«Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions».
Confucius
Le diagnostic, Monsieur le Président, est parfaitement juste, mais c’est la solution préconisée jusqu’à présent pour régler le problème de la sécurité nationale, qui est absolument inappropriée, donc erronée. Il est de notoriété publique que la sécurité nationale étant une question tellement sérieuse et d’une importance si capitale, qu’elle ne devrait, en aucune façon, être confiée à des amateurs et non-initiés tels que les Asp. Compte tenu de cela, elle doit toujours être entre les mains des forces de police, de gendarmerie, armées, voire celles spéciales de sécurité telles que les Gign, etc.
Car, ces forces-là sont justement et spécifiquement formées à cet effet. De telles forces, d’un professionnalisme avéré et incontestable, sont habilitées, aptes et aguerries pour assumer et assurer des missions de sécurité et tâches périlleuses.
Elles ont, par ailleurs, du métier et de l’expérience à revendre, s’agissant de la maîtrise du maintien de l’ordre, du maniement des armes et du respect que leur vouent les citoyens, et qui sont des atouts majeurs pour venir à bout de l’insécurité ambiante et la délinquance galopante.
N’importe qu’elle autre solution que celle-là, monsieur le Président, ne sera malheureusement qu’un échec de plus, qui impactera négativement le développement économique, social et culturel du pays.
Il faut être vraiment très naïf ou alors, ne rien comprendre à la nature complexe, et de ce que signifie réellement la sécurité des biens et des personnes dans un pays, pour oser penser, un seul instant, que cette fameuse Asp est en mesure de prendre en charge convenablement une question aussi épineuse et d’une telle ampleur.
L’Asp a déjà montré ses limites objectives en moins de deux ans. Le bilan peu élogieux qu’il présente, révèle de nombreux scandales de délits divers, de vols, d’escroquerie, de faux et usage de faux, de viols, de vente ou d’usage de drogue, etc. Ce qui est déjà suffisant, et atteste la preuve formelle, que cette agence est inapte et peu recommandable pour assurer notre sécurité. Par conséquent, elle doit disparaître au plus vite, comme celles qui l’ont précédée, avant que ses dégâts ne soient plus catastrophiques.
Son patron, qui n’est pas à une contradiction près, vient d’ailleurs de virer 150 agents pour conduite inconvenante par rapport à la morale requise pour une fonction relative à la sécurité. Comment dans ces conditions, le Dg peut-il, moralement, oser encore suggérer en plus, d’armer de tels agents ?
Effectivement, sans aucun doute, le constat fait sur la recrudescence de l’insécurité et de la délinquance reflète largement et parfaitement la situation qui prévaut dans tout le pays. Et, face à pareille situation, les fameux Asp, pour dire vrai, sont totalement impuissants et ne peuvent rien.
Certes, ce n’est peut-être pas leur faute, mais objectivement, ils sont incapables d’y faire face à tous les points de vue. Et, le Dg de l’Asp, qui se bat comme un beau diable à travers les médias pour le maintien de son agence, par conséquence de son poste, sait pertinemment que ses éléments, qui n’ont subi aucune formation qualifiante relative à la sécurité, ne seront jamais capables de relever le défi très sérieux de l’insécurité et de la délinquance dans le pays, si leur nombre était multiplié par 1000.
Voilà pourquoi, inconsciemment, l’Etat est en train de jeter de l’argent par la fenêtre avec l’Asp qui, qu’on l’accepte ou non, ne joue et ne peut jouer dans les circonstances actuelles, que le rôle d’une milice. Mais, étant donné que, l’un des soucis majeurs du gouvernement en ce moment, c’est de résorber le chômage chronique des jeunes, il faudrait peut-être alors, que les Asp soient déployés ailleurs pour ne pas augmenter davantage le chômage en général.
Alors, Monsieur le président de la République, après avoir reconnu publiquement les faits qui crèvent les yeux, il faut se convaincre finalement et se rendre à l’évidence. Enfin, pour éviter de perdre encore du temps et de l’argent inutilement sans atteindre l’objectif visé, il faut rendre à César ce qui est à César.
Autrement dit : «chacun son métier, les vaches seront bien gardées», car l’Asp est effectivement inapte et constitue une fausse solution pour assurer la sécurité de proximité des populations des villes et des campagnes de la République.
Par conséquent, si toutefois la question fondamentale qui préoccupe l’Etat et l’agite au plus haut point, c’est bien de trouver une solution radicale, juste, efficace, rationnelle et durable au problème de la sécurité nationale ? Il lui faut écarter totalement et dès à présent l’Asp de cette question, et la confier aux Forces de l’ordre et de sécurité nationale dont le métier c’est bien de veiller sur les personnes et les biens. Il n’y a rien de plus simple et pratique que cela !
Au demeurant, la suggestion du Dg de l’Asp d’armer ses agents est une farce de mauvais goût, voire une idée dangereuse pour notre sécurité au regard des nombreuses bévues à leur compte.
Le président de la République doit alors, mettre fin à cette agence incompétente pour son objet et truffée de délinquants. A l’origine, les Asp ont été recrutés sur des bases qui défient vraiment toutes les règles de bon sens et d’éthique, parce que sans aucune enquête de moralité, pour des emplois relatifs à la sécurité publique.
Il va sans dire que tout retard apporté à la dissolution de l’Asp ne fera qu’aggraver davantage la situation sécuritaire et permettra encore aux Asp de commettre d’autres délits plus graves, surtout lorsqu’ ils seront de surcroit armés. Une telle décision, monsieur le président de la République, si toutefois elle est prise, serait extrêmement grave de conséquences incalculables, dont vous et le Dg porterez l’entière responsabilité. Osons espérer que le président de la République entendra la voix de la sagesse et prendra les mesures idoines qui s’imposent dans de pareilles circonstances.
Nous souhaitons que soit médité l’adage qui dit: «un homme averti en vaut deux», au lieu de s’entêter inutilement, ou d’écouter un directeur général qui ne cherche en fait, qu’à sauver son fauteuil et garder son fromage. Il faudra ainsi, comme cela se fait dans les Républiques et Etats de droit qui se respectent, confier la sécurité publique, qui est un domaine sensible et très sérieux, à des professionnels et des gens responsables et assermentés, à savoir aux forces de police, de gendarmerie, armées et forces spéciales qualifiées pour défendre les populations et leurs biens. C’est là, la bonne voie salutaire et nulle part ailleurs.
Le chef de l’Etat, en s’inquiétant luimême de la sécurité des personnes et des biens, prend de fait conscience qu’il existe un sérieux problème de sécurité dans le pays. Dès lors, faire l’état des lieux s’impose à lui tout d’abord.
Et aussitôt après, en fonction du diagnostic clair et édifiant, il doit prendre impérativement les mesures idoines appropriées pour régler durablement et efficacement la sécurité nationale, afin de préserver la tranquillité des citoyens, quel que soit leur lieu de résidence.
La sécurité nationale ce n’est pas un simple discours, elle exige des ressources humaines, matérielles et financières consistantes. Voilà pourquoi, il faut renforcer les effectifs de toutes les forces affectées à la sécurité, et comme vous le demandez si justement au gouvernement, monsieur le Président : «déployer tous les moyens requis pour faire face à ces fléaux, notamment dans les zones urbaines et périurbaines», de faire un «renforcement du maillage sécuritaire du pays en unités de police et de gendarmerie» et «le relèvement des effectifs, la mobilisation de tous les instruments juridiques et techniques, ainsi que l’amélioration de la formation et de l’équipement des personnels concernés».
Il faut joindre alors l’acte à la parole monsieur le Président, si vous tenez tant à la sécurité du pays, car au total, tout cela relève principalement de vos compétences, de votre responsabilité et volonté.
Pour rappel : «La stratégie de sécurité nationale a pour objectif de parer aux risques ou menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la Nation. Sa première finalité est de défendre la population et le territoire, car il s’agit du devoir et de la responsabilité de premier rang de l’Etat.»
LES CRAINTES DU BÂTONNIER
EXCLUSIF SUD QUOTIDIEN - Me Amath Bâ estime que le procès de Karim Wade risque de porter un coup à l'image de la justice et de la démocratie sénégalaises
Baye Oumar Gueye et Abdoulaye THIAM |
Publication 19/03/2015
Me Amath Bâ brise le silence. Le bâtonnier de l’ordre des avocats, qui est l’invité du quatrième numéro de Grand Format du groupe Sud Communication, tire la sonnette d’alarme sur les risques que le procès de Karim Wade pourrait avoir sur l’image de la justice sénégalaise mais aussi sur sa démocratie. Dans cette interview exclusive réalisée le 27 février dernier, l’avocat suggère également la révision de tout le dispositif de lutte contre la corruption. Parce que, selon lui, «la volonté politique n’est pas suffisamment forte pour aller le plus loin possible dans la lutte contre la corruption». Mieux, ajoute-t-il, «les poursuites ne doivent être politisées, sélectives et attentatoires aux libertés fondamentales, aux droits des gens».
Avec le recul, quelle analyse faites-vous du procès de Karim Wade dont le verdict est attendu le 23 mars prochain ?
C’est un énorme plaisir de me retrouver dans les locaux de Sud FM. J’ai eu, au cours de mon cursus, à rencontrer des amis qui étaient de cette maison. Je pense notamment à Moussa Paye, à Ibrahima Fall, journalistes émérites, tous deux aujourd’hui disparus. Je m’incline et prie pour le repos de leur âme. J’ai aussi cheminé avec des amis comme Abdou Latif Coulibaly, avec qui j’étais sur les bancs de la faculté pour les études de droit et d’autres encore. Je voudrais à tous leur adresser un salut amical et fraternel.
L’affaire Karim Wade est un procès important qui a marqué les esprits et qui est surmédiatisé. Mais je voudrais qu’on se focalise davantage sur les leçons à tirer de cette première expérience, de ce premier procès pour tirer les enseignements par rapport à cette question de la traque des biens mal acquis, les enseignements par rapport à la lutte contre la corruption. C’est une question qui préoccupe les Etats, les avocats, les gens de justice, notamment la société civile, l’opinion. Je rentre d’une réunion à Niamey où il y avait tous les barreaux de l’Uemoa, et d’autres barreaux étrangers.
Tous les bâtonniers de l’espace Uemoa se sont arrêtés pour réfléchir sur la corruption dans le milieu judiciaire. Un confrère a utilisé cette belle expression pour dire que c’est devenu un «fléau communautaire». Dans l’affaire Karim, je m’intéresse plus aux perspectives qu’au procès.
Le bâtonnier, c’est celui qui est chargé de rappeler et de connaître les règles. Par conséquent, il doit être le premier à les respecter. Donc, il n’est pas de nos usages professionnels d’évoquer des affaires qui sont pendantes, en cours, surtout quand on n’est pas dans l’affaire, on n’est pas avocat de la cause.
Alors en ce qui concerne les connaissances, vous savez très bien que ce qui est demandé à l’avocat, c’est une compétence avérée. Malheureusement, de plus en plus dans des domaines très larges, on demande à l’avocat d’être compétent dans toutes les disciplines du droit. Ce qui est pratiquement impossible. Mais nous encourageons les avocats à aller vers des spécialisations. J’espère que nous y reviendrons parce que c’est un point important de mon mandat.
J’ai mis l’accent sur la formation continue et la formation initiale. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, la justice ce n’est pas simplement le prétoire. Le prétoire, ce sont des litiges, mais aussi des affaires qui sont dénouées devant les tribunaux. L’avocat doit dénouer d’autres litiges qui ne viennent jamais au tribunal. Et le fait de se focaliser simplement sur un contentieux, dans un contexte qui est marqué par les dysfonctionnements, parfois la corruption, cela peut expliquer pourquoi - et je vais vous surprendre en faisant tomber un mythe car - les gens pensent que les avocats sont des gens riches. Il y a une grande précarité dans le milieu judiciaire, particulièrement dans le secteur des avocats. Alors pourquoi ? On aurait certainement le temps d’y revenir.
Vous avez été appelé à intervenir dans ce procès plusieurs fois. Quelle est votre première observation dans son déroulement ?
Alors la première observation, c’est que très tôt j’ai demandé l’autorisation au président de la CREI d’intervenir dès le premier jour du procès. Et j’étais venu avec un discours écrit de 2 à 3 pages. Mais c’était essentiellement un appel à la sérénité. C’était aussi une façon de lancer un appel à tous ces avocats, parce que les avocats de la défense de Karim Wade étaient nombreux et tous ne sont pas des Sénégalais.
Il y a également des anciens bâtonniers. Notamment un ancien bâtonnier qui est venu de Paris Me Fartois. Il y a des anciens bâtonniers Sénégalais, Me Félix Sow, Me Yérim Thiam, et deux bâtonniers en exercice. Le bâtonnier Sir Djikoué du Bénin et le bâtonnier Pierre Olivier Sur du barreau de Paris.
Il y avait là suffisamment d’avocats responsables connaissant les bonnes pratiques d’audience, les règles professionnelles pour permettre que les débats se déroulent dans la sérénité, dans la courtoisie. Et j’ai eu à donner ce message en disant que j’ai beaucoup de choses à faire et j’espère que je viendrais le moins souvent possible pour intervenir. Et chaque fois qu’il y aura un incident, je donne pouvoir aux bâtonniers qui sont dans la salle pour traiter et résoudre les incidents.
Malheureusement vous avez été contraint à intervenir plusieurs fois ?
Je ne suis revenu pas plusieurs fois mais peut-être trois ou quatre fois. Vous allez me dire que c’est déjà beaucoup, surtout la dernière fois il y a eu une rupture. Les avocats de la défense sont partis pour ne jamais revenir jusqu’à ce que l’affaire soit plaidée et mise en délibéré.
Qu’est ce qui s’est réellement passé?
Sans rentrer dans trop de détails, il y a eu un avocat qui a été expulsé de la salle, en l’occurrence Me Amadou Sall. Le fait, il faut le souligner n’était pas sans précédent, mais il était d’une particulière gravité.
En quoi?
Parce que le président a la police de l’audience. Mais vous imaginez un président qui dit : «sortez cet avocat !». Et qui demande aux gendarmes de venir sortir l’avocat. Et les autres avocats qui font une sorte de haie pour dire : «si vous devez le sortir nous sortirons tous avec lui».
Heureusement, il n’y a plus de grenades (rires). Les avocats ont fini par quitter la salle. J’ai considéré et le barreau avec moi que l’incident était trop grave. Quand je suis allé voir le président, j’ai eu à dire sans rentrer dans les détails que je ne souhaitais pas qu’il y ait encore un avocat expulsé de la salle. D’abord, parce que je m’interrogeais sur la base légale et j’en avais pas trouvé. Et je ne pense pas qu’un président d’une quelconque audience puisse expulser un avocat d’une salle d’audience. Et ça c’est la position d’aujourd’hui du conseil de l’ordre qui a considéré à l’unanimité que le bâtonnier à eu raison de dire qu’il y avait pas de base légale. Maintenant, il faut considérer que cet incident a été réglé pour permettre aux avocats de revenir dans la salle d’audience.
Grâce à vous?
C’est trop dire. On a fait la médiation et la cour était dans les bonnes dispositions pour oublier l’incident et permettre à l’avocat Me Sall de reprendre sa place. Ça aussi c’est la vérité historique des faits.
Au début du procès une exception avait été soulevée concernant des avocats ayant servis l’Etat en tant que ministre ou autre. Peut-on s’attendre à d’éventuelles sanctions contre les avocats qui ont enfreint cette disposition de l’ordre.
Ce débat s’est posé effectivement en particulier au début. J’ai été interpelé parce que certains avocats considéraient que c’était au bâtonnier et aux conseillers de l’ordre de dire que ces avocats, compte tenu des fonctions ministérielles occupées dans une période antérieure à trois ans, par le passé, ne pouvaient plaider ni pour ni contre l’Etat du Sénégal d’ailleurs. J’ai considéré que c’est une disposition d’une loi, même si c’est une loi sur l’exercice de la profession d’avocat. Ça reste une loi et lorsque l’interprétation de la loi est posée sous forme d’incident ou d’exception liminaire dans le cadre d’une audience, il appartient à la juridiction qui est saisie de trancher la question.
Bien entendu, ça, c’est une position personnelle mais largement partagée. Et ce n’était pas la première fois d’ailleurs que cela s’est posé. Il y a eu des juridictions qui ont eu à se prononcer sur cet incident. Lorsque cela a été notifié à la CREI, l’incident a été vidé d’une certaine façon. La cour a considéré qu’elle n’avait pas suffisamment d’informations pour dire que ces avocats ne devaient pas plaider. Et les avocats sont revenus ensuite pour dire que la CREI a presque dégagé en touche, en disant qu’il appartenait aux avocats de régler cette question là. Mais j’avoue qu’entre temps, elle a été rattrapée et dépassée par l’actualité.
Comment expliquer la sur-médiatisation du procès notamment par les avocats?
Il y’a un aspect ou des volets de la sur-médiatisation qui ne dépendent pas des avocats. Il faut être juste. Maintenant, c’est vrai que les avocats, eux-mêmes, contribuent d’une certaine façon à cette sur-médiatisation, pour plusieurs raisons. Parfois, ils considèrent qu’ils n’ont pas la possibilité de s’exprimer librement à tort ou à raison. Et, ils considèrent qu’il faut un relais. Et, le relais, c’est la presse.
Parfois, ils considèrent qu’il y’a des dérapages, peut-être des excès qui sont constatés ici et là qu’il faut dénoncer. J’avoue que, pour l’essentiel, chaque fois qu’il y’a eu des points de presse, des conférences de presse, j’ai reçu neuf fois sur dix au moins des demandes et j’ai autorisé ou refusé d’autoriser selon le cas.
Pour combien de fois avez-vous refusé ce genre de demande ?
Très rarement, parce que, si vous voulez, il y’a un souci d’équilibre. Par exemple, lorsqu’on a été confronté au problème d’expulsion de El hadj Amadou Sall. Pendant qu’on est en train de faire des médiations pour régler, non pas seulement le problème de El hadj Amadou Sall, parce qu’après l’expulsion, on avait fait presque le rappel des doléances, et on essayait d’éviter cette rupture, cette cassure qu’il y a eu, et qui a fait que les avocats ont quitté la salle d’audience.
Alors, pendant ce temps, ils (avocats de la défense) voulaient faire un point de presse et moi, j’ai dit non. Je leur ai demandé d’attendre au moins qu’on aille au bout de ces démarches pour voir ce qu’elles donnent avant d’autoriser ou non la conférence de presse. Mais, en règle générale, j’autorise les avocats à parler même si je constate et je déplore, souvent des dérapages de la part des avocats dans la communication par rapport à l’affaire.
Effectivement, il y a eu beaucoup de dérapages notamment des invectives, des insultes… Comment appréciez-vous l’attitude de vos collègues ?
Parfois, il y’a des dérapages qui nous poussent à mettre en œuvre des procédures. Lorsqu’il y’a des manquements aux règles de déontologie professionnelle à certaines règles, le Bâtonnier peut s’autosaisir et décider, dans telles affaires, de désigner un rapporteur. Parfois, il peut interpeler l’avocat et lui demande de s’expliquer et parfois, il peut aller au-delà. Par exemple, dans ce dossier Karim Wade où il y’a eu parfois des dérapages, j’ai demandé aux avocats d’intervenir, aux bâtonniers d’intervenir lorsqu’il y’avait des incidents. Récemment, ils m’ont dit : «Bâtonnier, on interviendra plus. On interviendra plus parce que, parfois, en plein audience nous nous sommes faits insulter». J’ai eu même parfois à faire parfois un communiqué de presse pour rappeler les uns et les autres à l’ordre. On est même allé plus loin. On a sanctionné un avocat en conseil de discipline parce qu’il y’a eu des propos discourtois à l’égard d’un ancien bâtonnier. Mais, on ne fait pas trop de communication sur ces questions.
Quelle était la nature de la sanction ?
Il a été suspendu trois mois avec sursis. Il a fait appel pour revenir sur la décision. C’est son droit de faire appel.
En fin de compte, pensez-vous que ce procès a pu relever le défi de la lutte contre des biens supposés mal acquis ?
Ce serait assigner à ce procès une trop grande mission. Il est peut-être un début dans cet exercice de traque des biens supposés mal acquis. Mais je pense qu’il va falloir peut-être, je ne sais pas quand, s’arrêter et évaluer. Évaluer le déroulement du procès parce que, c’est quand même regrettable dans une affaire comme celle-ci, pour l’image de la justice, la crédibilité de la justice, qu’on arrive à un procès où les avocats ne plaident pas.
C’est très grave. C’est dommage qu’on arrive à un procès où, on est obligé d’expulser un avocat d’une salle d’audience. C’est très grave ! Mais, allons plus loin. Le dispositif d’ensemble lui-même, dans lequel se déroule ce procès : c’est-à-dire la Cour de répression, la loi sur l’enrichissement illicite, il y’a un gros problème par rapport à la notion de procès équitable.
Cette décision qui va tomber n’est pas susceptible d’appel. Or, la notion de procès équitable mais la voie de recours est un aspect central de la notion de procès équitable.
La CREI a fait l’objet de beaucoup de contestation, notamment avec l’inversement de la charge de la preuve, l’impossibilité de faire appel etc. Mais, elle reste quand même dans l’ordonnancement juridique du Sénégal. Faudra-t-il supprimer cette juridiction ou plutôt procéder à la modification de certains de ses articles ?
Je vais donner une réponse plus large. C’est tout le dispositif de lutte contre la corruption qu’il faudra revoir. On a parlé de la Crei, du procès équitable. La plupart des pays considèrent qu’il faut avoir une telle incrimination : l’enrichissement illicite.
Il faut poursuivre pour enrichissement illicite. Il faut lutter contre la corruption. Et le Sénégal ne le fait pas comme ça de manière isolée. Il y’a des conventions internationales : Mérida au plan de l’Union européenne, l’Union africaine et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. Il y’a des conventions internationales qui obligent les États à avoir un dispositif de lutte contre la corruption.
Le gros problème c’est que, certains États font le service minimum sous prétexte d’être en adéquation avec les conventions internationales, on a eu ici une structure de lutte contre la corruption pendant des années qui n’a rien fait.
Aujourd’hui, quel est le dispositif global ? Vous avez la Crei, vous avez la loi sur l’enrichissement illicite, vous avez les infractions de détournement de deniers publics, vous avez l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac), l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp). Tout ça, c’est un dispositif. Nous sommes en train de réfléchir en tant qu’avocat pour faire une conférence internationale sur ces questions de la corruption.
Pour quand ?
C’est prévu pour 2015, et on a des partenaires qui sont déjà en train de travailler avec nous. Il faudrait qu’on évalue tout le dispositif. Mais, il y a une exigence majeure, c’est que la justice doit être crédible. Ceux qui sont poursuivis doivent être à l’aise avec la décision du procès, le déroulement du procès, leurs droits, l’exercice des droits et par la défense. Il faut que l’on garantisse cela.
Est-ce à dire que le procès de Karim Wade pourrait jeter un discrédit sur la justice sénégalaise ?
Si ce qu’on a dénoncé doit se reproduire encore, il y’a un gros problème. Le problème de la justice c’est la confiance des citoyens. Si les citoyens n’ont pas confiance, les acteurs essentiels, les avocats n’ont pas confiance, il y a un gros problème. Sous prétexte de lutter contre la corruption en réalité vous discréditez davantage la démocratie et la justice.
Autrement les résultats attendus ne seront pas rendez-vous ?
Je n’irais pas jusque là. Il y’a une envie qui est bonne. Il y’a une direction qui est bonne. Il faut évaluer. Et il faut prendre du recul. Les poursuites ne doivent pas être politisées. Les poursuites ne doivent pas être sélectives. Les poursuites ne doivent être attentatoires aux libertés fondamentales aux droits des gens. La notion de liberté est capitale. La détention est l’exception et non la règle. Ça aussi est valeur cardinale pour les gens épris de justice.
On dit que quand la politique entre par la porte, la justice en sort par la fenêtre. Nous sommes maintenant à l’heure du verdict. Qu’en dites-vous ?
Il y’a matière à s’arrêter, évaluer, réfléchir et redresser. Encore une fois, personne n’est contre la lutte contre la corruption. Maintenant, c’est vrai que certains ne la veulent pas. Il y’a dans le pays des gens qui ne sont pas d’accord avec la lutte contre la corruption et cela ne date pas d’aujourd’hui. Je vous ai rappelé, la commission de lutte contre la non transparence n’a rien fait et dans l’exposé des motifs de la loi sur l’Ofnac, on vous dit que c’est un échec. On dit que les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous.
Est-ce un problème d’homosenegalenesis, d’arsenal juridique ou de volonté politique ?
C’est un ensemble de choses. La volonté politique n’est pas suffisamment forte pour aller le plus loin possible dans la lutte contre la corruption. Ce n’est pas hier, encore moins aujourd’hui. C’est depuis tout le temps au Sénégal. C’est vrai que si vous comparez l’Ofnac à la commission antérieure de lutte contre la non transparence et la corruption qui était là, l’Ofnac est un pas. J’ai assisté à la cérémonie de prestation de serment et je l’ai signalé. L’Ofnac a des pouvoirs plus importants. Le destinataire des enquêtes de rapport de l’Ofnac est le procureur de la République alors que dans l’autre structure on envoyait les rapports au Président de la République. Il n’y pas que cela, l’Ofnac a des moyens d’agir, normalement, son budget est disponible dès le début de l’année alors que les autres disaient qu’ils n’avaient pas de moyens.
Mais il a fallu la sortie au vitriol de la directrice de l’Ofnac pour qu’on se rende compte qu’il y avait là aussi beaucoup de manquement, notamment sur la mise en place du budget, le refus des certaines autorités qui gèrent les affaires publiques de se soumettre à cette loi. Quel commentaire ?
Très certainement, il y’a des insuffisances. Mais le progrès est net. A part l’OFNAC, il y’a la Cour des Comptes, l’IGE, l’ARMP. Il y’a énormément de structures. Maintenant, il faut voir si c’est un problème de dispositif de structures, d’institutions, règles, d’hommes ?
Est-ce que c’est ce problème que nous avons ou c’est beaucoup plus complexe. Je considère que la volonté politique doit s’affirmer de manière plus claire. Il faut dire les choses comme qu’elles sont.
Sur les poursuites il y’a matière à dire, sur le pouvoir du parquet, sur le statut du parquet, il y’a une réflexion à faire.
S’il y’a la volonté d’aller le plus loin possible de fixer des règles claires qui s’appliquent à tout le monde, on a les compétences nécessaires pour arriver à trouver de bonnes formules.
J’ai même l’impression qu’on a un arsenal très peu important, qu’on aurait pu simplifier les règles institutionnelles, les mécanismes et faire en sorte que cela marche.
Et ceux qui sont chargés d’appliquer les règles, de dire le droit, poursuivre, juger, doivent être irréprochables (rires).
LE GRAND ABSENT
Son dossier confié à un magistrat instructeur, El Hadji Amadou Sall devrait attendre des mois en prison avant d'être jugé et, ainsi, rater le verdict du procès de Karim Wade lundi prochain
Me El hadji Amadou Sall, ancien garde des Sceaux sous le régime de Wade, ne sera pas jugé avant 6 mois, le temps que doit durer au maximum l’instruction de son dossier judiciaire qui a été transmis à un magistrat instructeur.
Dans sa livraison d’hier, le journal Le Quotidien indiquait que Me El hadj Amadou Sall risque de ne pas assister au délibéré du procès de son client, l’ancien ministre d’Etat Karim Wade, jugé par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Cette hypothèse se confirme davantage.
Selon une source bien au fait de cette affaire judiciaire, le dossier de l’avocat et membre du comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds) est envoyé en instruction. Ce qui laisse entendre que Me El hadj Amadou Sall ne sera pas jugé avant 6 mois, le temps que doit durer au maximum l’instruction.
L’ancien garde des Sceaux et ministre de la Justice sous le règne du Président Abdoulaye Wade gardera sans nul doute la prison pendant de longs mois avant d’être édifié sur son sort.
Pour rappel, Me El hadj Amadou Sall, membre du comité directeur du Pds, qui est tombé sous le coup de l’article 80, a été placé sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt de Rebeuss, ce mardi, pour offense au chef de l’Etat et atteinte à la Sureté de l’Etat.
Ses ennuis avec la justice sont consécutifs aux propos qu’il a tenus dimanche dernier à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, lors d’un meeting organisé par les membres des mouvements soutenant l’ancien ministre d’Etat, Karim Wade, actuellement en prison et dans l’attente du verdict de son procès prévu le 23 mars prochain.
«Si jamais Macky Sall fait emprisonner Karim Wade, il ne passera pas une seule nuit au Palais», avait déclaré en guise de mise en garde à l’endroit du chef de l’Etat, Me El Hadj Amadou Sall devant une foule en liesse.
La cérémonie d’ouverture de la première édition du Salon de l’excellence qui se tient du 18 au 19 mars a été une occasion d’échanger sur les moyens de lutte contre le chômage des jeunes. Lors de cette rencontre, l’essentiel des interventions ont été axées sur le développement de l’entreprenariat et de l’auto-emploi.
Le meilleur remède pour lutter contre le chômage des jeunes serait une orientation vers l’auto-emploi. C’est le message qui a été lancé hier lors de l’ouverture du Salon de l’excellence organisé par le cabinet Accompagnement coaching et placement (Acp) consulting.
Selon le directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne qui a présidé cette cérémonie, les entreprises ne peuvent pas absorber tous les jeunes diplômés. Demba Diop qui plaide pour l’auto-emploi, estime qu’il est l’un des meilleurs moyens pour faire face au chômage d’autant plus qu’il a été constaté que «l’emploi salarié est en crise».
«C’est le moment pour ceux qui ne parviennent pas à s’insérer dans les entreprises formelles de penser à créer leurs propres entreprises pour aider d’autres demandeurs d’emplois. Ceux qui sont dans les entreprises connaissent le concept de précarité, c’est à dire que ce qui était hier une exception est aujourd’hui une règle. Le Contrat à durée indéterminée était une règle, mais aujourd’hui il y a un glissement qui fait que c’est le Contrat à durée déterminée qui devient une règle. Même si on trouve un emploi, c’est un emploi à caractère précaire», a-t-il fait savoir.
Abondant dans le même sens, la marraine de ce Salon l’ancien ministre de la Coopération décentralisée, Soukeyna Ndiaye Bâ, a soutenu qu’il y a des opportunités à saisir pour développer l’auto-emploi. «Demain, l’Afrique sera un grand marché mondial, l’Etat encore moins que le privé ne peut absorber l’emploi au Sénégal.
On sait que les petites et moyennes entreprises jouent un rôle important dans la croissance du pays, et de nombreux dispositifs ont été mis en place pour favoriser les investissements, c’est une situation qui offre de nouvelles opportunités pour l’auto-emploi et la participation des jeunes dans l’économie», a-t-elle souligné.
Au cours de la première journée du salon, la question de la pratique professionnelle des jeunes diplômés a été aussi abordée. A ce propos, le directeur de cabinet du ministre de la Jeunesse a souligné que «l’exigence de l’apprenant par rapport à son Institut de formation devrait le guider vers la pratique professionnelle, vers les filières de développement personnelle qui est un facteur concurrentiel dans la quête de l’emploi». «Le diplôme en soi n’est qu’une présomption de compétence, ce n’est pas la preuve palpable de la compétence», a-t-il dit.
C’est un des objectifs que s’est fixé d’après son manager, Ousmane Seck, le cabinet Accompagnement coaching et placement Consulting, qui œuvre dans la formation en développement personnel des jeunes diplômés en les aidant à optimiser leur chance et à les pousser à créer leurs propres entreprises.
«Pour notre première année, nous avons aidé 702 jeunes à s’insérer et avons participé à la création de 13 entreprises. Les défis sont énormes, parce que nous recevons près d’une centaine de Cv par semaine», a-t-il informé.
Selon lui ce salon est un cadre qui permettra aux jeunes de valoriser leur chance, un portail pour permettre aux entreprises d’échanger de prendre des contacts et aussi un lieu de développement de la culture d’entreprenariat.
Les Y’en a marristes et le responsable du mouvement burkinabè Balai citoyen vont enfin retrouver les leurs. Les autorités congolaises ont décidé de leur expulsion cinq jours après leur arrestation.
Fadel Barro, Malal Talla alias Fou malade et Alioune Sané vont arriver aujourd’hui au Sénégal, en provenance de Kinshasa. Les autorités congolaises ont décidé de les renvoyer dans leur pays.
Au cours d’un entretien accordé à Rfi, le ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mendé, a précisé que les militants des mouvements Y’en a marre (Sénégal) et Balai citoyen (Burkina Faso) ont été déclarés persona non grata en République démocratique du Congo (Rdc).
Ils ont été accusés d’avoir voulu inciter la jeunesse congolaise à l’insurrection. «Nous avons décidé de les expulser de notre territoire. Ils n’ont pas le droit de venir faire de la politique ici. Peu importe s’il y a des preuves de ci ou de ça.
Ils ont prétendu être venus ici pour agir dans le sens d’un changement du régime d’un pays qui n’est pas le leur. Cela ne se fait pas. Conformément à la loi, nous les expulsons donc de notre territoire. Nous n’avons pas à nous expliquer sur cela», a motivé hier le porte-parole sur la décision prise par le Président Joseph Kabila.
Les Congolais restent en détention
Quant à leurs homologues congolais, ils restent en prison. Lambert Mendé accable ces jeunes activistes de son pays. Il les accuse même d’être en contact avec des terroristes : «Il y a beaucoup de problèmes à cet égard. Il y a beaucoup d’argent qui a circulé.
Il y a des comptes qui ont été ouverts sous de fausses identités... Il y a même une fausse société qui a été créée pour pouvoir inviter les trois Sénégalais et le Burkinabè. Nous avons trouvé une littérature assez inquiétante sur le retour des jihadistes.
Nous avons retrouvé des tenues militaires. Tout cela nécessite que ceux qui sont à la base de cette initiative puissent passer devant le procureur.» Le porte-parole reste ferme en soutenant que «c’est comme cela que cela se passe dans le monde entier».
L’interpellation des responsables des Mouvements Y’en a marre et Balai citoyen a suscité une indignation unanime des organisations de défense des droits de l’homme. Il s’y ajoute que les autorités sénégalaises ne sont pas restées les bras croisés pour les faire libérer.
Ce qui n’était pas le cas de la France et des Etats-Unis, car leurs deux diplomates impliqués dans cette affaire ont été relâchés dans les minutes qui ont suivi leur arrestation. Y’en a marre et le Balai citoyen étaient invités par des membres de la Société civile de la Rdc avec l’appui des Etats-Unis, pour partager leurs expériences.
Y’en a Marre à Dakar ce soir
Le ministère des Affaires étrangères du Sénégal a de son côté, a annoncé hier dans la soirée que les activistes sénégalais étaient finalement expulsés hier, et embarqués dans un avion, en direction de Dakar. Ils devraient arriver ce soir dans la capitale sénégalaise, après un transit à Bruxelles.
On a comme l’impression que la vie, la nôtre, la vôtre aussi, s’arrêterait à cette fameuse date du 23 mars, suspendus que nous serions à l’épilogue d’un procès, celui du détenu Karim Wade jugé pour enrichissement illicite supposé, et quasi superstar d’une sorte de feuilleton judiciaire qui s’impose à nous. Entre ces témoins plus ou moins «crédibles», ces vrais ou faux prête-noms, cet ancien président de la République métamorphosé en père inconsolable, son combat pour faire libérer son fils bien-aimé, cette « suspecte » Cour de répression de l’enrichissement illicite(Crei), cette accusation «instrumentalisée» ou ces avocats de la défense convaincus que leur client est entre le détenu politique, le bouc émissaire et la victime d’un simulacre de justice qu’ils condamnent avec passion etc.
En début de semaine, Me Amadou Sall, l’un des avocats de Karim Wade, prononçait d’ailleurs, et en toute irresponsabilité, des mots d’une bassesse indigne d’un ancien ministre de la Justice (fonction qu’il occupera sous le régime d’Abdoulaye Wade), au mépris des institutions, au mépris de la Nation, et surtout au mépris de citoyens qu’il n’hésitera pas à mettre en danger, comme si leur vie se monnayait au rabais.
Puisqu’il leur demandera, alors qu’il participait à une manifestation de soutien à Karim Wade dans la banlieue de Dakar, d’être les bras armés d’une résistance populaire accrochée à ses gourdins, ses pilons et ses écumoires dérisoires, si et seulement si Karim Wade devait rester en prison après le 23 mars. Se contentant de n’être que des marionnettes déguisées en boucliers. Pas un mot sur les éventuelles conséquences de cette « résistance » comme il dit, ni sur la probable riposte des forces de l’ordre, rien sur les pots cassés, et à quel prix d’ailleurs ? Non, les citoyens ne sont pas de la chair à canon, qu’on ne les prenne pas en otage !
Que Me Amadou Sall puisse douter de la crédibilité de la Crei, c’est son droit le plus absolu. Et rien ne l’empêche non plus de penser que ses arguments juridiques ne serviront à rien ou de penser que son combat est perdu d’avance : «Karim Wade sera emprisonné le 23 mars», disait-il. Idem s’il veut faire de cette affaire la triviale revanche de Macky Sall contre le Parti démocratique sénégalais(Pds) et contre la famille Wade.
On peut aussi comprendre ses prises de position braquées, son indéfectible soutien à Karim Wade, ou ses combats politiques, mais on avale difficilement que l’ancien garde des Sceaux puisse se moquer de nos institutions et des valeurs de la République. Ni qu’il puisse menacer la stabilité de l’Etat du Sénégal, que l’on donne d’ailleurs l’impression de vouloir pousser à la faute : à lui de prendre de la hauteur, et de ne pas réprimer pour réprimer.
Me Amadou Sall déclarait à qui voulait l’entendre que Macky Sall ne passerait « pas une seule nuit au Palais » s’il venait à « emprisonner Karim Wade ». Des propos qui lui ont valu d’être envoyé à la prison de Rebeuss comme son client, mais pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et « offense au chef de l’Etat ». La vie ne s’arrête pourtant pas au 23 mars !
IVRE DE POUVOIR
DR. YAYA ABDUL-AZIZ JAMUS JUNHUNG BABILI MASSA JAMMEH
Dans la capitale gambienne, il est partout. Son Excellence le professeur, Cheikh, El Hadji, Dr. Yaya Abdul-Aziz Jamus Junhung Babili Massa Jammeh est «momifié» à travers des posters géants. C’est le culte de la personnalité. Et c’est le point de ressemblance de toutes les dictatures. Contrairement aux autres autocrates qui sombrent dans des réalisations démesurées, lui est juste obnubilé par le rêve de conserver son pouvoir.
On ne peut pas échapper à cette tyrannie iconographique. Banjul. Serrekunda. Bakau. Senegambia. Kololi. Partout, on marche sous le regard accompagné du sourire de Yaya Jammeh. Dans toutes les artères, les affiches géantes, célébrant l’hyper puissance de Yaya Jammeh, sont placardées.
Elles chantent ses réalisations et mettent en relief le culte de personnalité commun à toutes les dictatures. Elles font foison : «Nous vivons mieux qu’il y a 20 ans». «Consommons ce que nous produisons. Produisons ce que nous consommons.» «A true brother». Le chauffeur de taxi sourit de dépit : «A f.. brother. Yes»
Pour approcher l’œuvre de Son Excellence le professeur, Cheikh, El Hadji, Dr. Yaya Abdul-Aziz Jamus Junhung Babili Massa Jammeh, il faut remonter l’avenue Independance drive. Le minuscule stade de foot, témoin de la célébration de ses 20 ans, fait partie de sa collection de réalisations.
«Mais, personne ne va jouer au foot dans ce stade malgré la qualité de la pelouse. Il dit que c’est pour la célébration des activités de l’Etat», explique-t-on à Banjul. Et les locaux de l’Assemblée nationale étincelants de blancheur. La State house, là où il régente en maître absolu, se trouve aussi dans ce périmètre ultra-sécurisé. On aperçoit le Palais présidentiel au fond d’une impasse versant sur la route qui mène au marché central de Banjul. Mais, il est impossible de s’approcher de ce cadre idyllique de l’extérieur.
Dans ce lot d’affiches géantes, il y a une qui chante la gloire de ses réalisations. Pourtant, il ne fait pas partie de la race de ces autocrates qui construisent des infrastructures gigantesques. Ou des autoroutes à quatre voies et des canaux d’irrigation. En prenant soin d’ajouter une panoplie de monuments épais à leur gloire. «Il aurait pu construire des hôpitaux. A Serrekunda, il n’y a pas d’infra
structures sanitaires de renom. Parce que les populations sont obligées de rejoindre Banjul ou Kanifo. Voilà la réalité des faits...», avance un homme, croisé à Sayeer Jobe avenue située dans la deuxième ville gambienne.
En Gambie, la vie tourne, bien sûr, exclusivement autour du natif de Kanilaï. Dans certains foyers, on raille la diffusion en boucle sur la Gamtel (télévision gambienne) de ses périmètres champêtres. Après, on se rabat sur les chaînes de télévision sénégalaises pour suivre l’actualité et des programmes de divertissement. Car, les médias gambiens sont occupés à diffuser la «propagande» de Yaya Jammeh ou à mettre en boucle de la musique. Ou les miracles de sa science médicinale.
«Il nous prend pour des ignorants. Quand on a arrêté les auteurs du putsch aux Etats-Unis, il était venu à la télévision pour dire que les Etats-Unis respectent la Gambie. Quand ils ont été libérés, par contre, il n’est pas revenu nous parler. Personne ne peut censurer les infos», raille dans un éclat de rire un contempteur de Son Excellence.
Le silence est brisé.... Jusqu’ici, on entendait juste les bruits des activistes qui ont réussi à gagner la diaspora et y ont trouvé un exil à perpétuité. Eux ont choisi de dénoncer les crimes commis dans leur pays même s’ils voient toujours resurgir les fantômes de Jammeh. Au sein de cette jeunesse ravagée par la drogue, il y a des hommes qui mesurent l’étendue des efforts à faire. Même si le système mis en place ne permet pas l’aménagement de quelques plages de contestation.
«Ce pays n’est pas encore béni... Depuis 20 ans, on est sous le joug du Dr. Un jour, ça va changer parce qu’il n’y a que le pouvoir divin qui est éternel. Mais, si on me sponsorise, je suis capable de le renverser», disserte un jeune homme. Lui voit l’exemple derrière Amdallaï. Comme plusieurs de ses copains. Certains ont été subjugués par leur séjour au Sénégal.
L’un d’eux : «Quand j’ai vu à Dakar des gens manifester pour réclamer l’augmentation des salaires, c’était comme un rêve. Quand j’ai vu les élèves affronter les Forces de l’ordre sans peur, c’était un nouveau monde que je découvrais. On est encore loin du Sénégal.»
«C’est la démocratie. On est encore loin de ce niveau. En Gambie, pas de grève. Pas de marche. Pas de job. A moins d’être Nia ou un soldat. Ce sont les chouchous du Président», renchérit quelqu’un d’autre. «Il ne reste plus de bœuf parce qu’on en abat chaque jour dans les camps», poursuit-il.
Culte de la personnalité
Aujourd’hui, le pays est obligé de faire face à une situation économique tendue. Car, le Dalasi est en chute libre par rapport au Franc Cfa qui fait partie évidemment des habitudes commerciales des Gambiens. Selon les popula
tions, l’introduction des billets de 200 et 500 Dalasi est imminente pour faire face à l’inflation. Un commerçant : «Et il paraît qu’il va pousser le chauvinisme jusqu’au bout en mettant sa photo dans ces billets de banque. Alors que le Président soutenait que la Gambie appartient aux Gambiens et que les attributs de l’Etat ne doivent pas être personnalisés. Que de paroles en l’air...»
Mise en circulation des billets de 200 et 500 Dalasi
En tout cas, cette situation économique pousse les jeunes à continuer à entretenir leur rêve suprême : Rallier l’Eldorado européen pour «échapper» à cette ambiance de «terreur».
«On va tous partir et laisser la Gambie à Jammeh. Et si on peut amener nos mamans à Karang, on le fera parce qu’on n’est pas ses esclaves. En faisant le recensement, on remarquera qu’il y a plus d’étrangers que de Gambiens dans ce pays. Tout le monde est parti en England (Angleterre), Germany (Allemagne) ou en Turquie et aux Etats-Unis.»
En attendant, Yaya Jammeh n’a pas réussi à confisquer à ces jeunes leur rêve... européen ou américain. La plupart chassent l’âme sœur le long des plages de Kololi qui ressent... les coûts de la dégradation des droits de l’Homme. C’est déjà une victoire contre lui. Dans ce huis clos.
IVRE DE POUVOIR
DR. YAYA ABDUL-AZIZ JAMUS JUNHUNG BABILI MASSA JAMMEH
Dans la capitale gambienne, il est partout. Son Excellence le professeur, Cheikh, El Hadji, Dr. Yaya Abdul-Aziz Jamus Junhung Babili Massa Jammeh est «momifié» à travers des posters géants. C’est le culte de la personnalité. Et c’est le point de ressemblance de toutes les dictatures. Contrairement aux autres autocrates qui sombrent dans des réalisations démesurées, lui est juste obnubilé par le rêve de conserver son pouvoir.
On ne peut pas échapper à cette tyrannie iconographique. Banjul. Serrekunda. Bakau. Senegambia. Kololi. Partout, on marche sous le regard accompagné du sourire de Yaya Jammeh. Dans toutes les artères, les affiches géantes, célébrant l’hyper puissance de Yaya Jammeh, sont placardées.
Elles chantent ses réalisations et mettent en relief le culte de personnalité commun à toutes les dictatures. Elles font foison : «Nous vivons mieux qu’il y a 20 ans». «Consommons ce que nous produisons. Produisons ce que nous consommons.» «A true brother». Le chauffeur de taxi sourit de dépit : «A f.. brother. Yes»
Pour approcher l’œuvre de Son Excellence le professeur, Cheikh, El Hadji, Dr. Yaya Abdul-Aziz Jamus Junhung Babili Massa Jammeh, il faut remonter l’avenue Independance drive. Le minuscule stade de foot, témoin de la célébration de ses 20 ans, fait partie de sa collection de réalisations.
«Mais, personne ne va jouer au foot dans ce stade malgré la qualité de la pelouse. Il dit que c’est pour la célébration des activités de l’Etat», explique-t-on à Banjul. Et les locaux de l’Assemblée nationale étincelants de blancheur. La State house, là où il régente en maître absolu, se trouve aussi dans ce périmètre ultra-sécurisé. On aperçoit le Palais présidentiel au fond d’une impasse versant sur la route qui mène au marché central de Banjul. Mais, il est impossible de s’approcher de ce cadre idyllique de l’extérieur.
Dans ce lot d’affiches géantes, il y a une qui chante la gloire de ses réalisations. Pourtant, il ne fait pas partie de la race de ces autocrates qui construisent des infrastructures gigantesques. Ou des autoroutes à quatre voies et des canaux d’irrigation. En prenant soin d’ajouter une panoplie de monuments épais à leur gloire. «Il aurait pu construire des hôpitaux. A Serrekunda, il n’y a pas d’infra
structures sanitaires de renom. Parce que les populations sont obligées de rejoindre Banjul ou Kanifo. Voilà la réalité des faits...», avance un homme, croisé à Sayeer Jobe avenue située dans la deuxième ville gambienne.
En Gambie, la vie tourne, bien sûr, exclusivement autour du natif de Kanilaï. Dans certains foyers, on raille la diffusion en boucle sur la Gamtel (télévision gambienne) de ses périmètres champêtres. Après, on se rabat sur les chaînes de télévision sénégalaises pour suivre l’actualité et des programmes de divertissement. Car, les médias gambiens sont occupés à diffuser la «propagande» de Yaya Jammeh ou à mettre en boucle de la musique. Ou les miracles de sa science médicinale.
«Il nous prend pour des ignorants. Quand on a arrêté les auteurs du putsch aux Etats-Unis, il était venu à la télévision pour dire que les Etats-Unis respectent la Gambie. Quand ils ont été libérés, par contre, il n’est pas revenu nous parler. Personne ne peut censurer les infos», raille dans un éclat de rire un contempteur de Son Excellence.
Le silence est brisé.... Jusqu’ici, on entendait juste les bruits des activistes qui ont réussi à gagner la diaspora et y ont trouvé un exil à perpétuité. Eux ont choisi de dénoncer les crimes commis dans leur pays même s’ils voient toujours resurgir les fantômes de Jammeh. Au sein de cette jeunesse ravagée par la drogue, il y a des hommes qui mesurent l’étendue des efforts à faire. Même si le système mis en place ne permet pas l’aménagement de quelques plages de contestation.
«Ce pays n’est pas encore béni... Depuis 20 ans, on est sous le joug du Dr. Un jour, ça va changer parce qu’il n’y a que le pouvoir divin qui est éternel. Mais, si on me sponsorise, je suis capable de le renverser», disserte un jeune homme. Lui voit l’exemple derrière Amdallaï. Comme plusieurs de ses copains. Certains ont été subjugués par leur séjour au Sénégal.
L’un d’eux : «Quand j’ai vu à Dakar des gens manifester pour réclamer l’augmentation des salaires, c’était comme un rêve. Quand j’ai vu les élèves affronter les Forces de l’ordre sans peur, c’était un nouveau monde que je découvrais. On est encore loin du Sénégal.»
«C’est la démocratie. On est encore loin de ce niveau. En Gambie, pas de grève. Pas de marche. Pas de job. A moins d’être Nia ou un soldat. Ce sont les chouchous du Président», renchérit quelqu’un d’autre. «Il ne reste plus de bœuf parce qu’on en abat chaque jour dans les camps», poursuit-il.
Culte de la personnalité
Aujourd’hui, le pays est obligé de faire face à une situation économique tendue. Car, le Dalasi est en chute libre par rapport au Franc Cfa qui fait partie évidemment des habitudes commerciales des Gambiens. Selon les popula
tions, l’introduction des billets de 200 et 500 Dalasi est imminente pour faire face à l’inflation. Un commerçant : «Et il paraît qu’il va pousser le chauvinisme jusqu’au bout en mettant sa photo dans ces billets de banque. Alors que le Président soutenait que la Gambie appartient aux Gambiens et que les attributs de l’Etat ne doivent pas être personnalisés. Que de paroles en l’air...»
Mise en circulation des billets de 200 et 500 Dalasi
En tout cas, cette situation économique pousse les jeunes à continuer à entretenir leur rêve suprême : Rallier l’Eldorado européen pour «échapper» à cette ambiance de «terreur».
«On va tous partir et laisser la Gambie à Jammeh. Et si on peut amener nos mamans à Karang, on le fera parce qu’on n’est pas ses esclaves. En faisant le recensement, on remarquera qu’il y a plus d’étrangers que de Gambiens dans ce pays. Tout le monde est parti en England (Angleterre), Germany (Allemagne) ou en Turquie et aux Etats-Unis.»
En attendant, Yaya Jammeh n’a pas réussi à confisquer à ces jeunes leur rêve... européen ou américain. La plupart chassent l’âme sœur le long des plages de Kololi qui ressent... les coûts de la dégradation des droits de l’Homme. C’est déjà une victoire contre lui. Dans ce huis clos.
NOYÉS À JAMMEH
REPORTAGE - AU CŒUR DU QUOTIDIEN TOURMENTÉ DES GAMBIENS
Plus de deux mois après le putsch manqué, la Gambie est toujours dans un climat de terreur et de peur qui anesthésie les populations avides de liberté. Et de changement. Mais, Yaya Jammeh, qui a vacillé le 30 décembre dans son fauteuil de dictateur, a remis le couvercle dans ce pays abandonné à son triste sort.
Le temps n’a pas mangé l’affiche. Sourire ravageur, chapelet autour de la main, canne en l’air, Yaya Jammeh invite l’Afrique à respecter les droits de l’Homme. C’est le vestige du dernier Sommet de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenu à Banjul. C’était en 2013. L’usure a curieusement épargné le poster géant implanté à l’entrée de la capitale gambienne. Mais, la vérité n’a jamais quitté Jammeh qui confine son peuple dans un huis clos pernicieux.
Plus de deux mois déjà... Mais la traque des putschistes est-elle vraiment finie ?
Pas pour leurs parents. Ni pour les citoyens. Les cauchemars, les souvenirs atroces, les questions sans réponses continuent de tourmenter la vie des Gambiens qui portent encore le deuil d’un pays perdu entre les mains d’un homme régnant en maître absolu dans cette enclave abandonnée à ellemême. A Jammeh !
Aujourd’hui, les populations sont emmurées dans un silence conditionné par la peur d’un homme qui a préféré mythifier et mystifier son histoire plutôt que de l’écrire avec l’encre de la démocratie. Faisant du combat pour la pérennisation de son pouvoir qui est fait d’affrontements internes et de purges sanglantes, dont l’écho ne s’est pas tout à fait dissipé.
Vingt ans après son accession à la tête de l’Etat, il n’est pas encore temps pour lui de regarder l’histoire en face. Toute l’histoire. Sans peurs ni tabous. Mais le poids de la peur, qui a longtemps étouffé les témoignages, se fissure. «Les morts ne font pas de mal... Pourquoi, il continue de traquer les gens après le coup d’Etat. C’est étouffant», chiale un commerçant.
Depuis le coup d’Etat avorté du 30 décembre 2014, la chasse à l’homme n’a pas connu de répit. Il a déclenché une purge dévastatrice au sein de l’Armée. Et les civils ne sont pas épargnés. Jusqu’à présent, les parents, les amis des personnes impliquées dans le coup d’Etat sont embrigadés et jetés en prison.
«Oui ! ça ne connaît pas de répit. Pourquoi ? Les Papas et mamans des putschistes n’ont rien fait. Mais, le Président maintient la pression sur les gens pour décourager ceux qui risqueraient à tenter un autre putsch. Ce sont des exactions et des arrestations arbitraires. De toute façon, personne n’ose le dénoncer...», regrette un quinqua.
Un autre : «Regardez l’histoire d’un élément du putsch qui a été tué deux mois seulement après son mariage. Il est venu de Londres. Heureusement que sa femme vit en Angleterre. Mais, les Nia ont arrêté son frère et un de ses amis. Comme s’ils étaient responsables de ses actes. C’est du n’importe quoi. Malheureusement, il n’y a personne pour dénoncer cette situation.»
Aujourd’hui, le sujet est évoqué du bout des lèvres. Depuis deux mois, les agents de la National intelligence agency (Nia) sont lâchés pour retrouver les complices des effrontés putschistes. Fondée en 1995, la Nia, bras... secret du pouvoir de Yaya Jammeh, procède encore «arbitrairement», sans respecter les droits de l’Homme, et jette à la sinistre prison Milles 2 et sans acte d’accusation, les personnes citées dans le coup d’Etat.
En cette matinée du mardi, les soldats suent sous un soleil accablant même si leurs visages ne dégagent aucune expression. Ils filtrent la circulation sur l’axe Banjul-Serrekunda : Car, il faut traverser six barrages de police et de l’Armée alternés le long du trajet.
Peur au ventre, les passagers et les chauffeurs sont obligés d’emprunter plusieurs fois le chemin de la... «mort». C’est le nom donné à cette minuscule autoroute à deux voies. Toute la zone est intoxiquée par les «soldiers». Ils sont redoutés : visages brûlés par le soleil, regards noirs et perçants, ils sont les piliers du régime de Jammeh. Chat échaudé...
Check-points : Passage de tous les dangers
Les consignes sont strictes : il faut mettre les mains en évidence, garder les mobiles (portables) à l’intérieur des poches et afficher un calme olympien. Doigts sur les Kalachnikov, les soldats, sur les dents, fouillent les véhicules de fond en comble. Ensuite, ils donnent l’ordre de passer les barrières ou acheminent le véhicule au poste de contrôle.
Pas de bol : de retour de Serrekunda, après un premier passage sans anicroche, le taxi est immobilisé devant le poste de contrôle improvisé à quelques mètres de cette route crevassée. On fouille les passagers, les malles arrières. Et même les portefeuilles. La peur anesthésie le plus intrépide. «Remontez ! Vous pouvez partir», ordonne le chef de poste. C’est la délivrance.
Dans le quotidien tourmenté des Gambiens, ces instants peuvent devenir fatals. N’est-ce pas ? «Il y a deux semaines (Ndlr : Trois semaines), les soldats ont tiré sur un driver (chauffeur) de taxi et son épouse parce qu’il a dépassé le check-point en ne comprenant pas une consigne du soldat. Et ils ont péri comme ça...», révèle le chauffeur.
Malgré la vague de répression, les infos circulent sous le manteau. Un interlocuteur : «Les gens suspects ou qui tentent de résister sont arrêtés et menottés avant d’être conduits à la police ou directement à Milles 2. C’est une situation horrible.»
Et pourtant... Ces dernières semaines, il aurait levé quelques restrictions. Les check-points ont été réduits sur l’axe Banjul-Serrekunda-Bakau. «Au lendemain du coup d’Etat, il fallait traverser une dizaine de barrages. En fin de compte, les chauffeurs refusaient d’aller à Banjul ou dans les autres villes parce qu’ils passaient la journée dans la circulation. C’est au moins, un acquis», sourit-on.
Il est vrai qu’il faut affronter un mur de protection jalonné sur un terrain soigneusement arasé pour dégager l’angle de tir. Il est aussi vrai qu’on ne croise pas des chars dans les rues gambiennes. Mais, les imposants bus des Gambian forces armed (Forces armées gambiennes) et des Gambian forces police (Forces de police gambienne) sillonnent la capitale sans arrêt.
Sans oublier la procession de policiers et de militaires qui circulent sans destination dans les entrailles d’une capitale qui ploie sous le poids de ces habitations en décrépitude.
Ces images sont le reflet d’un régime dictatorial ou rongé par la peur et qui traque un ennemi invisible. Et elles ne sont pas visibles uniquement dans le cœur de la Gambie. De Borra à Amdallaï, située dans le district du Lower Niumi de la région North Bank du pays, à la frontière avec le Sénégal et inversement-, les states gardes sont les sentinelles d’un Etat de terreur.
Enlèvements et arrestations
Dès l’entrée dans le territoire gambien, un véhicule de l’Armée prend en filature le vieux minibus. Ce jour-là, le chauffeur s’est rendu coupable d’un délit de «surcharge». Sans aucune retenue ou formule convenue, le conducteur sort précipitamment de son véhicule, gronde et insulte le vieux driver qui se confond en excuses.
«Si tu n’exécutes pas mes ordres, je te mets au gnouf...», enrage-t-il en réajustant son treillis flambant neuf. Et il poursuit son chemin comme... si de rien n’était. Partout, on y échappe pas : Il faut traverser les check-points, affronter le regard des militaires qui tiennent sans frémir leurs armes.
Et c’est immuable : Le véhicule est fouillé. Les passagers montrent leurs pièces d’identité. Et parfois, les sacs passés au peigne fin. «On dirait une prison. Quel pays», soupire, à travers sa bouche édentée, un sexagénaire. L’expression de ce dépit n’est pas suivie de commentaires. «C’est la première fois que tu vas en Gambie ? Fais attention aux commentaires dans les véhicules ou avec les chauffeurs de taxi. La plupart sont des espions», avait prévenu un habitué du pays croisé à la frontière.
La peur des Nia
Mercredi de chaleur à Banjul. On tourne sur Wellington liberation avenue, Nelson Mandela street et Didier Goddar street. Il flotte un air de suspicion autour du rendezvous. Etreints par la peur de la Nia, deux interlocuteurs, qui maîtrisent les réalités gambiennes, savent que la capitale est infestée de ces agents. Ils vont, ils viennent, ils tournent, ils errent et rodent avec leurs armes cachées.
Il dit: «La Gambie est un petit pays. On se connaît tous. On connaît les Nia parce qu’on est habitués à vivre avec eux. Ce sont les agents les plus dangereux parce qu’ils sont à la base de tous les enlèvements. Et il n’y a pas de procès. Par contre, personne ne comprend le silence de la communauté internationale par rapport à ce qui se passe dans ce pays qui abrite paradoxalement le siège de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. D’autre part, ça se comprend parce que la Gambie ne présente aucun enjeu pour les grandes démocraties.»
L‘autre renchérit : «Personne n’ose remettre en cause ses décisions. C’est dieu sur terre. Récemment, il a interdit les cousinages à plaisanteries. Récemment, Dj Lama Lama, célèbre animateur, a été mis en quarantaine dans un camp parce qu’il a joué à ça. Les gens sont venus le cueillir à la radio. La Gambie est une prison à ciel ouvert même pour ceux qui sont en liberté.» Mais, l’espoir fait vivre : Car, le temps, qui a épargné cette affiche géante du natif de Kanilaï, lui jouera un sale tour un jour. «Peut-être bien sama bro (mon frère)...», répond-il.
Le sourire est, par contre, figé dans l’optimisme.
UNE SOMMATION INTERPELLATIVE POUR MOUSTAPHA NIASSE
L’action judiciaire sera lancée si Moustapha Niasse, le leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp) ne répond pas dans les délais requis à la sommation interpellative de l’avocat du n°2 du parti, Malick Gackou et Cie, lui demandant de notifier l’exclusion de ces derniers. Le groupe des douze exclus (Malick Gackou et onze autres responsables de l’Afp) soutient que la décision d’exclusion n’a pas été notifiée aux concernés. Par conséquent, ils se considèrent membres de l’Afp et agissent en cette qualité.
Le groupe des douze membres de l’Alliance des forces de progrès (Afp) exclus par voie de presse, le vendredi 13 mars dernier, par le Comité ad hoc de ladite formation, vient de poser un premier jalon dans la préparation de sa riposte par rapport à une décision qu’il juge «arbitraire». Malick Gackou et cie ont pris avant-hier un avocat qui doit envoyer, par le biais d’un huissier, une sommation interpellative au secrétaire général de l’Afp, Moustapha Niasse lui demandant de notifier l’exclusion des responsables de son parti cités dans le communiqué envoyé à la presse vendredi 13 mars dernier.
Si Moustapha Niasse ne donne pas suite à leur requête, Malick Gackou et cie vont intenter une action judiciaire contre le patron de l’Afp aux fins d’annuler la décision du Comité Ad hoc du parti d’exclure son n°2 et onze autres membres et responsables «progressistes » Les exclus, jusqu’à preuve du contraire, se considèrent membres et responsable de l’Afp et agissent en cette qualité, tant que leur exclusion ne leur sera pas notifiée.
Au plan politique, Malick Gackou et cie sont en train, avec leur base, de mettre en place des stratégies de riposte. « Et nous nous ferons entre bientôt » soulignent nos sources. Les exclus se voient régulièrement pour décider de la conduite à tenir.
Rappelons que le N°2 de l’Afp et les onze membres et responsables «progressistes» exclus par le Comité Ad Hoc ont contesté la décision de Moustapha Niasse de ne pas présenter un candidat du parti à la prochaine présidentielle et de soutenir le Président sortant, Macky Sall.