LES LIENS AFRICAINS DU HAVRE À TRAVERS DAKAR
Pas moins de 38 œuvres sont en provenance du musée Théodore Monod de Dakar, l'un des trois musées relevant de l'Ifan
À l'occasion des 500 ans de la cité portuaire, le Muséum d’histoire naturelle du Havre a collaboré avec deux musées sénégalais de référence autour du partage de la mémoire.
L'architecture classique du Muséum d’histoire naturelle du Havre tranche au milieu de la ville de béton imaginée par Perret. Rare vestige du passé ayant survécu à la Seconde Guerre mondiale, il s'était distingué en 2016 pour son exposition pointue consacrée aux femmes artistes du continent africain, comme la Malgache Malala Andrialavidrazana, la Sénégalaise Seni Awa Camara ou la Sud-Africaine Zanele Muholi. Rebelote cette année avec « Le Havre-Dakar, partager la mémoire » que le Muséum dédie aux 10 000 Franco-Sénégalais de l'agglomération havraise. Des Normands ont navigué vers les côtes d'Afrique de l'Ouest dès 1364.
Fort de ses relations, Le Havre a développé aux XVIIe et XVIIIe siècles un port colonial et négrier. Pour mettre en perspective cet héritage, le conservateur en chef et directeur du Muséum Cédric Crémière s'est entouré d’Étienne Féau, l’un des meilleurs spécialistes de l’art africain en France, et de Hamady Bocoum, le directeur du musée des Civilisations noires. « Nous voulions remettre ce patrimoine commun dans son contexte et montrer qu’il y a plusieurs Afriques, plusieurs cultures », précise Cédric Crémière, et de poursuivre : « Nous ne prétendons pas être exhaustifs, mais nous espérons être humanistes dans notre manière de présenter ce patrimoine et de le questionner. »
L'exposition a également pour objectif de préfigurer en dialogue avec le musée Théodore Monod, l'Ifan (Institut fondamental d'Afrique noire), la Direction du patrimoine sénégalais et différents spécialistes africains de ce que pourrait être le futur musée des Civilisations noires, qui ouvrira ses portes à Dakar en 2018.
Un regard humaniste sur un passé complexe
L'originalité du parcours de l'exposition tient aux richesses des collections, à l'ancienneté et à la signification symbolique, sociale et religieuse des objets d'art traditionnel. Masques bambara, ogoni, sénoufo côtoient les statuaires agni, bamana, lobi, et se joignent aux instruments de musique sous l'œil des animaux des écosystèmes d'Afrique de l'Ouest, issus de la collection zoologique du Muséum.
Les objets du quotidien comme les parures ou le mobilier sont mis en valeur, telles une poulie de métier à tisser du nord de la Côte d'Ivoire ou une selle de cheval du Mali, tous deux de la fin du XIXe siècle. Ces œuvres anciennes sont confrontées à la création contemporaine, tels le designer sénégalais Ousmane Mbaye, le peintre malien Amadou Sanogo ou la styliste sénégalaise Selly Raby Kane.
Alors que les institutions muséales d'ici ont du mal à concevoir des prêts à leurs homologues africaines, pas moins de 38 œuvres sont en provenance du musée Théodore Monod de Dakar, l'un des trois musées relevant de l'Ifan. Ce lieu de recherche et d'archives fondé en 1936 comme Institut français d'Afrique noire a constitué des collections sous la direction de Théodore Monod, puis a été rebaptisé après l'indépendance en 1960.
Fait rare dans une exposition, les bout'chou n'ont pas la portion congrue grâce à une salle de découverte d'une Afrique romancée autour d'échoppes, coiffeur, tailleur et café, avec des recettes de cuisine.
Salimata Diop, la directrice de la programmation de la foire AKAA, a su trouver les mots justes pour cette exhibition : « De cette rencontre du passé et du présent naît un espace d'échanges qui transforme chaque spectateur en acteur et nous rappelle que la mémoire est bien vivante. Elle vit en nous. »