Paris, 16 avr 2015 (AFP) - Ils s'appellent Sra, Uopé ou Tama et l'on venait de très loin pour leur commander un masque. Une exposition au musée du Quai Branly sur les maîtres-sculpteurs de Côte d'Ivoire bouscule une idée reçue: l'art africain n'est pas toujours anonyme et collectif.
A travers plus de 300 pièces, l'exposition (jusqu'au 26 juillet) présente les oeuvres d'une quarantaine d'artistes, certains identifiés et reconnus, d'autres qu'on ne distingue que par leur style propre, tel le "maître des jolis seins", ou leur village, comme le "maître de Bouaflé".
Ces maîtres appartiennent à six régions artistiques: les Gouro et les Baoulé (centre), les Dan (ouest), les Sénoufo (ouest), les Lobi (nord-est) et les peuples lagunaires (sud-est). Des régions qui comme souvent en Afrique débordent les frontières de la Côte d'Ivoire.
"Les artistes Dan sont les plus connus, mais on connaît beaucoup moins bien les maîtres des autres ethnies", souligne Lorenz Homberger, commissaire de l'exposition avec l'ethnologue Eberhard Fischer.
L'un des premiers à considérer ces sculpteurs comme des artistes à l'occidentale a été l'ethnologue Hans Himmelheber (disparu en 2003) qui a interrogé douze maîtres Senoufo sur leurs critères de beauté et leur vocabulaire esthétique.
Il a également remarqué de superbes têtes de poulies de métiers à tisser - plusieurs exemples figurent dans l'exposition. "Les tisserands lui avaient dit qu'ils faisaient toute la journée un travail répétitif et qu'il leur fallait quelque chose de beau sous les yeux", explique Lorenz Homberger, ancien conservateur du Museum Rietberg de Zürich (Suisse).
- Immense variété formelle -
Chez les Dan, le sculpteur Sra (mort en 1955) était considéré comme un dieu - son nom d'artiste signifie créateur. Célèbre notamment pour ses figures féminines, "l'une des ses maternités a été donnée au Musée de l'Homme par un gouverneur français (elle fait aujourd'hui partie des collections du Quai Branly) et il était très fier d'avoir une oeuvre dans une institution française", raconte Lorenz Homberger.
L'exposition met en valeur l'extraordinaire variété formelle de ces oeuvres, non seulement d'une ethnie à l'autre, mais, au sein de celles-ci, d'un artiste à l'autre.
Dans les masques dont la durée de vie est de vingt ans, d'où leur rareté, les yeux sont traités parfois en creux, ou d'une simple fente dans le visage. Certains sont effilés comme dans certaines sculptures orientales ou au contraire très ronds.
"Selon un proverbe Dan, une femme doit avoir un regard un peu fermé pour voir au-dessus des mauvaises pensées des hommes", dit Lorenz Homberger. D'un peuple à l'autre, le surnom des maîtres témoigne de cette diversité: maître des volumes arrondis, maître de la coiffure en crête de coq, du dos cambré ou des lunettes...
Pour autant, ces oeuvres n'étaient apparemment pas signées. "On a repéré des traces sur certains masques, mais elles pourraient avoir été faites par leur propriétaire", note M Homberger, sans exclure que des marques de reconnaissance aient pu échapper aux observateurs occidentaux.
Masques et statuettes sont sculptés à l'aide simples herminettes, de différente taille, dans des bois qui viennent juste d'être débités. Une section de l'exposition illustre les différentes techniques utilisées par les artistes de cette région d'Afrique: fonte de laiton, tissage, placage à la feuille d'or....
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FESTIVAL DE MUSIQUE DU 21 AU 26 AVRIL À ABIDJAN POUR DES "ELECTIONS APAISÉES" EN AFRIQUE
Abidjan, 16 avr 2015 (AFP) - Le Femua, un festival de musique réunissant une dizaine d'artistes africains de renom, se tiendra du 21 au 26 avril à Abidjan en faveur d'"élections apaisées" sur le continent, où plusieurs scrutins se dérouleront cette année, a indiqué l'organisation.
"On ne peut rester les bras croisés face à une actualité électorale très controversée dans les deux Congo (RDC et Congo -Brazzaville), au Burkina et Togo", a expliqué à l'AFP Salif Traoré, dit A'Salfo, le leader du groupe ivoirien Magic System.
"La musique va donc fédérer des vibrations pour baisser la tension et faire passer un message sur les élections apaisées", a espéré A'Salfo, ambassadeur de l'Unesco pour l'"alphabétisation et la culture de la paix" depuis 2012.
Le Festival des musiques urbaines d'Anoumabo (Femua), créé en 2008, réunit pour cette 8e édition une dizaine d'artistes de renom, dont Fally Ipupa (RDCongo), Freshlyground (Afrique du Sud), Joel Sebunjo (Ouganda), Bracket (Nigeria), Philip Monteiro (Cap-Vert), Habib Koité (Mali) ou encore Smarty (Burkina Faso).
Du 21 au 26 avril, le Femua se déroulera essentiellement à Anoumabo, un quartier pauvre d'Abidjan aux ruelles boueuses, où se côtoient habitations précaires et maisons modernes.
"Nous allons lancer un message à partir du ghetto, d'où partent les contestations qui embrasent le pays", a insisté le chanteur A'Salfo. Le quartier d'Anoumabo a vu naitre Magic System, groupe star de la musique ivoirienne, qui depuis son succès "Premier Gaou", enchaîne les tubes en Afrique et en Europe.
Le Nigeria, le plus riche pays d'Afrique vient de vivre une alternance démocratique applaudie par ses habitants et la communauté internationale. Mais le déroulement et l'issue d'autres scrutins africains paraissent plus incertains.
L'ONU s'est ainsi alarmée mercredi de la "direction prise" par le Burundi avant les législatives et la présidentielle prévues en mai et juin. La Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Togo et la Guinée sont également en année électorale.
Niamey, 16 avr 2015 (AFP) - Une épidémie de méningite qui sévit depuis janvier au Niger a fait 75 morts, dont plus de la moitié dans la capitale Niamey, selon un nouveau bilan officiel annoncé jeudi.
A la date du 13 avril, "75 décès ont été notifiés au niveau national" sur un total de 697 cas, "soit une létalité de 10,30%", a affirmé le ministre de la Santé, Mano Aghali, à la télévision d'Etat.
Un précédent bilan officiel faisait état de 45 décès sur 345 cas de méningite entre le 1er janvier et le 29 mars. Toutes les régions du pays sont touchées, à l'exception de Diffa, dans le sud-est, proche du Nigeria, a indiqué le ministre.
Niamey est la zone la plus frappée avec plus de la moitié des décès, soit 41 sur 279 cas, a-t-il relevé. Des campagnes générales de vaccination seront entreprises "dès la semaine prochaine" dans les zones "très touchées", a assuré M. Aghali.
L'actuelle épidémie est provoquée par des souches "plus virulentes" de la méningite que celles qui ont été à l'origine des précédentes vagues au Niger, selon un expert.
Le Niger, Etat sahélien aride et l'un des pays les plus pauvres au monde, est régulièrement frappé par des épidémies de méningite en raison de sa position au sein de "la ceinture de la méningite", qui s'étend du Sénégal à l'ouest jusqu'à l'Éthiopie à l'est, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Très contagieuse, la maladie se manifeste par une montée brutale de température, de violents maux de tête, des vomissements et une raideur du cou.
UN PETIT PARTI DE LA MAJORITÉ DÉNONCE UNE "DÉRIVE TOTALITAIRE" DU POUVOIR
Abidjan, 16 avr 2015 (AFP) - Le chef d'un petit parti de la majorité au pouvoir en Côte d'Ivoire a dénoncé jeudi une "dérive totalitaire" du régime d'Alassane Ouattara, à six mois de la présidentielle d'octobre, cruciale après une décennie de crise politico-militaire.
"Il y a, de manière certaine, une dérive totalitaire du régime du président Alassane Ouattara, qui s'installe peu à peu dans notre pays", a lancé Innocent Kobena Anaky, le président contesté du Mouvement des forces d'avenir (MFA).
M. Anaky accuse le pouvoir d'avoir tenté de l'évincer de la tête de ce parti mineur de la coalition au pouvoir. Dimanche, un groupe de dissidents, mené par son numéro 2, a annoncé la destitution de M. Anaky, qui souhaite voir le MFA postuler à la présidentielle d'octobre, alors que l'exécutif vise la candidature unique de M. Ouattara.
"Le président Alassane Ouattara a besoin d'un MFA +collabo+", a affirmé dans un discours M. Anaky, qui, tout en contestant son éviction, a dit craindre un "passage en force", voire un "hold-up électoral" du pouvoir, pour le scrutin à venir.
Le MFA, créé par M. Anaky, est membre de la coalition au pouvoir, qui comprend principalement le Rassemblement des républicains (RDR, la formation de M. Ouattara) et le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'ancien parti unique, dirigé par l'ex-président Henri Konan Bédié.
Le Front populaire ivoirien (FPI), principale formation d'opposition et parti de l'ex-président Laurent Gbagbo, et le PDCI sont également en proie à des déchirements internes.
Au PDCI, quatre "frondeurs", dont l'ex-Premier ministre Charles Konan Banny, s'opposent au choix de leur formation de ne pas présenter de candidat en octobre afin d'assurer la victoire d'Alassane Ouattara.
Le président du FPI, Pascal Affi N'Guessan, qui souhaite conduire son parti à la présidentielle, est également confronté à une forte contestation interne. Le pays a connu une décennie de tourmente politico-militaire qui a culminé avec la présidentielle de novembre 2010.
Plus de 3.000 personnes sont mortes dans des violences postélectorales liées au refus de Laurent Gbagbo de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara.
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BURKINA : CRITIQUE POUR LE NOUVEAU CODE ÉLECTORAL, LE GOUVERNEMENT INVOQUE "LA VOLONTÉ POPULAIRE"
Ouagadougou, 16 avr 2015 (AFP) - Le nouveau code électoral du Burkina Faso, critiqué par la communauté internationale parce qu'il interdit aux partisans du président déchu Blaise Compaoré de concourir aux élections d'octobre, respecte la "volonté populaire", a justifié jeudi le ministre de la Sécurité burkinabè.
"Cette loi a été votée et l'appréciation de nos amis et partenaires étrangers est certes à prendre en compte, mais ce qui importe c'est la volonté populaire exprimée à travers ce vote", a souligné le ministre Auguste Denise Barry lors d'une conférence de presse.
Les députés du Conseil national de transition (CNT), l'assemblée intérimaire, ont voté la semaine dernière une révision du code électoral rendant "inéligibles" les personnes ayant "soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l'alternance politique".
Cette loi, promulguée vendredi par le président Michel Kafando, fait référence à la tentative de révision de la Constitution de la fin octobre 2014, destinée à permettre à M. Compaoré de se maintenir au pouvoir, et qui avait finalement causé sa chute à l'issue d'une insurrection populaire.
Lundi, l'ambassadeur des Etats-Unis au Burkina Faso avait appelé à ce que tous les courants politiques, dont les pro-Compaoré, participent aux élections d'octobre. "C'est aux électeurs de décider qui seront leurs élus", avait-il argumenté.
"La majorité des Burkinabè pense, comme les membres du gouvernement de la transition, qu'il faut moraliser la vie politique et honorer la mémoire de ceux qui sont morts pour qu'une ère de liberté s'ouvre sur notre peuple", a répondu le ministre de la Sécurité (Intérieur).
"On ne peut pas imaginer que sortir de l'insurrection donnerait le droit à qui que ce soit de narguer le peuple", a-t-il poursuivi, dans une référence claire aux pro-Compaoré. Les partis pro-Compaoré ont annoncé mercredi avoir saisi le Conseil constitutionnel pour tenter d'invalider ce nouveau code électoral.
Les élections d'octobre sont cruciales pour le Burkina Faso, pays pauvre du Sahel. Elles doivent permettre de le doter de nouveaux dirigeants à l'issue d'une "transition démocratique" d'un an, mise en place après la chute de Blaise Compaoré en octobre après 27 ans de règne.
TNT : DES EXPERTS DU CONTAN ASSURENT QUE LE BASCULEMENT SERA PROGRESSIF
Le basculement de l’analogique vers le numérique prévu le 17 juin prochain, se fera de manière progressive selon des experts du Comité national de pilotage de la transition de l’analogique vers le numérique (CONTAN), indiquant que seulement 6 pays africains dont le Sénégal sont prêts pour le déploiement.
Au cours d’un séminaire d’information à l’attention du Réseau des journalistes en TIC, ces experts sont entre autres revenus sur les avantages du décodeur de la Télévision numérique terrestre (TNT) pour les consommateurs et les patrons de télévisions.
''En dehors des pays magrébins, il n' y a que six pays africains dont le Sénégal qui sont actuellement en cours de déploiement (…) Ce qui est réconfortant pour le Sénégal car cela renforce sa position au plan géostratégique'', a souligné Ousseynou Dieng, un des experts du CONTAN.
Selon lui, la plupart des pays qui n’ont pas réussi ont buté à l’obstacle financement, au sein de la CEDEAO alors qu'au Sénégal, ''nous avons fait l’appel à candidature et nous sommes tombés sur un opérateur sénégalais qui nous a proposé un modèle économique qui a permis de financer totalement la mise en place de l’infrastructure''.
Il s'agit d'un modèle ''où l’on a cédé à Eexcaf une partie des canaux pour lui assurer son retour sur investissement'' a ajouté M. Dieng, insistant sur les enjeux culturel, sociétal et démocratique du numérique.
''Ce sera, selon lui, l’occasion de promouvoir la diversité culturelles avec plus de chaînes thématiques, sociales et environnementale''.
Les chaînes de télé, a t-il dit, feront face à de nouvelle chaîne de valeurs avec le droit d’auteur et droits connexes, mais aussi au niveau de la production et de l’édition.
Le Groupe Excaf telecom a gagné à travers un appel à candidature la construction de l’infrastructure numérique sur tout le territoire sénégalais. Selon son directeur technique, Pape Ciré Cissé, ''un million de décodeurs ont déjà été commandés qui seront réceptionnés avant la date butoir''.
Pour M. Cissé, ''on ne basculera totalement que lorsque la majorité de la population aura un décodeur TNT'', assurant que pour le moment déjà 6 millions de sénégalais sont déjà connectés au numérique entre les régions de Dakar et Thiès.
Mamadou Ball, également expert du CONTAN et ancien directeur de la télévision publique, RTS, a précisé que le basculement se fera de manière ''graduelle''.
Dakar, 16 avr (APS) – Le chef de l’Etat accorde, jeudi en début de soirée, un entretien à la RTS, au Groupe futurs médias (GFM) et au groupe D-Média en direct de Kaffrine après sa tournée économique dans le centre du pays.
Macky Sall abordera l’économie, les questions d’actualité, la politique, les questions sociales et d’autres sujets.
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AFRIQUE DU SUD : LES VIOLENCES XÉNOPHOBES SE MULTIPLIENT
AFP - Depuis deux semaines en Afrique du Sud, des ressortissants étrangers installés dans la ville de Durban, en majorité des Africains, sont la cible d’attaques répétées. Plusieurs dizaines de commerces tenus par des Somaliens ont été pillés lundi 13 avril. Le gouvernement a appelé à l’arrêt de ces violences dont le bilan n’a toujours pas été communiqué. La police parle de quatre morts, et la municipalité de Durban a déployé des tentes pour abriter un millier de personnes qui ont fui les violences.
Josaphate Ciza fait partie des victimes. Comme plus d'un millier d'immigrants attaqués depuis deux semaines à Durban, elle n'a plus rien, ni toit ni avenir. Avant les attaques, cette Congolaise se débrouillait en faisant du "salon coiffure", gagnant de quoi louer une chambre.
"Il y a des gens qui sont venus avec des bâtons et des couteaux",raconte-t-elle au camp d'Isipingo où la fondation musulmane Al-Imdaad assiste plus de 300 étrangers pourchassés, tous Africains. Secourue par la police sud-africaine, Josaphate Ciza a passé trois jours au commissariat avec de nombreux compatriotes congolais avant d'être amenée au camp.
"J'ai fui la guerre et je me retrouve encore dans la guerre", ajoute cette femme de 29 ans, arrivée de Bukavu (République démocratique du Congo) en mars 2014, un gros poupon de six mois dans les bras. L'enfant tousse beaucoup et elle s'inquiète. Son logement est déjà reloué par le propriétaire : "Ici, j'avais mon frère. Il est réparateur frigoriste mais on lui a tout pillé et je me demande comment je vais vivre."
Sur place, au camp d’Isipingo, beaucoup d'interlocuteurs zoulous répètent aux journalistes étrangers que "ce n'est pas de la xénophobie", et préfèrent parler de simples "affrontements entre noirs" dans une province qui a connu une quasi-guerre civile attisée par le pouvoir blanc au début des années 1990, alors que l'apartheid s'effondrait.
"En partie, c’est de la jalousie"
En 2008, il y avait eu 62 morts, dont une vingtaine de Sud-Africains pris dans les violences, et des dizaines de milliers de déplacés. "Il n'y a pas juste une seule raison à ça. En partie, c'est la haine de l'étranger, surtout Africain. En partie c'est de la jalousie", croit savoir Ali Abdi, un vendeur de vêtements somalien de 38 ans, venu s'approvisionner chez un grossiste du centre-ville. Contrairement à Josaphate, il habite l'Afrique du Sud depuis 1996 et a un permis de résidence en règle.
"J'étais en train de réparer des téléphones dans mon shop", raconte Roger Kitondika, un autre Congolais, en montrant un magasin du centre au rideau baissé. "Ils sont venus avec des armes, des machettes, des couteaux", ajoute-t-il en dénonçant l'inaction de la police.
Fondé ou non, ce sentiment que la police locale laisse faire alimente la colère, voire l'esprit de vengeance.
L'Afrique du Sud, pays le plus industrialisé du continent, fait figure d'eldorado ou de refuge aux yeux de nombreux immigrants africains. Pourtant, la pauvreté reste endémique, le chômage chronique et les frustrations énormes parmi la majorité noire, systématiquement brimée par la minorité blanche jusqu'en 1994.
Les attaques xénophobes actuelles ont démarré après les propos du roi zoulou Goodwill Zwelithini – la plus haute autorité traditionnelle de la province du Kwazulu Natal – appelant les étrangers à faire leurs bagages et rentrer chez eux.
PAR MAMADOU YOURY SALL
L'ÉCOLE CLASSIQUE (DAARA), L'ÉCOLE OFFICIELLE ET LA MODERNITÉ !
Le débat suscité par le projet de loi portant statut du "Daara" n'est pas facile à cerner. Il est aussi complexe que l'histoire du Sénégal et sa sociologie. Le diagnostic et l'ambition gouvernementale, tels que déclinés dans le texte, ne pourraient être sans soulever de virulentes réactions.
Car, le projet de loi réveille de douloureux souvenirs chez les sénégalais imbus de l'histoire. Il rappelle à bien des égards l'entreprise du colonisateur qui cherchait à déstabiliser le système éducatif, soubassement du système de valeur culturel qu'il a trouvé sur place.
Aujourd'hui, cinquante-cinq ans après l'indépendance du Sénégal, on remue un couteau dans la plaie nationale en tentant de remettre au goût du jour l'arrêté de Louis Faidherbe du 22 juin 1857relatif à l'Écoles coranique. Les motifs du texte exposés ne sont, en aucune manière, différents de ceux que débitait ce gouverneur.
Est-il besoin de rappeler que le Daara n'était, pour Faidherbe, qu'un établissement archaïque, non pertinent sur les plans économique et politique, à la limite dangereux pour les enfants. Il reste à savoir comment le gouvernement du Sénégal de 2015 a-t-il pu arriver à la même conclusion ? Pourquoi décide-t-il de préconiser les mêmes remèdes que le colonisateur français formulait afin d'éradiquer le mal qui gangrenait, à ses yeux, cette école plus que millénaire ?
Le malheur est que l'histoire politique de ce pays est souvent confondue avec son évolution sociologique. On a tendance à répercuter les ruptures qu'il y a eu dans ce domaine sur tous les autres segments de la vie sociale. Alors que, sur bien des aspects vitaux, la marche du Sénégal est restée sans perturbation notable.
En se donnant les moyens de faire l'inventaire des dégâts causés par la colonisation, on remarquerait bien que le modèle éducatif a demeuré sans altération. Ce qui a donné d'ailleurs à la société sénégalaise une certaine capacité de résistance. De là on peut bien affirmer, sans contestation possible, que l'histoire scientifique du Sénégal est un continuum. Ce qui revient à dire qu'en négligeant ce substrat culturel, on ne pourrait jamais sortir de la crise scolaire qui mine le pays.
Le continuum scientifique du Sénégal
Il est prouvé maintenant que l'institution scolaire classique s'est établie au Sénégal depuis le IXème siècle avec l'évènement de l'Islam. Et la société sénégalaise se l'est appropriée très tôt. Comme certains pays d'Europe occidentale, qui ont emprunté du latin ses caractères au XVème siècle, les populations islamisées d'Afrique de l'Ouest ont transcrit leurs langues avec les caractères arabes qu'ils ont rebaptisés et quelque fois redessinés.
Elles ont ainsi donné à leurs parlers le statut de langues savantes, avant que les pays latinisés ne fassent la même chose. En plus de devenir écrites et utilisées pour l'enseignement, les langues à alphabet arabisé sont souvent considérées comme des langues de l'Islam. En effet, la graphie arabe, ayant servi a fixé le Coran, est sacralisée par les musulmans.
Au Fuuta Jalon et à Sokoto d'abord puis Fuuta Tooro ensuite, la velléité d'émanciper le pulaar en langue de l'Islam n'était pas étrangère à l'expansion de l'ajami (Langue transcrite en caractères arabes) dans cette région plus que dans d'autres. Les Oulémas du Sénégal se sont bien servi de cette écriture pour communiquer aux masses les préceptes de l'Islam et rendre accessibles aux alphabétisés en ajami les recommandations de cette religion.
Les sources écrites les plus anciennes de l'histoire du Sénégal sont en ajami. En outre, selon les résultats d'une enquête menée par Professeur Mamadou Cissé de l'Ucad en 2003 : "Au Sénégal, dans des zones rurales à Diourbel (région centrale), à Matam et Podor (régions Nord), 75 % des adultes peuvent lire et écrire en caractères arabes".
Ainsi, depuis l'entrée de l'Islam, les foyers d'enseignements (Dudhe) ne cessent de se multiplier dans le pays, permettant à des milliers d'enfants de la sous-région d'acquérir des connaissances islamiques et profanes. Le rayonnement de cette École publique ouverte à tous, parfois même à distance, a fait connaître le Sénégal, bien avant son accès à la souveraineté, dans toute l'Afrique et en Asie.
L'empereur de Songhaï, Askia Mohammed (1443-1538) ; Salih El Oumary (1753-1803), plus connu sous le nom de Al Foulaanyel Maliky, le savant de Dar el Hadith de Médine en Arabie Saoudite, qualifié de Rénovateur de l'Islam en Inde ; Qaadi Amar Fallle fondateur de l'Université de Pir ; Ousmane Danfodio le Toorodo de Sokoto ; Thièrno Souleymane Baal le fondateur de l'Almaamiyat ; Almaamy Abdul Qaadir Kane le premier souverain élu en Afrique ; Cheik Oumar el Foutiyyou le Soufi conquérant ; Dial DIOP, le libérateur du Cap-Vert, son premier Almamy et Serigne ; Cheikh Moussa Camara le sage de Ganngel, ont rendu célèbre la science du Sénégal.
Après ces précurseurs la source n'a pas tarit. Les fondateurs et promoteurs de confrérie ont repris le flambeau pour perpétuer cet héritage. Jusqu'aujourd'hui, les foyers d'enseignement du Sénégal attirent des étudiants ressortissants des pays environnants et échangent leur produit avec les plus grandes universités du monde arabo-musulman.
Pour dire que, si en politique la marche du pays est bien perturbée par le colonisateur, sur le plan scientifique, il y a bien un continuum. C'est ce fil tendu de transmission du savoir qui a permis au Sénégal de tenir sur le plan culturel mieux que les contrées africaines qui n'avaient pas une institution de formation aussi forte.
C'est par le moyen de cette dernière que la société a pu faire face aux vicissitudes de la colonisation. Certes, l'institution a subi toute sorte d'agression et fut objet de multiples pièges, mais elle est restée en l'état, sans aucune altération. Donc, ce n'est pas aujourd'hui qu'elle perdrait son lustre avec des stratégies concoctées pour réduire sa portée.
Même s'il n'y a, à ce jour, aucun recensement fiable, on peut estimer très important le nombre de ses pensionnaires. En termes qualitatifs, on l'a vu, sa production est incommensurable. C'est pourquoi, un diagnostic hâtif du fonctionnement de cette institution induirait les gouvernants du Sénégal de 2015 en erreur.
Dire par exemple que le Daara constitue une contrainte, une institution archaïque, qui empêcherait l'état d'atteindre ses objectifs pédagogique, signifie sans aucun doute que l'évaluation qui a motivé la réforme et le projet de loi préconisé est très mal faite.
Dans l'exposé de motifs dudit projet de loi portant statut du Daara, on affirme :
"Cependant, la réalisation des ambitions de l'Etal pour le secteur fait face à des difficultés et risques majeurs, notamment : Un environnement précaire marqué par l'insécurité physique et sanitaire des enfants ; La multiplicité des curricula ; La prolifération incontrôlée de "Daara"; L'augmentation de la mendicité et des situations de maltraitance des enfants".
Ces allégations se basent certainement sur des études menées par des organisations non gouvernementales œuvrant dans les domaines de l'enfance ou de la pauvreté. Rappelons que celles-ci ne sont jamais intéressées aux résultats de l'institution scolaire classique. L'évaluation de la production scientifique du Daara n'a jamais été dans leur perspective.
En plus, leur référence en ce qui concerne l'éducation de l'enfant et sa protection ne correspond pas forcément à celle des sociétés non occidentales. Quand ces dernières intègrent la mendicité dans leur pédagogie ou leur croyance, ces ONG décident que cette pratique constitue une maltraitance de l'enfant et une violation flagrante de son droit. En un mot, elles n'instruisent les dossiers des Daara qu'à charge, sans aucune circonstance atténuante.
De ce qui précède, n'est-il pas insultant de vouloir aligner cette Institution, qui a ainsi hissé le niveau scientifique de la société sénégalaise, au niveau de l'École officielle en considérant cette mise à niveau comme une modernisation ? L'ambition du gouvernent ne devrait-elle pas être autre ? Ne vaut-il mieux d'aller dans le sens de la mise en place d'une école intégrée prenant en charge les avantages liés aux deux systèmes en vigueur en acceptant de corriger (pour ne pas dire moderniser !) les tares de l'École officielle ?
Une École sénégalaise unique
Il va sans dire que la logique d'alignement ou d'inclusion ne ferait que consolider le parallélisme constaté actuellement. Il n'est pas réaliste de considérer l'École officielle comme la référence éducative absolue. Il faut admettre que les deux institutions, la classique et l'officielle, ne sont pas à la hauteur des aspirations des parents sénégalais.
On ne bâtira une véritable École nationale que si on arrive à réunir ce qu'il y a de mieux dans les deux systèmes. En réalité, l'intégration des deux écoles n'est pas impossible. Pour y arriver, au lieu de procéder par une fusion ou une inclusion, on pourrait créer des liens essentiels entre les deux instituions.
L'École classique avec ses cycles de formation et ses certificats peut être mise en phase avec l'École officielle revue dans son contenu et son organisation. Ensuite, un système d'équivalence instauré entre les deux permettrait de baliser les axes de convergence. C'est comme cela qu'est institué El Azhar d'Egypte qui est un regroupement des Daara préexistant à l'institution scolaire officielle pour devenir aujourd'hui une institution universelle islamique pourvoyeuse de compétences dans tous les domaines.
Enfin, il convient de dire ici que le Sénégal n'est pas le seul pays confronté à ce problème. Il y a dans le monde des expériences plus ou moins réussies. Mais, la lucidité devrait pousser les gouvernants du pays à reconnaître l'enjeu social que constitue la langue arabe. Luc Ferry, ministre de l'Education nationale et de la Recherche de la France insistait en 2004 sur "l'importance qu'il y a pour la France à diversifier son enseignement linguistique".
Dans ce cadre, il affirmait aussi son intention de développer l'enseignement de la langue arabe dans chacun des départements du pays. Au même moment, dans une lettre ouverte intitulée : La langue arabe, un enjeu social, des universitaires français affirmaient :
"Au-delà d'une tradition d'ouverture à l'Orient, la présence de cet enseignement (arabe) dans le tissu éducatif français d'aujourd'hui répond à des enjeux profonds, dont l'actualité souligne l'importance. L'arabe est langue internationale de communication, et sa présence témoigne de l'attachement que la France accorde à ses liens, contacts et échanges avec le monde arabo-musulman. En tant que langue de culture d'une tradition revendiquée par les jeunes gens issus de l'immigration, la langue arabe est aussi un enjeu social. Elle est l'objet d'une demande forte, à laquelle le secondaire français n'arrive pas assez à répondre,…".
Si le réalisme socio-politique pousse la France à adopter cette attitude quid du Sénégal avec son identité culturelle à forte connotation islamique ?
Mamadou Youry Sall
Chercheur-Enseignant à l'UGB. Avril 2015
AU SÉNÉGAL, IL Y A EU 2 251 ACCIDENTS DU TRAVAIL EN 2013
La prévention en sécurité et santé au travail constitue un défi majeur au Sénégal, car malgré les efforts, le nombre d'accidents du travail reste toujours élevé.
Selon le vice-président du Conseil National du Patronat (CNP), Aristide Tino Adediran, le travail décent est menacé par les accidents et les maladies professionnelles dont les effets directs et indirects sur l'emploi, le revenu, le climat social, les régimes de sécurité et de retraite sont élevés. Il s'exprimait hier au cours de la Journée du patronat, organisée dans le cadre du mois Africain de la prévention dont le thème est :
"Le rôle des organisations d'employeurs dans la promotion de la culture de la prévention en sécurité et santé au travail". Au Sénégal, dit-il, les statistiques disponibles ont indiqué qu'il y a 2 251 accidents du travail en 2013, pour 60 000 journées de travail perdus.
"60 mille heures de travail perdues, c'est important pour un pays qui veut se développer. Il est devenu impérieux d'améliorer les conditions et le milieu de travail, incluant la promotion et le maintien du plus haut degré de santé physique et mentale des travailleurs mais aussi leur bien-être social", a suggéré hier M. Adediran.
En outre, il a invité ses pairs à entreprendre ensemble les ajustements nécessaires du cadre législatif et réglementaire, des procédures et autres politiques publiques, afin de rendre plus sûrs et productifs les lieux de travail.
Selon l'organisation internationale du travail, toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d'un accident ou d'une maladie liée au travail. "Toutes les 15 secondes, 153 travailleurs sont victimes d'un accident lié au travail. Chaque jour, 6 300 personnes meurent d'un accident du travail ou d'une maladie liée au travail. Le coût humain de cette menace quotidienne est considérable et le fardeau économique des mauvaises pratiques représente, tous les ans, 4% du PIB".
De son côté, le secrétaire général du ministère de la Fonction publique a estimé que la question de la sécurité est aujourd'hui d'une importance capitale qui conditionne, dans une très grande mesure, la productivité de l'entreprise. Au Sénégal, dit-il, le risque est présent.
"C'est d'abord de prendre les dispositions législatives réglementaires et aussi conventionnelles. C'est-à-dire, au delà des normes internationales, des normes de la loi, du règlement, la législation donne aussi aux acteurs au sein de l'entreprise à pouvoir élaborer. C'est tout le sens de la création des comités d'hygiène et de travail qui existent et qui sont obligatoires pour une entreprise évoluant au Sénégal et totalisant un effectif de 50 travailleurs", a-t-il soutenu.
Ainsi, "même si le risque de sécurité est très prégnant dans une entreprise, et que celle-ci ne remplit pas la condition de norme fixée par la législation, la loi donne le droit à l'inspecteur de demander à l'employeur de prescrire des mesures et aussi d'installer un comité de sécurité", dit-il.