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28 novembre 2024
Politique
RETRAITE ANTICIPÉE DES DINOSAURES
A seulement 44 ans, Diomaye incarne l'alternance générationnelle tant attendue. Sa victoire dès le premier tour acte le crépuscule des ambitions présidentielles des vétérans de la politique et ouvre la voie à l'émergence de nouvelles figures
L’élection présidentielle du 24 mars dernier livre des enseignements quant à la recomposition de la classe politique au Sénégal. Pour cause, elle a vu la dégringolade de l’ensemble des figures et des partis qui ont dominé la vie politique sénégalaise depuis plusieurs années. Plébiscité au premier tour avec 54,28% des voix à seulement 44 ans, Bassirou Diomaye Diakhar Faye acte l’alternance générationnelle dans le landernau politique. Son élection à la tête du Sénégal risque ainsi, d’accélérer le vent de renouvellement qui soufflait déjà sur la scène politique, après les élections locales et législatives de 2022 qui ont vu émerger de nouveaux visages et une nouvelle offre politique. En tout état de cause, beaucoup de caciques politiques devront enterrer leur ambition présidentielle si jamais le Pastef reste au pouvoir en 2029. Ils seront contraints de passer le témoin en raison de leur âge mais aussi, de l’électorat de plus en plus jeune marqué par une soif de révolution.
Un coup de Jarnac ! Le dimanche 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Diakhar Faye devient à 44 ans le cinquième, et le plus jeune président de la République du Sénégal depuis l’indépendance en 1960. Le successeur de Macky Sall, 62 ans qui a dirigé le pays pendant 12 années, incarne ainsi, une nouvelle génération de «jeunes» politiciens. Sa victoire, de surcroît au premier tour, entraîne de facto le renouvellement de la classe politique. De Léopold Sédar Senghor à Abdoulaye Wade en passant par Macky Sall, tous ces chefs d’Etat ont fait au moins 12 ans au pouvoir. Non sans noter que désormais, la durée du mandat relève d’une disposition intangible de la Constitution. C’est-à-dire qu’aucun président ne pourra faire plus de deux mandats consécutifs. Tout de même, si jamais Bassirou Diomaye Diakhar Faye fait deux mandats à la tête du Sénégal, certains vétérans en politique auront presque 73 ans. Conséquences : c’est l’enterrement de leur ambition présidentielle en raison de leur âge plafond déjà constitutionnalisé à 75 ans.
LA CONTRAINTE DE L’AGE ET DE L’ELECTORAT DE PLUS EN PLUS JEUNE
Candidat à l’élection présidentielle en 2007, 2012 et 2019, l’ancien maire de Thiès est descendu de son piédestal en 2024 en obtenant 0,90% des voix. Une chute libre qui risque de le plonger définitivement dans les bas-fonds de la galaxie politique sénégalaise puisqu’il aura 70 ans en 2029. Autre vétéran de la classe politique au Sénégal qui a joué son va-tout lors de la présidentielle de 2024, c’est Khalifa Ababacar Sall. Empêché d’être candidat en 2019 à cause de fallacieux ennuis judiciaires, l’ancien maire de Dakar ne fera qu’une seule présidentielle (?) qui pourrait aussi être sa dernière participation à une élection présidentielle. L’enfant prodige de Abdou Diouf et lieutenant de Ousmane Tanor Dieng qui aura 72 ans en 2029, risque ainsi, de ne jamais voir le couronnement de sa carrière politique. Un autre aspect qui va beaucoup jouer dans le renouvellement de la classe politique, c’est l’électorat de plus en plus jeune, d’autant plus que d’après le dernier recensement, les Sénégalais de moins de 35 ans représentent 76 % de la population. Il faut dire que pour l’élection présidentielle de 2024, la mobilisation des jeunes a été déterminante dans la victoire de l’opposition.
Depuis quelques années, ils ne se reconnaissaient plus dans les discours et les actions de l’élite dirigeante qui peine à résorber les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ces jeunes électeurs sont nés dans le monde numérique et beaucoup d’entre eux suivent l’actualité, encore qu’ils boudent les médias traditionnels au profit des médias sociaux. A ces faits qui ouvrent les scénarii d’une recomposition politique, s’ajoute la volonté des nouvelles autorités de faire de la carte nationale d’identité la carte d’électeur. Ce qui permettra aux jeunes d’être nombreux dans le fichier électoral.
L’ALTERNANCE AU NIVEAU DES PARTIS POLITIQUES
Bassirou Diomaye Diakhar Faye a donné congé aux anciens partis politiques. Ce qui constitue l’autre alternance dans le renouvellement de la classe politique. En effet, l’Alliance des Forces du Progrès (AFP) ne pèse presque plus. Son fondateur Moustapha Niasse, sur le terrain politique depuis 1957, avait d’ailleurs indiqué sa volonté de transmettre le flambeau à la nouvelle génération. Au Parti socialiste (PS), Aminata Mbengue Ndiaye devra également passer le flambeau. A AJ/Authentique et AJ/PADS, Mamadou Diop Decroix et Landing Savané sont face à la relève. Quant à la Ligue démocratique (LD), elle est à la recherche d’un passé glorieux des Jallarbistes (n’est pas Bathily qui veut). Au Parti démocratique sénégalais (PDS), Karim Wade semble avoir peur du parricide. A l’Alliance pour la République (APR), une armée mexicaine est à la recherche d’un chef. Sans occulter un fait incongru avec Amadou Ba, un chef de l’opposition, sans parti politique. Arrivé deuxième à la présidentielle de 2024, le candidat de la coalition Benno Bokk Yaakaar a subi plusieurs contestations après son choix comme candidat par Macky Sall avant qu’il ne soit lâchée par ce dernier.
L’EMERGENCE DE NOUVEAUX PROFILS SUR LA SCENE POLITIQUE
Depuis quelques années, de nouvelles figures émergent sur la scène politique sénégalaise, particulièrement depuis les élections locales et législatives de 2022. Parmi eux, certains qui accompagnaient déjà les ténors et qui sont bien connus, d’autres inconnus au bataillon, mais restent tous ambitieux à conquérir le terrain politique. Mais, il y a aussi ceux qui comme Ousmane Sonko qui se sont défendus contre vents et marées pour gagner une certaine popularité. Âgé de 49 ans, et adulé par les jeunes et porteur d'un programme «anti-système», le plus farouche opposant de Macky Sall a su inscrire ses marques en portant au pouvoir son n°2 en la personne de Bassirou Diomaye Faye avec son parti Pastef créé en 2014. Parmi les nouvelles figures de la classe politique, on peut citer Anta Babacar Ngom qui est sortie du lot même si elle n'a pas encore la trempe des égéries comme Aminata Mbengue Ndiaye, Mimi Touré, et autres. Seule femme candidate à la présidentielle de 2024, il lui reste tout de même à gagner une mairie ou avoir des députés pour gagner une certaine légitimité.
Haut cadre et maire «rebelle», Mame Boye Diao pourra-t-il aller au front pour la conquête présidentielle de 2029 ? L’étape intermédiaire est la députation. Quant à Déthié Fall, Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane Dièye, ils sont intellectuellement assis mais, il leur reste encore des bases politiques.
Pour Barthélémy Dias, proche de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, reste à savoir s’il aura des dents aussi longues pour égratigner l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko qui pèse plus lourd que lui sur le plan de la représentativité électorale nationale. Jadis «frères», les deux hommes se regardent désormais en chien de faïence.
A coup sûr, Bassirou Diomaye Diakhar Faye va envoyer des dinosaures politiques à la retraite. Reste à savoir les avantages et les inconvénients de cette recomposition politique. Mais aussi et surtout quelle opposition pour faire face à Pastef afin d'éviter au Sénégal une démocratie consensuelle à la Amadou Toumani Touré ?
par Elgas
L’ANTICOLONIALISME COMME FREIN AU PROGRESSISME EN AFRIQUE, RETOUR SUR UN IMPENSÉ
Pourquoi les penseurs africains, farouches progressistes chez eux, deviennent-ils si souvent des réactionnaires une fois en Occident ? Un paradoxe dérangeant, symptôme d'un conflit plus vaste entre anticolonialisme et progressisme
Ce court texte est la transcription de mon intervention au colloque «Religion et révolution conservatrice: perspectives comparatives» les 23, 24 et 25 octobre 2023 à Genève, à l'initiative de la Chaire Yves Oltramare. Il revient sur le potentiel dévoiement des luttes progressistes captives d'une vision des sociétés colonisées encore très paternaliste. Avec deux focus sur les usages de la religion, l'islam en l'occurrence au Sénégal, et l'alliance pour le moins surprenante entre décoloniaux en Occident et identitaires au Sud, il évoque les fragilités du front anticolonial.
D’où vient cette malédiction qui rend orphelins de soutien tant de chercheurs, d’artistes, d’intellectuels, d’universitaires africains, progressistes convaincus chez eux au Sud affrontant vaillamment divers périls et qui, pourtant, deviennent, une fois en Occident, des réactionnaires en puissance1 ? Cette question est le coeur d’expression de mésusages courants en période postcoloniale, mésusages ou glissements qui confortent le confusionnisme et nourrissent le conservatisme qu’on prétend pourtant combattre à « gauche ». Esseulés, délaissés, l’accusation de félonie vis-à-vis de leur communauté planant comme une ombre disqualifiante, ces auteurs et intellectuels du Sud, comme par exemple Kamel Daoud, Salman Rushdie, Abnousse Shalmani ou Rahmane Idrissa, forment pourtant un gisement de déconstruction de leurs sociétés, hélas abandonnés par une perspective décoloniale qui souvent cède à la logique de front plus qu’à celle de principes communs incessibles.
Où se situe le curseur de ce crédit moral si arbitrairement accordé qui revisite la phrase connue, vérité en dessous de la Méditerranée et hérésie au-delà ? Sur toutes les questions dont le progressisme est l’enjeu fondamental – droits des minorités, liberté religieuse, égalité hommes/femmes –, cette ligne de démarcation survit à tout universel, à son pendant marchand, la globalisation, et à son expression technologique, appelé par notre ami Marshall McLuhan « le village planétaire2 ». Donnée nouvelle, elle survit au bon sens longtemps échelle certes imparfaite mais opérante d’appréciation commune du gouvernement du monde. Dans un monde qui connaît de profondes convulsions, il n’est pourtant pas inutile, de refaire la généalogie et une radioscopie des conservatismes comme l’a proposé ce colloque bienvenu. Et saisir que les transformations, révolutions conservatrices, qui paraissent connaître un regain aujourd’hui avec leur caractère apocalyptique, au fond, semblent davantage s’apparenter à l’éveil de volcans idéologiques longtemps enfouis, endormis, jamais réellement vaincus, sinon à des étendards de combat et à un socle d’idées au service d’une alternative souhaitée à l’hégémonie occidentale. Pour le dire autrement, ce qui paraît si hégémonique aujourd’hui semble, selon notre hypothèse, être la manifestation d’une présence latente, longtemps confinée, et qui connaît une déflagration à la faveur de l’essoufflement du mythe de la centralité occidentale et de la promesse toujours renouvelée du progrès comme horizon naturel de l’humanité. Toutes les forces qui avaient dû, à contrecoeur, monter dans ce train, sentant la fragilité de la locomotive, délogent leurs velléités des marges pour les assumer pleinement. La permanence de cette révolution est un invariant historique, particulièrement en Afrique : elle est au fondement de cette optique du Sud dit « global », dont les esquisses formelles semblent aujourd’hui plus nettes. Dans la lutte fondatrice et essentielle contre la colonisation, encore structurante, il est pourtant essentiel de mesurer le coût de certaines accointances, où par mégarde, bonnes intentions, bonne conscience, parfois cynisme, l’anticolonialisme est devenu un frein au progressisme, créant ainsi une double échelle de valeurs qui contribue à la relégation, au relativisme moral. Longtemps carburant du colonialisme, il semble basculer de plus en plus dans la frange extrême de certaines pensées décoloniales.
Comprendre ainsi l’articulation d’un mélange de ressentiment colonial et d’une offensive conservatrice jamais résignée, requalifiée en identité unificatrice, sera le coeur de notre propos. Nous esquisserons d’abord une rapide histoire du conservatisme religieux au Sénégal, avec un croisement des perspectives confrériques et néo-puritaines, pour situer l’importance du discours religieux dans toute résistance, pour ensuite procéder à un examen des mouvements de jeunesse citoyens au Sénégal, via le rap entre autres, et leur tournant conservateur au nom de la lutte contre l’Occident. Nous nous intéresserons enfin à la sophistication d’un relativisme décolonial, notamment en Occident, qui attribue à l’Afrique un particularisme qui justifierait un conservatisme appréciable, le seul prisme de la domination finissant par conférer aux dominés un blanc-seing et une exemption de reddition de compte.
Les africanistes du fait confrérique au Sénégal, qu’ils s’agissent de Paul Marty3, de Donal Cruise O’brien4 ou de Vincent Monteil5, ont établi des monographies exhaustives de la naissance d’une confrérie, le
mouridisme. Cédant parfois à la tentation d’un romantisme sur un « islam noir » aux particularismes marqués, leurs travaux ont été la matière revisitée par le roman national sénégalais, finissant par devenir un mantra surexploité résumable ainsi : le syncrétisme sénégalais fait du soufisme un rempart contre l’avancée du wahhabisme. Séduisante et rassurante, cette lecture a trouvé des relais en Occident, tant elle donnait des gages, dans un monde musulman où diverses révolutions ont convié au pouvoir des religieux intégristes. Sans explorer le corpus idéologique confrérique, qui n’entre jamais en opposition frontale avec la base doctrinale de l’islam, et qui reprend ainsi à son compte toute la sémantique, la symbolique, les représentations du religieux, du puritanisme considéré pour beaucoup comme l’essence de la piété. Confondant la logique de la configuration sociale intégrée dans le rituel des cultures avec la modalité dogmatique du culte, il a été ainsi opéré, parfois à dessein, des réductions consommables sur l’idée d’un rempart interne, autorégulant, de nature à dissuader toute radicalité. Cette dépolitisation et ce désossement du religieux sont demeurés longtemps une lecture dominante, tant il ne fallait pas regarder en face les évolutions convergentes vers une hégémonie de l’islam destiné à apurer un paganisme qui n’a jamais eu bonne presse, et qui était même un franc ennemi de la religion.
Longtemps viatique du champ intellectuel, sur lequel le Sénégal a bâti sa réputation de havre du dialogue interreligieux, un livre pourtant en 1985, écrit par le journaliste Moriba Magassouba, venait jeter un pavé dans la mare. Son titre, un brin provocateur – L’islam au Sénégal. Demain les mollahs6 ? –, avait entraîné une déflagration. Première secousse dans l’entente cordiale, le document, fruit d’une enquête journalistique et d’un mémoire d’études, démontrait les assauts du puritanisme, la montée des marabouts, l’axe préférentiel des échanges religieux avec les pays du Golfe, et le puritanisme qui s’est attaqué aux religieux. Le film Cedo du cinéaste Ousmane Sembène en 1977, décrivant l’arrivée de l’islam en Afrique, la violence de la rencontre, et finalement la conversion progressive à marche forcée, semble avoir été un canevas pour le livre de Magassouba. La chronologie ainsi que l’enchaînement accréditent en effet l’idée d’une irréversible optique de conformisation religieuse. Le mouridisme a fondé sa légitimité et son autorité sur la figure charismatique de son fondateur, Cheikh Ahmadou Bamba. Résistant culturel, selon la terminologie des manuels d’histoire, il est le symbole le plus éloquent, et le plus populaire, d’un contre-discours qui s’appuie sur la résistance anticoloniale. Si l’histoire du djihad africain – comme le rappelle Pérouse de Montclos dans son livre L’Afrique, nouvelle frontière du djihad7 – n’obéit pas qu’à des logiques importées, le discours fédérateur s’est toujours fondé sur un conservatisme qui ne s’est jamais démenti. Il a été nourri, structuré, par une élite mouride et religieuse au Sénégal, avec la déconstruction de la « colonialité » comme boussole première. Cette déconstruction en cours et les bouleversements géopolitiques (choc pétrolier en 1973, révolution iranienne en 1979, attentats du 11 septembre 2001, guerre en Irak en 2003, proclamation de l’État islamique en 2014 entre autres) ont encouragé l’élite religieuse à investir le champ intellectuel et à gagner la bataille « culturelle ». C’est ainsi que la « laïcité » est devenue un ennemi, que la ville sainte de Touba a demandé un « statut spécial » pour s’affranchir de la République sénégalaise. Tout cela au nom d’un différentialisme, d’une revitalisation du conservatisme conçue, à renforts de livres, comme la voix d’une authenticité endogène à même d’offrir un miroir identificatoire aux populations, en minorant bien sûr la modalité d’une religion elle-même importée, et coloniale.
M’intéressant au contenu des prêches des imams le vendredi pour les besoins d’un travail de recherche, l’examen de ce discours montre la récurrence des griefs contre le progressisme, considéré comme l’aiguillon de la survivance coloniale. La dépravation des moeurs serait liée à l’absence de remparts face à la propagation des sources occidentales. La bataille des valeurs est donc essentielle et l’islam fournit le meilleur kit de résistance, mais aussi le meilleur programme politique. Au nom du refus de l’asservissement, la prospérité de ce discours a créé les conditions d’un raidissement tendant à disqualifier les droits humains, repeints en blanche domination honnie.
La gauche sénégalaise et les élites intellectuelles se sont montrées timides, reprenant le refrain commode pour la paix sociale, renonçant ainsi à questionner l’héritage des féodalités pour créer les conditions de viabilité d’une gauche qui n’importe pas uniquement les lignes de fractures postcoloniales. Les répercussions de cette question islamique feront l’objet d’un article de Mar Fall8 dans Présence africaine en 1987. En devenant de plus en plus un obstacle à l’établissement d’un État égalitaire, la perspective des mollahs devenait de moins en moins chimérique. Avec la multiplication des mouvements puritains dans la sous-région, et le long et patient travail de sape de la diplomatie religieuse des pays du Golfe, Mar Fall montrait cette avancée.
Autre échelle d’appréciation de notre propos, en 2011, au plus fort de la contestation des velléités de dévolution monarchique du pouvoir avec un président Abdoulaye Wade qui voulait outrepasser la
constitution, s’est érigé une véritable sentinelle démocratique. Dans un mouvement de la société civile, réveillé par un regain et unifié par cette cause, naissait le M23 (Mouvement du 23 juin), acteur majeur de la reculade du président. Tête de pont de ce mouvement, le collectif « Y’en a marre », essentiellement porté par des jeunes rappeurs, naissait au grand jour. Avec son énergie, sa fraîcheur, son engagement démocratique et son refus de plier, il fut un acteur majeur de la transition politique et de l’alternance. Victime de son succès, le collectif s’est ensuite structuré de façon horizontale, investissant les questions sociétales, sortant ainsi du seul champ de la politique électorale. Cette énergie a été saluée en Occident, financée, perçue comme ce gisement jeune et démocratique à même de bâtir le renouveau et de contrecarrer, là aussi, les tentations radicales ou religieuses. Financée par Osiwa (Open Society Initiative for West Africa), l’organisation de Georges Soros, conviée en Europe, le bel écho du mouvement « Y’en a marre » fera des petits sur le continent, avec « Le balai citoyen » au Burkina, acteur du départ de Blaise Compaoré, et Filimbi en République démocratique du Congo, qui rencontrera moins de succès car bâillonné par le pouvoir. Très vite pourtant, on déchante.
Les membres du collectif sénégalais se distinguent par un discours conservateur et s’opposent à tout progressisme. Ils reprennent à leur compte tous les discours émancipateurs du panafricanisme, avec de
véritables distorsions de son contenu, et articulent leur combat contre les valeurs occidentales, toutes considérées comme coloniales. Dans le contexte mondial, il y a donc deux conservatismes en miroir : un
occidental prenant appui sur les valeurs blanches et chrétiennes de l’Europe, et un autre, en Afrique, prospérant sur le lit d’une identité figée, conflictuelle, et des valeurs jugées supérieures à celles d’un Occident décadent, la question LGBT étant au coeur de la répulsion. Loin d’être un élément conjoncturel, cette structure paraît exister dès l’aube des groupes de rap primaux à Dakar. Le progressisme avait comme plafond le discours anticolonial. Le rap et son énergie militante et rebelle se sont pourtant rapidement embourgeoisés, captifs de ce périmètre réduit, où très rapidement il est devenu un cheval de Troie du conservatisme. Dans un article fort bien documenté, le chercheur sénégalais Abdoulaye Niang9 évoquait la notion de rap prédicateur, à mille lieues des représentations classiques sur ce genre qui semblait regorger de munitions contre l’establishment. Habilement récupéré, jamais en opposition frontale avec l’architecture des références morale et religieuse, ce rap prédicateur est devenu le catalyseur d’une énergie postcoloniale qui fédère les jeunes, non plus pour construire des sociétés ouvertes, mais comme puissance dégagiste des logiques jugées néocolonialistes, et de ses suppôts, c’est-à-dire les pouvoirs locaux.
Que faire donc face à ce conservatisme qui semble invincible ? En Occident, la malédiction la plus commune est de la considérer avec un exotisme circonspect, un mépris. Mais plus troublant, au nom de la même logique décoloniale, on trouve, dans la gauche particulièrement, une lecture sous le seul prisme de la domination. Le statut de dominés est ainsi essentialisé et, par atavisme, il donne des privilèges. Tout discours contre ce conservatisme s’expose à des foudres qui les qualifient de néocolonialisme d’une nouvelle mouture des Lumières et de l’universalisme, toujours suspecté d’être un agent de domination. Avec le procès des Lumières dévoyées, le front décolonial s’inscrit dans une impasse, au moins partiel, dans le sens où il anesthésie tout discours émancipateur local. Il fonde ainsi une double logique territoriale et temporelle, celui des dominés éternels et des bourreaux éternels.
C’est à ce niveau que la Méditerranée devient une ligne de démarcation, que l’anticolonialisme comme matrice devient négateur d’un projet de progrès universel. La convergence des luttes semble ainsi être celle des conflits sourds, retardés par une logique de front. Elle nourrit indirectement un conservatisme à l’affût, conscient des porosités, des gisements de forces que contient le discours anti ou décolonial. Et dans cette configuration, les progressistes du Sud ont besoin de soutien, celui naturel de la gauche, qui pourtant les ignore au prix d’accommodements déraisonnables. Progressistes qui doivent tout de même éviter le baiser de la mort de la droite si diligente à rafler la mise et à travestir de nobles luttes.
El Hadj Souleymane Gassama (Elgas) est journaliste, écrivain et chercheur associé à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques). Ses recherches portent sur le don, la dette, les transferts d’argent, la décolonisation et la démocratie en Afrique. Il est l’auteur de plusieurs livres et articles, et notamment de Les bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial (Riveneuve, 2023).
LE RECTEUR DE L'UCAD ACCUSÉ DE DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURES
Le Sudes dénonce avec véhémence la tentative présumée d'Ahmadou Aly Mbaye de placer illégalement Ismaïla Madior Fall à l'IFAN. Le syndicat enseignant réclame une enquête sur cette "énième irrégularité" alléguée - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
L'Université Cheikh Anta Diop est secouée par les protestations du syndicat des enseignants, le Sudes, contre une affectation jugée irrégulière. Au cœur des accusations : le "parachutage" présumé d'Ismaïla Madior Fall, professeur titulaire de droit public, à l'Institut Fondamental d'Afrique Noire Cheikh Anta Diop (IFAN-CAD), orchestré par le recteur Ahmadou Aly Mbaye en violation des textes réglementaires. Une manoeuvre qualifiée de préjudiciable à l'intégrité de l'université, selon le Sudes dans le communiqué suivant :
"NON AU PARACHUTAGE DE M. ISMAILA MADIOR FALL À L'IFAN !
Le SUDES/ESR Section de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar tient à informer la communauté universitaire et l'opinion nationale de sa profonde préoccupation concernant la velléité d'affectation par le recteur de l'UCAD de M. Ismaïla Madior Fall, professeur titulaire de droit public, à l'Institut Fondamental d'Afrique Noire Cheikh Anta Diop (IFAN-CAD) en violation du décret n° 84-1184 du 13 octobre 1984 portant organisation et fonctionnement de l'Institut fondamental d'Afrique noire.
Cette tentative désespérée du recteur de l'UCAD de caser un ancien ministre se présente de facto comme un détournement des procédures et des règles d'affectation du personnel d'enseignement et de recherche (PER) comme stipulé dans les articles 8 et 24 du décret susmentionné. Elle serait effectuée sans consultation préalable des instances de l'IFAN qualifiées en la matière. Le recteur de l'UCAD, encore une fois, tente de fouler aux pieds les dispositions légales en vigueur dans notre institution.
Par ailleurs, le SUDES/ESR -Section UCAD, fait remarquer que dans une optique d'optimisation des ressources humaines telle que prônée par les nouvelles autorités, M. Fall serait beaucoup plus utile à sa faculté d'origine qu'il connaît très bien et où l'attendent d'importantes tâches d'enseignement et d'encadrement dans un contexte de déficit de PER.
En tout état de cause, la désinvolture avec laquelle le recteur de l'UCAD agit en matière de recrutement et d'affectation du PER nuit gravement à l'intégrité de notre université et à la confiance de notre communauté dans les processus de gestion des ressources humaines.
En conséquence, le SUDES/ESR - Section UCAD exige :
Une enquête immédiate sur les circonstances entourant cette velléité d'affectation et sur les personnes impliquées dans cette manœuvre illégale.
Le respect strict des procédures d'affectation, conformément à la législation en vigueur.
Le maintien du concerné à son poste initial, à la faculté de sciences juridiques et politiques jusqu'à ce que toutes les procédures légales aient été correctement suivies.
Le SUDES/ESR -Section UCAD reste déterminé à défendre les règles de fonctionnement de notre université, les droits des collègues et à s'assurer que les principes de justice et d'équité y sont respectés.
Le SUDES/ESR -Section UCAD encourage ses militants ainsi que l'ensemble de la communauté universitaire à rester mobilisés et solidaires pour faire barrage à cette énième tentative de violation des textes de l'université par son recteur dont le mandat arrive très bientôt à échéance."
LES LIBÉRAUX SE RESTRUCTURENT EN MISANT SUR LA JEUNESSE
Karim Wade va-t-il diriger la liste du Pds pour les prochaines élections législatives? En tout cas, le parti de Me Abdoulaye Wade se prépare déjà.
Karim Wade va-t-il diriger la liste du Pds pour les prochaines élections législatives ? En tout cas, le parti de Me Abdoulaye Wade se prépare déjà. Ainsi, les Libéraux ont procédé à une restructuration de leurs instances en faisant la part belle à la jeunesse.
Le Pds va-t-il placer Karim Wade pour les élections législatives à venir ? La question mérite d’être posée après le point de presse que les Libéraux ont tenu ce dimanche. «A l’approche du cinquantenaire de notre parti, nous envisageons une célébration à la hauteur du patrimoine national que représente le Pds et de son leader visionnaire. Cet anniversaire sera l’occasion de revenir sur les grandes réalisations du Pds et de projeter notre vision pour l’avenir, notamment en préparation des élections législatives avec Karim Wade en tant que chef.»
En attendant d’y voir clair, le Pds a entamé une réorganisation de certaines de ses instances. Ainsi, le service de communication dudit parti fait peau neuve. Il est «désormais constitué de jeunes talents, représentants de l’éthique et de la loyauté, valeurs chères à notre parti. Ce nouveau groupe, dirigé par Bachir Diawara et Gallo Tall, inclut des figures émergentes de notre Assemblée nationale telles que le plus jeune député de la XIVème législature, Abo Mbacké Thiam, qui est un symbole de la confiance que nous plaçons dans la nouvelle génération». Ainsi donc, la page Nafissatou Diallo semble tournée. Moussa Fall et Oumar Cissé sont respectivement président et Secrétaire général de la Fédération nationale des anciens. Cheikh Sadibou Diaga et Moustapha Djamil deviennent président et Secrétaire général de la Fédération nationale des arabisants. «Cette dynamique de modernisation se reflète également dans la structuration de nos fédérations verticales. La mise en place des fédérations des anciens et des arabisants, précédée par celle des jeunes sous la houlette de Franck Diatta, démontre notre engagement envers une base militante structurée et diverse, préparée à soutenir efficacement nos initiatives politiques et communautaires», a précisé le Pds.
PETITS PAS DE MACKY POUR UN RETOUR
Il n’y a pas longtemps que la Coalition Benno bokk yaakaar a perdu le pouvoir que son leader prépare déjà ses militants et responsables à de nouvelles conquêtes.
Il n’y a pas longtemps que la Coalition Benno bokk yaakaar a perdu le pouvoir que son leader prépare déjà ses militants et responsables à de nouvelles conquêtes. De l’étranger où il se trouve, l’ancien Président Macky Sall a envoyé des délégations de responsables politiques de la coalition pour rencontrer les militants et maintenir leur mobilisation. Le passage de la coalition à Kaffrine a été particulièrement animé, avec le président qui s’est adressé à ses fidèles par téléphone.
Par Mohamed GUEYE – A peine parti du pouvoir, voilà que le Président Macky Sall semble se préparer à un retour. Le chef de l’Etat sortant a, en effet, envoyé des délégations aux militants des régions de Tamba et de Kaffrine, pour rencontrer et remobiliser les militants de son bord politique. Avant de retrouver les militants et responsables politiques de sa coalition Benno bokk yaakaar (Bby), l’une de ces délégations, conduite par le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, et dans laquelle on notait, entre autres, le président du Conseil économique, social et environnemental, Abdoulaye Daouda Diallo, s’était rendue au Daaka de Médina Gounass, où elle a présenté les vœux de l’ancien Président.
A l’étape de Kaffrine, où les militants et responsables départementaux étaient rassemblés sous la houlette de l’ancien ministre Abdoulaye Saydou Sow, maire et responsable politique de Benno, ils ont tous eu l’opportunité d’écouter le président de leur coalition s’adresser directement à eux. A travers le téléphone de Abdoulaye S. Sow, mis en mode haut-parleur, Macky Sall a notamment exhorté : «Pendant 12 ans, nous sommes allés aux élections et avons gagné. La toute dernière, néanmoins, ne nous a pas été favorable. Ce sont des choses qui arrivent. Cela ne doit pas pourtant nous décourager et remettre en cause notre détermination. Sans polémiques ni disputes, et toujours dans un esprit d’unité, nous allons étudier les causes de cette défaite.»
Pour justifier son optimisme pour le futur, le président de Benno a indiqué que personne ne peut nier ce qu’ils ont fait pour améliorer la situation du pays : «Que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la pêche, de l’élevage ou autres. Quel que soit le secteur, nos efforts sont visibles. Et cela doit être expliqué aux Sénégalais, leur indiquer que ce que le Président Macky Sall a eu à faire pour ce pays ne doit pas être négligé, mais tout au contraire, renforcé. Et cela ne dépend que de vous, de votre unité, de votre mobilisation. C’est cela le message que j’ai confié à cette délégation, pour vous.»
Tous les responsables départementaux de la Coalition Benno de la région de Kaffrine étaient présents à cette rencontre. Des responsables comme Abdoulaye Willane ou Aliou Sow étaient particulièrement remarqués.
Cette sortie du premier responsable de Benno, ajoutée à la lettre qu’il avait adressée aux militants de son parti et de sa coalition, à la veille de son départ du pouvoir, peut être analysée comme le signe d’une préparation à un éventuel retour aux affaires, si pas pour lui, tout au moins pour son camp. N’indiquait-il pas déjà, le 1er avril dernier, que «nous avons réussi ensemble à écrire de belles pages de l’histoire de notre pays. Nous continuerons ensemble à écrire de nouvelles pages, en toute responsabilité et dans la droite ligne de nos convictions démocratiques». Et pour réussir cette ambition, il a exhorté ses militants à «rester soudés, résolument tournés vers l’avenir…, de reprendre le travail à la base, parmi et aux côtés de nos vaillantes populations, car elles sont la source de la légitimité et le siège par excellence de la souveraineté».
LE MÉDECIN DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE OFFICIELLEMENT DÉSIGNÉ
Le médecin-Colonel Khalifa Ababacar Wade est désormais le médecin du président de la République, Bassirou Diomaye Faye.
Le médecin-Colonel Khalifa Ababacar Wade est désormais le médecin du président de la République, Bassirou Diomaye Faye. La blouse blanche qui était le chef de service Réanimation médicale et d'hémodialyse de l'Hôpital Principal de Dakar, a été nommé par décret le 24 avril dernier.
«A compter du 24 avril 2024, le médecin-Colonel-Khalifa Ababacar Wade, précédemment Chef de service Réanimation médicale et d'hémodialyse de l'Hôpital Principal de Dakar, est nómmé Médecir du président de la République, en rempla cement du médecin Général de brigade, Mouhamadou Mbengue. Le ministre, Secrétaire général de la Présidence de la Ré-publique, le ministre des Forces Armées et le ministre des Finances et du budget sont chargés de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel», lit-on dans le document officiel.
SICAP-LIBERTÉ, LE MAIRE ACCUSÉ DE FRAUDE ET DE DÉTOURNEMENT DE FONDS
La commune de Sicap-Liberté est sur le qui-vive depuis que son maire Souleymane Camara a décidé d’aller au Maroc avec plus de 70 membres du conseil municipal pour chercher des partenaires.
Ce voyage a coûté plus de 100 millions à la municipalité, selon le Conseil Citoyen de la Commune de Sicap-Liberté. En conférence de presse, ils ont dénoncé la manière nébuleuse dont l’édile donne les subventions aux ASC et lieux de cultes en déclarant une somme et versant un montant autre. Concernant le voyage au Maroc qui, selon le collectif, est la goutte de trop, les membres dudit collectif révèlent que Souleymane Camara a dépensé 104 millions de FCFA pour aller visiter des terrains de basket et trouver des bourses pour les jeunes étudiants de la commune au Maroc. Il s’agit de «ses cinq Adjoints ainsi que 67 conseillers municipaux et des invités du maire ».
Or, ajoute-t-il, ce partenariat pouvait bien être trouvé au Sénégal avec des instituts et des écoles sportifs qui peuvent travailler en étroite collaboration avec la commune.
Ainsi, estimant ce déplacement comme une manière d’extorquer de l’argent à la municipalité au moment où des parents d’élèves font la quête pour réfectionner des toilettes d’école, le conseil accuse le maire de fraude et de détournement de fonds. Car, explique-t-il, « il a supprimé les prises en charges médicales, les subventions des conseils de développement de quartier, de certaines ASC et des bourses d’étudiants destinées aux mêmes populations sous le prétexte qu’il ne disposait pas d’assez de ressources financières pour faire face à ces dépenses ».
Sur ces entrefaites, le collectif interpelle le ministre en charge des Collectivités territoriales, les organes de contrôle comme l’OFNAC, la Cour des comptes et l’IGE pour «tirer au clair cette situation inédite dans la commune de Sicap-Liberté ».
Par ailleurs, le maire qui est aussi du PASTEF, a été accusé d’avoir fraudé sur les listes lors des élections locales pour être la tête de liste. Toujours selon le collectif, une autre personne a été choisie et il a fait en sorte d’éliminer le nom de celui-ci pour y mettre le sien.
Par Madiambal DIAGNE
IL NE RESTE PLUS À DIOMAYE ET SONKO QUE DE NOMMER AMADOU BA PREMIER MINISTRE
Quand Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko voudront innover, changer les choses, opérer une rupture, ce sera à la fin du quinquennat. Ceux qui avaient voté pour la rupture ou pour le « dégagisme » apprécieront
C’est désormais assumé publiquement, vis-à-vis de l’opinion publique sénégalaise et auprès des partenaires techniques et financiers ! La gouvernance du tandem Diomaye-Sonko va s’adosser en quelque sorte sur le Plan Sénégal émergent (Pse). Ils ont fini par avouer, devant leurs électeurs, n’avoir pas eu de programme de gouvernement, contrairement à leurs promesses électorales les plus mirobolantes. Quand on s’amuse à relire les déclarations chocs de Ousmane Sonko pour pourfendre le Pse du temps où Macky Sall et ses équipes en vantaient les mérites, on retrouve des phrases du genre : «Le Pse est un leurre», «le Pse est tout sauf un plan d’émergence», «le Pse est une supercherie», «le Pse est le Plan Sénégal endettement», entre autres ; tout cela sous les vivats des foules excitées de militants. Les leaders de Pastef promettaient de remplacer le Pse par leur «Projet», le sésame qui ouvrirait grand les portes du développement économique et social. Ce miracle était si précieux qu’il fallait le cacher aux yeux curieux, pour mieux le préserver, le protéger du mauvais œil et ne le sortir de son écrin qu’au soir de la victoire électorale. On a vu dans la twittosphère et sur Facebook, et même sur des plateaux de télévision, des radios et des colonnes de journaux, de grands intellectuels plébisciter et défendre bec et ongles le «Projet», avec force arguments, que nous finissions par les considérer comme des auteurs de ce «Projet». L’existence du «Projet» était une évidence pour tout le monde, il peuplait notre quotidien. Pourtant, personne ne l’avait encore vu. Quand nous avions la curiosité de demander à voir ce «Projet», certains contempteurs nous rabrouaient. De grands intellectuels, au même titre que des citoyens moins qualifiés, croyaient à cette Arlésienne. La politique au Sénégal est le lieu où on peut poser ses fantasmes pour des certitudes. Les journalistes, qui relayaient les grandes idées du «Projet» virtuel, se sont aussi fait hara-kiri. J’invite à relire certains posts, et leurs auteurs doivent être dans leurs petits souliers quand le gouvernement leur annonce, sans sourciller, dans le communiqué du Conseil des ministres du 24 avril 2024, que la rédaction du «Projet», comme le nouveau référentiel de la politique économique et sociale du Sénégal, va démarrer et que la finalisation est attendue pour le dernier trimestre de l’année 2024. L’élaboration du «Projet» est confiée aux experts qu’un ministre de l’Economie, des finances et du plan qui s’appelait Amadou Ba, sous l’impulsion de Macky Sall, avait commis pour confectionner le Pse. Les mêmes personnes ont été appelées par un Premier ministre nommé Amadou Ba, pour l’élaboration du Programme d’actions prioritaires (Pap3 du même Pse). Que feront-ils alors de bien nouveau ?
Diomaye et Sonko font du Macky, sans Macky et les siens !
Le supplice des «avocats du Projet» est encore plus dur quand ils apprennent que le gouvernement décide de poursuivre les actions du Pse et accepte le programme signé par le gouvernement de Macky Sall avec le Fonds monétaire international (Fmi), couvrant la période 2023-2026, et que les conditions seront respectées (voir communiqué du Fmi du 3 mai 2024). En d’autres termes, quand Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko voudront innover, changer les choses, opérer une rupture, ce sera à la fin du quinquennat. Ceux qui avaient voté pour la rupture ou pour le «dégagisme» apprécieront ! On ose espérer que le nouveau ministre de l’Economie, du plan et de coopération, Abdourahmane Sarr, n’a pas été recruté sur la base de ses contributions caustiques et acerbes contre le Pse, et pour ses fumeuses théories sur la mise en place d’une nouvelle monnaie.
Finalement, on retiendra que le Pse est un bon programme (Conseil des ministres du 17 avril 2024). Finalement, on retiendra que la politique des bourses familiales et d’un Registre national unique (Rnu) des ménages pauvres et en situation de vulnérabilité (Conseil des ministres du 24 avril 2024) est une excellente trouvaille.
Finalement, le gouvernement plébiscite le Projet du Bus rapide transit (Brt) (Conseil des ministres du 2 mai 2024) et les infrastructures routières. Finalement, il considère que le Pont de Rosso, reliant le Sénégal à la Mauritanie, est un investissement structurant (visite du Président Faye en Mauritanie le 19 avril 2024). Finalement, on admet que les investissements dans les domaines de l’hydraulique, de la santé, de l’éducation, du transport, de Dakar Dem Dikk et dans les transports aériens, ou encore le Programme 100 000 logements, entre autres, sont adéquats et pertinents. Finalement, le gouvernement, à l’issue du Conseil interministériel sur la campagne agricole du 3 mai 2024, va poursuivre la même politique dans le secteur. L’Armée va procéder à la distribution des semences et des engrais. On espère que les militaires seront plus vertueux que les autres Sénégalais. Le ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la sécurité alimentaire, Mabouba Diagne, prend à son compte et se vante de distribuer des tracteurs et autres matériels agricoles acquis par le régime déchu. Allez chercher où sera la rupture ? Les hommes et les femmes, qui avaient en charge de conduire la mise en œuvre du Pse, vont, eux, changer et céder leurs places à d’autres têtes d’œuf. Ces dernières qui n’ont pas réfléchi ou pensé la politique, ou écrit le Pse qu’ils vont devoir appliquer ! Ceux qui avaient fait ce travail et engrangé quelques succès sont des nigauds, des corrompus, des nullards et des voleurs. Ce sont les ressources humaines qu’il faudra changer, «dégager», pour reprendre leur rhétorique violente ou musclée. Seulement, comme pour leur faire un pied de nez, le Fmi, à l’issue de sa Mission de la semaine dernière, prodigue des satisfécits pour l’équipe sortante. Dans le communiqué rendu public, on lit que le gouvernement du Sénégal (est-il besoin de rappeler qu’il était dirigé par le candidat malheureux Amadou Ba qui se voulait en quelque sorte le candidat d’une certaine continuité) «s’est montré résilient» en 2023. Puisqu’il faudrait dire toutes les vérités, le Fmi ajoute que l’installation de la nouvelle équipe gouvernementale a été facilitée par la mise en place fort opportune «des réserves de liquidités de plus de 320 milliards de francs». On apprend alors que les caisses n’étaient pas aussi vides que le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba, avait voulu le faire croire. Le paradoxe est alors que Bassirou Diomaye Faye, élu sur la promesse de la rupture contre la continuité préconisée pourtant par le candidat Amadou Ba, va finalement être le Président de la continuité que les électeurs ont refusée. Ils se sont convertis au Pse au point qu’on a pu lire un commentaire, tournant en dérision la situation, pour rebaptiser le Pse : «Plan Sonko émergent.»
«Puisque vous renierez plus tard, pourquoi ne pas renier tout de suite ?»
Ils sont arrivés au pouvoir sans y avoir été préparés.C’est en quelque sorte les mains dans les poches qu’ils ont pris les rênes du Sénégal. Que faudra-t-il faire ? Poursuivre ce qui était en train de se faire et alors renier tous leurs engagements et promesses. La grande promesse de réduire le coût de la vie sera renvoyée aux calendes du Kayor. Le Président Bassirou Diomaye Faye semble avoir trouvé une excuse aux difficultés de baisser le coût de la vie. Au Daaka de Médina Gounass, un événement religieux musulman, il a indiqué que les soubresauts et tensions sur la scène internationale constituent des handicaps pour un pays comme le Sénégal, car cela renchéritles coûts des importations. En outre, le Fmi a exigé et obtenu du gouvernement de rester dans la logique de diminution, pourne pas dire de suppressiondes subventions sur les denrées de base ou sur l’énergie. L’institution financière internationale relève notamment «des dépenses élevées de subventions à l’énergie (620 milliards de francs Cfa, soit 3,3% du Pib)». La seule concession laissée à Ousmane Sonko et à son équipe est de jouer peut-être sur les tranches de facturation de l’électricité. En termes moins ésotériques, le gouvernement pourra travailler sur les grilles tarifaires de la Senelec pour faire baisser le prix du kilowatt heure pour les tranches concernant les couches sociales les plus défavorisées (environ 1 150 000 ménages qui paient des factures mensuelles de moins de 15 000 francs), mais que cette baisse sera répercutée sur les factures des consommateurs relativement plus aisés.
Le Fmi reviendra au mois de juin pour évaluer le respect des engagements souscrits par le Sénégal, avant de pouvoir procéder à un décaissement, courant juillet 2024, de la deuxième tranche des prêts d’un total de 1150 milliards de francs. Là également, les autorités gouvernementales vont devoir renier leurs promesses de renoncer à l’endettement. Opposants, ils avaient pourfendu le sinistre Fmi, accablé de tous les torts et de tous les maux du Sénégal. «Les nouvelles autorités ont réaffirmé leur engagement à poursuivre le programme actuel soutenu par le Fmi. Elles reconnaissent que les principaux piliers du programme s’alignent sur leurs propres objectifs stratégiques.» Dire qu’elles avaient aussi fustigé la politique d’endettement pour financer les projets ! Diomaye et Sonko, une fois au pouvoir, se retrouvent à chercher et obtenir la caution du Fmi pour aller sur les marchés internationaux afin de lever de gros financements pour profiler la dette déjà existante, par des efforts de «réduction de sa vulnérabilité», afin de rester dans la situation d’un «pays à endettement à risque modéré». Le principe est assez connu, ils vont augmenter l’encours en faisant baisser le service de la dette. Résultat des courses ? Ils vont alors continuer à endetter le pays de plus belle. On leur disait que l’économie du Sénégal n’a pas la capacité de générer des recettes intérieures de 15 mille milliards de francs Cfa, comme le proclamait le leader de Pastef dans ses envolées populistes.
La bonne touche des réformes à apporter au Pse
Le gouvernement pourra, dans une logique d’une amélioration continue, jusqu’à l’horizon temporel de 2035 du Pse, introduire plus de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des projets. Ce que le Président Bassirou Diomaye Faye pourra apporter dans l’exécution du Pse, sera sans doute de mener le train de réformes prévues dans la gouvernance publique. Au Groupe consultatif de décembre 2018 à Paris, le Président Macky Sall s’était engagé à mener des réformes attendues par les partenaires, mais qu’il mettra sous le boisseau, au lendemain de la Présidentielle de 2019. Les réformes dans les secteurs de la Justice, de l’Administration centrale, comme la digitalisation des procédures, du secteur de l’énergie, de l’agriculture ou de la fiscalité. Le Code général des Impôts, déjà vieux de dix ans, a besoin d’être revu. Les réformes du secteur de l’énergie étaient aussi prévues dans le Millenium challenge account (Mca) alors que la transparence et la rationalisation des dépenses dans le secteur de l’agriculture avaient été dans les accords avec la Banque mondiale, du temps où Mme Louise Cord était représentante de l’institution au Sénégal.
SIDY ALPHA NDIAYE COMMENTE LES CHANTIERS DU NOUVEAU RÉGIME
Réforme du code pénal avec limitation des pouvoirs du procureur, juge des libertés, réforme garde à vue, cour constitutionnelle, CENI…les débats sur les grandes réformes institutionnelles annoncées seront bientôt lancés
Le professeur agrégé en Droit public, Sidy Alpha Ndiaye, a annoncé hier, dimanche 5 mai, le lancement dans les prochains jours des débats sur les grandes réformes institutionnelles annoncées par le nouveau régime du président Bassirou Diakhar Faye. Invité du jour de l’émission Objection de la radio Sudfm, le Pr Sidy Alpha Ndiaye a indiqué que ces discussions porteront sur plusieurs questions dont la réforme du Code pénal avec limitation des pouvoirs du procureur, la création d’un juge des libertés et de la détention, la réforme de la garde à vue, la création d’une Cour constitutionnelle et le remplacement de l’actuelle Cena par une Ceni mais aussi l’ouverture du Conseil supérieur de la magistrature.
Les grandes réformes institutionnelles annoncées par le nouveau régime du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye seront bientôt enclenchées. L’annonce est du professeur Sidy Alpha Ndiaye. Invité du jour de l’émission Objection de la radio Sudfm hier, dimanche 5 mai, l’enseignant agrégé en Droit public à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a indiqué que le lancement des débats sur ces grandes réformes institutionnelles se fera bientôt. Concernant les sujets qui seront débattus lors de ces échanges, le professeur Sidy Alpha Ndiaye a évoqué entre autres la réforme en profondeur de l’actuel Code pénal datant de 1810 avec, selon lui, la possible réduction des pouvoirs du Procureur et la création du juge des libertés et de la détention, en plus de la réforme de la garde à vue. « Dans les semaines à venir, toutes ces questions qui devaient faire l’objet de débats pendant la période de campagne électorale et qui n’ont pas pu être agitées pour des raisons politiciennes à travers l’instrumentalisation de l’agenda de la précampagne par le régime sortant, seront débattues dans leur entièreté et dans leur globalité », a-t-il assuré.
Toujours au sujet des questions versées dans le panier de ces concertations sur les réformes institutionnelles, le Pr Sidy Alpha Ndiaye a également évoqué la controversée question de «l'hyper-présidentialisme» par la réduction des pouvoirs du président de la République et le renforcement de ceux du Premier ministre. Loin de s’en tenir-là, l’Enseignant agrégé en Droit public a également fait état de la nécessité d’échanger sur la rupture dans l’organisation des élections par la création d’une Commission électorale nationale indépendante (Ceni) déconnectée du ministère de l’Intérieur avec une composition plurielle éclectique mais aussi ouverte à d’autres profils que les techniciens du droit. Laquelle Ceni va être dotée des compétences de la Direction générale des élections (Dge) et de celles de la Com mission électorale nationale autonome (Cena). L’ouverture du Conseil supérieur de la magistrature à des membres autres que des magistrats et le retrait du président de la République et du ministre de la Justice de cet organe sont également évoqués par le Pr Ndiaye comme sujets qui pourraient être inscrits au menu de ces débats. Il en est de même de la réforme de l’actuel Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle composée de manière plurielle avec possibilité de permettre à l’opposition parlementaire de proposer un membre mais le renforcement de ses pouvoirs, avec notamment le pouvoir d’auto-saisine.
Publication des rapports des corps de contrôle : « C’est un exemple de ré-enchantement de la démocratie »
S’exprimant sur la publication des rapports de la Cour des comptes et de l’Ofnac, le Pr Sidy Alpha Ndiaye tout en se félicitant de cette démarche souligne qu’elle est un exemple de ré-enchantement de la démocratie. « La publication de ces rapports est un exemple de réenchantement de la démocratie. Pour l’Ofnac, le procureur jugera de l’opportunité des poursuites même si, à lire ces rapports, la question ne se pose même pas. Pour ce qui est de l’Ige que le président de la République veut détacher de la Présidence de manière organique, qui est également un élément de transparence, le Président fera ce qui faudra. Pour la Cour des comptes, il s’agira par l’intermédiaire du ministère de la Justice de faire respecter le principe de la reddition des comptes », a-t-il indiqué avant d’ajouter. « Il faut se féliciter de la publication de ces rapports qui sont le symbole d’une mal gouvernance, d’un Etat qui n’était pas véritablement un Etat de droit, je veux dire un Etat qui est soumis au droit. Car, le pouvoir s’accompagne de la responsabilité. A défaut, on est dans l’arbitraire. Il faut aussi se féliciter qu’une action judiciaire puisse être diligentée car c’est bien là l’attente des masses populaires qui ont majoritairement voté le 24 mars dernier».
Mesures conservatoires du chef de l’État contre le bradage foncier et du littoral : « La question de la terre n’est pas simplement une question de technique juridique...»
Par ailleurs, interpellé sur les mesures conservatoires de suspendre toutes les opérations domaniales prises par le chef de l’Etat, l’Enseignant chercheur agrégé en Droit public répondant à ceux qui évoquent des dispositions du droit pour décrier cette mesure prise par le président Faye déclarera : « La question de la terre n’est pas simplement une question de technique juridique mais c’est aussi une question d’éthique et de justice sociale, de répartition des ressources, une question culturelle ontologique d’accès à la terre ». Ainsi poursuivant sa réflexion, le Pr Sidy Alpha Ndiaye tout en se demandant « est-ce que les populations locales ont accès à la terre ? », précise que le foncier en Afrique renvoie à des considérations culturelles, identitaires, anthropologiques ».
« J’entends dans le débat certains spécialistes agiter l’idée que ces terrains auraient été attribuées en respectant une certaine technique juridique. Mais, est-il normal que des hommes politiques dépositaires des charges puissent se doter de 600 hectares sur la terre du domaine national ? La réponse est certainement non. », a-t-il martelé avant d’ajouter. « Est-il normal qu’un président ne se saisisse pas de cette question de la spoliation foncière non pas pour démolir, arrêter définitivement mais pour suspendre afin de voir si les conditions ont été respectées, si les règles relatives au déclassement ont été respectées, afin de voir s’il y a l’équité et la justice dans cette affaire de répartition des terres ».
OUSMANE SONKO ANNONCE LA VISITE DE MÉLENCHON, UNE TOURNÉE AFRICAINE ET UN CONGRÈS
« notre véritable lutte vient de démarrer: celle de la libération du peuple sénégalais par la réussite de notre combat pour la souveraineté, la bonne gouvernance et la juste et équitable redistribution de nos richesses », dit-il.
Le Premier ministre Ousmane Sonko et par ailleurs président de parti PASTEF, a annoncé, dimanche la reprise des activités politiques de son parti, la visite du président des Insoumis Jean Luc Mélenchon et une tournée africaine.
« Nous rendons grâce au Seigneur et remercions ardemment le peuple sénégalais pour l’aboutissement, provisoire, de notre lutte, avec l’élection du frère Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la magistrature suprême de notre République », a-t-il déclaré.
Ousmane Sonko d’ajouter: « notre véritable lutte vient de démarrer: celle de la libération du peuple sénégalais par la réussite de notre combat pour la souveraineté, la bonne gouvernance et la juste et équitable redistribution de nos richesses ».
Il précise par ailleurs que PASTEF sera le fer de lance de ce nouvel épisode de notre aventure commune.
«Tout ce que je peux vous promettre, c’est que NOUS RÉUSSIRONS, inchallah ».
Aux militants, l’ex-maire de Ziguinchor annonce la reprise etla relance des activités politiques par la réorganisation, la restructuration et la revitalisation du parti, avec, en ligne de mire, l’organisation de son premier Congrès dans quelques mois.
Une tournée en Guinée Conakry, Mali, Burkina Faso et au Niger.
Sur un autre registre, il informe que le parti assumera son option panafricaniste et souverainiste, par le renforcement de ses partenariats politiques aux niveaux Africain et sous régional.
« À cet effet, nous projetons une tournée, sur invitation de nos partenaires, qui devrait démarrer par les étapes de la Guinée Conakry, du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Nous renforcerons également nos partenariats politiques avec le reste du monde par le réchauffement de relations existantes et l’exploration des nombreuses nouvelles sollicitations provenant de tous les continents. Sous ce chapitre, nous accueillerons à Dakar, du 14 au 18 mai 2024, une délégation des INSOUMIS français, composée d’élus et conduite par monsieur Jean Luc Mélenchon », a-t-il déclaré.