LDC - DORTMUND / REAL MADRID, Le jardin d’Edin
Après seulement deux saisons complètes à la tête du Borussia Dortmund, Edin Terzić a atteint le Graal qui fait saliver tant de coachs : la finale de la Ligue des champions. Retour sur la réussite d’un technicien encore peu connu du grand public.
Après seulement deux saisons complètes à la tête du Borussia Dortmund, Edin Terzić a atteint le Graal qui fait saliver tant de coachs : la finale de la Ligue des champions. Retour sur la réussite d’un technicien encore peu connu du grand public.
Nous sommes le 27 mai 2023 au Westfalenstadion, et la tartine vient à nouveau de retomber côté confiture pour Dortmund. Les Jaune et Noir ont laissé échapper un titre de champion d’Allemagne qui leur tendait les bras en concédant le nul face à Mayence (2-2). Gros coup dur pour Marco Reus, Sébastien Haller et les autres, mais surtout pour Edin Terzić, dont la première saison complète en tant qu’entraîneur principal se termine en eau de boudin. En témoignent ses larmes face à un mur jaune qui continuait d’acclamer celui qui n’était encore qu’adjoint trois ans auparavant.
Sauf que le fils d’immigrés yougoslaves a de la ressource. L’hiver dernier, personne n’aurait parié sur un Dortmund en crise et sur lequel planait le spectre de la mutinerie. Si les Borussen doivent se contenter d’une 5e place en Bundesliga, les performances des coéquipiers d’Emre Can en Ligue des champions leur permettent aujourd’hui de rêver d’un titre inespéré. Alors que beaucoup le voyaient faire ses valises, Terzić s’est adapté. « On s’est demandé ce qu’il se passait, peut-être qu’ils voulaient jouer trop élégamment, or le football ne peut pas toujours être élégant, juge Peter Lange, qui lui a enseigné les rudiments du coaching à la Ruhr Universität-Bochum. De temps en temps, il faut trouver un compromis, et je crois qu’Edin et son staff l’ont trouvé en deuxième partie de saison. »
Coach caméléon
Pour le coach germano-croate, ce compromis passe d’abord par des changements fréquents de système, son traditionnel 4-2-3-1 laissant plus souvent la place à un 4-3-3. L’ancien adjoint de Slaven Bilić à West Ham et Beşiktaş a aussi su gérer son effectif, évoluant au gré des méformes et des arrivées hivernales. En deuxième partie de saison, exit Ramy Bensebaïni, Marius Wolf et même Marco Reus, dont le temps de jeu dans les gros matchs va fondre comme neige au soleil. Pour les remplacer, Terzić fait confiance à de fringants arrivants comme Ian Maatsen et Jadon Sancho, qui vont immédiatement donner satisfaction.
Mais l’adaptation du technicien de 41 ans est également passée par sa gestion des gros matchs, durant lesquels Dortmund sait laisser passer l’orage. Sur le terrain, le coach allemand a inculqué une niaque de fer à ses hommes, qui se sont illustrés par une agressivité défensive hors du commun face au PSG. Comme le Real face à Manchester City, les Jaune et Noir savent faire le dos rond et laisser passer leurs temps faibles pour mieux contre-attaquer par la suite. « Là où son équipe est bonne, c’est dans la patience défensive, estime Lucien Favre, dont Terzić a été l’adjoint au BvB avant de devenir calife à la place du calife. Ils sont rigoureux défensivement, avec en prime une super qualité de contre. Pendant vingt minutes, on ne les voit pas, et hop, ils claquent un but. » Voilà peut-être un début d’explication aux difficultés des hommes de la Ruhr en championnat, plus à l’aise en transition face aux grandes écuries européennes que lorsqu’il s’agit de dicter le jeu contre les clubs de Bundesliga.
Face au cru 2023-2024 du BvB, le dicton « dominer n’est pas gagné » ne s’est jamais autant vérifié. Durant cette édition de la C1, le bourreau du PSG est l’équipe ayant subi le plus de tirs (184), avec une moyenne par match (15,33) bien supérieure à des clubs comme Feyenoord (8,67), Lens (11,17), Séville (13,33) ou Braga (12,83). Mais cela ne suffit pas à faire craquer Hummels et ses copains, les Allemands étant l’équipe avec la moyenne de buts encaissés par match la plus faible de cette Ligue des champions (0,67). Pour résister dans la tempête, Terzić peut compter sur sa connaissance des limites de son groupe, auxquelles il doit s’adapter. « Ils ne pressent pas très haut parce que derrière, ils ont un problème de vitesse dans l’axe », explique Favre. Avec Niklas Süle amateur de cuisine turque et Mats Hummels allant sur ses 36 ans, mieux vaut en effet ne pas laisser trop d’espace dans le dos de la défense.
ADN Dortmund
Cette saison, la culture de la gagne semble avoir à nouveau élu domicile au Westfalenstadion, et les personnes dont s’est entouré le natif de Menden n’y sont pas étrangères. Cet hiver, cet adepte du combo pull noir chemise blanche s’est choisi de nouveaux adjoints en la personne de Sven Bender et de Nuri Şahin, tous deux anciens joueurs du Borussia. À eux deux, ces jeunes assistants ont passé vingt ans dans la Ruhr, où ils ont déjà connu le succès sur le terrain lors des titres de champion d’Allemagne de 2011 et de 2012. Ces nominations ne sont pas à prendre à la légère, tant elles traduisent une volonté de travailler avec des personnes ayant une connaissance approfondie du club et de son contexte. Terzić est lui-même un pur produit du Sauerland, région montagneuse située au sud-est de Dortmund. « Très jeune déjà, il était fan du BvB et assistait aux matchs en virage. C’est un grand avantage pour lui que les supporters comprennent leur entraîneur, rappelle Peter Lange. Grâce à cela, ils l’ont soutenu quand les choses n’allaient pas si bien. » Ce samedi, Edin Terzić va diriger le match le plus important de sa jeune carrière. L’occasion de prouver définitivement sa valeur en inscrivant son nom dans l’histoire de la plus belle des compétitions.