celles du collègue trop brillant qui occupe le poste de vos rêves.
L’essentiel est d’alerter l’opinion
Dans ma p’tite tête, il me revient deux lanceurs d’alerte : le premier, Zola, qui signe l’un des éditos les plus célèbres de l’histoire, à propos de l’affaire Dreyfus, sous le titre «J’accuse». Le second, sous le pseudonyme de «Gorge Profonde», déclenche l’un des scandales les plus retentissants de l’Histoire américaine qui finit par la démission du Président Nixon. Il finira par lui-même révéler son identité, les journalistes avec lesquels il aura collaboré n’ayant jamais failli concernant le serment de protéger leur source… Ils étaient pourtant face au monstre Amérique.
Ces deux célébrissimes lanceurs d’alerte ont un point commun : c’est par voie de presse qu’ils sont passés.
Informer est, au pire, un banal métier qui apprend au journaliste à discerner ce qui est d’intérêt public et comment le servir à une population dont le niveau d’instruction est inégal.
Au mieux, le journalisme est un sacerdoce, une religion dont la base est le respect de la personne humaine, la sacralité des faits, la publication de la vérité, quoi qu’elle en coûte. Vous voulez savoir quelle est la différence entre un lanceur d’alerte et un journaliste ? Le lanceur d’alerte, quand il vous désigne du doigt la plaie, il fait tant et si bien qu’au lieu de vous informer, vous ne pouvez que contempler sa tronche qu’il promènera sur tous les plateaux de télé en vous exclamant : «Quel héros !» Ben, le journaliste, quand il vous révèle la même info, ça se fait si simplement que vous en oublierez de regarder la signature, parce que son auteur fait tout pour ne pas exister, histoire de ne pas vous faire oublier ce qu’il vous a appris…
Par Ibrahima Thiam
PR MARY TEUW NIANE, VOUS PERMETTEZ…
La laïcité, profondément enracinée dans le tissu socio-politique du Sénégal, est l’un des piliers de notre démocratie.
La thèse avancée par le Pr Mary Teuw Niane, suggérant que la laïcité est un concept étranger à la culture sénégalaise, peut être réfutée en examinant attentivement la situation socio-politique et historique du Sénégal.
Tout d’abord, il est crucial de reconnaître que la laïcité n’est pas une importation étrangère imposée au Sénégal, mais plutôt un choix délibéré et réfléchi inscrit dans le cadre de la construction de l’État sénégalais. En effet, la laïcité est explicitement mentionnée dans l’article premier de la Constitution de la République du Sénégal, affirmant ainsi son importance dans l’identité nationale et politique du pays.
Pour comprendre l’impact et la pertinence de la laïcité au Sénégal, il est important d’examiner les raisons historiques qui ont conduit à son adoption. Au moment de l’indépendance du Sénégal en 1960, le pays était confronté à un héritage colonial complexe, marqué par une diversité religieuse et ethnique. Dans ce contexte, l’adoption de la laïcité était une décision stratégique visant à garantir l’égalité des droits pour tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse, et à promouvoir la cohésion sociale dans une nation multiconfessionnelle.
De plus, contrairement à ce qu’affirme le Pr Mary Teuw Niane, la laïcité n’est pas uniquement un concept français. Bien que la France ait été pionnière dans sa mise en place, d’autres pays européens, tels que la Suède, la Tchéquie et la Slovénie, ont également inscrit des principes de séparation de l’Église et de l’État dans leur constitution. Ces exemples montrent que la laïcité est une norme internationale acceptée et respectée, et non une spécificité culturelle ou politique exclusive à la France.
En outre, il est important de souligner que la laïcité n’a pas pour objectif de couper les liens entre la religion et la société, mais plutôt de garantir la liberté de religion pour tous les citoyens, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de choisir sa confession . Au Sénégal, où la religion joue un rôle central dans la vie quotidienne et la culture, la laïcité permet de préserver la neutralité de l’État et d’assurer un traitement équitable pour toutes les confessions religieuses.
Enfin, remplacer la laïcité par une autre formulation dans la constitution comme le suggère le Pr Mary Teuw Niane, pourrait entraîner des complications juridiques et politiques, ainsi que des tensions interreligieuses. La laïcité est un principe fondamental qui garantit la liberté de conscience et le pluralisme religieux, et sa remise en question pourrait compromettre ces valeurs démocratiques essentielles. Le Sénégal peut faire l’économie d’une telle crise et il est de notre devoir à tous de prévenir de nouveaux soubresauts.
Enfin la laïcité n’est pas un tabou étranger à la culture sénégalaise, mais plutôt un principe constitutionnel important qui contribue à la cohésion sociale, à la démocratie et au respect des droits fondamentaux dans le pays.
J’invite donc le Professeur Mary Teuw Niane à se consacrer à sa mission de directeur de cabinet auprès du président Diomaye Faye, plutôt que de s’engager dans des actions visant à déstructurer un pilier aussi fondamental de notre cohésion sociale qu’est la laïcité.
Notre pays a besoin d’unité, d’apaisement, et surtout pas d’agiter un brûlot susceptible de mettre le feu aux poudres et la population dans la rue.
Ibrahima Thiam,
Président du mouvement Autre Avenir
Par Amadou Tidiane WONE
SABOTAGE, INCOMPÉTENCE OU DÉSINVOLTURE ?
Le premier gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, est confronté à un défi majeur : celui de réaliser des changements significatifs tout en répondant aux besoins urgents et essentiels des populations.
« Réparer l’avion tout en le pilotant ». Une idée saugrenue ou une contrainte circonstancielle ? Tout semble indiquer que nous nous trouvons dans ce cas de figure depuis le 24 mars 2024, date où le peuple sénégalais a décidé, souverainement, de changer d’équipage ! Pari risqué ? Non. Décision lucide et déterminée, quant à l’urgence d’une reprise en mains du vol « Sénégal », de jour en jour plus déglingué par des choix économiques hasardeux. Notamment en termes d’endettement excessif à des conditions désavantageuses, avec une série d’enrichissements illicites… industriels ! Tout cela au préjudice du trésor public et des ressources foncières et naturelles nationales. Pour les nouvelles autorités, en charge de faire atterrir, et redécoller le pavillon Sénégal, il n’y a qu’une seule option : réparer en plein vol, pour parer au plus pressé !
L’impératif d’opérer des ruptures en vue d’innover, pour obtenir des résultats structurants dans la durée et, dans le même temps, devoir satisfaire les attentes immédiates et incompressibles de populations presque au bout du rouleau, est le défi qui s’impose au premier gouvernement du Président Bassirou Diomaye FAYE sous la conduite du Premier ministre Ousmane SONKO.
Comment rattraper les retards accumulés en initiant les transformations structurelles qu’exige l’anticipation sur la satisfaction des besoins immédiats, sans compromettre durablement le bien-être et la sécurité des générations à venir ?
Cette question, manifestement, n’a pas trop préoccupé les dirigeants sortants qui nous ont endettés en euro bonds à des taux, à la limite usuraire, pour satisfaire des dépenses de prestige. Regardez les tableaux suivants : sans être économiste on comprend aisément que les trois prochaines années seront très difficiles et qu’il va falloir apprendre à se serrer la ceinture, après l’avoir bien attachée, pour atterrir en douceur et redécoller en toute sécurité.
D’ici là tous ceux qui ont profondément désiré, lutté et voté pour le changement, doivent mutualiser leurs intelligences et leurs réseaux pour alimenter en idées, projets, initiatives et entreprises les modalités de la transformation de notre pays au sein d’une Afrique décomplexée et conquérante ! Aucun autre horizon ne saurait répondre aux ambitions affichées de la jeunesse africaine. Aucune ambition personnelle ne vaut le naufrage collectif qui nous attend si nous ne prenons, pas ici et maintenant, le taureau par les cornes.
Et que personne ne s’engage dans une logique de partage du gâteau dont il ne reste que des miettes. La quête effrénée de postes, d’avantages ou de prébendes, doit céder le pas au « don de soi pour la patrie » ! C’est la rupture minimale à la portée de chacun d’entre nous.
Tel est le cap que doivent maintenir, solidement, les véritables hommes et femmes politiques qui se sont battus, de toutes leurs forces, depuis une dizaine d’années. Sous ce rapport, aucune pression ne doit départir les nouvelles autorités de leur sérénité. Rien ne doit les distraire de la ligne d’horizon de la mission et des objectifs supérieurs à atteindre.
Comme nous l’a rappelé Henry Ford : « Quand tout semble aller contre vous, rappelez-vous que l’avion décolle contre le vent, pas avec lui. » C’est donc contre toutes les forces réactionnaires d’où qu’elles viennent qu’il faut rassembler les forces du changement dans une solidarité agissante pour soutenir, ce que je considère comme, la véritable première alternance politique de notre pays.
Transformons l’essai et passons le témoin. Dix ans passent très vite !
Par Abdou Karim GUEYE
LES INSPECTIONS GÉNÉRALES ET DES LANCEURS D’ALERTE- LEÇONS APPRISES D’EXPÉRIENCES COMPARÉES
C'est un concept qui promeut des principes solides de surveillance des comportements répréhensibles au sein des organisations publiques et privées... Il existe divers modèles conformes aux systèmes juridiques nationaux et aux tentatives de normalisation..
"…Les efforts d'éducation et de sensibilisation contribueront à garantir que les lanceurs d'alerte soient habilités à faire des divulgations licites, et que ces divulgations continueront de contribuer aux efforts des Bureau des Inspecteurs généraux à réduire le gaspillage et à améliorer les programmes gouvernementaux." Conseil des Inspecteurs généraux pour l’Efficience et l’Intégrité (CIGE)-USA
Contextualisation
Le concept de lanceurs d’alerte consacre de très bons principes de surveillance des mauvaises conduites pouvant survenir au sein des organisations publics et privés, voire de gouvernement en général. Il existe de nombreux modèles selon les systèmes juridiques en vigueur et selon les pays , mais aussi des tentatives de normalisation à l’échelle internationale ; ce sont là des aspects importants sur lesquels nous nous proposons de revenir nourris par notre expérience d’Inspecteur général d’Etat sénégalais, membre de l’Association des Inspecteurs généraux des Etats Unis et « Scholar Visitor » sur des thèmes de vérification les plus variés. Ce modèle à des originalités que nous présentons, lesquelles peuvent enrichir les débats entamés dans ce pays. Aussi, c’est normal, existe-t-il des spécificités entre les modèles et législations, par exemple
européens ou américains, etc. A cet égard, pour le Sénégal et les africains en général, le défi demeure de penser par eux-mêmes et pour eux-mêmes ; adapter et non adopter. Cela peut s’avérer difficile sans une recherche plurielle et décomplexée nourrie par l’expérience du terrain, des faits et des réalités.
Au total, une opérationnalisation efficace et pertinente d’un système de whistleblowing (lanceurs d’alerte) invite à prendre en compte plusieurs exigences. Cependant, nous avons
délibérément réservé les développements de cet article à l’exemple américain et à cet égard, aux relations étroites qui existent entre le système d’Inspection générale et celui des
whistleblowers (lanceurs d’alerte.) En conséquence, cet article traite des relations entre les bureaux des Inspecteurs généraux aux Etats Unis et les whistleblowers communément appelés « Lanceurs d’alerte » dans le monde francophone.
Aux Etats Unis, une loi de 1978 modifiée institue des Inspections générales dont l’Inspection générale fédérale, des Inspections générales par départements, parfois par secteurs, thèmes, ou domaines (grands travaux, ponts et chaussées, aide étrangère, etc.), parfois même temporaires (Inspection générale pour la surveillance de la crise bancaire dite Bail out, Inspection générale pour la Guerre d’Irak, les travaux de reconstruction des Twin Towers avec des particularités, fonds spéciaux, etc.). Ces Inspections générales sont créées aussi bien au niveau de la branche législative que de la branche exécutive. Le terme consacré est « bureau de l’Inspecteur général » consacrant là une autorité indépendante en charge de missions d’audit et de surveillance (oversight), d’enquêtes destinées à détecter et à signaler les gaspillage, la fraude et les abus et la corruption au sein des entités relevant de leur juridiction.
La loi existante leur octroie les attributions suivantes : (1) superviser les agences le biais d'audits, d'enquêtes (au sens d’oversight en anglais) et d’évaluations ; (2) promouvoir
l'économie, l'efficience et l'efficacité des programmes et des opérations (optimisation des ressources – Value For Money) tout en prévenant et en détectant la fraude et les abus, (3) tenir les dirigeants d’entités vérifiées pleinement informés des problèmes et des carences constatées. De nombreux manuels, guides et instructions détaillent ces différents aspects. En simplifiant un peu, au-delà des audits et évaluations, retenons qu’aux Etats Unis les Bureaux des Inspecteurs généraux sont des enquêteurs chargés de détecter des fraudes, les abus, les gaspillages, les faits ou actes de corruption et de faire des recommandations. Outre la loi sur les Inspecteurs généraux, en 1989 sur la protection des lanceurs d’alerte et une nouvelle version intervenue en 2012. Cette dernière vise à renforcer la protection des lanceurs d'alerte ; en l’occurrence les employés fédéraux qui signalent des gaspillages, des fraudes et des abus dans les opérations gouvernementales.
Relations et partenariats entre les lanceurs d’alertes et les Inspecteurs généraux (USA)
Dans le système américain, les lanceurs d’alerte (whistleblowers) sont des partenaires clés des Bureaux des Inspecteurs généraux (OIG en anglais) dans leur travail de surveillance étant entendu que les révélations des lanceurs d’alerte peuvent déclencher des audits et des enquêtes sur des faits de mauvaise conduite présumée et liée aux contrats ou aux subventions, des actes ou faits de corruption ou de gaspillages estimés excessifs. Selon les cas, ces lanceurs d’alerte peuvent être des employés, des entrepreneurs, sous-traitants, bénéficiaires, etc. En conséquence, la loi américaine responsabilise les Inspecteurs généraux qui peuvent recevoir et enquêter sur toute dénonciation ou sur toute plainte de représailles d’un lanceur d’alerte. A cet égard, selon la loi sur les Inspecteurs généraux, peuvent recevoir et enquêter sur (1) des dénonciations et divulgations faites par les employés ou tiers constituant une violation possible de la loi, des règlementations ou des cas de mauvaise gestion, de gaspillages flagrants de fonds publics, un abus de pouvoir ou un danger substantiel et spécifique pour la santé et la sécurité publiques ; (2) des informations des lanceurs d’alerte via un formulaire de réception sur le site Web de l’OIG, une ligne d’assistance téléphonique (Hotlines) par appels ou emails des lanceurs d’alerte. Il peut exister des spécificités selon les Inspections générales et les « Politiques de Whistleblowing », lesquelles font l’objet de nombreuses documentations, guides, manuels selon les Inspections générales et au sein d’entités ayant officialisé de telles politiques rappelant des normes ou bonnes pratiques recommandées ou officialisées. Il convient de relever les Inspecteurs généraux n’étaient pas tenus de donner suite à ces requêtes provenant de lanceurs d’alertes et de fournir des rapports aux dénonciateurs. Il existe aussi et parallèlement un Bureau du conseiller spécial compétent en la matière, car en plus de signaler une mauvaise conduite auprès du Bureau de l’Inspecteur général, les employés du pouvoir exécutif peuvent déposer des déclarations de dénonciation auprès dudit Bureau du Conseiller spécial, une agence fédérale indépendante investie de la mission de renforcer la protection des lanceurs d’alerte. Lorsque ce bureau conclue dénonciation faite justifie une enquête, il transmet les allégations à la structure concernée tout en exigeant que la structure produise un rapport d’enquête à son attention. Ces enquêtes ainsi référées peuvent être traitées par l‘Inspecteur général compétent. De nombreux référentiels ont été publiés par divers acteurs et parties prenantes pour une bonne gestion des dénonciation de la réception des allégations au traitement des dossiers, par exemple des méthodes de triage, etc.
Coordonnateurs de la protection des lanceurs d’alerte
Les Bureaux des Inspecteurs généraux régis par la loi de 1978 modifié sont tenus de désigner en leur sein un Coordonnateur en charge de la Protection des Lanceurs d’alerte qui leur est confiée. Ces coordonnateurs sont ainsi des sortes de correspondants et assistent l'Inspecteur général par des activités et tâches tendant à faciliter la communication avec les lanceurs d'alerte, d’autres parties prenantes et le Congrès1 . Ils jouent donc le rôle d’instances chargées de traiter Une particularité des Inspections générales aux USA est ce rattachement fonctionnel tant aux entités qu’au Congrès les plaintes, les dénonciations, d’activités de sensibilisation et d’information sur la législation en matière de whistleblowing, sur les droits, de conseil, souvent de façon confidentielle, pour permettre une meilleure compréhension du système, des processus de saisine, etc. Ils peuvent aussi servir de point de contact avec le Congrès (avec cette particularité susvisée d’Inspections générales aux Etats Unis qui rendent aussi compte de leurs travaux au Congrès et à l’Exécutif.)
En conclusion, cet article a traité d’un point particulier étant entendu que la loi sur les lanceurs d’alerte aux Etats Unis s’applique à de nombreuses autres questions liées. En outre, une juste appréciation d’une telle législation, des bonnes pratiques et référentiels induits commanderait de prendre en compte d’autres aspects tout aussi importants, notamment la protection des citoyens contre les fausses dénonciations ou réclamations comme le False Claim Act des Etats Unis le prévoit, le rôles des Hotlines, et la contribution de tout un système de management avec des techniques et technologies de dénonciation, en l’occurrence les Hotlines, la possibilité pour des parties prenantes de se porter partie civile, etc. En principe, une nouvelle législation et un tel système devraient ouvrir d’autres chantiers brièvement cités.
Dr Abdou Karim GUEYE
DBA/MBA/ENAM/Faculté de droit, UCAD
Inspecteur général d’Etat à la retraite
Ancien Directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature
Consultant international en management public,
nouvelle gouvernance, surveillance et Transformation publique.
Par Meissa DIAKHATE
LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DU PREMIER MINISTRE EST-ELLE MENACÉE ?
La motion de censure est un outil politique puissant par lequel l'Assemblée nationale peut contraindre un gouvernement à démissionner. C'est un moyen par lequel elle exprime son désaccord, voire son opposition, à l'égard de la politique gouvernementale.
L’une des vertus de la séparation des pouvoirs est de garantir la liberté par la limitation mécanique des pouvoirs politiques. A cet égard, les régimes démocratiques d’obédience parlementaire préconisent une séparation souple des pouvoirs en instaurant des moyens d’actions réciproques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. La motion de censure figure au rang de ces moyens politiques violents par lequel l’Assemblée nationale peut forcer un Gouvernement à démissionner. Par cette arme parlementaire, elle manifeste sa désapprobation voire son hostilité à l’égard de la politique du Gouvernement. En remontant le cours de l’histoire parlementaire sénégalais, il n’est pas exagéré de qualifier les différentes initiatives parlementaires d’activismes politiques dont les effets sont assurément inopérants. Cela nous instruit à examiner la motion de censure à travers, d’une part, son bilan dérisoire (I) et, d’autre part, son effet illusoire (II).
I/ Un bilan dérisoire
En 60 ans de vie parlementaire, le Sénégal n’a connu que quelques épisodes de motion de censure.
i) En 1998, une motion de censure a été servie au Gouvernement du Premier Ministre Mamadou Lamine LOUM par le Groupe parlementaire «Démocratie et Liberté». Elle faisait suite à la rupture de lien de solidarité entre Djibo Leity KA, qui a introduit le texte, et sa famille politique, le Parti socialiste (PS) majoritaire à l’Assemblée nationale. Sans surprise, la motion de censure a fini par être rejetée.
ii) En 2001, le député Moussa TINE du parti JëfJël se lança dans l’aventure en déposant une motion de censure contre Mme le Premier Ministre Mame Madior BOYE sur le problème des bons impayés aux paysans. Cette initiative a été également compromise par la majorité parlementaire autour du PDS.
iii) En 2012, des députés de l’opposition avaient déposé une motion de censure pour contraindre à la démission le Premier Ministre Abdoul MBAYE. Ils reprochaient à ce dernier d’avoir blanchi de l’argent de l’ex-Président tchadien, Hissène HABRE, au niveau d’une institution financière installée au Sénégal qu’il a dirigée de 1989 à 1997. Devant l’Assemblée nationale, il avait totalement réfuté toute accusation de blanchiment d’argent et encore plus de recel mais avait affirmé qu’il assumait totalement et entièrement l’ouverture du compte d’HABRE après avoir pris toutes les précautions d’usage concernant un Ancien Chef d’État et en avoir informées les autorités de l’époque. Le Premier Ministre avait alors estimé que la motion de censure n’avait qu’un seul but, à savoir détourner l’attention des Sénégalais de la politique d’assainissement en cours des affaires publiques. A l’issue des débats, la motion de censure avait été encore rejetée.
iv) En 2023, une motion de censure est dirigée contre le Gouvernement du Premier Ministre Amadou BA. Là encore, l’audace du Député Birame Soulèye DIOP du Parti des Patriotes africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF- les Patriotes) et de son Groupe parlementaire n’a pas également prospéré devant une majorité parlementaire sous contrôle.
A l’arrivée, toutes les déclarations de politique générale sont sorties indemnes des motions de censure grâce à des majorités parlementaires solidaires. Une seule motion de censure aura produit un effet. On était en 1962 avec le renversement du Gouvernement de Mamadou DIA, bien entendu en dehors d’une séance de déclaration de politique générale mais à l’occasion d’une proposition des députés visant à s’octroyer des augmentations de salaire sur fond de mésentente entre le Président de la République, Léoplod Sédar SENGHOR, et le Président du Conseil, Mamadou DIA. Lors du vote le 17 décembre lors du vote de la motion, le Président DIA a fait évacuer l’Assemblée nationale par la Garde républicaine et la Gendarmerie. Sur réquisition du Président Léopold Sédar SENGHOR, un détachement de para-commandos sous les ordres du capitaine Faustin PREIRA ont libéré les quatre députés arrêtés (Maguette LO, Moustapha CISSE, Abdoulaye FOFANA, Ousmane NGOM). Il s’en était suivi, le 17 décembre 1962, l’arrestation du Président du Conseil, Mamadou DIA, et quatre autres membres du Gouvernement (Valdiodio NDIAYE, Ministre des Finances, Ibrahima SAR, Ministre du Développement, Joseph MBAYE, Ministre des Transports et des Télécommunications, Alioune TALL, Ministre délégué à la Présidence du Conseil chargé de l’Information). C’est dans cette tourmente que la motion de censure a été votée non pas à l’Assemblée nationale mais au domicile du Président de l’institution parlementaire, Maître Lamine GUEYE, devenu la «Maison de l’Avocat» sise au Boulevard de la République. Au total, le bilan n’est pas reluisant. Les motions de censure contre les déclarations de politique générale du Premier Ministre ont été, au principal, des moments d’activisme parlementaire. Mais, c’est bien la configuration actuelle de l’Assemblée nationale parlementaire qui constitue une nouvelle donne. Aujourd’hui, le Gouvernement ne jouit pas d’une majorité politique à l’Assemblée nationale.
II/ Un effet illusoire
La motion de censure est principalement consacrée à l’article 86 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001, modifiée dont les dispositions sont reprises dans la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Il en ressort que la déclaration de politique générale peut entraîner la démission du Gouvernement soit à l’initiative du Premier Ministre soit à l’initiative d’un dixième des membres composant l’Assemblée nationale (17 députés signataires). Dans le premier cas, la Constitution prévoit que «le Premier Ministre peut, après délibération du Conseil des Ministres, décider de poser la question de confiance sur un programme ou une déclaration de politique générale. Le vote sur la question de confiance ne peut intervenir que deux jours francs après qu’elle a été posée. La confiance est refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Le refus de confiance entraîne la démission collective du Gouvernement». Dans le second cas, la Constitution dispose que «l’Assemblée nationale peut provoquer la démission du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. La motion de censure doit, à peine d’irrecevabilité, être revêtue de la signature d’un dixième des membres composant l’Assemblée nationale. Le vote de la motion de censure ne peut intervenir que deux jours francs après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale. La motion de censure est votée au scrutin public, à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale ; seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure. Si la motion de censure est adoptée, le Premier Ministre remet immédiatement la démission du Gouvernement au Président de la République».
Ces dispositions appellent notre attention sur la maîtrise du délai de la déclaration de politique générale par le Premier Ministre et le pouvoir du Président de la République d’assurer la survie du Gouvernent démis. Le Premier Ministre tient la montre en matière de déclaration de politique générale ! C’est ce qu’en dit expressément l’article 55 de la Constitution : «Après sa nomination, le Premier Ministre fait sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d’un débat qui peut, à la demande du Premier ministre, donner lieu à un vote de confiance». A la lecture des dispositions précitées, le Premier Ministre n’est plus enfermé dans un délai pour se soumettre à la déclaration de politique générale. Il lui appartient d’en déterminer le meilleur moment, certainement dans la limite d’un délai raisonnable. Cela pourrait intervenir même au-delà de juin 2024. Selon la rédaction initiale de la loi n° 2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, dernier alinéa de l’article 98 : «La déclaration de politique générale doit intervenir au plus tard trois (03) mois après l’entrée en fonction du Gouvernement. L’Assemblée nationale doit en être informée huit (08) jours au moins avant la date retenue». Par la loi n° 2019-14 du 28 octobre 2019 modifiant et complétant la loi organique n° 2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, modifiée, l’Assemblée nationale a abrogé, tirant les conséquences de la suppression du poste de Premier Ministre en 2019, l’article 97 (Chapitre 22 : Déclaration de Politique générale) , l’article 98 (Chapitre 23 : Questions de confiance) et l’article 99 (Chapitre 24 : Motion de censure) de sorte que la version officielle du RIAN ne comporte plus aujourd’hui de dispositions concernant l’engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale. Comment cela at-il pu se réaliser ? S’agit-il d’un oubli en dépit du retour du poste de Premier Ministre ? A ce propos, on peut comprendre pourquoi au début de la XIV Législature, des députés ont tenté, en dehors de la procédure constitutionnellement fixée, de modifier le règlement intérieur qui est pourtant une loi organique.
En plus de contrôler le délai, le Premier Ministre détient, au titre de l’article 85 de la Constitution, un privilège en matière de procédure législative. Ainsi, «l’inscription, par priorité, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale d’un projet ou d’une proposition de loi ou d’une déclaration de politique générale, est de droit si le Président de la République ou le Premier ministre en fait la demande». Mieux pour le «nouveau» Gouvernement, «une motion de censure ne peut être déposée au cours de la même session»
D’où, l’intérêt de tenir la déclaration de politique générale au-delà de la session ordinaire unique 2023-2024 dont la clôture est prévue le 30 juin 2024. A coup sûr, cela éviterait à l’actuel Gouvernement d’essuyer une seconde motion de censure durant la prochaine session ordinaire unique (2024-2025). Bien plus, l’opposition, présentement majoritaire à l’Assemblée nationale, aura sans doute l’intelligence, de ne pas renverser le Gouvernement à une date qui lui sera également fatale. Car en mi-septembre 2024, soit à l’expiration des «deux premières années de la législature», «le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale (…). Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Le scrutin a lieu soixante (60) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus après la date de publication dudit décret ».
Par ailleurs, une dissolution ainsi réfléchie n’aurait-elle pas une conséquence inattendue sur l’adoption du projet de loi de finances de l’année 2025 ? Le Président de la République ne pourrait-t-il, avec l’onction du Conseil constitutionnel, recourir aux ordonnances pour mettre en vigueur le projet de loi de finances ? L’autre considération de taille, c’est qu’au lendemain du vote de la motion de censure, le Président de la République a le pouvoir de renouveler sa confiance au Gouvernement strictement composé à l’identique, c’est-à-dire sans aucun changement. Il s’agirait d’une simple reconduction du Premier Ministre, des ministres et des secrétaires d’Etat. Par conséquent, la destitution du Gouvernement par la censure d’une politique générale est sans effet utile. Certes, le Gouvernement est politiquement désavoué mais sa survie n’est pas juridiquement compromise. Au bout du compte, le Président de la République a le dernier mot en cas de destitution du Gouvernement à travers l’adoption d’une motion de censure dirigée contre la déclaration de politique générale du Premier Ministre. En attendant la réalisation d’une telle hypothèse, chaque état-major parlementaire est libre de faire peur à l’autre en jouant sur une corde raide de la déclaration de politique générale du Premier Ministre.