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28 novembre 2024
People
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, BOUBACAR BORIS DIOP
L'INVASION DES BARBARES
Comment l’Occident a pu ‘‘vaincre sans avoir raison’’? La fracture Nord–Sud reproduit les lignes de force d’une géographie coloniale et raciale - Retour sur la négrophobie des sociétés arabes
L'éditorialiste de SenePlus, Boubacar Boris Diop, a eu un long entretien avec Sherine Soliman du Parti des Indigènes de la République (PIR). SenePlus publie la première partie de cette fascinante conversation de plusieurs heures.
L’écrivain et intellectuel sénégalais Boubacar Boris Diop est sans nul doute l’une des voix les plus courageuses et les plus incontournables du continent africain aujourd’hui. Auteur de nombreux romans – en français et en wolof – qui interrogent et donnent à voir les drames africains (le génocide des Tutsi du Rwanda, l’ingérence des puissances occidentales dans les affaires des autres, la trahison des politiques et intellectuels du continent, etc.), son œuvre littéraire n’a cessé de fleurir à l’ombre féconde d’une conscience critique résolument anticoloniale et même décoloniale, comme l’indique son engagement en faveur d’une littérature en langues africaines. En 2000, il reçoit le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour l’ensemble de son œuvre. Il a également signé des essais politiques édifiants traitant du racisme (« Négrophobie » avec Odile Tobner et François-Xavier Verschave), de différentes problématiques – politiques ou culturelles – africaines (« l’Afrique au-delà du miroir ») ou encore des interventions néocoloniales françaises en Afrique (« La Gloire des imposteurs » avec la militante Aminata Dramane Traoré). Il est également passé par le journalisme, et continue d’enseigner en université jusqu’à présent. Il accepte aujourd’hui d’échanger avec nous et de nous faire partager ses vues sur la tragédie des migrants, les guerres impériales, la prégnance du racisme et ses effets – y compris dans le monde arabe –, la Françafrique ou encore l’évolution de la littérature africaine.
L’une des tragédies humaines les plus horribles en ce début de XXIe siècle est incontestablement celle des migrants. Des millions d’hommes, de femmes, d’enfants africains, arabes, afghans se lancent à corps perdu par dizaines de milliers dans un périple auquel ils ne sont jamais sûrs de survivre. La fracture Nord–Sud – reproduisant les lignes de force d’une géographie coloniale et raciale plus tenace qu’il n’y parait – semble se réaffirmer plus que jamais à travers ces évènements. Beaucoup des discours et réactions qui se lèvent en Europe pour traiter cette question font froid dans le dos.
Je veux bien croire que les mots échappent à leurs auteurs, mais les images, elles, sont étroitement contrôlées et leur message est, comme vous dites, effrayant. On a le sentiment d’être dans ces formes de déni d’humanité annonciatrices des grands bains de sang. Mais il y a peut-être pire que cela et c’est le rien-à-signaler des médias. Pour les passeurs en Méditerranée, ce silence est d’or, il fait marcher les affaires et vaut aussi licence de tuer. L’Europe fait mine de les combattre (« des garde-côtes italiens ont sauvé X migrants clandestins »), mais en réalité elle voit ces passeurs comme une efficace force de dissuasion. Qui s’est jamais résigné à l’invasion des Barbares ? Mais vous savez, chaque fois que nous déplorons l’indifférence des médias, nous pensons à CNN, au New York Times ou à la BBC, leur conférant ainsi l’autorité de dire et de taire. Pourquoi n’en parlons-nous pas nous-mêmes ? Je veux dire : pourquoi n’y a-t-il pas eu par exemple une ligne dans la presse sénégalaise ou nigériane sur ce qui est arrivé à Pateh Sabaly en Italie ? Ce jeune Gambien s’est noyé il y a quelques mois dans le canal de Venise au milieu des quolibets et des cris de haine de braves gens qui ne voulaient surtout pas rater l’occasion de filmer sa lutte contre la mort ! Pour reprendre votre expression, ça fait froid dans le dos, ces images font soudain remonter à la surface un lourd passé de racisme occidental. Et au fond on peut avoir l’impression que sur la longue durée tout cela tourne en boucle : nous voyons parfois sur la Toile des scènes de lynchage dans l’Amérique d’avant, avec ici aussi des types ordinaires venus au spectacle, endimanchés et joyeux, et le spectacle ce sont des Nègres que l’on brûle vifs. Ce qui se manifeste aujourd’hui dans de tels comportements, c’est l’angoisse européenne d’une probable perte d’emprise sur le monde ; quand les suprémacistes blancs disent à Charlottesville il est hors de question de laisser l’Amérique nous échapper, c’est de tout l’univers qu’ils parlent. Il n’est dès lors pas étonnant que le Ku-Klux-Klan reprenne du service, que la croix gammée s’affiche sur les devantures des maisons dans l’Amérique profonde et que les néonazis siègent à Berlin. Il n’est plus question d’avancer masqué, on se lâche au contraire. La tragédie des migrants est en train de dissiper les dernières illusions sur le prétendu humanisme occidental.
Ce racisme-là et cette incroyable négation de l’humanité de l’Autre – celle du Noir ici – vous semblent-ils participer d’une certaine prégnance de cette idéologie coloniale et raciste européenne qui a si bien guidé et structuré l’expansion de la modernité occidentale aujourd’hui ?
On parle souvent de l’impact psychologique de l’expérience coloniale sur ses victimes. Il est indéniable, mais le colonisateur a presque autant de mal à s’en relever. C’est à se demander si cette haine affichée, quasi jubilatoire, de l’Arabe ou du Noir, n’est pas plutôt le refus d’assumer une histoire si violente, une sorte de confession de ses crimes face au miroir, sur le mode du ‘‘So what ?’’ Oui, on peut me reprocher d’avoir détruit à des degrés divers tous les peuples non-blancs. Et après ? Le paradoxe c’est que l’on espère guérir de cet aveu en ressassant à perte de vue sa propre générosité, un tyrannique respect du vivant. D’où l’hypocrite bavardage sur les droits humains, d’où ces opérations médiatisées de sauvetage de quelque panda ou bébé chimpanzé. Mais survient la noyade à Venise de Pateh Sabaly et l’Occident découvre, pour parler comme Brecht, que ‘’le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde’’.
Immonde oui… pourtant, face à cet Occident qui se replie, des milliers continuent d’affluer et des milliers meurent en chemin. Comment analysez-vous ces migrations et les immenses sacrifices qu’elles engagent pour tous ceux qui, au grand péril de leur vie, se lancent dans la si dangereuse aventure de cette traversée ?
On comprend ceux qui fuient la guerre, qu’ils soient Syriens, Afghans ou Irakiens, mais quid des jeunes Nigérians, Maliens ou Sénégalais ? Là, on se trouve face à une véritable énigme parce que même la certitude d’aller au-devant de la mort ne peut pas arrêter ces jeunes qui ont toute leur vie devant eux. Pourquoi travailler avec tant d’énergie à sa propre destruction ? Ceux qui commettent des attentats-suicide espèrent aller au Paradis ou alors choisissent de se sacrifier pour une cause qui les dépasse. Mais quelle est la motivation de ceux qui vont en Libye ? Ils auraient pu rester dans leurs pays et s’y battre contre ce qui les pousse à l’exil, car ils sont jeunes, courageux et d’une grande force de caractère. Peut-être bien que les difficultés sur le continent ne sont pas seulement politiques et économiques. Peut-être se heurtent-ils chez eux à une sorte d’impasse existentielle, ils se sentent pour ainsi dire ‘’sans importance sociale’’ aux yeux des leurs – il y a une expression en wolof, ñàkk a tekki, pour signifier cela – et on est ici dans l’ordre du symbolique, d’un imaginaire malmené. Cela incite à se penser d’abord comme individu, à s’infliger des souffrances parées de vertus rédemptrices : le problème c’est moi et non pas la société et je dois me faire violence pour donner du sens à ma vie. Et partout, y compris dans les pays du Maghreb où ils transitent, ils sont rejetés, maltraités et parfois assassinés. À ce propos, je pense qu’il convient de s’arrêter un moment sur le rapport très problématique des sociétés arabes à la peau noire.
C’est très juste. La façon dont certains migrants sont traités dans plusieurs pays arabes – au Maghreb notamment, mais pas seulement – est affligeante. La négrophobie y est aussi extrêmement virulente, et trop souvent ouverte, décomplexée. Peut-être même de plus en plus.
Absolument. Nous savons tous que c’est un sujet très embarrassant, pour toutes sortes de raisons, et nous n’avons jamais su par quel bout le prendre. Cela doit changer. Je me suis permis de fustiger il y a quelques semaines, sur le site sénégalais Seneplus, cette négrophobie tour à tour diffuse et brutale, voire meurtrière des sociétés arabes, parce qu’il est temps de crever l’abcès. Ce n’est pas seulement une affaire de conscience personnelle, l’actualité nous l’impose aussi. En décembre 2016 puis plus récemment, il y a eu des ratonnades – je n’utilise évidemment pas ce mot par hasard – négrophobes en Algérie. Et ce n’était pas un simple explosion de xénophobie populaire, on a entendu les propos abjects de cet officiel algérien proche des cercles dirigeants, un certain Farouk Ksentini – ironiquement, il préside la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme (CNCPPDH) ! – qui n’a pas hésité à justifier les arrestations massives de migrants subsahariens en les accusant de propager le sida, entre autres maladies sexuellement transmissibles. Si ce n’est pas de l’incitation publique à la haine raciale, c’est que les mots n’ont plus aucun sens. Ce qui doit nous faire réfléchir, c’est que dans la plupart des pays occidentaux de tels propos auraient suscité un tollé. Et que dire de la façon dont les migrants subsahariens sont traités dans la Libye dévastée par les nouvelles guerres impérialistes… ? Je m’en voudrais de généraliser, des voix continuent à s’élever dans le monde arabe pour dénoncer ce racisme, les pêcheurs tunisiens se sont mobilisés pour empêcher des groupes néonazis d’accéder au port de Zarzis, et l’on voit également d’humbles et nobles âmes à Medenine ramasser les corps rejetés par la mer pour leur donner, en toute humanité, une sépulture décente. En outre – c’est là une autre question de fond, d’ailleurs récurrente – on n’a rien entendu sur ce sujet du côté des politiques et des intellectuels d’Afrique subsaharienne… Même l’institution de marchés libyens aux esclaves n’a suscité le moindre intérêt de leur part. Considérons-nous ces jeunes comme d’authentiques êtes humains ? La question mérite d’être posée. Toutefois la prise de parole doit concerner autant les flambées de violence, une violence parfois extrême, comme en Libye, que le racisme ordinaire. Si le clivage entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne n’est pas nouveau, il avait au moins honte de s’exprimer il y a seulement quelques années. C’est de moins en moins le cas. De telles bouffées de haine nous desservent tous, leurs ressorts sont complexes, mais il nous faut à tout prix les affronter avec courage et dignité. Je cherche à provoquer un dialogue franc et constructif, pas une vaine controverse. C’est ainsi que je vois mon rôle d’intellectuel.
À ce propos, dans unarticletraitant de la négrophobie en Tunisie, Sadri Khiari analyse ce racisme comme étant, finalement, un racisme « blanc » qui se réfracte à travers l’identité frustrée et dominée de nombreux Arabes. Il dit notamment : « Les Arabes cesseront d’être racistes, quand les Arabes cesseront de se prendre pour des Blancs ». Qu’en pensez-vous ?
Je suis tout à fait d’accord avec Sadri Khiari. Ayant vécu quatre ans en Tunisie, je sais très bien de quoi il parle. Je dois préciser avant d’aller plus loin que je m’y suis senti chez moi, grâce à des personnes qui restent parmi les plus importantes rencontres de ma vie. Il faut cependant faire la distinction entre ce vécu amical, voire fraternel entre intellos, et ce qui vous arrive quand vous êtes seul au restau ou dans un magasin. C’est souvent assez lourd et vous avez tout le temps la confirmation que le racisme ordinaire est partout le fait des crétins et des frustrés, qu’ils soient éduqués ou pas. Khiari exprime cela avec la force de l’ironie, mais ici aussi la majorité reste hélas silencieuse. C’est le chœur des humains de bonne volonté qui nous permettra de trouver une issue et même d’envisager des solutions concrètes. Les États du Maghreb sont également interpellés, car la condamnation officielle du racisme peut faciliter l’éducation et marginaliser au moins le phénomène, faute de pouvoir l’éradiquer. Pour en revenir aux intellectuels subsahariens, leur mutisme a pu longtemps s’expliquer par une sorte de solidarité des opprimés, revêtant également une dimension religieuse – une solidarité qui n’est pas sans fondement d’ailleurs – dans une configuration où Noirs et Arabes refusent à l’Occident blanc le plaisir de voir ses victimes plus occupées à se taper dessus qu’à faire front contre lui.
Un autre point essentiel, c’est la connexion entre impérialisme et racisme. L’histoire moderne le prouve assez : la domination impériale n’est pas seulement productrice d’un ordre économique, social ou politique nouveau, elle agit également sur les références et sur les représentations qu’elle bouleverse et réorganise à son image. Le romancier sénégalais Cheikh Hamidou Kane fait poser à l’un de ses personnages une question qui donne presque le vertige, celle de savoir comment l’Occident a pu ‘‘vaincre sans avoir raison’’. Il s’agit en fait là d’une subtile interrogation sur les lendemains de notre défaite : la force militaire, la seule qui compte finalement, a fait de l’Occident l’étalon, le repère universel. Et cela a induit une hiérarchie raciale au sommet de laquelle on retrouve naturellement le Blanc. Le tragique, c’est bien le fait que cette hiérarchie, en dépit des grands discours humanistes, fasse en quelque sorte « système ». Il est donc pertinent d’analyser la négrophobie, si brutale dans les pays arabes, à travers le prisme de toutes les tares de la modernité occidentale (coloniale et impériale). Mais encore une fois il ne suffit pas de constater, il faut s’employer à guérir le mal.
Mais en dépit de ce racisme, d’une violence inouïe, qui les traquera tant sur leur passage dans les pays arabes qu’à leur arrivée, et en dépit – surtout ! – des demi-promesses de morts que leur fait la traversée : ils foncent. Comment expliquez-vous cela ?
Nous en avons parlé il y a un instant. La mort, les passeurs mafieux, le racisme, les tortures, les traitements inhumains, rien de tout cela ne les arrête… J’ai appris il n’y a pas longtemps que les passeurs libyens ont des relais dans certaines capitales africaines – on m’a parlé de Dakar et Abidjan. Ils appâteraient ces jeunes mal informés par de faux contrats de travail et une fois là-bas, c’est trop tard, ils sont purement et simplement vendus et leur statut de bétail humain leur vaut les pires sévices. Je veux bien croire qu’ils sont ainsi pris dans un piège infernal parce qu’on se surprend à leur en vouloir de se jeter ainsi dans la gueule de l’hyène. Cette histoire, il n’est pas facile d’en parler, on ne sait juste pas quoi en dire. Césaire, dans Cahier d’un retour au pays natal, évoque « le bruit d’un qu’on jette à la mer », en référence à ces esclaves malades ou peu dociles jetés aux requins durant la traversée. Ces scènes se répètent en Méditerranée aujourd’hui, sauf que les victimes investissent leurs maigres économies dans cette funeste aventure. Les raisons varient selon les pays, mais il est certain que beaucoup sont surtout fascinés par l’Occident, ils espèrent y échapper à la médiocrité. Seuls les plus chanceux, en nombre infime, arrivent au bout du voyage : une drôle de chance, d’ailleurs, que celle d’une vie précaire, celle des sans-papiers. Mais rien n’étant simple, il y a dans tout cela une générosité allant jusqu’au sacrifice suprême : après avoir vécu comme une tare son incapacité à aider les siens, le jeune migrant décide de tout tenter pour en guérir, quitte à tomber dans le piège d’une virilité suicidaire. De là-bas ils se privent pour les autres et bien sûr quand vous êtes supposé vous la couler douce dans l’Eldorado, vous ne pouvez dissuader personne de tenter sa ‘’chance’’, ce serait un aveu d’échec. En attendant que ça aille mieux, par miracle, on vit d’expédients et dans le mensonge.
Dans un monde postcolonial où l’Europe continue de piller, de bombarder, de (néo)coloniser… N’est-il pas aussi pertinent de regarder, en termes politiques, ces migrants comme étant des résistants ? Victimes d’un monde postcolonial qu’ils n’ont pas choisi, ils seront toutefois les acteurs courageux d’une résistance qu’ils choisiront. Je crois sincèrement qu’il est important que nous conférions à ces si tragiques mouvements de migrations leur part de dignité et de résistance. Ils ne sont pas que des victimes dignes de pitié. Ce qu’ils font ébranle la citadelle Européenne, même si tel n’est pas leur objectif bien entendu. Il n’empêche qu’ils font vivre ce mouvement de résistance.
C’est la thèse de Sadri Khiari, elle sort des sentiers battus et attire l’attention sur l’extraordinaire complexité politique de ce qui se joue en Méditerranée. Je dois avouer que son texte, récemment découvert, me fait beaucoup réfléchir en ce moment. Je me sens parfois un peu perdu parce que je ne trouve – par ignorance sans doute – rien de comparable dans l’histoire humaine. Le phénomène entre en résonance avec des soulèvements d’opprimés, y compris les soulèvements d’esclaves au temps de la Traite négrière, pour reprendre un exemple de Khiari lui-même. Mais très vite les différences sautent aux yeux. Ce qui est toutefois indéniable, c’est qu’il faut se démarquer, comme il nous y invite d’une certaine tendance à ne voir dans les migrants que des jeunes gens paumés, des objets de notre noble compassion et de notre colère. Cette auto-gratification petite-bourgeoise revient à dénier aux migrants toute dignité, toute vision claire de leur destin. Nous autres artistes avons tendance plus que quiconque à nous laisser submerger par nos bons sentiments. C’est bien que l’on nous ramène ainsi à la raison, au propre comme au figuré. Le simple refus de se résigner à un sort injuste est un acte de résistance et je l’avais déjà signalé dans La gloire des imposteurs. J’y parle en effet à Aminata Dramane Traoré de ces jeunes migrants installés dans une forêt de la frontière maroco-espagnole où ils ont créé une structure qu’ils appellent ‘l’Union Africaine’. Les ‘sommets’ qu’ils improvisent leur donnent l’occasion de parodier les égarements politiques du continent et surtout de taper furieusement sur les dirigeants africains qui les ont laissé tomber. Je vous l’ai dit il y a un instant, c’est en tant qu’individus que les migrants font, à partir de chez eux, un saut dans l’inconnu mais une fois dans les pirogues ou aux frontières ils se nourrissent de la conscience – éminemment politique – de constituer, au-delà de leurs différences de trajectoire, un bloc soudé, une force face à un ennemi commun, bien organisé et prêt à tout. Assis devant nos télés, nous ne voyons pas leurs visages et nous n’entendons pas leurs voix, car on ne les interroge jamais et cette ‘distance’, voulue ou non, incite inconsciemment à occulter les enjeux politiques. Quand cette histoire sera racontée, cette dimension de dignité et de volonté que Khiari est un des rares à mettre aujourd’hui en exergue apparaîtra plus clairement. Les damnés de la mer ne vont juste pas jouer les pique-assiette, ils veulent surtout reprendre leur dû des mains d’un Occident qui a tant pillé les autres nations.
La façon dont cette question capitale est posée en France actuellement laisse pourtant cruellement à désirer. Qu’il s’agisse des médias dominants ou des politiques, on y décèle la plupart du temps soit de l’opportunisme creux, soit une distance qui se garde bien d’appréhender ce drame d’envergure mondiale dans toute sa dimension humaine.
Faute de pouvoir retenir les migrants chez eux, l’Europe essaie de les bloquer en Afrique du Nord. Cela explique les atrocités en Libye et leur faible couverture par les médias occidentaux. En France, la phobie d’une invasion des Barbares ne date pas d’aujourd’hui et même au temps où la gauche existait, on avait du mal à voir en quoi sa vision des migrants différait de celle de la droite. Ce n’est pas parce qu’on se prétend le pays des droits de l’Homme qu’on va voir les migrants, d’où qu’ils viennent, comme des humains. Ce sont là des contradictions qu’Aminata Dramane Traoré est à ma connaissance une des rares à pointer du doigt. Elle organise ainsi chaque année à Bamako un événement dont le nom parle de lui-même – « Migrances » – et il a le mérite de faire circuler l’information ; les migrants de retour d’Europe ou du Maghreb y reviennent sur leur expérience et en décembre dernier l’une d’elles, coincée en Libye, s’est adressée à l’assistance par téléphone. Ces prises de parole ont un certain écho médiatique et c’est une alerte pour les jeunes Maliens moins enclins à tomber dans le piège des réseaux de passeurs. Aminata est une intellectuelle organique, femme d’action et de réflexion, ce dont l’Afrique n’a que trop besoin en ce moment. « Migrances » est aussi l’occasion d’interroger les contours géopolitique et économique du phénomène migratoire. On ne le sait sans doute pas assez, mais l’un des sujets les plus sensibles au Mali, ce sont les « accords de réadmission » à travers lesquels l’Europe aimerait systématiser l’expulsion vers leur pays d’origine de tous les sans-papiers indésirables sur son sol. Certains États africains, sous forte pression des capitales européennes, acceptent de les reprendre. Le Mali s’y est toujours refusé et Sarkozy l’a fait payer très cher à l’ancien président Amadou Toumani Touré. De fait, il est difficile d’imaginer Bamako se comportant autrement : le montant des envois des migrants vers le Mali est probablement supérieur à l’aide au développement et cela donne à sa diaspora un poids politique évident. Pendant sa campagne électorale, Macron a pris l’engagement de faire plier le président Ibrahim Boubacar Keita, mais on lui souhaite bien du plaisir. L’Union européenne est revenue à la charge en novembre 2016 via une manipulation assez grotesque du ministre néerlandais des Affaires étrangères. Mais son homologue malien Abdoulaye Diop s’est montré on ne peut plus clair en déclarant, lors d’une session de « Migrances » justement : « Nous n’avons jamais signé et nous ne signerons jamais ! »
Cette pression qu’exerce la France – et l’Europe en général – pour maintenir un contrôle toujours plus rigide sur ses frontières et l’entrée des migrants nous amène à une autre question essentielle : celle de la responsabilité des politiques et guerres occidentales dans cette immense tragédie.
Nous sommes tous devenus beaucoup plus timides quand il s’agit de nommer les choses, mais au cours de la dernière décennie l’Occident s’est mijoté de petites guerres d’agression impérialistes au nom, comme toujours, de ses grandes valeurs humanistes. C’est un constat d’évidence même s’il est difficile de savoir pourquoi il était soudain devenu si impératif de mettre l’Irak, la Libye et la Syrie à feu et à sang. Il ne faut donc pas s’étonner du pic démographique noté dans les migrations et du nombre beaucoup plus élevé désormais de Libyens, de Syriens ou d’Irakiens dans ces embarcations de fortune. Pour l’Occident, les guerres au loin c’est chouette, ceux qui y meurent ne sont que des chiffres même si parfois les grandes chaînes de télé s’y arrêtent parce que c’est si sensationnel… Dans le cas qui nous occupe, on n’avait juste pas prévu l’effet boomerang. Depuis bientôt quinze ans, tout ce qui se passe de pire dans le monde est plus ou moins directement lié à l’invasion de l’Irak. De manière assez ironique, Bush attaque l’Irak pour entre autres, ouvrir ce pays à la « démocratie » … et le résultat – après plus d’un million de morts civiles, c’est la naissance de l’État islamique, la peur sur les villes d’Occident, la montée en puissance des fascismes de plus en plus au centre du jeu politique et bien entendu comme vous l’avez dit des millions de réfugiés. J’ai envie d’ajouter : avec en prime un monsieur manifestement dérangé à la Maison-Blanche et à l’Élysée un jeune homme que personnellement je juge inconsistant et immature.
Pourquoi ces guerres impériales selon vous ?
C’est une vraie question. Il est vraiment difficile de savoir et s’il y a tant de théories dites du complot, c’est en raison du voile de secret sur ces événements. Mais l’Irak, ce n’était pas seulement une guerre des Bush, l’Amérique la voulait. Je me trouvais à Gainesville, en Floride, quelques jours avant l’invasion et l’opinion américaine y était très largement favorable, les grands médias aussi, qui poussaient inlassablement à la roue. Cela n’a guère été différent avec la Syrie et la Libye. Cette dernière reste un cas d’école, car peu de voix se sont élevées pour freiner Sarkozy. Que sont devenus les ‘‘révolutionnaires de Benghazi’’ ? Ils sont passés à la trappe. C’est en termes à peine voilés, avec un certain mépris, que le vaniteux BHL laisse entendre, dans La guerre sans l’aimer, qu’ils étaient ses marionnettes. À partir de là, on ne peut exclure aucune hypothèse : les contrats pétroliers et de reconstruction, le désir chez Sarkozy de faire taire pour de bon un Kadhafi corrupteur ou, dans une démarche plus stratégique, la nécessité de l’éloigner de l’Afrique subsaharienne. On va bien finir par savoir mais ce sera toujours trop tard pour les victimes de cette guerre impérialiste.
L’Afrique subsaharienne dans tout cela…
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, elle a rarement été aussi présente sur un dossier international. L’Union africaine a multiplié les initiatives de paix, acceptées par un régime libyen aux abois il est vrai, mais vues par Sarkozy et Bernard-Henri Lévy comme ‘’le bouclier africain de Kadhafi’’ pour reprendre l’expression du second nommé. Il fallait casser cette dynamique solidaire et c’est ainsi que des « Mirage » français ont escorté Wade, le président sénégalais de l’époque, sur le terrain, en une mission assez triste et indigne d’interpellation publique de Kadhafi. Le continent a été présent d’une autre façon puisque tout au long du conflit les médias se sont fait l’écho de la propagande de Benghazi à propos des ‘‘mercenaires africains de Kadhafi’’. C’était distillé quotidiennement dans les journaux et sur toutes les télé, sur un ton détaché et prétendument neutre au moment même où Amnesty International et Human Rights Watch démentaient de concert l’accusation.
Mali et Côte d’Ivoire
La France s’accroche à son pré carré parce qu’elle se sent en nette perte de vitesse sur la scène internationale. Ses compagnies y reviennent en force, au Sénégal elles raflent tout, c’en est complètement indécent. À Abidjan la Force Licorne n’a pas hésité à défoncer les grilles du palais de Gbagbo pour le livrer à son rival Alassane Dramane Ouatara, qui se trouve être, par pur hasard n’est-ce pas, leur obligé. Elle est encore au Mali et ici il est intéressant de faire une petite comparaison : depuis l’indépendance de leurs anciennes colonies, le Royaume-Uni et le Portugal n’y ont jamais envoyé un seul soldat alors que les interventions françaises se comptent par dizaines ! Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.
Pour revenir sur la Françafrique : comment percevez-vous, depuis votre situation africaine, les positions et réactions des acteurs politiques et médiatiques en France ?
J’invite souvent à propos de la politique africaine de Paris à ne pas faire d’amalgame entre l’État français et le peuple français. Survie, fondée par François-Xavier Verschave ainsi que d’autres groupes et personnalités abattent un travail considérable contre la Françafrique. Mais je dois aussi avouer que je suis parfois révolté de voir à quel point la société française dans son ensemble s’en accommode. Je parle ici des politiques de tous bords, des médias et du citoyen lambda. Voilà pourquoi la réputation de grand humaniste de Mitterrand reste intacte, en dépit d’une complicité avec les génocidaires rwandais que peu osent mettre en doute. Voilà pourquoi quand la revue XXI révèle que Védrine a demandé que soient réarmés pendant le génocide les assassins en déroute, personne parmi les belles âmes, même de l’extrême-gauche, ne pipe mot. Et finalement, de Madagascar au Rwanda en passant par l’Algérie et l’Indochine, la gauche française au pouvoir n’a jamais hésité à faire passer les intérêts de son pays avant le droit à la vie de millions de colonisés. Nous avons toutes les raisons de détester les idées nocives de Marine Le Pen, mais il arrive que nous nous demandions en quoi, dans la pratique, Sarkozy, Chirac ou Hollande sont différents d’elle.
Un débat de fond dans la société française sur la Françafrique ?
Peut-être ne faut-il pas rêver… Mais ne serait-il pas normal que des politiciens français soient comptables devant les citoyens français de ce qu’ils font en leur nom en Afrique ? C’est cela que j’entends par faire de la politique africaine de la France un sujet de politique intérieure. J’ai évoqué tout à l’heure Mitterrand. Il m’est également difficile de comprendre pourquoi, après ce qu’il a fait au Rwanda, Juppé a été à deux doigts d’être élu président. Il y a en France beaucoup de personnes de bonne volonté qui demandent lors des conférences : ‘‘Nous voulons aider l’Afrique, que nous conseillez-vous ?’’ Dans leur esprit, il s’agit de construire des postes de santé ou des écoles, mais cette démarche peut être, à leur insu, source de malaise. Une telle compassion est en effet, il faut bien le dire, assez problématique : ce n’est jamais plaisant de se rendre compte qu’on suscite de la pitié. Mais il y a surtout que j’ai envie de les inviter à sanctionner leurs élus qui mettent nos pays à genoux. Le Niger n’aurait pas besoin de leur charité si AREVA n’y pillait pas l’uranium et l’on peut en dire autant du Congo-Brazza et du Gabon avec leur pétrole. Quand vous dites cela, il y a toujours quelqu’un qui se gratte la tête avant de vous demander d’un air embarrassé si ce ne serait pas pire, les ressources du pays risquant alors d’être accaparées par la caste dirigeante… Le raisonnement est curieux parce qu’il consiste à dire : nous prenons vos richesses parce que vous ne saurez jamais en faire bon usage ! En fait le politique rejoint ici l’économique dans la mesure où, s’ils ne nous sont pas imposés par la force des armes, nos leaders se trouvent sous le strict contrôle de ceux qui les accusent d’être une vulgaire kleptocratie. Jusqu’à sa mort en juin 2005, une semaine après la sortie de Négrophobie, qu’Odile Tobner et moi-même avons cosigné avec lui, François Xavier Verschave a essayé de sauver l’honneur de son pays. De son vivant, les journalistes s’interdisaient d’utiliser le terme Françafrique dans le dessein avoué d’étouffer sa voix. Peine perdue, le mot est entré dans le langage courant et tout le monde sait hélas très bien ce qu’il signifie.
On fait toujours la même objection : n’est-ce pas trop facile de se défausser sur la France ? Et la responsabilité des Africains eux-mêmes dans cette situation ?
La question est importante, nous ne devons pas l’esquiver. Je veux bien croire qu’on est toujours un peu complice de son bourreau, mais si notre responsabilité est réelle, elle ne l’est pas, de mon point de vue, au sens où on l’entend habituellement. Je veux dire par là que ce n’est pas de notre faute si nous avons dû nous soumettre à une force militaire supérieure, cela est toujours arrivé dans l’histoire humaine. En revanche, nos élites ont été criminelles en acceptant il y a soixante ans une indépendance tronquée et truquée. Et ceux d’entre nous qui s’énervent aujourd’hui dès qu’ils entendent parler du franc CFA ou des langues nationales, eh bien pour moi ils se roulent dans la fange. Notre propre refus de nous dresser contre la Françafrique est, bien plus que tout autre facteur, ce qui lui permet de perdurer. En ce sens, oui, nous sommes totalement responsables de nos malheurs et ne pouvons reprocher aux citoyens français de ne pas mener à notre place le combat contre la Françafrique. Je trouve sidérant que nos plus brillants esprits ne puissent pas comprendre une chose aussi simple. Mais il est vrai que Césaire voyait déjà en eux des ‘‘élites décérébrées’’
La domination française en Afrique francophone ne s’exerce donc pas seulement sur les plans politique et économique, elle continue d’opérer une forte pression idéologique et culturelle.
Le formatage, la ‘‘décérébration’’ si j’ose dire de ceux qu’elle a cooptés, est l’arme essentielle de la France, le secret de sa domination anachronique. Le projet francophone, habile à dévoyer les imaginaires, veut aussi élargir outre-mer l’adhésion au roman national hexagonal. Celui-ci a ses fidèles gardiens, pour ne pas dire ses chiens de garde – exactement au sens où l’entendait Nizan – voués à la protection de son leadership idéologique. Au fil des ans, la francophonie n’a même plus jugé utile d’avancer masqué et tout le monde voit bien aujourd’hui quels intérêts politiques et économiques elle sert. Elle en prend d’ailleurs à son aise avec les chiffres en évaluant à des centaines de millions le nombre de locuteurs du français en Afrique. Cela s’appelle prendre ses délires pour la réalité, surtout au moment où du fait de l’effondrement de nos systèmes éducatifs le recul de la langue de Molière n’a jamais été aussi manifeste. L’égyptien Boutros-Boutros Ghali aimait se moquer de ce coup de bluff en disant : « Je suis le Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie mais je suis peut-être bien le seul à encore parler français en Égypte ! »
La perte d’influence de la France en Afrique…
Je dis très souvent dans mes entretiens avec la presse sénégalaise que les intérêts économiques et financiers de la France n’ont jamais été mieux servis dans notre pays que sous l’actuel président Macky Sall. On a découvert de très importantes réserves de gaz et de pétrole au Sénégal et Manuel Valls est venu déclarer publiquement : nous nous intéressons de près à ces nouvelles ressources naturelles. Et vous y voyez partout des enseignes commerciales françaises. Mais justement, c’est bien parce qu’elle se sent en perte de vitesse sur les marchés dits émergents que la France se replie sur son pré carré. Et même chez nous ce retour a des airs de cérémonie des adieux, c’est le début de la fin parce que les Sénégalais, surtout les jeunes, supportent de moins en moins une aussi indécente visibilité. Bien sûr, c’est d’une amère ironie d’être là à se dire, près de 60 ans après les indépendances : ‘‘Courage, les gars, on va bientôt être indépendants !’’ C’est un fait, mais il n’en est pas moins vrai que certains signes ne trompent pas.
Des exemples…
Le débat sur le franc CFA ne manque pas d’intérêt à cet égard. Pourquoi est-il devenu un symbole de notre servitude politique ? Il a toujours été perçu ainsi, mais jusqu’à présent les économistes qui la critiquaient étaient soit inaudibles, soit liquidés par la Francafrique. Ce fut le cas du Camerounais Joseph Pouemi, auteur en 1980 de Monnaie, servitude, liberté : la répression monétaire de l’Afrique, empoisonné par les services français, comme avant lui son compatriote Félix Moumié. Trois autres économistes, Demba Moussa Dembele, Kako Nubupkpo, Bruno Tinel et le sociologe Martial Ze Belinga, ont publié récemment Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. Les langues se sont déliées et le fait que cela arrive à ce moment précis ne doit rien au hasard. Tout comme du reste l’émoi suscité par le simple geste de Kemi Seba mettant le feu à un billet de CFA. En d’autres temps, cela aurait fait les titres pendant quelques heures mais là il a donné lieu à un flot ininterrompu de commentaires et d’articles. Ce n’était pas trop tôt après un demi-siècle de silence sur un sujet aussi vital. Toutefois, au-delà de la question monétaire, c’est un combat plus large pour la souveraineté politique, contre la Françafrique, que mènent les nouvelles générations. Aucun parti politique n’a osé s’exprimer sur le sujet : Paris tient bien la plupart de ces gens, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition. En revanche la mobilisation des jeunes sans affiliation politique est large puisqu’à un moment donné elle a eu lieu simultanément dans des dizaines de pays, y compris au sein de la diaspora. Certains parmi eux ont appelé, à Dakar par exemple, au boycott des produits français. Cela a été une déclaration en l’air, mais à mon avis c’est une piste à explorer. Une campagne de boycott, circonscrite dans le temps et bien ciblée, pourrait n’avoir, concrètement, qu’un succès relatif, mais il aura eu le mérite d’envoyer le message qu’il y a bel et bien un problème entre la France et ses anciennes colonies. L’impact économique sera sans doute nul: 1%, voire moins. Mais l’impact politique pourrait être gigantesque : 99%, voire plus. En fait on nous demande d’accepter de crever la gueule ouverte et c’est quand même bizarre que ça dérange si peu de monde. Le boycott des produits français partout oû il peut être organisé, à Dakar, à Cotonou ou Abidjan, à Bamako etc… sans xénophobie ni rien de similaire, serait vraiment le bienvenu. C’est le symbole qui compte et je pense qu’il faudra de plus en plus s’orienter, la tête froide, vers ces formes alternatives de lutte, d’une grande signification politique. Un autre petit signe des temps, c’est qu’il a suffi au Sénégal qu’une statue de Faidherbe s’effondre sous l’effet de pluies diluviennes pour que les appels à ne pas la réinstaller se multiplient. La statue a été rapidement remise en place mais il est clair que ces appels ont été entendus par qui de droit. Il est en outre devenu aujourd’hui difficile d’ouvrir un journal ou un site en ligne sénégalais sans y trouver une analyse très sévère de la politique africaine de la France. Sur un autre registre, la popularité croissante de Paul Kagamé parmi la jeunesse africaine tient autant aux performances du Rwanda qu’à sa volonté d’indépendance, ceci expliquant du reste cela. On est en vérité à la croisée des chemins et si Paris est dans le désarroi, c’est qu’il ne voit pas très bien ce qu’il peut faire. Attention, je ne suis pas en train de dire que la libération est pour demain, mais grâce à tous ces jeunes bien décidés à ne plus courber le dos, plus rien ne sera comme avant. Assez curieusement, les aînés étaient supposés avoir libéré l’Afrique de la colonisation française pour le bien de leurs enfants et petits-enfants. Eh bien, ceux-ci se voient obligés aujourd’hui de repartir à la recherche du temps perdu…
Les grandes figures africaines de libération politique ou culturelle ont-elles encore un héritage qui porte et parle à la jeunesse africaine aujourd’hui ?
Le rapport de la jeunesse à nos grandes figures intellectuelles et politiques de résistance en dit beaucoup sur l’évolution de l’imaginaire africain. Les noms de martyrs comme Patrice Lumumba, Thomas Sankara ou Amilcar Cabral restent connus et souvent évoqués. Il en est de même de Ruben Um Nyobe, dont l’histoire ressort peu à peu. Tous ont donné leur vie pour la libération de l’Afrique et les pouvoirs coloniaux en ont fait leurs cibles d’une manière ou d’une autre. Il me semble pourtant qu’il reste du travail de mémoire à faire. Les images et les visages d’une certaine époque se dissipent peu à peu, il n’en reste souvent qu’un halo tremblotant. C’est une frange de la jeunesse très minoritaire – mais ardente – qui garde le regard fixé sur ces repères. Les autres tendent à les perdre de vue, au propre comme au figuré, sans doute parce que le combat de ces martyrs était associé à une idéologie marxiste-léniniste triomphante à l’époque, mais aujourd’hui passée de mode. Il y a aussi que la mémoire des nouvelles générations ne se hasarde jamais à escalader notre Mur de Berlin à nous, érigé en 1885, lors du partage de l’Afrique entre puissances européennes. Cet événement est à l’origine d’une fracture linguistique – sur la base des langues coloniales – dont les effets se font sentir aujourd’hui encore au quotidien. En d’autres termes, si je suis un jeune Sénégalais mes héros vont parler français et c’est bien pour cette raison que Cabral, naguère une référence au Sénégal, y est complètement oublié à l’heure actuelle. J’ai la chance d’être en contact quotidien depuis trois ans avec des étudiants nigérians et je vois très bien ce phénomène à l’œuvre, vous ne pouvez pas mentionner les noms de Lumumba ou Sankara sans les assortir de longues explications. S’il y a une exception, c’est Mandela en raison surtout de la dimension internationale de la lutte contre l’apartheid.
Pour le cas du Sénégal, et sur un autre registre, le duel qui oppose les deux figures d’autorité que sont Cheikh Anta Diop et Léopold Sédar Senghor en dit long sur le sujet…
Senghor était un grand poète et je continue à penser – à l’inverse de nombre de mes amis – que notre pays a eu de la chance de l’avoir eu comme premier président. Je respecte pour ses qualités humaines et intellectuelles un homme si peu obnubilé par le pouvoir qu’il y a renoncé de lui-même ; après l’avoir beaucoup dénigré à l’époque, nous savons aujourd’hui qu’il était aussi d’une intégrité personnelle au-dessus de tout soupçon. Nous n’osons même pas le comparer sur ce plan avec ses successeurs, avec les deux derniers en particulier. Mais tout en étant bien conscient des qualités de Senghor, je n’en pense pas moins qu’il a causé d’immenses torts au Sénégal. C’est déjà un problème que de conduire votre pays à l’indépendance en conservant secrètement la nationalité du colonisateur et de vous retrouver sur le tard, toute honte bue, dans cette assemblée de gens gâteux et vaniteux appelée Académie française. Senghor reste aimé par la France pour les services qu’il lui a rendus et non pour son travail littéraire ou sa production théorique. Paradoxalement c’est au Sénégal, où il jouit toujours d’un respect sincère, que l’on continue à le lire et à se référer, de moins en moins souvent il est vrai, à son œuvre poétique.
En comparaison, l’héritage intellectuel, mais aussi politique, de Cheikh Anta est plus vivant que jamais, non seulement au Sénégal, mais dans le reste de l’Afrique et jusque dans sa diaspora. Diop souffre comme tout le monde de la fracture linguistique postcoloniale, mais à un degré moindre. Comme le montre Kemtiyu, le documentaire que lui a consacré l’an dernier Ousmane William Mbaye, il est une référence majeure aux Antilles, aux USA et je sais que depuis qu’il l’a découvert, tel chef d’État anglophone ne peut plus faire un discours important sans se référer à Antériorité des civilisations africaines, devenu son livre de chevet. Et ses thèses sont de nos jours un cri de ralliement pour les jeunes du continent ou du moins pour sa frange la plus politisée. Je viens de préfacer le premier ouvrage de l’un des plus brillants d’entre eux, Khadim N’Diaye, qui vit à Montréal. Dans Conversations avec Cheikh Anta Diop, il interroge la réflexion complexe de Diop, en recueille toute la vitalité et montre en quoi son esprit peut servir, aujourd’hui encore et plus que jamais, le progrès de l’Afrique. Pour reprendre un titre de Jean-Marc Ela, Cheikh Anta Diop, cela a été avant tout ‘‘l’honneur de penser.’’
En France pourtant, comme vous le souligniez, il n’a pas du tout la même popularité ni – osons le terme – la même respectabilité que Senghor.
Permettez-moi de revenir sur un point rapidement évoqué tout à l’heure : reconnaissance ne veut pas dire connaissance. En France, Senghor bénéficie de la première au double sens du terme. Il est facile de se l’expliquer. Il a encore une fois été au service de l’ancienne puissance coloniale et de sa langue. Il l’a fait en toute sincérité, mais là n’est pas la question. Quant à Cheikh Anta Diop, il a été combattu dès le départ. Lorsqu’il soutient sa thèse, le jury écrit noir sur blanc dans son rapport, okay on le laisse passer mais soyons bien clairs, il ne sera jamais permis à ce nouveau Docteur-ès-Lettres d’enseigner en Afrique. C’est rappelé dans Kemtiyu. Vous rendez compte ? Ce sont des professeurs de la Sorbonne qui en décident ainsi ! Et sur cette base, Senghor qui pour le coup s’est montré bien mesquin, lui interdit, dans notre pays supposé indépendant, de transmettre son savoir à des étudiants sénégalais. Le malentendu entre Diop et l’université française est toutefois plus profond : celle-ci ne voyait pas seulement en lui ‘‘un intellectuel qui ne nous aime pas’’ – il n’en manquait pas à l’époque ! -, elle lui reprochait surtout d’oser soutenir que l’Afrique est le berceau de l’humanité et la mère de toutes les civilisations et que la brillante civilisation égyptienne était négro-africaine. S’il s’était contenté de dérisoires vitupérations anti-impérialistes, on se serait débarrassé de lui d’un haussement d’épaules amusé. Mais lui prétendait avoir raison et s’efforçait de le démontrer en restant sur le strict terrain de la science. Et on voit bien aujourd’hui qu’il ne disait pas n’importe quoi puisque personne n’ose désormais douter du fait que l’homme est né en Afrique. Cela donne de la consistance à tout le reste – antériorité des civilisations africaines, africanité de l’Égypte ancienne – mais on peut presque dire que le propos de Cheikh Anta Diop, la ligne directrice de sa pensée, se trouvait ailleurs. En fait, même s’il n’avait jamais écrit une seule ligne sur l’Égypte des Pharaons, l’œuvre de Cheikh Anta Diop n’aurait pas été moins importante. Sa vision panafricaniste et son travail sur les langues africaines auraient suffi à en faire un modèle. Si moi-même j’écris aujourd’hui en Wolof c’est parce que Diop est passé par là.
En France, Cheikh Anta Diop nous apparaît effectivement, dans la sphère militante décoloniale tout du moins, comme une immense et incontournable figure de la dignité africaine.
Absolument. Prié un jour de dire ce qu’il lui doit, l’égyptologue congolais Theophile Obenga, son disciple et ami, a répondu : ‘‘En vérité, je ne sais même plus ce que je ne dois pas à Cheikh Anta Diop.’’ Nous sommes très nombreux en Afrique et dans la diaspora à pouvoir reprendre ces mots à notre compte. De ce continent soumis à la loi de l’étranger, exploité, piétiné il n’a jamais cessé de révéler la force spirituelle et les richesses Et même dans l’utopie il savait rester pratique, appelant par exemple l’Afrique à ‘‘basculer sur la pente de son destin fédéral…» ne serait-ce, ajoutait-il, que ‘‘ par égoïsme lucide’’. À l’époque où il proposait une armée continentale, répétant à l’envi que ‘‘la sécurité précède le développement’’ personne ne semblait savoir ce qu’il voulait dire par là. Depuis quelques années, au gré des interventions extérieures en Afrique l’idée est souvent reprise, mais on peut se demander si les carottes ne sont pas déjà cuites. Il faisait remarquer dans la foulée que ‘‘l’intégration politique précède l’intégration économique’’. Tout cela montre bien que loin d’être un passéiste, il était tourné vers l’avenir. Il incitait les jeunes auxquels il a parlé sa vie durant à « la reprise de l’initiative historique’’, à ce qu’il appelait aussi ‘‘la reconquête de soi ». Ce projet reste aujourd’hui encore le nôtre et c’est ce qui me fait dire parfois que si Senghor a des admirateurs, Diop lui, a des disciples, des continuateurs. C’est qu’il a semé bien plus profond que son éternel rival.
Puisque vous parlez de la « reconquête de soi », je me permets d’embrayer un moment sur la reconfiguration de la sphère de l’antiracisme en France aujourd’hui. Car sur les cendres du vieil antiracisme moral ultra subventionné par l’État façon « S.O.S racisme » ou « Licra » , on voit émerger depuis une dizaine d’années différentes organisations telles que Le Parti des Indigènes de la République, la Brigade anti-négrophobie, la Voix des Rroms et le CCIF ; des organisations composées en majorité par des issus de l’immigration postcoloniale et qui luttent toutes contre ce qu’elles identifient à juste titre comme étant un racisme d’État, c’est-à-dire un racisme qui fait système, qui est adossé aux structures de pouvoirs, aux institutions, et qui maintient les non-Blancs dans un statut d’infériorité à différents niveaux. Certaines de ces organisations prônent donc aujourd’hui une autonomisation de la lutte indigène, ce qui leur vaut d’être régulièrement taxés par de nombreux médias et politiques de « racistes ». Comment, depuis l’Afrique, voyez-vous cette évolution des luttes de l’antiracisme menées par les descendants de l’immigration ?
J’y suis tout à fait favorable, c’est la marche de l’histoire qui indique la nécessité d’une force indigène autonome, dotée de son propre espace de réflexion et d’action. Dans le monde tel qu’il va, vous ne pouvez pas dire cela sans vous attirer les foudres des hypocrites. Leurs grognements sont sans intérêt. Que tous les humains de bonne volonté rêvent d’un même avenir, je le veux bien, mais l’avenir est avant tout lieu de convergence, on ne se bouscule pas sur le même étroit sentier pour y accéder. Et dans le cas précis de la lutte antiraciste en France, la mémoire et les émotions sont essentielles, ce sont elles qui assurent le lien avec un passé africain non pas mythique, mais riche de souffrances et de combats anticolonialistes. C’est du reste par ce biais que le public pourrait être amené à débattre de la politique africaine de son pays. Cela dit, la question de la légitimité d’une riposte autonome est moins nouvelle qu’on se l’imagine. En 56, Césaire décide de quitter le PCF et voici ce qu’il écrit dans sa fameuse Lettre à Maurice Thorez : «Un fait à mes yeux capital est celui-ci : que nous, hommes de couleur, en ce moment précis de l’évolution historique, avons, dans notre conscience, pris possession de tout le champ de notre singularité et que nous sommes prêts à assumer sur tous les plans et dans tous les domaines les responsabilités qui découlent de cette prise de conscience.» Césaire dit bien : « hommes de couleur » et je ne vois personne oser l’accuser de racisme. Il rappelle au passage à Thorez le vote infâme du PCF en faveur des pleins pouvoirs à Guy Mollet sur l’Algérie avant d’ajouter – ce qui a vraiment du sens par rapport à notre discussion de ce matin – que les communistes Antillais et toute la diaspora ont les yeux tournés vers l’Afrique parce que la lutte des peuples coloniaux est d’une tout autre nature, beaucoup plus complexe, que celle de l’ouvrier français contre le capitalisme. Peut-on être plus clair ? À mon avis, l’autonomie d’action des marginalisés est encore plus pressante à notre époque si tentée par la résignation et le cynisme.
«LE PSE EST UNE SUPERCHERIE DU GOUVERNEMENT DE MACKY SALL»
OUSMANE SONKO, LEADER DU PARTI PASTEF-LES PATRIOTES
FATIMA FALL ET AMINATA SARR |
Publication 04/11/2017
La quarantaine révolue, Ousmane Sonko est un leader politique né. De l’étudiant en droit public à un patron de parti Pastef-Les patriotes en passant par la fonction d’Inspecteur des Impôts et des domaines par le biais de l’ENA, le patriote trouve toujours le moyen de se battre pour son pays par le travail. Son principal combat reste son attache à ses convictions profondes : celles d’un Sénégal dirigé par un homme intègre, un vrai patriote qui fait de la politique sans se compromettre. En outre, il met en avant les valeurs humaines, signes de son intérêt pour le social, la famille, l’amitié, la fraternité, etc. De plus, il affiche son ancrage culturel dans la région de Ziguinchor. Ouvert dans son expression, il reste aussi ferme dans la force de ses idées, voire agressif. Téméraire, il incarne l’opposant pur et authentique du parti au pouvoir et lance un appel au peuple. C’est la raison pour laquelle, il jette toute sa verve sur le régime en place et multiplie les invectives. En un mot, il chante son ambition politique à travers une symphonie douce et alerte à l’écoute des lecteurs. A ces derniers de lire et d’éprouver la mélodie de ce nouvel épisode de Sud Détente où il fait feu de tout bois.
Comment vous définiriez-vous ? Qui est Ousmane Sonko en fait ?
Je crois qu’Ousmane Sonko est désormais assez bien connu des sénégalais. C’est un citoyen sénégalais simple, qui est né au Sénégal, plus précisément dans la région de Thiès. Mais j’ai passé le plus clair de mon temps dans la région de Ziguinchor en Casamance où j’ai grandi et fait mes études. Par la suite, je suis allé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis où j’ai obtenu ma maîtrise. De là, j’ai fait le concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) pour devenir Inspecteur des Impôts et Domaines. Et j’ai eu une activité syndicale assez riche. D’ailleurs, c’est moi qui ai mis sur pied un syndicat au sein de l’administration des Impôts et Domaines que j’ai dirigé pendant 8 ans. Avant donc, de passer à la politique à partir de Janvier 2014. Avec des amis, nous avons pensé qu’il était temps de s’engager politiquement. C’est un profil ordinaire, tout ce qu’il y a de plus ordinaire au Sénégal.
Thiès ou Ziguinchor. Sonko se réclame d’où ?
(Avec certitude) De Ziguinchor bien sûr ! Certes, je suis né à Thiès, ma mère est de cette ville, de Khombole précisément. Et je suis le fils de parents fonctionnaires. Et par essence, les fonctionnaires ne restent pas toujours sur place en raison des affectations. Du coup, dans mon enfance, j’ai eu à sillonner une bonne partie du Nord du Sénégal. Mon père a servi à Ndioum (département de Podor). Mon père et à mère ont aussi à eux deux servi à Vélingara en passant par le centre. Donc, c’est une enfance où j’ai dû beaucoup voyagé en compagnie de mes parents en suivant le chemin où leur carrière les a menés. Toujours est-il que je me réclame d’un fils de la Casamance tout en assumant toutes mes autres identités car ma grand-mère maternelle est Halpulaar dans un village du Fouta. L’essentiel, c’est que je reste un vrai sénégalais, qui traverse son pays du Nord au Sud mais qui a un ancrage à sa ville, la Casamance. Là, j’y ai grandi et fait mes humanités et je la considère comme la région la plus belle du Sénégal. Une raison de plus alors pour m’y attacher.
Qu’est-ce qui vous a poussé à entrer dans la politique ?
Mais une prise de conscience ! Vous savez, pour moi, il y a plusieurs façons d’entrer en politique : par souci d’opportunisme, par frustration entre autres. C’est malheureusement cela pour l’essentiel de la classe politique, car elle veut en s’y engageant que la politique soit un moyen d’ascension sociale. Ce qui fait que dès fois, vous voyez des gens qui ont échoué dans tous les domaines et qui veulent rattraper cette perte en politique et qui se retrouvent demain comme députés parce qu’ils ont été sur une liste ou nommés à des postes dont ils n’ont pas les compétences. En ce qui nous concerne, ce n’est ni l’une ni l’autre raison parce qu’il y a eu un éveil de conscience. D’ailleurs, j’ai fait partie des sénégalais qui n’aimaient pas du tout la politique et qui n’avaient jamais envisagé en 2014 d’en faire (ni assisté à des réunions, encore moins pris de carte de membre d’un parti politique). Mais je faisais partie de ces jeunes sénégalais, frustrés par ces politiciens, qui étaient tous pareils à mes yeux. A l’âge adulte, je suis devenu haut fonctionnaire, je me limitais à faire mon travail. Mais c’est peut-être au contact de ce travail que j’ai pris connaissance de beaucoup de choses. En réalité, nous avons tous une grande responsabilité car les gens qui doivent faire la politique, qui en ont les compétences et la formation et qui en ont la probité, ont tendance à fuir la politique en disant que c’est trop sale. Mais la nature à horreur du vide ! Il faut bien qu’il y ait des gens pour en faire. Si les gens de qualité ne la font pas, on laisserait le terrain aux gens qui n’ont aucune envergure, ni vertu et qui ne considèrent l’Etat que comme un moyen d’enrichissement personnel. Déjà en tant qu’étudiants, nous étions des révolutionnaires, on crachait sur la politique et nous sommes restés dans cette même perspective en tant que fonctionnaires. A un moment donné cependant, nous sommes passés à l’âge adulte en termes de conception des choses. Si on est techniquement bien formé, compétent, intègre, nous le devons à notre pays. Nous sommes des produits à 100% de l’école publique, en partant de l’élémentaire à l’université. C’est-à-dire l’impôt des sénégalais. Il faut être reconnaissant envers notre pays. C’est là que l’idée d’entrer en politique à germer. Et des amis de tout côté m’ont fait confiance et c’était réciproque et m’ont parlé de ce projet. Après s’être réunis, on s’est accordé sur le fait de nous y lancer par nos propres moyens pour éviter d’être formatés par les formations politiques classiques au même parti politique. Mais par rapport à la vision de notre projet, nous voulions une virginité politique mais également cette autonomie de pensées et d’actions. Nous ne voulions pas être conditionnés par le même système qu’on a depuis 57 ans maintenant dont l’expérimentation démontre le sens contraire de ce que nous entendons en matière de politique, sa conception qui est celle d’un art noble visant à se mettre au service de son peuple, à la limite un art cultuel.
Que vous a appris la Direction des Impôts et des Domaines ?
Vous savez, quand vous avez la chance d’être à la Direction générale des Impôts et des Domaines, j’ai tendance à dire que c’est le carrefour de la chose publique parce qu’on y gère les impôts, le foncier et le domaine et d’autres. C’est un carrefour dans lequel on y voit tout et tout le monde. Mais surtout parce que toutes les politiques publiques partent et reviennent vers cette dernière. Aujourd’hui, on est en train de faire le marathon budgétaire mais si on n’est pas capables de mobiliser des recettes fiscales, on ne peut pas parler de budget parce qu’il faut bien financer les programmes. Mais 15 années passées dans cette direction, m’ont amené à être au contact près avec la chose publique mais également avec la chose politique.
Vous êtes le leader du parti PASTEF-Les patriotes. D’où vous est venue l’idée de créer ce parti ? Et à partir de quel moment l’avez-vous fait?
C’est à travers la prise de conscience d’un groupe tel que je l’ai évoqué plus haut. Mais je ne me suis pas désigné le leader de ce parti, c’est ce groupe d’amis, qui a porté leur choix sur ma personne, m’ont fait confiance. C’est en 2013 qu’il s’est constitué. Dès lors, on a rempli toutes les conditions de fond et de forme. C’est à l’issue de ces dernières, qu’on a tenu d’aller à une assemblée générale ? Celle-ci s’est tenue en janvier 2014 à l’UCAD que le parti a été officiellement créé. Mais il n’a reçu son récépissé qu’en 2015. En étant au contact des hommes politiques, de l’Etat, en mesurant le degré de la légèreté avec laquelle le pays est dirigé ; et surtout par le manque de patriotisme des acteurs politiques ; nous avons pris l’option de mettre en place un parti avec toutes les difficultés liées à cet exercice dans un pays réputé avoir pratiquement 300 partis politiques. Aussi est-il qu’il y a quelques dinosaures politiques qui, apparemment tiennent encore la machine. C’est un pari risqué, difficile mais nous y avons cru. Nous avons encore du chemin à faire ; mais nous avons fait quand même une percée qui fait qu’aujourd’hui nous comptons, nous existons en tant qu’acteurs politiques crédibles, et crédibilisés par le peuple.
Quelle est l’idéologie de ce parti et les principes que vous mettez en avant ?
Vous savez le nom du parti résume les valeurs et les principes que nous défendons. D’ailleurs, c’est un mot qui, symboliquement dans notre langue nationale Wolof réveille une signification forte. « Pastef » c’est la détermination, l’abnégation, l’endurance, la patience, l’engagement. Et il renvoie à beaucoup de vertus dans cette langue, comme «Passe-passe» qui signifie quelque chose que l’on noue dans son cœur. Et cela va encore plus loin, si vous analysez les sigles de ce mot, vous comprendrez les valeurs cachées derrière. En effet, le P et le A signifie « Patriote » car nous nous réclamons des patriotes ; d’ailleurs à ce propos la presse nous appelle aujourd’hui « Les patriotes ». Parce que nous considérons que ce qui a le plus manqué dans ce pays au niveau de notre élite politique, c’est cela, en mettant les intérêts nationaux au-dessus de tout autre intérêt personnel. Nous ne sommes pas dans la théorie. Donc, le « S », c’est le Sénégal et le «T» renvoie au «Travail». Là, nous mettons l’accent sur le fait que nous ne travaillons pas suffisamment dans ce pays. Il faut mettre le pays au travail. Si on compare nos rapports avec ceux des autres pays, on se rend compte qu’on ne travaille pas suffisamment en quantité ni suffisamment bien en qualité. Il faut apprendre aux sénégalais à travailler méthodiquement et sérieusement. Mais si on travaille sans intégrité et sans éthique cela ne vaut absolument rien. D’où le «E» qui incarne l’Ethique. Et l’éthique commence par nos gouvernants. Voyez-vous le nombre de scandales qu’il y a dans ce pays là ! Sous le régime de Macky Sall c’est extraordinaire, avec tous ses rapports, d’ailleurs des corps de contrôle sur lesquels il a mis le «coude» et cela l’épingle tout comme son frère, ses collaborateurs les Oumar Anne du COUD, les Siré Dia de La Poste, les membres Diallo de la Direction des Domaines ainsi de suite. Tous ses rapports sont là ! Sans éthique, il n’y a rien. Les gouvernements doivent être les premiers à faire preuve d’éthique. Malheureusement, il n’y a pas d’éthique dans la gouvernance de notre pays. Il n’y a que de la corruption, de la malversation et sans sanctions. Enfin, le «F», c’est pour la Fraternité car nous avons considéré que la chance du Sénégal, s’est bâtie sur un socle de la fraternité, entre les ethnies, entre les religions, une fraternité également basée sur le cousinage à plaisanteries etc. C’est notre matière première la plus sûre. Si nous ne pouvons pas bâtir une paix sociale et sociétale basée sur cette fraternité indépendamment de nos différences ethniques, religieuses et autres, cela ne servirait à rien pour notre pays. Mais surtout la fraternité africaine, car nous nous réclamons également des panafricanistes, c’est une ouverture sur le monde. C’est cette fraternité justement qui complète le patriotisme. D’ailleurs, le patriotisme n’est pas un repli sur soi. Nous sommes dans une ère de mondialisation et c’est pourquoi nous défendons également cette valeur forte en interne d’abord, entre nous sénégalais, ensuite dans notre cercle le plus immédiat la CDEAO, l’Afrique de manière générale. Bref, une fraternité vis-à-vis du monde entier.
Sur cette lettre «T» dans la signification de Pastef pour suggérer le «Travail», ne pensez-vous pas qu’il est rare de nos jours ?
Oui, vous savez en fait, quand on parle de travail, il n’y en a même pas au Sénégal. Il faut parler de sous-emploi. Aujourd’hui, il est établi que 56% des sénégalais sont classés dans le seuil de très pauvre à pauvre. Et que plus de 50% des jeunes sont dans la pauvreté et vivent la réalité du chômage. Il ne peut d’ailleurs y avoir d’emploi puisqu’on a une économie extravertie qui privilégie les intérêts personnels. Et de plus en plus, on ne suffit plus de dire que nous donnons l’autoroute à péage à telle entreprise française ou autre, sans aucun encadrement notamment d’associer les capitaux sénégalais et de faire un transfert de technologies pour que d’ici quelques années nos entrepreneurs puissent prendre le relais, mais on leur accorde également des rémunérations fiscales totales sur ces marchés là avec aucun impôt et taxe. Mais ce n’est pas cela le pire. Le pire, c’est qu’il leur est permis de venir avec leur personnel. Allez voir le nombre de chinois qu’il y a sur l’autoroute vers Touba ! Faites un tour à l’usine des phosphates de Thiès, où il n’y a que des indiens. Ils importent leur chômage maintenant qui se résorbe chez nous. Même les manœuvres sont importés. Et pendant ce temps, notre jeunesse est là, qui n’a pas d’emploi. C’est la responsabilité de l’Etat. Après vient la responsabilité individuelle de chacun d’entre nous, comme quand je disais qu’on ne travaille pas suffisamment bien. Cela nous interpelle tous autant, c’est-à-dire vous en tant que journalistes, est-ce que vous respectez les horaires de travail, le cahier de charges ou le manuel de procédure, la déontologie, est-ce que vous faites de la qualité etc. Parce que le menuisier ou le tailleur qui est là, ne travaille pas pour l’Etat et n’attend pas celui-ci, peut-être il pourrait attendre une commande publique de l’Etat au lieu de le faire avec les étrangers. D’ailleurs, j’ai dit l’autre jour à l’Assemblée que je ne prends pas les cartes «Total» ou «Shell», je veux qu’on me sert du carburant d’opérateurs nationaux parce que je préfère enrichir un national que plutôt des étrangers. Mais indépendamment de cela, la rigueur et le sérieux manquent dès fois chez le travailleur sénégalais. Car, par exemple pour les délais de livraison que ce soit pour le menuisier, le tailleur etc., il n’y a pas de respect du timing à ce niveau. La qualité peut aussi faire défaut. Donc, c’est de là que vient notre responsabilité. Le respect de l’engagement contractuel et la ponctualité sont importantes. Par ailleurs, il y a des gens qui ne se plient pas à certains métiers dans leur pays qu’ils feraient pourtant bien en Europe. Regardez le secteur de la distribution des fruits au Sénégal, vous n’y verrez pas de sénégalais, c’est bizarre ! Seuls les étrangers s’y adonnent. C’est positif pour eux, et c’est à encourager mais la question qui se pose c’est pourquoi les sénégalais ne le font pas également.
La politique sénégalaise d’aujourd’hui connaît un grand bouleversement, voire une instabilité. Ne pensez-vous pas que c’est avant tout un problème de mentalité ?
Vous savez moi j’ai tendance à dire que, nous avons un problème sociétal très profond. On se trompe d’analyse en voulant focaliser le débat sur les politiciens. Mais c’est vrai qu’il y a parmi les politiciens (excusez-moi du terme) énormément de pourritures. La majorité ne croit absolument en rien si ce n’est à l’argent qui ne leur appartient pas pour aller acheter de l’électorat et pour vivre au-dessus de leur moyen. Mais ces politiciens là ne sont pas tombés du ciel. En réalité, ce sont des produits de la société. Ils sont nés ici, ont grandi ici et ont été éduqués ici. S’ils ont ces tares, n’est-ce pas donc la société qui a un problème. D’autre part, ces politiciens sont érigés à leur rang par le peuple lui-même. Et pourtant une bonne partie du peuple sait qu’au moment où il met son bulletin pour un candidat, sait bien que celui-ci est un voleur et un menteur (excusez-moi du terme). Le peuple sait que l’argent qui leur est distribué provient des caisses de l’Etat. Si ce même peuple continue à faire ces choix là, il faut reconnaître que le problème ce ne sont pas les politiciens dans la mesure où ils sont qu’une petite minorité sur 14 millions de sénégalais. C’est le peuple qui doit se remettre en question. Quand un peuple a un outil aussi fort que la possibilité de choisir, il doit faire un bon choix. Regardez le résultat des législatives ! Malgré tout ce que Macky Sall et son régime ont fait ces 5 dernières années : bradages de nos ressources naturelles, violation des droits et des libertés des gens, attaques ciblées contre des opposants, radiation, limogeage, emprisonnement, gestion clanique et familiale du pouvoir etc., on n’aurait jamais pensé que Macky Sall pourrait avoir 49% des suffrages. Ces 49% sont positifs car en soi c’est bien. Mais ce pourcentage cache une autre réalité. Parce qu’il y a eu corruption des électeurs, achats de conscience, rétentions des cartes d’identité, radiation des gens sur des listes, bref tout un tas de choses. Théoriquement oui, mais moi je pense que pratiquement Macky Sall n’a même pas 30%. Mais je demande sur quelle base se sont reposés ceux qui ont votés pour lui. Pour dire que nous faisons fausse route si nous limitons l’analyse aux politiciens. Le mal sénégalais, il est partout et très profond. Il se trouve dans la fonction publique, dans la technocratie, dans la classe politique, dans notre jeunesse et même dans la sphère religieuse. Car, vous avez entendu des imams s’en prendre ouvertement à des gens comme moi en m’accusant d’avoir vilipendé et trahi des secrets professionnels. Ce qui n’a jamais été le cas. Alors que je n’ai fait que dire aux sénégalais voilà ce qui est en train de se passer et qui n’est pas bon pour notre pays. Un homme religieux devrait applaudir ! Mais c’est parce qu’il reçoit ses pécules : il est logé, il a un salaire plus une limousine. En un mot, le mal est global. Mais le système n’est pas seulement constitué d’hommes politiques. En effet, il y a aussi des hommes de média et vous les connaissez mieux que moi. Heureusement que vous, vous n’en faites pas partie ! Ils sont nombreux : des hauts fonctionnaires, des démocrates, des hommes d’affaire etc., que vous connaissez tous, qui se déplacent de régime en régime. Ils détournent de l’argent et sont milliardaires. Tout ce système est pernicieux et il est à combattre. Il faudrait construire un système en phase avec les gens de vertu dans tous ces segments cités. Il faudrait dans ce cas que l’ensemble de ces acteurs se réunissent autour d’une vision patriotique de ce qu’on doit faire de ce pays pour faire face à ce système mafieux. Souvent je dis, entre le politicien qui pille les caisses de l’Etat pour les distribuer et le citoyen qui accepte de prendre ou qui exige même qu’on lui donne, je dirai que le pire des deux c’est le citoyen. Parce qu’il accepte qu’on lui ment et après il va continuer à vivre son calvaire pour 5 années encore voire 7. Donc, il faut un travail de sensibilisation du peuple quant au choix porté sur le candidat, qui devrait être basé sur le programme et le profil des hommes politiques et non sur des raisons ignobles d’intérêts personnels. C’est ainsi qu’on ira vers un changement qualitatif.
Selon vous, le PSE ne présente pas un programme efficace pour l’émergence de notre pays. Pour quelles raisons ?
Vous savez, eux-mêmes savent qu’ils ne peuvent pas faire émerger le pays. D’abord, il faut qu’on fasse un petit point sur la notion d’émergence. Il n’y a pas encore un consensus dans la théorie économique sur ce qu’est l’émergence. On connaissait les notions de pauvreté, de développement, depuis quelques années, on parle un peu d’émergence. Il y a une théorie qui commence à se faire autour de cette notion. Et de manière simple, on considère que l’émergence est une étape intermédiaire entre le sous-développement ou la voie de développement, ce qu’on appelle les pays en voie de développement et les pays développés. Par contre, il y a les pays sous sous-développés comme le Sénégal en terme de stratification. Ces derniers sont classés parmi les pays les plus pauvres du monde, dans les 25. Il y a les pays sous sous-développés, les pays sous-développés, ensuite les pays en voie de développement, il y a les pays émergents et les pays développés. Alors comment pouvez-vous sauter de pays sous sous-développés à pays émergents en sautant l’étape de pays sous-développés et de pays en voie de développement ? Prenez les pays comme l’Afrique du Sud, la Chine, le Brésil, ils sont encore classés parmi les pays en voie de développement. Comparez ces pays là avec le Sénégal, et vous verrez le chemin qui nous reste à faire. Je dirai simplement que c’est une supercherie de la part du gouvernement de Macky Sall. Maintenant, le sous-développement c’est quoi ? Le PSE c’est quoi ? Ce plan prétend qu’il faut, qu’on soit au même niveau d’ici l’horizon 2034, que le Brésil aujourd’hui ou l’Afrique du Sud ainsi de suite. Pour cela, trois axes sont identifiés. Mais le développement, l’émergence passe par l’industrialisation. Si vous fouettez tout le PSE, vous ne verrez pas de programme industriel. C’est le premier paradoxe. Si vous regardez le schéma qui a conduit au développement de l’Europe avec la révolution industrielle, de l’Amérique, de la Corée du Sud plus récemment, cela passe fondamentalement par l’industrialisation. Or, on ne trouve ici que le parc industriel de Diamniadio. Un parc fait pour accueillir des délocalisations et non pas pour aller vers l’industrialisation du Sénégal. Si on fait le diagnostic du PSE, on dit qu’il est bien posé que 63% de l’économie du Sénégal est tiré par le secteur tertiaire. Ce qui n’est pas bon car ça c’est la configuration des économies postindustrielles mais paradoxalement encore 64% des financements du PSE, du PAP doivent être orientés vers ce même secteur tertiaire et non pas vers l’industrie ou l’agriculture. Donc, le financement du PSE c’est l’endettement chronique. Nous, nous tirons sur la sonnette d’alarme depuis trois ans, on dit attention à l’endettement du Sénégal. Mais ici, il faut que le FMI ou la Banque Mondiale parlent pour que les gens commencent à prendre en compte l’endettement. C’est grave ! Aujourd’hui on est à plus de 60% d’endettement alors qu’il était à 32 ou 34% à son arrivée (Macky Sall, Ndlr) au pouvoir. Ce qui fait qu’on laisse une charge très lourde aux générations futures qu’il faudra payer avec les intérêts. Et un endettement pour faire quoi ? Pour construire des immeubles à Diamniadio (avec ironie et indignation) non pas pour construire l’économie ; pour construire un train qui n’a aucune justification et ils ont menti d’ailleurs au peuple sénégalais, en donnant un montant de 500 et quelques millions pour le TER alors qu’il fait plus de 1000 milliards. Voilà la situation exacte ! Dans l’exécution, 80% des marchés du PSE sont donnés à des étrangers. Ils rapatrient tous les gains, ils vont nous laisser les infrastructures qui ne serviront pas à grand-chose. Ils prennent nos milliards et il ne nous reste plus que la dette à payer. Comment voulez-vous que ce programme fasse émerger le Sénégal ? Attendez est-ce que vous avez fait le tour du Sénégal, vous avez vu certaines contrées de Kédougou, de Bakel et autres pour voir le niveau de pauvreté où les gens ont des problèmes d’accès à l’eau potable. Allez à Koumpentoum, les gens peuvent rester deux (2) jours sans avoir l’eau potable. On n’a plus d’écoles publiques. On a encore plus de 6000 abris provisoires dans ce pays et on vous parle d’émergence. A la limite, c’est de la mégalomanie de la part de Macky Sall. Ceux qui vous parlent d’émergence vous trompent.
Quelle alternative crédible proposez-vous pour conduire notre pays sur la voie de l’émergence ?
C’est pourquoi, notre recours au patriotisme est très important. Un pays doit compter sur lui-même d’abord. Nous devons capter et capitaliser toutes nos ressources et Dieu sait qu’on en a. Nos ressources halieutiques, nos ressources minières, nos ressources pétrolières et gazières, nos terres qu’ils sont en train de brader, le cas des 10.000 hectares du Fouta, qu’on peut brader à des marocains dans des conditions que personne ne connaît. Quand on n’aura pas remis nos mains sur toutes nos capacités en mettant les sénégalais au travail et en protégeant d’abord notre économie nationale, on s’en sortira. Macky Sall est allé signer les accords de partenariat économique mais c’est une catastrophe. Le jour où ces accords seront ratifiés au sein de la zone CEDEAO, on aura plus d’agriculture, plus d’industrie, plus rien. On sera une succursale de l’Union Européenne. Les gens vont encore produire chez eux et ensuite venir nous vendre. C’est un phénomène qui a déjà commencé c’est pourquoi vous voyez les grands magasins européens venir (Citydia, Auchan). Ils sont en train de se positionner par rapport à cette perspective. Notre océan a été vendu. On ne mange plus du «Thiof». Il faut une tarification douanière très forte pour que ceux qui produisent localement puissent vendre, s’accroître et avoir la possibilité de se développer et entrer en compétitivité au niveau international. Il faut remettre en cause aussi le FCFA qui est une monnaie qui nous tue. Avec lui, on ne se développera pas, car il n’est pas calqué sur notre réalité économique, qui ne nous rend pas compétitif à l’exportation et qui vous confine à être un pays importateur simplement. Nous privilégions l’entreprenariat national sur la commande publique et surtout nous travaillons à développer un secteur industriel mais avec un socle agricole très fort avec des réformes institutionnelles fortes. Refusez qu’il y ait trop de pouvoir entre les mains d’un homme ! C’est tout ce que vous ne trouverez pas dans le PSE. C’est la solution ! C’est le sentiment du patriote. Dans tous les pays forts, c’est sur cette base qu’ils se sont développés que ce soit aux Etats-Unis, en France. La société doit participer et adhérer à cette vision. Ainsi, on pourra relever le défi du développement en un temps très court car nos ressources nous le permettent. Le pire, c’est le régime de Macky Sall.
Aujourd’hui, la transhumance est au cœur de la politique au Sénégal. Quel est votre à ce sujet ?
Je n’ai même pas de mot pour qualifier cela parce que c’est ridicule. Moi personnellement, je ne peux avoir aucun respect, ni d’estime pour ces gens qui transhument. Souvent, je préfère même ne pas les connaître. Je ne veux pas de manière générale avoir une accointance avec une certaine classe politique.
Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle des jeunes universitaires sénégalais ?
Mais on n’a plus d’université ! Et ce n’est que la répercussion de ce qui se passe à l’école élémentaire. C’est tout le système éducatif qui est saboté, désagrégé.
Alors que les enfants de ces responsables ne sont pas là. Même à l’étranger, des gendarmes sont affectés pour leur sécurité et avec l’argent du contribuable. C’est la même chose pour la santé. Ils n’en ont rien à faire que le peuple meurt dans les structures de santé. Permettez-moi de dire au passage, qu’on nous a encore menti. Combien de délais ils ont donné pour la radiothérapie au Sénégal ? Et c’est la même chose pour l’enseignement. C’est un faux débat de jeter l’opprobre sur les enseignants car quand vous créez un système d’injustice au niveau de la rémunération comme un enseignement de la hiérarchie A, payé 2 ou 4 moins, dix fois moins qu’un autre haut fonctionnaire de la même hiérarchie. Vous croyez que c’est normal. Alors que ceux-ci forment les produits de demain (futurs médecins, journalistes etc.). On signe des accords avec les enseignants qu’on ne respecte pas et après on les met en mal avec le peuple. C’est l’Etat du Sénégal qui se trompe de priorité en prenant beaucoup sur nos milliards pour faire des dépenses inutiles. Dans certaines localités, les enfants apprennent sous des arbres, d’ailleurs dans les réseaux sociaux comme facebook, les gens publient ces captures d’image. Dans ces conditions là, on ne peut pas avoir un bon système éducatif. Sans parler maintenant des problèmes de programme. On ne touche pas en profondeur les questions du programme, de même il y a peu de formation scientifique au détriment de celle littéraire. Les études ne sont pas orientées vers les besoins d’un marché. On nous apprend plus aujourd’hui la théorie et la majorité des étudiants, au sortir de l’université publique sont obligés de faire des formations techniques et professionnelles pour pouvoir être opérationnels. Mais dès fois vous voyez des étudiants qui s’expriment très mal, je vois des victimes lorsque j’anime des conférences à l’université. Il faut avoir un bon profil. Il faut réorienter l’éducation nationale.
Etes-vous de ceux qui pensent que Khalifa Sall a été écarté arbitrairement du jeu politique. Si oui, quelles sont les raisons ?
Avant tout je ne me suis jamais prononcé sur le fond de l’affaire Khalifa Sall. Je n’ai pas vu des rapports ou des éléments techniques me permettant de m’y lancer. Mais sur le plan formel, il y a un problème. Beaucoup de gens se sont fait épinglés dans leur gestion pour des faits beaucoup plus graves que ceux qu’on reproche Khalifa Sall. Là, on parle d’un milliard 700 mais ailleurs, ce sont des dizaines de milliards (voir La Poste, le Port Autonome, le COUD, les Domaines …) ; il y a énormément de rapports qui sont là et qui épinglent des classiques du pouvoir et sans parler des transhumants comme les Samuel Sarr, les Ousmane Ngom. Macky Sall a mis le coude dessus. Il a aussi le rapport de l’IGE, qui a épinglé les conditions dans lesquelles le pétrole et le gaz ont été donnés à Petro-Tim, qui implique à la fois son petit frère (Aliou Sall, Ndlr), lui-même et son ministre Aly Ngouille Ndiaye. Et vous envoyez l’IGE pour aller fouiller sur la gestion de Khalifa Sall. Et avec un empressement que rien n’explique, vous déclenchez une procédure pour prendre quelqu’un qui n’a aucun intérêt à fuir. Où pourrait aller Khalifa Sall, le maire de Dakar ? Un homme politique qui a plus de 40 ans de parcours. Après, au début de la législature, ils ont dit qu’il n’a pas droit à une immunité parlementaire. Et maintenant, le procureur écrit pour dire, levons l’immunité parlementaire. Vous voyez cette mascarade là ! C’est ce que nous dénonçons, c’est l’intimidation, l’emprisonnement. C’est pourquoi, pour moi le préalable, c’est lorsque vous savez qu’il a une immunité, vous n’avez pas le droit de l’emprisonner sans que celle-ci soit pris en compte. Ce qui est sûr c’est que cette caisse existe depuis longtemps. Si par ailleurs, Khalifa Sall y a puisé c’est que tous ses prédécesseurs en ont fait autant. C’est peut-être parce que quand on a un pouvoir qui repose sur la divination et qu’on vous a prédit que Khalifa Sall sera élu président en 2019, on se précipite pour le mettre au gnouf.
Vous semblez déranger le sommeil du régime en place. Comment vivez-vous cette bataille ?
Mais moi je suis un opposant ! Je ne m’oppose pas à la personne de Macky Sall. Je ne le connais pas et il ne m’intéresse pas. Je ne souhaiterai jamais le connaître d’ailleurs. Je ne l’ai jamais vu si ce n’est à la télé. Je crois que c’est réciproque mais je suis foncièrement opposé à cet homme dans sa manière de gouverner, et à ses méthodes. Et jusqu’à ce que Macky Sall soit destitué légalement du pouvoir, je serai toujours en face de lui comme adversaire. Je ne suis pas dans l’inimité car j’ai été éduqué autrement. Et, j’ai des valeurs auxquelles je crois. Mais, ils vont nous avoir devant eux, ils continueront à être dérangés. Nous faisons la politique autrement. Nous connaissons l’Etat. Je suis formé par et pour l’Etat. Ce sont les vrais débats qui nous intéressent. Quand la question du pétrole a été posée à l’Assemblée, mais ils sont allés jusqu’à faire des menaces. Depuis un an, nous attendons d’être notifiés de la plainte, qui n’existe même pas. J’ai situé leur responsabilité à tous, dans mon livre. J’assume tout et jusqu’à présent vous n’avez entendu de démenti officiel à ce sujet. C’est notre conception politique de s’opposer. C’est pourquoi, ils font dans la diffamation. On m’a accusé d’être membre du MFDC, Jihadiste, j’en passe. Me radier n’a pas eu l’effet recherché, freiné ma marche. C’est qu’ils ne comprennent pas notre degré de détermination.
Quelles sont vos relations avec Amadou Ba ?
On n’a aucune relation politique. On ne peut même pas en avoir. Nous n’avons pas la même conception de l’Etat. Mais, on a fréquenté la même administration. En première année d’ENA, il nous avait en comptabilité. Après ma sortie de l’ENA, trois ans plus tard on m’a affecté à son service. Je n’ai pas d’animosité à son égard.
On a appris que trois membres fondateurs de votre parti sont des collaborateurs de ce dernier. Pouvez-vous nous éclairer ?
D’abord, ce ne sont plus des membres de notre parti depuis les premiers balbutiements, où j’ai tiré sur le régime. Ils ont fait leur choix. Mais ils étaient des membres fondateurs. Je respecte leur choix.
Pensez-vous que la 13ème législature est sur une bonne lancée au détriment de la 12ème législature jugée comme un échec ?
Elle sera exactement pareille, sinon pire. J’espère qu’il n’y aura pas de coup de poing. La panique s’est installée depuis les 49% obtenus lors des élections. Ils invoquent le dialogue mais ce qui est sûr, c’est que je n’ai aucun espoir en ces législateurs vu que cette législature est sous les ordres de l’exécutif.
Croyez-vous que le Sénégal tirera profit de l’exploitation du gaz et du pétrole sachant que les partenaires sont diversifiés entre les français, les américains et autres ?
Actuellement le Sénégal est un pays complètement vendu aux intérêts étrangers. Et cela n’a jamais été aussi grave que sous le régime de Macky Sall. En attestent ce qui passe avec notre pétrole, notre gaz, les marchés publics. Quand un pays est détenu à 80% par des mains étrangères, ce pays-là ne s’appartient plus. Même si on réalise 50% de taux de croissance, sachez que les 49% sortent du pays. C’est pourquoi, cela ne réduit pas la pauvreté, ne crée pas d’emplois. Et c’est ça le problème. Dans une vision économique, un pays ne peut pas se développer sans créer une bourgeoisie industrielle forte. Au lieu d’enrichir les Marocains, les Français, les Turcs, il faut appuyer des entrepreneurs sénégalais mais qui soient à leur tour des patriotes. Des gens qui investissent au Sénégal, qui recrutent au pays et qui vont à l’assaut de la sous-région et du monde plus tard. C’est comme ça qu’un pays se construit. On n’en tirera aucun profit. Il faut réformer alors le code pétrolier.
Qu’en est-il du Zircon en Casamance ?
Cette exploitation ne se fera pas, les populations ne l’accepteront pas. Car, ils n’en voient pas les gains. D’abord, il y a les questions environnementales, une dune de sable qui constitue là-bas un verrou extrêmement important contre l’avancée des eaux salines. Et ensuite, il y a un écosystème où il y a une reproduction de toutes les espèces marines.
Quel est votre plat préféré ?
J’aime tous ce qui se mange. A part ce qui est interdit, je n’ai pas de refus, l’essentiel c’est que ça soit bien préparé. Maintenant, j’ai un petit faible des plats de chez moi (la Casamance). C’est pourquoi j’aimerai bien que les sénégalais les découvrent, ce sont des plats sains où il n’y a pas beaucoup d’huiles, ni de substances qui nous rendent malades. Mais aussi j’aime bien le «deukhine saloum» surtout la nuit (éclats de rires).
Que pensez-vous de la polygamie ?
(Rires). C’est une excellente chose .Tous les hommes sérieux et capables de prendre plusieurs épouses, qu’ils en prennent pour réduire le chômage matrimonial dans ce pays. Personnellement, c’est ma conviction. On n’est pas des occidentaux. Dès lors un homme est libre de faire son choix, il peut être soit monogame, soit polygame. Pour ma part, la polygamie est une bonne chose pour surtout équilibrer notre société.
D’aucuns pensent que vous êtes un farouche opposant qui a du mal à suivre les règles. D’ailleurs, ce qui a abouti à votre radiation de la fonction publique pour manquements à la rectitude déontologique. Qu’en est-il réellement ?
Mais très simplement et avec beaucoup de philosophie. De toute façon, j’avais l’ambition de quitter l’administration dans une période qui n’était pas très éloignée de celle-là. J’avais même commencé des démarches, pour prendre un détachement, ils me l’ont refusé. De là, je me suis dit que si je terminais à mettre en place mon petit système, je quitterais. Donc pour moi, la fonction publique n’a jamais été une qualification en soi. J’y ai passé de beaux moments et j’ai beaucoup appris mais je crois après autant d’années dans cette structure et surtout quand on a l’engagement que j’ai ma place n’était plus dans celle-ci. D’ailleurs, aujourd’hui je me sens libre, car vous savez que dans la fonction publique y’a tellement de contraintes et de suggestions. Par exemple : vous ne pouvez pas publier un livre ou voyager sans autorisation, Par contre aujourd’hui je publie tous ce que je veux, et je voyage quand je veux ainsi de suite….
Je n’ai jamais eu aucun problème de survie quand j’étais dans l’administration. Je rends grâce à Dieu. J’ai mis en place mon cabinet mais aussi j’ai eu le soutien de beaucoup de sénégalais, de la diaspora surtout que je remercie d’ailleurs. Le temps de mettre en place mon système, mon cabinet, mes activités personnelles etc. Aujourd’hui je suis un parlementaire, je n’ai aucun problème. Je peux que rendre grâce à Dieu. Au contraire, je vis même beaucoup mieux. Sur ce, je crois que Macky Sall m’a rendu un grand service : celui de nous avoir mieux révéler aux sénégalais car ç’a été un tournant plus ou moins dans la carrière politique.
Vous aviez accusé l’Assemblée nationale de fraude fiscale. Pourtant les députés paient les impôts. Quel était le but recherché ?
Bien sûr qu’au niveau de l’administration, il y a une fraude fiscale. L’assemblée nationale a été redressée pour plus de 4 milliards pour des impôts et taxes. Vous imaginez ? Non pas parce que les députés n’ont pas payé leurs impôts mais parce qu’il y a une routine à la chose, c’est plutôt que l’administration de l’Assemblée Nationale ne l’a pas reversé. C’est grave ! Dans ce sens, c’est facile de faire recourir à une poursuite pénale. D’ailleurs, récemment en tant que député, j’ai écrit à Moustapha Niasse, pour lui dire de nous faire la lumière à ce sujet : Où est-ce qu’ils en sont ? Est-ce qu’ils ont payé ? Est-ce qu’ils ont situé les responsabilités ? Est-ce qu’ils ont pris les sanctions qu’ils faillaient prendre ? En ce sens, je n’ai pas encore eu de réponses à ce propos. Sur ce, à chaque fois que je le rencontrerai, je lui rappellerai car il ne faut pas que cela se reproduise avec notre législature. De là, je tiens à préciser que ce n’est pas le seul problème à l’assemblée nationale, il y en a beaucoup. C’est pourquoi, on est en train de travailler sur des dossiers et surement dans les jours à venir vous serez informés. Tout ce que je peux dire c’est la gravité des problèmes au sein de cette assemblée. Il y’a de nombreux choses qu’il faut indexer voire dénoncer. Ils se disent honorables ! Ce terme que je déteste d’ailleurs. Aucun texte n’a jamais mentionné cela. On les a honoré pour les élire alors, il faut qu’ils soient exemplaires de par leurs comportements. L’assemblée nationale ne doit pas tomber dans les affaires de fraude fiscale etc. Je trouve cela inadmissible. Et cela nous allons l’indexer, rassurez-vous! Espérons, que je ne sois pas radié de là également (éclats de rires).
Lors des législatives du 30 juillet, le mouvement Pastef-Les Patriotes n’a obtenu qu’un seul député. Etes vous déçu de ce score ?
Non ! On est très satisfait de nos résultats. Vous savez après 2 ans d’existence, sans moyens financiers, avoir 40 mille sénégalais qui vous accordent toutes leurs confiances, je crois qu’il y a de quoi rendre grâce à Dieu. Sur 47 listes partantes, on est sorti 6ème après seulement 2 ans d’actions politiques alors que nous faisions face à des gens qui ont un appareil politique, une machine électorale, et beaucoup de milliards volés dans les caisses de l’Etat. Par contre, nous, nous sommes allés par nos propres moyens. Toute notre campagne s’est effectuée avec les contributions des uns des autres et cela nous a couté 27 millions. En ce sens, ce n’est même pas une journée de campagne de Mahammed Boun Abdallah Dionne. Je ne sais pas si vous aviez vu sa caravane. C’est pourquoi, nous n’avions même pas pu faire d’affichage car nous n’avions pas eu des moyens, nous n’avions pas été présents dans tous les bureaux de vote parce ce que nous manquions de liquidité. Les gens demandaient entre 2500 à 3000F pour siéger dans les bureaux de votes. En ce sens, si vous effectuerez le bilan, cela nous couterait 40 millions. Ce qui représente une somme au-dessus de nos moyens. Malgré le fait de ne pas être présent dans les bureaux, de nous avoir volé en inversant nos bulletins, on sort 6ème, de plus avec un député. Tout ce que je peux dire, c’est rendre grâce à Dieu. Je dirai qu’on est loin de l’échec pour un parti avec seulement 2 ans d’existence et sans beaucoup de moyens. Nous avions juste fait avec ce que nous avions. Pour ma part, c’est un excellent début, qui nous motive à aller de l’avant, à continuer à travailler.
Quelles réflexions faites-vous du nouveau gouvernement formé après ces élections ?
Simplement, c’est un gouvernement de politiciens pour préparer 2019 avec une mascarade assise sur un prétendu dialogue politique. De là, nous, on ne peut pas dialoguer avec Aly Ngouille Ndiaye. Celui-là, avec tout ce qu’il a fait au département des mines et de l’énergie. Je ne pourrai jamais avoir confiance sur cet homme. C’est juste une perte de temps, c’est tout ce que je peux dire.
Sur ce, prévoyez-vous de forger des alliances avec les autres partis ?
Déjà on était allé en coalition, contrairement à ce que les gens pensent. Par contre, nous ne pouvons aller qu’avec des gens avec lesquels nous partageons de fortes convictions même si c’est de petits partis, de petits mouvements. A ce niveau, il y a des discussions qui ont démarré au sein de l’opposition pour préparer 2019 et on verra avec qui on pourra avoir suffisamment d’affinités. Pour le moment, je m’en limiterai à cela. Mais, dans tous les cas, si nous réunissons toutes les conditions nous irons seuls aux élections. Si ce n’est pas également le cas et que nous discutions avec des acteurs crédibles, sérieux qui nous permettront d’avoir une alliance sans ternir notre image car nous avons que notre image en politique. Dans ce cas, nous examinerons l’idée de faire une alliance pour l’intérêt du peuple sénégalais.
PORTRAIT
A 43 ans le chef du parti Pastef-Les Patriotes n’en est pas moins vigoureux. En effet, toute son énergie apparaît dans les mouvements de son corps rythmés par le son et le timbre de sa voix pour dénoncer la mauvaise gestion de la politique. Avec un verbe tranchant, une barbe de sagesse qui n’a d’égale que le point noir sur le devant de sa chevelure (signe de piété), un visage suscitant la confiance et la sincérité, des mots qui suggèrent une foi en son combat, des doigts pointant et cherchant un coupable, montrent qu’il est de la trempe des leaders politiques amoureux de l’éthique, respectueux des valeurs, conscient d’un pays souffrant de maux, dont il se considère le remède. C’est bien le type qu’un citoyen lambda donnerait sa voix lors d’un scrutin. A côté, Ousmane Sonko est un homme ouvert et très attaché aux valeurs sociales. Mais ce qui fait la fierté citoyenne de cet homme, ce n’est ni d’être un tricheur, encore moins un vendeur d’illusions, mais celui qui s’est donné pour mission de défendre les intérêts du peuple sénégalais. Seule la vérité compte ! Au restaurant dakarois «Presse Café» où s’est déroulé notre entretien, il inspire le respect et la modestie par son allure et son calme. Vêtu d’un ensemble, veste et pantalon noir débouchant sur une chemise clair, et d’une cravate noire, il reflète le tempérament d’un révolté. Mais avant tout, c’est un député arrivé à la bonne heure de la politique. Sur ce, la détente de Sonko est assez stressante, on dirait la représentation d’Orphée à l’opéra : dans votre loge, expiez votre passion, chers lecteurs, dans cette détente émouvante d’une fin de semaine. Bon Magal !!!
CONSEILS DE L’INVITE
A qui : Au peuple sénégalais.
Sur Quoi : le peuple doit arrêter de se réfugier derrière son tiroir en essayant de trouver des responsables parce que la souveraineté nationale et la force appartiennent au peuple. Il doit arrêter de faire un mauvais choix politique.