APR, SE RÉINVENTER OU DISPARAÎTRE
La formation politique, qui a dominé la scène politique sénégalaise pendant douze ans, doit aujourd'hui repenser fondamentalement son organisation et sa stratégie pour éviter le déclin qui a frappé ses prédécesseurs
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Face à l’affaiblissement des grands partis traditionnels, le député Djimo Souaré a invité à une refonte stratégique de l’Alliance pour la République (Apr) afin de la revitaliser et d’assurer sa pérennité dans le paysage politique sénégalais. Cet appel est bien accueilli par ses camarades de parti, dont Seydou Guèye qui estime que leur formation politique doit « renouer avec sa tradition gagnante ».
C’est une constante. Au Sénégal, les partis au pouvoir qui, à un moment donné, ont atteint une forme d’hégémonie finissent par chuter à la perte du pouvoir. Le Parti socialiste (Ps) est, aujourd’hui, disloqué. Depuis la perte du pouvoir, cette formation classique n’a pas brigué le suffrage des Sénégalais. Il a été absorbé par la coalition « Benno Bokk Yaakaar » (Bby). Le Parti démocratique sénégalais (Pds), qui a dirigé le Sénégal de 2000 à 2012, a perdu toute son influence après la perte du pouvoir. Il peine à revenir sur la scène politique.
Pour cause : cette formation politique, créée par le « Pape du Sopi », Me Abdoulaye Wade, n’a pas présenté de candidat aux élections présidentielles de 2019 et de 2024. Pour éviter un tel sort à l’Alliance pour la République (Apr), mise sur les fonts baptismaux, en décembre 2008, par le président de la République sortant, Macky Sall, le député Djimo Souaré, membre de ce parti, tire sur la sonnette d’alarme. Dans un message intitulé : « Reconstruire ou périr », le parlementaire de la 15e législature a invité ses camarades à donner un nouveau souffle à leur formation politique. « Il n’y a que deux choix : nous réinventer pour redevenir une force politique majeure ou disparaître dans l’oubli », a lancé le vice-président du groupe parlementaire « Takku Wallu Sénégal ». Poursuivant, il a soutenu que la reconstruction n’est pas une option, mais plutôt une nécessité. D’ailleurs, cet appel est fait dans un contexte où Macky Sall a pris la décision de se mettre un peu en retrait de la gestion de l’Apr.
Ancien Secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye, par ailleurs porte-parole de l’Apr, approuve cette idée. Selon lui, c’est une contribution utile dans le débat interne. M. Guèye estime que la trajectoire de leur parti a été assez inédite, d’autant plus qu’il est arrivé au pouvoir sur un format organisationnel.
Évaluations organisationnelles
« Entre 2008 et 2012, la préoccupation, c’était la massification du parti et la capacité de gagner des élections ; ce que l’histoire nous a bien rendu puisqu’en trois ans, l’Apr est arrivé au pouvoir central. Et de cette date à aujourd’hui, nous avons participé à une dizaine d’élections toutes remportées ; ce qui en fait le premier parti au niveau municipal vu que nous avons le plus grand nombre de maires et de présidents de Conseil départemental », a-t-il rappelé.
Seydou Guèye a reconnu que c’est un parti qui s’appuyait sur le leadership du président Macky Sall. Changement de contexte oblige, l’Apr doit revoir ses principes en trouvant une autre norme de développement. Pour le porte-parole de l’Apr, la restructuration est indispensable parce que c’est la distribution du pouvoir à l’intérieur de l’organisation. « Le parti a besoin de redynamiser ses bases, de renouer avec l’action politique, c’est-à-dire d’être encore plus connecté aux populations et d’avoir de l’animation à la base », a-t-il avoué. À cet effet, Seydou Guèye pense qu’il faut procéder aux différentes évaluations, tant organisationnelles qu’électorales, pour tirer les enseignements.
« Ce qui est avéré aujourd’hui, c’est que l’Apr est le premier parti en termes d’opposition parlementaire et c’est un parti majeur dans le schéma de l’opposition. Mais, il y a un travail de jonction à faire avec des composantes de l’opposition nationale », a-t-il indiqué. Abondant dans le même sens, Moussa Sow, coordonnateur national de la Convergence des jeunesses républicaines (Cojer), dit être en phase avec Djimo Souaré. Aspirant à de grandes ambitions et débordant d’optimisme, il affirme être convaincu que leur parti peut regagner le pouvoir lors de la prochaine élection présidentielle « s’ [ils mettent] en œuvre des stratégies efficaces ».
Pour y parvenir, il évoque plusieurs propositions tout en soulignant l’importance d’une orientation claire : « Il faut changer les personnes à la tête des organes et installer des coordinations communales et des délégations départementales et régionales, etc. ». D’après le jeune « apériste », ce qui leur a fait perdre la présidentielle passée, c’est « le non renouvellement du personnel politique, le manque de solidarité et de complicité entre les membres du parti, le respect excessif du slogan ‘‘la patrie avant le parti’’ ». Pour Seydou Guèye, il faut que leur formation politique trouve un autre mode d’organisation pour animer le parti, assurer sa visibilité et sa représentativité dans les espaces de dialogue.
« Il nous faut renouer avec ce qui a été une tradition gagnante de l’Alliance pour la République : l’élargissement des bases et l’animation à la base. Les deux combinés donnent la massification du parti.
Le débat est ouvert dans nos rangs. Nous discutons à l’abri de toutes les turpitudes et nous essayons de converger vers des lignes qui règlent la question de l’orientation, de l’organisation, de l’animation, de la visibilité et de la représentation », a-t-il informé.