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13 février 2025
LE POISON DE MOUSSA BOCAR DANS LA CAMPAGNE DE AMADOU BA
Il y a de ces faits et gestes qui peuvent tout chambouler dans une élection. La sortie de Moussa Bocar Thiam est mal prise jusque dans le camp du candidat de Benno bokk yaakaar. Même s’il a tenté de repréciser ses propos.
La sortie de Moussa Bocar Thiam contre les wolofs de Ourossogui qui voteraient contre Amadou Ba pourrait desservir son candidat. Des membres de son directoire de campagne ont cette crainte. Et parce qu’il y a eu des précédents similaires comme les menaces de Wade, en 2012, contre les populations de Podor et de Matam qui ne voteraient pas pour lui. Le vote-sanction était massif.
Il y a de ces faits et gestes qui peuvent tout chambouler dans une élection. La sortie de Moussa Bocar Thiam est mal prise jusque dans le camp du candidat de Benno bokk yaakaar. Même s’il a tenté de repréciser ses propos. Lors d’un meeting tenu dans la commune de Ourossogui dont il est le maire, le ministre de la Communication n’a rien trouvé de mieux que de s’attaquer aux commerçants et autres ouvriers qui travaillent dans sa commune. Dans une déclaration faite en Wolof, il dit : «Je ne m’adresse pas à ceux qui sont du côté d’Amadou Ba. Mais plutôt à mes parents Wolof, les commerçants, les menuisiers, les maçons, qui sont à Ourossogui et qui sont déterminés à voter contre Amadou Ba. Vous n’avez pas le droit de voter pour quelqu’un d’autre que Amadou Ba à cette élection. Si vous votez pour l’opposition, c’est faire reculer la localité.» En effet, depuis cette communication, des membres de ces corps de métiers ont fait des sorties au vitriol contre le ministre. Cette vidéo devenue virale parce que jugée grave ne laisse pas indifférent le Directoire de campagne de son candidat. Parce que justement, au-delà cette gravité, ces propos peuvent desservir Amadou Ba. Et à regarder dans le rétroviseur, il y a bien eu des cas similaires.
Les menaces de Wade contre Podor et Matam au 2nd tour de 2012
Abdoulaye Wade, acculé et affaibli par sa décision de faire, contre vents et marées, un 3e mandat, avait pété un câble au 2nd tour de 2012. Le 21 mars, à 3 jours du scrutin, devant affronter Macky Sall, avait menacé les localités qui ne voteraient pas en sa faveur. «Je ne vais plus aider des gens qui ne votent pas pour moi. J’ai beaucoup fait pour Podor et Matam, s’ils veulent que je continue mes projets, il faut qu’ils votent pour moi. Il faut que les gens de Matam et Podor me disent s’ils veulent que je continue la construction d’infrastructures. Sinon, je vais remettre les projets à Macky Sall qui n’a pas de programme», avait-il déclaré lors d’un meeting tenu à Tivaouane Peul, une localité de la région de Dakar. Le même Abdoulaye Wade avait aussi menacé de ne plus consentir des investissements en Casamance. Alors, ces localités du nord et du sud y avaient vu du chantage. Résultat : il a subi un vote-sanction massif qui a contribué à sa chute.
Me Moussa Diop et Ilaa Touba
Dans la soirée même de la réélection de Macky Sall en 2019, Me Moussa Diop, non content de la lourde défaite de son candidat à Touba et dans le département de Mbacké en général, n’avait pu se retenir. «Ils se prennent pour le centre du monde, ici au Sénégal. Au référendum, ils ont fait la même chose. Ils ont fait perdre Macky ici (à Touba). Ils ont saboté le vote, détruit tout, et on les a laissés faire. Le président Macky Sall n’a même pas fait un recours. Aujourd’hui, quand je me suis réveillé, j’ai eu une seule envie, aller louer un bulldozer, enlever Ila Touba (autoroute) et aller en faire Ila Fouta», avait-il fulminé. Soulevant ainsi une grosse colère de la communauté mouride et de l’opinion en général. Beaucoup réclamaient d’ailleurs son limogeage de la Directeur générale de Dakar Dem Dikk en vain. Cette sortie n’avait fait qu’accentuer l’impopularité de Macky Sall à Touba.
MACKY SALL RÉFUTE FERMEMENT LES CRITIQUES
"Je n'ai pas d'excuses à faire puisque je n'ai commis aucune faute", se défend le président sortant dans une interview accordée à la BBC
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 20/03/2024
Dans une interview accordée à la BBC ce mercredi 20 mars 2024, le président Macky Sall s'est défendu face aux accusations concernant le report de la présidentielle initialement prévue pour le 25 février dernier.
Interrogé sur d'éventuelles excuses à faire suite aux critiques, le chef de l'État a été catégorique : "Je n'ai pas d'excuses à faire puisque je n'ai commis aucune faute", a-t-il déclaré. Le président assure avoir agi "dans le cadre de la loi et du règlement" et rappelé qu'aucune institution juridique ou judiciaire sénégalaise n'a remis en cause les actions posées.
Selon Macky Sall, "le débat est mal posé, ce n'est pas une affaire de pardon". Citant le vote de la loi de report du scrutin par le Parlement, il a estimé que "le président qui est le chef de l'exécutif doit tenir compte de ce fait et c'est ce qui a été fait". Pour lui, "tout ce qui a été fait, là, était dans le respect strict de la Constitution du Sénégal", document qu'il dit toujours conserver sur lui.
Interrogé sur le fait que les opposants qui défient Macky Sall se retrouvent systématiquement dans le collimateur de la loi, le président a répondu : "Ce n'est pas parce qu'on est politiciens, qu'on ne doit pas répondre de ces actes devant la loi. Ça, c'est ce qu'on raconte dans la rue et qu'on veut me coller à la peau."
Macky Sall a par ailleurs indiqué qu'il passera le témoin au prochain président élu le 24 prochain ou, au plus tard, le 2 avril à la fin de son mandat, réfutant toute intention de rester au pouvoir après cette date.
A LA DECOUVERTE DU COUPLE MUSICIEN FAYE
Paix et unité pour l’Afrique : un point central des thèmes que l’African Joy Group inculque aux mélomanes et populations, par le biais de sonorités mêlant musique traditionnelle africaine et musique moderne.
Paix et unité pour l’Afrique : un point central des thèmes que l’African Joy Group inculque aux mélomanes et populations, par le biais de sonorités mêlant musique traditionnelle africaine et musique moderne. Au gouvernail de ce groupe qui a pris source, en 2005, à la Patte d’oie Bulders, on retrouve le couple Moussa Faye, un guitariste, et Fabienne, une chanteuse passionnée de musique depuis sa tendre enfance. Avant qu’il ne devienne trio avec le concours du guitariste Mass, en 2010.
Fondé en 20O5, le Groupe African Joy est en effet le résultat d’un travail très ardu des époux Faye. Moussa et Fabienne Kantoussa Faye, passionnés parla musique. African joy(la joie africaine), « est un groupe unique qui combine des rythmes et les mélodies africaines traditionnelles avec la musique moderne » soutient ainsi le guitariste fondateur du groupe, Moussa Faye. Le groupe a produit plusieurs singles et un album intitulé : « Life story (histoire de vie), composé de 8 titres, vendu à plus 1000200 exemplaires dans le monde », nous révèle par ailleurs le lead vocal et guitariste, Moussa Faye. Le producteur du Groupe African Joy, Moustapha Faye, est basé en Belgique. C’est ce dernier qui a pris en charge la totalité du financement pour la sortie de l’album. Les thèmes évoqués ont pour but de conscientiser les populations des dangers qui guettent notre planète. Il s’agit entre autres de la violence et du réchauffement climatique et ce, d’autant que sans la paix, aucun développement n’est possible. Selon le guitariste Moussa Faye, « l’art a pour finalité la paix et le développement, des leviers essentiels pour la stabilité de toute société»
Fort de cette conviction, le couple-artiste Faye invite les Africains à s’unir et à s’inspirer des hommes de valeur que furent Cheikh Anta Diop, Patrick Lumbumba, Thomas Sankara etc. Et sans verser dans l’autoglorification, l’artiste moussa Faye se dit d’avis que le Sénégal doit servir d’exemple aux autres Etats du continent. « Dans notre pays les communautés vivent en parfaite intelligence, malgré leur appartenance ethnique, culturelle, confrérique et religieuse ». Avant de préciser que « c’est ce que nous avons essayé de montrer dans notre single : « diamou Sénégal »
Life story : histoire de la vie, en langue locale « diar diarou adouna » compte 8 titres parmi lesquels on peut citer: I remember, je me rappelle (Mme Faye y rend hommage à son père), Love in the whole word Africa ou l’amour dans toute l’Afrique. Une chanson qui exhorte les Africains à s’unir dans la mesure où les défis qui les interpellent sont immenses. Très soucieux par ailleurs de la question infantile, le couple musicien invite les familles et les pouvoirs publics à accorder plus d’importance à la cause de l’enfance. En respectant leurs droits, leur droit au bien-être, à l’éducation mais aussi à bannir toute forme de violence à l’encontre des tout-petits. « Nous avons créé ce groupe pour conscientiser et sensibiliser les populations sur la nécessité de préserver les acquis que nous avons hérités de nos aïeux : l’amour de l’autre, la solidarité.
Le Groupe African joy a eu à se produire sur plusieurs scènes : au Sénégal, lors du Fest femme et dans la sous-région. Il a été invité au Cameroun à l’occasion du Festival International Roots and beauty africa (Firba) et a participé à la célébration de la journée que les artistes de renom ( Hortense Aquassa, Salif Keita, Tiken jah FaKoli, Morgan Héritage) ont dédiée à l’Afrique. Seul revers de la médaille : le manque de moyens financiers. Les nombreux projets peinent à être réalisés même si la volonté existe. A l’instar du projet environnement mis en place en collaboration avec le ministère de la Culture et de l’environnement en 2020 et dont le but est de sensibiliser la population sur les dangers que représente l’utilisation des sachets et tasses en plastique. « Jusqu’à nos jours, malgré tout ce que nous avons abattu comme travail dans le domaine environnemental, nous n’avons pas été récompensés comme cela se doit. Nous avons produit beaucoup de choses pour sensibiliser les populations », déplore le musicien Mousssa Faye qui n’entend cependant pas baisser les bras. Même si le chemin à parcourir est parsemé d’embûches.
Par Pierre SANé
UNE FEUILLE DE ROUTE POUR EN FINIR DÉFINITIVEMENT AVEC LE CFA/ECO
Lettre ouverte aux militants anti-Cfa à l’occasion de l’élection présidentielle sénégalaise de 2024. 2025 marquera le 65e anniversaire de l’accès à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de commémorations et de réjouissances à venir
Lettre ouverte aux militants anti Cfa à l’occasion de l’élection présidentielle sénégalaise de 2024
L’année 2025 marquera le 65e anniversaire de l’accès à l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Beaucoup de commémorations et de réjouissances à venir!.
Sauf que tout au long de l’année, l’incongruité de la permanence du franc colonial (rebaptisé eco avant sa naissance !) continuera à susciter des controverses et des exigences visant à mettre fin au statut quo. Nous avons en 2024 l’opportunité d’écrire une nouvelle page de notre histoire contemporaine de la décolonisation. Ou de rester bloqués sur notre ligne de départ de 1960 ou pire de prendre un faux départ avec l’eco français.(qui peut littéralement être qualifié de non-événement).
Battre monnaie est un droit régalien qui relève de la compétence exclusive de notre Assemblée nationale, c’est à dire du peuple souverain. Le Cfa, même dans la version “eco” que se “seraient appropriée” certains chefs d’Etats africains n’en serait pas moins une violation continuelle de notre Constitution.(1).
Il faudrait donc commencer par se “réapproprier” notre droit souverain de battre notre propre monnaie au cas où il aurait été délégué par une convention quelconque. La souveraineté ne se délègue pas. A la limite, elle se partage dans un schéma d’intégration régionale (monnaie unique ou commune d’abord, forces de défense, commerce extérieur etc.). Après tout, près de 150 pays ont leur propre monnaie nationale, y compris 40 pays africains. Qu’on ne vienne surtout pas me dire que le Sénégal ne dispose pas des compétences économiques et techniques pour gérer une monnaie nationale alors que la Mauritanie et la Gambie en disposent. Ce n’est pas un problème technique mais politique.
Le subterfuge de l’Eco français
Le subterfuge de l’Eco français a été rapidement débusqué pour ce qu’il représente un leurre! La garantie accordée par la France lui donne un droit de regard sur les transactions internationales des pays de la zone Cfa/Eco et sur une dévaluation éventuelle, l’arrimage exclusif à l’Euro continuera à alimenter les transferts libres de capitaux et l’évasion fiscale et à plomber la compétitivité de nos économies, l’arrêt du compte d’opérations n’empêchera pas le “libre” dépôt des réserves ou de l’or auprès de la Banque de France ou de la Banque européenne (même si comme l’a souligné le Président français, cela ne devient plus... “obligatoire “). Quant au retrait des administrateurs français, cela ne réduit en rien la capacité à exercer la tutelle cette fois-ci par “le biais de relations plus informelles “ dixit le Président Macron dans son discours d’Abidjan. C’est la définition même du néocolonialisme : Indirect rule ! On connaît.
Mais l’élément le plus nocif c’est que la “garantie” de la France lui ouvre la possibilité d’influer sur les étapes suivantes dans la construction d’un espace monétaire commun en Afrique de l’Ouest et de le dérailler durablement. Ainsi le Président Macron dans son discours d’Abidjan du 21 décembre 2019 (disponible sur YouTube) fait-il appel au Ghana, à la Guinée, à la Gambie, à la Sierra Leone pour qu’ils se joignent à l’initiative française/UEMOA et ne mentionne pas une seule fois le Nigeria! Pas une seule fois! Tout est dit.
Mais cela dit dans ce débat, je pense que deux perspectives manquent à l’appel:
Mettre fin au franc CFA -ECO : Un débat de “nous dans nous
La discussion avec les chefs d’Etat africains des ex colonies françaises ou avec les responsables de l’Etat français ne doit pas absorber toute notre énergie. Ils nous entendent mais ils n’écoutent pas.
Alors je le redis haut et fort :
Le fait qu’une monnaie française (2) continue de circuler dans l’ancien espace colonial africain, 65 ans après les indépendances est tout simplement une aberration politique sociale et économique.
Tout simplement ...et le débat devrait être clos.
Cela a assez duré, l’immobilisme (pardon la”stabilité !) n’est pas consistant avec les besoins du développement et de l’éradication de la pauvreté. Parité fixe alors que tout bouge autour de nous? Après 65 ans on devrait savoir. Non?
Les arguments d’un Ouattara portant sur la stabilité, la garantie et l’inflation maîtrisée n’invalident en aucune manière la mise en place d’une alternative qui intègre ces critères (si tel est notre choix) tout en nous permettant d’exercer pleinement les attributs de notre souveraineté économique et monétaire indispensables à toute entreprise sérieuse de développement. Que ce soit au niveau national ou régional.
Mr Ouattara, on connaît son parcours. Après avoir dirigé la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et porté un titre ronflant au FMI, il a été littéralement porté au pouvoir par les chars de l’armée française diligentés par l’Etat français et alliés à des gangs de rebelles surgis du Burkina Faso. (Ce que Guillaume Soro a récemment confirmé). L’allégeance de Alassane Dramane Ouattara à la Françafrique est indiscutable. Il n’est donc pas crédible.
Qui d’ailleurs en Afrique l’écoute?
L’état français quant à lui n’a jamais été respectueux et encore moins généreux avec ses ex-colonies, nonobstant la soit disant aide au développement. L’Etat français n’a jamais été “l’ami”des peuples africains. Jamais. Il suffit de relire les ouvrages d’histoire: déportations massives de nos ancêtres pour ravitailler les marchés d’esclaves outre atlantique, conquêtes coloniales d’une violence inouïe, expropriations arbitraires, travail forcé, balkanisation, pacte colonial....(5). Ce n’est pas pour rien que le colonialisme a été qualifié de crime contre l’humanité par les Nations Unies.
Vous avez dit “amis”?
Quant au Cfa, l’Administration française a quand même réussi la prouesse de rendre la BCEAO indépendante des Etats africains tout en maintenant sa tutelle à travers différents mécanismes administratifs et bureaucratiques. Prouesse d’autant plus remarquable que cette tutelle s’exerce hors de tout contrôle parlementaire français efficace bien qu’il s’agisse d’une monnaie éminemment française. In fine, le CFA est sous la seule tutelle du Ministre français des finances libre par ailleurs de toute supervision démocratique et qui, à travers la zone franc, contrôle l‘économie de tout un groupe de pays.
Chapeau! La France! Et l’Eco n’y changera rien
Soyons clairs: Si l’Etat français continue d’imposer la circulation de sa monnaie dans son ancien espace colonial, c’est tout simplement parce qu’il y trouve son intérêt et ce à notre détriment, sinon il y a longtemps qu’il y aurait mis fin. Sans état d’âme. Comme lors de sa décision unilatérale de dévaluer le CFA en 1994. Sans compter celle qui pourrait advenir ....par surprise (?)
Amplifier la campagne contre le Cfa-Eco français
Donc le débat n’est pas avec eux. Ou du moins, ce n’est pas le plus important. Ce que nous devons établir maintenant, c’est un rapport de force en portant le débat au sein de l’opinion publique et des organisations populaires. La question est la suivante: En quoi et à quelles conditions le remplacement du CfaEco par une monnaie nationale puis régionale serat-il bénéfique aux pêcheurs, aux éleveurs, aux producteurs d’arachides, de cacao, ‘aux femmes associées dans des groupements de production, aux PMEs et aux acteurs du secteur dit informel ..?
Le problème est donc politique. Et il relève du Parlement et de la société.
Pour chaque secteur, il faudrait en fait entreprendre de sérieuses recherches d’impacts futurs, développer les argumentaires et donner des réponses objectives car il s’agit de la vie des gens et il faut cesser de prendre des décisions à leur place. C’est eux qu’il faut convaincre car c’est à eux qu’il appartiendra de mener le combat (s’ils sont convaincus qu’il y va de leur intérêt) et de déclencher un processus de ruptures véritables visant in fine à mettre fin au pacte colonial, décoloniser le pays, l’Etat et les mentalités. On entame la décolonisation par quelque bout que l’on peut saisir. L’effondrement du système s’accélérant au fur et à mesure de sa déconstruction.
Mais au-delà des abstractions et autres théories macroéconomiques, il faut travailler sur des scénarios et des études de cas concrets. C’est ce qui est attendu des économistes.
Qu’ils aillent parler aux commerçants de Sandaga, futurs industriels potentiels de notre pays, et plancher sur des alternatives crédibles. Tout en faisant émerger le 1er député déterminé à soumettre à ses collègues une proposition de loi annonçant la fin du Cfa. Faire bouger les lignes. Tout le temps
Quant aux Ongs et partis politiques progressistes, ils doivent impérativement articuler leur mobilisation avec leurs alter egos français et européens pour plus d’efficacité.
Je pense notamment aux organisations italiennes et allemandes qui ont une capacité d’influence auprès de leurs gouvernements respectifs, gouvernements qui sont déjà sensibilisés sur ce sujet. Si le Cfa/Eco est un piètre pendant tropicalisé de l’Euro, les Européens devraient avoir leur mot à dire et se solidariser avec les peuples africains pris en otage par une Françafrique prédatrice qui bafoue les valeurs européennes. Mais commençons par exclure l’Etat français de la conversation.
Par quoi on remplace le Cfa?
L’Eco français est une diversion. Notre futur partagé, c’est la monnaie CEDEAO en passant éventuellement par nos monnaies nationales respectives. Le Cfa ne peut pas être réformé, il doit disparaître et la tutelle française avec, et être remplacé par les diverses monnaies nationales indépendantes puis on s’attèlera sereinement à la mise en place de la monnaie régionale tout en demeurant vigilants face aux futures tentatives de sabotage.
La CEDEAO a, sur papier du moins, changé de paradigme et remplacé l’approche institutionnelle de l’intégration régionale par une nouvelle approche dite de “l’intégration des peuples par les peuples et pour les peuples”. Néanmoins, la diplomatie des sommets continue avec sommets des chefs d’Etats précédés par des Conseils de ministres qui examinent des propositions et recommandations venant d’experts de la région et de consultants de la Banque mondiale et de la Commission Européenne porteurs du néolibéralisme ambiant. D’où le mimétisme observé dans l’évolution de la CEDEAO. On copie l’Union Européenne et on continue à faire une intégration sans les peuples
Une approche de l’intégration parles peuples voudrait que l’on parte des populations plutôt que des Etats. D’où ma question. En 2018 sur les 350 millions d’habitants de la CEDEAO, 196 millions utilisent le naira (monnaie du Nigeria). Qu’est-ce qui empêche qu’on en étende l’utilisation au reste de la population de notre région? Le CFA -ECO en Afrique de l’Ouest est utilisé par 120 millions de ressortissants des 8 ex colonies françaises. Pourquoi une monnaie française, minoritaire de surcroît devrait-elle servir de référant même sous sa nouvelle appellation? Pourquoi le Nigeria ou le Ghana devraient-ils choisir de s’assujettir à cette “servitude volontaire “? Non. Qu’on aille autour de la table chacun avec son drapeau et avec sa propre monnaie pour bâtir ensemble quelque chose de nouveau. Ensemble et sans tutelle.
Maintenant, nous savons tous que la référence pour l’Euro lors de sa mise en œuvre était le Deutsche Mark adossé à l’économie la plus puissante d’Europe. Et que le dollar américain, monnaie de référence mondiale, est adossé à l’économe la plus puissante de la planète. Le Nigeria est la 1ere puissance économique africaine. Son PIB s’élevait en 2018 à 398 milliards de dollars américains sur 614 milliards pour l’ensemble de la CEDEAO (15 pays) et 291 milliards pour les 8 pays de l’Uemoa pris ensemble. Ne serait-il pas logique que le naira soit une option sur la table lors des discussions sur le remplacement du CFA ? Et nous savons aussi que le naira est indubitablement géré de manière souveraine par la Banque du Nigeria. Une nouvelle Banque Centrale de la CEDEAO pourra bénéficier du panafricanisme sourcilleux de nos compatriotes du Nigéria, Ghana, Gambie, Guinée, pour faire du naira nouveau un outil de développement dégagé de toute tutelle coloniale. Vous imaginez l’administration française décidant de dévaluer le naira? Et nous avons assez d’or dans cette région pour constituer des réserves majestueuses pour notre nouvelle monnaie, réserves qui pourraient être centralisées en attendant l’unité monétaire.
Qui a peur du Nigeria ?
Ceci étant, il est de notoriété publique que le Nigeria souffre d’une gouvernance que nul ne saurait qualifier de performante. Mais si la monnaie devient régionale par la volonté des Parlements nationaux et sans interférence extérieure, elle sera nécessairement gouvernée par un nouveau dispositif régional à mettre en place y compris par une nouvelle Banque Centrale qui relèvera de l’autorité des 15 Etats partenaires se fixant comme priorités, enfin, le développement et l’accélération de l’intégration politique éléments qui sont exclus des fameux critères de convergence autre vulgate du dogme néolibéral s’il en est.
N’ayons pas peur du Nigeria! Ce sont nos voisins et nos frères. Nous sommes dans le même camp. Nous partageons les mêmes ambitions et faisons face aux mêmes défis contrairement à l’ancienne puissance coloniale qui nous enserre dans une dépendance structurelle mortifère
Rappelons-nous que l’ambition de l’Etat français depuis les années 60 a toujours été de fragiliser et si possible démembrer le Nigeria qu’il considérait (et considère toujours) comme un rival en Afrique de l’Ouest. Il a fourni armes mercenaires et soutiens logistiques aux rebelles du Biafra tout en instrumentalisant le soutien politique de Houphouet Boigny et Omar Bongo. Une guerre (1967-1970) qui a causé plus de 2 millions de morts et 4.500.000 déplacés et qui a plombé les ambitions de développement du Nigeria pendant des décennies. Délibérément. Quel camp choisissons nous? L’UEMOA porte-voix de la France ou la CEDEAO avec le Nigeria et nos voisins?
Sortir du pré carré
Car la vraie question est de savoir si nous avons confiance en nous et entre nous et si nous sommes après 65 ans d’indépendance prêts à prendre en mains ensemble les leviers de notre destinée commune? Sans tuteur. Comme 40 autres pays africains ayant une monnaie indépendante dont certaines sont bien gérées et d’autres pas. Pourquoi une rupture de tutelle devrait-elle d’ailleurs plonger la BCEAO dans une mauvaise gestion de notre future monnaie? Au contraire, cela donnerait la latitude aux chefs d’Etats de déterminer la vision et les stratégies qui permettront à la Banque Centrale de jouer le rôle historique que les populations sont en droit d’attendre d’elles à savoir rendre possible le développement et l’intégration régionale. Les élites françaises informées vous confirmeront sans ambages que l’Afrique, c’est l’avenir de la France. Elles le répètent à l’envi. Il convient donc pour elles de maintenir les liens coloniaux, quitte à les “faire évoluer”(sic).
Les élites africaines conscientes vous diront spontanément que la France c’est le passé de l’Afrique et que le passé, ça suffit, le futur nous appartient. Décoloniser le futur passe par la récupération de notre autonomie intellectuelle et culturelle. Sans quoi nous ne serons jamais en mesure de nous défendre dans cette guerre économique mondiale qu’on appelle globalisation. Nous serons tout au plus des auxiliaires et tirailleurs d’un camp ou de l’autre.
Sounds familiar?
Il est donc impératif que tous les candidats à l’élection présidentielle du Sénégal nous disent catégoriquement et sans faux fuyants où ils se situent.
1-L’Article 67 de la Constitution sénégalaise stipule qu’il relève de la prérogative de l’Assemblée nationale de déterminer “ le régime d’émission de la monnaie “.
2. Le F Cfa a été créé par décret de l’Etat français le 26 décembre 1945, il est géré par une Banque Centrale établie par la France et dont le siège n’a déménagé de Paris qu’en 1979. Le taux de change de la monnaie est décidé par le Ministre français des Finances de même que le montant de la masse monétaire et donc du crédit disponible. Sans parler de sa fabrication. Le Cfa est une monnaie française utilisée par le pré carré. La France en demeure le propriétaire légal.
3. Pour mémoire, ce sont les chefs d’Etat africains qui ont décidé ! Un fusil sur la tempe ! Comme au bon vieux temps !
4. Il se dit que ce serait une exigence du FMI avant le passage à l’Eco.
EN FINIR AVEC L'HYPERPRÉSIDENTIALISME
Personnalisation du pouvoir, dérive présidentialiste, culte de la fonction... Le modèle senghorien montre ses limites. Il est temps pour le Sénégal de se doter d'un régime original, selon Jean Charles Biagui, enseignant-chercheur en sciences politiques
« Le Sénégal a connu un régime parlementaire en 1960. Les événements de 1962 ont entraîné l'adoption de la Constitution du 7 mars 1963 qui consacre un régime à caractère présidentiel. La Constitution du 22 janvier 2021 s'inscrit dans cette même perspective. Cela dit, si nous observons les faits, c'est-à-dire la réalité politique au Sénégal depuis au moins 1963, nous constatons que nous sommes bien loin d'un régime présidentiel dont l'idéaltype serait le régime présidentiel américain dans lequel il existe une séparation stricte des pouvoirs. Dans le cas du Sénégal, nous sommes depuis 1963 dans un régime présidentialiste. Autrement dit, un régime où l'équilibre des pouvoirs est rompu au profit d'un président de la République hégémonique C'est ce type de régime que certains appellent au Sénégal hyper-présidentialisme ».
Un régime dangereux pour la démocratie
« J'estime qu'il s'agit d'un régime dangereux pour la démocratie. Il explique dans une certaine mesure la personnalisation à outrance du pouvoir. Il donne un rôle central et unique à l'institution du président de la République. Ce dernier ressemble beaucoup à un monarque. Sa marge de manœuvre est incompatible avec un système qui se réclame de la démocratie contemporaine. Il est sollicité même pour baptiser un édifice public comme un stade. Les présidents sénégalais conjuguent beaucoup trop souvent la première personne du singulier. L'exacerbation des tensions dans la perspective des élections présidentielles est aussi liée au type de régime que nous avons. Les acteurs politiques en particulier, les candidats comprennent bien qu'ils auront un immense pouvoir en accédant à la magistrature suprême. Les Sénégalais auraient dû refuser de poursuivre dans cette dynamique lors du référendum constitutionnel de 2001. Malheureusement, ce dernier a consolidé le caractère présidentialiste du régime. Il est impératif de limiter les pouvoirs d'un seul individu si nous voulons arriver à une démocratie substantielle ».
Le choix n'est pas forcément entre un régime parlementaire et un régime présidentiel
« D'un point de vue institutionnel, le Sénégal est malheureusement toujours dans un mimétisme incompréhensible pour un pays qui célèbre souvent avec une grande fierté son indépendance. Il est urgent de prendre des initiatives pour avoir un régime original. Le nom de ce régime importe peu. Le choix n'est pas forcément entre un régime parlementaire et un régime présidentiel. Le plus important de mon point de vue est d'aller vers un équilibre ou un aménagement institutionnel qui tienne compte de l'exigence de la séparation des pouvoirs. Les pouvoirs actuels du président de la République pourraient être partagés entre le gouvernement et l'Assemblée nationale dans le cadre d'une révision constitutionnelle. Je pense à la nomination à certains emplois civils et militaires, à certains postes dans la haute administration, au choix des ambassadeurs... Dans le même ordre d'idées, il faut donner la possibilité à la Justice, à l'Assemblée nationale, aux citoyens de destituer le Président de la République pour des faits graves à travers des mécanismes qui prévoient les possibles cas d'abus. Aucun individu ne devrait être au-dessus des lois ».
LES CANDIDATS MIS AU DÉFI
L'épisode de report de l'élection décidé unilatéralement par Macky Sall a convaincu certains candidats de la nécessité d'en finir avec le « présidentialisme absolu ». Diallo, Khalifa ou encore Diomaye Faye proposent désormais des alternatives
Instauré par le président Léopold Sédar Senghor au lendemain de la crise de 1962, l’hyper-présidentialisme, globalement ce système présidentiel marqué par la trop grande concentration de pouvoirs entre les mains du Chef de l’Etat, est de nouveau rattrapé par le débat politique dans le cadre de la campagne électorale en cours. En effet, avec la tentative avortée de l’actuel chef de l’Etat et des députés du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (Pds) de reporter jusqu’au 15 décembre prochaine la date de la présidentielle du 24 mars initialement prévue le 25 février dernier, certains candidats sont partis en croisade contre le maintien de ce système qui est de plus en plus décrié par des organisations de la société civile et des universitaires.
Le Sénégal devrait-il tourner la page du système présidentiel instauré par le président Léopold Sédar Senghor au lendemain de la crise de 1962 ? S’il est difficile de trancher cette question, force est de reconnaitre que tel un serpent de mer de la politique au Sénégal qui ressurgit à la veille de chaque élection présidentielle depuis 2012, le débat sur l’hyper-présidentialisme s’invite à nouveau dans la campagne électorale en cours pour la présidentielle du 24 mars prochain. En effet, depuis le lancement de cette campagne électorale le 10 mars dernier, certains candidats en piste pour cette élection, prenant la relève des organisations de la société civiles et des universitaires, agitent de plus en plus cette question de réforme des institutions avec en toile de fond la réduction des pouvoirs du président de la République. Se basant sur la tentative avortée de l’actuel chef de l’Etat et des députés du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (Pds) de reporter jusqu’au 15 décembre prochain la date de la présidentielle du 24 mars initialement prévue le 25 février dernier, ces candidats dénoncent les limites de ce système instauré par le premier président de la République du Sénégal, feu Léopold Sédar Senghor au lendemain de la crise de 1962. En effet, selon eux, ce mode de gouvernance fragilise les institutions au profit du président qui concentre l’essentiel des pouvoirs.
Parmi eux, nous pouvons citer le candidat de la coalition Tekki 2024, Mamadou Lamine Diallo. Dans le pilier 2 intitulé : « Réconcilier le Sénégalais avec ses Institutions » de son programme de gouvernance dénommé « Agenda de redressement national du Sénégal », le candidat de la coalition Tekki 2024 s’engage s’il est élu à proposer dès sa prise de fonction des reformes basées sur le modèle des Assises nationales et la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) pour arriver à un rééquilibrage des pouvoirs entre les institutions de la République. « Il nous faut renforcer le modèle démocratique sénégalais en réduisant les pouvoirs du président de la République, et en rééquilibrant les pouvoirs à la fois législatif, exécutif et judiciaire. On a vu ce que ça donne d'avoir un présidentialisme absolu, avec les difficultés que nous avons eu pour pouvoir aller à l'élection présidentielle : le fameux coup d'État constitutionnel du 3 février du président Macky Sall », a déclaré Mamadou Lamine Diallo en faisant référence à l’abrogation du décret convoquant le corps électoral par le chef de l’Etat à l’origine du chamboulement du processus électoral en cours.
Outre le candidat de la coalition Tekki 2024, celui de la coalition « Khalifa Président », Khalifa Ababacar Sall semble également dans cette dynamique. La preuve, lors de son passage dans la Petite côte (département de Mbour), l’ancien maire de Dakar a clairement affirmé son intention s’il est élu de « mettre en place des institutions fortes pour que n’importe quel président de la République ne puisse les utiliser pour combattre des adversaires » en se référant sur le modèle des Assises nationales. Autre candidat qui s’est également engagé en faveur des réformes pour en finir avec l’hyper-présidentialisme, le candidat Bassirou Diomaye Faye. Lors de la conférence de presse de présentation de son programme politique qu’il a coanimée avec son ami et leader, Ousmane Sonko, le candidat de la coalition « Diomaye président » a fait part de son intention de mettre fin à ce système « dommageable pour l’économie, la paix et la stabilité du pays ». C’est ainsi qu’il a annoncé des réformes qui devraient aboutir à la suppression de la Primature et l’instauration d’un poste de vice-président dont l’occupant devrait être «élu en tandem avec le président de la République» lors de la présidentielle de 2029.
MACKY SALL ASSUME SES CHOIX
Le président défend sa décision controversée de report. Malgré les tensions, le chef de l'Etat assure que la démocratie sénégalaise est intacte. Il exclut toute remise en cause du franc CFA et met en garde contre une renégociation des contrats pétroliers
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 20/03/2024
Le président Macky Sall s'est entretenu le mardi 19 mars 2024 avec l'agence de presse Bloomberg et a défendu sa décision de reporter les élections législatives prévues initialement le 25 février dernier. Bien que cette décision ait plongé le pays dans la tourmente, il a assuré que la démocratie et les institutions sénégalaises demeurent intactes.
"Il est vrai que nous avons connu un mauvais début d'un mois environ", a-t-il déclaré depuis la capitale Dakar. "C'était une expérience difficile, mais qui nous renforcera malgré les incertitudes". Jusqu'au report du scrutin, invoqué en raison de questions entourant la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel, le Sénégal était largement considéré comme l'un des derniers bastions de la démocratie dans une région secouée par une série de coups d'État ces dernières années.
La décision a cependant été condamnée par les critiques du président, qui y ont vu une "coupure constitutionnelle". Macky Sall a expliqué que le report et l'amnistie ultérieure accordée aux leaders de l'opposition et à d'autres impliqués dans la violence politique étaient nécessaires pour réconcilier une nation divisée, et que la normalité reviendrait après le vote du 24 mars prochain. "Je voulais vraiment léguer un pays réconcilié, un pays en paix, qui poursuit sa trajectoire de stabilité", a-t-il ajouté.
Lors de ce scrutin, les millions d'électeurs devront choisir entre l'ex-Premier ministre Amadou Ba, soutenu par le président sortant, et le candidat de l'opposition Bassirou Diomaye Faye, emprisonné avec d'autres détracteurs du gouvernement avant l'élection. Faye a depuis bénéficié de l'amnistie accordée début mars dans le but d'apaiser les tensions, tout comme le chef de file de l'opposition Ousmane Sonko. Aucun candidat ne devrait l'emporter dès le premier tour, selon les analystes, qui anticipent un second tour après la fin officielle du mandat de Macky Sall le 2 avril.
Emmanuel Kwapong, économiste à Standard Chartered Bank, a indiqué à Bloomberg qu'une victoire d'Amadou Ba assurerait une continuité des politiques et rassurerait les investisseurs, tandis qu'un succès de Bassirou Diomaye Faye pourrait avoir des implications significatives pour l'économie régionale et les plans du Sénégal de commencer à produire du gaz et du pétrole d'ici le troisième trimestre de cette année.
Macky Sall a par ailleurs assuré à l'agence de presse que "je ne pense pas qu'il soit vraiment approprié de parler de quitter le CFA. Les contrats pétroliers et gaziers peuvent toujours être améliorés, mais franchement, penser que nous pouvons changer les contrats déjà signés avec les compagnies serait impossible. Ce serait un tournant désastreux pour le Sénégal."
AMNISTIE FISCALE, ET APRÈS ?
Magnanimité ou manœuvre électorale? Si pour certains, l'amnistie fiscale accordée par le président à la presse est suspicieuse, d'autres appellent les journalistes à ne pas céder à la connivence
Une amnistie fiscale d’une valeur de 40 milliards FCfa et une réduction de moitié de la redevance télévisuelle qui passe d’un million à 500 mille F Cfa/mois. C’est la conséquence directe de l’audience accordée par Macky Sall aux patrons de presse le lundi 18 Mars.
Mais pourquoi une telle rencontre suscite-t-elle autant la controverse ? Sur les réseaux sociaux, les objections enflent. Massivement, l’on voit d’un mauvais œil cette «faveur» accordée aux médias à quelques jours de l’élection présidentielle. Pour la plupart des intervenants, l’occurrence est suspecte parce que, croit-on, le contexte et la perspective seraient très peu favorables au camp du pouvoir. L’on refuse de voir chez le président Sall un acte désintéressé qui témoignerait simplement de sa magnanimité.
Pour une partie de la presse acquise à la cause de pouvoir, il n’y a pas de problème. En ce qui concerne l’autre, il serait nécessaire et stratégique de «la faire adhérer». Ou en tout cas de la rendre moins «rebelle» et moins «malveillante». Ce sont là des opinions largement exprimées dans le débat qu’a occasionné l’audience.
Magnanimité ou acte sournois, toujours est-il que c’est aux journalistes de prendre leurs responsabilités en ne s’inscrivant pas dans une relation de connivence au détriment de la rigueur et de l’objectivité dans la relation des faits et le traitement de l’information. Nous le savons tous : les relations (interpersonnelles) et/ou les faveurs sont souvent de nature à conditionner les messages. Elles sont généralement perçues ici et là comme une sorte de prescription subliminale pour un regard… orienté.
En tout état de cause, ayons un préjugé favorable. L’on ne peut pas condamner toute la presse pour délit d’intention. La perspective pour notre pays est trop sérieuse pour qu’on se mette à jouer avec le feu.
Par Alioune TINE
VOIR LOIN, VOIR LARGE
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti
La période 2021-2024 est une séquence historique, politique et démocratique inédite dans l’histoire politique du Sénégal : pour la première fois un président de la République y organise une élection à laquelle il n’est pas candidat et le leader le plus populaire de l’opposition ne pourra pas y participer comme candidat parce qu’exclu par une condamnation de la justice pénale.
Au cours de cette séquence historique, la majorité et l’opposition ont essayé de conserver le pouvoir ou de le conquérir par tous les moyens, y compris par des moyens politiques non conventionnels.
C’est la raison pour laquelle on a failli tous frôlé la catastrophe, et il nous semble nécessaire d’en tirer les meilleures leçons.
Cette situation politique a créé une forte polarisation de la société sénégalaise. Toutes les normes de la démocratie, de l’État de droit et des droits humains ont été transgressées, créant un lourd passif humanitaire. On a vécu une situation politique et sociale hors norme, une forme d’anomie et de perte de sens face auxquelles, par moment, on s’est senti tous impuissants.
Gaz et pétrole
Au cœur de cette problématique se trouve certes, la question récurrente de l’éligibilité et de la limitation des mandats présidentiels à deux, mais aussi l’aggravation des enjeux de pouvoirs au Sénégal avec la découverte du gaz et du pétrole qui aiguise de façon exacerbée tous les appétits. La lancinante question du retour comme par effet de boomerang du troisième mandat depuis 2012, semble être la conséquence de la découverte du pétrole et du gaz (rarement soulevée de façon explicite dans les débats publics).
Les raisons de ce recul sont étroitement liées à la crise structurelle du système démocratique sénégalais, de l’État de droit, de la gouvernance, des droits humains et la compétition sans merci exacerbée depuis 2011-2012 par les enjeux de pouvoir et les nouveaux enjeux géopolitiques liés à la découverte d’immenses ressources gazières et pétrolières.
Les crises et les violences politiques lors d’élections présidentielles ou d’enjeux de pouvoir élevés ont souvent donné lieu à des violences suivies de morts d’hommes, des détentions arbitraires, des cas de tortures, de destructions massives de biens publics et privés et donné lieu à des négociations pour trouver un consensus (1963, 1968, 1988, 1993, 2011).
Institutions
En réalité, le report du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février 2024 a provoqué un séisme politique sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal, considéré par l’écrasante majorité du peuple sénégalais comme un « coup d’État constitutionnel » qui a contribué à l’aggravation de la crise. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il importe de porter un regard rétrospectif dans la durée sur les crises cycliques et structurelles qui ont scandé l’histoire du système politique et social du Sénégal.
Le report brutal et inconstitutionnel de l’élection présidentielle a ouvert la voie à diverses manœuvres politiques avec le « dialogue politique » et la loi d’amnistie très contestée par l’opinion sénégalaise, créant incompréhensions, cacophonies, prévisibles du reste chaque fois qu’une société est confrontée à de grands dilemmes et à des choix difficiles comme celui de la justice et de la paix. Si bien que toute médiation pour le dialogue politique, nécessaire pour une sortie de crise, était considérée comme suspecte pour la majorité de l’opinion. Quand on arrive à ce degré d’influence radicale, où personne ne croit plus à personne, on doit s’arrêter pour nous interroger sur notre société.
Ce que les prochaines autorités publiques doivent éviter à tout prix c’est le discrédit de la parole donnée.
Il faut préciser qu’au regard du droit international pénal, la loi d’amnistie ne permet jamais d’exonérer les crimes internationaux imprescriptibles et les crimes de sang (tortures, crimes contre l’humanité, génocides, crimes de guerre).
Les questions graves et sérieuses de l’impunité pourraient trouver une solution dans un mécanisme qui accompagnent la loi d’amnistie, notamment une Commission Paix, Vérité, Justice, Réconciliation, Pardon, Réparation des Victimes pour purger les cœurs et les esprits et les laver de tous les ressentiments, de toutes les haines et de toutes les revanches.
On ne peut envisager la gouvernabilité de ce pays dans le long terme sans étudier les dysfonctionnements du présidentialisme exacerbé, (de droit divin) mais aussi le cumul entre la fonction de président de la République et celle de chef de parti, car la responsabilité massive de tout ce qui s’est passé incombe d’abord aux décisions souvent hors-la loi et impunies du Président de la République.
Redistribution
La prise en charge des préoccupations essentielles des populations les plus marginalisées notamment les jeunes et les femmes qui représentent l’écrasante majorité de la population du Sénégal, notamment les préoccupations liées à l’éducation, à la formation et à l’emploi sont pour le Sénégal et la plupart des pays de l’Afrique de l’ouest le défi à relever pour les années qui viennent.
Il est inadmissible et dangereux que les jeunes et les femmes continuent à être marginalisés, continuent à ne voir aucun horizon, aucun futur pour leur épanouissement et leur bien-être et qui se sentent si mal et sans espoir aucun sur le continent au point de risquer leur vie pour un ailleurs où ils ne sont d’ailleurs pas désirés.
Se pose ici la question de la redistribution des ressources naturelles aux citoyens sur toute l’étendue du territoire national, comment mettre en œuvre de façon concrète la disposition de la Constitution disant que « les ressources appartiennent au peuple ».
Concernant les fractures territoriales, elles sont abyssales quand on compare Dakar au reste du pays. Dakar une capitale saturée, polluée, défigurée et de moins en moins vivable, réceptacle de toutes les vieilles voitures d’Europe, n’a pratiquement plus d’espace pour que les humains eux-mêmes puissent se promener en paix et en toute tranquillité, en dehors de quelques rares espaces aménagés de la Corniche.
Le débat sur le changement de la capitale est un grand débat qu’il faut mener aujourd’hui, parce que posé avec juste raison parle président Abdoulaye Wade en 2000, il a été escamoté et oublié. Il faut reprendre ce débat et créer une capitale au centre du pays et tisser une toile d’araignée avec les chemins de fer et toutes les formes d’infrastructures sur l’ensemble du territoire national, envisager de grands travaux qui permettent de trouver de l’emploi pour les jeunes. Transformer le pays dans la durée, relier le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, corriger dans la durée les fractures territoriales et les fractures ethniques émergentes, qui il faut bien le reconnaître sont connectées.
État et confréries religieuses
La question de l’État du Sénégal et de ses rapports avec les confréries religieuses est un des legs de l’État colonial. Car les confréries religieuses, de sensibilité soufie par leur influence sur les populations sénégalaises fonctionnent d’une certaine manière comme les références idéologiques, axiologiques et spirituelles pour la plupart des populations sénégalaises.
Mais avec l’influence grandissante d’une nouvelle sensibilité religieuse de nature wahabite ou salafiste promue par des puissances arabes émergentes du Golfe et du Moyen-Orient, qui considère d’ailleurs les confréries religieuses soufies comme des déviances constituent de nouveaux défis pour toute la sous-région qui méritent réflexion. D’où l’intérêt aujourd’hui de repenser la question de la laïcité au Sénégal et de lui trouver un contenu consensuel qui permette à chaque citoyen d’exercer librement et en toute sécurité sa croyance.
État impartial
Cette crise a également créé des tensions entre les différentes institutions, notamment entre le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Avec la crise que nous avons traversée, tous les seuils critiques en matière de démocratie, d’État de droit et de droits humains ont été franchis.
Le paradoxe de cette séquence politique, c’est que la justice qui est au centre des polémiques, et des débats a été à la fois un remède parce qu’après tout, c’est le Conseil constitutionnel et la Cour suprême qui ont sauvé le processus électoral. La justice a été aussi une espèce de poison car tout au long de la crise on a dénoncé avec juste raison une justice partisane, genre « Coumba am ndeye Coumba amoul ndeye ». Repenser la justice au Sénégal doit être une nécessité absolue.
D’où l’intérêt de revenir sur toutes les pathologies démocratiques et institutionnelles et les crises que ce pays a traversées et qui lui ont permis tout au long de sa trajectoire et dans le passé de trouver des anticorps qui lui ont permis d’avancer et d’avoir sa propre immunité démocratique, comme toutes formes de sociétés démocratiques dans le monde.
Mais la spécificité de la crise que le Sénégal traverse depuis 2021 est révélatrice d’une vulnérabilité toute particulière, et des menaces sur l’État, la Nation, le Vivre ensemble et le Contrat social. Cette vulnérabilité est perceptible avec l’émergence de la haine, des ressentiments et d’une défiance radicale vis-à-vis des institutions et qui constituent de véritables poisons qui gangrènent le champ politique et le champ social sénégalais. Si on y prend garde, le Sénégal pourrait connaître dans le futur un sérieux problème de gouvernabilité ou pire le sort de certaines démocraties de la sous-région qui se sont effondrées.
La grande question aujourd’hui c’est la gouvernabilité, les formes de gouvernement et la question centrale d’un gouvernement démocratique, républicain et impartial dans les années qui viennent dans le contexte où le pays change de statut avec l’exploitation du gaz et du pétrole, dans un contexte où les relations internationales changent à une grande vitesse avec une compétition de plus en plus accrue des grandes, des moyennes et des puissances émergentes qui cherchent à exercer leur influence dans les pays de la sous-région.
Mais aussi de la disruption sur l’ensemble des aspects de la vie politique, économique et sociale et même familiale ou individuelle que va inéluctablement entrainer l’Intelligence Artificielle dans les années qui viennent, si l’on n’anticipe pas ces risques et ces menaces dès maintenant.
Comment faire des pays africains non pas seulement de simples objets de géopolitique mais des sujets et des acteurs à part entière capables de défendre leurs intérêts stratégiques dans le cadre d’union régionale comme la CEDEAO ?
Comment faire face aujourd’hui aux risques de désintégration de la CEDEAO face à la création de l’Alliance des États du Sahel (AES) ? En dépit de tout ce qu’on peut penser, cela pose des questions et des défis sur lesquels il serait mal venu de rester indifférent, notamment la question majeure de la souveraineté sécuritaire qui se pose pour tous les pays africains et pour la région
Par Vieux SAVANÉ
LA VÉRITÉ DES URNES N’EST PAS CELLE DES FOULES
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir
Assurément, jusqu’au bout tout aura été inédit dans cette course à l’élection présidentielle. Après l’arrêt brutal du processus à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, l’organisation avortée du dialogue qui s’en est suivi, voilà qu’avec le vote d’une amnistie et l’élargissement de prison de Ousmane Sonko, président de l’ex Pastef et son adjoint Bassirou Diomaye, candidat de la coalition Diomaye Président, la campagne électorale emprunte un nouveau tournant.
La guerre des foules fait rage, même s’il est hasardeux de se focaliser sur la capacité de mobilisation de tel ou tel camp pour subodorer d’une victoire ou d’une défaite à venir. Il est même à se demander si ce ne sont pas les mêmes foules qui se retrouvent, au gré des meetings et des cortèges, étant entendu que le temps de la campagne est un moment particulier pour sortir certaines contrées de leur torpeur en y apportant de l’animation et l’opportunité de bénéficier des largesses des candidats, à coup d’argent, de tee-shirts et autres gâteries.
La foule ne saurait donc à elle seule être une mesure d’appréciation des forces politiques en présence. Si tel était le cas, le Sénégal n’aurait pas connu deux alternances démocratiques puisqu’à vue d’œil et de télévision, il n’y avait pas photo avec les foules que drainaient les cortèges des anciens candidats à la présidentielle, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. La vérité des urnes n’étant pas celle des foules bigarrées et exaltées, il a fallu se rendre à l’évidence avec leurs défaites respectives en 2000 et 2012. Une autre donne est celui des inscriptions avec notamment les primo-votants. Se sont-ils majoritairement inscrits ? Ont-ils majoritairement retiré leurs cartes électorales ? Rien n’est moins sûr puisque des préfets de région attirent déjà l’attention sur les milliers de cartes d’électeur en dormance dans les commissions de distribution. Quoi qu’on en dise, ce sont là un certain nombre de paramètres qui vont influer sur l’issue des élections.
L’autre paradoxe qui travaille cette élection présidentielle est qu’ils sont 19 candidats à sillonner le pays en quête des suffrages de leurs compatriotes. Un record jamais atteint comme pour signifier l’attractivité de la fonction présidentielle, chacun essayant de se positionner au mieux dans une future « guerre des places ».
L’ego hypertrophié, nombre d’hommes et de femmes politiques demeurent sensibles aux manifestations furieuses et décadentes des attributs du pouvoir, faisant dire à une observatrice avisée qu’ « ils donnent l’impression que même Dieu est plus modeste qu’eux ».
A se demander alors si la rupture tant souhaitée est encore possible avec de tels travers ? Est-il seulement permis de rêver d’un président, avec les traits tirés, tendu et soucieux, les cheveux blanchis, tout occupé à sortir les Sénégalais de la pauvreté, refusant avec force cette « Comédie du pouvoir » qui se joue dans le ballet des va et vient des membres du gouvernement presque au complet, s’agglutinant à l’aéroport pour saluer « le grand patron», au départ et au retour de voyage. Va-t-on avoir un président de la République garant de la Constitution qui va défendre la laïcité, les libertés individuelles et collectives, promouvoir l’égalité entre hommes et femmes ? Va-t-on enfin voir un président qui veille au strict respect de la séparation des pouvoirs, refuse d’instrumentaliser la justice en mettant le coude sur des dossiers sensibles?
Dans leur grande majorité, nos compatriotes qui ne veulent nullement être les dindons de la farce, semblent pourtant disposés à consentir à tous les sacrifices, à condition que le chef donne le la. Une disposition psychologique dans laquelle ils se trouvaient d’ailleurs suite à la première alternance démocratique, sauf qu’ils ont dû déchanter quand ils ont compris que le pouvoir s’organisait autour de ce que Me Abdoulaye Wade avait confié à un de ses plus proches collaborateurs : « nos problèmes d’argent sont maintenant terminés ». Une situation qui perdure puisque de nos jours encore, l’insulte à la bouche, le laxisme et le népotisme en bandoulière, on continue d’enfanter des milliardaires, pour ne pas dire des enrichis sans cause.
Au-delà de la nécessité de ne pas céder à un dégagisme ravageur, l’enjeu de cette élection présidentielle consiste à choisir une personne dotée de vision et d’expérience, loin d’être sous la fascination du pouvoir ni obnubilé par un second mandat, mais plutôt mue par une vision, un esprit de conquête et de sacrifice. Car il s’agit de refonder les institutions et de participer par l’exemple à la mise en orbite de la conviction selon laquelle seul le travail crée la richesse. Au risque de flirter avec le chaos, ne perdons donc pas de vue que ce pays, constitué de 75 % de jeunes, est tenaillé avant tout par l’urgence de l’espérance.