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2 avril 2025
Société
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ILS ONT RENDU À L’AFRIQUE SA GRANDEUR
Réhabilitateurs de la véritable histoire de l’Afrique, les professeurs Barry et Bathily sont, de l’avis de Penda Mbow, les dignes continuateurs de l’œuvre de Cheikh Anta Diop, de Joseph Ki-Zerbo et de leurs pairs, qui en furent les pionniers.
Le département d'histoire de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) a récemment rendu un hommage mérité aux professeurs Abdoulaye Bathily et Boubacar Barry, deux historiens engagés qui ont contribué non seulement à former des générations d’historiens, mais aussi à exhumer la véritable histoire de l’Afrique, loin des conceptions impérialistes européennes qui ont longtemps été imposées aux Africains sur ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été. Penda Mbow, historienne médiéviste, est un témoin privilégié du parcours de ces chercheurs aux patronymes assonants et rimant.
Ce n’est un secret pour personne : l’Occident a longtemps falsifié l’histoire de l’Afrique, sans laquelle celle de l’Occident n’existerait même pas, puisque, jusqu’à preuve du contraire, l’Afrique demeure le berceau de l’humanité et des vieilles civilisations, dont certains pans ont été appropriés par d’autres peuples du monde.
Il aura fallu qu’à une certaine époque, des Africains courageux et engagés s’investissent dans la recherche et déconstruisent ce tissu de mensonges (beaucoup trop répétés au point de sembler vrais) pour qu’on cesse de raconter l’histoire de la chasse uniquement du point de vue du chasseur. C’est à cette mission que se sont consacrés des géants comme Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo et bien d’autres historiens. En réhabilitant l’histoire du continent, ils ont posé les jalons sur lesquels les générations suivantes ont pris dignement le relais. Boubacar Barry et Abdoulaye Bathily s’inscrivent dans cette lignée.
C’est en reconnaissance de leur immense contribution à une meilleure connaissance et compréhension de l’Afrique et des Africains que ces chercheurs ont reçu ces hommages, de leur vivant. Ce fut l’occasion de les mettre au-devant de la scène et de souligner combien leurs travaux ont permis à l’Afrique de se révéler à elle-même. Car il faut savoir qui l’on est pour ambitionner d’aller où l’on veut.
Lorsqu’on aspire à construire l’unité de la sous-région et du continent tout entier, étudier les travaux de Bathily et Barry est un impératif dont on ne peut se détourner. Ils ont notamment étudié les anciens royaumes et empires de l’Afrique de l’Ouest, comme le Ngabou, le Walo ou encore le Ouagadou (Sénégal), entre autres.
Dans cette entrevue exclusive, Penda Mbow, historienne elle-même, explique la pertinence de célébrer ces deux enseignants-chercheurs, cample le contexte dans lequel Bathily et Barry ont exercé leur sacerdoce et la manière dont ils ont restauré l’histoire de l’Afrique en lui rendant sa grandeur. Avec une précision chirurgicale, la cadete détaille en quoi chacun de ces deux scientifiques, qui sont ses devanciers, ont contribué à élever l’Afrique, à la suite de figures emblématiques comme Cheikh Anta Diop et Joseph Ki-Zerbo.
LA RACINE DU MAL
Après Babacar Ngom sur les terres de Ndingler, Tahirou Sarr est l'autre homme d'affaires sénégalais poursuivi par la clameur, pendant que les étrangers, eux, jouissent sans grand bruit de milliers d'hectares
Après Babacar Ngom sur les terres de Ndingler, Tahirou Sarr est l'autre homme d'affaires sénégalais poursuivi par la clameur, pendant que les étrangers, eux, jouissent sans grand bruit de milliers d'hectares.
L'affaire Tahirou Sarr a eu le mérite de remettre sur la table la lancinante question de la gestion du foncier au Sénégal. Placé sous mandat de dépôt, notamment pour escroquerie sur les deniers publics et blanchiment de capitaux, l'homme d'affaires réputé être proche de l'ancien régime aurait proposé au juge un cautionnement estimé à plusieurs dizaines de milliards, dont un titre de 8 000 ha, qui a suscité une vive controverse. Comment une seule personne peut bénéficier d'une superficie aussi importante ? Avant Tahirou Sarr, un autre homme d'affaires sénégalais, en l'occurrence le PDG de la Sedima, Babacar Ngom, avait lui aussi fait l'objet de vives critiques de la part des populations. Leur tort, souvent, c'est de bénéficier de quantités importances de terres, au moment où nombreux sont les Sénégalais qui peinent à disposer même d'un petit lopin à usage d'habitation. Mais pourquoi seuls les investisseurs nationaux sont-ils victimes de ces contestations ? Sont-ils les seuls à profiter de ces hectares de terres arables ? La loi interdit-elle d'attribuer autant d'hectares à une seule personne ? ‘’EnQuête’’ fait le point.
Il y a seulement quelques jours, le ministère de l'Agriculture, Dr Mabouba Diagne, publiait sur sa page Facebook un MOU signé avec la société italienne Boniface Ferraresi International. “Ce partenariat ambitieux s’inscrit dans la mise en œuvre du Plan Diomaye pour la Casamance, avec pour objectif de transformer la région de Sédhiou en un pôle agricole intégré. Sur plus de 10 000 ha, ce projet vise à développer l’agriculture, l’élevage et la pisciculture”, informent les services de Dr Mabouba Diagne.
Pour justifier la signature de cet accord, le ministère invoquait la “nécessité impérieuse” de réduire les 1 070 milliards F CFA dépensés chaque année par le Sénégal en importations de denrées alimentaires. Soulignant que l'investissement devait tourner autour de 134 millions d'euros, le ministre relevait que la collaboration devait commencer ”immédiatement”.
Avant les Italiens, d'autres investisseurs étrangers ont eu à bénéficier de l'octroi de milliers de terres dans la zone des terroirs. Mais à la différence des attributions faites en faveur des nationaux, cela passe très souvent comme lettre à la poste. C'est le cas des 20 000 ha attribués à la société Sen Huile Sen Ethanol devenue Les Fermes de la Teranga et qui est passée entre plusieurs mains avant d'atterrir dans celles du sulfureux homme d'affaires roumain Franck Timis, nous informait le journaliste Abdoulaye Cissé dans une enquête publiée en janvier 2021. Là également, on parlait d'un projet agricole, plus précisément de culture de luzerne destinée principalement à nourrir le bétail dans les marchés arabes. La liste des investisseurs ayant bénéficié de ces attributions est loin d'être exhaustive. Et c'est loin d'avoir commencé sous le régime du président Macky Sall ou de son prédécesseur Abdoulaye Wade.
D'ailleurs, à propos des 8 000 ha de Tahirou Sarr, il se dit qu'il les aurait acquis de l'écrivain et ancien ministre du Plan sous le régime socialiste Cheikh Hamidou Kane. Activiste proche des milieux de l'Alliance pour la République, Bah Diakhaté rapporte : “Il convient de préciser que ces terres ont été vendues publiquement par Cheikh Hamidou Kane, auteur de ‘L'aventure ambigüe’. Elles ont été achetées publiquement par Tahirou Sarr. Cela n'a donc pas été fait en cachette.”
Une longue tradition d'accaparement des terres
Dans un article publié au cœur de l'affaire Ndingler, feu Amadou Tidiane Wane, ancien conseiller du président Abdou Diouf en développement rural, par ailleurs ingénieur agronome, confiait à ‘’EnQuête’’ qu'il avait tellement souffert de ce problème, surtout dans le delta. L'État, selon lui, avait pris 25 000 ha en son temps pour les donner à des inspecteurs généraux, des gouverneurs, des hauts fonctionnaires, des ministres, des gens qui n’étaient même pas de la région. Quand il a été président du Comité après-barrage, il a demandé à l'autorité de tout récupérer et de les rendre aux populations. Car, soulignait-il, ces terres n’appartiennent même pas à l’État, mais aux communautés. “En Conseil des ministres, le président nous avait donné raison et toutes les terres ont été restituées à qui de droit”, informait l'ancien président du comité ayant en charge les 240 000 ha du delta du fleuve.
Pourtant, le génie sénégalais avait trouvé, selon lui, une solution “géniale” pour concilier modernité et tenure coutumière de la terre par les populations. Par la loi 64-46 du 17 juin 1964, le Sénégal prenait la décision historique d’inscrire sous le régime du domaine national plus de 95 % de ses terres. De son vivant, M. Wane, également ancien maire de Kanel, s'est toujours positionné en défenseur invétéré de cette loi cible de nombreuses agressions et menaces. Il a toujours insisté sur l'inaliénabilité des terres du domaine national. ‘’Comme on dit : les terres du domaine national sont imprescriptibles et inaliénables. Il est totalement impossible de prendre une délibération au profit d’un particulier, de la transformer en bail en vue de donner un titre définitif à ce même particulier. Sur les terres du domaine national, on ne peut disposer que de l’usufruit en vue de l’exploitation. Et il y a des conditions pour en être bénéficiaire. Il faut, d’abord, habiter dans la commune ; ensuite, il faut une mise en valeur des terres. Enfin, on ne peut en faire un titre foncier. C’est strictement interdit par la loi 64-46 sur le domaine national ainsi que le décret 78-12’’.
Trouver le juste milieu entre préserver les terres et le besoin d'exploitation
Cela dit, la loi n'interdit pas l'attribution des terres à des particuliers capables de les mettre en valeur. Ce qui est formellement interdit, c'est de céder ces terres à des gens qui vont en faire leurs titres privés. Dans la pratique, l'État foule aux pieds cette interdiction et procède de manière abusive à l'immatriculation des terres à son nom. C'est ainsi la porte ouverte pour procéder ensuite à des attributions à des particuliers, souvent au détriment des communautés. L’esprit du domaine national, aimait dire Amadou Tidiane Wane, est surtout de réserver ces terres au bénéfice exclusif des communautés.
L’État, soulignait-il, ne doit pouvoir les immatriculer à son nom que s’il justifie d’un intérêt public. ‘’Si l’Administration a immatriculé ces terres en vue de les donner à un quelconque particulier, elle a outrepassé la législation. L’État ne peut immatriculer les terres du domaine national que pour un projet d’intérêt public : une route, un hôpital, une école, quelque chose qui va appartenir à l’ensemble de la population. On ne peut immatriculer pour un intérêt privé’’, confiait-il à ‘’EnQuête’’.
À la question de savoir si un projet ayant des retombées économiques ne pourrait pas être considéré comme un projet d’intérêt général justifiant la soustraction des terres au domaine national ? Il répondait trois fois non, avant de donner quelques exemples qu'il avait eus à gérer quand il était aux affaires. La solution qui avait été trouvée à l'époque, c'était de donner l'usufruit à l'investisseur et de l'obliger à associer les communautés au projet.
Quid de la responsabilité des fonctionnaires impliqués dans le processus d'attribution ?
Si certains spécialistes comme feu Amadou Tidiane Wane sont catégoriques sur l'impossibilité pour l'État d'immatriculer les terres du domaine national pour ensuite les attribuer à des privés, dans la pratique, les exemples font florès. Au cœur de cette procédure d'attribution, il y a la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD) qui est tenue de se prononcer sur l'opportunité, la régularité et les conditions financières de toute attribution, rappelait l'éminent spécialiste professeur Abdoulaye Dièye.
De l'avis de nombreux spécialistes, au cœur de la plupart des scandales fonciers, réels ou présumés, se trouve cette instance, où siègent un représentant du ministre des Finances qui préside la commission, le directeur de l'Enregistrement et des Domaines, le directeur des Affaires civiles et du Sceau pour le compte du ministère de la Justice, le directeur de l'Urbanisme et de l'Architecture, le DG de l'Anat, le directeur du Cadastre, le contrôle financier de l'État et la Dscos, entre autres. Après la validation de cette commission, le directeur des Domaines établit une attestation et le chef du bureau des Domaines se chargera des autres formalités qui seront approuvées par l'autorité administrative compétente.
Selon de nombreux observateurs, l'État ne saurait sanctionner Tahirou Sarr dans l'affaire le concernant sans sanctionner ceux qui ont été impliqués dans le processus d'attribution.
LE PÉRIL POPULISTE MONDIAL
Hamidou Anne livre une analyse des mécanismes qui érodent les démocraties, du Sahel aux capitales occidentales. Son plaidoyer pour un Sénégal ouvert sur le monde mais fidèle à ses valeurs résonne comme un rempart contre les tentations du repli
Invité de l'émission BL6 animée par Pape Alioune Sarr ce dimanche 2 mars 2025, l'essayiste et politologue Hamidou Anne a livré une analyse de la montée inquiétante du populisme à l'échelle mondiale. Une menace qu'il considère comme le fil conducteur reliant les diverses crises internationales actuelles.
"Le populisme est une méthode qui dit qu'il faut ériger un rapport direct avec le peuple, qu'il faut céder aux injonctions du peuple, qu'il faut défendre les intérêts du peuple et qu'il n'y a pas d'intermédiaire," a expliqué Anne. Selon lui, ce phénomène politique se caractérise essentiellement par "l'ignorance des corps intermédiaires" et le contournement des institutions démocratiques.
L'intellectuel sénégalais a disséqué les deux visages du populisme contemporain. D'un côté, "le populisme de gauche" qui, s'inspirant des travaux d'Antonio Gramsci et d'Ernesto Laclau, intègre "les dimensions féministes, écologiques, les luttes décoloniales" en créant "une chaîne d'équivalence" entre ces différentes causes. De l'autre, le "populisme de droite autoritaire" qui promeut "une conception ethnique de la nation", comme en témoignent les mouvements d'extrême droite en Europe.
Cette grille de lecture populiste, Anne l'applique directement à la situation en Afrique de l'Ouest, où quatre pays de la CEDEAO sont aujourd'hui dirigés par des juntes militaires. "Ce qui m'a choqué, c'est surtout la résurgence de ces coups d'État et les masses sortant inonder les rues pour les saluer," a-t-il déploré, identifiant dans ce phénomène une dangereuse "normalisation" de l'autoritarisme sous couvert de discours anti-élites et anti-occidentaux.
Face à ces dérives, Hamidou Anne défend une vision résolument internationaliste du Sénégal, "terre ouverte à tous les apports fécondants du monde". Une position qu'il oppose directement aux replis identitaires promus par les mouvements populistes. "Le Sénégal est aujourd'hui un pays qui a envoyé ses fils partout... la pire des choses, c'est de se fermer totalement sur soi-même," a-t-il affirmé avec conviction.
Le politologue établi également des parallèles saisissants entre ces dynamiques africaines et les bouleversements internationaux, de l'élection de Trump avec sa "diplomatie transactionnelle" aux reconfigurations des alliances en Ukraine et à Gaza. Pour lui, ces crises s'inscrivent dans un même mouvement de remise en question de l'ordre international libéral.
"La démocratie est comme une fleur qu'il faut arroser au quotidien pour maintenir sa vitalité et sa verdure," averti Anne, appelant à une vigilance constante face à la montée des discours populistes qui menacent les fondements mêmes de nos sociétés démocratiques.
LE PAYS MESURE SA DÉPENDANCE À L'ÉTRANGER
Trois mille dossiers d'état civil en suspens à Djinaky, des programmes de santé compromis, un ambitieux projet d'électrification menacé : le pays découvre brutalement les conséquences de la suspension de l'aide américaine
(SenePlus) - La récente suspension de l'aide américaine, décidée par le président Donald Trump, a brutalement interrompu de nombreux programmes de développement dans le pays, mettant en lumière la dépendance du pays à l'assistance étrangère. Cette situation survient alors même que le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, prône un discours résolument souverainiste.
Le 20 janvier 2025, Donald Trump a signé un décret suspendant pour quatre-vingt-dix jours les programmes d'aide américains, notamment ceux de l'USAID. Comme le rapporte Afrique XXI, cette décision "radicale destinée à revoir les priorités de financement et à éliminer les dépenses jugées inefficaces" a créé "une onde de choc ressentie dans le monde entier, mettant à nu la dépendance de certains pays à l'aide étrangère."
En Casamance, région du sud du Sénégal longtemps marquée par un conflit qui a duré plus de quatre décennies, les conséquences sont particulièrement sévères. Le maire de Djinaky, Alphoussény Diémé, témoigne : "On ne s'y attendait pas... Ça nous est tombé dessus d'un coup." Dans sa commune, environ 3 000 dossiers d'état civil, principalement des demandes d'actes de naissance, sont désormais en attente. Ces documents concernent des personnes nées pendant le conflit, qui a débuté en 1982.
"Certains enfants sont très brillants à l'école, ils doivent passer leur certificat bientôt mais, sans acte de naissance, ils ne peuvent pas s'inscrire. C'est comme s'ils étaient apatrides," s'inquiète le maire, cité par Afrique XXI.
Le programme Aliwili, financé par l'USAID et mis en œuvre par plusieurs ONG en partenariat avec l'État sénégalais, jouait un rôle crucial dans le processus de paix en Casamance. Avec un budget total de 16 milliards de francs CFA (25 millions d'euros), il couvrait non seulement les questions d'état civil, mais aussi "la réinstallation des populations déplacées à travers la construction de centaines de logements, la réinsertion des anciens combattants et de leurs familles, et la réhabilitation de certaines infrastructures."
Henri Ndecky, responsable de la Coordination des organisations de la société civile pour la paix en Casamance (COSCPAC), explique dans Afrique XXI que "ce projet était la concrétisation du processus de paix entre l'État du Sénégal et la faction Jakaay du MFDC." L'accord de 2023 prévoyait que l'État s'engage en faveur de la réinsertion des combattants et du développement de la région, en échange du dépôt des armes.
"L'aide américaine avait rassuré sur la capacité de l'État à tenir ses engagements," précise Henri Ndecky. La suspension de cette aide soulève donc des inquiétudes quant à la pérennité du processus de paix, bien que Lamine Coly, coordinateur de l'Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du MFDC, exclue une remise en cause du processus.
Au-delà de la Casamance, c'est tout le Sénégal qui subit les conséquences de la suspension de l'aide américaine. Selon Afrique XXI, "des programmes de développement sont désormais à l'arrêt ou tournent au ralenti" dans l'ensemble du pays.
"En matière de santé publique, de nombreux centres de santé communautaires dépendant des subventions pour l'achat de médicaments et le recrutement de personnel peinent à maintenir leurs services," rapporte le magazine. Des programmes dans les domaines de l'éducation, de l'agriculture et de la bonne gouvernance sont également touchés.
L'ampleur de la dépendance du Sénégal à l'aide américaine est considérable : "sur les cinq dernières années, le Sénégal a reçu en moyenne 120 millions de dollars (114 millions d'euros) par an de l'USAID," sans compter les programmes financés par d'autres agences américaines. Le programme Senegal Compact Power, qui vise à améliorer l'accès à l'électricité pour près de 13 millions de personnes, représente à lui seul un investissement de 600 millions de dollars, dont 550 millions proviennent des États-Unis.
Face à cette situation, le Premier ministre Ousmane Sonko a réaffirmé sa vision souverainiste : "Doit-on continuer à dépendre de l'aide étrangère ? [...] Nous devons travailler dur à la mise en œuvre de nos programmes. Si nous faisons cela, nous serons cités, dans les années à venir, parmi les pays les mieux gérés."
Cette position n'est pas nouvelle. Comme le rappelle Afrique XXI, "depuis son entrée en politique, en 2014, et la création de son parti Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef), Ousmane Sonko défend un programme de rupture, fondé sur une réappropriation de la souveraineté politique, économique et monétaire du Sénégal."
El Hadj Abdoulaye Seck, économiste au Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp), un mouvement proche de Pastef, va plus loin : "C'est tout un modèle de développement qu'il faut revoir. Depuis l'indépendance, nos dirigeants ont cédé à la facilité de l'aide."
L'économiste rappelle que cette dépendance a un coût : "Non seulement ces prêts pèsent sur la dette, mais, de plus, ils sont assortis de conditions, tout comme les dons : des critères de gouvernance ou des réformes économiques qui ne sont pas adaptés à nos réalités et poussent les pays à renoncer à leur souveraineté."
Le programme Senegal Compact Power illustre cette problématique, puisqu'il prévoit une "restructuration" de la Sénélec, la société nationale d'électricité, et une "participation accrue du secteur privé" dans ce domaine stratégique.
Pour réduire cette dépendance, le gouvernement mise sur son Plan Vision 2050, "une feuille de route ambitieuse visant à renforcer l'autonomie économique du pays et à tripler le revenu par habitant d'ici à 2050." Le financement de ce plan repose sur plusieurs leviers : la croissance économique stimulée par l'exploitation des ressources pétrolières et gazières, une meilleure mobilisation des ressources fiscales, et la contribution de la diaspora.
Babacar Ndiaye, directeur de la Recherche et des publications du think tank sénégalais Wathi, analyse : "On peut considérer la suspension de l'aide états-unienne comme une chance pour le Sénégal si on suit la logique du nouveau gouvernement, car elle incite à mettre en pratique cette notion de souverainisme."
Cependant, Fadel Barro, cofondateur du mouvement citoyen Y en a marre, appelle à la prudence : "La question immédiate n'est pas de savoir s'il faut se passer ou non de l'aide, car il y a des gens qui se soignent et qui mangent grâce à l'aide." Pour lui, le Sénégal doit d'abord se concentrer sur des réformes internes pour construire un "État au service de la population."
Sa conclusion résume parfaitement le dilemme auquel fait face le pays : "Nous n'avons pas identifié quels sont nos besoins. Aujourd'hui, ce sont les bailleurs de fonds qui décident des priorités à la place des Africains et c'est leur liberté. Mais, nous, qu'est-ce qu'on fait ?"
L’ONU EXIGE UNE APPLICATION STRICTE DE LA LOI
Malgré l’interdiction de l’excision depuis plus de deux décennies, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été mutilées le 15 février dernier à Goudomp, dans la région de Sédhiou.
Malgré l’interdiction de l’excision depuis plus de deux décennies, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été mutilées le 15 février dernier à Goudomp, dans la région de Sédhiou. Face à cette violation grave des droits des enfants, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes dénoncent un recul inquiétant et appellent à l’application stricte de la loi pour mettre fin à cette pratique néfaste.
L’excision, pourtant interdite au Sénégal depuis plus de vingt ans, continue de sévir dans certaines communautés. Le samedi 15 février 2025, dans le département de Goudomp, région de Sédhiou, onze fillettes âgées de cinq mois à cinq ans ont été excisées collectivement. L’information, révélée par les services de protection de l’enfance et relayée par les agences onusiennes, a suscité une vive indignation.
Dans un communiqué publié le 21 février, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes dénoncent avec fermeté cet acte barbare, qui survient quelques jours seulement après la Journée internationale de tolérance zéro contre les mutilations génitales féminines (MGF). Ces organisations regrettent que, malgré les efforts du gouvernement et les avancées législatives, cette pratique persiste dans certaines régions, souvent avec la complicité de membres de la communauté.
Si aucune interpellation n’a encore eu lieu, les agences onusiennes saluent le travail des forces de l’ordre, des services de santé et des acteurs engagés dans la lutte contre les MGF.
Elles rappellent l’urgence d’appliquer la loi pour traduire en justice les auteurs et complices de ces crimes.
Un fléau aux conséquences dramatiques
L’excision est une atteinte grave aux droits fondamentaux des filles et des femmes. Ses conséquences physiques et psychologiques sont profondes et irréversibles : douleurs aiguës, infections, complications obstétricales, traumatismes psychologiques et, dans certains cas, décès. « L’excision n’est pas seulement une atteinte à l’intégrité physique des filles, c’est une négation de leur avenir », a déclaré Jacques Boyer, Représentant de l’UNICEF au Sénégal. Tracey Hebert-Seck, Représentante de l’UNFPA, s’indigne également : « À cinq années de l’échéance des ODD de 2030, un seul cas est de trop ! Il est impératif de prendre nos responsabilités afin qu’aucune fille ne subisse encore ce sort. »
Arlette Mvondo, de son côté, souligne le paradoxe sénégalais : « Il est difficile de comprendre qu’une violation aussi grave des droits fondamentaux des filles ait lieu dans un pays pionnier dans la lutte contre les MGF. ». Les chiffres confirment l’ampleur du problème : au Sénégal, près de deux millions de filles et de femmes ont subi des MGF. Parmi elles, 12,9 % ont été excisées avant l’âge de 15 ans, et .80 % avant leur cinquième anniversaire.
Une loi en vigueur mais insuffisamment appliquée
Le Sénégal a pourtant été l’un des premiers pays de la région à criminaliser l’excision avec l’adoption en 1999 de la loi 99-05. Celleci pénalise non seulement la pratique elle-même, mais aussi son instigation, sa préparation, son assistance et son non-signalement. La Constitution sénégalaise, dans son article 7, garantit également la protection de toute personne contre toute forme de mutilation physique. Mais malgré ces avancées législatives, l’application de la loi reste insuffisante. Dans certaines communautés, l’excision demeure profondément ancrée dans les traditions et continue d’être pratiquée en secret.
Face à cette situation, l’UNICEF, l’UNFPA et ONU Femmes appellent à un sursaut collectif. Elles exhortent les autorités à poursuivre systématiquement les responsables de ces actes et à renforcer la sensibilisation pour éradiquer définitivement cette pratique. Depuis 2008, l’UNICEF et l’UNFPA soutiennent la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’abandon des MGF. Ces agences collaborent avec les ministères, les collectivités territoriales et la société civile pour lutter contre les violences et les pratiques néfastes visant les femmes et les filles.
L’excision n’est pas une fatalité. Si la loi est appliquée avec rigueur et que les efforts de sensibilisation se poursuivent, il est possible d’en finir définitivement avec cette pratique d’un autre âge. Pour cela, un engagement ferme du gouvernement, des autorités locales et de la société dans son ensemble est indispensable.
UNE ATTITUDE APÉRISTE
De l'OFNAC à la Cour des comptes, la culture du déni et de la contestation face aux instances de contrôle s'affirme comme une caractéristique fondamentale de l'Alliance pour la République
Entre l’alliance pour la république (aPr) et les corps de contrôle, cela n’a jamais été le grand amour. en attestent les dernières révélations de la Cour des comptes qui pointent du doigt la gestion du régime apériste entre 2019 et mars 2024. Furieux contre l’image dépeinte par la juridiction financière, le boss de l’ancien régime, Macky Sall, a sévèrement répliqué contre les allégations de maquillage des finances publiques sous son règne.
Une fois n’est pas coutume! L’ancien président du Sénégal, Macky Sall, n’a pas raté la Cour des Comptes qui, dans son rapport d’audit sur les finances publiques entre 2019 et mars 2024, relève de nombreuses anomalies et autres incongruités. Pis, elle note que la dette et le déficit budgétaire s'avèrent bien plus élevés que ceux des documents officiels. Des allégations qui n’ont pas plu au Président de l’APR, Macky Sall qui affirme que tout cela est ridicule. Pis, il soutient que ses différents gouvernements ne sont en rien impliqués concernant les accusations de la juridiction financière et que celle-ci mélange tout. Cette réplique du boss de l’APR aux auditeurs de la Cour des comptes est révélatrice des rapports houleux toujours entretenus entre les responsables de l’ancien régime et la Cour des comptes. Et de façon plus globale avec les institutions de contrôle! Les apéristes ont toujours diabolisé les organes de contrôle à chaque fois que ceuxlà épinglaient un des leurs.
On se rappelle l’épisode Moustapha Diop contre la Cour des comptes. Celle-ci dénonçait dans une conférence de presse en février 2020 le comportement du ministre Moustapha Diop qui, lors de l’élaboration du rapport de 2015, avait tout simplement refusé que le Fonds national de promotion de l’entrepreneuriat féminin (FNPE) sous tutelle de son département ministériel soit contrôlé. Ministre de l’Industrie à l'époque, Moustapha Diop aurait alors traité les magistrats qui étaient venus pour effectuer le contrôle d’agents de corrompus.**
Un phénomène similaire a été noté entre l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) et de hauts responsables du régime sortant. Durant son mandat de trois ans à la tête de l’OFNAC, Nafi Ngom Keita a subi différents quolibets, attaques de la part de hauts responsables du pouvoir au premier rang desquels le chef de l’Etat qui l’a nommée. Des informations parues dans la presse à l’époque indiquaient que l’ancien Président Macky Sall n’avait pas apprécié la sortie de Nafi Ngom Keïta quand celle-ci dénonçait au cours d’une rencontre le retard dans le démarrage de l’OFNAC. Pire, son directeur de cabinet Oumar Youm ne l’avait pas aussi raté en considérant qu’elle avait violé “une obligation de réserve”.
Les bisbilles entre Cheikh Oumar hanne et la presidente de l’OFNAC
Et la publication du rapport 2014-2015 de l’OFNAC en 2016 avait créé aussi beaucoup de bruits dans les rangs apéristes. Parce que le document avait chargé Cheikh Oumar Hanne, Directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) à l’époque. Il accusait le responsable de l’Apr d’alors et maire de Ndioum “de fractionnement des commandes dans les marchés, l’octroi de subventions irrégulières, des pratiques de détournements de deniers publics et de faux et usage de faux”. Outre des poursuites judiciaires, l’Ofnac réclamait dans son rapport que Cheikh Oumar Hanne soit relevé de ses fonctions de directeur du Coud et que toutes les mesures soient prises pour qu’il ne lui soit plus confié la responsabilité de diriger un organe public. Furieux contre Nafi Ngom Keita, Monsieur Hanne avait déversé plus tard toute sa colère sur la dame en la traitant de maître chanteur.**
« Mme Nafi Ngom Keïta veut faire de moi un symbole national de la mal gouvernance. Je ne peux l’être car il n’y a pas de mal gouvernance sous le régime du président Macky Sall. (...) Ils ne peuvent pas me faire chanter, il faut que la justice s’en mêle et ils répondront de leurs actes de chantage posés depuis 2016», s’était-il défendu avant d’annoncer une plainte contre la présidente de l’OFNAC d’alors, Nafi Ngom Keita.
Il faut relever en définitive que cette dernière avait payé son caractère bien trempé en se montrant indulgente face aux responsables du régime Sall épinglés dans les rapports. Elle sera ainsi démise de ses fonctions par le président de la République, Macky Sall. Loin de s’avouer vaincue et considérant qu’il y avait un abus de pouvoir, elle avait attaqué en vain à la Cour suprême le décret présidentiel du 25 juillet 2016 mettant fin à son poste de présidente de l’OFNAC.
Par Fatou Warkha SAMBE
LE SOUKEROU KOOR QUE L’ON PEUT OFFRIR AUX FEMMES
Le véritable Soukeurou Kor que l’on peut offrir aux femmes, c’est d’écouter leurs revendications et de prendre des mesures concrètes pour rendre effectifs leurs droits
Dans cinq jours, nous marquerons une nouvelle Journée internationale des droits des femmes. Quand je pense à ce jour, l’une des choses qui me viennent à l’esprit, c’est cette chanson de Ismaïla Lô avec ce refrain : «Toutes les femmes sont des reines, certaines plus reines que des reines...» C’est le son que plusieurs plateaux spéciaux dans nos télévisions utilisent pour le générique de leurs émissions spéciales 8 mars. Vous pouvez déjà deviner le contenu : il ne sera rien d’autre qu’un enchaînement de louanges sur la bravoure des femmes, leur capacité de résilience, un rappel des souffrances que nos mamans et grandsmères ont endurées au sein de la société. Mais aujourd’hui, je me demande : comment peut-on faire un si grand hors-sujet ? Est-ce un manque de connaissance ou une volonté manifeste d’ignorer le but de cette journée ?
Ainsi, j’ai grandi avec cette conscience collective qui fait de la Journée internationale des droits des femmes, une journée de célébration. Vous verrez certainement des événements ou publications où ils ne mentionneront que «Journée internationale des femmes», effaçant totalement la notion de droits, comme si ce jour servait uniquement à exalter une essence féminine plutôt qu’à revendiquer l’égalité et la justice. On nous parlera de «reines», de «mères courageuses», et de «gardiennes du foyer», tout en éludant soigneusement les revendications concrètes des femmes qui subissent chaque jour l’injustice, les violences et la précarité. Cette confusion n’est pas anodine, elle permet de neutraliser un combat politique en le réduisant à une célébration vide de revendications. Quand on parle de droits au Sénégal, si les gens ne nous disent pas que les femmes ont déjà tout, ils vont nous répondre que l’islam a déjà tout donné aux femmes, comme s’ils appliquaient à la perfection ce que l’islam prescrit. Cette rhétorique sert souvent à invalider toute demande de justice et d’égalité, alors même que dans les faits, les inégalités persistent et sont institutionnalisées.
Le 8 mars trouve son origine dans les luttes ouvrières et féministes du début du XXe siècle. En 1908, des milliers de femmes ont manifesté aux Etats-Unis pour réclamer de meilleures conditions de travail, le droit de vote et l’égalité des droits. En 1910, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, Clara Zetkin propose l’idée d’une journée internationale pour revendiquer les droits des femmes. En 1917, en Russie, une grève des ouvrières marque un tournant dans l’histoire, menant à la reconnaissance officielle du 8 mars comme une journée de mobilisation pour les droits des femmes. En 1977, l’Onu institutionnalise cette date en tant que Journée internationale des droits des femmes, confirmant ainsi son ancrage dans les luttes pour l’égalité et contre les discriminations systémiques.
Mais l’histoire des luttes féminines ne se limite pas à l’Occident. Au Sénégal, un autre épisode emblématique s’est déroulé en mars 1820 : celui des femmes de Nder, qui ont marqué l’histoire par leur acte de résistance face à l’oppression. Ce jour-là, alors que les hommes du village étaient partis au champ, les envahisseurs maures ont attaqué. Plutôt que de se soumettre, ces femmes ont choisi de se battre. Face à la défaite inévitable, elles ont préféré périr dans les flammes du palais plutôt que d’être réduites en esclavage. Leur courage illustre la détermination et la force des femmes sénégalaises dans leur lutte pour la dignité et la liberté.
Le mois de mars est donc symbolique à plus d’un titre : il est le mois des luttes féminines, qu’elles soient ouvrières ou enracinées dans notre propre histoire. Il rappelle que la revendication des droits des femmes ne s’est jamais faite sans résistance ni sacrifices, et que la mémoire des luttes doit guider nos combats actuels.
Sous le thème de cette année : «Pour toutes les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation», une fois de plus, ce 8 mars s’inscrit dans une réalité marquée par les violences faites aux femmes, le recul des droits et la marginalisation politique. Alors que le Sénégal connaît des transformations majeures sur le plan politique avec l’arrivée du nouveau gouvernement, les femmes, elles, sont toujours laissées de côté. Leur représentation au sein du gouvernement a diminué, les violences n’ont pas cessé, et les avancées légales stagnent. Pendant que d’autres catégories de la population bénéficient du changement, les femmes restent reléguées aux marges du pouvoir et de la société.
Et en ce mois de Ramadan, le gouvernement nous doit bien un Soukeurou Kor. Puisque ce 8 mars est une journée de revendication, nous allons lui dire clairement le contenu du panier que nous voulons : pas des gestes symboliques, mais des actions concrètes pour faire respecter nos droits.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est un cadre sécuritaire où les féminicides, les agressions sexuelles et les violences conjugales ne sont plus relégués au rang de faits divers. Nous voulons des lois appliquées avec rigueur, des mécanismes de protection renforcés, des refuges sécurisés, un accompagnement psychologique des survivantes et des sanctions effectives contre les agresseurs.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une égalité économique réelle, où les femmes ne sont plus confinées aux marges de l’économie informelle et de la précarité. L’accès aux financements, la reconnaissance du travail domestique, le soutien aux entrepreneures et l’égalité salariale ne doivent plus être des combats sans fin. Nous demandons aussi une protection sociale pour les travailleuses domestiques et toutes celles du secteur informel.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une justice sociale tangible. Nous voulons un accès gratuit aux serviettes hygiéniques et des toilettes propres dans toutes les écoles. L’éducation des filles ne doit plus être entravée par des règles non prises en charge dignement. Il est temps de mettre en place une politique de lutte contre la précarité menstruelle et d’assurer la gratuité des protections hygiéniques dans les écoles et lieux publics.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une réelle égalité dans l’accès à la terre. Il est inadmissible que des femmes qui nourrissent la population soient privées de la propriété foncière. Nous voulons des réformes foncières qui garantissent aux femmes un accès équitable aux titres de propriété et aux ressources agricoles.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est une véritable représentation politique et institutionnelle. Les décisions qui nous concernent doivent être prises avec nous, et non à notre place. A celles et ceux qui contestent les quotas, il suffit d’observer les nominations où la parité n’est pas obligatoire : les femmes y sont absentes. Ce n’est pas une question de compétence, mais de verrouillage du pouvoir par l’entre-soi masculin et des biais sexistes. La parité ne doit pas être un débat, mais une nécessité pour une démocratie équitable.
Le Soukeurou Kor que nous demandons, c’est un ministère qui défend réellement les droits des femmes. En réduisant le ministère de la Femme à un ministère de la Famille, on éloigne encore plus les luttes pour l’égalité. Nous voulons un ministère qui prenne des décisions ambitieuses en matière d’émancipation économique, politique et sociale des femmes.
Cette année, alors que le 8 mars coïncide avec le mois de Ramadan, j’espère que ce mois et ses exigences ne prendront pas le dessus sur l’essence de cette journée. J’espère que, plutôt que d’organiser des conférences religieuses vantant la résilience des femmes, les entreprises accorderont enfin une place à l’écoute des revendications des travailleuses. J’espère qu’au lieu de répondre concrètement aux demandes des femmes, ils ne se contenteront pas de louer leurs mérites à travers des discours sans engagement. J’espère, et j’espère encore, que le Président ne se limitera pas à un tweet accompagné d’un visuel nous souhaitant une «bonne journée». Nous voulons plus.
Le véritable Soukeurou Kor que l’on peut offrir aux femmes, c’est d’écouter leurs revendications et de prendre des mesures concrètes pour rendre effectifs leurs droits
Ps : *Soukeurou Kor : est une offre traditionnelle distribuée pendant le Ramadan, souvent sous forme de panier alimentaire.
LES RAISONS DU LICENCIEMENT DE 156 AGENTS AU MINISTÈRE DE LA SANTÉ
Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Ibrahima Sy, était l’invité de l’émission Point de Vue sur la RTS. Il a apporté des précisions sur le récent licenciement de 156 agents contractuels du ministère, une mesure prise après un audit interne
Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Dr Ibrahima Sy, était l’invité de l’émission Point de Vue sur la RTS. Il a apporté des précisions sur le récent licenciement de 156 agents contractuels du ministère, une mesure prise après un audit interne des recrutements.
Selon le ministre, cette décision fait suite à une évaluation des 4500 agents recrutés sous contrat annuel par le ministère de la Santé. « Nous nous sommes rendu compte que plus de 156 d’entre eux ne répondaient pas aux critères établis pour le renouvellement de leur contrat », a-t-il déclaré.
Les principales irrégularités relevées concernent l’absence de qualification, de diplômes et même, dans certains cas, de carte d’identité. « Certains n’avaient pas de fiche de poste, nous ne savions même pas quelle était leur fonction exacte au sein du ministère », a expliqué Dr Sy.
À la question de savoir si ces recrutements relevaient de considérations politiques, le ministre n’a pas exclu cette possibilité : « Peut-être que c’étaient des recrutements politiques, ou peut-être qu’ils étaient normaux. Mais notre priorité est que l’argent public soit utilisé de manière transparente et que chaque recrutement soit justifié par un besoin réel. »
Dr Sy a insisté sur l’importance de mettre fin aux recrutements de complaisance et d’allouer les ressources aux professionnels qualifiés : « Je ne peux pas accepter qu’on recrute des personnes sans qualification alors que des médecins et des infirmiers diplômés attendent un emploi. Je préfère affecter ces postes récupérés à des professionnels de santé, car nous avons des besoins urgents dans nos structures sanitaires. »
Le ministre a tenu à souligner que cette mesure n’était pas motivée par la volonté de nuire à qui que ce soit, mais plutôt par le souci de rationaliser les ressources humaines du secteur. « Tant que nous agissons dans la transparence, nous assumerons nos décisions. Ce qui pose problème, c’est l’opacité dans les recrutements. »
QUAND LES POPULATIONS DEPENSENT PLUS ET TRAVAILLENT MOINS
Le Ramadan a un impact notable sur l’activité économique. Les commerces, les services et même les administrations tournent également au ralenti. Les journées de travail sont raccourcies, et la productivité diminue.
Le week-end écoulé, à l’instar des fidèles du reste du monde, la communauté musulmane du Sénégal a entamé le jeûne du mois de Ramadan, un moment de dévotion et de pénitence qui constitue l’un des cinq piliers de l’Islam. Pour les fidèles, ce mois sacré est synonyme de spiritualité, de partage et de solidarité. Cependant, dans un contexte économique difficile, marqué par une inflation galopante et une précarité accrue, le Ramadan 2025 (1446H) s’annonce aussi comme une épreuve pour de nombreux ménages dakarois, notamment ceux aux ressources modestes.
En cette période de Ramadan 1446H, les prix des denrées alimentaires flambent, comme c’est le cas chaque année. Les produits de base tels que le riz, l’huile, les dattes, le lait et la viande voient leur prix augmenter de manière significative. Cette inflation pèse lourdement sur les budgets des ménages, déjà fragilisés par la crise économique qui frappe le pays.
Awa, une vendeuse de légumes au marché des Parcelles Assainies, explique : «Avant, le Ramadan était un moment où on essayait de réduire les dépenses ; mais aujourd’hui, c’est impossible. Les prix montent tellement que même pour un repas simple, c’est difficile (de s’en sortir). Beaucoup de familles ne mangent pas à leur faim».
UN RALENTISSEMENT ECONOMIQUE GENERALISE
Il faut savoir que le Ramadan impose aux fidèles de s’abstenir de manger, de boire et de fumer, etc., de l’aube au coucher du soleil. Si cette pratique est vécue comme une purification spirituelle, elle n’est pas sans conséquences sur la vie quotidienne, surtout pour ceux qui exercent des métiers physiquement exigeants.
Sur un chantier de construction dans la banlieue de Dakar, Moustapha, maçon depuis plus de dix ans, confie : «Le Ramadan, c’est une bénédiction, mais c’est aussi très dur. On doit redoubler d’efforts pour tenir toute la journée sans boire ni manger, surtout sous ce soleil. Et en plus, les travaux ralentissent parce que tout le monde est fatigué»
Comme lui, de nombreux ouvriers du bâtiment, des vendeurs ambulants et des travailleurs informels doivent jongler entre leur foi et leur survie économique. Pour ces travailleurs, le Ramadan est un double défi : spirituel et matériel.
Le Ramadan a un impact notable sur l’activité économique. Les commerces, les services et même les administrations tournent également au ralenti. Les journées de travail sont raccourcies, et la productivité diminue. «Pendant le Ramadan, les gens dépensent plus, mais ils travaillent moins. C’est un paradoxe», souligne Moustapha.
Pour les chômeurs, la situation est encore plus critique. Sans revenus fixes, ils doivent compter sur la solidarité familiale ou communautaire pour subvenir à leurs besoins. «Le Ramadan, c’est un mois de partage. Mais, quand tu n’as rien à partager, c’est très dur moralement», confie Aliou, un jeune chômeur rencontré dans un quartier de la banlieue dakaroise. Malgré ces difficultés, le Ramadan reste un moment de solidarité et de partage. «Le Ramadan, c’est aussi ça : se serrer les coudes et aider ceux qui ont moins de chance», rappelle Awa.
«GOORGOORLU» FACE A UN RAMADAN SOUS PRESSION
Entre flambée des prix et ressources limitées, des «goorgoorlu» se battent pour assurer un «ndogou» digne à leurs familles.
Le marché de Biscuiterie, à Niari Tally (Dakar) est en effervescence en ce début de Ramadan. Mais, derrière l’animation des étals, une réalité préoccupante se dessine : la cherté de la vie pèse lourd sur les ménages. Entre flambée des prix et ressources limitées, des «goorgoorlu» se battent pour assurer un «ndogou» digne à leurs familles.
Débout devant un magasin, avec un seau de condiments dans sa main gauche, Madame Diarra semble extenuée. Son quotidien est devenu une véritable épreuve depuis un an, lorsque son mari est tombé malade, la laissant seule à la charge du foyer. Avec des enfants encore à l’école et aucun soutien financier, chaque jour est un combat. «Les choses sont encore chères cette année. Le kilo de riz est monté à 550 FCFA, le litre d’huile coûte entre 1200 et 1400 FCFA, selon les vendeurs. Avec cette crise financière, ce n’est pas facile. Mais, que pouvons-nous faire ? Nous sommes obligés de faire avec le peu que nous trouvons», déplore-t-elle.
Face à cette situation, elle a dû réduire certaines dépenses et faire des choix difficiles : «Avant, je pouvais acheter plusieurs aliments pour varier les plats du «ndogou» (repas de rupture du jeûne en wolof, ndlr). Maintenant, je prends juste le strict nécessaire, du riz, un peu d’huile et quelques légumes. La viande ou le poisson, ce n’est pas tous les jours», confie Madame Diarra qui faisait le marché hier, dimanche 02 mars 2025, correspondant au premier jour de jeûne pour la majorité des musulmans Sénégalais et au deuxième pour ceux ayant démarré la Ramadan 1446H la veille, samedi.
Assis, à quelques mètres de là, Ahmed Sissoko, vendeur de savon, observe avec amertume la hausse vertigineuse des prix. «Je ne saurais vous répondre… Hier encore, le kilo de banane qui était à 1 000 FCFA est passé à 1 500 FCFA. Le kilo d’orange, n’en parlons pas ! Et le kilo de dattes, qui était à 2000 FCFA, est désormais à 2200 FCFA». Selon lui, les familles qui en ont les moyens anticipent et remplissent leurs réserves avant le Ramadan. Mais, pour les petits commerçants et les ménages modestes, la situation est beaucoup plus compliquée. «Nous, nous survivons… parce que j’appelle cela de la survie. Nous allons nous plaindre auprès de qui ? Si seulement le gouvernement pouvait appliquer réellement les annonces sur la baisse des prix, cela soulagerait beaucoup de familles», espère-t-il.
«LE RAMADAN, C’EST DEVENU UN STRESS»
Dans la foule du marché, Awa Ndour, une mère de famille, tente de négocier les prix. Mais visiblement à bout, elle lâche prise : «on nous parle de baisse de prix, mais tout est devenu hors de portée. Quand tu viens au marché avec 5000 FCFA, tu repars avec un sac presque vide. L’an dernier, c’était le même scénario ; mais avec cette crise financière, je crains le pire. Avant, je pouvais acheter du poisson, de la viande et des légumes pour faire un bon repas. Maintenant, je dois choisir : soit le poisson, soit les légumes». Elle estime que la pression du Ramadan ne devrait pas être aussi pesante pour les ménagers. «C’est un mois béni, un mois de partage et de prières. Mais, à cause de cette crise, au lieu d’être un moment de recueillement, c’est devenu un stress permanent. Comment nourrir la famille ? Où trouver l’argent ? On ne sait même plus quoi faire», dénonce Madame Ndour.