SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 février 2025
par Bassirou Dieng
CHAPEAU À BIRAME SOULEYE
Certains parrainages sont une opportunité de capter des ressources. On parraine Massamba ou Mademba et on attend qu’il finance toute votre activité ou vous appuie de manière conséquente pour assurer les charges de votre festivité
Les propos du nouveau ministre des Energies du pétrole et des mines sont sur toutes les lèvres depuis sa déclaration d’après prière de Korité à Thiès. Voilà entre autres ce qu’il a dit : « Nous allons travailler pour le Sénégal, c’est notre priorité. Je le dis ici, dans ce gouvernement, on n’y verra pas quelqu’un parrainer des combats de lutte, baptême ou football. Moi, quiconque me fait parrainer pour un combat de lutte ou un baptême, gâche sa fête ». Quel mal y a-t-il dans ces propos ? Absolument rien ! C’est mon avis !
Monsieur le ministre Birame Souleye Diop n’a fait que dire la vérité. Une vérité crue qui pourrait déranger. Mais une vérité tout de même.
Le grand mal du Sénégal, c’est aussi ça. Se voiler les yeux pour ne pas oser regarder en face la vérité. Quand vous osez mettre les points sur les i et dire publiquement ce qui se dit tout bas, certains viennent vous faire la morale et vous taper dessus.
Birame Souleye Diop a bien raison. Ce Sénégal nouveau que nous voulons tous bâtir doit s’accompagner d’un changement de paradigmes à tous les niveaux notamment au niveau comportemental, de la gestion des deniers publics, du comportement de nos dirigeants envers les populations, du comportement des populations vis-à-vis des autorités, etc. Et les points parmi tant d’autres soulevés par le ministre Birame Souleye Diop font partie des maux qui gangrènent notre société depuis des années. Qu’on le dise ou pas, certains parrainages sont une opportunité de capter des ressources. On parraine Massamba ou Mademba et on attend qu’il finance toute votre activité ou vous appuie de manière conséquente pour assurer les charges de votre festivité. Ça, vous le savez et je le sais.
C’est pourquoi je félicite personnellement le ministre Birame Souleye Diop d’avoir bien osé mettre les points sur les i. Et également d’avoir fait savoir à qui veut l’entendre que nous préférons parrainer le Sénégal que de parrainer un combat de lutte, un match de football ou un baptême. Ceux qui réclament un changement de paradigme à tous les niveaux vont sans doute le féliciter. Car, ceux-là savent bien que faire parrainer un ministre, un DG ou autre, qui n’a que son maigre salaire, et attendre qu’il vous donne des centaines ou milliers de billets de banque, c’est entre autres le pousser à aller puiser dans les caisses de l’Etat. Cette pratique doit cesser. On doit mettre fin à ce business qui enrichit une personne.
Birame Souleye a également bien raison de dire que nous allons parrainer le Sénégal en lieu et place des combats de lutte, baptême ou match de football. Car, en le disant, le nouveau ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, a inclus la finalité de notre projet de gouvernement qui est de changer le Sénégal à tous les niveaux et de manière systémique. Il faut que ce business, qui a enrichi beaucoup des personnes qui s’accommodent de tous les pouvoirs, prenne fin. Parrainons l'Éducation et la Santé au profit de tous plutôt que d’enrichir des gens qui ont fait leur business de ce réseau pour capter de façon indue des ressources du pays. Et ce sont toujours les mêmes aux basques des DG, ministres, députés de tous les pouvoirs qu’ils tournent le dos dès qu’un changement s’opère.
L'ÉRE DU TOUT-ÉCRAN
Le face-à-face disparaît, englouti par la déferlante numérique. Nos smartphones sont devenus les prothèses d'une société où l'on ne se regarde plus en face
(SenePlus) - Selon le sociologue David Le Breton, professeur à l'Université de Strasbourg, nos sociétés connaissent une profonde mutation dans les modes de communication interpersonnelle. Dans une tribune au journal Le Monde, il déplore la disparition progressive du "face-à-face" au profit d'interactions dématérialisées, vidées de leur substance charnelle.
"Le visage est le centre de gravité de toute conversation", souligne-t-il. Plus qu'un simple échange de paroles, le face-à-face instaure "un principe de considération mutuelle" basé sur la réciprocité des regards et de l'attention portée à l'autre. "On supporte mal celui qui ne nous regarde pas en face en s'adressant à nous", rappelle le sociologue.
Pourtant, ce lien charnel tend à se distendre. "Aujourd'hui, dans maintes interactions ou sur les trottoirs des villes, les visages deviennent rares, le plus souvent absorbés par l'écran du smartphone". Une "hypnose sans fin" qui rend aveugle à son environnement immédiat et indifférent à l'autre. "Une société spectrale où, même devant les autres ou dans les rues, les yeux sont souvent baissés sur l'écran".
Des "communications sans visage"
M. Le Breton déplore cette omniprésence des écrans qui engendre des "communications sans visage, sans présence". Un monde "sans chair" où la parole se vide de sa substance, une "humanité assise" coupée de sa sensorialité.
"Les réseaux sociaux sont sans visage, contrairement à la parole du quotidien", affirme-t-il. Ils deviennent des "mondes de masques" où l'anonymat "autorise le harcèlement, les insultes, les menaces". Des "paroles sans visage, sans possibilité de vérification" dans un vaste "carnaval" fait de multiples identités factices.
La fragmentation du lien social
Cette désincarnation de la parole entraîne une profonde fragmentation du lien social selon le chercheur. "Chacun devient une monade, centré sur lui-même et son éventuelle communauté d'intérêt. La chose publique disparaît."
Plus gravement encore, ces nouveaux modes de communication favorisent l'indifférence à autrui. "Nous sommes de moins en moins ensemble, mais de plus en plus côte à côte, dans la fragmentation, les yeux rivés sur nos écrans, sans plus nous regarder", déplore David Le Breton.
Dans ce contexte, le visage humain connaît une véritable mutation, passant du "lieu sacré du rapport à l'autre" à un simple "élément parmi d'autres d'un corps qui a de moins en moins d'importance dans la relation à autrui". Une évolution préoccupante selon le sociologue, qui voit dans cette disparition progressive des visages le signe d'un délitement du lien social et de "la disparition de la chose publique".
VIDEO
RÉINVENTER LA DIFFUSION DES SAVOIRS
L'enseignement public sénégalais se dégrade au profit du privé, miné par un système déconnecté des réalités culturelles africaines. L'école reproduit un "roman national" orienté, gommant les voix dissidentes et le rôle des femmes dans l'histoire
Dans le cadre de la série "Où va le Sénégal ?", animée par Florian Bobin, chercheur en Histoire à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, un riche échange à eu lieu autour de l'éducation populaire, du rôle des intellectuels et artistes dans la démocratisation des espaces culturels. Zoubida Fall, auteure et animatrice de podcast, l'artiste-graffeur Madzoo TRK et l'universitaire Saliou Diop ont apporté leurs éclairages.
Le constat est sans appel : l'enseignement public sénégalais se dégrade au profit du privé, miné par un système déconnecté des réalités culturelles africaines. L'école reproduit un "roman national" orienté, gommant les voix dissidentes et le rôle des femmes dans l'histoire. Face à cette vision convenue, les intervenants impliquent un regard décapant.
En réinscrivant dans l'espace public, via différents médias, des figures et récits historiques marginalisés, ils œuvrent pour une « éducation populaire ». Les fresques monumentales de Madzoo TRK rendent visibles des personnalités comme Frantz Fanon ou Amílcar Cabral. Le podcast "Conversations féminines" de Zoubida Fall amplifie les voix féminines trop souvent inaudibles. Saliou Diop, par ses recherches, désinstitutionnalise la pensée du philosophe Cheikh Anta Diop.
Leurs pratiques créent ainsi de nouveaux espaces culturels décentralisés, ancrés dans le quotidien populaire. Mais le combat est de taille face au manque de soutien étatique aux voix alternatives, contraignant à l'auto-organisation et aux financements étrangers.
Dans une société où la culture officielle reproduit les schémas jacobins en concentrant les ressources dans la capitale, ces artistes et intellectuels engagés inventent d'autres modalités de transmission. Une renaissance culturelle et politique par le bas, qui se jouera peut-être de la capacité à "se raconter librement".
OUSMANE SONKO S'ADRESSE AUX MINISTRES ET SECRÉTAIRES D'ÉTAT
Le lundi dernier, c’est le président de la République qui avait adressé un messe aux fonctionnaires de l’Etat. Ce, pour fixer les règles et valeurs qui doivent être incarnée dans l’exécution du travail. C’est au tour de son Premier ministre de l’appuyer.
Le lundi dernier, c’est le président de la République qui avait adressé un messe aux fonctionnaires de l’Etat. Ce, pour fixer les règles et valeurs qui doivent être incarnée dans l’exécution du travail. Ce vendredi, c’est au tour de son premier ministre, Ousmane Sonko, de l’appuyer.
Ce vendredi, le premier ministre Ousmane Sonko a adressé une correspondance aux membres de son gouvernement. Une correspondance qui fait suite à la lettre adressée par le président de la République aux agents de la fonction publique.
Dans sa correspondance, il a tenu à rappeler aux Ministres et Secrétaires d'Etat, que lors de leur première réunion du Conseil des Ministres, le Président de la République, dans sa lettre adressée aux fonctionnaires et agents de l'administration publique, a mis l'accent sur la nécessité d'incarner les principes de «Jub, Jubal, Jubanti», l'importance de la protection des lanceurs d'alerte et l'obligation absolue de promouvoir une gouvernance et une gestion vertueuses, transparentes, respectueuses des lois et règlements. Il souligne à ses collègues qu’il s'agit là, d'œuvrer, avec éthique et responsabilité, collectivement et individuellement, à l'amélioration de la qualité de vie de chaque citoyen sénégalais.
«Afin d'assurer une prise de connaissance et une ferme appropriation de ces directives, je vous demande de prendre les dispositions idoines pour une large diffusion de la correspondance ci-jointe, auprès des agents de toutes les administrations relevant de votre département au plus tard ce vendredi 12 avril 2024, et de m'en rendre compte dans les plus brefs délais», leur dit-il, soulignant qu’il attache du prix au respect scrupuleux de ces directives. Et certains ministères commencent déjà à réagir.
FMI, KRISTALINA GEORGIEVA RECONDUITE AU POSTE DE DIRECTRICE GÉNÉRALE
Le nouveau mandat de Kristalina Georgieva, qui était la seule candidate désignée à sa propre succession, débutera au 1er octobre 2024, à l'issue de celui en cours, a précisé le FMI dans un communiqué.
Le Fonds monétaire international (FMI) a décidé de reconduire Kristalina Georgieva au poste de directrice générale.
Le conseil d'administration du Fonds Monétaire International (FMI), a annoncé vendredi que sa directrice générale, Kristalina Georgieva, avait été désignée, «par consensus», pour rester à la tête de l'institution pour un deuxième mandat de cinq ans. Le nouveau mandat de Kristalina Georgieva, qui était la seule candidate désignée à sa propre succession, débutera au 1er octobre 2024, à l'issue de celui en cours, a précisé le FMI dans un communiqué.
GRÂCE À LA RUSSIE, LE NIGER SE DOTE D'UN SYSTÈME ANTIAÉRIEN DE DERNIÈRE GÉNÉRATION
Membre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le Niger à l’instar du Burkina et du Mali, a noué une coopération militaire avec la Russie pour mieux faire face aux attaques terroristes.
Membre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le Niger à l’instar du Burkina et du Mali, a noué une coopération militaire avec la Russie pour mieux faire face aux attaques terroristes. Dans un communiqué, le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), au pouvoir depuis le coup d’Etat de juillet 2023, livre les premiers acquis de ce partenariat.
Ainsi, renseignent les nouvelles autorités, dans le cadre du renforcement de ses capacités de défense et de sécurité, et en vertu de l’accord de coopération militaire avec la Fédération de Russie, le Niger vient de se doter d’un système antiaérien de dernière génération.
Les équipements composant ce dispositif de pointe sont arrivés sur le territoire nigérien, à Niamey, le mercredi 10 avril 2024, accompagnés d’une centaine d’instructeurs militaires russes. Ces derniers auront pour mission de procéder à l’installation du système et d’assurer la formation des Forces Armées Nigériennes à son utilisation optimale.
Cette acquisition stratégique témoigne de la ferme volonté des plus hautes autorités d’élever les capacités défensives du pays à un niveau dissuasif, dans un contexte régional marqué par la recrudescence des menaces sécuritaires asymétriques. Elle participe également du renforcement du partenariat militaire et technique avec la Russie, allié historique du Niger sur les questions de paix et de stabilité.
PAR NDIAGA LOUM ET IBRAHIMA SARR
GOUVERNANCE DES MÉDIAS PUBLICS : CE QU’IL NE FAUDRAIT PLUS JAMAIS REFAIRE !
Le pire travers du régime sortant ne résidait pas dans sa suffisance et son hostilité aux voix discordantes ; c’était de considérer tous ceux qui n’épousaient pas ses vues comme d’éternels aigris condamnés à l’indignation figée...
Sans prétention aucune ni volonté de donner des leçons certes renseignées par la connaissance scientifique à la fois empirique et théorique des médias, il nous semble opportun (à l’aune du traitement médiatique des nouvelles autorités récemment portées à la tête du pays constaté ces jours-ci au niveau de la RTS, notamment le Journal télévisé du soir) devoir attirer l’attention des tenants du pouvoir sur un certain nombre de pratiques à éviter pour que les mêmes causes ne finissent pas par produire les mêmes effets.
Nous prenons la précaution préalable d’ailleurs de ne pas dire ce qu’il faudrait faire (rompant avec une communication de nature verticale), ce qu’il ne faudrait non pas faire, mais ne plus refaire, étant entendu que c’est qui est déjà vu ou vécu renseigne plus ou mieux que ce qui n’est pas encore fait. Pour paraphraser Hegel, lorsqu’on interpréte intellectuellement l’histoire, c’est ou pour la refaire, ou pour la défaire. Or, donc, on ne peut refaire ou défaire que ce qui a été déjà fait.
En Afrique francophone, les pratiques de soumission et d’inféodation des journalistes des médias d’État (devenus par la force des choses des médias de gouvernement ou de régime) remontent loin dans le temps. Ces organes devaient servir avant tout à diffuser la parole du Chef et magnifier son œuvre. Les financements politiques de ces organes et les privilèges accordés à une caste de journalistes fonctionnaires, à la fois « carriéristes » et fidèles militants du parti au pouvoir, ont permis de sceller une alliance entre politiques et journalistes, et d’utiliser les organes gouvernementaux comme moyens de propagande. Des journalistes faisaient montre d’un grand zèle car leur promotion et leur avenir dépendaient de leur degré de soumission au pouvoir.
En outre, les thèses sur les journalismes dits d’« union nationale » puis de « développement », élaborées par l’Unesco, au cours des années 1960-1970, ont servi de prétexte au pouvoir central africain pour contrôler les médias. Au Sénégal, tout commença par la radio, héritée de l’État colonial. Ce qui lui avait donné de l’importance, c’était le rôle crucial qu’elle avait joué dans les crises que notre pays a connues : l’éclatement de la Fédération du Mali (regroupant le Sénégal et l’actuel Mali), la crise de 1962 entre le président Senghor et le président du conseil de gouvernement, Mamadou Dia, ainsi que la grève des étudiants et des travailleurs, en mai 1968 à Dakar. Ces crises ont permis à la radio d’acquérir la dimension de véritable élément de pouvoir politique. Puis, Le Soleil et la télévision d’État sont venus élargir la liste des organes gouvernementaux.
Plus de soixante ans après l’indépendance, certains journalistes évoluant dans le secteur public des médias sont restés des « griots » du pouvoir central du fait de la grande sécurité de l’emploi et de conventions-maisons garantissant de meilleurs salaires que dans le privé. En effet, le multipartisme intégral et la libéralisation progressive de l’espace médiatique n’ont pas changé les réflexes de subordination au pouvoir en place.
Au contraire ! Notons que le traumatisme des titres laudateurs dans les médias publics avait non seulement dépité et détourné nombre de Sénégalais qu’il eût aussi, sans exagération aucune, un impact psychologique troublant sur la conscience de l’ancien opposant au pouvoir socialiste, Wade, devenu président en 2000 après le « miracle » d’une première alternance politique passant par les urnes. Voici comment Wade, dès son arrivée au pouvoir, exprima son profond malaise face aux lignes éditoriales soumises et aliénées des médias publics : « Je ne veux plus de quotidien gouvernemental. Je confierai Le Soleil aux jeunes, nous n’avons pas besoin d’un organe gouvernemental qui fera les éloges du régime en place avec des éditoriaux dithyrambiques. Il faudra d’ailleurs procéder à l’arrêt de la publication du Soleil, le temps d’étudier les aménagements et les modalités de sa mutation ».
Ces propos manifestement excessifs qui brandissaient la menace de fermeture d’un média public aux conséquences désastreuses, si cela advenait, sont à replacer dans leur contexte et expliqués à l’aune des pires bassesses de ce que pouvait symboliser une conception étriquée, médiocre, choquante, d’un média d’État dans une République sérieuse. Si LeSoleil était le symbole de ce journalisme révérencieux, son pendant dans l’audiovisuel ne faisait guère mieux.
Si nous n’avions pas voulu être brefs, nous aurions énuméré une longue liste d’illustrations de ce « griotisme médiatique » qui chante à tue-tête les louanges du chef au pouvoir, ignorant souvent son opposition ou l’évoquant qu’à de rares occasions (comme lors des campagnes électorales) sinon pour la réduire à néant ou tout au moins la discréditer. On eût espéré que sorti de ce choc, le régime de Wade opérât les ruptures. Que nenni ! S’abreuvant à la même source du père libéral, Macky Sall, surpris ou « complexé » devant une subite petite gloriole, se laissera griser par les mêmes « griots » médiatiques.
À la différence notable que sous le règne de Sall, Le Soleil a été plus « sobre » et donc moins vulgaire dans l’expression de la soumission au pouvoir que la RTS dont le directeur, à l’intelligence sociale douteuse, semblait être le seul à ne pas comprendre que la mise sous le paillasson des lignes éditoriales, essentiellement orientées vers la promotion du régime en place et fermées systématiquement à l’opposition, serait une des causes de la défaite d’un pouvoir ivre d’excès, le 24 mars 2024.
Bref, tout ceci pour dire aux nouveaux tenants du pouvoir, que s’il y a une chose à ne plus refaire, c’est d’accaparer les lignes éditoriales des médias publics, de tomber dans l’auto-intoxication médiatique avec un journal télévisé dont les deux tiers du temps sont consacrés aux activités du chef de l’État et de son gouvernement, à la lecture soporifique du communiqué du Conseil des ministres et de la liste des personnalités reçues au palais, sans compter la suppression des émissions politiques donnant lieu à des débats contradictoires, l’instrumentalisation d’un organe de régulation médiatique (CNRA) aux missions dévoyées, zélées, et anachroniques.
Le pire travers du régime sortant ne résidait pas dans sa suffisance et son hostilité aux voix discordantes ; c’était de considérer tous ceux qui n’épousaient pas ses vues comme d’éternels aigris condamnés à l’indignation figée, au point de faire obstacle à leur libre expression. Ce sera tout une révolution certes ! Mais elle sera sur le long terme salutaire pour vous ! Prions que le piège tentant des pratiques médiatiques laudatrices ne dénature jamais vos postures d’humilité !
Sinon, le plus simple sera de réactiver des réflexes de soumission volontaire de journalistes qui n’ont jamais eu l’occasion de faire leur « métier tel qu’on le leur a appris à l’école » (dixit, l’ancien rédacteur en chef du journal Sud, le défunt Ibrahima Fall) en courant le risque de voir se consumer à petit feu un capital de sympathie jamais définitivement acquis tant qu’on ne l’entretient pas avec dextérité et une bonne dose d’intelligence sociale. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets.
Enfin, de soi-disant spécialistes de la communication tenteront de vous faire croire le contraire en vous invitant à avoir des « médias du Palais » comme par le passé, pour supposément vous aider à « poncer » votre image. Mais si c’est pour « polir » ou « enjoliver » une image, vous vous êtes appuyés jusqu’ici sur une maitrise des contenus et du processus de diffusion des médias sociaux, sachez qu’aucun contrôle des médias classiques ne vous amènera à faire plus et mieux. Nous voyons déjà les articles proprement téléguidés de ce fameux hebdomadaire africain « couvé » à Paris, comme ce « papier » pondu aujourd’hui sur une supposée grogne des cadres de l’armée avec la nomination de généraux aux postes ministériels. Voilà leur modus operandi :
1. Dans un premier temps, ils cherchent à vous approcher, vous amadouer, vous caresser dans le sens des poils.
2. Dans un deuxième temps, si vous résistez, ils vous menacent avec des articles visant à modifier ou façonner négativement les perceptions d’une certaine opinion publique.
3. Enfin, s’ils croient avoir réussi à vous faire peur, ils viendront vous proposer leur expertise en lobbying, en marketing à coup de milliards, pour supposément redorer un blason qui ne serait en réalité terni que par leur propre perception négative préconstruite.
C’est du FAUX ! C’est du TOC ! C’est du SUPERFICIEL ! Dans le contexte actuel, la meilleure image, celle qui parle à une jeunesse majoritaire, informée et décomplexée, est celle de l’authenticité, de la fidélité à sa nature, de l’assumation sans complexe de sa sénégalité, de son africanité. Pour ce faire, nul besoin d’embrigader des lignes éditoriales classiques ou recourir à des gourous médiatiques qui ont plus d’influence en réalité sur les hommes politiques qu’ils ne l’ont sur l’opinion publique, laquelle d’ailleurs n’existe plus sous sa forme aliénée, soumise et atomisée.
Ibrahima Sarr, Maître de conférences CAMES, ancien directeur du CESTI, ancien président de Théophraste, réseau mondial des écoles et centres de formation francophones de journalisme
(Co-auteurs de Les médias en Afrique depuis les indépendances : bilan, enjeux et perspectives Paris : L’Hamattan, 2018).
Par Mady Marie Bouaré
AFFAIRE MAITRE SYLLA CONTRE CONSEIL DE L’ORDRE DES AVOCATS
De l’exception corporatiste du barreau sénégalais dans la sous-région et le concept de «sénégalité» : Cour d’appel de Dakar Assemblée générale du 23 mai 2003 - Ce jour 26 déc. 05, la Justice sénégalaise semble malade.
Ce jour 26 déc. 05, la Justice sénégalaise semble malade. Accusée par une organisation internationale (transparency international), par les députés sénégalais (corruption dans la magistrature), elle se voit épaulée par les avocats dans la défense de leurs droits. Ce sentiment général de non-dit qui pèse sur cette «grande dame» en général me laisse perplexe. Dans cette perspective, il me plaît de revenir sur l’état de ce «corps» malléable qui permet un mouvement incessant entre les deux corporations et qui, à l’heure de leur décadence présumée, refuse concernant le barreau, la reconnaissance du certificat d’aptitude à la profession d’avocat délivrée par la France aux Sénégalais qui ont choisi de refuser toute immigration intellectuelle.
Par requête en date du 23 septembre 2002, monsieur Sylla, avocat à la Cour d’appel de Paris, de nationalité sénégalaise, saisissait le président de la Cour d’appel de Dakar aux fins d’infirmation de la décision implicite de rejet de sa demande d’inscription au grand tableau de l’Ordre des avocats du Sénégal. Par le présent arrêt, la Cour d’appel déclare le requérant mal fondé eu égard à l’article 16 de la Loi 84-09 du 4 janvier 1984. Ainsi, la Cour donne raison au Conseil de l’Ordre qui soutient que Me Sylla ne remplit pas les conditions légales requises pour y prétendre eu égard à trois raisons. Que d’abord le Capa français ne peut même pas lui permettre une inscription sur la liste de stage en l’absence d’une procédure nationale d’admission en équivalence d’un pareil diplôme par rapport au certificat d’admission à l’examen d’aptitude au stage du barreau qui tient lieu de Capa au Sénégal. Qu’en second lieu, le requérant n’est pas titulaire d’un certificat de stage délivré par le Bâtonnier de l’Ordre des avocats et celui délivré par le Bâtonnier d’un barreau étranger ne saurait y suppléer. Qu’enfin que le requérant exerce la profession d’avocat en France ne lui permet pas de se prévaloir de conventions de réciprocité d’établissement entre l’Etat français et celui du Sénégal.
Au-delà du Droit, de sa malléabilité ou de sa dureté, dura lex. Sed lex. Par la pauvreté de l’argumentaire dont la Cour d’appel fait sienne, cet arrêt traduit sur un autre plan, la tragique comédie de la survivance sous l’ère de l’alternance d’un positionnement clientéliste frileux et discriminatoire à l’heure où la reconnaissance des diplômes et des compétences est acquise en Europe dont on singe la démocratie, à l’heure où certaines politiques tiersmondistes appellent au retour au pays des compétences des immigrés.
1 Faux problème de l’équivalence.
Ainsi, en rendant sa décision, la Cour d’appel opte pour une interprétation critiquable dont le fondement semble reposer sur un parallélisme entre l’exercice de la profession d’avocat suite à la réussite à un examen et la possession du Capa. Elle semble oublier que les titulaires du Capa français doivent, préalablement à l’examen d’entrée au Barreau, suivre une formation d’une année dans un institut d’études judiciaires. Ensuite seulement, ils peuvent subir le concours d’entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats durant une année ponctuée de stage en cabinet, juridiction et services judiciaires, conclue par un examen de sortie et la possession du Capa. Ainsi débutent ils leurs carrières en tant que stagiaires pendant deux ans sous la direction d’un maître de stage avant d’être inscrits sur le grand tableau.
Le législateur sénégalais avait bien compris cette exigence, ainsi dans l’exposé des motifs de la loi n°84-09 du 04 janvier 1984 portant création de l’Ordre des Avocats, on pouvait y lire «le certificat d’aptitude à la profession d’avocat prévu par l’institution initiale du Barreau, puis supprimé par le décret n° 63-120 du 19 février 1963, a été réinstitué dans son principe, les modalités de son organisation étant renvoyées à un décret. Il est apparu indispensable, en effet, que les postulants au stage aient reçu une formation préalable théorique et pratique axée sur l’exercice de la profession d’avocat, la maîtrise en droit privé, même dans l’option judiciaire, ne constituant pas une préparation suffisamment spécifique pour le futur avocat stagiaire. En outre, l’exigence du certificat d’aptitude à la profession d’avocat pour toute candidature au Barreau permettra de réintroduire des dispositions sélectives dont le Bâtonnier déplorait, récemment la sélection. Le certificat d’aptitude à la profession d’avocat doit normalement être délivré dans le cadre d’un enseignement prodigué par des professeurs de faculté, par des magistrats expérimentés et par des avocats chevronnés. En attendant que son institution ait pu être matériellement réalisée, il est prévu, à titre transitoire, l’organisation d’un examen d’aptitude au stage, assuré par les soins du ministre chargé de la Justice, dans des conditions fixées par décret.
Le certificat d’admission à l’examen d’aptitude au stage du barreau sénégalais paraît donc bien maigre par rapport au certificat d’aptitude à la profession d’avocat français. Ainsi, la question qui se pose est de savoir si la carence de l’Etat sénégalais et de l’institution du Barreau devraient préjudicier aux Sénégalais de l’extérieur ? A cet égard, il convient de rappeler que les Sénégalais de l’extérieur ont vocation naturelle à rentrer et à participer à l’effort de développement de leur pays et non à traîner des savates à l’extérieur. Le requérant en l’espèce bénéficie d’une forte expertise et d’un diplôme reconnu, le Sénégal devrait s’en glorifier au nom de l’intérêt général de la Nation. C’est dans ce sens qu’il faut apprécier les exemples malien, nigérien, togolais et ivoirien qui, titulaires du Capa français, accèdent au barreau de leur pays à condition de trouver un stage.
2 Une restriction corporatiste lit de la fuite des cerveaux.
A l’image de ce positionnement sectaire s’inscrit, le refus opposé aux universitaires, docteurs en droit, titulaires du Capa, et des agrégés d’accéder au barreau sénégalais en soulignant l’incompatibilité entre la participation à une fonction publique d’établissement des universités de Dakar et de Saint-Louis et l’exercice de la profession d’avocat. En effet, aux termes des dispositions de la loi 87-30 du 28 décembre 1987 codifiée sous l’article 43 de la loi 84-09 du 4 janvier 1984 portant création de l’Ordre des avocats au Sénégal, les agrégés des facultés de Droit (et à mon sens, il faut élargir ce texte, aux docteurs en Droit) sont dispensés de stage. Invoquer la qualité de fonctionnaire des juristes universitaires qui, au demeurant, bénéficient d’une réelle indépendance est un argument dénué de bons sens. En effet, il est acquis de la compatibilité de l’enseignement juridique même sous le préau d’un établissement public avec l’exercice de la profession d’avocat dans la mesure où il s’agit d’une même communauté d’appartenance. Il y a plus qu’une interaction entre la théorie et la pratique juridique. Les démocraties majeures l’ont bien compris qu’il s’agisse des traditions de la commun Law ou des traditions juridiques latines. La France notre «chère vitrine» n’y échappe pas et la similitude des systèmes juridiques sénégalais et français est bien réelle. Si à une certaine époque, les Socialistes avaient enjoint l’ancien président de la République à choisir entre le Barreau et l’Université, aujourd’hui, le Sénégalais ne saurait sacrifier, sous l’autel d’un corporatisme et d’un clientélisme, une génération de juristes qui ont volontairement choisi de rejoindre la mère Patrie pour contribuer à l’œuvre de lisibilité et de transparence dans la construction du Droit et du renforcement d’une meilleure défense des justiciables.
3 Violation de principes constitutionnels fondamentaux.
En l’espèce, le requérant soutient que le refus du Conseil de l’Ordre de procéder à son inscription viole les deux principes constitutionnels fondamentaux de la non discrimination entre citoyens sénégalais et du libre établissement des Sénégalais sur l’ensemble du territoire national. Nous abondons dans le sens de Maître Sylla, car en effet, comment comprendre l’acceptation par le Barreau sénégalais de l’inscription de Me Faye, avocate au barreau du Val de Marne, qui a acquis la nationalité sénégalaise par l’effet de son mariage, sous le prétexte de l’existence d’une convention de coopération avec le barreau de Val de Marne ? Ce à quoi, la Cour d’Appel répond «qu’il en est également de l’invocation du précédent créé par le cas de Me Faye , la Cour n’étant pas tenue de réitérer une entorse aux principes légaux clairement définis» Sic et Hic ?? !!! Deux poids, deux mesures, voilà une discrimination qui ne dit pas son nom ! Positive, on l’aurait cru à l’égard du national d’origine, même si les valeurs et principes que nous défendons vont dans le sens d’une non-discrimination entre Sénégalais de n’importe quelle origine. Voilà sans doute l’affirmation de l’existence de «la Sénégalaise» en meilleure position sur le plateau de l’intégration et du retour au pays. Irons-nous jusqu’au parallélisme récemment avec la candidature présidentielle des binationaux. Voilà de quoi méditer ?
4 Derrière les fagots.
Il est grand temps que le Sénégal prenne ses responsabilités. Cette exception corporatiste et cette discrimination expliquent le pourquoi de tous les Sénégalais, ingénieurs, médecins, avocats et universitaires qui refusent obstinément de rentrer au Sénégal, tandis que d’autres cherchent coûte que coûte à immigrer. Cette décision conforte aujourd’hui mon analyse de comportements protectionnistes et frileux, d’une certaine démocratie minoritaire qui refuse de partager et d’intégrer les compétences extérieures. A l’heure où de pauvres justiciables sénégalais errent à la recherche d’avocats pour défendre leurs droits, où une alternance dite démocratique cherche à relever le défi, certains privilèges et pensées perdurent encore au Sénégal (faut-il briser la plume satanique de l’autre ?). Au nom d’intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.
Mady Marie Bouaré
Docteur en droit privé et sciences criminelles
Maître de conférence à l’Université Gaston Berger
Avocat au barreau de Paris
Par M. Djibril BA
LA STRUCTURATION DES CHAINES DE VALEUR ET L’APPUI DES INSTITUTIONS AGRICOLES
Le parti Fepp tawfekh félicite la décision pertinente du nouveau gouvernement en fusionnant les ministères de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage.
Mis en place ce 05/04/2024, le nouveau gouvernement qui se veut de proximité, d’innovation et d’efficacité, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, s’est fixé des piliers majeurs pour faire face aux préoccupations pressantes des Sénégalais et des Sénégalaises.
Parmi ces piliers majeurs on peut citer : la jeunesse, l’éducation, la formation, l’entreprenariat et l’emploi des jeunes et des femmes, la lutte contre la vie chère et l’amélioration des conditions de vie des populations.
Pour relever les défis précités, le secteur primaire au sens large du terme reste un écosystème incontournable dans toutes les stratégies qui seront éventuellement mises en place par l’équipe de M. Ousmane Sonko.
Le parti Fepp tawfekh félicite la décision pertinente du nouveau gouvernement en fusionnant les ministères de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage. La décision de créer un Secrétariat d’Etat aux coopératives agricoles et encadrement du paysan est aussi salutaire au regard des enjeux de réorganisation des producteurs ruraux.
Toutefois, compte tenu de la complexité du secteur, du niveau de formation des acteurs dont plus de 70% sont des exploitations de type familial, un certain nombre de préalables s’imposent pour asseoir une stratégie durable qui aboutira éventuellement à l’atteinte des objectifs escomptés.
Ces préalables permettent :
• aux instituions financière de mettre en place des schémas de financements sécurisant en proposant des produits et services à tous les acteurs des différentes chaînes de valeur à travers des modèles intégrés (contractualisation, warrantage, système de récépissé d’entrepôt, l’affacturage. etc.) ;
- de faciliter aussi l’interrelation et l’interaction entre les différents segments grâce à leur professionnalisation ;
- aux décideurs d’identifier clairement les besoins des acteurs et d’avoir plus de visibilité sur le fonctionnement des filières agricoles afin de proposer une politique agricole qui répond parfaitement aux besoins desdits acteurs ;
- la structuration des chaines de valeurs agricoles et agroalimentaires.
Le renforcement et la mise en place d’organisations de producteurs/entrepreneurs est un des piliers pour déclencher une dynamique organisationnelle dans le monde rural. En d’autres termes, le manque d’organisation des producteurs à la base dans les différentes zones agro-écologiques constitue un goulot d’étranglement qui pourrait freiner toute initiative de développement et de politique publique dans le secteur agricole. Dans ce sillage, la nouvelle équipe gouvernementale gagnerait, de concert avec les structures d’appui technique, la Dapsa et le secteur privé, à caractériser en toute rigueur les exploitations agricoles et agroalimentaires dans les différentes zones agro-écologiques du pays. A date, des visites de terrain et des entretiens effectués avec les acteurs ont permis de déceler beaucoup de défaillances dont le manque de formation, l’absence notoire de dynamique organisationnelle, surtout sur les filières horticoles et céréalières, absence d’interrelation entre les acteurs, faiblesse du maillon de la transformation, des entités agricoles informelles (non inscrites au registre de commerce, sans Ninea etc.). En définitive, l’organisation du secteur agricole facilitera : la distribution des intrants agricoles, l’identification des besoins en formation des acteurs, la mise en place de modèles d’agrobusiness inclusifs, l’identification des besoins en financement, l’implication du secteur privé, la mise en place de schémas de financement sécurisés pour les institutions financières, la mise en œuvre de toute initiative de développement en général, etc. Cette organisation facilitera la création de coopératives agricoles, de Gie de productions, d’entreprises agricoles ou toute autre forme d’organisation juridiquement reconnue. Enfin, une bonne connaissance de la structuration et de la coordination des chaînes de valeurs agricoles peut réduire les risques et les réticences des institutions financières à consentir des prêts au secteur agricole.
En somme, à l’état actuel, notre agriculture est confrontée à un défaut relatif à son modèle économique. A cela viennent s’ajouter la faiblesse de la dynamique organisationnelle à la base, le caractère familial de nos exploitations agricoles, nos habitudes alimentaires, la faiblesse du maillon de la transformation, etc. Dans le court terme, il urge de fortifier davantage les exploitations en coopératives très fortes et bien structurées en encourageant toutes les initiatives relatives à l’innovation.
• Quels services agricoles pour accompagner l’innovation agricole ?
Depuis plusieurs décennies, pour accompagner le monde rural, l’Etat a mis en place plusieurs structures d’appui technique à travers les différentes zones agro-écologiques du pays. Elles fournissent aux Op les services de renforcement de capacités, de gestion financière et de conseils. Parallèlement, elles jouent le rôle d’intermédiaire entre les organisations de producteurs et les partenaires pour la définition, la négociation et le suivi des politiques et programmes de développement. Parmi ces différentes structures, on peut citer : l’Ancar, la Drdr, la Saed, la Sodagri, la Sodefitex etc. D’autres structures apportent aussi leurs services et expertises au monde rural pour mieux rentabiliser leurs business à la base. Il s’agit, entre autres, de l’Institut national de pédologie (Inp), la Compagnie nationale d’assurance agricole du Sénégal (Cnaas), la Banque agricole (Lba), l’Isra, la Direction de l’horticulture (Dhort), etc. Depuis leur création, elles ont toujours joué le rôle d’interface entre les acteurs du monde rural et leurs différents partenaires. Jadis très présentes sur le terrain pour répondre aux besoins du producteur, au fil du temps ces structures deviennent de moins en moins efficaces pour jouer pleinement leurs rôles et répondre aux besoins du monde rural.
Pour mettre en œuvre le programme agricole du gouvernement de M. Ousmane Sonko, un diagnostic institutionnel de ces différentes structures s’avère primordial pour assurer un service de qualité au profit de tous les acteurs des différentes chaînes de valeurs agricoles. Il s’agira de répondre aux questions ci-après : quel est le niveau de motivation du personnel de ces institutions ? Quelles sont les ressources humaines disponibles ? Leur niveau et leur type de formation sont-ils adaptés aux besoins du marché ? Quels sont leurs besoins en fonctionnement ? Quels sont leurs besoins en matériel et en logistique ? Une gestion de carrière est-elle prévue pour les agents de ces entités ? Pourquoi ces agents abandonnent-ils aussi facilement leur structure pour d’autres administrations : cas de l’Isra ?
La réflexion doit également être menée au niveau des associations de base, avec des animateurs préparés sur le plan méthodologique pour permettre une bonne adaptation des outils de diagnostic aux réalités du terrain.
• Le partenariat
Compte tenu des défis auxquels elles sont confrontées, les organisations de producteurs ont besoin de tisser des collaborations avec des partenaires qui pourront leur apporter un appui en démarche et outils méthodologiques. Plusieurs partenaires techniques sont présents sur le terrain. Mais force est de constater que la chaîne de valeur riz, compte tenu de son caractère de première denrée de consommation, est plus choyée en termes de partenariats (Usaid, Jica, Koica, etc.). Certaines chaînes de valeurs comme celles horticoles sont quasiment laissées à elles-mêmes occasionnant des impacts négatifs sur la rentabilité et la valeur ajoutée créée. La chaîne de valeur arachidière, compte tenu des fonds injectés, mérite plus d’attention. Le gouvernement actuel gagnerait à mettre en place un partenariat public-privé (Ppp) afin de booster le maillon de la transformation de certaines filières comme l’arachide, l’oignon, la pomme de terre, la mangue, etc. Ces partenaires peuvent être identifiés à partir de foires, salons, et des rencontres B2B qui pourraient être organisées par les structures d’appui conseil ou d’autres entités dédiées.
Le ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, accompagné par le Secrétaire général chargé des coopératives, devra encourager les démarches et initiatives qui se veulent innovantes dans la manière de travailler avec les Op. Elles s’appuient en grande partie sur les Ong, projets, partenaires techniques et financiers, etc. Ces entités contribueront fortement à la mise en place de réseaux et d’interactions entre les acteurs des chaînes de valeurs agricoles et agroalimentaires. Dans le cadre de ces partenariats, les acteurs de la chaîne de valeur doivent être au cœur du dispositif. Un dispositif de monitoring devrait aussi être mis en place afin de faciliter les synergies entre les différents projets et programmes, et éviter une mauvaise utilisation des ressources dans le monde rural.
UN ETAT QUI NE PROTEGE PAS L’ENFANCE NE PEUT PAS PROTEGER LES LANCEURS D’ALERTE
Fadel Barro, ancien coordonnateur régional de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf), exhorte les autorités à agir avec discernement.
Dans la quête d’un Sénégal meilleur au bénéfice de tous, le Président Bassirou Diomaye Faye annonce une loi pour protéger les lanceurs d’alerte. Fadel Barro, ancien coordonnateur régional de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf) et du mouvement Y’en a marre, met en garde, dans cet entretien accordé à Le Quotidien, contre les dangers de politiser ce sujet et exhorte les autorités à agir avec discernement. A travers ses expériences et ses observations, l’activiste dévoile les véritables défis et propose des solutions concrètes pour protéger ceux qui osent défendre l’intérêt général, tout en mettant en lumière les obstacles qui persistent sur le chemin de la transparence et de la Justice. Fadel Barro estime que le Président Faye a tant de dossiers à éclairer d’abord, avant de s’occuper de la protection des lanceurs d’alerte.
Lors de son tout premier discours à la Nation, le 3 avril 2024, le Président Bassirou Diomaye Faye, qui déclinait ainsi les orientations de son mandat, a promis, entre autres, de protéger les lanceurs d’alerte du Sénégal. Quelle est votre réaction ?
C’est une bonne chose de s’intéresser à la corruption, et aussi à ceux qui dénoncent ou veulent arrêter le vol. C’est une bonne chose également de vouloir préserver l’intérêt général. Et dans cette optique, on ne peut que se réjouir de la déclaration du Président Bassirou Diomaye Faye. Cela montre aussi sa volonté de bien faire. Maintenant, il est dangereux de lancer des choses comme ça. Ce n’est pas de cette manière qu’on protège le lanceur d’alerte. La protection des lanceurs d’alerte n’est pas un sujet politique. Et il ne faut pas politiser cela. Il ne faut pas que ce soit juste une déclaration publique qui risque d’étouffer ou d’occulter la vraie réalité. Si le Sénégal veut vraiment protéger les lanceurs d’alerte, on n’a pas à commencer par une déclaration. On doit protéger les lanceurs d’alerte, mais il y a tellement de choses à faire avant. Si le Président veut lutter contre le vol et la corruption, il y a d’abord les dossiers de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et on ne sait pas d’abord ce que contiennent ces dossiers-là. Il y a les dossiers de la Cour des Comptes avec les 1000 milliards du Covid19. On ne sait pas également dans quoi cet argent-là a été dépensé. Le Président Diomaye Faye a tant de dossiers à éclairer d’abord, avant de s’occuper de la protection des lanceurs d’alerte. A quoi ça sert de protéger les lanceurs d’alerte si le signalement, l’alerte elle-même, n’est pas traité par la Justice. Aujourd’hui, avec sa déclaration, tout le monde est en train de dire voilà, il y a tel vol par-ci et par-là. Tout le monde se prend pour un lanceur d’alerte. On risque à la fin de noyer les vraies alertes. On va noyer le vrai débat. C’est pour cela que j’exhorte les autorités publiques à se ressaisir et d’arrêter de faire des déclarations spectaculaires. Parce que, si on procède par le spectacle, et bien, on ne va pas protéger les lanceurs d’alerte, au contraire, on va les exposer. Parce que les vrais lanceurs d’alerte vont se cacher au détriment de faux lanceurs d’alerte, qui vont occuper la toile parce qu’ils font de la politique.
En tant que coordonnateur de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf) de 2020 à 2022, que propose cette plateforme pour renforcer la législation et la protection des lanceurs d’alerte au Sénégal ?
Je pense que la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (Pplaaf) est bien habilitée pour parler de ça. Avec le travail que j’avais fait là-bas, parce que j’ai coordonné la plateforme au niveau de l’Afrique francophone, nous avons formé des journalistes, des avocats et des barreaux au Sénégal et en Afrique. Et nous avons beaucoup travaillé aussi avec les institutions qui sont censées lutter contre la corruption. Donc, notre objectif était de sensibiliser et de former ces acteurs afin de mieux comprendre et protéger les lanceurs d’alerte. Le journaliste est le principal partenaire du lanceur d’alerte parce qu’un lanceur d’alerte, une fois qu’il fait sa révélation, il faut former des journalistes d’investigation pour vérifier si ce n’est pas juste de la délation ou bien s’il ny’a pas un intérêt particulier derrière. La formation des journalistes d’investigation est importante parce qu’ils permettent d’éclairer avant même que l’affaire n’atterrisse en Justice.
Justement, qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?
Un lanceur d’alerte est un citoyen qui, dans le cadre de son travail, constate des nuisances à l’intérêt général et il décide d’y mettre un terme. Maintenant, c’est quoi la nuisance à l’intérêt général ? Ce ne sont pas que les scandales financiers. C’est aussi l’environnement. Par exemple dernièrement, quand la Pplaaf avait révélé, avec les journalistes d’investigation sénégalais, l’extermination des forêts du Sénégal dans le Sud de la Casamance, il y a des lanceurs d’alerte que nous avons protégés et que ces révélations étaient transmises aux journalistes. On ne connaît pas la teneur du lait ni de l’eau que l’on boit. Et ça par exemple, des lanceurs d’alerte pourraient nous dire est-ce que le lait en poudre qui est vendu au Sénégal, c’est du bon lait ou pas ? Donc, le lancement d’alerte, ce n’est pas que des affaires politiques et financières. Ce sont aussi des affaires environnementales, sanitaires, etc. Et un Etat qui ne protège pas l’enfance, ne peut pas protéger les lanceurs d’alerte. Vous voyez la condition des enfants dans la rue ! Donc, le Président Bassirou Diomaye Faye peut bien par exemple s’occuper de la protection de l’enfance au lieu de faire des annonces sur la protection des lanceurs d’alerte. C’est bien de lutter contre la corruption, mais il y a plusieurs autres chantiers au préalable.
Qui peut être lanceur d’alerte ?
Toute personne qui constate avec des preuves sans vouloir nuire personne...Toute personne qui pense qu’il peut l’arrêter parce qu’il a constaté une nuisance à l’intérêt général ; ça peut être un scandale financier, un vol, un détournement de deniers public, une affaire sanitaire, par exemple un hôpital où on vend des produits périmés. Ça peut être également des produits alimentaires et qu’on constate que ça peut mettre en danger les populations, et on décide de le révéler. Mais quand on décide de le révéler, ce n’est pas juste qu’on fait une dénonciation. Ce n’est pas juste de la délation. On décide d’en parler en public pour arrêter la nuisance à l’intérêt général. Mais quand on en parle en public, ça doit être des choses prouvées clairement et documentées. Le lancement d’alerte, ce n’est pas une vocation. Ce n’est pas un métier. Le lanceur d’alerte, c’est quelqu’un qui est engagé pour préserver l’intérêt général. Et il le fait sans attendre rien en retour. Il n’a pas un intérêt personnel là-dedans.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui envisagent de devenir des lanceurs d’alerte au Sénégal ?
J’encourage tout le monde à devenir lanceur d’alerte à condition qu’ils travaillent quelque part et qu’ils aient des preuves de leurs allégations et qu’ils peuvent se soumettre à la contradiction pour expliquer ce qu’ils disent ou ce qu’ils dénoncent. Attention, un lanceur d’alerte doit d’abord saisir sa hiérarchie pour arrêter la nuisance à l’intérêt général.
Par exemple, vous travaillez dans une structure, il y a un vol et vous avez saisi toute la hiérarchie pour l’informer de ce fait-là. Et puis, elle ne fait rien, tu décides de le révéler en public. Et au Sénégal, nous avons déjà des institutions comme l’Ofnac. Donc, l’urgence, c’est de voir qu’en est-il dossiers qui arrivent à l’Ofnac. Et le Président Bassirou Diomaye Faye ne devrait pas faire comme Macky Sall. Il doit juste enlever son coude sur les dossiers, avant de protéger les lanceurs d’alerte. Il faut juste qu’il enlève ses mains, son coude sur les dossiers comme les enquêtes de l’Ofnac, de l’Inspection générale d’Etat (Ige), de l’Inspection générale des finances (Igf), de la Cour des comptes...Il ne faut pas qu’on trompe les populations en leur disant lanceurs d’alerte. Tout le monde se jette alors que les voleurs sont en train de passer tranquillement de l’autre côté.