La prévention des pandémies passe aussi par des infrastructures et équipements de qualité. Hier, lors des discussions dans le cadre des Journées scientifiques Sida, Pr Amadou Mactar Dièye a plaidé pour l’installation de laboratoires d’excellence dans toutes les régions du pays.
Les acteurs de la santé reconnaissent que la pandémie du Covid-19 a poussé les autorités à agir sur le système de santé. Mais, il reste encore des efforts à faire. En tout cas, c’est l’avis du directeur des Laboratoires. Lors de l’ouverture des Journées scientifiques sur le Sida, qui prennent fin ce jeudi, Pr Amadou Mactar Dièye a plaidé pour l’installation de laboratoires d’excellence dans toutes les capitales régionales du pays.
Selon Pr Dièye, en dehors des ressources humaines, nous devons avoir des infrastructures et équipements, mais surtout des laboratoires. Et d’expliquer : «Quand j’ai été nommé directeur des La-boratoires, j’ai pensé à ce que les résultats des laboratoires, d’où qu’ils viennent, ne soient pas contestables, qu’ils soient fiables. Si un laboratoire donne des résultats mauvais, c’est la catastrophe. La médecine se base sur les résultats du laboratoire pour pouvoir traiter les patients. Le laboratoire est important. Sans le laboratoire, le médecin est aveugle. Le diagnostic permet de suivre l’efficacité du traitement, la charge virale et même de certifier la guérison.» Il a dans la même veine insisté sur le fait que «nous devons penser à un système de laboratoire efficace», car «sans laboratoire, pas de diagnostic, et sans diagnostic, il n’y a pas de traitement».
Et le Pr Dièye de lancer un appel : «Il faut mettre partout des laboratoires capables de faire des analyses dont les populations ont besoin.» Lors de son intervention, le directeur des Laboratoires a rappelé qu’au début de la pandémie du Covid-19, «l’essentiel des tests se faisaient à Dakar». D’après lui, «c’est après 3 mois qu’il y a eu une décentralisation dans ce sens». Et de plaider : «Nous souhaitons qu’on travaille dans cette direction en élaborant un programme spécial de développement des laboratoires. Nous souhaitons avoir dans chaque capitale régionale, un laboratoire d’excellence. Ainsi, personne ne quittera une région pour aller vers une autre, qu’il s’agisse d’épidémie ou de prise en charge de routine.»
En outre, pour une meilleure lutte contre les pandémies, Pr Amadou Mactar Dièye pense qu’il faut aussi disposer de fonds d’intervention rapide facilement mobilisables.
Par ailleurs, la Secrétaire exécutive du Cnls a fait remarquer que la pandémie du Covid-19 a poussé les autorités à agir sur le système sanitaire. De l’avis de Dr Safiétou Thiam, maintenant «il faut identifier et renforcer le système sanitaire» car, prévient-elle, «nous n’en avons pas encore fini avec les pandémies». C’est dans ce sens, poursuit-elle, que les experts ont décidé de travailler ensemble pour identifier les besoins en mettant en place un comité qui a servi de cadre de réflexion. La question aujourd’hui est de savoir «comment être prêt pour ne pas être surpris par d’autres pandémies».
D’après professeur Amadou Mactar Dièye, «tous les pays doivent disposer d’un système de santé solide qu’il y ait ou pas de pandémie». Le Directeur général des laboratoires du Sénégal pense qu’il faut déjà se préparer. «Il est vrai que nous disposons au Sénégal, d’un système de santé de qualité pour une bonne prise en charge de la santé des populations. Mais, nous avons besoin aussi de ressources humaines de qualité dans le domaine de la surveillance, de la détection et de la prise en charge», a-t-il insisté.
LA GUERISON D'UNE VICTIME DE VIOLENCE PASSE AUSSI PAR LA JUSTICE
Prix Nobel de la paix 2018, le gynécologue congolais Denis Mukwege a pris part au 66ème Congrès de l’Union internationale des avocats qui a pris fin hier à Dakar. Dans cet entretien, Dr Mukwege se veut avocat des populations africaines. ENTRETIEN
Prix Nobel de la paix 2018, le gynécologue congolais Denis Mukwege a pris part au 66ème Congrès de l’Union internationale des avocats qui a pris fin hier à Dakar. Dans cet entretien réalisé en marge de cette rencontre, Dr Mukwege, qui prend en charge des femmes victimes de violences sexuelles depuis plus de 20 ans, se veut l’avocat des populations africaines. Le spécialiste rappelle que « la guérison d’une victime de violences sexuelles est un processus qui passe aussi par la justice ».
Qu’est-ce qui explique votre présence au 66ème Congrès de l’Union internationale des avocats ?
Depuis plus de 20 ans maintenant, je travaille à l’hôpital de Panzi (République démocratique du Congo) où je prends en soin des femmes victimes de violences sexuelles. Dans la prise en charge de ces dernières, nous avons mis en place une stratégie de prise en charge holistique. Cela veut dire que nous les soignons sur le plan physique, aussi mental grâce aux psychologues. Mais, pour leur permettre de retourner dans leurs villages en toute sécurité, nous avons un programme d’autonomisation des femmes. C’est un programme de réinsertion socioéconomique. À la fin, nous nous sommes rendu compte que lorsque ces femmes se portaient bien physiquement, mentalement et économiquement, elles étaient capables de subvenir à leurs besoins de base. Et tout ce qu’elles réclamaient, c’est la dignité. Cette dignité, elles ne la voyaient qu’à travers une action en justice. Nous avons mis en place une clinique juridique à côté de l’hôpital de Panzi où il y a des avocats qui soutiennent ces femmes pour les aider à faire des plaintes devant les Cours et Tribunaux. Depuis lors, il s’est avéré qu’une guérison d’une victime de violences sexuelles est un processus qui passe aussi par la justice, car elle n’est pas là seulement pour réprimer. Elle aide également à reconnaitre le statut des victimes qui sont souvent rejetées par leurs familles, la communauté. Elles veulent qu’elles soient reconnues comme victimes. C’est grâce à la justice qu’elles peuvent avoir réparation. C’est dans ce cadre que nous travaillons avec les avocats sur la prise en charge des victimes de violences sexuelles.
Lors de la cérémonie d’ouverture du Congrès, en présence du Président Macky Sall, vous avez fait un plaidoyer pour que les populations africaines puissent bénéficier de l’exploitation des ressources naturelles. Est-ce à dire qu’elles n’en tirent pas profit ?
Ces ressources naturelles appartiennent d’abord aux Africains, aux populations. Je pense qu’il n’est pas normal que nous continuions à être exploités, à suivre une nouvelle forme d’esclavage, où nos richesses sont exploitées et enrichissent les autres, et que nous restions dans la pauvreté. Les études montrent que là où il y a du minerai, des exploitations minières, c’est là où il y a l’analphabétisme, la malnutrition et le taux de pauvreté le plus élevé. Cela veut dire que ce sont les exploitations minières qui tirent parfois les Pib des pays vers le haut, mais qu’est-ce qu’on laisse aux populations locales ? Rien. Il faut que cela change pour qu’il y ait un partenariat gagnant-gagnant dans les exploitations minières. Il faut que l’Afrique gagne au même titre que ceux qui viennent exploiter nos ressources naturelles. Ce n’est pas normal que vous ayez des richesses et que la pauvreté puisse être liée à ces richesses. C’est à cause des mauvais contrats qui sont signés, qui donnent la part du lion aux multinationales, des contrats léonins, que nous sommes dans cette situation. Il faut qu’il y ait une transparence dans les contrats pour permettre à la population locale où se trouve le minerai de pouvoir bénéficier de cette exploitation.
De plus en plus, on parle de transparence avec l’adhésion de certains pays à l’Itie. Est-ce qu’un vent de transparence n’est pas en train de souffler ?
Il faut que les pays adhèrent et qu’ils décident d’être transparents. Je ne vais pas citer de pays, mais si vous regardez la liste, beaucoup ont été déjà bannis de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) puisqu’ils n’ont pas été transparents. Ils veulent participer, mais l’on se rend compte que plusieurs contrats signés par ces États ne sont pas aux normes et ils ne sont pas publiés. Si les pays continuent à jouer à ce jeu, cela veut dire qu’ils vont continuer à exploiter ces richesses pour l’intérêt des signataires de contrats, mais pas pour ceux du Trésor public et de la population.
Votre pays, la Rdc, regorge d’importantes ressources minières. Y a-t-il une corrélation entre l’exploitation de ces ressources naturelles et les viols et violences sexuelles ?
Nous avions mené des études qui nous ont montré que là où se trouvaient des minerais, dont l’or, c’est là où les groupes armés se concentrent et pourchassent la population afin d’exploiter les richesses. À partir de ce moment, ils commettent beaucoup de viols. Cette étude montre que dans cette région, les violences sexuelles sont intimement liées aux zones minières. Aujourd’hui, les femmes victimes de viol et qui se présentent dans les institutions sont les plus courageuses. Mais, combien ont été violées et qui ne veulent pas se présenter ? Tout comme les enfants qui subissent des viols ! Aussi, combien de femmes vont dire qu’elles sont enceintes à la suite d’un viol ?
PAR Farid Bathily
CERTAINES PERSONNES ATTIRENT DAVANTAGE LES MOUSTIQUES QUE D'AUTRES
Une nouvelle étude de l’université américaine Rockefeller révèle que plus une personne exhale une certaine odeur, plus elle représente une cible pour les moustiques
Les êtres humains ont tous une odeur qui émane de leur corps. Mais certaines odeurs en font des cibles privilégiées pour les moustiques. C’est ce qu’indique une récente étude de l’université new-yorkaise Rockefeller aux États-Unis.
Les données publiées ce 18 octobre 2022 dans la revue scientifique Cell révèlent, en effet, le rôle décisif des acides gras corporels dans l’attrait que représente ou non une personne pour cette famille d’insectes responsables de près d’un million de morts chaque année, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
« Des aimants à moustiques »
Les moustiques concernés ici ne sont autres que l’Aedes aegypti connu, entre autres, comme vecteur de la dengue, du chikungunya ou encore de la fièvre jaune. Ils ont en effet montré des prédispositions à voler en direction d’odeurs à forte concentration d’acides gras secrétés par les micro-organismes vivant sur la peau humaine.
Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont regroupé pendant trois ans, 64 personnes dont les avant-bras étaient recouverts de bas de nylon à raison de six heures par jour afin de capter au maximum leur odeur corporelle. Les bas ont ensuite été testés via un procédé d’olfactométrie spéciale concocté par les chercheurs.
"Il existe une très forte corrélation entre la quantité d’acides gras sur la peau et le fait d’être un aimant à moustiques", témoigne Leslie Vosshall, responsable du laboratoire neurogénétique et comportement de l’université de Rockefeller et une des auteures de l’étude. « C’est évident dès le début du test », rajoute sa collègue Maria Elena De Obaldia.
Des cibles pour toujours ?
L’étude révèle également qu'une personne demeure une cible pour les moustiques une fois que les insectes ont jeté leur dévolu sur lui à travers son odeur. Et il n’existe à ce jour aucun moyen de leur échapper. Et cela d’autant plus que les acides corporels en question ne sauraient être détruits sans risque d’altération de la peau de laquelle elles émanent. Même la destruction d’un des récepteurs d’odeur connus chez les moustiques n’y change rien, ainsi que l’ont remarqué les chercheurs à leur grand désarroi. « C’est frustrant », avoue Vosshall dont une étude antérieure, publiée en août 2022 toujours dans les colonnes de Cell, avait déjà montré le sens olfactif aigu des moustiques.
Comment échapper alors à ces derniers ? Les scientifiques émettent un certain nombre d’hypothèses à explorer pour l’avenir. Une d’entre elles consiste notamment à inhiber l’odeur corporelle d’un sujet X identifié comme plus poussé à attirer les moustiques avec celle d’un sujet Y moins prédisposé à cela.
Les auteurs pensent par ailleurs qu’il serait judicieux d’appliquer cette étude à d’autres espèces de moustiques, dont l’anophèle, vecteur du paludisme. Selon l’OMS, cette maladie a causé la mort de 627.000 personnes dans le monde en 2020, dont 96% en Afrique.
LES MEDECINS INTERNES DECRETENT 72 HEURES DE GREVE
L’Association des Internes et Anciens Internes des Hôpitaux du Sénégal (Aiaihs) va partir en grève à partir d’aujourd’hui.
Encore des perturbations dans le secteur de la santé. L’Association des Internes et Anciens Internes des Hôpitaux du Sénégal (Aiaihs) a décrété 72 heures de grève pour protester contre le nonrespect des accords signés les autorités.
L’Association des Internes et Anciens Internes des Hôpitaux du Sénégal (Aiaihs) va partir en grève à partir d’aujourd’hui. «Constatant le non respect des engagements pris par l’autorité de tutelle et l’absence de considération des difficultés auxquelles font face les internes, dont ceux de l’Hôpital Aristide Le Dantec en particulier, l’Aiaihs décrète, conformément aux articles L2511-1, L2512-1 et suivants : un mot d’ordre de grève de 72h renouvelable à partir du lundi 31 octobre à 08h accompagné d’un arrêt total des gardes pour la même durée dans toutes les structures sanitaires du pays », renseigne un communiqué parvenu à «L’As». Cette décision a été prise à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire ce 29 octobre 2022 dont l'objectif était d’évaluer la satisfaction des revendications, suite à un préavis de grève déposé le 13 Septembre 2022.
D’après le communiqué, l’Aiaihs a constaté « une violation des décrets » qui doivent permettre de résoudre la situation précaire des internes de l’Hôpital Aristide le Dantec», «une capacité d’hébergement limitée et des locaux vieillissants et dangereux au Chu de Fann» ; « des conditions pénibles durant les gardes au S.A.U et au laboratoire de garde du Chu de Fann, une situation incompatible avec des prestations de soin de qualité »; «une rémunération des gardes en dessous du taux prévu par le code du travail pour le service de nuit» ; «une inexistence d’un statut de l’interne des hôpitaux» et « des difficultés d’insertion professionnelle des anciens internes. Par la suite, des discussions ont été menées avec l’autorité de tutelle afin de résoudre ces problèmes dans des délais raisonnables »
« Notre combat est motivé par notre volonté de participer à une prise en charge adéquate des patients dans des conditions de travail optimales dans nos hôpitaux. Il est donc crucial de veiller au respect : (i) de l’obligation de moyen des médecins ; (ii) des dispositions légales et réglementaires énoncées par le décret n° 62- 193 du 17 mai 1962 relatif à l’internat en pharmacie des hôpitaux de Dakar ;(iii) des dispositions légales et réglementaires du décret n° 72- 642 du 29 mai 1972 relatif à l’internat en médecine des hôpitaux de Dakar, ainsi que de celles du décret n° 72-259 du 9 mars 1972 relatif à l’internat en psychiatrie des hôpitaux de Dakar», informent les membres de l’Aiaihs dans leur communiqué.
par Annie Jouga
UN AN APRÈS L’IRRUPTION DU COVID
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Durant 66 jours j’ai « décortiqué » l’actualité sous tous les angles, en y puisant l’inspiration mais toujours avec au cœur, ce virus que je n’ai jamais pu nommer autrement que par C.
J 1 – mardi 24 mars 2020 « Ce matin après avoir gentiment demandé à papi Viou d'aller faire un tour... ailleurs, je me suis mise à faire un peu de ménage. Odile, la gouvernante, ne vient plus qu'un jour sur deux.
Et après avoir fait mon lit, je me suis lancée dans le ménage de notre Salle De Bains (SDB). Me voilà à 4 pattes, question de protéger mon gentil et fragile dos, autour de la cuvette des WC.
… Tiens papi Viou est arrivé tel un pêcheur lébou, les bras chargés. Mais où donc vais-je mettre toute cette pêche ? Je n'ai pas eu l'idée de dire tout haut et surtout que j’ai plus beaucoup de sacs congélation… ? Alors système D ! D'abord j’ai fait comme ma poissonnière. J’ai donc coupé la queue dépassant et pour fermer hermétiquement. J’ai pris le gros rouleau de scotch, celui qui sert à faire les Tupperware remplis de "tiep'u wekh à la Modou", prêt à voyager…
… En allant me laver à la SDB j'ai fortement éternué et plusieurs fois et Viou était au téléphone, son interlocuteur s'est inquiété de qui éternuait comme çà, avec tout ce que cela veut dire par les temps qui courent.
… Bon Viou n'a toujours pas vu de changement dans la SDB et j’attends avec impatience ce petit moment si agréable de me servir un petit verre de punch à la vanille que j'ai fait il y a des années sans jamais y toucher... Il est délicieux mais trop doux à mon goût, j'y ai rajouté un excellent rhum de Cuba…
À la santé de corona aytcha !
Et voilà que pendant 66 jours, je me suis astreinte à un exercice d’écriture au quotidien, fort passionnant mais totalement inconnu. Durant 66 jours je m’y suis accrochée, je me suis concentrée sur les rythmes socialisants de mon environnement, des fois ignorés, ou même méconnus ; gestes qu’en temps normal on ne prend pas le temps de faire, regardant avec un intérêt nouveau depuis les différents points de vue, dedans et au-delà de l’appartement et par nécessité regardant aussi au plus profond de moi !
Je me suis forcée à dire, décrire les choses que je voyais, que j’entendais, que je ressentais dans cette période bien particulière, qui transformait apparemment mon attention décuplée.
J’ai eu des fois des doutes, des pannes de la feuille blanche en pensant avec respect à ceux dont c’est le métier au quotidien.
J’ai été fidèle dans mes récits et un jour ma fifille, Aicha de Bamako, qui recevait mes chroniques m’a demandé si je n’inventais pas un peu ou même beaucoup ! Là, elle m’a donné une idée et au beau milieu de ces chroniques véridiques je me suis improvisée « romancière ».
Durant 66 jours j’ai « décortiqué » l’actualité sous tous les angles, en y puisant l’inspiration mais toujours avec au cœur, ce virus que je n’ai jamais pu nommer autrement que par C.
Et au bout de 66 jours, je me suis dé-confinée à ma manière. Mais qui l’eût cru ? moi qui ne pensais n’être capable que de concevoir les espaces, les articuler, les conjuguer …
70 pages, 37 795 mots me renseigne l’ordinateur ! Il me fallait donc conclure.
La chronique 66, la dernière, reste très différente des précédentes. J’ai pris un grand plaisir alors à revenir en images et en pensées sur ces moments, à signaler des oublis, faire des aveux … comme un au-revoir ?
Faire un clin d’œil à certains fidèles lecteurs, comme par hasard deux Charles : celui de Dakar me reprochant de ne pas illustrer mes propos, au contraire du Charles de Praïa les préférant sans illustration, pour laisser son fantasme naviguer aisément.
Revenir sur des oublis de taille comme l’anniversaire de la mort de notre frère, Omar Blondin Diop, dans la J 49 du 11 mai où je ne m’étais souvenu que de Bob.
Des aveux … Ah, la J 65, que j’ai signée d’un nom d’artiste, Reyane de Ligné, impossible de l’illustrer car pure imagination !
Je me suis lâchée et d’un bout à l’autre … rien de vrai. Ni de près ni de loin.
J’ai pris un plaisir inouï à partir d’un fait réel, en l’occurrence la disparition du griot électrique, Mory Kanté, à broder cette avant-dernière chronique.
Qui aurai cru que cet état planétaire difficilement définissable allait durer si longtemps ? Un an ! Et surtout, est-ce même terminé en ce mois de mars 2021 ?
Mais en fait, que s’est-il passé durant tous ces jours où C. nous a piégés, tourmentés, baladés, emmerdés, car impossible de socialiser au début et pour certains, toujours et encore, tant tout était si flou !
Combien d’entre-nous sont partis, emportés par C. ? L’étau semblant se resserrer autour de nous, et aujourd’hui encore !
Cruel mois de janvier 2021 emportant trop de nos proches comme la cascade d’un sort qui s’acharne.
Les enfants nous ayant fortement recommandé de nous éloigner de Dakar, nous éloigné du C., question de limiter les risques, nous sommes allés avec un plaisir… raisonné voire mitigé, à la Somone.
Ce même janvier, et malgré mes gestes que je croyais barrière, C. m’aura rattrapée.
Contaminée, piégée, angoissée, avec la peur au ventre d’en contaminer d’autres.
Je n’avais aucun signe de la maladie et je n’avais jamais autant écouté mon corps, just in case …
Ce séjour où je me suis réfugiée avec mon chevalier servant, a été heureusement ponctué par un grand élan de fraternité venu de tout bord.
D’abord un médecin urgentiste compétent, disponible à souhait, m’a quotidiennement soignée, orientée, conseillée, encouragée, écoutée, et à distance… bref, tout pour guérir bien et vite !
J’ai également pris la juste mesure du plateau technique médical de Saly/Somone, celui-ci n’ayant pas grand-chose à envier à celui de Dakar finalement, et par conséquent tout pour nous convaincre que la retraite là-bas, c’est un bon choix … Mieux, le service médical municipal dakarois en charge de mon dossier m’a tous les jours appelée pour s’inquiéter de mon état, me conseiller et m’encourager, jusqu’au jour où les tests sont arrivés négatifs. J’étais « bleuffée » …, preuve que tout n’est pas catastrophique dans le pays.
Je n’aurais jamais mangé aussi bien équilibré grâce aux petits et grands plats qui nous arrivaient, dans un ballet très bien orchestré par les sœurs, filles, et amis vadrouilleurs.
Je n’aurais jamais bu autant de jus de fruits venus directement du « verger vadrouilleur » de Ngaparou, et livrant dans de grands sacs d’exquises mandarines, celles-ci pressées avec une détermination quotidienne par mon « amoureux de Peynet », comme nous a surnommé la grande sœur.
Paniers, glacières, Tupperwares … que je voyais arriver du haut de la mezzanine, je m’étais interdite l’accès à la cuisine, question de ne point laisser traîner sur une poignée de porte de frigo ou encore un interrupteur ce sournois virus C.
Un délice au quotidien.
Tous les soirs, je montais dans ma chambre, d’où C. avait chassé papi Viou, lui s’étant installé au niveau inférieur durant tous ces jours-là. J’ai retrouvé la joie de me vautrer dans le grand lit souvent en désordre, mon désordre dans lequel je posais çà et là mes objets que je voulais à portée de main.
Dites-moi, qui n’a pas joui de pareil plaisir ?
En tout cas moi je me régalais, et à la fin d’une journée finalement jamais comme les autres, en criant « je monte dans mes appartements », j’allais retrouver avec un plaisir à peine voilé mon nouvel espace dans lequel j’avais aussi installé une table de travail.
Viou a géré tous les repas, comme un chef, au début en me demandant ceci-cela que je lui criai depuis assez loin ; puis il a pris ses marques, sûrement agacé par une certaine rigueur qui ne lui allait plus, et n’en faisant ensuite plus qu’à sa tête.
J’ai sincèrement pris grand plaisir à me faire servir.
Mais bon, personne ne s’y trompait, Viou a été décrété « le réchauffeur n° 1 » par les vadrouilleuses.
Alors oui, comment ne pas dire et redire, famille, amis je vous aime !
Nous faisions quotidiennement de longues balades, sur cette si belle baie pratiquement vide, la Somone d’un côté, Ngaparou de l’autre, en fonction de la marée, et souvent les seuls et avec nos masques.
5 à 6 km parfois plus, parfois deux fois par jour.
Prendre du soleil me conseillait-on pour capturer cette vitamine D.
Sans avoir hélas succombé à la tentation de plonger, la mer nous semblant un peu fraîche, mais les jambes dans l’eau jusqu’aux cuisses quand cela était possible…
Pourtant, jamais la Somone ne m’aura paru aussi contraignante ! Quelle ironie,
30 jours durant…
Et puis la raison voudrait que la vie reprenne son cours, elle nous convainc de faire attention. Alors on cherche comment, par quelle voie revenir à la normale ?
Le prochain anniversaire sera les 70 ans de ceux de la famille/amis nés en 51, février pour les premiers !
« On fête, on ne fête pas ? Et on sera combien, et où … ? »
Les échanges fusent !
Finalement … on fête et en plein air, donc la Somone s’impose, la pression des plus jeunes l’emporte prétextant que 70 ans quand même …
On est 12 adultes, le double de ce qui semble être la règle mais au bout du compte une très belle fête. Et comme à l’accoutumée à la Somone cela dure tout le week-end, tant qu’à faire …
Ailleurs on fête aussi d’autres 70 ans mais à 4. Chacun met le curseur là où il veut, là où il peut …
Comment, quand et où, le tournant va-t-il se faire ?
Les arrêtés sortis samedi 20 mars 2021 au Sénégal relatifs à la levée des différentes mesures de suspension prises il y a quelques mois donnent l’impression que « l’affaire-là est derrière nous », et sonnent comme la fin de la partie !
Les boîtes de nuit, restaurants, etc. ce week-end ont refusé du monde, semble-t-il ! Sans réelles mesures barrières appliquées.
Ici, au pays on est trop fort ! Nous avons eu un ministre du Ciel et de la Terre, aujourd’hui un président attrape-virus, et ce sera bientôt l’attrape-rêves, qui sait ?
J’ai du mal à comprendre. Comment du jour au lendemain on passe d’un état de crise, de confinement dans la tête, à celui de vie normale, de dé-confiné totalement ?
La vaccination, que j’ai faite la semaine dernière va-t-elle apporter des réponses ? Wait and see !
Je garde masque sur le nez, gel dans le sac, je dépose encore mes chaussures à l’entrée de l’appartement même si je suis bien la seule à le faire. J’ai enlevé depuis longtemps le circuit à suivre dans le hall de l’entrée et tracé lors de mes excès du début j’en conviens.
J’étreins même certains amis que je n’ai pas vus depuis longtemps, avec masque bien vissé sur le nez.
Comme quoi moi aussi j’ai levé des mesures ! Mais je continue d’écouter mon corps…
Devrais-je reprendre ce rigoureux travail d’écriture au quotidien, que j’ai partagé, parfois imposé ?
Cela me paraît ardu …, et je me questionne à peine, mais qui sait ?
Et surtout quels enseignements en tirer, je pense bien entendu à cette vie imposée par le C.
Ne dit-on pas que, après tout, le monde d’aujourd’hui devra être différent de celui d’avant !
Annie Jouga est architecte, ancienne élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
par Christine Holzbauer
QUAND LE COVID ENFERME LES CORPS MAIS LIBÈRE LA COMMUNICATION
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Comment ne pas s’émouvoir du sort de nos mamans africaines, prises en étau entre la nécessité de « sortir » de chez elles pour gagner de quoi nourrir leur famille et la peur d’être contaminée
A partir du moment où le couvre-feu a été décrété en France le 17 mars 2020, adieu terrasses de cafés, restaurants, cinémas, théâtres et autre sortie dans des musées. Pire, les jardins et les parcs franciliens ont, eux aussi, été bouclés…avec obligation de « télétravailler » ! Puisque je pouvais continuer à assurer un talk-show hebdomadaire consacré à l’Afrique francophone sur YouTube depuis mon domicile parisien, l’impact de cet enferment domestique a été plus psychologique que professionnel. Au contraire, travailler quotidiennement par écran interposé m’a permis de garder, voire même de renforcer mes liens avec mes invités. Ce faisant, j’oubliais l’anxiété des autorisations quotidiennes pour sortir de chez soi et l’isolement physique « intra-muros » qui en est résulté. Jamais la résilience dont faisait preuve mes amis au Sénégal et dans les autres pays de la sous-région n’a été aussi inspirante !
A défaut de pouvoir m’envoler tous les deux ou trois mois vers mon cher continent, mon « hublot de liberté » je l’ai trouvé en ligne. Les thèmes que je discutais avec mes interlocuteurs africains étaient, tous, liés à la pandémie au risque de tourner en rond. Mais c’était difficile de parler d’autres choses avec ce fléau qui s’abattait sur la planète. L’aurais-je voulu que ma direction de l’époque m’aurait, vite, déboutée. Cela a été moins vrai, ensuite, lors des autres confinements, mais pour ce premier coup d’arrêt à notre mode de vie effréné et à nos consommations démesurées, il n’y avait pas d’autres choix que de se lever, manger et se coucher avec des nouvelles anxiogènes sur le Sars-CoV-2 décliné, ensuite, avec toutes les variantes qu’on lui connait aujourd’hui. Dans cette période paradoxale de silence médiatisé à outrance, le champ de nos certitudes se rétrécissait de plus en plus. Nous savions que nous manquions cruellement de masques et de respirateurs et que c’était le sauve qui peut pour s’en procurer. Et que le Covid-19 est une saleté de virus venu de Chine qui fait perdre le goût et l’odorat avant de vous tuer !
L’espoir, selon Euphrasie
Bref, la sinistrose ambiante était en train de me gagner. Pourtant, grâce au combat d’une Ivoirienne, j’aperçus la première lueur d’espoir. Elle m’a fait comprendre que rien n’est inéluctable et qu’il y a toujours un moyen de reprendre sa vie en main. Comment, en effet, ne pas s’émouvoir du sort de nos mamans africaines ? Prises en étau entre la nécessité de « sortir » de chez elles pour gagner de quoi nourrir leur famille et la peur d’être contaminée, elles vivaient les restrictions imposées par les gouvernements pour lutter contre la pandémie avec le plus d’acuité. Partout dans les grandes villes africaines, ce dilemme s’est posé. Fallait-il laisser les habitants mourir de faim ou bien mourir de maladie ? Quand on les a enfermés dans les bidonvilles sans eau, sans électricité et, bien souvent, sans recours médical, comme au Kenya ou en Afrique du Sud, il y a eu des émeutes de la faim, réprimées à coups de bâton et grand renfort de gaz lacrymogènes.
De surcroit, ce premier confinement qui nous est tombé dessus brutalement a, aussi, décuplé les violences conjugales au Nord comme au Sud. Alors, comment mobiliser les femmes africaines et les aider à lutter contre cette catastrophe sanitaire ? Comment éviter qu’elle ne se transforme en une catastrophe économique et un enfer conjugal ? Puisqu’il leur était interdit de se déplacer, de commercer ou de vaquer à des activités génératrices de revenus pour nourrir leurs enfants, comment les femmes du continent pouvaient-elles s’en sortir avec dignité ? A toutes ces questions, la ministre ivoirienne conseillère du Genre, Euphrasie Kouassi Yao, - elle-même confinée à Abidjan qui était littéralement claquemurée -, avait la réponse. « C’est vrai qu’il faut manger, mais d’abord il faut être en vie ! C’est pour cela que nous appliquons strictement les mesures barrières avec une relative facilité pour la distanciation, car elle coûte zéro franc. Cet élément nous a permis de convaincre plus facilement les femmes dans la mesure où elles savent qu’elles n’ont rien à dépenser pour préserver leur vie et se battre pour l’entretenir. Et les résultats sont là, tangibles !», me confiait-elle dans l’émission que je lui ai consacrée à la fin avril 2020.
Elle venait d’aider au lancement, le 24 avril, du projet « BASE », dont l’acronyme signifie : « Banque d’amour et de solidarité efficace.» Une initiative qu’elle a pilotée grâce à la chaire Unesco « Eau, femmes et pouvoir de décisions », dont elle est la titulaire, et l’Organisation de femmes du Compendium des compétences féminines de Côte d’Ivoire (Cocofci) qu’elle coordonne depuis dix ans. Pour cette militante de longue date de l’autonomisation des femmes, pas question de s’apitoyer. Au contraire, réagir c’est le déclic pour commencer à s’en sortir : « il ne s’agit pas de se lamenter mais de réagir en unissant ses forces », n’a-t-elle cessé de marteler pendant toute l’émission.
Quand un compendium peut en cacher un autre
Et d’ajouter pour bien me faire comprendre que la survie, c’est d’abord une question de volonté : « face au Covid-19, il faut faire preuve de solidarité. Pas d’entraide sociale mais bien de solidarité, car c’est ce qui va nous apporter des solutions à long terme en Afrique ! » En Côte d’Ivoire, il y a du coton à profusion, du fil et du caoutchouc. Alors, pourquoi ne pas les transformer en masques au lieu d’en importer ? « En combinant nos ressources, sur le plan humain, et grâce aux contributions de nos membres et de ceux qui nous soutiennent, nous allons créer une usine pour fabriquer des masques », préconisait-elle.
Grâce à une contribution de 1 000 francs CFA (1,50 euro) versée par chaque adhérent de BASE, - femmes comme hommes -, la fabrication des masques made in Côte d’Ivoire a pu commencer. Ceux-ci ont ensuite été distribués gratuitement aux personnes les plus vulnérables, notamment aux diabétiques en y ajoutant des doses d’insuline. Cette distribution s’est également accompagnée de transferts monétaires pour les plus nécessiteux grâce à des cartes prépayées éditées par les opérateurs téléphoniques.
Que faut-il retenir de cette initiative ? Quelques mesures simples mais ingénieuses, comme coudre ses propres masques ou faire soi-même son gel ou son savon pour se laver les mains, facilement duplicables partout dans la sous-région. « Cette maladie est venue nous rappeler que l’être humain est au centre de toutes choses. On peut avoir des ressources financières ou être un homme politique bien placé et mourir du Covid-19. Amour, solidarité et audace, jamais les valeurs qui fondent notre action au Compendium n’ont été aussi utiles. Les mesures ingénieuses pour les femmes ivoiriennes, c’est de faire au mieux avec ce que nous avons », a-t-elle ajouté.
Le « panier de la ménagère » des femmes rurales
Au même moment, au Sénégal, trois grandes agences des Nations unies (FAO, UNFPA et ONU Femmes) lançaient un programme d’aide internationale appelé « Le panier de la ménagère. » Doté de 450 millions de francs CFA (environ 68 millions d’euros), il était destiné aux femmes productrices ainsi qu’aux jeunes pour renforcer les systèmes alimentaires et la protection sociale des familles vulnérables au Covid-19. Les ménages bénéficiaires ont été sélectionnés à partir du registre national unique et d’un ciblage communautaire. Les femmes et les jeunes filles victimes de violences basées sur le genre et souffrant de fistules obstétricales, ainsi que des clubs de jeunes filles dans les zones d’intervention, ont également pu bénéficier de cette initiative. Destiné à protéger la production locale et à faciliter l’écoulement des récoltes, ce panier de la ménagère version africaine devait permettre, selon le représentant de la FAO, de « renforcer l’accessibilité à une alimentation variée et diversifiée ainsi que l’état nutritionnel de 300 000 personnes dont environ 37 500 ménages vulnérables. »
Pour la Directrice régionale d’ONU Femmes Afrique de l’Ouest et du Centre de l’époque, Oulimata Sarr, aujourd’hui ministre de l'Economie, du Plan et de la Coopération du Sénégal, ce programme « rentre en droite ligne avec notre initiative appelé les femmes font partie de la solution. Les femmes font partie aussi bien des petits producteurs mais en seront aussi des bénéficiaires. » En Côte d’Ivoire, où les femmes rurales sont également très nombreuses, l’aide internationale pour passer le cap de la pandémie a tardé. « La production alimentaire repose à 80% sur les agricultrices ivoiriennes. Alors un coup de pouce des Nations unies pour aider les foyers modestes à acheter de la production agricole locale serait le bienvenu. Bien sûr, la question de cette production locale qui n’arrive pas à s’écouler ou bien le problème de sa commercialisation dans un rayon plus vaste se posait bien avant la pandémie. Mais c’est justement dans cette période de crise que nous devons aider nos femmes rurales à se restructurer. Or, nous ne pourrons pas le faire sans l’appui de nos partenaires au développement », a commenté Euphrasie Kouassi Yao.
Mais au-delà de cette aide alimentaire pour booster le « consommer local », ce sont les populations elles-mêmes qui doivent « apprendre à se faire confiance et à travailler ensemble », a-t-elle ajouté. Car les actions entreprises pour aider ces populations doivent être pérennisées. Sinon que se passera-t-il après que les dons ou les envois de vivres ont été épuisés ? « Nos sœurs agricultrices sont pauvres non pas parce qu’elles ne produisent pas, mais parce qu’elles n’arrivent pas à écouler leur production. À nous de les mobiliser pour qu’elles puissent mieux vendre leurs produits sur les marchés locaux. L’organisation des femmes du Compendium ne fait pas de politique et respecte toutes les religions. C’est par la mobilisation que nous améliorerons l’entrepreneuriat féminin, surtout l’entrepreneuriat rural », insiste-t-elle.
En ces temps de pandémie où le confinement risquait d’affamer nombre de citadins, il était donc vital que la production dans les campagnes ne s’arrête pas. Même si le consommer local est loin d’avoir supplanté les importations de denrées de première nécessité, à commencer par le riz, la coordonnatrice du Compendium s’est engagée à tout faire pour que cela change. À une condition : que les femmes prennent le leadership sur cette question ! Comme, par exemple, traduire en langues nationales ce que les Ivoiriens appellent les « informations vraies », celles qui permettent de toucher les populations féminines les plus démunies et, souvent, analphabètes. C’est ainsi que les vendeuses dans les marchés, dont Abidjan regorge, ont pu être sensibilisées au fait qu’elles devaient s’installer en quinconce et non plus côte à côte pour pouvoir respecter les mesures barrières.
Les leçons d’Ebola
Dès le mois de février 2020, j’avais eu la chance de m’entretenir avec d’éminents scientifiques africains m’avertissant de la (relative) préparation du continent face à ce qui n’apparaissait encore, en Europe, que comme un nouvel épisode de grippe aviaire. Mais il y en a une en particulier à qui je voudrais, ici, rendre hommage. Puisqu’on allait renter dans le registre des grandes pandémies, il me semblait légitime d’interroger ceux qui vouent leur vie à la recherche. Le Professeur Francine Ntoumi épidémiologiste reconnue mondialement pour ses travaux sur le paludisme, fait définitivement partie des « grands » reconnus par leurs pairs. Pour cette enseignante-chercheuse en immunologie de l'université Marien-Ngouabi à Brazzaville où elle a fondé, préside et dirige encore actuellement la Fondation congolaise pour la Recherche médicale, c’est bien la terrible épidémie d’Ebola, en 2015, qui a permis aux autorités sanitaires de nombre de pays africains de prendre, très tôt, la mesure du danger qui les menaçait et de réagir par anticipation.
Interrogée par téléphone depuis l’université de Tübingen (Allemagne), où elle enseigne comme professeure associée et cheffe d'un groupe de recherche à l'Institut de médecine tropicale, ce docteur en biologie moléculaire et spécialiste des maladies infectieuses a estimé que les gouvernements africains avaient eu raison de se préparer à une augmentation significative du nombre de malades infectés par le virus. Car, en l’absence de système de santé performant et du fait d’habitudes de vie communautaires, « l’épidémie de Covid-19 pourrait se répandre comme une traînée de poudre sur le continent, même si ce virus tue moins que celui de la grippe. Mais les connaissances sur ce virus étant encore très limitées, les données sur sa transmission galopante et inquiétante. » En plus de l’Égypte et de l’Algérie, qui comptent parmi les pays africains ayant le plus de liaisons avec la Chine, « l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Maroc pourraient également être à risque », a prédit la scientifique congolaise.
Aussi s’est-elle réjouit que des mesures préventives aient été prises pour « faire face à toute éventualité », appelant à encore plus de vigilance dans les pays africains à risque. Dans nombre d’aéroports du continent, la température des voyageurs, -particulièrement ceux venant d’Asie -, était vérifiée dès le mois de décembre 2019. À Brazzaville, d’où elle est originaire, « ce dépistage est même devenu systématique et des hôpitaux ont été réquisitionnés pour accueillir d’éventuels malades », a-t-elle témoigné. La capitale de la République du Congo, Brazzaville abrite le siège africain de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette dernière avait été très lente à réagir, en avril 2014, au moment du déclenchement de l’épidémie d’Ebola dans trois pays d’Afrique de l’Ouest. Mais, cette fois, l’agence onusienne semblait déterminée à tirer la sonnette d’alarme « le plus tôt possible » pour ne pas avoir à répéter les erreurs commises après la propagation fulgurante du virus de la fièvre hémorragique qui avait fait plus de 11 000 morts en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia.
L’espoir de la recherche
Membre de plusieurs comités scientifiques et réseaux scientifiques internationaux en Afrique et en Europe, le Professeur Ntoumi apporte également son expertise à l’Union africaine (UA) en tant que membre du panel de haut niveau sur les technologies émergentes et membre du consortium for Covid-19 vaccines clinical trial (CONCVACT) de l’Africa-CDC. A ce titre, sa première préconisation a été de développer une communication efficace sur le coronavirus SARS-COV2. « Ce serait le meilleur moyen pour que les populations locales, qui sont essentiellement informées par les réseaux sociaux, sachent quoi faire en cas d’épidémie sans céder à la panique. ».
Quant au vaccin pour lutter contre le coronavirus SARS-COV2, cette chercheuse de haut vol, qui a obtenu de nombreuses récompenses dans le cadre de ses travaux sur les souches de Plasmodium falciparum responsable du paludisme, était dubitative. « Je n’ose pas faire de pronostic (en ce qui concerne SARS-COV2) tant on a annoncé de fois qu’on allait élaborer un vaccin (contre le paludisme) d’ici à deux ans. Or, à ce jour, il faut bien le reconnaître, il n’existe aucun vaccin contre aucune maladie parasitaire !», s’était-elle insurgée. Ce qui ne l’a pas empêché, ensuite, d’étudier activement l’immunité de la population congolaise et de séquencer le virus SARS-COV2 en circulation au Congo, indispensables données pour comprendre cette maladie et pour l’évaluation des vaccins ou des traitements. Son domaine de prédilection, toutefois, reste la recherche sur les maladies infectieuses représentant un problème de santé publique pour le Congo. Ceci incluant les maladies à potentiel épidémique comme le chikungunya, Dengué et Ebola.
Impliquée depuis janvier 2009 dans le renforcement des capacités de la recherche biomédicale par le biais du Réseau régional pour la recherche clinique en Afrique centrale (Cantam - Central Africa Clinical Research Network, www.cantam.org) et le réseau panafricain pour la préparation et la riposte aux épidémies de maladies infectieuses (Pandora-ID-Net, www.pandora-id.net), le Professeur Ntoumi et ses équipes travaillent également en utilisant une approche « Une seule santé ». En effet, les équipes multidisciplinaires (entomologistes, médecins, biostatisticiens, bio-informaticiens, anthropologues, sociologues, généticiens, etc.) travaillant aussi bien sur l’humain, sur l’animal et sur l’environnement sont impliquées car les maladies sont la conséquence du bouleversement de plusieurs facteurs et pour leurs solutions, il faut considérer tous les angles. De plus, la population africaine utilise encore énormément les plantes médicinales pour se soigner et cela ne peut être ignoré. Il va falloir que les scientifiques travaillent main dans la main avec les thérapeutes afin de trouver les médicaments de demain et apporter la pleine contribution de l’Afrique.
« L’avantage que nous avons en Afrique centrale, c’est notre immense réservoir animal et végétal qui peut donner lieu à d’innombrables études. Il faut donc que nous développions davantage de recherches endogènes, notamment sur les agents pathogènes zoonoses qui se transmettent naturellement des animaux à l'être humain, et vice-versa. C’est ainsi que nous pourrons le mieux contribuer à éradiquer les épidémies et faire avancer la science en général », m’avait-elle encore confié.
Sans la pandémie, je n’aurai jamais échangé aussi intensément avec cette femme visionnaire qui s’est battue toute sa vie en tant que « femme africaine dans les sciences, une carrière extrêmement difficile à mener à cause des pesanteurs culturelles !», reconnait-elle sans fausse modestie. Alors, on se sent moins seule devant tant d’engagement, même si les nouvelles formes d’interaction « en distanciel » sont, parfois, horripilantes. Comme pour tout le reste, on finit par s’y habituer. Parfois un peu trop vite. N’oublions pas que pour beaucoup d’Européens, le moment le plus dur du « confinement » a été le « déconfinement » ! Autant de néologismes qui sont aujourd’hui rentrés dans le vocabulaire courant et que les medias ont contribué à populariser.
Christine Holzbauer est journaliste/reporter, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Elle a longtemps vécu au Mali et au Sénégal où elle représentait de grands journaux français, sillonnant par ailleurs les pays du Sahel pour ses reportages. Depuis son retour en France, elle continue de couvrir les grands évènements ayant trait à l’Afrique en plus de produire, réaliser et présenter depuis Paris une émission de télévision qui s’appelle « Mon heure d’Afrique. »
LES TRAVAILLEURS DE L'ANACMU ACCUSENT LA DIRECTION DE GESTION NEBULEUSE
Les remous qui secouent, depuis quelques mois, le secteur de la santé et de l’action sociale n’épargnent pas l’Agence Nationale de la Couverture Maladie Universelle (Anacmu).
La section Sames-Anacmu, Sdt-3S et le collège des délégués du personnel de l’Agence Nationale de la Couverture maladie universelle (Anacmu) dénoncent les mauvaises conditions de travail auxquelles ils sont confrontés et l’inertie de la Direction générale. Dans un communiqué parvenu à «L’As», ils accusent la Direction de gestion nébuleuse des ressources de la boite.
Les remous qui secouent, depuis quelques mois, le secteur de la santé et de l’action sociale n’épargnent pas l’Agence Nationale de la Couverture Maladie Universelle (Anacmu).
Dans un communiqué reçu par «L’As», les agents de la boite dénoncent les multiples dysfonctionnements et les mauvaises conditions de travail auxquels ils sont confrontés. «Malgré les nombreuses rencontres et les différents courriers de relance, la Direction générale s’enlise dans une inertie et un dilatoire manifestes devant les préoccupations qui assaillent les employés. Des injustices flagrantes et de toute nature sont subies quotidiennement par le personnel qui se bat chaque jour pour l’atteinte des objectifs visés par le chef de l’Etat», se désolent les travailleurs qui soutiennent que «l’inertie et le manque de volonté de la direction générale» a fini par installer un climat social délétère qui pousse le personnel qualifié et expérimenté à se retirer de l’agence sans que les postes laissés vacants ne soient pourvus par des agents au profil adéquat. «Le personnel le plus concerné par ces départs est le personnel médical chargé de mettre en œuvre le contrôle médical qui est essentiel à la maîtrise des dépenses en santé et l’amélioration de la qualité des soins fournis aux bénéficiaires de la couverture maladie», renseignent les contestataires.
Il résulte, selon eux, de cette situation «l’augmentation sans cesse de la charge financière de l’agence et les dettes non payées aux structures de santé et aux mutuelles de santé qui en ont tant besoin pour leur fonctionnement. La Direction générale gère de façon nébuleuse les ressources de l’Agence et procède à des choix hasardeux et impertinents des stratégies de développement et d’extension du programme de couverture maladie universelle, sous l’expectative d’un conseil de surveillance dormant et complice».
Selon les travailleurs, «l’externalisation du Contrôle médical confié à un cabinet qui ne dispose d’aucune compétence technique dans ce domaine en est un parfait exemple. Par ailleurs, la Direction générale ignore totalement l’instruction du président de la République et le communiqué du ministre des Finances relatif à l’augmentation des salaires des agents de l’État eu égard à l’inflation et la cherté de la vie».
Au regard de tous ces facteurs, le Sames, le SDT-3S et le Collège des délégués du personnel demandent au ministère du Développement communautaire, de l'Equité sociale et territoriale et au président de la République d’user de leur influence pour la correction «de ces manquements» qui, selon eux, «risquent de remettre en cause la mise en œuvre de la politique de la Couverture Maladie Universelle.
AWA MARIE COLL SECK PARLE D'UN RECUL REGRETTABLE DANS LA LUTTE CONTRE LA POLIO EN AFRIQUE
Au Sénégal, d’importants progrès ont été faits pour l’éradication de la maladie. Jusqu’en 2010, aucun cas de poliomyélite n’avait été signalé dans le pays avant sa réapparition 10 ans après, en janvier 2021.
La poliomyélite est une maladie infectieuse très contagieuse et partiellement mortelle. Elle avait été déclarée « éradiquée » en Afrique il y a deux années mais a fait sa réapparition dans des pays du continent dont le Sénégal où la situation est tout de même maitrisée. Selon l’ancienne ministre de la Santé, Pr Awa Marie Coll Seck, la résurgence des cas de poliomyélite constitue un recul regrettable.
Le poliovirus sauvage, agent pathogène responsable de la poliomyélite, a été officiellement déclaré «éradiqué» du continent africain en août 2020 par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). Ceci, après quatre années consécutives sans cas déclaré. Grâce à la vaccination, le virus a reculé avant de disparaitre dans la plupart des pays. Mais, de plus en plus de pays africains font face à la résurgence de cette maladie moins de deux ans après que le continent ait été déclaré exempt de poliovirus sauvage par l’Organisation mondiale de la Santé (Oms).
Au Sénégal, d’importants progrès ont été faits pour l’éradication de la maladie. Jusqu’en 2010, aucun cas de poliomyélite n’avait été signalé dans le pays avant sa réapparition 10 ans après, en janvier 2021. Faisant la situation, le chef de la division « surveillance épidémiologique » au ministère de la Santé et de l’Action sociale, Dr Boly Diop, parlait de 10 cas au niveau national à la date du 21 mai 2021. Dans le détail, il s’agissait de trois cas environnementaux trouvés dans des eaux usées, et sept cas humains identifiés à Touba et Diourbel. Quelques temps après, le 09 juin 2021, Dr Diop fera état de sept autres nouveaux cas portant le nombre total à 17 cas. Une résurgence de cas qui avait interpelé les autorités sanitaires du pays. En effet, dès l’annonce de la réapparition de la maladie au Sénégal, le ministère de la Santé et de l’Action sociale et ses partenaires avaient organisé la riposte à travers des journées nationales de vaccination contre la poliomyélite dans la période du 25 du 27 février 2022.
Une situation dite maitrisée selon le Dr Badiane
Selon le coordonnateur du programme élargi de vaccination au Sénégal, Dr Ousseynou Badiane, la situation est maitrisée. Dr Ousseynou Badiane révèle que notre pays est d’ailleurs dans la phase d’éradication de la maladie. «Non seulement on surveille le virus chez les malades, mais on surveille aussi le virus dans l’environnement» assure-t-il.
Parlant de cette surveillance épidémiologique, le pédiatre Dr Jean-Baptiste Diouf a expliqué sur les ondes de la RFM que «c’est surtout une surveillance des eaux usées pour voir s’il y a ou pas la présence du virus. Dans les structures de santé, on guette les cas de paralysie flasques qui se manifestent sous la forme d’un membre (main ou pied) qui ne bouge pas, qui est inerte. Devant ce cas, une série d’investigations est menée et des prélèvements sanguins et surtout de selles sont faits dans des conditions minutieuses avant d’être envoyés dans des laboratoires pour confirmer ou infirmer la présence du virus». A côté de la surveillance épidémiologique, dit-il, il y a le vaccin. Après la réapparition du virus en 2021, le Sénégal a déployé la surveillance épidémiologique. Une action combinée à un renforcement de la protection vaccinale par des journées de rattrapage contre la polio pour les enfants de trois à 59 mois. Ce qui a permis de vacciner, en une année, plus de trois millions d’enfants de moins de 5 ans. La campagne a commencé à Diourbel, la région la plus impactée.
Une menace pour les enfants
Les spécialistes de la santé sont unanimes pour dire que tant que la poliomyélite existe quelque part dans le monde, elle constitue une menace pour les enfants. La présence de nouveaux cas demeure donc une insécurité pour tous les enfants à travers le monde. La vaccination est gratuite et est le moyen le plus efficace pour protéger les enfants contre la poliomyélite. Dr Ousseynou Badiane, coordonnateur du Programme élargi de vaccination au Sénégal, affirme qu’»en 2022, nous parlons toujours de la poliomyélite, une maladie que nous pensions éliminée. Avec la pandémie de la Covid-19, il est d’autant plus important de renforcer la vaccination de routine et assurer l’accès à la vaccination aux enfants vivant dans des zones difficiles d’accès. La vaccination contre la poliomyélite est gratuite et sauve des vies. Une surveillance post-élimination doit être poursuivie pour s’assurer que chaque enfant de 0 à 5 ans ait la chance de grandir en bonne santé», a-t-il dit.
Pour sa part, l’ancienne ministre de la Santé sous le régime du président Me Abdoulaye Wade, Pr Awa Marie Coll Seck, considère que la résurgence des cas de poliomyélite est un «recul regrettable», une «menace grave pour toutes et tous». Selon la spécialiste des maladies infectieuses, «l’initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite estime que si la maladie n’est pas éradiquée d’ici dix ans, jusqu’à 200 000 enfants pourraient être paralysés par la poliomyélite chaque année».
En revanche, dit-elle, «l’éradication de la maladie permettrait d’éviter jusqu’à 50 milliards de dollars Us en dépenses de santé au niveau mondial pour les 20 prochaines années. En 2021, 25 millions d’enfants dans le monde n’ont pas reçu une ou plusieurs doses de vaccins qui les auraient protégés contre la diphtérie, le tétanos ou la poliomyélite selon l’Oms. En Afrique plusieurs raisons expliquent cette absence de vaccination notamment la réticence des populations, les conflits, les rumeurs, la faiblesse du système de santé et d’assainissement, mais surtout l’hyper-dépendance vaccinale du continent. Aujourd’hui encore, l’Afrique importe 99 % des vaccins de routine alors qu’elle représente un quart de la demande mondiale de vaccins de toute nature. Dans certains cas, cette dépendance aux importations, et les pénuries chroniques qu’elle entrain, nourrit l’hésitation des populations face aux vaccins». A l’occasion de la journée mondiale contre la poliomyélite, Pr Awa Marie Coll Seck invite à investir dans le développement d’infrastructures locales de production de vaccins. Ce qui, selon l’ancienne patronne d’Onusida, est donc un besoin vital et urgent pour le continent africain. En cela, dit-elle, l’élan impulsé par la Covid-19 dans certains pays comme le Sénégal et le Rwanda ne doit pas s’estomper. «En juillet 2021, le Sénégal a acté la création d’une usine de production de vaccins contre la Covid-19 et d’autres maladies endémiques. Un signal fort qui jette les bases d’une souveraineté pharmaceutique et médicale indispensable pour garantir l’accès aux vaccins et préserver la santé des populations en Afrique. (...) Il est crucial que les pouvoirs publics, mais aussi le secteur privé, priorisent le développement d’une expertise scientifique africaine à travers le financement endogène de la recherche et développement» estime l’ancienne ministre de la Santé.
Pr Awa Marie Coll Seck déclare ainsi que le prochain Forum Galien Afrique offrira une opportunité à la communauté scientifique, à la société civile, au secteur privé et aux pouvoirs publics africains de réfléchir aux mécanismes innovants de financement de la santé pour tendre vers la couverture sanitaire universelle. Elle pense que «ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons renforcer nos systèmes de santé face aux résurgences de maladies infectieuses anciennes et de nouvelles épidémies qui nous menacent».
ENCORE 72H DE PERTURBATION
Des travailleurs membres de la Fédération des syndicats de la santé (F2s) ont tout simplement déserté les hôpitaux et autres établissements de santé pour une période de 72heures. And Gueusseum a rejoint ce mardi la lutte pour un mot d’ordre de 48h
Deux syndicats sont en grève dans le secteur de la santé. Il s’agit de la Fédération des syndicats de la santé (F2s) qui a démarré depuis hier, lundi, et And Gueussem en jonction avec l’Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales qui a rejoint la lutte ce mardi. Ces syndicats réclament la revalorisation de leurs salaires.
Le secteur de la santé est en ébullition. Hier, lundi, des travailleurs membres de la Fédération des syndicats de la santé (F2s) ont tout simplement déserté les hôpitaux et autres établissements de santé pour une période de 72heures. And Gueusseum en jonction avec l’Intersyndicale des travailleurs des collectivités territoriales a rejoint ce mardi la lutte pour un mot d’ordre de 48h. Ces travailleurs réclament la revalorisation des salaires, et des indemnités de logement entre autres. Selon des responsables syndicalistes membres de ces entités, plusieurs corps de la santé ont été laissés pour compte dans les derniers accords signés entre la partie syndicale et le gouvernement sénégalais.
Pour Sydia Ndiaye du Syndicat des travailleurs des collectivités territoriales, des travailleurs de la santé attendent depuis le mois de mai la revalorisation de leur prime, les indemnités de logement mais aussi la prime de responsabilité paramédicale ainsi que le paiement des primes de Covid. « Malgré les efforts du ministre des Finances qui a dégagé un montant pour ce passif, rien ne bouge. Nous avons rencontré le ministre des Collectivités territoires. Nous avons eu des promesses et nous attendons leur concrétisation » a-t-il avancé. Et de faire le plaidoyer « pour la signature du décret dans les collectivités territoriales qui va engager toutes ces augmentations car même si nous convoquons l’article 29 des collectivités territoriales, s’il n’y a pas de décret, les travailleurs ne pourront pas être alignés pour les avantages ».
Pour le respect des accords, les travailleurs de la santé comptent se battre pour rentrer dans leurs droits. A cet effet, ils ont appelé pour la mobilisation de leurs adhérents aux respects des mots d’ordre.
lettre ouverte du think tank wathi
POUR DES SYSTÈMES DE SANTÉ PLUS PERFORMANTS EN AFRIQUE DE L’OUEST
Des failles importantes ont été identifiées lors du travail de recherche effectué par le Think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest – WATHI, mais également par les nombreux experts en santé publique de la région à qui nous avons donné la parole
Lettre ouverte du Think Tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest WATHI aux chefs d’État des pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) Pour des systèmes de santé plus performants en Afrique de l’Ouest
Messieurs les chefs d’État,
Il y a plus de 20 ans, en avril 2001, les chefs d’État de l’Union africaine, y compris tous les chefs d’État des pays membres de la CEDEAO, réunis en sommet à Abuja, se sont engagés à accorder plus de ressources au secteur de la santé. Ils déclaraient alors être prêts à « prendre toutes les mesures requises pour assurer que les ressources nécessaires seront mises à disposition, en provenance de toutes les sources possibles et qu’elles seront utilisées de manière efficace ». En outre, ils se sont engagés à « fixer un objectif d’au moins 15% des budgets annuels dédiés à l’amélioration des systèmes de santé ».
Cet engagement reste malheureusement théorique car selon les statistiques les plus récentes sur les dépenses en santé des pays de la région, aucun des pays de la CEDEAO n’a atteint cette part de 15% du budget national allouée au système de santé bien que des efforts remarquables aient été fournis dans certains pays.
Les Nations unies ont consacré le troisième objectif de développement durable à la question de la santé afin d’assurer la santé et le bien-être de tous, d’améliorer la santé procréative, maternelle et infantile, de réduire les principales maladies transmissibles, non transmissibles, environnementales et mentales. Cela démontre l’importance que le concert des nations accorde à cette question de la santé et des systèmes de santé.
La pandémie de la Covid-19 a mis en évidence les faiblesses des systèmes sanitaires de la région, notamment le manque de lits en service de réanimation, d’oxygène, d’équipements de protection individuelle, de personnel médical, d’ambulances ou encore de recherche et production de vaccin. C’est sans doute sur la base de toutes ces faiblesses identifiées et mises en évidence par la pandémie que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a plus d’une fois tiré la sonnette d’alarme sur l’impact de la crise sanitaire en Afrique, prévoyant ainsi des millions de décès liés à la Covid-19 en Afrique.
Par un improbable concours de circonstances, cet impact a été moins important qu’anticipé par l’OMS mais cela ne devrait pas vous empêcher d’accorder plus d’attention, plus de moyens financiers et humains au secteur de la santé dans vos pays respectifs. Bien au contraire, cette pandémie doit être considérée comme une opportunité pour repenser les systèmes de santé, les rendre plus performants et plus forts, capables de résister aux chocs, aux crises sanitaires et capables tout simplement de couvrir les besoins des populations ouest-africaines en matière de services de santé préventifs et curatifs.
Messieurs les chefs d’État,
Durant la pandémie de Covid-19, vous n’avez eu de cesse de rappeler l’importance que vous accordez au secteur de la santé. Afin d’atteindre cet objectif des systèmes de santé forts que vous ambitionnez et dont les populations ont réellement besoin, il est impératif que les mesures idoines soient adoptées et appliquées sur le long terme.
Au vu de cet engagement renouvelé à maintes reprises en faveur des questions liées à la santé publique, nous sommes certains que cette lettre ouverte retiendra toute votre attention car proposant des solutions visant à améliorer le fonctionnement des systèmes de santé en Afrique de l’Ouest. En effet, des failles importantes ont été identifiées lors du travail de recherche effectué par le Think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest – WATHI, mais également par les nombreux experts en santé publique de la région à qui nous avons donné la parole lors d’entretiens ou de tables rondes virtuelles.
Ces travaux ont conduit à un rapport que nous appelons Mataki intitulé « Comment améliorer le fonctionnement des systèmes de santé au bénéfice des populations ? ». Il fait un état des lieux des systèmes de santé de la région et met l’accent sur cinq grands domaines d’action :
Mettre en place une politique préventive de lutte contre les maladies au cœur du système de santé ;
Assurer la formation de ressources humaines suffisantes dans le domaine de la santé, y compris la santé mentale, leur affectation équitable sur les territoires nationaux et leur encadrement effectif ;
Mieux financer les systèmes de santé pour promouvoir l’accessibilité́ aux soins et aux médicaments ;
Améliorer le fonctionnement au quotidien de tous les établissements délivrant des services de santé ;
Renforcer les systèmes de santé nationaux par le développement de la recherche, la mutualisation des ressources au niveau régional et l’institutionnalisation d’un débat public sur les politiques nationales de santé.
Messieurs les chefs d’État,
Toutes ces recommandations sont essentielles en vue de renforcer le fonctionnement des systèmes sanitaires ouest-africains.
Nous attirons cependant votre attention sur la première recommandation qui met l’accent sur la nécessité de lier santé et éducation dans le cadre de la prévention des maladies et des accidents et la troisième recommandation liée au financement, car une politique de financement durable et pérenne est le socle d’un système sanitaire performant.
Il est également urgent de mettre en place des systèmes de suivi de l’efficacité des dépenses publiques de santé qui assurent que les ressources prévues pour les programmes de gratuité mis en place arrivent effectivement au niveau des structures de santé et bénéficient réellement aux couches les plus vulnérables de la population.
Nous vous appelons, à traduire votre engagement envers le secteur de la santé en actions concrètes, notamment en augmentant considérablement la part du budget de vos États consacrée aux dépenses en santé publique afin de se rapprocher au maximum et le plus rapidement possible de l’objectif de 15% du budget national alloué à la santé publique pour chaque pays de la région.
Nous vous invitons également à mettre en place des réformes organisationnelles et la responsabilisation à tous les niveaux, des ministères de la santé aux directeurs d’hôpitaux et de centres de santé pour améliorer significativement la prise en charge des patients et l’image, souvent négative, des prestataires publics de santé.
En vous remerciant par avance de la prise en considération de nos recommandations, nous vous prions d’agréer, messieurs les chefs d’État, l’expression de notre haute considération.