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29 novembre 2024
Opinions
par El hadji Gora Sène et Khalifa Ababacar Tall
DE LA GESTION DES DOCUMENTS ADMINISTRATIFS ET ARCHIVES
Malgré un arsenal juridique solide, la gestion des documents administratifs et archives dans l'administration publique sénégalaise souffre de nombreuses insuffisances qui nuisent à la transparence et au contrôle de l'action publique
El hadji Gora Sène et Khalifa Ababacar Tall |
Publication 03/05/2024
Un pilier essentiel à la mise en œuvre du « Jub, Jubal, Jubbanti » (Transparence et Bonne gouvernance)
L'élection de monsieur Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République du Sénégal a replacé dans le débat public les questions de la bonne gouvernance, de la transparence et de la reddition des comptes dans la gestion des affaires publiques. Rappelons aussi que lors de la campagne électorale, le candidat Bassirou Diomaye Faye avait fait de ces questions son thème de prédilection. Une fois élu, le président Faye porte un discours qui traduit une volonté affichée de faire de la reddition des comptes un impératif et de la transparence une obligation, d’où le triptyque « Jub Jubal Jubbanti ».
La bonne gouvernance, transparence et la reddition des comptes font partie des cinq orientations majeures du « Projet de transformation systémique du Sénégal » qui est le nouveau référentiel des politiques publiques. Ce changement s'inscrit en droite ligne avec les principes de la Constitution qui proclame dans son préambule que le Sénégal affirme « son l’attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques, ainsi qu’au principe de bonne gouvernance ».
Par ailleurs, face à un environnement économique difficile et des urgences sociales, le Sénégal se voit contraint de prendre des mesures visant à instaurer la bonne gouvernance, et l’efficacité et l’efficience dans la gestion des ressources publiques.
Les dispositifs de bonne gouvernance, de transparence et de reddition des comptes s’appuient sur plusieurs outils dont les documents administratifs et archives. Ces derniers découlent des activités de l’administration et reflètent la façon dont les affaires publiques ont été conduites et gérées par les agents de l'Etat. D’où les précieuses sources d’information qu’ils constituent pour les organes de contrôle (audits) et les citoyens (accès à l’information administrative).
Ainsi, il est pertinent d’aborder et de montrer la contribution d’une gestion optimale des documents administratifs et archives au développement d’une culture de bonne gouvernance dans l'administration publique sénégalaise.
Clarification conceptuelle des archives et des documents administratifs
À tort, le périmètre des archives et des documents administratifs a tendance à être élargi à tous les documents produits ou reçus par les organismes publics et les institutions étatiques. D’où la nécessité de préciser ces deux concepts. Compte tenu de leur importance dans les administrations publiques et dans le but de délimiter leur champ d’application, leur définition est généralement donnée dans les dispositifs juridiques nationaux qui leur sont dédiés.
Ainsi, dans son article premier, la loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs définit les archives comme suit : « Les archives sont constituées par l’ensemble des documents, quels qu’en soient la nature, la date, la forme ou le support matériel, produits ou reçus par une personne physique ou morale dans le cadre de son activité publique ou privée. Les archives sont soit publiques, soit privées »[1].
Cette définition englobe les trois catégories d’archives à savoir les archives courantes (utilisées régulièrement pour la gestion quotidienne des affaires), les archives intermédiaires (consultées épisodiquement à titre de référence ou de preuve) et les archives historiques (conservées pour constituer la mémoire). Elle prend aussi en compte les documents et supports numériques (information numérique, sites et pages web, courriers électroniques, bases de données, les fichiers multimédias, etc.)
S’agissant des documents administratifs, la loi d’archives susmentionnée précise en son Article 21 que : « Les documents administratifs sont constitués par l’ensemble des documents produits ou reçus, dans l’exercice de leurs activités par les autorités administratives à savoir l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics, les sociétés nationales, les sociétés à participation publique et les organismes privés chargés de la gestion d’un service public ou investis d’une mission de service public».
À l’image des archives, les documents administratifs peuvent être physiques ou numériques. Plus précisément, ils sont constitués par « les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions »[2].
Les documents administratifs et archives : des outils de management public
Selon Nicolas Charest, « le management public consiste en un ensemble de processus et d'outils visant à atteindre une performance optimale d'une organisation vouée au service public [3]».
Dans l’objectif d’atteindre la « performance optimale », le management public mobilise des outils et fonctions supports parmi lesquels figurent les ressources informationnelles dont une des composantes sont les documents administratifs et archives. Ces derniers, à la fois information et supports d’information, représentent un enjeu stratégique et constituent des moyens d’action pour les autorités administratives. Comme mentionné plus haut, les documents administratifs et archives constituent et conservent les traces de l’activité des organismes publics (et privés délégataires d’un service public) et celles de la gestion des affaires dont ils ont la charge. D’où les fonctions informative, administrative et justificative des documents administratifs et archives. Lesquelles fonctions sont essentielles à la gestion des affaires publiques.
D’abord, les documents administratifs et archives contiennent des informations fiables, validées, actualisées et stratégiques qui sont indispensables au traitement des dossiers et à la prise de décision (fonction informative). Ensuite, ils constituent les documents et dossiers nécessaires à la gestion courante des affaires et à la continuité de l’activité des autorités administratives (fonction administrative). Et enfin, ils ont une valeur probante ou juridique. Ce qui leur permet de justifier des droits et obligations ou d’éclairer des actes posés dans le cadre de l’action administrative (fonction justificative). Au vu de ces trois fonctions, les documents administratifs et archives demeurent des outils essentiels au management public et qui concourent à son objet qu’est l’atteinte de la performance optimale.
Par ailleurs, les trois fonctions susmentionnées des documents administratifs et archives, au-delà de leurs perspectives managériales, renforcent l’obligation légale qu’est la conservation des documents administratifs et archives par les organismes publics et organismes privés investis d’un service public. En outre, la conservation des documents administratifs et archives permet aux organes de contrôle de mener à bien leur travail et aux citoyens de jouir de leur droit d’accès à l’information administrative. D’où leur pleine contribution à la transparence et à la bonne gouvernance.
La gestion des documents administratifs et archives : un gage de transparence et de bonne gouvernance
La transparence renvoie à la qualité d’une organisation qui informe sur son fonctionnement, ses actions, ses décisions, ses résultats et ses projets.[4] C’est une condition sine qua non aux dispositifs de reddition des comptes et de redevabilité. Dans le sens où sa réalisation repose sur l’accès à l’information, l’archiviste devient un acteur clé dans ce processus. Celui-ci exerce, en effet, trois activités qui servent de leviers essentiels à la transparence. Il s’agit de la sécurisation des données et documents liés à la gestion administrative et financière, leur classement pour une facilité de repérage et la réponse aux demandes de communication conformément aux dispositifs juridiques.
Promotion de la redevabilité par la conservation des documents
Les dispositifs légaux obligent l’administration et ses composantes à conserver pendant une période de dix ans les pièces justificatives des opérations de recettes, de dépenses, de trésorerie et de patrimoine. Cette prescription est notamment énoncée dans l’Acte uniforme de l’OHADA du 26 janvier 2017 relatif au droit comptable et à l’information financière, dans la loi n° 2008-08 du 25 janvier 2008 sur les transactions électroniques ainsi que dans le décret n° 2020-978 portant Règlement général sur la Comptabilité publique.
Dans cette logique, l’archiviste assure la disponibilité des archives et des documents administratifs jusqu’à l’expiration de leur délai de conservation. Pour ce faire, un outil comme le calendrier de conservation est proposé dans le champ archivistique. Il répertorie tous les types de documents de l’administration, fixe la durée de conservation pour chacun d’entre eux et définit le sort final à la fin de cette période. Les conditions de protection de l’intégrité physique et intellectuelle des documents sont aussi prises en compte en termes d’équipements, de locaux et d’environnement.
L’enjeu est d’assurer la traçabilité des actes administratifs pour contrecarrer les pertes de données et les destructions incontrôlées de documents qui compromettent la revue documentaire des organes de contrôle.
L’apport du classement des documents au contrôle administratif
L’administration produit et reçoit une grande quantité de documents dont la gestion, dans la plupart de ses démembrements, souffre de dysfonctionnements et d’insuffisances. Il s’agit particulièrement d’absence de modes de classement (thématique, numérique, chronologique), de déficit d’équipements et de locaux adaptés. C’est ce qui ressort du dernier rapport public de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) publié en 2015. Or ces manquements constituent de réels obstacles à la redevabilité et à la reddition des comptes.
À cet égard, la mise en place de systèmes de records management peut trouver un écho favorable au sein des services étatiques. Dans cette démarche, l'archiviste intervient dès la création ou la réception du document pour appliquer les premières actions d’enregistrement, de classement et d’indexation. En plus, le plan de classement, conçu en fonction des activités générant les documents, attribue à chaque dossier un emplacement précis suivant une structure logique et hiérarchique. Il en résulte une maîtrise de la production documentaire et un repérage instantané lors des recherches subséquentes.
L’accès à l’information dans une gouvernance transparente
Les services d’archives sont des médiateurs entre l’administration et les citoyens en garantissant l’accès et la diffusion des archives et documents administratifs au public soucieux de s'informer sur la conduite des politiques publiques. Conformément à la loi n°2012-22 portant Code de transparence dans Gestion des Finances publiques, l’administration est incitée à publier « dans des délais appropriés, les informations sur les finances publiques. » et d’informer régulièrement le public « sur les grandes étapes de la procédure budgétaire, leurs enjeux économiques et sociaux ».
Dans cette perspective, la mise en ligne de produits et services sur Internet (sites web, portails documentaires, réseaux sociaux, etc.), les publications en ligne et sur papier (ouvrages, guides des archives, articles de presse, etc.), la formation et la sensibilisation (expositions, journées portes ouvertes, séminaires) sont des nouveaux canaux pour élargir le champ de la diffusion de l’information.
Au sein des services d’archives, l’accès aux documents est libre et gratuit. Il s’organise autour de l’instrument de recherche permettant d’identifier et de repérer les documents recherchés, et de l’autorisation légale qui prend en compte les délais de communicabilité et la protection de la vie privée. Cependant, les professionnels des archives sont tenus de trouver le juste équilibre afin de protéger les intérêts publics et privés sans compromettre le droit à l’information.
Cette démarche proactive crée une relation de confiance entre l’administration et les usagers et participe à la formation de citoyens informés et conscients, capables de formuler des opinions constructrices sur les questions politiques, économiques et sociales
La nécessité de valoriser la gestion des documents et des archives dans l’administration publique sénégalaise
Comme démontré dans les précédentes parties de ce texte, la gestion des archives et des documents administratifs est un pilier essentiel à la gestion des affaires publiques, à la bonne gouvernance et à la transparence. D’où l’enjeu stratégique qu’elle représente pour les pouvoirs publics et les citoyens.
Cependant, il faut souligner que l’Administration publique sénégalaise connaît de nombreux manquements en matière de gestion des documents et des archives (non-respect de la législation et des textes en vigueur, absence de contrôle, insuffisance des moyens humains matériels et financiers, manques de compétences professionnelles, absence de référentiels, non harmonisation des pratiques de gestion documentaire, locaux inadaptés à la conservation des archives, absence de structure de gestion des archives, etc.), d’où les nombreuses pertes préjudiciables (temps, documents, informations, ressources publiques, droits) qu’ils occasionnent pour l'État et les citoyens.
D’ailleurs, plusieurs rapports publiés notamment par la Cour des comptes, l’IGE, l’ARMP soulignent et recommandent annuellement de remédier aux manquements liés à la gestion des documents et archives constatés dans de nombreux organismes publics et parapublics. Ces manquements constituent un obstacle majeur au travail des contrôleurs nécessitant l’urgence d’agir en ce sens.
Rappelons que le Sénégal dispose d’une législation et des textes qui encadrent toute action en matière de gestion de documents et d’archives, de professionnels des archives compétents et qualifiés et d’un institut universitaire (EBAD) qui forme des archivistes et vivifie la recherche en information-documentation. Le maillon manquant de la chaîne reste la volonté politique. Cette dernière, au-delà des discours, promesses et engagements, doit se traduire en actes, notamment par l’application dans toute sa rigueur de la loi d’archives, le renforcement des moyens matériels et financiers des services d’archives, le recrutement d’archivistes au sein des administrations publiques et la construction de la maison des archives tant attendue et ardemment souhaitée par les archivistes sénégalais.
La volonté affichée par les nouvelles autorités de mettre en place une administration efficace et performante, et d’instaurer la transparence et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques ne peut se concrétiser sans la prise en compte et la valorisation de la gestion des documents et archives. Celle-ci demeure un pilier essentiel et incontournable à un management public de qualité, efficient et transparent.
El hadji Gora Sène est Ingénieur en Gestion documentaire, Master 2 en Stratégies informationnelles et Documents numériques
Gouvernement du Sénégal. Loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs. Journal officiel n° 6291 du samedi 5 août.
[1] In : JORS n° 6291 du samedi 5 août 2006, pp. 800-802
[4] Définition proposée par le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française.
par Bassirou Diomaye Faye
À TOUS LES ACTEURS DE LA PRESSE
Il est de notre devoir commun de veiller à ce que l'information demeure un bien public accessible et non entravé. Nous œuvrerons à protéger les journalistes, tout en promouvant une régulation équitable des nouveaux médias
À l'occasion de ce 3 mai 2024 marquant la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le chef de l'État Bassirou Diomaye Faye exprime dans une lettre ouverte, sa profonde gratitude pour l'engagement des médias en faveur d'un journalisme de qualité au service du débat public. Il réitère son attachement indéfectible à une presse libre et indépendante, gage d'une démocratie solide.
Mesdames et Messieurs,
En ce jour où le monde célèbre la liberté de la presse, je souhaite exprimer, avec la plus grande emphase, le rôle crucial que vous, journalistes et médias, assumez dans la consolidation et la préservation des fondements démocratiques de notre nation. La liberté de presse, véritable pierre angulaire des sociétés démocratiques, garantit que chaque citoyen reste informé, engagé, et participe activement aux débats essentiels qui façonnent notre avenir commun.
L'absence de débats d'idées vigoureux, d'une vérification scrupuleuse des faits et d'une diversité de perspectives affaiblit la démocratie. Votre mission se révèle d'autant plus essentielle à une époque marquée par une rapide transformation numérique qui, malheureusement, engendre également une prolifération de la mésinformation, de la désinformation, et des discours de haine. Ces fléaux menacent notre cohésion sociale et ébranlent les fondements de notre coexistence pacifique, affectant parfois même les symboles les plus chers de notre nation.
Il est de notre devoir commun de veiller à ce que l'information demeure un bien public accessible et non entravé. Cela requiert un engagement renouvelé pour une presse indépendante et robuste, ainsi qu'une action résolue pour assurer une plus grande transparence des plateformes en ligne et développer l'éducation aux médias et à l'information pour tous les citoyens.
Dans cet esprit, je réaffirme mon engagement à soutenir une presse libre et diversifiée, pilier indispensable de notre démocratie. Nous œuvrerons à renforcer les mécanismes de soutien à la liberté de la presse, à protéger les journalistes dans l'exercice de leur fonction et leur quête de la vérité, tout en promouvant une régulation équitable des nouveaux médias.
Chacun d'entre nous a son rôle à jouer dans l'édification du Sénégal que nous souhaitons bâtir ; celui de la presse n'est pas des moindres. Je n'ai aucun doute que vous serez à la hauteur des défis qui se dressent devant nous et qu'ensemble nous porterons plus haut le flambeau d'un Sénégal démocratique, résilient et prospère.
J'avais grandement souhaité partager un moment de convivialité avec vous tous pour célébrer ensemble cette journée significative. Cependant, je dois participer au Daaka à Médina Gounass, événement important pour notre communauté spirituelle. Aussi, le déjeuner auquel, je souhaitais vous convier est-il reporté à une date ultérieure.
Toutefois, soyez assurés que nous fixerons une nouvelle date très prochainement, et j'attends avec impatience l'occasion de vous exprimer ma gratitude en de vive voix.
Je vous remercie pour votre engagement et votre collaboration inestimable. Ensemble, poursuivons nos efforts à défendre la vérité et à enrichir le débat public par le dialogue et l'information juste.
Veuillez recevoir, chers acteurs de la presse et des médias, l'expression de ma plus haute considération.
Assane Gueye
LA RUPTURE ATTENDRA
Il faut écouter le sage Confucius parler de la parole donnée comme aucun autre ne l’a fait auparavant. «Examine bien si ce que tu promets est juste et possible. Car la promesse est une dette». De plus, cette dette est morale.
Il faut écouter le sage Confucius parler de la parole donnée comme aucun autre ne l’a fait auparavant. «Examine bien si ce que tu promets est juste et possible. Car la promesse est une dette». De plus, cette dette est morale. Moralité, quand un conseil est avisé, il défie le temps et ne prend pas de ride. À l’opposé, un contre- modèle comme Machiavel, maître dans l’art de l’apologie du malin pour le mal déride dans sa capacité à faire mouche. «La fin justifie les moyens» est une de ses leçons qui font fureur auprès de disciples de plus en plus nombreux chez les politiciens. En mal de concept, les politiques ont élevé la formule au rang de précepte. Certes, il faut se garder de tomber dans cette facilité consistant à leur faire de mauvais procès. Ceux qui s’engagent et décident d’être sous les feux des projecteurs méritent le respect. Cependant, il faudra bien qu’on nous applique la réciprocité en matière de considération. Les professionnels de la politique continuent de briguer les suffrages de concitoyens qui, à leurs yeux, sont nés de la dernière pluie. Il y a du mépris dans l’air. Le pire des sentiments humains. Pour parvenir à leurs fins et à tout prix, ils font pleuvoir des tombereaux de slogans qui sont autant de vannes que de vanités. Leurs boutades tombent en panne aussitôt après la conquête du pouvoir. Le Sopi avait un pouvoir magique. Il a fait son temps. Qu’est-ce qu’on en a fait ? Une histoire désopilante et puis c’est tout. Déçus du socialisme, les Sénégalais avaient associé les libéraux à la gestion publique. On ne peut pas dire qu’ils ont changé grand-chose. D’autres libéraux dont le libéralisme a été frelaté sont également passés entre les gouttes dans une sorte de parricide. Le sobre et le vertueux n’étaient pas si propres que ça. Ce ne fut qu’un canular. Pris la main dans le sac, le libéralisme sénégalais prompt à célébrer le veau d’or ne fera pas 50 ans au sommet. Aujourd’hui, c’est le Projet pastéfien qui a hypnotisé l’électeur. Personne n’en maîtrise encore le contenu ni les contours.
Être bienveillant ne coûte rien
Pas de procès d’intention. On jugera sur pièces. C’est à l’arrivée et non au départ qu’on saura si le projet est un progrès ou s’il ne rime qu’avec regret et rejet. Il faut préférer les paradigmes aux dogmes. Les appels à candidature sont inclassables. Ils donnent l’impression d’un appel au secours dans une situation de déficit de compétences internes. Quand les clés de la République vous sont confiées, il n’y a rien d’autre à faire que de gouverner et prendre des décisions sur la base d’une vision. On pourvoit aux postes comme le consacre la Constitution. Ils sont distribués à des hommes et à des femmes qui inspirent confiance et qu’on connaît. Les candidatures ouvertes supposent le lancement d’interminables procédures alors qu’on n’a jamais le temps quand tout est urgent. Comme effet d’annonce, ça fait joli mais les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. Les strapontins sont susceptibles de tomber incognito aux mains d’adversaires qui ne tirent pas dans le même sens que vous. Le saut dans l’inconnu, c’est un risque incalculé. L’inconnu fait toujours peur. Avec tant de responsabilités sur les épaules, la première chose dont il faut se méfier est de vouloir faire plaisir à tout le monde ou de ne pas reconnaître qu’on s’est trompé dans les propositions. Autre changement de méthode proposé qu’il faut aussi prendre avec des pincettes, c’est ce dossier des lanceurs d’alerte qui pourrait déboucher sur des fausses aler- tes. On tire la sonnette d’alarme parce que les corbeaux ne garantissent pas le beau et le bien. Avec les dénonciations anonymes et peut-être calomnieuses, c’est du retour en force des listes noires, du totalitarisme auquel il faut s’attendre. Le Président Diomaye qui dégage un parfum de sainteté n’a pas de velléités totalitaires. Toutes les réussites ne sont pas suspectes. La transparence absolue n’est pas une religion et tout dans la vie ne peut pas être transparent. Il faut que chacun reste à sa place. Il y a déjà suffisamment d’administrations dédiées pour combattre le manque d’éthique. La vraie rupture doit être de rompre avec les mauvais comportements. Rompre avec les habitudes qui ne mènent à rien. Cesser aussi de jouer avec les mots. La grande problématique du Sénégal est que le pays est en rupture d’équilibre depuis fort longtemps. Il faut mieux l’assister en assistant ses nouvelles autorités. Ça ne coûte rien d’être bienveillant.
Par Moussa KAMARA
LA METHODE DIOMAYE
Les indicateurs de la rupture se manifestent jour après jour et parfois assez brutalement. Quand de purs produits de l’Ecole sénégalaise sont à la manette, il ne doit y avoir le moindre souci à se faire
Les indicateurs de la rupture se manifestent jour après jour et parfois assez brutalement. Quand de purs produits de l’Ecole sénégalaise sont à la manette, il ne doit y avoir le moindre souci à se faire.
Deux Inspecteurs des Impôts et Domaines mènent notre barque et ils comptent sur l’appui de collègues et d’autres Inspecteurs pour arriver bon port. Y’en a déjà qui manifestent leur désaccord mais tant que cette opposition est confinée dans les réseaux sociaux, le danger est plus que bénin. Pendant longtemps des populations pauvres qui n’avaient que leurs terres pour cultiver et se nourrir se voyaient dépossédées de ces biens légués par leurs ancêtres.
Le tort qu’on pourrait leur reprocher est d’avoir négligé de sécuriser leurs biens. Parce que jamais ils n’avaient imaginé que l’Etat les dépouillerait un jour de ces biens. Et la toute-puissance de l’Etat s’est exercée sur ces pauvres âmes avec la bénédiction des bénéficiaires appuyés par des lobbies et souvent par la presse.
Et fort heureusement au sein de ces populations, y’en a qui se sont levés pour dire niet. Et parmi les soutiens les plus actifs de ces gens, il y avait l’actuel Président de la République. C’est à croire que les causes justes sont bénies. Un beau matin on s’est levé pour apprendre l’arrêt de toutes les constructions en cours dans tous les sites litigieux. Ce gel de toutes les constructions redonnent de l’espoir aux nombreux spoliés des zones à problèmes.
J‘en connais qui ont payé une parcelle à Deni Biram Ndaw et satisfait à toutes les obligations liées à l’achat de ce terrain depuis cinq ans et attendent que la mairie de Bambilor délivre le papier qui les empêche de construire.
Concernant la Corniche, les populations ont bien accueilli la décision du chef de l’Etat malgré l’activisme reproché à Atépa qui a annoncé la nouvelle. En tout cas tous les codes semblent cassés avec notre nouveau président. La présence des pontes de la République au retour du président à l’aéroport n’est plus de mise.
De Senghor à Macky, nos présidents étaient si conservateurs et friands de protocole manifestant qu’ils sont la clé de voute de toutes les institutions de la République. Tout se passait pour démontrer et exigerla prééminence du président de la République.
En tout cas Bassirou Diomaye Diakher Faye, président de la République est en train de casser beaucoup de codes. Continueront-ils, eux du Pastef, cette œuvre de jeunesse qui déconstruit le système qui les a profondément combattus ?
Rien qu’un mois aux affaires et beaucoup de lignes bougent. Pour remettre en l’endroit les distorsions que le prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye avait mises sous le coude.
Par Mounirou FALL
LE LAXISME COUPABLE DES ANCIENNES AUTORITÉS SUR L'ACCAPAREMENT DES TERRES
L'OFNAC a documenté dès 2020 l'ampleur du pillage foncier dans des régions comme Dakar et Thiès, pointant du doigt des irrégularités et détournements de grande ampleur. Ces révélations accablantes sont demeurées sans suite, laissant le crime prospéré
Malgré la sonnette d’alarme tirée depuis plus de quatre ans sur la situation du carnage foncier qui a eu cours dans les régions de Dakar, Thiès, Mbour les autorités sortantes ont fait semblant de ne rien entendre. Les conclusions et recommandations de l’étude sur les « vulnérabilités à la corruption dans le secteur foncier dans les régions de Dakar et de Thiès » commanditée par l’OFNAC dans le cadre du PARI-BG ont été tout simplement rangées dans les tiroirs. Tout avait été passé en revue : des villas de l’Etat situés entre le Cap Manuel et les Almadies en passant par Fann Résidence ou le point E, aux immeubles qui poussent comme des champignons dans la sphère de Diamniadio. La patate chaude du carnage foncier héritée du précèdent régime doit être arrêté.
Les études sur la cartographie des risques et les stratégies de mitigation des vulnérabilités à la corruption réalisées par l’OFNAC entre 2018 et 2021, en partenariat avec l’Union Européenne avaient identifiées plusieurs secteurs à incidences financières. Il s’agissait du secteur extractif, du code de la pêche, du code forestier, du code de l’urbanisme, du code des douanes, du code des impôts, de l’Acte 3 de la décentralisation ou du code de l’environnement, …).
Cependant l’étude qui le plus alarmée du fait des troubles sociaux engendrés portait sur le foncier, coordonné par l’OFNAC avec l’expertise du Consortium pour la Recherche Économique et Social (CRES). Pour mémoire, le Programme d’Appui à la Promotion de l'Intégrité et de la probité dans la gestion des affaires publiques -PARI-BG-a impliqué outre la société civile, l’Inspection Générale d’Etat et la Cour des Comptes.
Il ressort des rapports de l’OFNAC que plus de 80% des plaintes, dénonciations et litiges qui ont menés à des Ordres d’Ouvertures d’Enquêtes relèvent de problèmes fonciers. Déjà en avril 2018 à l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption, avait reçu une dénonciation sur des faits de «transactions immobilières irrégulières et de détournements de deniers publics» portant sur un montant de 94 783 159 000 FCFA. L’affaire du Titre foncier TF1451/R évoqué dans son rapport rendu public l’OFNAC avait estimé que « les investigations menées ont permis de confirmer la quasi-totalité des griefs soulevés par le plaignant ». le rapport de conclure que « Toutes ces entorses à la procédure régulière pourraient faire penser à une volonté inavouée des fonctionnaires concernés de tirer le maximum de profit pour SOFICO et CFU dans une seconde procédure d’indemnisation, tout en sachant qu’il y a eu un premier cas d’expropriation ayant abouti à une indemnisation portant sur le montant de 605.853.850 frs CFA ». Conclusions restées sans suite !
Dissolution de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD)
Une œuvre de « salubrité publique »
Les nouvelles autorités ont cet avantage comparatif de provenir du secteur stratégique des impôts, des domaines et du cadastre. Ils connaissent donc à merveille les tenants et aboutissants des délibérations de la fameuse CCOD pour l’instruction des dossiers ayant trait au domaine privé de l’État. La Commission de Contrôle des Opérations domaniales (CCOD) est un organe à repenser totalement et/ou à dissoudre sans délai. Les griefs contre cette instance sur laquelle le législateur de 1976 comptait beaucoup, sont nombreux et variés. A ce titre, nous pouvons noter : sa configuration (elle regroupe, sous la présidence du représentant du Ministre chargé des domaines huit autres Directeurs nationaux concernés par le foncier), la périodicité de ses réunions (une indétermination), sa centralisation, etc.
Les changements attendus de cette instance dépassent de loin ce qui a été fait à travers le décret n°2020-1472 du 17 juin 2020, abrogeant et remplaçant le décret n°89- 001 du 3 janvier 1989 relatif à la composition de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (intégration du Directeur de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation des Sols -DSCOS- comme membre et changement de la dénomination de certaines structures). C’est presque une aberration, dans le contexte de décentralisation et de déconcentration du Sénégal, que ce soit cette instance, siégeant au plateau, à Dakar, qui doive donner son avis sur l’opportunité et les conditions financières de tout projet intéressant le domaine de l’État et des collectivités publiques.
Il y a lieu d’aller vers une déconcentration de cet organe central de gestion du domaine privé de l’État.
Cette déconcentration pourrait s’opérer :
Par la mise en place d’une Commission Nationale de Contrôle des Opérations Domaniales (CNCOD) présidée par le représentant du Ministère en charge des finances avec la même composition qu’actuellement. Cet organe pourrait entre autres, se voir confier les attributions relatives aux :
• Opérations foncières d’utilité publique telles que les expropriations ;
• Les acquisitions d’immeubles par l’État ;
• Les demandes de régularisations ou d’attributions de terres d’une superficie supérieure à 1 hectare.
Pour le volet régional par :
La mise en place de Commissions Régionales de Contrôle des Opérations domaniales (CRCOD) présidées par le Chef de Centre des services fiscaux du lieu de situation des immeubles, avec une participation des Maires et autres Collectivités locales ainsi que la société civile et les organisations paysannes. Ces organes auraient les compétences relatives aux
• Lotissements ;
• les demandes de régularisations ou d’attributions de terres d’une superficie inférieure à 1 hectare ;
• les demandes de cession définitive des parcelles à usage d’habitation et des parcelles à usage commercial, agricole et industriel inférieures à 1 hectare.
Une plus grande célérité dans l’instruction des dossiers au sein de l’administration atténuerait grandement les risques et vulnérabilités à la corruption. Les lenteurs excessives - ou au contraire les affectations de terrains en mode fast Track - s’expliquent en grande partie par la multiplicité des intervenants sur la chaine de l’instruction et la parcellisation des fonctions et des tâches (services des domaines, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire du cadastre ainsi que tout autre service dont la saisine est rendue nécessaire par la nature du projet). Chacun de ces intervenants examine la requête en fonction de ses propres critères d’appréciation (aujourd’hui avec l’exploration et l’exploitation gazière et pétrolière le processus est encore plus complexe) et suivant le calendrier qu’il juge opportun.
L’étude réalisée par l’OFNAC dans les départements de Dakar, de Thiès et de Mbour révèle que le non-respect des règles fondamentales d’affectation et de désaffectation des terres du domaine national au niveau de certaines collectivités territoriales a pour origine, une marchandisation du foncier et un laisser-faire flagrant au niveau des autorités chargées d’approuver les actes. Cela produit beaucoup de litiges qui aboutissement parfois au prétoire. L’analyse des décisions judiciaires révèle l’origine diverse des conflits et leur caractère multiforme. Beaucoup d’actes frauduleux sont à l’origine de ces conflits mais certains d’entre eux résultent également de la mauvaise application de procédures pourtant prévues et encadrées par les lois et règlements.
L’étude a aussi révélé la raréfaction des terres du domaine national à affecter au niveau du département de Dakar et une ruée vers les terres des départements de Thiès et de Mbour qui disposent encore de réserves foncières importantes. Les projets et réalisations en matière d’infrastructures dans ces zones y accroissent la valeur du sol. Pour preuve, les immeubles qui poussent comme des champignons dans la sphère de Diamniadio jadis occupée par le projet agricole BUD-Sénégal BUD qui employait 6000 agents et produisait 15 000 tonnes à l’exportation, sur une superficie de 1117 ha réservées aux filières horticoles et arboricoles était un des greniers de Dakar et du Sénégal qui assurait un début d’autosuffisance alimentaire dans certaines spéculations. Des réformes dans le système d’administration des terres du domaine national et de gestion du domaine privé de l’État doivent être mises à plat dans le but d’éradiquer tous les risques de fraude et de corruption en rapport avec le sol. L’ineffectivité partielle des règles régissant le foncier au Sénégal est essentiellement due à leur inapplicabilité du fait du caractère dépassé de certaines d’entre elles mais aussi du fait d’insuffisances normatives.
Par ailleurs, aucun délai n’est assigné à l’administration du cadastre Commission de Contrôle des Opérations domaniales (CCOD) pour faire parvenir sa réponse (mis à part le piston politique de la rétribution pour services rendus). Ces lenteurs excessives ouvrent des boulevards de corruption pour l’instruction des demandes d’attribution de terrain du domaine privé de l’État ou d’autorisation de lotissement.
DES PRATIQUES ILLÉGALES QUI NE PROFITENT QU’A CERTAINS
La cartographie réalisée par l’OFNAC sur « la perception et le coût de la corruption au Sénégal » pointait le cadre juridique qui restait un élément multiplicateur des risques de corruption dans le secteur foncier. En effet, le cadre juridique et institutionnel du foncier au Sénégal est caractérisé par le fait que le contexte qui a vu naitre la loi n°64-46 et la loi n°76-66 a aujourd’hui, beaucoup évolué. Il en résulte une mise en quarantaine de certaines règles au profit de pratiques illégales qui ne profitent qu’à certains. Ces pratiques favorisent la corruption et génèrent énormément de litiges autour de la terre. La gestion des conflits fonciers est complexe et délicate surtout, dans le contexte où l’on note une juxtaposition entre un cadre juridique formel et des règles coutumières, abrogées mais encore vivaces.
L’étude de l’OFNAC, qui soulignons-le a été d’abord partagé à l’échelon national puis lors des fora citoyens régionaux tenus dans les 14 régions du Sénégal avec la société civile, révèle que les nombreux dysfonctionnements autour du foncier trouvent leur source dans l’évolution du contexte dans lequel le cadre juridique du foncier a été élaboré laissant apparaitre beaucoup d’insuffisances de tous ordres. Celles-ci sont mises à profit par des acteurs « pas toujours vertueux » pour en tirer toutes sortes de profits. Cette situation crée une insécurité et exacerbe les tensions et concurrences autour des ressources foncières. Ainsi, il est préconisé des réformes du cadre juridique du foncier pour l’adapter aux exigences d’un développement durable tout en créant les conditions d’une gestion apaisée et en éradiquant toutes les vulnérabilités à la corruption.
RÉFORMER LE CADRE JURIDIQUE
Des réformes du cadre juridique sont nécessaires pour éradiquer les risques de conflits renvoient au régime juridique du domaine national et aux modalités de gestion du domaine privé de l’État. En effet, certaines obsolescences notées dans la loi sur le domaine national militent en faveur du toilettage du texte. Le critère d'appartenance à la collectivité totalement ignoré dans l’attribution des terres devient une hérésie face à la nécessité d'attirer et de sécuriser les investissements. En outre, la notion de mise en valeur, réduite à la seule capacité physique, individuelle ou familiale ne favorise pas l’intensification de la production agricole familiale ou industrielle et pose avec acquitté le problème de l’incessibilité des droits et l’intransmissibilité par voie successorale qui ne favorisent ni la mobilité foncière, ni l’investissement familial et sa pérennisation.
Au-delà de ces obsolescences, il convient de créer les conditions d’une gestion apaisée du foncier au sein des collectivités territoriales, apte à garantir la bonne information des populations et à favoriser l'exploitation durable des ressources naturelles et la promotion d'activités économiques viables. Cette gestion apaisée peut être obtenue par une meilleure implication des communautés locales dans la gestion du foncier et par une plus grande légitimité des délibérations des Conseils.
ASSAINIR LA GESTION DU DOMAINE PRIVÉ DE L’ETAT
La restauration de l’égalité des chances pour les demandeurs de parcelles est une condition pour éradiquer toute possibilité d’entretenir et d’encourager la corruption. Le patrimoine foncier de l’Etat a été, depuis une décennie réduite à une peau de chagrin. Ils ne se sont plus limités à racheter pour une bouchée de pain les villas de fonction du Plateau ou ailleurs, le jeu est de créer des châteaux sur pilotis surplombant l’océan, à partir du point le plus avancé du continent africain dans l’Atlantique. Même si l’article 41 du Code du domaine de l’État prévoit la vente de gré à gré des dépendances du domaine privé de l’État, celle par voie d'adjudication offre plus de transparence et garantit mieux, l’égalité des chances pour les potentiels candidats acheteurs intéressés. Il devient urgent d’instaurer une plus grande transparence dans la gestion du domaine privé de l’État. L’acquisition de parcelles ne devrait plus être réservée aux affidés du parti-Etat ou aux thuriféraires et autres laudateurs qui reçoivent des parcelles, sans bourse délier, sur instruction à la CCOD, en rétribution de «services rendus… ». Le mal est profond.
L’adjudication est réalisée aux enchères publiques ou par le procès combiné des enchères verbales et des soumissions cachetées. La dématérialisation de toutes les procédures foncières pourrait, en plus d’une plus grande célérité, apporter plus de transparence dans la gestion foncière et domaniale. Des personnes, parce qu'elles sont proches du pouvoir, bénéficient des dizaines voire centaines d'hectares au détriment des populations autochtones ou rachètent le patrimoine de l’Etat à vil prix. Cela passe obligatoirement par l’informatisation de toute la chaine foncière, en milieu rural comme en milieu urbain. Le Système de Gestion du Foncier (SGF) en cours de développement à la DGID et le Projet Cadastre et Sécurisation Foncière (PROCASEF) soutenu par l’Union Européenne et piloté par le Ministère en charge des Finances et du Budget permettra certainement de répondre à cette préoccupation.
la décision d’arrêter toutes les constructions litigieuses et de mener des audits et enquêtes approfondies est salutaire et demeure un des piliers de la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC). La question foncière est classée en haut des préoccupations relevant d’une affaire d’aisés, de bras longs et de politiciens de métier qui mènent une course effrénée pour l’obtention de privilèges indus sans avoir à en rendre compte.
ENCADRÉ 1
UN CADRE JURIDIQUE ANACHRONIQUE AVEC JUXTAPOSITION DE TROIS SPHERES
le domaine national, vaste espace regroupant à l’époque plus de 95% du sol sénégalais, régi par la loi n° 64-46 du 17 juin 1964 ;
le domaine de l’État, subdivisé en domaine public et domaine privé et régi par la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant Code du domaine de l’État2 Le domaine public et le domaine privé de l’État s’entendent de tous les biens et droits mobiliers et immobiliers qui appartiennent à l’État ;
les titres fonciers des particuliers constitués sur la base du décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du régime de la propriété foncière en Afrique occidentale Française (AOF) abrogé et remplacé par la loi n°2011-07 du 30 mars 2011 portant Régime de la propriété foncière.
Ce cadre juridique est obsolète du fait de l’évolution du contexte de leur adoption, surtout pour la loi n° 64-46 et pour la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976
ENCADRÉ 2
QUELS SONT LES STATUTS DU FONCIER AU SENEGAL
Une confusion est savamment entretenue dans les statuts du sol au Sénégal. Qui ne se rappelle l’affaire Tahibou NDIAYE, du nom de l’ancien directeur du cadastre devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ? Avec la décision prise par l’actuel Président de la République, les corps de contrôle ne devront pas chômer et devront traquer sans relâche les membres de la chaine de contrôle de l’affectation des terres au Sénégal.
Par statuts du foncier au Sénégal, pour entretenir le dote on s’y prend à mélanger les concepts de domaine national, le domaine de l'état, le domaine public maritime, le domaine privé, les forêts classées, les réserves foncières, les villages traditionnels, les terres coutumières, les domaines coutumiers, le patrimoine de l'état, etc. Il y'a beaucoup d'éclairages à apporter à ces notions. Il faut aussi expliquer les processus d'attribution pour situer les responsabilités du carnage. Il faut enfin proposer de récupérer toutes ces terres pour permettre à une structure habilitée pour procéder à leur redistribution aux ayants droit. C'est la seule condition pour rétablir l'équité et restaurer l'espoir.
Ces cités à perte de vue octroyées aux pontes de l'ex pouvoir doivent auditées. La chaîne de distribution des hectares attribués sans droit, les comptes en banques de la chaîne de distribution doivent être passées au crible. Les corps de contrôle actionnés pour débusquer tous ceux qui étaient dans la chaîne de distribution.
Au Sénégal, le système foncier est composé de trois domaines distincts : le domaine national, le domaine de l’État et celui des particuliers:
Domaine national:
Le domaine national représente toutes les terres non classées dans le domaine public, non immatriculées et dont la propriété n’a pas été transcrite à la conservation des hypothèques.
Contrairement au domaine public, le domaine national n’a pas de propriétaire désigné. En d’autres termes, il est considéré comme un bien appartenant à la population sénégalaise – au peuple - (passé, présent et futur).
Les terres du domaine national sont réparties en quatre dépendances :
Zones urbaines : terres situées dans les limites des communes et groupements d’urbanisme.
Zones classées : zones protégées et à vocation forestière que même le Chef de l’Etat ne peut déclasser,
Zones terroirs : utilisées pour l’habitat rural et les activités rurales.
Zones pionnières : réserves pour les plans de développement et d’aménagement de l’État.
Domaine public de l’État:
Le domaine public de l’État englobe tous les biens mobiliers et immobiliers appartenant à la puissance publique.
Ces biens sont souvent affectés au service public.
Par exemple, la mer territoriale, le plateau continental, les cours d’eau navigables, etc., font partie du domaine public de l’État.
Le domaine privé de l’État comprend (les réserves foncières de l’Etat), les biens qui peuvent être soumis à une appropriation privée.
Il s’agit de biens dont la propriété est clairement attribuée à l’État.
Domaine privé de l’État:
En résumé, le domaine national est un bien collectif, le domaine public de l’État est géré par l’administration publique, et le domaine privé de l’État est constitué de biens susceptibles d’appropriation privée.
Le domaine public maritime quant à lui, comprend le rivage de la mer, le sol et le sous-sol de la mer jusqu’à la limite des eaux territoriales. Zone qui fait actuellement l’objet d’un dépeçage extraordinaire des « nouveaux riches » du régime sortant. Le Domaine public maritime est par essence une zone non aedificandi, c’est-à-dire ou l’on ne doit construire en dure. sinon des paillottes. Il ne doit en aucun cas être construit sinon un habitat non en dure. Le Président n’a pas le droit de déclasser pou permettre d’édifier des châteaux sur ce domaine
Que les investigations se fassent. Notons que le Domaine national distribué aux politiques n’appartient pas à l’Etat mais plutôt à l’ensemble de la Nation sénégalaise. Il appartient à la nation et non à des individus qui s'enrichissent sur le dos du citoyen. Les spéculations qui ont cours sur ce domaine qui appartient au peuple sont répréhensibles. Le domaine national transcende les prérogatives du Président de la République. Les forets classés relèvent de ce domaine et ne doivent pas être déclassées pour y édifier des constructions.
La titrisation des terres pourrait représenter une solution concrète pour prévenir les expansions territoriales et protéger les droits des communautés rurales. La titrisation des terres consiste à accorder des droits de propriété individuels sur les terres communales.
par Omar Lo et Cheikhna Ibrahima Seck
QUELLE POLITIQUE FISCALE POUR LE NOUVEAU RÉGIME DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE ?
Il urge de remettre en cause l’exonération de la TVA sur les jeux et paris sportifs. Il est possible de densifier le réseau des partenaires de la DGID, pour le paiement de tous les impôts et taxes, via les opérateurs de mobile money
Omar Lo et Cheikhna Ibrahima Seck |
Publication 02/05/2024
La construction d’un système fiscal est largement tributaire des mouvements socioéconomiques et des changements politiques qui s’opèrent dans un pays. La trajectoire du Sénégal indépendant permet d’établir que son système fiscal a connu des modifications et adaptations, au gré des alternances politiques, des contingences économiques et de la construction d’un espace communautaire.
L’arrivée au pouvoir des libéraux, en 2000, a entraîné une vague de réformes tendant à attirer les investisseurs, en réduisant notamment le taux de l’impôt sur les sociétés de 35 % à 33 % avant de le stabiliser à 25 % en 2006, et en portant des mesures fiscales dérogatoires dans différents textes, dont le code des investissements.
À la faveur de la loi n°2004-12 du 6 février 2004, modifiant le code général des impôts, des mesures visant à simplifier le système d’imposition, et partant, élargir l’assiette fiscale, ont été prises, avec la création de la contribution globale unique (CGU). Ces mesures ont globalement créé une inflation législative et accru les dépenses fiscales, dont l’évaluation n’a commencé qu’en 2009, tout en ne réussissant pas nécessairement l’objectif d’une embellie économique du Sénégal, malgré une augmentation non-négligeable des recettes fiscales. Le PIB du pays évoluera de manière irrégulière, avec une pointe basse à 1,3 % en 2011, selon les données de la banque mondiale. La deuxième alternance politique de 2012 portera ainsi comme ambition de rationaliser les mesures fiscales dérogatoires, à travers la loi n°2012-31 du 31 décembre 2012, portant code général des impôts, qui devient le référentiel fiscal unique. L’ambition du nouveau régime est alors de rendre cohérent le système fiscal, tout en continuant le chantier de la simplification, notamment de l’impôt sur le revenu, l’élargissement de l’assiette fiscale et l’augmentation des ressources fiscales (le taux de l’impôt sur les sociétés sera ramené à 30 %.).
A partir de 2020, pour soutenir les politiques de l’Etat, principalement le PSE, une stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme est mise en place. Dans le même temps, l’administration fiscale a résolument renforcé son plan de développement stratégique, engagé des plans de modernisation et d’élargissement de l’assiette fiscale pour tenter de hisser le taux de pression fiscale aux standards communautaires.
Au soir du 24 mars 2024, le Sénégal a connu sa troisième alternance politique. Celle-ci intervient dans un contexte économique difficile. Outre le ralentissement de la croissance, sous la pression de l’inflation mondiale entre autres, on note un endettement qui a atteint des sommets, pour se chiffrer à 77 % du PIB1, dépassant les limites communautaires fixées à 70 % au sein de l’UEMOA, une masse salariale importante et un coût de la vie très cher.
Si les recettes fiscales se portent plutôt bien, avec des recettes en progression de 7 %, s’établissant à 2 206 milliards en 20232, il n’en demeure pas moins que le potentiel fiscal est encore sous exploité, l’assiette fiscale pas assez élargie et la modernisation des structures et des modes de travail de l’administration n’est pas totalement aboutie.
Le rétrécissement des marges de manœuvre budgétaires, sous l’effet du poids de la dette implique nécessairement de nouvelles orientations en matière de politique fiscale.
Instrument de politique économique, la fiscalité est un levier sur lequel les nouvelles autorités devront miser, pour le financement des mesures sociales, dédiées notamment à la baisse de la cherté de la vie.
Sous ses différentes déclinaisons techniques, légales et structurelles, il est possible de bâtir une nouvelle politique fiscale, en procédant d’une part, à des réajustements du dispositif légal en cohérence avec des niches de recettes identifiées et d’autre part, en modernisant le cadre organisationnel et les modes de travail de l’administration fiscale.
Les axes de renforcement du système de taxation à travers l’identification de nouvelles niches de recettes et la rationalisation des dépenses fiscales
La politique fiscale poursuit principalement deux objectifs. Elle permet, d’une part, d’améliorer le niveau des prélèvements fiscaux destinés à la dépense publique et d’autre part, de servir d’instrument de politique économique pour les autorités gouvernementales.
Ces fonctions, qui semblent s’écarter dans leurs finalités, sont complémentaires pour assurer une pleine efficience du système fiscal ; c’est-à-dire d’obtenir des recettes essentielles au financement des dépenses publiques, sans décourager l’activité économique.3
A cette fin, les nouvelles autorités auront l’épineuse tâche de rechercher de nouvelles sources de recettes qui n’emporteront pas des effets pervers sur la conjoncture économique.
C’est pourquoi les mesures de renforcement du dispositif légal que nous proposons sont orientées vers des niches de recettes peu ou pas taxées et qui ne polarisent pas des secteurs vitaux pour l’économie.
Elles visent également la simplification et l’amélioration de certains mécanismes de taxation, notamment les impôts locaux, ainsi que la rationalisation de certaines dépenses fiscales.
Dans cet ordre d’idées, des modifications majeures doivent être apportées à la fiscalité indirecte et plus spécifiquement au dispositif de la Taxe sur la valeur ajoutée, qui représente 32,44%4 des recettes fiscales projetées pour l’année 2024.
En effet, il urge de remettre en cause l’exonération de la TVA sur les jeux et paris sportifs, consacrée par le décret n° 2018-489 du 26 février 2018, approuvant le cahier des charges de la LONASE.
La pertinence d’une telle exonération se pose à l’aune de l’absence d’un enjeu vital des jeux et paris sportifs pour notre économie nationale, mais aussi à l’heure où ce secteur pose avec acuité le débat sur l’addiction, qui tend à devenir une question de santé publique.
Au regard de la portée de cette exonération, qui bénéficie non seulement à la LONASE, mais aussi à tous les acteurs présents dans son réseau commercial (revendeurs et distributeurs agréés), sa remise en cause pourrait faire accroître significativement la ligne des taxes recouvrées sur les biens et services.
L’application de la TVA sur les paris sportifs aura également un effet induit sur les frais de service et les mises des parieurs, qui pourrait aboutir à décourager les candidats à ces jeux et partant, rétrécir l’ampleur du phénomène.
Dans le même registre, la location de locaux meublés par des particuliers, qui connaît aujourd’hui une évolution importante, sous l’effet de l’apport des plateformes numériques de mise en relation, pourrait être taxée davantage.
Il est utile de souligner que la mise en œuvre d’une telle mesure, nécessite qu’une politique tendant vers une meilleure maîtrise du secteur de l’immobilier locatif soit menée. En outre, il s’agira, avec cette mesure, d’assurer un meilleur contrôle de ce secteur qui est considéré comme une niche pour le blanchissement d’argent.
Le Centre Affordable Housing Finance in Africa (CAHF) alertait déjà en 2018, dans son rapport intitulé « Comprendre et quantifier les marchés locatifs en Afrique », indexant le fait qu’il n’existe pas au Sénégal d’organisme chargé de collecter de manière régulière les données sur les fournisseurs de logements comme une insuffisance institutionnelle.
A ce sujet, la formalisation du statut de courtier immobilier ainsi qu’une meilleure réglementation des agences immobilières sont nécessaires, avec à la clé, l’insertion dans le dispositif légal d’un droit de communication automatique à leur égard, concernant l’identité de leurs clients, les propriétés données en gérance, la nature des locations pratiquées et le montant des loyers encaissés pour leur compte.
Concrètement, le renforcement de la taxation des loyers sur les locaux meublés, qui est un marché important à appréhender pour les raisons sus évoquées, pourrait se traduire par l’instauration d’un nouveau taux spécifique de TVA à 20 %, qui est le taux maximal autorisé au niveau communautaire. Ce taux s’appliquera à toutes les personnes physiques effectuant des prestations de location de locaux meublés, non-constitutifs d’établissements touristiques agréés au regard de la réglementation.
Le recouvrement de cette taxe pourrait être facilité par l’entrée en vigueur prochaine du dispositif sur la TVA numérique (qui devait être opérationnel en début avril 2024), pour ce qui concerne les locations effectuées à partir des plateformes de mise en relation, à l’exemple d’« Airbnb » et de « Booking ».
Pour sécuriser davantage les recettes concernant ce nouveau dispositif de taxation et garantir l’aboutissement de la réforme, il pourrait être pertinent de mettre à la charge des agences immobilières une obligation de précompter et de reverser la TVA collectée sur les loyers taxables perçus pour le compte de leurs clients.
Comme dernier point de réforme du cadre légal de la TVA, il est utile de veiller à une mise en application effective de l’arrêté n°34269 du 08 novembre 2023, relatif au dispositif de la TVA sur les prestations de services numériques réalisées par les assujettis étrangers. Dans un contexte de forte digitalisation de l’économie, le Sénégal doit réussir le défi de tirer avantage des opportunités qu’offrent les services numériques, à travers une fiscalité indirecte adaptée. Il s’agit, en outre, de rétablir une certaine équité fiscale, en soumettant à l’imposition toutes les personnes physiques ou morales intervenant dans les prestations de services numériques et le commerce électronique.
Pour la réussite d’un tel chantier, une collaboration active avec les assujettis ciblés (plateformes en ligne) et les partenaires institutionnels (ministère des télécommunications notamment à travers l’ADIE et l’ARTP, fournisseurs d’Internet, etc.) doit être menée, ainsi qu’une mise à niveau des moyens logistiques et humains.
Par ailleurs, la stratégie de refonte du dispositif fiscal ne devra pas occulter la fiscalité locale, afin de permettre un renforcement des moyens d’intervention des collectivités territoriales. A l’ère de la territorialisation des politiques publiques, la gouvernance locale a connu un regain d’intérêt pour les décideurs. L’ambition de créer un développement de la base vers le sommet, partant des collectivités territoriales, se heurte à la problématique de la prise en charge financière des compétences transférées à ces dernières. La réforme emblématique de la fiscalité locale, le remplacement de la patente par la contribution économique locale, même si elle a introduit une volonté d’équité dans la répartition des recettes fiscales locales, n’a pas réglé toutes les difficultés des collectivités territoriales.
Les réformes à implémenter devront donc viser principalement l’accroissement du rendement budgétaire des impôts fonciers locaux, en leur garantissant plus d’équité, plus d’efficacité et une simplification des méthodes d’évaluation de leur assiette.
Conjointement, une réforme de la contribution globale unique est nécessaire, dans la perspective d’une meilleure fiscalisation du secteur dit informel5. En effet, il serait opportun d’élargir la CGU aux PME réalisant un chiffre d’affaires compris entre 50 et 200 millions, y inclure de nouveaux secteurs d’activités, notamment certaines professions libérales, tout en ouvrant une possibilité d’option aux PME personnes morales.
Au titre de la contribution globale foncière également, le seuil du revenu foncier imposable à ce régime peut être porté à 50 millions.
Somme toute, le réajustement de ces impôts dans leurs méthodes d’assiette et de liquidation devra nécessairement s’accompagner d’une révision de leurs modalités de mise en recouvrement. Cela tient à l’absence de cohérence dans la gestion de la fiscalité locale, qui est éclatée entre les services de la DGID et de la DGCPT. La discontinuité des tâches d’assiette et de liquidation d’une part, et de recouvrement d’autre part, est à la source d’une asymétrie d’informations entre les services, qui peut affecter le rendement de leurs efforts. Il s’agit donc d’apporter les corrections législatives ou réglementaires qui siéent pour, à défaut d’un transfert de recouvrement ou une fusion des deux administrations, permettre une meilleure gouvernance de la fiscalité locale.
En dernier lieu, une attention particulière devra être portée sur les dépenses fiscales, en procédant à leur évaluation en termes quantitatifs et de portée, ainsi qu’à leur rationalisation. Pour rappel, elles désignent des mesures dérogatoires au droit fiscal commun, qui entraînent une perte de recettes pour l’Etat.
Les dépenses fiscales qui représentaient 35,4 % de nos recettes fiscales en 20216, soit 952 milliards en valeur absolue, montrent leur poids exorbitant par rapport à nos ressources budgétaires. Dès lors, le débat sur l’efficacité des mesures fiscales préférentielles est légitime.
D’après le dernier recensement général des unités économiques au Sénégal, moins de 3% exercent dans le formel et par conséquent, près de 97,1% des entreprises recensées ne sont enregistrées dans aucun registre administratif en plus de ne pas tenir une comptabilité écrite reconnue. (DPEE, Rapport d’évaluation du potentiel fiscal du secteur informel, novembre 2022)
A ce titre, l’audit du régime fiscal des entreprises franches d’exportation (EFE) agréées avant la réforme du droit commun incitatif de 2012 devra être mené à bon escient. Il s’agit surtout de jauger la pertinence de l’exonération permanente de ces entreprises à la Contribution économique locale (CEL) et à l’impôt de distribution (IRVM sur les dividendes). L’idéal serait plutôt de leur accorder une exonération temporaire sur les cinq (05) premières années d’exploitation, ou sur une durée suffisamment raisonnable pour l’amortissement de leur investissement initial et qui puisse leur permettre d’arriver à un niveau de rentabilité.
Dans le même sillage, le droit accordé aux entreprises industrielles, agricoles et de télé services qui exportent au moins 80 % de leur production, de déduire 50 % de leur bénéfice imposable pour le calcul de l'impôt sur le revenu, doit faire l’objet d’une évaluation objective, quant à son rendement économique.
Nos mesures fiscales incitatives sur le plan économique partagent le mal d’être fortement orientées vers les activités d’exportation. Elles doivent faire l’objet d’une répartition plus parcimonieuse et penser à les orienter vers les activités de transformation et de production locale.
Les mesures incitatives instaurées en 2018, pour promouvoir la fabrication locale de biens destinés à la production d’énergies renouvelables, doivent se poursuivre, en donnant plus de place aux industries manufacturières, dans les dépenses fiscales.
Les pistes d’amélioration du cadre organisationnel et des modes de travail de l’administration fiscale
L’efficacité des politiques fiscales est très largement fonction de l’organisation de l’administration fiscale qui, in fine, met en application les orientations. Cette organisation, autant dans la structure que dans les modes de travail, laisse subsister des insuffisances à combler, malgré la volonté manifeste de modernisation portée par différents projets.
Le chantier de la dématérialisation est bien entamé au sein de la DGID (il existe différentes plateformes pour réaliser des formalités fiscales), et le processus de maturation doit être poursuivi afin de rendre les services fiscaux plus accessibles.
Il s’agira de généraliser la réalisation des formalités fiscales (déclaration, paiement) et le dépôt des demandes (quitus fiscal, contentieux, etc.) à tous les contribuables, et la stabilisation du réseau/serveur qui connaît des lenteurs pendant les échéances fiscales.
Dans la même veine, il convient de constater l’existence de diverses applications dédiées aux formalités fiscales, dans l’environnement digital de la DGID. Face à cette situation, le défi sera de parvenir à une convergence applicative de ces plateformes, afin d’en faciliter la gestion ainsi que l’accès pour les contribuables.
En outre, il est possible de densifier le réseau des partenaires de la DGID, pour le paiement de tous les impôts et taxes, via les opérateurs de mobile money.
Aussi, il est important de tenir compte des spécificités des usagers du service public. La digitalisation des procédures n’est pas une panacée, dans la mesure où certaines zones n’ont pas un accès stable à internet, et des populations ne sont pas familières avec l’utilisation des applications déployées pour la réalisation des formalités fiscales. Il nous semble ainsi plus pertinent d’assurer un meilleur maillage du territoire par la DGID, pour qu’elle devienne réellement une administration de proximité, et combler les déserts administratifs qui existent de fait. A l’état actuel, la présence de ses services reste limitée, en dehors de Dakar, aux chefs- lieux de régions, à l’exception de quelques départements. Cette faible présence induit de très longs déplacements pour certains contribuables, pour rejoindre les services fiscaux, qui impactent négativement sur l’adhésion au système fiscal, et partant, sur les recettes. En outre, cette présence insuffisante crée une distorsion naturelle dans le traitement des contribuables, dans la mesure où les agents sont davantage orientés sur la maîtrise de l’assiette fiscale située dans les zones les plus accessibles. Les insuffisances en ressources humaines et matérielles ne permettent pas de couvrir toute la zone de compétence et un angle mort plus ou moins important peut se former.
L’élargissement du réseau de la DGID, en plus d’avoir des impacts positifs sur les recettes fiscales et les services rendus, sera l’occasion de corriger les incohérences liées à la carrière des agents des impôts et des domaines. Il sera nécessairement accompagné d’une dotation importante en ressources humaines bien formées et en matériels. Dans l’immédiat, les agents des collectivités territoriales pourraient être mis à profit pour constituer des contacts des usagers, dans les zones sans présence de la DGID, pour la délivrance des informations et renseignements de premier niveau.
Concernant les procédures fiscales, le débat sur leur simplification paraît relever d’un vœu pieux. La matière fiscale n’étant pas des plus simples, il en découle des procédures parfois complexes. A défaut de les simplifier dans le fond, il est possible d’en faciliter au moins la réalisation. En effet, la réduction des temps de présence des contribuables, quand ils se déplacent, est un enjeu majeur. Les bureaux de gestion sont congestionnés, pris entre le flux de la gestion des dossiers fiscaux et la réception des usagers. Il est impératif de penser le modèle d’accueil, d’orientation et d’information des usagers, avec des agents spécialisés et ainsi permettre aux agents gestionnaires des procédures fiscales de s’atteler pleinement à ces tâches pour accélérer les délais de traitement.
L’évolution des structures de la DGID, quand bien même elle est importante, ne permet pas encore de fluidifier le traitement des demandes des contribuables. La chaîne hiérarchique demeure toujours longue et la délégation de signature au profit du directeur général de l’administration fiscale sur les procédures contentieuses telles que les dégrèvements, remboursements et restitutions porte sur des montants qui sont relativement dérisoires.
Cette forte centralisation, autant à l’intérieur de l’administration fiscale qu’au niveau du ministère, n’est pas de nature à écourter les délais de traitement, et partant, à favoriser une adhésion au système fiscal. Il est nécessaire, pour permettre une meilleure qualité de services, de décentraliser davantage les décisions et les niveaux de contrôle. Une administration plus proche de ses usagers est aussi une administration dans laquelle la prise de décision est rapide, parce que décentralisée et où les services fiscaux sont plus proches des contribuables.
Dans l’optique de notre politique concernant l’imposition des revenus fonciers, la maîtrise de l’assiette fiscale peut passer par la création de sections uniquement dédiées au recensement, à l’enrôlement et à la gestion des propriétaires fonciers, au sein des centres des services fiscaux. La mise en place d’un système d’échange de renseignements automatisé et quotidiennement mis à jour entre les bureaux des domaines, du cadastre, de la conservation foncière et d’assiette, consultable par les agents habilités des centres, permettra d’animer ces sections. Il s’agira aussi de renforcer les commissions de fiscalité locales mises en place dans les collectivités territoriales, pour qu’elles viennent en appoint aux services dans l’identification et le recensement des propriétés imposables.
Aussi, pour garantir l’efficience des mesures législatives portées, il est urgent de relever le taux de contrôle fiscal des centres dits « traditionnels » et régionaux. En effet, ce taux, qui correspond au nombre de dossiers fiscaux contrôlés sur pièces ou sur place au cours de l’année, reste en moyenne en dessous de 30 %. Cette situation est largement imputable à un manque de moyens humains, mais aussi à la diversité des missions conduites par les bureaux chargés de la gestion, des services aux contribuables, du contentieux et du contrôle fiscal. Pour le rehausser, nous proposons la création de bureaux du contrôle fiscal dans ces centres, sur le même modèle que les bureaux chargés du contrôle à la Direction des grandes entreprises et à la Direction des moyennes entreprises.
Ce dispositif de renforcement du contrôle fiscal s’accompagnera d’un renforcement des moyens d’intervention de la Direction du renseignement et des stratégies de contrôle fiscal (DRESCOF) pour un meilleur appui aux services opérationnels et la mise en application de la volonté affirmée par le président de la République de déclencher des poursuites pénales contre les délinquants fiscaux notoires.
Dans la continuité de cette politique de renfoncement de la DRESCOF et partant, de la gestion du renseignement fiscal, il est utile d’interconnecter les services de l’APIX et de la DGID, afin de garantir, in fine, une unification de la chaîne de création et d’immatriculation des entreprises au niveau des administrations7. Aussi, la présentation d’un document attestant l’attribution d’un identifiant fiscal devrait être rendue obligatoire pour toute entreprise ou opérateur économique voulant procéder à l’ouverture d’un compte bancaire.
La politique fiscale n’est pas une réalité figée. Elle s’adapte aux orientations politiques données par le régime politique, tout en s’adaptant aux contingences et aux réalités socio-économiques. Le Sénégal a un cadre législatif fiscal globalement stable, qui offre des garanties certaines aux entreprises. Il demeure qu’il doit s’adapter à des activités économiques en constante mutation, à des entreprises de plus en plus innovantes.
En outre, la politique fiscale sénégalaise ne peut pas traiter le secteur informel comme une anomalie, au regard de sa part constante dans l’économie. Ce dernier mérite des mesures fortes, un accompagnement efficient, afin d’exploiter au maximum son énorme potentiel. Le relèvement du taux de pression fiscale passera inexorablement par une meilleure fiscalisation de l’économie dite informelle, des services numériques, une rationalisation des dépenses fiscales et une modernisation structurelle de l’administration fiscale. En outre, au-delà des aspects simplement budgétaires, la politique fiscale doit accompagner l’éclosion et la maturation des entrepreneurs de toute nature, qui interviennent dans les différents secteurs de l’économie. La réforme de la contribution globale unique est une parfaite solution pour y parvenir.
Par Ibou FALL
JE SUIS SENGHORIEN MAIS JE ME SOIGNE
Alors que la vente aux enchères de 343 ouvrages, appartenant au défunt mais pas toujours regretté Léopold Sédar Senghor, doit se tenir le 16 avril 2024, le nouveau chef de l’Etat du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, ô surprise, décide de stopper
Alors que la vente aux enchères de 343 ouvrages, appartenant au défunt mais pas toujours regretté Léopold Sédar Senghor, doit se tenir le 16 avril 2024, le nouveau chef de l’Etat du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, ô surprise, décide de stopper cet outrage à la Nation sénégalaise.
Le geste est inattendu, pour ne pas dire surréaliste, venant d’un militant démissionnaire du parti Pastef dont le leader, le Pros, qui, entre autres déclarations tonitruantes, décrète à ses débuts, urbi et orbi, histoire de lancer sa carrière politique, que tous nos anciens chefs d’Etat méritent le peloton d’exécution pour avoir trahi le Peuple sénégalais.
Mieux, le parti Pastef, pour marquer sa différence, porte aux nues l’ancien président du Conseil des ministres, Mamadou Dia, emblématique victime du Senghorisme triomphant. Tout est là pour que, ce 16 avril passé, le patrimoine de Senghor finisse aux enchères, comme un vulgaire string de Madonna balancé en fin de concert alors que ses groupies bavent pendant une heure juste pour son décolleté audacieux exposé en intro.
Mais non, bizarrement, Sédar Gnilane, un fils du Sine tout comme Diomaye Diakhère, depuis peu, mérite de la République.
Il en aura fallu du temps
Le p’tit autochtone court sur pattes à l’accent indigène, sujet français, au demeurant récent agrégé de grammaire, en 1945, ne paye pas de mine à côté de l’altier Maître Lamine Guèye, citoyen français, maire de Dakar, docteur en Droit. C’est le député kaki qui a le mauvais goût de soutenir les paysans, les ouvriers, disons, les sans-culottes de la colonie.
Aux réunions de la Sfio, où il arrive comme un cheveu dans la soupe, ses avis comptent pour de la petite bière. Il ne peut pas comprendre que le curieux agrégé sérère qu’il est, fasse figure de folklore dans le décor pour la Constituante de 1946…
Quand il rend le tablier et entre en campagne, les gens instruits qui ont tout compris dès la naissance ont des sourires en coin. Son soutien agissant aux cheminots qui font mettre un genou à terre aux colons n’est qu’un début. Il prend d’assaut la colonie du Sénégal en donnant le pouvoir aux «sujets», notamment en propulsant Mamadou Dia au-devant de la scène. Le Sérère et le Toucouleur sont les deux faces d’une même pièce, celle qui défend la dignité des Sénégalais et conduit à l’indépendance.
Certes, l’un est aussi pondéré que l’autre est fougueux ; quand le cultivé Sérère catholique se plaît du conservatisme des guides religieux musulmans, le docte Toucouleur venu du Baol s’entiche de la philosophie du développement d’un curé catholique révolutionnaire.
Lorsque les indépendances deviennent inéluctables, les Soudanais, Modibo Keïta en tête, ne veulent rien savoir : le p’tit Sérère catholique agrégé de grammaire ne peut pas diriger un empire où les Mandingues sont presque une majorité, suivis des Halpulars, tous musulmans. Le bras de fer prendra une autre tournure : ça se jouera entre Sénégalais et Soudanais
Chez nous autres, de la rive ouest du fleuve éponyme, l’ethnie et la religion passent derrière le sentiment d’être Sénégalais. Les gens de l’autre rive du fleuve, après les incidents vite maîtrisés, rentreront par train à Bamako et les Sénégalais proclameront la République avant d’élire entre élus en vase-clos à l’Assemblée nationale, leur Président, Léopold Sédar Senghor.
Entre Senghor et Dia, même s’ils ne le disent pas, ça fait longtemps qu’ils ne parlent plus le même langage. Déjà, à propos du référendum que De Gaulle propose, ils ne pensent pas pareil. C’est un «compromis dynamique» qui règle la question : ils votent «oui», mais l’indépendance du Sénégal, ou plutôt de l’Aof, est le but, et au plus vite.
Quand le Sénégal devient une République, son Président se tourne les pouces pendant que la République est sous la coupe réglée du chef de l’Exécutif, tout aussi affublé du titre de «Président», mais lui est celui du Conseil de gouvernement.
Tiens, comme c’est curieux : on avait deux présidents pour une même République, entre 1960 et 1962… Je sais bien : quand ça nait après 1974, devant ces curiosités de l’existence, ça s’y perd facilement…
C’est un timonier solitaire, droit dans ses bottes, qui fait régner l’ordre, parfois au prix d’un bain de sang, lorsque la République tremble dans ses fondements, dix années durant. Il affrontera toutes les menaces, les délations, tous les complots, avec le même sang-froid et cette manière unique de mériter le respect de tous, surtout de ses adversaires. En français facile, on appelle cela avoir de la classe. C’est sans doute le plus beau legs de Senghor…
Le poète-Président laisse derrière lui une superbe œuvre littéraire, à n’en pas douter, qui illustre sa rigueur dans le travail ; une culture encyclopédique que le monde entier lui reconnaît et magnifie partout sur la planète
Rien ni personne ne me fera changer d’avis : sa classe reste inégalée, malgré les agressions de ses successeurs qui s’évertueront, sous le magistère de Abdou Diouf, deux décennies durant, à le présenter comme ce renégat au service du Blanc, ce farfelu que ses lubies d’artiste dominent au point qu’il aura coulé le pays, pour démolir son image et son œuvre, histoire de rafistoler la leur.
Il reste, à mes yeux, l’exemple achevé du citoyen du monde, pétri de savoir-vivre, qui rendra le pouvoir avec cette élégance que nos contemporains ne sont plus en mesure d’égaler. Ce n’est pas que ses successeurs n’ont pas tenté. C’est juste que la marche est trop haute.
Par Mbagnick Diop
ILS VENDRONT CHEREMENT LEUR PEAU POUR VENIR A BOUT DE LA VIE CHERE
En attendant que le Premier ministre Ousmane Sonko et son équipe finalisent et présentent une déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, le président de la République insiste sans cesse sur l’allègement du coût de la vie
En attendant que le Premier ministre Ousmane Sonko et son équipe finalisent et présentent une déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, le Président de la République insiste sans cesse sur l’allègement du coût de la vie. Il aimerait que les Sénégalais disposent d’un indicateur de taille pour que leur confiance et la crédibilité du gouvernement soient établies durablement. C’est un engagement fort louable mais caractérisé par une pénibilité susceptible d’émousser l’ardeur du gouvernement qui se bat sur plusieurs fronts.
Réputé tenaces, le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre vendront chèrement leur peau pour venir à bout de la vie chère.
Le projet n’est pas utopique mais il n’en demeure pas moins compliqué eu égard aux équations qui émanent de la coopération avec les institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et fonds monétaire international). Lesdites institutions, à l’approche caporaliste, ont usé plus d’un gouvernement à travers l’octroi de financements conditionnés par la vérité des prix, particulièrement dans les domaines de l’eau et l’électricité dont l’exploitation est soumise aux concessionnaires sans état d’âme lorsqu’il s’agit de réaliser des chiffre d’affaires et profits. Depuis 2015, le Sénégal s’est lancé dans une libéralisation incontrôlée des secteurs de l’eau et l’électricité, sans que cela se traduise par une réduction des prix pour soulager tant soit peu les consommateurs. Il importe aussi d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des consommateurs sur la promesse d’une réduction du déficit de production et distribution d’eau à Dakar au moyen d’une multiplication des stations de dessalement. La capacité de ces ouvrages sera d’autant plus limitée qu’ils supporteront des coûts élevés de production et de maintenance.
Là où le bât blesse …
Quant à la problématique des denrées alimentaires de première nécessité, sa résolution s’appréhende fondamentalement par une politique de production intense à moyen et long termes. En attendant que la donne soit effectivement matérialisée, le Président et son gouvernement entendent alléger le coût de la vie au moyen d’une politique volontariste qui appelle l’adhésion des opérateurs économiques. Et c’est là où le bât blesse car ces opérateurs sont habitués depuis longtemps à faire défaire le marché, sans que des mesures coercitives ne leur soient opposées. La fluctuation démesurée des prix, les ruptures d’approvisionnement, le manque d’hygiène dans le conditionnement et la distribution des denrées alimentaires, le manque de rigueur du système de contrôle sanitaire des produits importés sont autant de méfaits qui impactent dangereusement sur la santé des consommateurs. Le Sénégal est un grand souck où on dénombre des produits prohibés, périmés, reconditionnés et éparpillés à travers des circuits qui échappent à tout contrôle. Dans de telles conditions commerciales, il n’est pas étonnant que les maladies cancérigènes se propagent.
Au plan administratif, la redynamisation des corps de contrôle, notamment celui du contrôle économique et de la vérification des prix, est une mesure qui doit être accompagnée par la mise à disposition d’agents intègres, au professionnalisme prouvé et dotés de moyens à hauteur de leur mission. Les consommateurs en ont assez de voir des contrôleurs formés au rabais, raquette sans scrupule les commerçants et boutiquiers qui, à force de supporter les tracasseries, se croient autorisés à bafouer la nomenclature des prix officiellement fixés.
Quant aux associations de consommateurs qui sont dans une rivalité malsaine, il est temps de leur crier casse-cou et les amener à rationaliser leur organisation pour accomplir leur mission sans compromission.
DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR À L’ENCHAÎNEMENT SUPÉRIEUR
Depuis plus de 10 ans, les années académiques se superposent et s’enchaînent, entraînant une augmentation du nombre d'étudiants dans les universités...
Depuis plus de 10 ans, les années académiques se chevauchent et s’enchaînent. Malgré tout, on oriente encore plus de bacheliers dans les universités. Les réformes sur les redoublements dans l’élémentaire et le moyen secondaire ont accru le nombre d’élèves et d’étudiants au détriment de la qualité des enseignements. Le système LMD est venu apporter des solutions aux redoublements et abandons dans les universités mais en a créé d’autres comme les retards dans le calendrier académique. On est passé d’un système d’enseignement supérieur à un système d’enchaînement supérieur. Si une partie de l’explication est liée à des facteurs internes aux universités, une autre partie dépasse la compétence des acteurs de l’université et interpelle l’Etat.
Les facteurs internes aux universités
A l’UCAD, il n’est pas rare de voir une faculté perdre 3 mois entre l’organisation des examens de la session normale, les corrections et délibérations, l’organisation de la session de remplacement et la publication des résultats définitifs. C’est parce qu’avec le LMD, on a tellement saucissonné les enseignements qu’il devient difficile de respecter le calendrier académique avec les effectifs actuels.S’y ajoute qu’il y a eu des imprévus comme la fermeture de l’université en 2020 pour cause de Covid-19, ensuite en 2022 pour des raisons politiques (élections législatives) et, pour les mêmes raisons politiques, entre juin 2023 et Février 2024.
La démultiplication des formations payantes à l’université est un des facteurs qui plombent l’avancement des cours dans les programmes du cycle « normal ». En effet, s’il est vrai que ces formations payantes permettent à l’université d’avoir des ressources que l’Etat ne peut pas mettre à sa disposition, il est tout aussi vrai que la mutualisation des infrastructures et des enseignants avec ces formations, constitue un facteur de blocage. Certains enseignants préfèrent prendre le minimum requis pour leur service dans les formations classiques (non payantes) pour consacrer le reste de leur temps aux formations payantes où le taux horaire est plus élevé, et le paiement plus rapide (juste à la fin du cours).Ce qui fait qu’on a des permanents qui se comportent comme des vacataires.
Les facteurs externes aux universités
Les orientations sont faites directement par le ministère même s’il existe une commission nationale d’orientation des bacheliers. Mais, il faut le dire, la décision d’orienter tous les bacheliers est déjà prise avant la réunion de la commission. On met dans les universités des effectifs qu’elles ne peuvent pas gérer correctement.
Ensuite, la généralisation des bourses, qui est une bonne chose du point de vue social, a eu des effets pervers en ce sens que beaucoup d’étudiants s’inscrivent (juste pour la bourse) mais n’étudient pas. Ils sont dans la base de l’UCAD; ce qui nous oblige à les prendre en compte dans les groupes de TD avec son corollaire en termes d’alourdissement du calendrier (problème de disponibilité des salles) et de la facture (heures à payer).
Faut-il le rappeler, si dans un groupe on voit 15 étudiants sur 30, on fait la séance et elle est payée de la même manière que si les 30 étudiants étaient présents.
Lorsqu’on parlait de 25 semaines pour une année académique normale, il n’y avait pas les technologies actuelles. Il faut réduire la durée des semestres tout en intensifiant les enseignements avec les nouvelles technologies pour faire le chemin du retour de l’enchaînement supérieur à l’enseignement supérieur.
Pr Abou KANE est enseignant à la FASEG/UCAD
par Ibrahima Deme
ON NE SOIGNE PAS LE MAL PAR LE PIRE
Aucune nomination régulière de magistrat ne peut être faite ni retirée sans réunion préalable du Conseil supérieur de la magistrature. Le respect de la loi et de la séparation des pouvoirs est le principal pilier de la démocratie et l'État de droit
Le 4 avril dernier, quelques organes de la presse en ligne avaient rendu compte de l'abrogation par le président de la République nouvellement élu, Bassirou D. Faye de décrets portant nomination de magistrats. Les actes en question avaient été pris à l'issue d'un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par son prédécesseur avant la fin de son mandat.
Dans une émission faite le même jour, j'exprimais ma prudence par rapport à la véracité de cette information. J'affirmais notamment qu'il serait étonnant qu'un président qui a été fraîchement élu pour rétablir principalement l'État de droit et l'indépendance de la justice puisse lui-même porter atteinte à ces principes fondamentaux dès ses premiers actes.
Car il était constant qu'il n'y avait ni réunion du Conseil Supérieur ni même une consultation à domicile.
Depuis lors, j'ai essayé de vérifier sans succès si cette information était avérée.
Grande a été ma surprise de constater l'existence de ces décrets qui violent manifestement les principes constitutionnels de l'indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. En effet, au regard de l'article 90 de la Constitution, « Les magistrats autres que les membres du Conseil Constitutionnel et de la Cour des Comptes sont nommés par le président de la République après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. »
L'article 4 de la loi organique portant statut des magistrats confirme que « Les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre de la justice, après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature.»
Il apparaît donc clairement qu'aucune nomination régulière et légale de magistrat ne peut être faite ni retirée sans réunion préalable du CSM.
Je tiens cependant à préciser que je désapprouve totalement la tenue d'un
CSM la veille de l'expiration du mandat du président Sall. C'est non seulement d'une inélégance républicaine sans précédent, mais c'est très suspect. Il était néanmoins possible de revenir sur ces mesures en respectant le parallélisme des formes, c'est à dire en convoquant une autre réunion du CSM.
C'est pourquoi, j'invite M. le président de la République, à procéder au retrait de ces décrets qui ont été probablement pris dans la précipitation.
Le respect de la loi et de la séparation des pouvoirs est en effet le principal pilier sur lequel repose la démocratie et l'État de droit.
Ibrahima H. Deme est ancien magistrat, avocat, président du parti ETIC.