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21 avril 2025
Société
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HALTE AU RETOUR DU PARTI-ÉTAT
Elimane Haby Kane démonte la logique d'appropriation partisane qui menace l'idéal démocratique. Son intervention rappelle que le pouvoir, dans une démocratie moderne, appartient à tous, pas seulement aux militants du parti victorieux
Dans une intervention remarquée lors de l'émission "Objection" de Sud FM ce dimanche 12 janvier 2025, Élimane Haby Kane, président du Think tank Legs Africa, a vivement critiqué les controverses suscitées par les récentes nominations au sein du Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA), y voyant les signes inquiétants d'un retour aux pratiques du "parti-État".
"Nous sommes en train de vivre un retard de 60 ans", a déclaré l'analyste politique, faisant référence aux premières années post-indépendance marquées par la primauté du parti sur l'État. Selon lui, les pratiques actuelles rappellent dangereusement la période des relations entre Senghor et Mamadou Dia, où le parti devait d'abord se réunir avant toute décision étatique.
Le président de Legs Africa a particulièrement insisté sur l'inadéquation de ces méthodes avec les aspirations démocratiques modernes. "Dans une démocratie moderne comme celle à laquelle nous aspirons, il est inacceptable de dire que ce projet c'est mon projet, c'est moi qui l'applique au détriment de tout le reste", a-t-il souligné, rappelant que le président de la République est élu par l'ensemble des citoyens et non uniquement par les membres de son parti.
Cette dérive vers des pratiques partisanes dans la gestion de l'État constitue, selon Elimane Kane, une menace pour la construction d'institutions véritablement républicaines et impersonnelles. Il a appelé à un retour rapide aux principes fondamentaux de la République, où chaque Sénégalais doit être "considéré au même pied d'égalité".
L'expert a également mis en garde contre les conséquences de cette situation sur le débat public, notant une montée inquiétante de la violence verbale sur les réseaux sociaux et un risque d'ingouvernabilité si ces pratiques persistent.
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LE MBALAX EST EN DÉCLIN ET C'EST BIEN AINSI
Faute d’industries culturelles, les musiques sénégalaises peinent à s’exporter hors du pays. Youssou Ndour grâce à son intelligence musicale a réussi à sortir le mballax du Sénégal, mais cette musique est en «en fin de cycle» d’après l’artiste Cheikh Sow-
Anthropologue et artiste multidimensionnel, Cheikh Tidiane Sow est récemment rentré de Bordeaux, où il est établi, pour participer à Dakar à la première édition du festival Africa Diaspora. En marge de cet événement, l’artiste a répondu aux questions d’Africa Globe TV, mettant l’accent sur le manque d’industries culturelles en Afrique et soulignant que la musique traditionnelle sénégalaise est en perte de vitesse face à d’autres styles émergents dans le pays.
Très peu de pays africains disposent de véritables industries culturelles capables de promouvoir leurs créations hors du continent, à l’exception notable du Nigeria. Au Sénégal, pendant des décennies, grâce au génie de Youssou N'Dour, un modèle économique s’est construit autour du « mbalax ».
Cependant, selon Cheikh Tidiane Sow, cette musique sénégalaise est aujourd’hui en fin de cycle. Il estime néanmoins que ce déclin du « mbalax » pourrait être une bonne chose, car il ouvre la voie à l’émergence d’autres styles musicaux. Malgré tout, Youssou N'Dour a su continuer à faire vivre sa musique en l’adaptant au public étranger. Il revient désormais aux autres artistes de marcher dans les pas du « roi du mbalax »æ
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IL FAUT DIVISER LE PANAFRICANISME
Tous les panafricanismes ne sont pas logés à la même enseigne. Il y aurait de bons et de mauvais, selon le président de la Ligue panafricaine Umoja, M. Sidibé, qui a pris soin de classer Macky Sall, Diomaye Faye et Ouattara dans ces catégories.
Généraliser au Sénégal l’enseignement de l’anglais, langue stratégique dans le monde d’aujourd’hui, est une initiative fort louable des nouvelles autorités sénégalaises. Cependant, pour la Ligue panafricaine Umoja, il est tout aussi important d’inculquer dès le plus jeune âge les valeurs et principes du panafricanisme dans l’esprit des enfants. C’est l’avis exprimé par le coordonnateur de cette organisation panafricaine, Hamidou Sidibé.
M. Sidibé a récemment exprimé cette position devant la caméra d’AfricaGlobe Tv en marge d’un panel organisé dans le cadre de la première édition d’Africa Diaspora Festival. Dans cette entrevue, il a plaidé pour une redéfinition du véritable panafricanisme, car, selon lui, il existe aujourd’hui de faux panafricanistes qui dénaturent le concept par leur manière de faire qui ne sert pas les peuples d’Afrique, mais les intérêts exogènes.
Ainsi, d’après Hamidou Sidibé, parmi ceux qui se revendiquent panafricanistes sur le continent, il y a une distinction claire à faire entre la bonne graine à préserver et l’ivraie à écarter, qu’il considère comme nuisible au progrès panafricain. L’invité d’AfricaGlobe Tv estime qu’il est urgent de trier ces deux catégories et de reléguer l’ivraie dans la poubelle de l’histoire.
Dans sa classification, Hamidou Sidibé place des figures politiques comme Ousmane Sonko et Diomaye Faye ainsi que les dirigeants de l’Alliance des États du Sahel (AES) dans un camp, puis Macky Sall et Alassane Ouattara et Cie dans un autre.
Découvrez son analyse complète sur Africa Globe TV.
Africa Diaspora Festival est un événement initié par le journaliste et critique d’art Alassane Cissé. La première édition s’est tenue les 28 et 29 décembre 2024 à la Maison de la Culture Douta Seck.
Le festival a permis de rassembler de grands artistes africains et ceux de sa diaspora, ainsi que des acteurs de la société civile, du développement, et des chercheurs, afin de discuter et d’apporter leur soutien à l’unité africaine et au renforcement du panafricanisme grâce à la culture.
Pour l’initiateur du festival, « la souveraineté n’est pas seulement économique et alimentaire, mais aussi éditoriale et culturelle ». De nombreuses prestations ont été offertes au public lors de la nuit du 28 décembre par différents artistes.
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PLUS DE CULTURE, ENGENDRE MOINS DE CONFLITS
Si les régions sont moins servies, à Dakar, les événements culturels s'enchaînent non-stop. Pour le journaliste Alassane Cissé, c'est une bonne chose, car on ne se lasse jamais de culture. A contrario, cela apaise et garantit, peu ou prou, la paix sociale
Du 28 au 29 décembre 2024 s'est tenue à la Maison Douta Seck de Dakar la première édition de l'Africa Diaspora Festival. Un événement initié par le journaliste et critique d'art Alassane Cissé, par ailleurs promoteur du journal Patrimoine, qui se consacre à la culture. Interviewé en marge du festival, Alassane Cissé a expliqué que ce festival a pour objectif de mobiliser des artistes et intellectuels d'Afrique et de sa diaspora, la société civile et des acteurs du développement autour d'une même plateforme afin de contribuer à l'unité africaine par la culture.
Alors que la souveraineté est devenue le maître mot du nouveau régime en place à Dakar et dans certains pays de la sous-région, comme ceux de l’AES, Alassane Cissé a soutenu que la souveraineté n’est pas seulement alimentaire et économique, mais aussi culturelle et éditoriale. Donc ce rendez-vous culturel s’inscrit aussi dans cet élan de souveraineté retrouvée par certains pays de la région à travers un nouveau leadership a la tête des États.
Ainsi, des participants sont venus des cinq continents pour prendre part à cette première édition de ce festival tenu à la Maison de la Culture Douta Seck de Dakar. Des Africains, artistes et universitaires ont répondu présents.
Le 28 décembre, premier jour du festival, le public a eu droit à un concert de différents artistes présentant des rythmes musicaux variés, agrémenté du spectacle de Laye Ananas en hommage aux militaires victimes du Camp Thiaroye. Ce spectacle époustouflant a été ponctué par des acrobates des The Lions, qui ont donné des frissons aux spectateurs.
Pour Alassane Cissé, il s'agit aussi d'amener sa génération à accomplir sa mission dans le sillage de ce que le panafricaniste guadeloupéen Frantz Fanon avait indiqué.
L’Institut culturel italien a accueilli une exposition off dans le cadre du Dak’Art 2024, qui s’inscrit également dans le Parcours. Le projet, intitulé « Souvenirs d’Italie », met en lumière trois jeunes artistes prometteurs ayant la particularité d’être Italiens tout en étant d’origine africaine : Binta Diaw, Adji Dieye et Delio Jasse.
Leurs créations, présentées de manière collective, explorent des thématiques telles que la mémoire, la post-colonialité et l’émigration. La sélection des artistes a été réalisée par Eugenio Viola, l’un des commissaires d’exposition italiens les plus influents à l’international, actuellement basé en Colombie.
Selon la directrice de l’Institut, Serena Cinquegrana, « grâce à la culture et à l’art, Italiens et Sénégalais peuvent mieux se connaître et se rapprocher ».
LA CAPITALE INTROUVABLE DE L'EMPIRE MALIEN
De la Guinée au Sénégal en passant par le Mali actuel, chaque pays d'Afrique de l'Ouest revendique avoir abrité cette cité mythique. Pourtant, malgré des décennies de recherches, son emplacement exact reste aujourd'hui un mystère
(SenePlus) - Dans un article fouillé, Le Monde revient sur l'une des plus grandes énigmes de l'histoire médiévale africaine : la localisation de la capitale de l'empire du Mali, cette puissance qui rayonna du XIIIe au XVIIe siècle sur une grande partie de l'Afrique de l'Ouest.
La description qu'en fait le célèbre voyageur Ibn Battuta évoque une cité médiévale prospère, dotée d'une mosquée, d'un palais, d'entrepôts et d'un quartier réservé aux étrangers. Les échanges commerciaux y étaient florissants, reliant la ville à Sijilmassa au Maroc et au Caire, mais aussi au sud du Sahel. On y négociait or, sel, cauris et céramiques dans des fours à poterie actifs.
Pourtant, comme le confirme l'archéologue malien Mamadou Cissé cité par Le Monde, "au stade actuel des connaissances, je ne peux pas déterminer l'emplacement de la capitale de l'empire du Mali". Cette disparition s'explique en partie par les matériaux de construction utilisés : le banco, un mélange de terre et de paille particulièrement vulnérable à l'érosion.
L'empire malien continue de fasciner les chercheurs, notamment pour sa richesse légendaire incarnée par Mansa Moussa, son dirigeant du XIVe siècle, dont la fortune est aujourd'hui comparée sur les réseaux sociaux à celle des milliardaires contemporains.
La quête de cette capitale perdue a donné lieu à de multiples théories. L'historien français Hadrien Collet parle même d'"obsession". Si l'anthropologue Claude Meillassoux a proposé l'est du Sénégal, c'est la ville de Niani en Guinée qui s'est longtemps imposée comme hypothèse privilégiée.
L'historien malien Doulaye Konaté rappelle le contexte politique de ces recherches : "À l'indépendance, les Républiques malienne et guinéenne ont voulu établir un lien avec la mémoire prestigieuse du sultanat". Modibo Keïta, premier président du Mali, revendiquait ainsi une filiation avec Soundiata Keïta, le fondateur de l'empire.
Une nouvelle piste a été proposée en 2021 par l'historien François-Xavier Fauvelle, qui identifie une zone au nord-est de Ségou, au Mali, décrite comme un "seuil" entre mondes islamique et païen, désertique et fluvial. Malheureusement, l'insécurité dans la région empêche toute fouille archéologique.
Cette recherche a néanmoins fait progresser la connaissance historique. Elle a notamment permis de remettre en question certaines idées reçues. Ainsi, comme le souligne Doulaye Konaté, "il semblerait que 'l'empire mandingue' était en fait très multiculturel, tant à son époque que dans ses héritages". Les chercheurs ont également découvert que la prospérité de l'empire reposait autant sur l'agriculture et l'artisanat que sur le commerce transsaharien.
La capitale pourrait même n'avoir jamais existé sous la forme imaginée, certains chercheurs évoquant la possibilité d'une cour itinérante, remettant ainsi en question une vision peut-être trop européenne du pouvoir médiéval africain.
LE CONTINENT AFRICAIN PRISONNIER DE SES VISAS
Pour la journaliste Marie de Vergès, "plus de soixante ans après les indépendances, l'Afrique aurait davantage à gagner à s'ouvrir à elle-même, plutôt qu'à protéger des frontières tracées par les colons européens il y a cent quarante ans"
(SenePlus) - Dans une chronique publiée le 9 janvier 2025 dans Le Monde, Marie de Vergès dresse un constat alarmant de la circulation des personnes sur le continent africain, révélant les nombreux obstacles qui entravent encore la mobilité des Africains au sein de leur propre continent.
Alors que le Ghana vient d'ouvrir ses frontières sans visa aux détenteurs de passeports africains depuis le début de l'année 2025, cette décision apparaît comme une exception notable. Selon la chronique, seuls quatre autres États sur les cinquante-quatre que compte le continent - le Bénin, la Gambie, le Rwanda et les Seychelles - accordent une telle exemption aux ressortissants africains.
Cette situation paradoxale n'épargne personne, pas même les plus influents. Le magnat nigérian Aliko Dangote, présenté comme l'homme le plus riche d'Afrique, s'en est publiquement plaint lors d'un forum économique au Rwanda en mai 2024 : "En tant qu'investisseur qui souhaite faire prospérer l'Afrique, je dois demander trente-cinq visas différents", a-t-il déclaré, soulignant l'absurdité de devoir "déposer [son] passeport dans les ambassades" malgré son statut d'investisseur majeur présent dans dix-huit pays du continent.
La chronique met en lumière des situations particulièrement aberrantes, comme celle des deux Congo. Les habitants de Brazzaville et de Kinshasa, dont les capitales ne sont séparées que par vingt minutes de traversée en ferry sur le fleuve Congo, doivent présenter passeport et visa pour se rendre d'une rive à l'autre.
Certes, des progrès ont été réalisés, comme le note Marie de Vergès. Selon l'indice d'ouverture en matière de visas de la Banque africaine de développement, le nombre de pays proposant des visas électroniques est passé de moins de dix à vingt-six depuis 2016. Des espaces de libre circulation existent également au sein de certains blocs régionaux, comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.
Pourtant, les obstacles demeurent nombreux. La chroniqueuse cite notamment "les critères d'éligibilité flous, la paperasserie, les longs délais de traitement" qui compliquent l'obtention des visas. Cette situation a des répercussions économiques majeures : le commerce intra-africain ne représente que 15 % des échanges commerciaux du continent.
Une solution existe pourtant sur le papier. En 2018, l'Union africaine a adopté un protocole visant à permettre aux Africains de voyager sans visa dans n'importe quel pays du continent pour une durée maximale de quatre-vingt-dix jours. Mais la chronique révèle que sur les trente-deux pays signataires, seuls quatre l'ont ratifié (Mali, Niger, Rwanda et Sao Tomé-et-Principe), bien loin des quinze ratifications nécessaires pour son entrée en vigueur.
Les réticences des États s'expliquent par diverses craintes : concurrence sur le marché du travail, augmentation de la contrebande et de la criminalité, ou encore propagation des maladies. Mais comme le conclut la journaliste du Monde, "plus de soixante ans après les indépendances, l'Afrique aurait davantage à gagner à s'ouvrir à elle-même, plutôt qu'à protéger des frontières tracées par les colons européens il y a cent quarante ans."
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
ANNETTE MBAYE D’ERNEVILLE, UNE PHARAONNE BÂTISSEUSE
EXCLUSIF SENEPLUS - Enseignante, journaliste et écrivaine, elle incarne l’engagement artistique de manière universelle, tout en déployant l’univers africain comme la source de son inspiration
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La tonalité poétique d’Annette Mbaye d’Erneville est absolue, vivante et vibrante. Elle va puiser aux sources des rites africains pour en faire une bandoulière perlée d’intensité poétique et pour transmettre tout un legs initiatique.
Comme j’aime à le dire souvent, la poésie est un art esthétique fondateur dans la littérature. Elle est à l’origine de notre parole et de notre imaginaire sacré. Avec elle, nous transcendons tout notre héritage culturel fécond et nous sculptons des joyaux pour la postérité. La poésie est un son, elle est une image, elle est un rythme, elle est synonyme d’histoire et de savoirs et elle s’inscrit dans le langage.
Sans hésitation, on peut dire que la création littéraire d’Annette Mbaye d’Erneville appartient à cette catégorie, celle d’une passion poétique qui devient ici une représentation de notre narration symbolique et métaphorique.
Car la tonalité poétique d’Annette Mbaye d’Erneville est absolue, vivante et vibrante. Elle va puiser aux sources des rites africains pour en faire une bandoulière perlée d’intensité poétique et pour transmettre tout un legs initiatique. La sincérité avec laquelle l’auteur poétise nous emporte avec elle de manière immédiate, tout en caractérisant la continuité du langage poétique.
Avant-gardiste de la scène littéraire sénégalaise, Annette Mbaye d’Erneville possède un talent singulier, fait de justesse, de classicisme et d’audace. Sa poésie est l’expression de la vie, de ses déceptions, de ses joies, du souvenir qui surgit douloureusement, de la beauté des rituels, comme une ronde cosmique qui se reforme à chaque étape.
Le style est structuré par une langue imaginative et puisée dans la symbolique africaine. C’est aussi le langage de l’espoir qui prend source dans la figure de la liberté et qui tambourine que « l’Afrique est debout et va vers la lumière. »
Mais c’est aussi une poésie du combat contre l’oppression de l’homme à l’homme, ou encore de l’homme à la femme, qui fouille la mémoire pour dire des « mots de feu » pour éteindre à jamais les flammes de l’injustice et faire revivre une « aïeule guinéenne que tu ne connais pas ».
Elle traduit encore la tendresse pour les femmes qui ont acquis la liberté de « la solitude des nuits d’hiver ». Elle partage son émotion quand « l’exil [est] trop lourd au cœur gourmand de nos vingt ans ».
La poésie d’Annette Mbaye d’Erneville est rare car elle rassemble émotion et combativité, féminisme et union des cœurs, valeurs sacrées et modernité. C’est ce cheminement de rupture transcendante qui fait la puissance et la beauté du chant poétique d’Annette Mbaye d’Erneville.
« Gawlo ! … chante cet homme nouveau
Jeunes filles aux seins debout
Clamez son nom au vent.
Selbé N’Diaye, fais danser ce petit homme.
Tu es un homme, mon fils.
Tu es un homme ce soir.
Ils sont tous là :
Ceux de ta lune première
Ceux que tu nommes pères.
Regarde, regarde-les bien :
Eux seuls sont gardiens de la terre
De la terre qui a bu ton sang
Extrait de « Kassak », Kaddu, Nouvelles éditions Africaines, 1966
Annette Mbaye d’Erneville, née en 1926 à Sokone au Sénégal, est une figure exceptionnelle de longévité dans la poésie négro-africaine. Enseignante, journaliste et écrivaine, elle incarne l’engagement artistique de manière universelle, tout en déployant l’univers africain comme la source de son inspiration. Sa résidence à Dakar représente un lieu littéraire majeur pour tous les écrivains de passage dans le pays. Ses combats en faveur des femmes font d’elle une personnalité très moderne au sein de la communauté littéraire. Son verbe poétique allié à son éloquence investie de justice humaine est une combinaison remarquable qui marque l’histoire littéraire africaine comme un éclat qui continue de briller dans le flambeau de notre civilisation et de notre renaissance.
Le nouveau pouvoir remet en cause le principe de neutralité administrative, considérant certains hauts fonctionnaires comme trop liés à l'ancien régime. Une volonté de rupture qui suscite inquiétudes et controverses au sein de l'appareil d'État
Le Sénégal est en proie à une profonde mutation administrative. Les récents changements politiques ont relancé un débat houleux sur l'impartialité des fonctionnaires et le rôle de l'Administration dans la société. Les accusations de politisation de l'État, portées notamment par la presse, ont mis en lumière les tensions entre la volonté de rupture et la nécessité de préserver une Administration efficace et neutre. Alors que le nouveau régime cherche à imprimer sa marque, les questions se multiplient quant aux critères de sélection des agents publics et aux conséquences de ces choix sur la qualité des services rendus.
La question de l'impartialité au sein de l'Administration publique sénégalaise a été récemment relancée par les médias, dans un contexte politique marqué par des tensions. Les accusations portées à l'encontre de certains fonctionnaires ont ravivé le débat sur leur rôle et leur indépendance. Alors qu'un nouveau régime vise à instaurer un changement, des opinions divergentes se confrontent, souvent teintées de ressentiment et de manipulations.
Récemment, les médias ont soulevé un tollé en désignant plusieurs dirigeants du secteur énergétique comme des ‘’figures du système Macky Sall’’. Cette dénonciation a aussi bien suscité des applaudissements que des critiques virulentes. Les partisans de la nouvelle administration, notamment ceux du parti Pastef, saluent la volonté de séparer les partisans du passé des nouvelles dynamiques nécessaires à la construction d’un Sénégal nouveau.
En revanche, d'autres considèrent cette politique de ‘’purification’’ comme dangereuse pour le bon fonctionnement de l’Administration.
Pour les partisans de Pastef, l’heure n’est plus à la cohabitation avec ceux qui ont, par le passé, été perçus comme des obstacles à la mise en œuvre d'une gouvernance nouvelle. Ils soutiennent que l’Administration publique doit être composée de personnalités qui croient profondément aux nouvelles orientations politiques. Cette position traduit une volonté affirmée d'assainir le paysage administratif, de manière à ne plus laisser de la place à ceux qui pourraient freiner des initiatives jugées nécessaires à l'épanouissement du pays.
Dans cet esprit, les militants de Pastef soulignent la nécessité d'un changement radical, affirmant que les choix passés de certains fonctionnaires, notamment ceux ayant servi le régime précédent, doivent être réexaminés.
Loin de constituer un appel à la chasse aux sorcières, il s'agit d'une démarche perçue comme essentielle pour instaurer une confiance résolue entre le peuple, le gouvernement et l'Administration.
Cependant, cette approche, si elle est soutenue par une part significative de la population, suscite des questionnements quant à ses implications. L’exclusion systématique de fonctionnaires basés sur leur passé peut engendrer un climat de méfiance au sein de l’appareil d'État, nuisant à la continuité et à l'efficacité des services publics.
Les critiques émergent, notamment autour de la question de savoir si l'efficacité des services peut véritablement se fonder sur des affiliations politiques ou si elle ne devrait pas reposer davantage sur la compétence et l'intégrité des agents en place. Les récentes réalisations dans le secteur énergétique témoignent du fait que de nombreux hauts fonctionnaires ont accompli leur devoir avec loyauté, indépendamment des affiliations politiques.
Pour certains militants moins exigeants et partisans, cette démarche ne vise pas à instaurer une chasse aux sorcières, mais plutôt à garantir une Administration dynamique et efficace, capable de répondre aux défis actuels. La sélection des fonctionnaires devrait se baser sur le mérite, la compétence et l'engagement professionnel.
En procédant de la sorte, l'État peut non seulement renforcer son fonctionnement, mais aussi rétablir la confiance du public envers son Administration.
Conséquences de l'impartialité dans l'Administration
L'Administration sénégalaise a longtemps été perçue comme un bastion de continuité, transcendant les changements politiques. Les fonctionnaires, qu'ils soient hauts cadres ou simples agents, se sont souvent adaptés aux besoins des différents régimes.
Cependant, l'arrivée de Pastef a amorcé un changement de paradigme : ceux qui ne partagent pas les valeurs du nouveau régime se voient souvent exclus, ce qui constitue une dérive inquiétante. Fary Ndao, un acteur engagé, a partagé son inquiétude sur cette tendance, arguant que l'Administration doit rester un patrimoine commun, au service de tous, sans considération d'appartenance politique.
Dans une lettre ouverte adressée au ministre de l'Énergie Birame Soulèye Diop, l’inspecteur Abdoulaye Sylla dénonce les attaques ad hominem dont sont victimes les professionnels du secteur. Il argumente que la désignation de certains fonctionnaires comme ‘’infréquentables’’ à cause de leurs liens passés avec le régime de Macky Sall n'est pas seulement infondée, mais constitue également une menace pour l’intégrité de l’Administration. Ces accusations, à son sens, relèvent plus de la délation que d'une véritable analyse critique.
Pour certains citoyens, l'ascension du discours irascible de certains médias et de militants met en lumière un phénomène préoccupant. Les dénigrements sans fondement visent à créer un climat de peur et de méfiance.
À cet effet, il est essentiel, pour ces premiers, de rappeler que le journalisme doit être un outil de conscientisation et non un instrument de destruction des réputations. Les organes de régulation de la presse comme le CNRA et le Cored, doivent s’intéresser de près à ces dérives pour préserver la démocratie sénégalaise.
Le débat sur l’intégrité des fonctions publiques
Le débat sur l’intégrité des fonctionnaires est complexe. Certains citoyens soutiennent que le ministre Birame Soulèye Diop prend ses décisions en se basant sur la compétence et l’expérience de ses collaborateurs, indépendamment de leur passé politique. En ce sens, chaque fonctionnaire, qu'il soit sous l'égide d'un ancien ou d'un nouveau régime, doit être évalué sur ses résultats et sa loyauté envers l'État.
Pour cet officier d’état civil qui a servi pendant 25 ans avec plusieurs maires de différents régimes, il est impératif de reconnaître que parmi les fonctionnaires, il existe une majorité d'agents apolitiques, dédiés à leur travail et qui ne sont affiliés à aucun parti politique. ‘’Ces professionnels s’efforcent de servir l’Administration avec loyauté, quel que soit le régime en place. Leur engagement envers le service public est souvent fondé sur une éthique professionnelle solide et un désir sincère de contribuer au développement du pays. Ils incarnent un maillon essentiel à la continuité et à l’efficacité de l’Administration, reflétant ainsi une véritable impartialité dans l’exercice de leurs fonctions’’.
Il estime donc que la question de la compétence au sein de l’Administration demeure cruciale. ‘’Il est indéniable que certains postes ont été pourvus sur la base de considérations politiques, souvent au détriment de l’efficacité et de la performance. Dans cette optique, il devient nécessaire de réévaluer les qualifications des agents qui, en raison de leur recrutement fondé sur des quotas politiques ou des affiliations partisanes, ne répondent pas aux exigences de leurs fonctions. Ces individus, qui manquent de compétences nécessaires pour gérer des responsabilités stratégiques, doivent être remplacés’’.
En somme, un renouvellement basé sur l’efficacité et la compétence doit aller de pair avec la reconnaissance du dévouement des fonctionnaires apolitiques qui constituent la colonne vertébrale de l'Administration sénégalaise. L’équilibre entre navigation dynamique vers la performance et respect des valeurs de service public sera déterminant pour édifier une Administration au service de tous les Sénégalais, indépendante des influences politiques.
LA MÉMOIRE COMPLEXE DES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS
"Traîtres" ou "héros ?" Ces soldats, qui ont combattu sous le drapeau français, incarnent les paradoxes de l'histoire coloniale. L'enjeu est de construire un récit national sans tomber dans le giège d'une lecture uniquement héroïque ou accusatrice
(SenePlus) - Le récent limogeage de Cheikh Oumar Diagne, le 31 décembre 2024, après avoir qualifié les tirailleurs de "traîtres", révèle les tensions profondes qui entourent la mémoire de ces soldats africains. Selon Le Monde, cette polémique illustre la complexité d'un héritage colonial qui continue de diviser la société sénégalaise.
La figure du tirailleur cristallise des perceptions contradictoires. D'un côté, ces hommes sont célébrés comme des héros ayant payé un lourd tribut, notamment lors du massacre de Thiaroye en 1944, où des dizaines, voire des centaines de soldats africains furent tués par l'armée française alors qu'ils réclamaient leur solde. De l'autre, leur participation à la répression coloniale soulève des questions délicates : ils ont été déployés pour mater des soulèvements à Madagascar, au Maroc, en Algérie et au Cameroun.
"Après les indépendances, ils ont pu être considérés de manière négative", explique l'historien Martin Mourre au Monde. Cette ambivalence se reflète dans le témoignage poignant de N'Dongo Dieng, ancien tirailleur, qui évoque son malaise lors de son déploiement en Algérie, confronté à d'autres musulmans "comme nous".
L'historien Pape Chérif Bertrand Bassène souligne la nécessité de dépasser les jugements simplistes : "Héros, traîtres, victimes, il est de toute manière restrictif de résumer ainsi ce que furent les tirailleurs." Il rappelle notamment que certains d'entre eux étaient d'anciens esclaves "rachetés" par la France, complexifiant encore leur statut.
Le chantier mémoriel lancé par le président Bassirou Diomaye Faye, incluant une commission sur Thiaroye et un conseil national de la mémoire, s'annonce donc délicat. "Un tel chantier mémoriel ne peut pas se faire sans débats et oppositions", affirme Bassène, citant les paradoxes inhérents à ce travail : le pont Louis Faidherbe à Saint-Louis, symbole colonial contesté, rappelle que cet administrateur s'appuyait lui-même sur des tirailleurs.
Cette complexité se retrouve même dans la célébration des héros nationaux. Bassène évoque le cas de Fodé Kaba : "Pour beaucoup, c'est un grand résistant, mais dans bien des villages de la Casamance, c'est un homme autoritaire arrivé là par la conquête."
La récente reconnaissance par la France du "massacre" de Thiaroye, qualifié par le ministre Jean-Noël Barrot de "plaie béante dans notre histoire commune", marque une étape importante. Mais elle souligne aussi la nécessité d'un dialogue approfondi sur cette histoire partagée, alors que le Sénégal s'engage dans une redéfinition de ses relations avec son ancienne puissance coloniale.
Ce travail de mémoire, nécessairement complexe et parfois contradictoire, devra, selon Bassène, s'appuyer sur les historiens et les universités pour éviter les écueils d'une vision simplificatrice du passé. L'enjeu est de taille : construire un récit national qui fasse justice à la complexité de cette histoire, sans tomber dans les travers d'une lecture uniquement héroïque ou accusatrice.