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26 novembre 2024
Éducation
par Ismaila Madior Fall
LES RÈGLEMENTS DE COMPTES PERSONNELS N'ONT PAS DROIT DE CITÉ À L'UNIVERSITÉ
Les syndicalistes du SUDES, qui ont écrit ce communiqué fustigeant ma démarche, sont ou ignorants des règles qui régissent le statut des enseignants chercheurs ou de mauvaise foi. Respectons les usages et la liberté académiques
La communication du porte-parole du Recteur de l'UCAD, le Professeur Mbaye Thiam a été éclairante sur la question mais il convient de faire les précisions suivantes :
Après avoir formé une cinquantaine de docteurs et des professeurs agrégés, présidé le concours d'agrégation de droit public du CAMES et accumulé une expérience gouvernementale décennale, j'ai considéré que, de retour à l'Université, je serai plus utile à la communauté universitaire en dirigeant des recherches sur divers sujets portant sur les politiques publiques et la gouvernance plutôt que de donner des enseignements sur les disciplines classiques que les professeurs que j'ai formés assurent de manière remarquable.
Mes activités d'enseignement à la FSJP pourraient alors se limiter à ce qu'ils souhaitent que je complète par des conférences de méthode et des cours sur des aspects pratiques non abordés par les enseignements théoriques.
A cet effet, j'ai introduit une demande auprès du Recteur dont seul un début d'instruction provoque des cris d'orfraie de syndicalistes à qui il faut rappeler l'histoire intellectuelle et la vocation pluridisciplinaire de l'IFAN, mais aussi la vocation hospitalière de celui-ci qui a fait sa réputation.
Les syndicalistes du SUDES, qui ont écrit ce communiqué fustigeant ma démarche, sont ou ignorants des règles qui régissent le statut des enseignants chercheurs ou de mauvaise foi. Le Recteur ne peut pas et ne veut pas m'affecter proprio motu à l'IFAN. Il ne peut que soumettre ma demande aux instances délibérantes des deux institutions (IFAN et FSJP) pour avis avant de prendre une décision y relative.
La FAC donne un avis favorable, l'IFAN de même, des syndicalistes ne peuvent pas s'y opposer. En cas de divergence d'avis, je m'acquitte de ma charge de professeur titulaire de classe exceptionnelle d'une demi-journée par semaine. Et j'ai tout mon temps libre à moi.
C'est une profanation des traditions universitaires et de la décence de ruer dans les brancards et de crier sur la place publique un avis d'opposition qu'on peut sereinement donner dans les instances appropriées.
Respectons les usages et la liberté académiques. Les règlements de comptes personnels n'ont pas droit de cité à l'Université.
LA PALESTINE ET LE SILENCE GÊNANT DES UNIVERSITÉS SÉNÉGALAISES
A l’heure où des jeunesses européennes, américaines et asiatiques agissent pour la paix en Palestine/Israel, qu’exigent les étudiants sénégalais si prompts à envahir la rue et les ondes pour diverses causes ?
Il ne faut jamais cesser de condamner l’attaque du 7 octobre et les prises d’otages de civils israéliens perpétrées par le Hamas. Mais la riposte israélienne, son ampleur, son absence totale de discernement, les crimes perpétrés par l’une des plus puissantes armées au monde sur des civils dont une majorité d’enfants, sont indignes de toute forme d’humanité.
En sept mois, plus de 30 000 Palestiniens sont tués, la bande de Gaza rasée pour ne plus y permettre une possibilité de vie. La déshumanisation d’un peuple et la volonté de son effacement doivent faire réagir tous ceux qui croient encore en l’humanité.
Le gouvernement d’extrême-droite israélien, après avoir reçu un soutien inconditionnel de ses alliés traditionnels occidentaux, voit son image compromise et son isolement moral progressivement s’installer vu l’ampleur des crimes.
Les opinions publiques dans le monde face à la riposte massive et disproportionnée ont exprimé leur vive émotion face à ce que la Cour internationale de justice a qualifié de risque plausible de génocide. Nous sommes au 21e siècle, et cette barbarie qui s’installe devant les yeux du monde impuissant est intolérable.
Les jeunesses occidentales partout lèvent la voix pour dénoncer les crimes de guerre voire contre l’humanité commis par Benjamin Netanyahou et son gouvernement composé de suprémacistes juifs, ouvertement racistes, qui ont plusieurs fois appelé au nettoyage ethnique des Palestiniens.
Les universités américaines sont au cœur d’un tourbillon, avec des étudiants acquis à la cause palestinienne, qui appellent depuis des mois au cessez-le-feu malgré l’inertie d’un gouvernement Biden dont le soutien vis-à-vis d’Israël est absolu. Surtout que si cette guerre se poursuit, c’est aussi grâce au soutien de Washington, en fonds et en armes au gouvernement israélien. Face au caractère massif des protestations, vite les accusations d’antisémitisme ont émergé pour delégitimer une parole qui n’est pas hémiplégique et qui dit que les Palestiniens existent et ne doivent pas voir leur dignité d’exister bafouée.
En France également la polémique est vive. Les étudiants de Science-Po Paris manifestent pour l’arrêt des massacres à Gaza. Plusieurs conférences sont organisées dans les locaux de la prestigieuse institution et dans de nombreuses autres universités pour dénoncer l’ampleur des crimes de Netanyahou contre les civils palestiniens. Des troubles ont même été notés rue Saint Guillaume, générant un débat médiatique public national entre deux lignes distinctes. Tantôt accusés de soutenir le Hamas, tantôt faisant l’objet d’accusations d’antisémitisme, des jeunes étudiants prennent leur responsabilité pour élever la voix face à ce qui est devenu insupportable pour toute conscience un tant soit peu juste.
Dans notre pays, nous avons une tradition historique et diplomatique, depuis ininterrompue, de soutenir la cause palestinienne. Depuis Senghor, nous avons porté à l’Onu une voix exigeante sur la crise au ProcheOrient. Je me souviens, encore ces dernières années, de la hargne et de la redoutable efficacité, toujours avec une infinie délicatesse, des ambassadeurs Paul Badji, Fodé Seck et Cheikh Niang, qui ferraillaient aux Nations unies pour une paix et une solution à deux Etats.
A côté de l’Etat, que font les universités ? A l’heure où des jeunesses européennes, américaines et asiatiques agissent pour la paix en Palestine/Israël, qu’exigent les étudiants sénégalais si prompts à envahir la rue et les ondes pour diverses causes ?
Historiquement, l’Ucad a été un haut lieu de soutien au Peuple palestinien comme il l’a été pour le combat contre l’Apartheid. Notre pays a toujours été au cœur des convulsions du monde au nom de nos valeurs de paix, de tolérance et d’humanisme. Mais ces valeurs s’effritent et, outre la médiocrité qui a gagné les espaces de pensée, s’est installé un désintérêt vis-à-vis des grands principes universalistes. Nos universités fécondent de plus en plus des étudiants et des enseignants plus soucieux de la petite querelle politicienne locale, pour laquelle ils peuvent incendier un antre du savoir ou signer d’innombrables pétitions souvent sans intérêt autre que défendre des fascistes. Ils sont aussi désormais de plus en plus, dans la défense d’idées conservatrices et rétrogrades au lieu d’être des producteurs de nouveaux imaginaires progressistes conformes au sens de l’histoire.
Je suis surpris du mutisme de certains parmi nos illustres universitaires et penseurs sur un crime de cette ampleur et de cette gravité qui touche à ce que l’humanité a de plus essentiel, eux qui se disent pourtant parangons de la vertu et des grandes valeurs, et qui au nom de ces valeurs ont perturbé notre quiétude avec leurs tribunes massivement signées pour défendre une orientation politique rance animée par des gens à la moralité républicaine plus que douteuse.
Au regard du contexte international qui voit un chantage sur l’antisémitisme effectué sur de nombreuses voix critiques sur la politique israélienne, il est possible de comprendre le silence de nos intellectuels qui enseignent dans les établissements américains et européens.
S’ils soutiennent l’Etat hébreu, ils vont subir les assauts de nos compatriotes qui les taxeraient tout de suite de suppôts de «l’occident islamophobe». Et, à l’inverse, s’ils prennent publiquement position en faveur des droits légitimes du Peuple palestinien, leur faciès, leur origine voire leur foi religieuse seront instrumentalisés pour les harceler, jeter l’opprobre sur eux et peut-être exiger leur excommunication. Et ce sera leur mort sociale dans le champ intellectuel occidental avec ses conférences, ses rencontres et autres colloques.
En revanche, au moins depuis les amphithéâtres et les campus des facultés de notre pays, où ils ne peuvent pas brandir l’argument du risque de procès d’intention et de délit de faciès, les étudiants, les universitaires, la Société civile rentière de toutes les causes devraient davantage prendre position pour le Peuple palestinien. Pour la paix, pour deux Etats côte à côte dans des frontières sûres et reconnues, au nom du Droit international mais surtout au nom de la simple humanité.
par Elgas
L’ANTICOLONIALISME COMME FREIN AU PROGRESSISME EN AFRIQUE, RETOUR SUR UN IMPENSÉ
Pourquoi les penseurs africains, farouches progressistes chez eux, deviennent-ils si souvent des réactionnaires une fois en Occident ? Un paradoxe dérangeant, symptôme d'un conflit plus vaste entre anticolonialisme et progressisme
Ce court texte est la transcription de mon intervention au colloque «Religion et révolution conservatrice: perspectives comparatives» les 23, 24 et 25 octobre 2023 à Genève, à l'initiative de la Chaire Yves Oltramare. Il revient sur le potentiel dévoiement des luttes progressistes captives d'une vision des sociétés colonisées encore très paternaliste. Avec deux focus sur les usages de la religion, l'islam en l'occurrence au Sénégal, et l'alliance pour le moins surprenante entre décoloniaux en Occident et identitaires au Sud, il évoque les fragilités du front anticolonial.
D’où vient cette malédiction qui rend orphelins de soutien tant de chercheurs, d’artistes, d’intellectuels, d’universitaires africains, progressistes convaincus chez eux au Sud affrontant vaillamment divers périls et qui, pourtant, deviennent, une fois en Occident, des réactionnaires en puissance1 ? Cette question est le coeur d’expression de mésusages courants en période postcoloniale, mésusages ou glissements qui confortent le confusionnisme et nourrissent le conservatisme qu’on prétend pourtant combattre à « gauche ». Esseulés, délaissés, l’accusation de félonie vis-à-vis de leur communauté planant comme une ombre disqualifiante, ces auteurs et intellectuels du Sud, comme par exemple Kamel Daoud, Salman Rushdie, Abnousse Shalmani ou Rahmane Idrissa, forment pourtant un gisement de déconstruction de leurs sociétés, hélas abandonnés par une perspective décoloniale qui souvent cède à la logique de front plus qu’à celle de principes communs incessibles.
Où se situe le curseur de ce crédit moral si arbitrairement accordé qui revisite la phrase connue, vérité en dessous de la Méditerranée et hérésie au-delà ? Sur toutes les questions dont le progressisme est l’enjeu fondamental – droits des minorités, liberté religieuse, égalité hommes/femmes –, cette ligne de démarcation survit à tout universel, à son pendant marchand, la globalisation, et à son expression technologique, appelé par notre ami Marshall McLuhan « le village planétaire2 ». Donnée nouvelle, elle survit au bon sens longtemps échelle certes imparfaite mais opérante d’appréciation commune du gouvernement du monde. Dans un monde qui connaît de profondes convulsions, il n’est pourtant pas inutile, de refaire la généalogie et une radioscopie des conservatismes comme l’a proposé ce colloque bienvenu. Et saisir que les transformations, révolutions conservatrices, qui paraissent connaître un regain aujourd’hui avec leur caractère apocalyptique, au fond, semblent davantage s’apparenter à l’éveil de volcans idéologiques longtemps enfouis, endormis, jamais réellement vaincus, sinon à des étendards de combat et à un socle d’idées au service d’une alternative souhaitée à l’hégémonie occidentale. Pour le dire autrement, ce qui paraît si hégémonique aujourd’hui semble, selon notre hypothèse, être la manifestation d’une présence latente, longtemps confinée, et qui connaît une déflagration à la faveur de l’essoufflement du mythe de la centralité occidentale et de la promesse toujours renouvelée du progrès comme horizon naturel de l’humanité. Toutes les forces qui avaient dû, à contrecoeur, monter dans ce train, sentant la fragilité de la locomotive, délogent leurs velléités des marges pour les assumer pleinement. La permanence de cette révolution est un invariant historique, particulièrement en Afrique : elle est au fondement de cette optique du Sud dit « global », dont les esquisses formelles semblent aujourd’hui plus nettes. Dans la lutte fondatrice et essentielle contre la colonisation, encore structurante, il est pourtant essentiel de mesurer le coût de certaines accointances, où par mégarde, bonnes intentions, bonne conscience, parfois cynisme, l’anticolonialisme est devenu un frein au progressisme, créant ainsi une double échelle de valeurs qui contribue à la relégation, au relativisme moral. Longtemps carburant du colonialisme, il semble basculer de plus en plus dans la frange extrême de certaines pensées décoloniales.
Comprendre ainsi l’articulation d’un mélange de ressentiment colonial et d’une offensive conservatrice jamais résignée, requalifiée en identité unificatrice, sera le coeur de notre propos. Nous esquisserons d’abord une rapide histoire du conservatisme religieux au Sénégal, avec un croisement des perspectives confrériques et néo-puritaines, pour situer l’importance du discours religieux dans toute résistance, pour ensuite procéder à un examen des mouvements de jeunesse citoyens au Sénégal, via le rap entre autres, et leur tournant conservateur au nom de la lutte contre l’Occident. Nous nous intéresserons enfin à la sophistication d’un relativisme décolonial, notamment en Occident, qui attribue à l’Afrique un particularisme qui justifierait un conservatisme appréciable, le seul prisme de la domination finissant par conférer aux dominés un blanc-seing et une exemption de reddition de compte.
Les africanistes du fait confrérique au Sénégal, qu’ils s’agissent de Paul Marty3, de Donal Cruise O’brien4 ou de Vincent Monteil5, ont établi des monographies exhaustives de la naissance d’une confrérie, le
mouridisme. Cédant parfois à la tentation d’un romantisme sur un « islam noir » aux particularismes marqués, leurs travaux ont été la matière revisitée par le roman national sénégalais, finissant par devenir un mantra surexploité résumable ainsi : le syncrétisme sénégalais fait du soufisme un rempart contre l’avancée du wahhabisme. Séduisante et rassurante, cette lecture a trouvé des relais en Occident, tant elle donnait des gages, dans un monde musulman où diverses révolutions ont convié au pouvoir des religieux intégristes. Sans explorer le corpus idéologique confrérique, qui n’entre jamais en opposition frontale avec la base doctrinale de l’islam, et qui reprend ainsi à son compte toute la sémantique, la symbolique, les représentations du religieux, du puritanisme considéré pour beaucoup comme l’essence de la piété. Confondant la logique de la configuration sociale intégrée dans le rituel des cultures avec la modalité dogmatique du culte, il a été ainsi opéré, parfois à dessein, des réductions consommables sur l’idée d’un rempart interne, autorégulant, de nature à dissuader toute radicalité. Cette dépolitisation et ce désossement du religieux sont demeurés longtemps une lecture dominante, tant il ne fallait pas regarder en face les évolutions convergentes vers une hégémonie de l’islam destiné à apurer un paganisme qui n’a jamais eu bonne presse, et qui était même un franc ennemi de la religion.
Longtemps viatique du champ intellectuel, sur lequel le Sénégal a bâti sa réputation de havre du dialogue interreligieux, un livre pourtant en 1985, écrit par le journaliste Moriba Magassouba, venait jeter un pavé dans la mare. Son titre, un brin provocateur – L’islam au Sénégal. Demain les mollahs6 ? –, avait entraîné une déflagration. Première secousse dans l’entente cordiale, le document, fruit d’une enquête journalistique et d’un mémoire d’études, démontrait les assauts du puritanisme, la montée des marabouts, l’axe préférentiel des échanges religieux avec les pays du Golfe, et le puritanisme qui s’est attaqué aux religieux. Le film Cedo du cinéaste Ousmane Sembène en 1977, décrivant l’arrivée de l’islam en Afrique, la violence de la rencontre, et finalement la conversion progressive à marche forcée, semble avoir été un canevas pour le livre de Magassouba. La chronologie ainsi que l’enchaînement accréditent en effet l’idée d’une irréversible optique de conformisation religieuse. Le mouridisme a fondé sa légitimité et son autorité sur la figure charismatique de son fondateur, Cheikh Ahmadou Bamba. Résistant culturel, selon la terminologie des manuels d’histoire, il est le symbole le plus éloquent, et le plus populaire, d’un contre-discours qui s’appuie sur la résistance anticoloniale. Si l’histoire du djihad africain – comme le rappelle Pérouse de Montclos dans son livre L’Afrique, nouvelle frontière du djihad7 – n’obéit pas qu’à des logiques importées, le discours fédérateur s’est toujours fondé sur un conservatisme qui ne s’est jamais démenti. Il a été nourri, structuré, par une élite mouride et religieuse au Sénégal, avec la déconstruction de la « colonialité » comme boussole première. Cette déconstruction en cours et les bouleversements géopolitiques (choc pétrolier en 1973, révolution iranienne en 1979, attentats du 11 septembre 2001, guerre en Irak en 2003, proclamation de l’État islamique en 2014 entre autres) ont encouragé l’élite religieuse à investir le champ intellectuel et à gagner la bataille « culturelle ». C’est ainsi que la « laïcité » est devenue un ennemi, que la ville sainte de Touba a demandé un « statut spécial » pour s’affranchir de la République sénégalaise. Tout cela au nom d’un différentialisme, d’une revitalisation du conservatisme conçue, à renforts de livres, comme la voix d’une authenticité endogène à même d’offrir un miroir identificatoire aux populations, en minorant bien sûr la modalité d’une religion elle-même importée, et coloniale.
M’intéressant au contenu des prêches des imams le vendredi pour les besoins d’un travail de recherche, l’examen de ce discours montre la récurrence des griefs contre le progressisme, considéré comme l’aiguillon de la survivance coloniale. La dépravation des moeurs serait liée à l’absence de remparts face à la propagation des sources occidentales. La bataille des valeurs est donc essentielle et l’islam fournit le meilleur kit de résistance, mais aussi le meilleur programme politique. Au nom du refus de l’asservissement, la prospérité de ce discours a créé les conditions d’un raidissement tendant à disqualifier les droits humains, repeints en blanche domination honnie.
La gauche sénégalaise et les élites intellectuelles se sont montrées timides, reprenant le refrain commode pour la paix sociale, renonçant ainsi à questionner l’héritage des féodalités pour créer les conditions de viabilité d’une gauche qui n’importe pas uniquement les lignes de fractures postcoloniales. Les répercussions de cette question islamique feront l’objet d’un article de Mar Fall8 dans Présence africaine en 1987. En devenant de plus en plus un obstacle à l’établissement d’un État égalitaire, la perspective des mollahs devenait de moins en moins chimérique. Avec la multiplication des mouvements puritains dans la sous-région, et le long et patient travail de sape de la diplomatie religieuse des pays du Golfe, Mar Fall montrait cette avancée.
Autre échelle d’appréciation de notre propos, en 2011, au plus fort de la contestation des velléités de dévolution monarchique du pouvoir avec un président Abdoulaye Wade qui voulait outrepasser la
constitution, s’est érigé une véritable sentinelle démocratique. Dans un mouvement de la société civile, réveillé par un regain et unifié par cette cause, naissait le M23 (Mouvement du 23 juin), acteur majeur de la reculade du président. Tête de pont de ce mouvement, le collectif « Y’en a marre », essentiellement porté par des jeunes rappeurs, naissait au grand jour. Avec son énergie, sa fraîcheur, son engagement démocratique et son refus de plier, il fut un acteur majeur de la transition politique et de l’alternance. Victime de son succès, le collectif s’est ensuite structuré de façon horizontale, investissant les questions sociétales, sortant ainsi du seul champ de la politique électorale. Cette énergie a été saluée en Occident, financée, perçue comme ce gisement jeune et démocratique à même de bâtir le renouveau et de contrecarrer, là aussi, les tentations radicales ou religieuses. Financée par Osiwa (Open Society Initiative for West Africa), l’organisation de Georges Soros, conviée en Europe, le bel écho du mouvement « Y’en a marre » fera des petits sur le continent, avec « Le balai citoyen » au Burkina, acteur du départ de Blaise Compaoré, et Filimbi en République démocratique du Congo, qui rencontrera moins de succès car bâillonné par le pouvoir. Très vite pourtant, on déchante.
Les membres du collectif sénégalais se distinguent par un discours conservateur et s’opposent à tout progressisme. Ils reprennent à leur compte tous les discours émancipateurs du panafricanisme, avec de
véritables distorsions de son contenu, et articulent leur combat contre les valeurs occidentales, toutes considérées comme coloniales. Dans le contexte mondial, il y a donc deux conservatismes en miroir : un
occidental prenant appui sur les valeurs blanches et chrétiennes de l’Europe, et un autre, en Afrique, prospérant sur le lit d’une identité figée, conflictuelle, et des valeurs jugées supérieures à celles d’un Occident décadent, la question LGBT étant au coeur de la répulsion. Loin d’être un élément conjoncturel, cette structure paraît exister dès l’aube des groupes de rap primaux à Dakar. Le progressisme avait comme plafond le discours anticolonial. Le rap et son énergie militante et rebelle se sont pourtant rapidement embourgeoisés, captifs de ce périmètre réduit, où très rapidement il est devenu un cheval de Troie du conservatisme. Dans un article fort bien documenté, le chercheur sénégalais Abdoulaye Niang9 évoquait la notion de rap prédicateur, à mille lieues des représentations classiques sur ce genre qui semblait regorger de munitions contre l’establishment. Habilement récupéré, jamais en opposition frontale avec l’architecture des références morale et religieuse, ce rap prédicateur est devenu le catalyseur d’une énergie postcoloniale qui fédère les jeunes, non plus pour construire des sociétés ouvertes, mais comme puissance dégagiste des logiques jugées néocolonialistes, et de ses suppôts, c’est-à-dire les pouvoirs locaux.
Que faire donc face à ce conservatisme qui semble invincible ? En Occident, la malédiction la plus commune est de la considérer avec un exotisme circonspect, un mépris. Mais plus troublant, au nom de la même logique décoloniale, on trouve, dans la gauche particulièrement, une lecture sous le seul prisme de la domination. Le statut de dominés est ainsi essentialisé et, par atavisme, il donne des privilèges. Tout discours contre ce conservatisme s’expose à des foudres qui les qualifient de néocolonialisme d’une nouvelle mouture des Lumières et de l’universalisme, toujours suspecté d’être un agent de domination. Avec le procès des Lumières dévoyées, le front décolonial s’inscrit dans une impasse, au moins partiel, dans le sens où il anesthésie tout discours émancipateur local. Il fonde ainsi une double logique territoriale et temporelle, celui des dominés éternels et des bourreaux éternels.
C’est à ce niveau que la Méditerranée devient une ligne de démarcation, que l’anticolonialisme comme matrice devient négateur d’un projet de progrès universel. La convergence des luttes semble ainsi être celle des conflits sourds, retardés par une logique de front. Elle nourrit indirectement un conservatisme à l’affût, conscient des porosités, des gisements de forces que contient le discours anti ou décolonial. Et dans cette configuration, les progressistes du Sud ont besoin de soutien, celui naturel de la gauche, qui pourtant les ignore au prix d’accommodements déraisonnables. Progressistes qui doivent tout de même éviter le baiser de la mort de la droite si diligente à rafler la mise et à travestir de nobles luttes.
El Hadj Souleymane Gassama (Elgas) est journaliste, écrivain et chercheur associé à l’Iris (Institut des relations internationales et stratégiques). Ses recherches portent sur le don, la dette, les transferts d’argent, la décolonisation et la démocratie en Afrique. Il est l’auteur de plusieurs livres et articles, et notamment de Les bons ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial (Riveneuve, 2023).
LE RECTEUR DE L'UCAD ACCUSÉ DE DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURES
Le Sudes dénonce avec véhémence la tentative présumée d'Ahmadou Aly Mbaye de placer illégalement Ismaïla Madior Fall à l'IFAN. Le syndicat enseignant réclame une enquête sur cette "énième irrégularité" alléguée - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
L'Université Cheikh Anta Diop est secouée par les protestations du syndicat des enseignants, le Sudes, contre une affectation jugée irrégulière. Au cœur des accusations : le "parachutage" présumé d'Ismaïla Madior Fall, professeur titulaire de droit public, à l'Institut Fondamental d'Afrique Noire Cheikh Anta Diop (IFAN-CAD), orchestré par le recteur Ahmadou Aly Mbaye en violation des textes réglementaires. Une manoeuvre qualifiée de préjudiciable à l'intégrité de l'université, selon le Sudes dans le communiqué suivant :
"NON AU PARACHUTAGE DE M. ISMAILA MADIOR FALL À L'IFAN !
Le SUDES/ESR Section de l'Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar tient à informer la communauté universitaire et l'opinion nationale de sa profonde préoccupation concernant la velléité d'affectation par le recteur de l'UCAD de M. Ismaïla Madior Fall, professeur titulaire de droit public, à l'Institut Fondamental d'Afrique Noire Cheikh Anta Diop (IFAN-CAD) en violation du décret n° 84-1184 du 13 octobre 1984 portant organisation et fonctionnement de l'Institut fondamental d'Afrique noire.
Cette tentative désespérée du recteur de l'UCAD de caser un ancien ministre se présente de facto comme un détournement des procédures et des règles d'affectation du personnel d'enseignement et de recherche (PER) comme stipulé dans les articles 8 et 24 du décret susmentionné. Elle serait effectuée sans consultation préalable des instances de l'IFAN qualifiées en la matière. Le recteur de l'UCAD, encore une fois, tente de fouler aux pieds les dispositions légales en vigueur dans notre institution.
Par ailleurs, le SUDES/ESR -Section UCAD, fait remarquer que dans une optique d'optimisation des ressources humaines telle que prônée par les nouvelles autorités, M. Fall serait beaucoup plus utile à sa faculté d'origine qu'il connaît très bien et où l'attendent d'importantes tâches d'enseignement et d'encadrement dans un contexte de déficit de PER.
En tout état de cause, la désinvolture avec laquelle le recteur de l'UCAD agit en matière de recrutement et d'affectation du PER nuit gravement à l'intégrité de notre université et à la confiance de notre communauté dans les processus de gestion des ressources humaines.
En conséquence, le SUDES/ESR - Section UCAD exige :
Une enquête immédiate sur les circonstances entourant cette velléité d'affectation et sur les personnes impliquées dans cette manœuvre illégale.
Le respect strict des procédures d'affectation, conformément à la législation en vigueur.
Le maintien du concerné à son poste initial, à la faculté de sciences juridiques et politiques jusqu'à ce que toutes les procédures légales aient été correctement suivies.
Le SUDES/ESR -Section UCAD reste déterminé à défendre les règles de fonctionnement de notre université, les droits des collègues et à s'assurer que les principes de justice et d'équité y sont respectés.
Le SUDES/ESR -Section UCAD encourage ses militants ainsi que l'ensemble de la communauté universitaire à rester mobilisés et solidaires pour faire barrage à cette énième tentative de violation des textes de l'université par son recteur dont le mandat arrive très bientôt à échéance."
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LES MOTS DE LA RECONQUÊTE
Autour de thématiques comme le foncier, la monnaie ou les bases militaires étrangères, la série "Où va le Sénégal" animée par l'étudiant-chercheur en Histoire à l'Ucad Florian Bobin, aura redessiné sur la trajectoire démocratique du pays
C'est le post-scriptum riche en réflexions d'une série phare qui a rythmé les débats ces derniers mois au Sénégal. "Où va le Sénégal ?", animée en 10 épisodes par l’étudiant-chercheur en Histoire à l'Ucad Florian Bobin, aura donné la parole à 25 diverses - chercheurs, artistes, militants, journalistes - pour mettre des mots sur la trajectoire d' un pays en pleine reconquête démocratique.
Dans ce dernier échange aux allures de bilan, Abdou Aziz Ndao, étudiant en littérature africaine et membre du Front Révolutionnaire Anti-impérialiste Populaire et Panafricain (FRAPP), analyse avec lucidité le sens de cette initiative suscitée par la dynamique organisation de gauche.
"C'était extrêmement important pour une organisation comme le FRAPP de tenir ces discussions, afin de remettre sur la table les problèmes cruciaux de souveraineté nationale", souligne le jeune militant. A l'heure où le Sénégal émerge d'années de dérive autoritaire, ces échanges permettront de "faire évoluer le processus démocratique" par la vertu du débat public.
Au cœur des discussions : des thématiques brûlantes comme le foncier, la monnaie, les bases militaires étrangères ou encore l'éducation populaire. Des sujets majeurs qui « continuent de troubler le sommeil » des peuples africains en quête de souveraineté réelle. Au-delà des constats, un message fort est rédigé aux nouvelles autorités : s'inspirer de l'héritage des luttes passées pour apporter les changements nécessaires.
Quelques épisodes de la série sont disponibles ci-dessous :
Face au nouvel exécutif, la société civile s'organise pour faire respecter le Pacte de bonne gouvernance signé en marge de la présidentielle. Mais elle veut aller plus loin en initiant une refondation institutionnelle impliquant tous les acteurs
À l'occasion de la rencontre générale de la Coalition de la société civile pour l'application des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI), organisée le 27 avril 2024 à Dakar, les mouvements citoyens ont clairement affiché leurs attentes et leurs exigences.
Face au nouveau pouvoir issu de l'élection présidentielle de mars 2024, cette coalition entend jouer un rôle majeur de veille, d'accompagnement si sollicité, mais aussi de contre-pouvoir vigilant sur le respect des engagements pris à travers le Pacte national de bonne gouvernance démocratique. Un pacte cosigné par le président élu, Bassirou Diomaye Faye.
Au cœur des débats, l'idée forte d'aller au-delà de la simple mise en œuvre du pacte, en initiant une véritable refondation de la société sénégalaise. Une refondation inclusive, impliquant toutes les composantes intellectuelles, linguistiques et citoyennes du pays, dépassant le cadre étroit des penseurs formés à l'école française.
Une feuille de route ambitieuse se dessine, avec la volonté de disposer d'un tableau de bord clair pour suivre, point par point, la concrétisation des engagements relatifs à la réforme des institutions, l'indépendance de la justice, la décentralisation, la citoyenneté participative, entre autres.
Parmi les chantiers prioritaires identifiés : la prise en compte effective de la diaspora, la promotion des langues nationales et de la culture, ainsi que le dossier sensible de la gestion des questions religieuses.
IL FAUT REFORMER LES EXAMENS QUI SONT DEPRECIES DANS LE PAYS
Ahmadou Bamba Sakho, coordonnateur départemental du Mouvement national des enseignants patriotes (MONEP), s’est exprimé en marge de la cérémonie d’installation des MONEP des différentes communes du département de Saint-Louis
Le coordonnateur départemental du Mouvement national des enseignants patriotes (MONEP) affilié au Parti les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) a plaidé hier pour une réforme des examens tels que le Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE), le Brevet de fin d’études moyennes (BFEM) et le Baccalauréat qui sont à son avis dépréciés.
Ahmadou Bamba Sakho s’est exprimé en marge de la cérémonie d’installation des MONEP des différentes communes du département de Saint-Louis. « Les examens sont en quelque sorte dépréciés car ils ne se passent pas comme il se doit. Il est temps de les réformer », a-t-il fait savoir.
Selon lui, le contrat de performance signé avec les Inspections d’Académie et les Inspections d’éducation et de formation (IEF) dans le cadre de l’organisation du BFEM ne reflètent pas la réalité du terrain. « Il peut arriver que pour les essais et autres examens blancs, un établissement obtienne un taux de 10 % et se retrouve par la suite avec un taux de 80 ou 100 % à l’examen », a-t-il expliqué.
M. Sakho a en effet qualifié cette situation de tromperie pour l’élève, pour le corps professoral et même pour l’État. C’est ainsi qu’il a préconisé à ce que les programmes scolaires soient débarrassés de tout ce qui est superflu pour l’élève afin que ce denier puisse réussir dans ses études. M. Sakho a également plaidé pour une école plus formative avec des possibilités pour l’apprenant de s’orienter très tôt vers des filières de formation qui peuvent aider au développement du pays.
S’agissant toujours de l’organisation de ces examens, le coordonnateur départemental du MONEP a plaidé pour que les enseignants déplacés soient payés d’avance et qu’ils puissent se prendre en charge au risque d’être à la merci des parents qui leur offrent le gite et le couvert en ces occasions.
L'ÉDUCATION NATIONALE NUMÉRISE SA GRH
Le ministre de l'Éducation demande à tous les agents d'actualiser leur situation administrative sur Mirador, le portail de gestion des ressources humaines
Le ministre de l’Éducation nationale a demandé aux agents de son département de confirmer leur position administrative à partir de leur compte Mirador. Ces derniers peuvent le faire durant la période du 02 au 11 mai prochain.
Cette décision contenue dans une note circulaire datée du 30 avril dernier, a été envoyée à tous les inspecteurs d’académie pour une large diffusion.
Selon le ministre de l’Education nationale, Moustapha Guirassy, cette décision entre dans le cadre du recensement du personnel en cours afin de mettre à jour les données liées à la situation administrative des personnels dans Mirador qui est un portail pour la gestion des ressources humaines.
L’USSEIN VEUT UN AUGMENTATION DU BUDGET DU CROUS-SS
L’Inter-syndicat des travailleurs du Centre régional des œuvres universitaires et sociales du Sine-Saloum a célébré la fête internationale du Travail avec comme principale revendication l’augmentation du budget de cette structure
Kaolack, 1er mai (APS) – L’Inter-syndicat des travailleurs du Centre régional des œuvres universitaires et sociales du Sine-Saloum a célébré la fête internationale du Travail avec comme principale revendication l’augmentation du budget de cette structure rattachée à l’Université du Sine-Saloum El Hadji Ibrahima Niass (USSEIN) de Kaolack (centre).
Face à la ‘’situation préoccupante’’ que traverse le CROUS-SS, les travailleurs estiment qu’il est devenu ‘’impératif’’ pour eux de se mobiliser et de revendiquer leurs ‘’droits légitimes’’.
”Notre direction souffre d’un sous-financement chronique qui compromet gravement notre capacité à fournir des services de qualité et à garantir de bonnes conditions de travail pour tous’’, a notamment déclaré Moustapha Bâ, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs des universités du Sénégal (SATUS), section CROUS-SS.
Il a fait cette déclaration mercredi, au siège de l’institution, dans la commune de Kaolack, à l’occasion de la commémoration de la fête international du travail, une célébration ‘’sobre’’ mais ‘’symbolique’’, avec la remise d’un cahier de doléances au directeur général du CROUS-SS, Ousseynou Diop.
Ces travailleurs ont fait état d’une ‘’situation intolérable’’, avec ‘’des projets retardés, des équipements vétustes et des services essentiels compromis’’.
‘’Nous sommes confrontés à des défis quotidiens en raison de ce manque de financement. Les ressources insuffisantes entravent notre capacité à répondre aux besoins de notre communauté et à assurer le bien-être de nos collègues’’, s’est indigné M. Bâ, un des porte-parole de cette intersyndicale.
Les travailleurs ont exigé également des investissements dans les infrastructures, les équipements et les services, l’achèvement et la livraison des chantiers de l’université, ainsi que la généralisation de l’indemnité de logement, le relèvement de l’âge à la retraite à 65 ans, la revalorisation de la pension de retraite et le reversement des cotisations sociales, pour garantir des conditions de travail ‘’sûres et adéquates’’.
Ils ont réclamé aussi l’instauration d’un système d’absorption des vacataires et autres contractuels, le reclassement et l’avancement des agents.
Pour un budget initialement estimé entre dix et onze milliards de francs CFA, le CROUS-SS ne reçoit que deux milliards de francs CFA, ce qui est insuffisant, surtout que les locaux provisoires qui abritent cette université sont en location, indique-t-on.
Ce qui pousse Mamadou Bineta Badiane, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des établissements scolaires et universitaires du CROUS-SS, a lancé un ‘’appel solennel’’ au chef de l’Etat.
”Monsieur le président de la République, votre prédécesseur nous avait promis qu’au mois d’avril nous allions rejoindre nos campus. Des efforts ont été faits mais nous attendons que votre gouvernement puisse les pérenniser’’, a plaidé M. Badiane.
SERIGNE MBAYE THIAM EN DÉFAUT DE GESTION
Le rapport de la Cour des comptes épingle l'ancien ministre de l'Education pour n'avoir pas assuré le financement adéquat de la stratégie genre du PAQUET pendant son mandat, malgré les sommes colossales investies
Le rapport définitif de la Cour des comptes relatif à l’audit de la mise en œuvre de la Stratégie genre du Programme d’Amélioration, de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence dans le secteur de l’Education et de la Formation dénommée (PAQUET/EF) pour la période 2012-2018 a décelé des insuffisances ‘’notoires’’ liées au financement de la stratégie.
Ministre de l’Education nationale d’octobre 2012 à avril 2019, Sérigne Mbaye Thiam a été pris en défaut de gestion des ressources affectées au Paquet par le rapport de la Cour des comptes 2023. Durant la phase (2013-2015) du PAQUET, le secteur de l’éducation et de la formation a été financé à hauteur de 1748 milliards 335 millions de F CFA. Les ressources mises à sa disposition sont passées de 532 milliards 972 millions FCFA en 2013 à 576 milliards 266 millions en 2014 et 639 milliards 097 millions F CFA en 2015. Ce qui correspond à une « croissance annuelle moyenne de 6,2% », précise le rapport de la Cour des comptes 2023.
Toutefois, il est difficile voire impossible d’identifier dans ces ressources budgétaires la part affectée à la prise en charge de la stratégie genre du PAQUET/EF, et cela malgré les objectifs définis et les résultats attendus dans le programme.
Cette situation est observable aussi bien dans le budget du Ministère de l’éducation nationale (Men) que dans les crédits délégués aux inspections d’académie des régions et des inspections de l’Education et de la Formation des départements visités.
Selon les acteurs rencontrés, « il n’est pas alloué de ressources propres à la stratégie genre du PAQUET/EF puisque l’arbitrage budgétaire ne prend pas en compte les orientations inscrites dans la nouvelle planification budgétaire », mentionne le rapport de la Cour des comptes. Dans ces conditions, les ressources budgétaires allouées aux nouvelles priorités telles que le genre ne sont pas identifiables. Par conséquent, la mise en œuvre des stratégies visant à réduire les inégalités dans le secteur est pratiquement impossible.
Il est en outre relevé que les ressources destinées à la politique genre proviennent essentiellement des partenaires techniques et financiers notamment de la coopération italienne, principal bailleur du PAEF, projet qui œuvre spécifiquement pour la scolarisation des filles, et de l’ACDI qui finance les activités liées à la promotion des enseignantes à des postes de responsabilité.