COMMENT DIABLE PEUT-ON ÊTRE LE VOISIN D'OUSMANE SONKO
Vivre dans la vicinité de Sonko est un championnat très sportif à plusieurs épreuves : aspiration d’émanations de gaz lacrymogènes, esquive de bris de glaces de voitures stationnées, extinction de débuts d’incendies de bâtiments...
Comment peut-on être Persan à Paris ?, se demandaient, avec Montesquieu, les Parisiens du XVIIIe siècle. Eh bien, j’ai le douteux, et désormais de plus en plus possiblement dangereux privilège d’être le voisin d’Ousmane Sonko, dans le quartier dakarois de la cité Keur Gorgui. Depuis cinq ans.
Lorsque j’ai emménagé, avec stylos, carnets, ordinateur portable, bagages et famille dans le quartier, je ne savais même pas laquelle du pâté de maisons était la demeure du leader de Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). Bien que le jeune courtier qui m’avait trouvé le logement, depuis sa voiture, me l’ait désignée nuitamment, avec déjà un enthousiasme militant indicatif de ce que Sonko imprimait dans la jeunesse. Ousmane Sonko était alors un singleton qui avait réussi à se faire élire député un an plus tôt et qui, en février 2019, avait réussi la prouesse de sortir troisième de la présidentielle, avec 15 % des voix.
Depuis lors, l’électron libre Sonko est devenu tête de gondole de l’opposition sénégalaise, et est parvenu à faire élire, sur son nom, 40 députés pour sa coalition Yewwi Askan Wi (YAW) – soit autant que la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) –, en juillet 2022. Lui-même n’est pas élu à l’Assemblée nationale, la liste des titulaires sur laquelle il figurait ayant été déclarée forclose pour des raisons paperassières, inintéressantes à évoquer ici. Il est en revanche maire de Ziguinchor (capitale de la Casamance, dans le sud du Sénégal) depuis janvier 2022.
Un voisin conflictogène
Pourquoi d’ailleurs n’y vit-il pas à l’année, en tant qu’édile de la ville ? Bon, ce serait là lui faire un mauvais procès, puisque de nombreux ministres et directeurs de sociétés publiques vivent dans la capitale sénégalaise, alors qu’ils sont maires de villes de l’hinterland. Mais il faut avouer que vivre dans la vicinité de Sonko est un championnat très sportif à plusieurs épreuves : aspiration d’émanations de gaz lacrymogènes, esquive de bris de glaces de voitures stationnées, extinction de débuts d’incendies de bâtiments et de feux de pneus sur la chaussée, immortalisation de débuts d’émeutes filmées aux smartphones…
À la suite des émeutes de mars 2021, l’alors tout-puissant directeur de cabinet du président de la République, Mahmoud Saleh, lui aussi encore plus voisin de Sonko, a dû se résoudre à déménager, après que sa maison a subi les assauts musclés de la foule de manifestants.