BAIE DE HANN, LE DERNIER SOS
Plongée dans un manque de perspectives et de vision devenu lassant, la petite baie s’étalant sur une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Dakar, est dans une situation sans avenir malgré les discours politiciens
Que veulent faire les pouvoirs publics (Etat et collectivités locales) de la baie de Hann ? Plongée dans un manque de perspectives et de vision qui devient lassant, la petite baie qui s’étale sur une bonne quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Dakar, est dans une situation sans avenir malgré les discours politiciens, les projets sans lendemain et le manque de perspectives réelles. Tout cela comme s’il était devenu impossible de réduire la forte pollution des eaux et du sol, de ralentir la disparition des mollusques et crustacés qui y vivaient et s’y développaient jusqu’à la fin des années 1970. Impuissance et incompétence, les mots trouvent tout leur sens ici…
Une tare quasi-africaine ! Le manque unanime de réaction des autorités sur le continent pour sauver les espaces de vie en danger. Les villes comme les cadres de vie sont hors normes. Et, au cœur des maux, l’homme et une terrible faiblesse de l’action publique. Pourtant, depuis les années 80, la baie agonise du fait des erreurs humaines. Et sur cet espace encombré, nombre d’études publiées ou non, n’auront servi que de paravent, pour dire aux populations (qui en avaient déjà trop entendu), ce qu’il fallait faire à leur place.
En ce mois de juillet marqué de forts rayons de soleil qui s’abattent sur l’eau ajoutant à la magie des lieux, la voilà la vieille belle baie plongée dans une sorte d’abandon dont un des aspects les plus visibles, est encore la saleté. en cet après midi, d’un dimanche de juillet où une petite pirogue de retour de pêche, franchit le rivage sans savoir où se poser, on dirait que la situation s’est aggravée. Tout est puanteur entre la matière organique qui pourrit sur place, les sacs plastiques enfouis dans le sable et les cordages qui se mêlent à tout. On est ni dans le Bangkok des années 50, encore moins sur la lagune ravagée par les hydrocarbures entre Ibadan et Lagos (Nigéria), mais bien à Dakar. Délirant !
De la saleté partout qui en dissuaderait le plus obstiné des baigneurs. Sous la chaleur qui s’installe dansla ville, les vendeurs de poissons avec leurs belles pièces, supportent stoïques et résignés les odeurs et la noirceur de l’eau de mer. Ainsi va la vie, semble-t-on se dire, comme toutes ces petites communes délaissées par l’Etat et tout ce qui reste des promesses désespérantes des acte I, II et III de la décentralisation. Des communes sans vie, sans aucun avenir ont été taillées et tracées au crayon pour faire semblant avec ce retrait des pouvoirs publics, de donner plus de moyens aux collectivités locales. Hum…
A la fin des années1990, l’on avait fini de signaler que la baie avait atteint une situation de dégradation avancée en raison du rejet direct d’effluents industriels. En effet, 60 % de l’industrie manufacturière sénégalaise est située le long de la baie qui déverse directementses effluents pollués dans cette cuvette. L’autre conséquence naturelle dans cette zone de pêches, est que des villages se sont développés à proximité, sans système d’évacuation des eaux usées et un assainissement même sommaire.
C’est dans un tel contexte que le constat des spécialistes, aidés par les populations a été confirmé par l’agence française de développement (AFD) qui s’est lancé dans un projet de dépollution pour un montant de 50 millions d’euros, avec une participation de l’etat sénégalais. Le projet qui remonte à 2009, devrait s’étaler sur 10 ans pour finir l’année prochaine en 2019. Audacieux pari, il se composait ainsi : la collecte, le transport et le traitement des eaux industrielles. S’y ajoutaient la réhabilitation du canal de drainage des eaux pluviales, avec à la clé une vaste composante relative à la réalisation d’un intercepteur de 13 km le long de la baie, mais encore, (le nirvana pourles défenseurs de la baie et de son environnement), la construction d’une station d’épuration dotée d’un traitement primaire de 25 000 M3/jour de déchets liquides industriels et domestiques et d’un émissaire enmer de 3 km.
Un projet mirobolant pour un espace de vie qui a été longtemps pendant les années 40-50, la véritable porte d’entrée des plaisanciers dans la presqu’île du Cap vert. Base d’un tourisme sportif par la pêche, balnéaire par la forme de golfe qui la caractérise, la baie qui ressemble à bien des égards à celle d’Ipanéma Beach, sur les bords chaleureux de la façade atlantique de la ville de Rio de Janeiro (Brésil), est devenu un endroit quelconque dans Dakar. L’on s’y promène par hasard. On n’en rêve plus pour un bain de début de vacances scolaires. La saleté et les eaux boueuses ont pris le pas sur le sable fin. On n’y sent que de la désolation et l’abandon.
Alors dépolluer dans cesconditions ! Plus qu’une urgence, c’est une question de priorité. Mais jusque-là, rien que du bluff. Aujourd’hui, quand on s’y promène, la baie de Hann, est à bout. Tout est noir et, à la place du bleu de chauffe qui a fait sa beauté. Abandonnée de plus en plus par ses populations qui ont y laissé toute une partie de leur vie, l’espace ne ressemble plus à grand-chose. Quel dommage ! Une si belle baie s’en va comme çà dans la plus grande des indifférences devant la nullité des hommes, mais encore plus grave, d’une municipalité sans vision, d’un Etat et d’un pouvoir politique sans génie, sans classe, sans projet touristique et de bien être pour les populations. Hélas sans projets de développement humain durable…