À la voir en talons hauts, élégamment vêtue et impeccablement maquillée, dans son confortable bureau du centre-ville de Dakar, difficile de l’imaginer crapahutant sur les pentes de l’Himalaya. Pourtant, en 2013, Amy Sarr Fall a vaincu sa peur du vide pour aller interviewer, dans son fief, le dalaï-lama, le chef spirituel du bouddhisme tibétain. « Je ne m’attendais pas à une ascension à 6 000 m d’altitude pour le rencontrer, confie-t-elle. Mais il m’a toujours inspirée : j’ai lu ses livres et j’ai beaucoup appris de cette expérience. » La Sénégalaise a notamment réussi à vaincre sa hantise des hauteurs. « La peur n’est qu’imaginaire », résume-t-elle.
Des paroles inspirantes
Amy Sarr Fall enchaîne les défis comme certains de ses compatriotes égrènent les chapelets. En 2007, jeune diplômée en communication et en administration des affaires internationales, elle assiste, à New York, à une conférence de Barack Obama, alors sénateur de l’Illinois et candidat à l’investiture présidentielle démocrate.
Un mot d’ordre du futur président des États-Unis l’interpelle : « Le changement vient de la base. » Ces paroles sont pour elle comme une révélation : « J’ai su qu’il me fallait rentrer au Sénégal afin d’y jouer un rôle. » Pour y faire quoi ? « L’information m’a toujours passionnée. J’y vois un outil de transformation des consciences et de valorisation des idées et des personnes susceptibles de contribuer au développement », confie Amy Sarr Fall. Elle créera donc un média.
Rentrée au pays en 2009, la jeune femme se lance en solo, au culot. « J’ai rédigé et mis en page moi-même, sur Word, les 56 pages du premier numéro d’Intelligences Magazine, que j’ai envoyées directement à l’imprimeur », raconte-t-elle. En janvier 2010, le nouveau-né affiche en couverture : « Obama, Sarkozy et Wade sont-ils prêts pour 2012 ? » Les 5 000 exemplaires ne seront pas intégralement vendus, loin de là, mais le succès d’estime est au rendez-vous.
Soutien présidentiel
Grâce à un sens aigu de la communication événementielle, Amy Sarr Fall fait entrer son magazine dans la cour des grands dès le deuxième numéro. L’année 2010 marque en effet le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Sénégal et l’an X de l’alternance à la tête de l’État. « J’ai voulu mettre en valeur les 50 femmes sénégalaises susceptibles, dans tous les domaines, d’être qualifiées de leaders d’exception, explique-t-elle. Nous avons organisé une cérémonie d’hommage que le président Abdoulaye Wade a accepté de présider. » L’ancien chef de l’État consent par ailleurs à accorder une interview exclusive à sa jeune compatriote, contribuant à crédibiliser le nouveau mensuel.
Amy Sarr Fall se défend pourtant de toute approche partisane. Au lendemain de son élection, en mars 2012, Macky Sall lui accordera sa première grande interview à la presse écrite sénégalaise. « Abdoulaye Wade et Macky Sall ont soutenu la jeunesse et l’ambition. Ils ont apparemment reconnu la qualité de notre travail et la sincérité de notre démarche », se réjouit la dynamique trentenaire.
Outre les principaux leaders politiques sénégalais, d’autres VIP se succéderont dans les colonnes d’Intelligences Magazine, comme la Canadienne Michaëlle Jean (dont Amy Sarr Fall soutiendra la candidature au poste de secrétaire général de la Francophonie, à la veille du sommet de Dakar, en novembre 2014), la présidente de la Commission de l’Union africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, ou encore la maire de Paris Anne Hidalgo. « Je côtoie beaucoup de personnalités, mais je sais qui je suis et d’où je viens, tempère cette hyperactive assumée. Ma grand-mère, qui venait du monde rural, a perdu la vie en donnant la vie. »
Bâtir le pays de l’intérieur
Du collège à l’université, la jeunesse sénégalaise s’est prise de sympathie pour cette figure atypique, incarnation du féminisme, apôtre de l’excellence et chantre d’un afro-optimisme décomplexé. En 2012, alors que l’année universitaire se présentait sous de mauvais auspices, Amy Sarr Fall a lancé la Grande Rentrée citoyenne : « Pendant une journée, des mentors sont venus parler aux jeunes, leur dire que l’émigration n’est pas forcément la clé de la réussite et que c’est en se battant ici, en refusant l’attentisme, qu’ils pourront forger l’avenir du pays. » L’événement fêtera sa cinquième édition mi-décembre
QUI EST AMINATA NIANE – EX DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’APIX ?
Aminata Niane est une femme d’influence, née en 1956 au Sénégal, elle suit un parcours légendaire
Aminata Niane est une femme d’influence. Née en 1956 au Sénégal, elle a tout donné pour développer son pays.
Le bac en poche, elle s’envole pour la France et obtient une maîtrise en chimie et un diplôme d’ingénieur en sciences et technologies des industries alimentaires.
A 27 ans, Aminata Niane entre dans le monde du travail en tant qu’ingénieur dans plusieurs entreprises sénégalaises spécialisées dans l’agroalimentaire : Société industrielle des Produits laitiers/SIPL et SONACOS. Elle poursuit sa carrière dans l’administration en tant que conseillère technique au Ministère du Commerce en 1987.
Quatre ans plus tard, Aminata Niane devient experte puis chef de projet et enfin associée responsable dans les premières structures d’appui au secteur privé. En 2000, elle est nommée Directeur Général de l’APIX, une agence nationale rattachée au cabinet du Président de la République du Sénégal chargée de la promotion des investissements et des grands travaux jusqu’en mai 2012.
Durant cette période, Aminata a mis des stratégies en place pour améliorer l’environnement des affaires du pays. Elle est à l’initiative de plusieurs projets d’infrastructures en partenariat public-privé (PPP) : autoroute Dakar-Thiès ou encore l’aéroport international Blaise Diagne.
En 2013, elle devient conseillère auprès du Vice-Président Infrastructure, Secteur Privé et Intégration Régionale de la Banque africaine de développement. Aminata Niane est aujourd’hui membre du conseil d’administration de la société Atos.
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QUAND LE NOM DES PAGNES CONSTITUE UN MIROIR SOCIAL
Ils ont leur source dans l’actualité, ça peut être des crises, les mutations sociales, les souffrances, des téléfilms et les joies - À Abidjan c'est au moment d'acheter les pagnes à vendre que les commerçantes grossistes donnent le nom aux détaillants
Avec des noms qui varient en fonction des différentes conjectures, le pagne notamment le Wax, tissu en coton imprimé de qualité supérieure et qui a un attrait particulier sur les femmes, constitue un véritable miroir social.
Selon de nombreuses femmes, ces pagnes de par leur nom véhiculent des messages. « Ces noms de pagne ont leur source dans l’actualité, ça peut être des crises, les mutations sociales, les souffrances, des téléfilms et les joies. C’est quand je vais à Abidjan pour prendre mes pagnes à vendre que les commerçantes grossistes me donnent le nom », a affirmé Doumbia Sanata, commerçante depuis plus d’une vingtaine d’années au grand marché de Dimbokro.
Selon elle, les commerçantes, dotées d’une imagination débordante baptisent, à chaque fois, le dernier modèle sorti. « Elles augmentent chez les femmes la convoitise, les poussant à rivaliser d’adresse pour être la première à porter modèle en vogue », a souligné la commerçante.
Elle a fait remarquer que plusieurs noms de pagnes sont sortis et ont fait le bonheur des femmes, citant « Feuille de gombo », « L’œil de ma rivale », « Z’yeux voient, bouche ne parle pas », « Grotto », « Réconciliation », « Balai de Guei »…
Avec le nom, le pagne prend de la valeur et ça couche cher. Ainsi pour avoir « Avenue 16 », « Tu sors, je sors », « Feuilles de piment », « Ton pied mon pied », « Fleur d’hibiscus », « Quand femme passe, les hommes trépassent », les femmes devaient et doivent jusqu’à présent délier la bourse.
« Lorsqu’un nouveau modèle est sur le marché, la publicité se fait de bouche à oreille notamment lors des grandes cérémonies comme les mariages, les baptêmes et les sorties d’associations », a relevé Mme Doumbia.
Elle a souligné qu’en dépit de la montée fulgurante du blue-jean et autres pantalons dans l’habillement chez la jeune génération de femme, il est prédit au pagne notamment le Wax, de beaux jours. Car il continuera de toujours fasciner les Africaines. « Aujourd’hui, les pagnes que vous voyez sont des anciens modèles qui reviennent à la mode », a noté la commerçante.
La quarantaine, Kouthia, de son vrai nom Samba Sine, est un des meilleurs humoristes du Sénégal en particulier, et de l’Afrique de l’Ouest en général. Il anime le «Kouthia Show», une émission quotidienne dans laquelle il passe en revue l’actualité nationale, en imitant l’une ou l’autre personnalité : un politique, un sportif, un artiste…De la RTS à la TFM, en passant par Walf Tv, «Kouthia Show» suscite l’intérêt du grand public. C’est dans cette optique qu’il s’est donné pour mission, tout en divertissant, d’éduquer, d’informer et d’éveiller les consciences, explique-t-il. C’est dans son t-shirt orange-bleu, tout modeste et confiant, tout sourire et accueillant, qu’il se livre à cœur ouvert et sans limites dans ce tout premier numéro de ‘‘SUD DETENTE’’.
Qui est Kouthia? Comment vous définiriez-vous ?
Je réponds au nom de Samba Sine. Je suis quelqu’un qui a su très tôt quel était son destin, celui de répandre la joie et de faire plaisir au monde. Ce qui fait que Kouthia rime avec sourire.
Et d’où vient ce nom ?
(Rires). C’est une longue histoire. En fait, il y a beaucoup de versions, mais il faut en retenir deux. La première, c’est en rapport avec une expression qui me dérangeait «douma ci pouthia soumaci naré pathia bako ». La seconde, c’était dans mon quartier où vivait une famille diola, la famille Diedhiou. Un jour, alors qu’on jouait, notre ballon de foot a atterri dans leur plat, où il y avait du « kouthia » (bissap, Ndlr). Du coup, le vieux Diedhiou, qui ne comprenait pas le wolof, s’est mis à me courir après en criant : « Kouthia, Kouthia, kouthia… » C’est comme ça que l’expression s’est propagée, et partout où je passais, les gens disaient : « Pa Kouthia ngui nieuw » (le vieux Kouthia arrive, Ndlr). C’est de là que vient le surnom « Kouthia ».
Comment vous êtes-vous lancé dans le métier d’humoriste ? Par passion ou y a-t-il une quelconque raison qui vous a poussé à embrasser ce métier ?
C’est plutôt par passion. Car, dans l’environnement où j’ai grandi, on se regroupait souvent avec mes frères autour du thé, que j’avais l’habitude de préparer. Par la même occasion, on en profitait pour apporter des journaux tels que « Le cafard Libéré », journal de satire politique. Ce journal publiait des commentaires et des dessins d’Abdoulaye Wade, d’Abdou Diouf entre autres. Je m’en suis inspiré pour faire des caricatures. L’humour était déjà un don chez moi. En fait, j’ai toujours été drôle. Je vivais à l’époque aux Hlm, cité nouvelle à l’époque, où les gens étaient réservés ; mais moi je restais toujours égal à mon sens de l’humour, je suis free. En fin de compte, j’ai apporté de l’ambiance dans ce quartier, par des blagues les soirs.
En dehors de cette activité, quelle autre profession exercez-vous ?
Avant, j’ai été dessinateur en bâtiment, ce que j’ai appris à faire à l’Association sénégalaise d’aide à la formation et à l’insertion (ASAFIN). D’ailleurs, je remercie M. Cissokho qui en était le Directeur. Ce que peuvent confirmer mes promotionnaires. J’ai aussi fait une formation en électricité pendant deux ans. J’en ai tiré de l’expérience, car je n’ai pas oublié ce que j’ai appris. C’est juste quand j’ai du temps libre que je m’amuse à tracer des figures. Mais, ce n’est pas une profession que je continue d’exercer.
Racontez-nous vos débuts dans le métier en 90 et les difficultés ?
Au début, c’était difficile. Il fallait se donner à fond pour s’en sortir. C’est comme si, au lieu de prendre l’ascenseur, on prenait l’escalier. Ce chemin est parsemé d’embûches, il fallait le prendre pour réussir et arriver à sa fin. Et c’est l’escalier que j’ai pris. Il y a des artistes-comédiens ascenseurs et des artistes escaliers. Les premiers naissent et montent aussitôt au sommet. Tandis que pour les seconds, s’ils prennent l’escalier, ils auront le temps de marcher, de voir, de comprendre, d’analyser et de retenir la leçon, et c’est ça qui fait l’expérience. Avec l’escalier, tu rencontres à chaque pas des pièges, on te met des bâtons dans les roues mais tu les contournes. Avec l’ascenseur, le risque c’est que quand il tombe en panne, tu reviens à la case départ. Il faut que tout le monde passe par les escaliers.
Y a-t-il des personnes qui vous ont aidé à vous introduire dans le milieu ?
Oui. Dans l’ensemble, c’est à la Radio Télévision Sénégalaise (RTS) et à ses animateurs que je dois à 80 % ma révélation au grand public. D’abord, c’est Moïse Ambroise Gomis qui m’a donné mes chances par ses diverses émissions, de « Génération 80 » au « Petit théâtre ». La RTS, seule télé et radio de l’époque, donnait aux comédiens l’opportunité de faire des shows. Parallèlement, il y avait Abdou Kader Diokhané, qui présentait l’émission radiophonique « Ngonal » chaque samedi soir, et où je faisais des blagues. Il y avait également Sonia (Sonia Dia, décédée en 2010, Ndlr), la journaliste-animatrice qui présentait « Inter 12-14 » sur les ondes de Radio Sénégal où je passais souvent. En plus, Feu Sanokho était le seul comédien, humoriste, imitateur et spécialiste des langues nationales à l’époque. Pour me différencier de son style, j’ai commencé à imiter Abdoulaye Wade, Maître Babacar Niang, Hadji Mansour, El Hadji Mbaye Pèkh, des personnages politico-culturels et les hommes de média.
Comment préparez-vous vos émissions, comment vous documentez-vous sur le sujet pour entrer dans la peau de vos personnages ?
Il faut avoir l’amour de ce que l’on fait pour réussir ce métier. Par exemple, pour imiter Woré Sarr, Aida Diongue, se déguiser comme elles pour le faire, cela demande à l’artiste d’être sans complexe afin de ne pas fausser son rôle. Après avoir fait des recherches et cherché la voix du personnage à imiter, j’affiche sa photo à l’écran et je trouve les déguisements appropriés à ce personnage pour attirer l’attention des téléspectateurs afin qu’ils puissent deviner la personnalité représentée. Même si l’Islam est contre le fait qu’un homme se déguise en femme, le but recherché c’est de faire plaisir aux gens par la comédie. Ne pouvant pas imiter la personne à 100%, j’essaie de faire le maximum pour être dans les 75 voire 80 %. Dans tous les cas, cela doit être une ambition.
Quels sont les personnages que vous prenez particulièrement plaisir à interpréter ?
Je suis particulièrement content quand certaines personnes font l’actualité. Comme Madické Niang, Abdoulaye Wade etc. S’ils sont à la Une, je me dis personnellement que l’émission sera bonne aujourd’hui. Je me base toujours sur l’actualité pour les imiter. C’est pourquoi, je ne me considère pas comme un comédien comme les autres. Quand je le dis des fois, ils pensent que je les rabaisse, mais loin de là. J’aurais pu les rejoindre dans ce qu’ils font mais je me suis tracé un autre chemin : celui d’être un journaliste-humoriste utilisant la satire. C’est dans ce sens qu’il faut apprendre pour pouvoir traiter l’actualité. Il faut connaître les limites, l’éthique et la déontologie. D’un autre côté, il y a des personnages comme Kadhafi par exemple, qui ne sont plus de ce monde, et que je me plaisais à imiter. Je me plais aussi à imiter des personnages qui ne sont plus d’actualité comme Yahya Jammeh. C’est pourquoi, je recrée l’actualité avec eux, pour faire plaisir à mon public. En un mot, je prends du plaisir à jouer ces différents rôles.
Kouthia a-t-il des sens interdits, des rôles qu’il n’interprétera jamais ?
Oui. Je m’abstiens d’intervenir dans le cadre religieux. En effet, je ne parlerai pas des sujets qui touchent aux différentes Tarikha, et je n’imiterai pas non plus un personnage religieux que le public respecte. Car, en les imitant, tu risques de perdre la face devant eux. Donc, tout ce qui touche les religieux, je laisse de côté.
Vous est-il arrivé d’avoir des problèmes, pour avoir mis quelqu’un en scène dans votre « Kouthia show » ? Avez-vous déjà fait l’objet d’une menace ?
Pour l’instant, cela ne m’est jamais arrivé (il touche du bois). Comme je l’ai souligné tout à l’heure, si tu fais les choses dans les règles de l’art, tu ne risques rien. L’audace et la dérive n’ont pas de rapport avec l’art de plaire. Ma priorité reste l’information et l’humour qui est sa coloration. Chacun aime un type particulier chez Kouthia : sa danse, son déguisement, son maquillage ou son message, parce que je respecte le charisme et la personnalité de la personne à imiter.
Vos interprétations de Me Abdoulaye Wade, Me Madické Niang, Yahya Jammeh, Mme Aminata Touré, Me El Hadj Diouf ou encore Amath Dansokho sont très connues. Quelles relations entretenez-vous avec eux ?
En général, je rencontre ces personnalités lors de certaines occasions comme des soirées de Gala, dans des milieux que je fréquente, mais ce n’est pas que je vais les voir personnellement. Je peux vous dire comment certains d’entre eux réagissent à ma vue. Par exemple, pour Aminata Touré, elle estime que « ce succès l’a surprise ». Au début, elle n’avait pas compris ; mais par la suite la chanson qui lui est destinée « Mimi ngui nieuw, Mimi ngui nieuw… » (Mimi arrive, Ndlr) est devenue positive à ses yeux. L’image de la « Dame de fer » qu’elle incarnait jadis, a fini par s’atténuer. On ne la voit plus de cette manière puisqu’elle est devenue joyeuse en fin de compte.
Quant à Amath Dansokho, c’est mon père. Quand on se rencontre, il me charrie en prenant sa canne, faisant semblant de me donner un coup. Ce sont ses enfants qui lui rapportent mes imitations à son propos. A côté, je suis beaucoup plus proche de Madické Niang, dans la mesure où j’ai noué des relations avec les membres de sa famille.
Le « Kouthia show » est très politique. Pourquoi ?
Oui, mais il n’y a pas que ça dans « Kouthia show ». En fait, c’est surtout quand l’actualité est politique que j’imite les personnalités politiques, mais ce n’est pas à cause d’une préférence de ma part. Chaque matin, les différents journaux arrivent, je les regarde pour m’inspirer. Après, j’écoute la revue de presse de « Walfadjri », « RFM » et « SUD FM ». C’est à partir de là que je cherche où se trouve la saveur qui va me servir à agrémenter mon émission. Si l’actualité est trop politique, l’émission sera politique ; si elle est culturelle, l’émission sera aussi culturelle, ainsi de suite. Je ne crée pas l’information, je la cherche et je la trouve.
Il y a quelques temps, vous avez fait une sortie médiatique où vous jetiez toute votre colère sur vos collègues de travail. Etait-ce par mécontentement ou est-ce dans votre nature ?
J’ai fait beaucoup de sorties dans les médias. Celle que j’ai eue à faire récemment m’a d’ailleurs poussé à arrêter puis à revenir. Seulement, c’est des choses qui arrivent. Quelquefois, il arrive que tu ne puisses pas tolérer certaines choses, ce qui te pousse à exprimer ta colère. Peut-être qu’on choisit les mauvais endroits pour exprimer sa frustration, sans faire attention. C’est pourquoi, il faut avoir de la retenue en ces circonstances. Mais je pense que ce n’est pas trop méchant de dire ce que tu penses, d’exprimer ton opinion. Les gens se posent des questions quand ils ne voient plus Kouthia et n’ont pas la possibilité de m’entendre m’expliquer. Ce qui fait qu’ils veulent connaître la raison de mon absence et savoir ce qui se passe. Ce n’est pas grave, sinon ma dignité ne me permettrait pas de revenir à la TFM. En plus, si je ne parle pas à voix haute, peut-être que d’autres vont le faire à voix basse. Ce n’est pas dans mon intérêt personnel que je le fais mais pour l’intérêt général, pour défendre la cause de tous les travailleurs. Je ne suis pas un syndicaliste mais je pense que c’est à moi qu’on a donné la chance de parler, et c’est ce que j’ai fait.
Vous vous êtes plaint à ce moment de ne pas être rémunéré à la hauteur du travail que vous faites à la TFM. Pourtant malgré cette rébellion soudaine, vous n’avez pas plié bagage, comme vous aviez menacé de le faire à l’époque. Pourquoi ce changement?
(Avec humour, non mais toi, ta question remonte à fort loin. Cela doit faire 4 ou 5 ans.) Sinon, pour parler sérieusement, ce n’est pas une question d’argent. Parce que si je voulais, je pourrais faire mon show sur Internet, créer ma propre chaîne sur Youtube avec l’aide de mes sponsors et quitter la TFM. Je serais bien payé avec les nombres de vues. Mais je ne le ferai pas car ceux qui aiment Kouthia et qui se trouvent à Kédougou, Mbadakhoune par exemple, ne pourraient plus me suivre. Mais on place notre espoir en Youssou Ndour pour l’accompagner dans la réussite de son projet. Il nous a poussés à sacrifier notre avenir. En effet, on a laissé derrière nous notre carrière car on aurait pu faire des tournées 4 fois dans le mois, dans les plus grandes régions de l’Afrique, des tournées qui nous permettront de revenir avec suffisamment d’argent pour nourrir nos familles. Je ne minimise pas mon salaire. C’est Dieu qui a dit qui fait plaisir au fils d’Adam, je le rendrai heureux à mon tour. Je préfère le salaire que Dieu va me payer à celui qu’on me paie ici à la TFM. Le but c’est de faire plaisir aux gens par mon show. Mais la vérité, c’est qu’on ne peut pas faire travailler quelqu’un sans le payer. Qu’on augmente le salaire ou pas, l’essentiel c’est qu’on soit toujours en vie.
En tant que figure humoristique célèbre, vous avez une image à préserver. Souvent quand vous vous mettez en colère, il vous arrive de vous emporter. Est-ce que vous y prêtez attention, pour vos auditeurs, et est-ce que votre entourage vous interpelle en ce sens ?
Ecoutez ! Les gens ne sont pas fous, ils savent ce qui se passe. Si tu parles de ce genre de choses et que c’est une chose vraie et fondée, tout le monde va te croire parce qu’ils voient, ils vont reconnaître ton travail. Si je disais du n’importe quoi alors que je ne fais rien à la TFM, on peut me critiquer. Mais on sait que je suis dans mon droit. On travaille tous les jours sur l’actualité, ce que tu dis et fais aujourd’hui tu ne le répéteras pas demain. Donc, on doit plus nous donner notre place, nous respecter. Mais, si celui que tu divertis ne partage pas ton opinion, on ne peut pas dire que c’est un fan. C’est pourquoi, Serigne Mbaye Sy Mansour lançait souvent un message à la TFM lors des Gamou « Il y en a qu’il faut mettre à la place qu’ils méritent, récompenser leurs efforts comme Kouthia par exemple ». Depuis, il y a des améliorations à ce sujet.
Vous êtes considérés comme un des meilleurs humoristes de l’Afrique de l’Ouest. Et pourtant votre émission se fait en langue nationale. Cela ne peut-il pas être un obstacle dans la mesure où votre public étranger n’a pas accès à ce que vous dites ?
C’est que nous, on a l’habitude de faire du « rethieulé » (on laisse échapper des mots) en français. Dans la plupart de mes imitations des personnages français, j’utilise leur langue et après j’emploie le wolof. Les Sénégalais de l’extérieur (Mali, Côte d’ivoire etc.) participent à la traduction de « Kouthia show » en expliquant à mes téléspectateurs ce que je dis. Seulement, quand l’imitation se fait en français, l’humour n’a pas l’effet recherché, son goût diminue. Mais avec mon style, je peux contourner cela à ma manière, de sorte que le Français qui regarde puisse y voir l’humour à travers mes déguisements, mes danses et gestes, par les mots que j’utilise.
Est-ce que vous songez à faire des versions en français ou en anglais de votre émission « Kouthia Show » pour la rendre accessible sur l’espace international ?
En fait, ça fait partie d’un projet. Je ne voulais pas en parler mais il y a un professeur d’Université qui a écrit un livre « Le Sénégal des enlisements » dont les douze pages sont sur Kouthia. Il s’agit du Pr. Ndéné Mbodj. Il a l’espoir qu’un jour, on pourrait apprendre dans les universités le métier que fait Kouthia sur le traitement de l’actualité et son rôle de régulateur social. Il explique que je participe aussi à la pratique de la démocratie dans les pays. Par exemple, quand j’imitais Yahya Jammeh, le peuple gambien était étonné car il s’agit d’un homme qui est craint par son peuple et partout. Les gens ont fini par comprendre que la démocratie existe et qu’on peut taquiner un président de la république. C’est pourquoi, le Pr. Mbodj pense que dans l’avenir, on peut traduire ce que je fais en français, en anglais pour que les jeunes universitaires puissent en profiter. En un mot, par mon art, je peux réveiller un peuple pour qu’il connaisse leur droit et leur devoir.
Qu’est-ce qui caractérise la comédie actuelle selon vous ? Et quelle lecture pouvez-vous faire de votre art maintenant?
Avant, il n’y avait pas le développement des TIC alors qu’aujourd’hui nous sommes dans l’ère de la vulgarisation des technologies de l’information et de la communication. Pour ma part, je prépare mon envol et je peux dire qu’aujourd’hui est mon premier jour de comédie parce qu’il faut toujours chercher à être meilleur. Ma carrière commence à partir de maintenant.
Quels sont vos derniers mots?
Je voudrais juste dire que la comédie est très vaste. C’est comme si tu parles de « Sport » par exemple. Car, là-dedans il y a des journalistes sportifs, spécialistes de football, de lamb (lutte traditionnelle, Ndlr) etc. Mais tu peux cumuler le tout. J’appelle les comédiens à être polyvalents et à aller apprendre l’art pour qu’on les respecte, pour être des artistes complets. C’est pourquoi, je ne me réclame pas comédien, mais journaliste-humoriste. Je ne fais pas de « Wiri Wiri », ni « Idoles », je fais de l’information en version humour comme Les Guignols de l’info qui sont en France. Rester dans l’information, pour éviter les dérives comme l’offense au chef de l’Etat car au Sénégal c’est l’article 81 qui te fait tomber.
CONSEILS DE L’INVITE
A QUI : au Président de la République son Excellence M. Macky Sall.
SUR QUOI : Je donne trois conseils au Président. D’abord, c’est de revoir les passations de service qui se déroulent avec trop de « moumbaye » au Sénégal et on ne trouve ça nulle part ailleurs. Ensuite, il doit veiller à ce que le ministre de la Culture n’attende pas que les artistes lui demandent des audiences car les démarches administratives sont compliquées. Macky Sall doit les pousser à appeler et organiser des séminaires pour écouter et aider les artistes. La culture ne se développe pas, il n y a pas de remaniement à ce niveau. Enfin, il doit créer un Ministre chargé des affaires religieuses pour faire connaître les enseignements de nos religions, mettre les chefs religieux au premier rang pour la stabilité du pays. Le ministre de l’Intérieur ne peut pas tout faire.