ENTRE MEMOIRE ET JUSTICE, LEÇONS D’UNE PLAIE OCTOGENAIRE
Le ton du discours, poignant et solennel, a oscillé entre une dénonciation ferme des injustices du passé et une volonté de réconciliation. Les mots, empreints de gravité, ont interpellé l’auditoire sur la nécessité de préserver la mémoire historique .

C’est en présence des Chefs d’Etat de Mauritanie, Ould Cheikh EL GHAZOUANI de la République islamique de Mauritanie, Président en exercice de l’Union Africaine, AZALI Ansoumani de l’Union des Comores, Adama BARROW de Gambie, Umaru Sissoko de Guinée-Bissau, Brice Clotaire Oligui NGUEMA de la République gabonaise, du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a délivré son discours qui est autant un appel qu’une critique des systèmes en place qu’une invitation à l’action. Concluant sur une note d’espoir, il affirme que le changement est possible si nous agissons ensemble avec audace et détermination.
Dans son discours de M. Mamadou Diouf, chargé de coordonner le comité de commémoration du 80ème anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, a dévoilé avec force, les enjeux mémoriels, historiques et politiques liés à cet épisode sombre de l’histoire coloniale française. Ce massacre, survenu le 1er décembre 1944, a été non seulement analysé comme une tragédie humaine, mais aussi comme un symbole de la dissonance entre la Libération défendue par la France et les pratiques brutales de son administration coloniale
UN CONTEXTE HISTORIQUE LOURD DE SENS
M. Diouf a commencé par un rappel poignant des faits : des soldats africains, enrôlés de force pour combattre sous le drapeau français durant la Seconde Guerre mondiale, furent massacrés à leur retour après avoir osé revendiquer des droits légitimes. Leur crime ? Exiger des compensations pour leur engagement et dénoncer des conditions de vie indignes dans le camp de Thiaroye. Ce contexte de répression illustre une contradiction fondamentale : la célébration de la liberté par la France coïncidait en effet avec la négation des droits des soldats issus des colonies.
L’AMPLEUR DU MASSACRE : UNE VÉRITÉ OCCULTÉE
Le bilan du massacre reste flou et contesté. Les chiffres avancés oscillent entre 35 et 400 morts, une disparité qui souligne la volonté des autorités françaises de minimiser l’événement. M. Diouf a dénoncé les falsifications, la destruction ou l’inaccessibilité des archives, et a appelé à une collaboration franche avec la France pour lever le voile sur cette tragédie. Ce manque de transparence est présenté comme une violence supplémentaire infligée aux victimes et à leurs descendants.
UNE RECONNAISSANCE TARDIVE MAIS INSUFFISANTE
Si des avancées ont été réalisées, notamment avec les déclarations de François Hollande en 2014 et plus récemment d’Emmanuel Macron, ces gestes sont perçus comme tardifs et partiels. M. Diouf a interpellé directement sur la nécessité d’aller au-delà des paroles, pour que la reconnaissance du massacre ne reste pas une simple formalité mais soit accompagnée par des actions concrètes et un travail de mémoire partagée.
UNE COMMÉMORATION TOURNÉE VERS L’AVENIR
Le discours marque une rupture notable : sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye et avec le soutien du Premier Ministre Ousmane Sonko, le Sénégal adopte une posture proactive pour reprendre la narration de cette histoire. L’objectif est clair : réinscrire Thiaroye dans une perspective panafricaine, en faisant des victimes des “morts pour l’Afrique”. Cette commémoration dépasse le simple hommage pour devenir un levier d’éducation civique et de construction citoyenne.
VERS UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE DE L’HISTOIRE
M. Diouf a également appelé à une approche inclusive et créative : le massacre de Thiaroye doit nourrir des récits historiques, culturels et artistiques, essentiels pour transmettre une mémoire collective. Il fait référence aux œuvres de figures comme Senghor et Keita Fodéba, qui ont utilisé la poésie pour immortaliser cet événement. Cette dimension artistique est perçue comme un moyen puissant de célébrer la diversité et de bâtir une unité panafricaine.
UNE INITIATIVE COURAGEUSE ET ESSENTIELLE
Ce discours, à la fois solennel et militant, reflète un effort sincère pour affronter un passé difficile tout en ouvrant la voie à une réconciliation fondée sur la vérité et la justice. En érigeant les tirailleurs en symboles de la lutte pour la liberté et la dignité, le Sénégal ambitionne de transformer une tragédie en un moteur d’espoir et d’unité pour l’Afrique. Ce tournant mémoriel, initié par le gouvernement actuel, constitue une entreprise délicate mais cruciale, pour garantir que l’histoire des victimes de Thiaroye ne soit plus jamais reléguée au silence.
INITIATIVES, MÉMOIRE ET JUSTICE
Le président de la République a énuméré des initiatives pour la mémoire : Création d’un mémorial et d’un centre de documentation à Thiaroye. Enseignement de cet épisode dans les curriculums scolaires pour sensibiliser les générations futures. Instauration d’une Journée du Tirailleur le 1er décembre de chaque année pour pérenniser cet hommage.
OULD EL-GHAZOUANI,
En délivrant son discours, M. Ould ElGhazouani, le chef de l’Etat mauritanien et Président de l’Union africaine, a rendu un vibrant hommage aux tirailleurs sénégalais, soulignant leur courage et leur détermination, malgré les conditions climatiques difficiles et la puissance de l’ennemi en Europe. Ces derniers «ont affronté la mort sur les champs de bataille, contribuant ainsi à la victoire des Alliés et à la libération de la France », a-t-il rappelé, tout en insistant sur l’importance de préserver leur mémoire : « Leur sang versé sur cette terre ne sombrera jamais dans l’oubli. » Il a également salué l’initiative de son homologue français, Emmanuel Macron, pour avoir reconnu officiellement le massacre des tirailleurs africains le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye. Il a souligné que cet acte de reconnaissance est essentiel pour la mémoire collective.
BASSIROU DIOMAYE FAYE
Dans son discours, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a évoqué le massacre de Thiaroye, comme étant un épisode tragique survenu le 1er décembre 1944, où des tirailleurs sénégalais furent exécutés par l’armée coloniale française. Ces soldats, ayant combattu courageusement pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, réclamaient des droits légitimes : le paiement de leurs indemnités. Ce massacre incarne l’injustice et l’oppression vécues par les Africains sous le joug colonial. Il a souligné l’importance de cette commémoration, 80 ans après, non seulement pour rendre hommage aux victimes, mais aussi pour faire émerger une vérité historique longtemps occultée. Après avoir rappelé les faits (tirailleurs sénégalais, issus de divers territoires africains sous domination française, ayant sacrifié leur vie et leur liberté pour l’effort de guerre et qui, malgré leurs contributions décisives, ils ont subi discrimination et violence), le président Faye a qualifié Thiaroye 44 de « crime de masse prémédité ». Puis, il a appelé à une reconnaissance totale des faits. La récente déclaration du président français Emmanuel Macron reconnaissant le massacre a été saluée, bien qu’incomplète, puisqu’il faudrait reconstituer les événements, identifier les victimes et dévoiler les responsabilités. C’est une condition essentielle pour une réconciliation sincère.
GRAVITÉ ET SOLENNITÉ
Le ton du discours, poignant et solennel, a oscillé entre une dénonciation ferme des injustices du passé et une volonté de réconciliation. Les mots, empreints de gravité, ont interpellé l’auditoire sur la nécessité de préserver la mémoire historique pour éviter les répétitions tragiques. Il témoigne également d’un effort pour articuler une mémoire historique et une revendication politique. Il met en lumière la résilience des Africains face aux récits souvent biaisé et l’importance de la construction d’une histoire commune respectueuse des sacrifices consentis. Cependant, le défi demeure : comment concilier cette reconnaissance avec la complexité des héritages coloniaux ? Le chemin vers une réhabilitation complète exige une collaboration entre les anciennes puissances coloniales et les nations africaines. Ce discours résonne comme un appel à l’action collective pour restaurer la justice et la dignité. En donnant une voix aux victimes oubliées de Thiaroye, il transforme cette tragédie en un levier pour redéfinir les relations entre l’Afrique et l’Europe, tout en inspirant une génération à ne jamais oublier. Quant à la commémoration de Thiaroye , elle ne se limite pas à un hommage aux martyrs. Elle se veut un serment collectif de justice et de vérité, affirmant que le sacrifice des Tirailleurs sénégalais ne sera plus jamais ignoré. Ce discours est une invitation à bâtir un futur où les leçons du passé guideront les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La cérémonie a réuni de nombreuses personnalités, dont le Premier ministre Ousmane Sonko, des diplomates, des délégations venues du Cameroun, de Djibouti, du Tchad, du Burkina Faso, et des représentants diplomatiques d’institutions internationales.