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26 novembre 2024
Cheikh Anta Diop
L'AUTOROUTE À PÉAGE LIVRE SES CHIFFRES
L’autoroute à péage Dakar-Diamniadio dit Autoroute de l’avenir enregistre ‘’plus de 12 mille pannes’’ de véhicules et ‘’plus de 1000 accidents’’ par an, a révélé Pathé Ndoye, le secrétaire général d’Eiffage Concessions, concessionnaire de ladite autoroute
Dakar, 10 jan (APS) – L’autoroute à péage Dakar-Diamniadio dit Autoroute de l’avenir enregistre ‘’plus de 12 mille pannes’’ de véhicules et ‘’plus de 1000 accidents’’ par an, a révélé Pathé Ndoye, le secrétaire général d’Eiffage Concessions, concessionnaire de ladite autoroute, préconisant des solutions pour remédier à cette situation.
« Je peux vous dire que sur l’Autoroute de l’avenir, nous enregistrons plus de 12 mille pannes par an et plus de mille accidents par année’’, a-t-il déclaré, notant que ce sont des ratios ‘’extrêmement élevés par rapport à ce qui est relevé dans les pays développés’’.
M. Mbodj s’exprimait lors d’un panel sur la circulation, organisé à Dakar à l’occasion de l’atelier bilan des dix ans du Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal émergent (BOS).
La mise en service du Train express régional (TER), l’extension de la voie de dégagement nord (VDN), la réalisation de nouveaux échangeurs et autoponts n’ont pas permis de résoudre le problème des embouteillages, fait-il observer.
« Cette situation s’explique, selon lui, par une explosion démographique à l’intérieur de la capitale Dakar mais aussi une forte croissance des véhicules particuliers ou individuels avec un taux variant entre 8 et 10% par année ».
Pathé Ndoye soutient qu’il existe plusieurs leviers sur lesquels les autorités pourraient agir pour améliorer la situation.
Il déclare que le premier levier est ‘’l’incitation au télétravail dans les entreprises’’. ‘’Pendant la douloureuse période de la pandémie de Covid-19, les pays qui ont initié ces mesures de restriction de circulation ont relevé une baisse des volumes de déplacements de l’ordre de 70% et une baisse des distances ordinaires variant entre 35 et 40%’’, a-t-il révélé. Pour lui, cette période a prouvé que ‘’la présence physique n’est pas obligatoire pour atteindre les objectifs’’.
Décaler les horaires de travail
La deuxième mesure, selon lui, pourrait être ‘’le décalage des horaires de travail dans l’administration et une incitation de ces mesures auprès des entreprises privées’’.
Il estime que « cette situation permettrait d’étaler les demandes de transport sur une plus large période », préconisant aussi le « développement et l’encadrement du covoiturage ».
Il estime que « ce système a permis à certains pays qui le pratiquent de diviser par trois la demande de trafic pendant les heures de pointe ».
« Au Sénégal, nous avons malheureusement un taux d’occupation des véhicules particuliers individuel très faible. La valeur tourne autour de 1,2 alors que dans les pays développés ce taux dépasse les 2 points », a révélé M. Ndoye.
« Le matin, dans les véhicules particuliers individuels, il y a généralement une personne, voire deux au maximum. Ce qui ne témoigne pas d’une efficacité et une efficience de notre système de transport », a-t-il déploré.
Le covoiturage pour diviser la demande par trois
Sa conviction est que « la mesure de développement du covoiturage permettra de diviser par trois la demande de transport pendant ces périodes ». Il contribuera également, selon lui, à « améliorer l’efficience économique de nos systèmes de transport ».
Par exemple, le covoiturage sur l’axe Dakar-Thiès, d’une distance de 70 km et qui revient généralement à dix mille francs CFA, pourrait permettre à l’automobiliste, avec trois passagers, de faire des économies de 75% sur les coûts globaux des déplacements, a-t-il relevé.
Le secrétaire général d’Eiffage Concessions suggère également des mesures structurelles pour régler le problème de manière plus définitive, en misant notamment sur le transport de masse, à l’image du Bus rapid transit (BRT). ‘’Les autobus, les rames de TER ont une capacité de 80 voire 90 passagers. Cumulés, ils parviennent à transporter plus de 15000 [passagers] par heure’’, a-t-il expliqué.
Il suggère également « le développement de pôles mixtes regroupant des secteurs d’activités économiques, commerciales, sociales, éducatives ».
Il s’agit, selon lui, de permettre aux travailleurs de « loger dans ces pôles et d’aller tranquillement le matin au travail, sans faire recours à un moyen de transport ».
Mauvaise répartition des activités économiques
Il considère qu’ »il y a une mauvaise répartition spatiale des activités économiques dans des zones de résidence, créant ainsi des besoins de déplacement entre le centre-ville et la banlieue ».
Selon lui, « la prise en charge du dernier kilomètre des axes routiers pourrait être une solution ». « Nous avons constaté que les bouchons commencent à se former généralement à l’extrémité des points de destination », a-t-il expliqué.
Pathé Ndoye conseille « d’aménager des parkings de grande capacité pour permettre aux titulaires des véhicules de pouvoir stationner et aux passagers de prendre d’autres moyens de transport plus efficaces dans le centre-ville ».
LE COMBAT SCIENTIFIQUE DE CHEIKH ANTA DIOP RÉSONNE ENCORE AU LABORATOIRE CARBONE 14
Grâce à la datation au radiocarbone, ce haut lieu scientifique a révolutionné notre vision du passé africain. Et œuvre aujourd'hui pour une meilleure connaissance des défis environnementaux contemporains
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/12/2023
À l'occasion du centenaire de la naissance de Cheikh Anta Diop, célébré du 21 au 29 décembre 2023, le laboratoire Carbone 14 qu'il avait fondé en 1966 à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar a ouvert ses portes au public, révèle le site d'information RFI dans une dépêche en date du 29 décembre. Cette occasion a permis de mettre en lumière l'héritage toujours vivant laissé par le célèbre historien et scientifique sénégalais dans le domaine de la datation au radiocarbone.
Créé en 1966, le laboratoire Carbone 14 de Cheikh Anta Diop fut le premier du genre en Afrique. Par sa technique de datation au carbone 14, consistant à "analyser des objets comme des coquillages, du bois ou des ossements afin de connaître leur âge", il a permis de révolutionner l'histoire du continent en confirmant que "l'Afrique est le berceau de l'humanité", comme le rappelle le directeur par intérim Nouhou Diaby. Grâce aux travaux pionniers menés dans ce laboratoire, "on a pu mettre en évidence" que les "premiers hommes et les premières civilisations étaient nés en Afrique", réhabilitant ainsi l'histoire longtemps bafouée du continent.
Aujourd'hui, l'héritage de Cheikh Anta Diop perdure au laboratoire, qui poursuit ses activités de datation tout en élargissant ses recherches aux questions environnementales, à l'instar de la quantification de la pollution à Dakar. Selon l'ingénieur Alpha Omar Diallo, "être une force de proposition sur plusieurs thématiques comme la pollution atmosphérique, la pollution des eaux, la pureté de certains produits" permet d'"éclairer la lanterne des décideurs". Malgré une mise en sommeil dans les années 80, le laboratoire a repris du service au début des années 2000, prouvant la pérennité de l'œuvre scientifique débutée par le célèbre historien sénégalais il y a un demi-siècle.
par Ousmane Sonko
CHEIKH ANTA DIOP, UNE LUMIÈRE POUR LES DÉFIS ACTUELS ET À VENIR
Notre monde est en crise d'humanité et de civilisation. La pensée de celui dont nous célébrons le centenaire indique de regarder du côté de l'Afrique où se joue son avenir, là où précisément l'Humanité est née
Les échos de la célébration, par la communauté scientifique africaine et sénégalaise, de la vie et de l'œuvre du professeur Cheikh Anta Diop, me sont parvenus.
La commémoration du centième anniversaire de ce grand savant panafricain survient alors que la jeunesse, les communautés et les élites progressistes sont résolument engagées dans un combat politique et culturel pour la renaissance de l'Afrique et de sa Diaspora. Au centre de cette reconquête de l'initiative historique par les Africains, se trouve l'enjeu capital de la réappropriation de nos patrimoines historiques, culturels, linguistiques ainsi que celles de nos valeurs qui font la magnificence des civilisations africaines depuis l'Égypte pharaonique noire.
Faut-il le rappeler, le renouveau intellectuel et culturel dans lequel s’inscrit mon engagement repose sur la souveraineté. Et le projet porté par Pastef s'enracine dans l’histoire des peuples africains en lutte pour leur dignité et fondamentalement pour la souveraineté, la sécurité, la gouvernance démocratique, la richesse partagée et le bien-être de tou.t.e.s. conformément aux valeurs morales et humaines profondes de notre continent.
C’est pourquoi, la vision et le programme de Pastef s’inspirent d’ailleurs en partie de la pensée stratégique du professeur Cheikh Anta Diop dont l'enseignement doit être plus et mieux institutionnalisé.
Je suis d’ailleurs déterminé à relever le défi de l'éducation dans nos langues africaines, à donner des moyens accrus à la recherche dans tous les domaines, à développer la formation professionnelle valorisant tous les métiers productifs, artistiques et culturels. Mais surtout, je suis déterminé à mener une politique réellement panafricaine de remembrement solidaire des espaces économiques, commerciaux et culturels pour une économie d'abondance au Sénégal, dans notre sous-région et sur tout le continent africain.
Je sais que le professeur Cheikh Anta Diop a mis l'accent sur l'exploitation judicieuse de nos ressources foncières, minières, forestières, hydro-électriques, etc. en s'appuyant sur la recherche technologique de pointe. Il a par ailleurs démontré la nécessité de réaliser des infrastructures modernes de sorte à connecter toutes les régions du continent entre-elles. Tout ceci doit selon sa pensée renforcer le sentiment d'une nouvelle citoyenneté panafricaine. Et tout cela est l'aspiration exprimée par une jeunesse africaine en plein éveil de conscience.
Au demeurant, notre monde est dévasté par des inégalités sociales insoutenables, des violences et des guerres destructrices. Il est en crise d'humanité et de civilisation. La pensée de celui dont nous célébrons le centenaire indique de regarder du côté de l'Afrique où se joue son avenir, là où précisément l'Humanité est née.
Pour toutes ces raisons, je souhaite plein succès à cette importante célébration d’un homme modèle de vertus dont les travaux sont d’une brûlante actualité.
par Khadim Ndiaye
CHEIKH ANTA DIOP, 100 ANS AUJOURD’HUI
A l'occasion du centenaire de sa naissance, replongez dans les souvenirs que Jan Carew a laissés de sa rencontre avec Cheikh Anta Diop en 1972 en Éthiopie
En 1972, Cheikh Anta Diop se rend à Addis-Abeba (Éthiopie) pour assister à la Conférence annuelle de l’Association of African Studies (ASA) qui se tient dans l’immeuble de l’Organisation de l'unité africaine (OUA).
Diop y est accueilli par Tsegaye Gebre-Medhin (1936-2006), son disciple éthiopien, qu’il dirigera en thèse sur le théâtre égyptien dans les années 1980. Il y rencontre également Jan Carew (1920-2012), homme de lettres d'origine guyanaise, qui enseignera plus tard à Princeton et Northwester University.
La conférence enregistre la présence d’un autre invité de marque : le Guyanais Walter Rodney, auteur du fameux ouvrage, How Europe Underdeveloped Africa.
Jan Carew, narrateur enchanteur, rapporte quelques détails de ce séjour qu’il passa en compagnie de si distingués participants.
« Rodney et Diop ensemble à Addis-Abeba, quel événement historique ! », s’exclame-t-il. Le premier, « fils de la diaspora africaine », avait, selon ses termes, « consacré sa vie d'érudit-militant à entretenir la flamme de la libération africaine », tandis que le second « avait usé de ses formidables dons intellectuels, de son courage et de sa vision d'une Afrique libérée, pour redonner à ce continent et à ses peuples la place qui leur revient dans l’histoire du monde ».
Diop et Rodney n’ont pas pu, malheureusement, échanger longuement. Ils se sont croisés en passant, sollicités qu’ils étaient, tous les deux, par les interpellations de nombreux étudiants et curieux venus assister à la conférence. Décrivant leur aura et l’attraction qu’ils exerçaient lors de cette rencontre, Carew note que les deux illustrent invités étaient « comme des lions intellectuels au milieu des moutons académiques lors de cette conférence de l’ASA en 1972 ».
Carew loue également leur intégrité morale, soulignant chez eux, « le même genre d’honnêteté intellectuelle et d'intégrité morale » qui faisait grimacer les « accommodants ».
Ce face-à-face de 1972 entre ces deux grands esprits était leur première et dernière rencontre.
En marge de la conférence, Tsegaye, emmena Diop et Carew en excursion d’une journée durant laquelle ils découvrirent les beautés de la campagne éthiopienne.
Carew raconte exquisément le périple : « Nous traversâmes des lits de rivières asséchés et nous nous reposâmes à l’ombre d’acacias solitaires que les charbonniers avaient épargnés. Le premier lac que nous avons visité se trouvait dans un immense bassin concave bordé de collines blanchies jusqu’à l’os. Une combinaison de bûcherons débauchés, de pluies et d’érosion avait dénudé le paysage de sa végétation. Au bord du lac, il y avait un arbre sacré comme une sentinelle solitaire qui contemplait son image dans l’eau calme. L’écorce était tachée de sang sacrificiel et des centaines de clous avaient été enfoncés dans son tronc. »
Au cours de l’excursion, ils rencontrent une vieille femme que Carew décrit comme « courbée en deux sous le poids d'un énorme paquet de fagots ». La femme, poursuit Carew, « monta lentement la colline, équilibrant son fardeau et agrippant la terre de ses pieds nus. Elle luttait, non seulement avec le poids de son baluchon, mais aussi contre un vent froid et persistant. »
De manière spontanée, les trois hommes allèrent à sa rencontre pour l’aider. « Son visage, rapporte Carew, qui avait été brûlé par le vent et le soleil pendant des décennies, avait des rides profondes creusées par les saisons de labeur, en portant et en élevant des enfants et en luttant contre les angoisses quotidiennes. Pendant un instant, il y eut un regard effrayé dans ses yeux. Tsegaye lui parla doucement, mais elle continua péniblement, ignorant notre offre d'aide. »
Cheikh Anta Diop insista et la suivit. Se faisant aider de Tsegaye qui traduisait ses propos, Diop arriva à persuader la vieille dame d'accepter un don d'argent à sa famille. Ce que Carew qualifia de « geste d'amour, de compassion et d'amitié ».
Poursuivant leur chemin, les trois hommes semblaient fusionner avec la nature. Diop, solide, paraissait infatigable. « En marchant, écrit Carew, dans les collines où l’herbe desséchée avait été aplatie par le vent, et où Diop ne semblait jamais se fatiguer, nous nous arrêtions pour regarder un pélican se poser gracieusement sur la surface ensoleillée du lac. »
Subjugué par l’énergie du Sénégalais, déployée tout au long du séjour, Carew conclut : « Diop semblait avoir réussi une enviable harmonie entre énergie physique, spirituelle et intellectuelle. Je n’ai pas pu m’empêcher de le voir en contraste frappant avec les nombreux intellectuels noirs que je devais rencontrer constamment lors de conférences, et qui, dans leur tentative frénétique de redorer leur héritage et d’être acclamés par leurs mentors blancs, se déchiraient littéralement psychologiquement. »
Eh bien, cet homme sur lequel Jan Carew ne tarissait pas d’éloges aurait eu 100 ans aujourd’hui
par Alioune Dione
CHEIKH ANTA DIOP, INTINÉRAIRE D’UN SAVANT COURGEUX ET ANTICONFIRMISTE
Cheikh Anta Diop est avant tout un mémoire vivant, le panthéon du savoir nègre qui a su remettre sur les rails une vérité mise sous silence depuis plusieurs générations. Ces réflexions ne doivent pas être laissées aux oubliettes
« L’ignorance de l’histoire de son peuple est une forme de servitude ».
La lumière a jailli le 29 décembre 1923 dans le terroir de Caytu, un village se situant à 29 kilomètres du département de Bambey dans la région de Diourbel. C’est dans cette contrée qui se trouve à 150 Kilomètres de Dakar que Cheikh Anta Diop, digne fils de la Linguère Maguette Diop et du jeune Massamba Sassoum Diop qui décède peu de temps après la naissance de son prodige, a vu le jour. Orphelin de père, le jeune Cheikh Anta passe son enfance sous la tutelle d’érudits soufis, ce qui lui confère une base d’enseignement coranique et philosophique ancrée dans l’esprit du mouridisme. Son intelligence frappe très tôt son entourage, ce qui lui donna la possibilité d’entamer ses études scolaires à l’école française de Diourbel. Dès son arrivée à Diourbel, il vit sous le toit de Cheikh Ibra Fall, disciple ésotérique de Cheikh Ahmadou Bamba et père adoptif de Cheikh Anta, il lui inculqua la rigueur et l’ardeur du travail, valeurs intrinsèques du mouridisme.
Diourbel fut un terroir de formation et d’émancipation pour Cheikh Anta Diop, son enseignement en primaire fut sanctionné par le certificat de fin d’études primaires qu’il obtint en étant le premier du centre. Après sa réussite, il retrouve sa mère à Médina dans la banlieue dakaroise pour s’inscrire au lycée Vallenhoven qui est l’actuel lycée Lamine Guèye. Sa soif de connaissances et ses bases linguistiques solides en Wolof lui poussent à vouloir créer un alphabet commun pour les langues africaines. Un projet osé qu’il va abandonner pour mieux poursuivre sa carrière scientifique. Cheikh Anta fit sa première partie d’études secondaires à Dakar mais ses différends avec son professeur de français M. Boyau lui poussent à quitter Dakar pour s’inscrire en série mathématique au lycée Faidherbe de Saint Louis.
Esprit curieux, Cheikh Anta finit par obtenir son baccalauréat en Mathématique à Saint Louis, diplôme qu’il va réenrichir par son brevet de capacité coloniale en philosophie à Dakar. Parcours typique d’un jeune intellectuel à la conquête du savoir. Cette ingéniosité acquise si tôt lui conduit à Paris où il s’inscrit au lycée Henri-IV pour devenir ingénieur en aéronautique. Parallèlement, il va s’inscrire à la Sorbonne où il décroche sa licence de philosophie.
Préparant sa thèse sur l’historiographie africaine intitulée De l’antiquité Nègre Egyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire d’Aujourd’hui dans laquelle, il affirme l’origine négroïde de la civilisation égyptienne, Cheikh Anta peine à réunir un jury pour sa soutenance. Ce refus des académiciens d’être membres du jury de sa thèse n’avait rien d’académique mais il était d’ordre idéologique. Le jeune chercheur sénégalais venait de faire bouger la ligne de stabilité scientifique sur l’hégémonie hellénistique comme source et fondement de toute science.
Les idéologues de ce refus cherchaient à protéger une supériorité scientifique et culturelle de l’Occident à l’égard des autres « races » secondaires, de ce fait, ils ne pouvaient pas accepter cette « vérité » qu’avançait un jeune nègre. Le combat d’historicité qu’a entamé Cheikh Anta a laissé perplexes le monde scientifique et surtout les Egyptologues sur l’origine négroïde des égyptiens. Une thèse que Cheikh Anta n’est pas le premier à avancer mais il est le premier à le démontrer avec tant d’acuité. Son courage intellectuel pour montrer que la scientificité n’obéit pas à des critères standards lui rapproche d’Aimé Césaire qui s’est battu pour lui trouver une maison d’édition. Quoi de plus normal que de publier cette thèse chez un éditeur africain ? L’ouvrage fut publié dans Présence Africaine, une maison d’édition créée par le philosophe Sénégalais Alioune Diop pour définir l’originalité africaine. L’ouvrage publié sous le titre Nations nègres et culture va bousculer l’univers intellectuel occidental. Historien, socio-anthropologue, philosophe et scientifique Cheikh Anta s’est battu sur tous les fronts de la science pour défendre sa thèse. Cette opiniâtreté lui a valu l’acceptation de sa soutenance en 1960. Cette soutenance polémique qui a duré sept heures de temps fut sanctionnée par une mention honorable pour tenir l’intellect rebelle hors des amphithéâtres occidentaux. Les critiques qui lui ont été faites sont d’ordre bibliographique et méthodologique pourtant dans le fond du problème aucune antithèse concernant l’origine négroïde de l’Egypte antique.
Cette brèche historique qu’à ouvert Cheikh Anta dans le monde scientifique ne sera pas laissée inexplorée. De conférence en conférences, d’ouvrage en ouvrages, Cheikh Anta approfondit sa pensée avec des arguments à la fois comparatifs, linguistiques et génétiques. L’ouvrage Nations nègres et culture vu comme un nouveau souffle de revalorisation de la conscience africaine n’en est pas seulement un ouvrage de galvanisation des Noirs et d’anoblissement des origines nègres, il est avant tout une thèse scientifique affirmant l’origine négroïde et monocentrique de l’Égypte antique. Elle démontre une souveraineté scientifique de l’Afrique noire dans les mathématiques, la géométrie et les sciences dites molles, ce qui lui opposera aux fondateurs du mouvement de la négritude qui s’axaient plutôt sur une relativité culturelle alors que Cheikh Anta Diop va au-delà d’une relativité qui ne décrit pas la réalité historique des faits.
La publication de l’œuvre de Cheikh Anta en 1954 annonce une rupture de perception rendant caduques toutes les théories qui avançaient l’origine polycentrique de l’Homme. Son courage intellectuel et son anticonformisme scientifique se confirment juste après sa soutenance où il prend le chemin du retour au Sénégal pour former les futurs intellectuels. Pourtant, sa candidature à la chaire de Sociologie à l’université de Dakar fut rejetée afin qu’il ne puisse pas formater les nouveaux étudiants à adhérer aux théories qu’il avançait. Ce rejet du poste d’enseignant-chercheur à ladite université qui porte son nom aujourd’hui va lui ouvrir les portes de l’IFAN où il sera assistant sous la direction de Théodore Monod. Ses travaux à l’IFAN sur le Mali et son laboratoire de datation des échantillons archéologiques par la méthode de radiocarbone lui donnent accès à des données qui vont plus éclairer sa thèse sur l’origine négroïde de l’Egypte et les relations socioculturelles et historiques que partagent les ethnies africaines et ceux des égyptiens antiques. Cette posture rebelle de l’intellect qui affirme que l’humanité a pris naissance en Afrique n’a pas manqué de résistances même chez ses disciples comme Amadou A. Dieng qui affirme : « l’un deçà de l’homme et l’au-delà de l’homme ne peut être connu par l’homme ». Cette critique est loin d’être scientifique dans la mesure où il est tout son ancrage repose sur une doctrine ésotérique refusant à l’Homme la capacité d’être à la fois sujet et objet de son origine et de son devenir.
Malgré la richesse de son parcours intellectuel, l’engagement politique de Cheikh Anta Diop fut un moment déterminent de son itinéraire intellectuel. Élevé dans un environnement mouride ou le nationalisme et l’anticolonialisme sont des doctrines for imprégnées, Cheikh Anta avait très tôt intériorisé les prérequis idéologiques contre toute négation ou domination. Ce qui lui a valu cet attribut d’adolescent hostile à l’autorité que lui taxait M. Boyau. Cette idéologie contestataire lui pousse à lutter farouchement contre la colonisation. Engagé en politique dès l’année 1947, Cheikh Anta consacre sa vie aux indépendances africaines. Il milite au Rassemblement Démocratique Africain dont il devient le secrétaire de 1950 à 1953. Dans cette organisation Diop fustige l’union française entre les pays africains et la France et propose un État fédéral africain. Ses prises de position à l’encontre de la Métropole vont se poursuivre jusqu’aux indépendances des pays africains en général et celle du Sénégal en particulier.
Dès 1961, Cheikh Anta Diop créa le Bloc des Masses Sénégalaises. Son engagement politique sera la cause de son emprisonnement en Juillet 1962, il sera libéré le mois d’Août de cette dite année. Son parti BMS fut dissout par le président Léopold Sédar Senghor en 1963. Suite à cela, il fonde le Front National Sénégalais pour contrecarrer la politique pro-occidentale Senghorienne, le parti sera interdit en 1964. En 1976, il crée un nouveau parti, le Rassemblement National Démocratique (RND), déclaré illégal peu après. Senghor démissionne du pouvoir en décembre 1980 et Abdou Diouf son successeur supprime les lois interdisant la formation de partis politiques. De cette façon, les charges qui pesaient contre Cheikh Anta Diop ne sont plus valables et le RND est légalement reconnu. Cependant, après les élections, Anta Diop refuse d’occuper le siège obtenu à l’Assemblée nationale pour protester contre ce qu’il considère comme des élections frauduleuses. Son esprit nationaliste et anticonformiste ne l’a pas propulsé en politique mais il a permis l’éclosion d’idées foisonnantes donnant corps et âme à l’afrocentrisme. Cheikh Anta au-delà de son apport intellectuel a donné un nouveau souffle de vie aux africains afin qu’ils se départissent de leur pessimisme ambiant et des affirmations fallacieuses faisant des peuples africains des populations non prométhéennes, primitifs et anhistoriques.
Cheikh Anta Diop est avant tout un mémoire vivant, le panthéon du savoir nègre qui a su remettre sur les rails une vérité mise sous silence depuis plusieurs générations. Ces réflexions ne doivent pas être laissées aux oubliettes car elles permettent un renouveau culturel et scientifique et déclenche un vent de changement et d’autonomie qui commencent à souffler partout en Afrique.
« Il faut veiller à ce que l’Afrique ne fasse pas les frais du progrès humain. (..) froidement écrasée par la roue de l’histoire. (…) On ne saurait échapper aux nécessités du moment historique auquel on appartient ».
Alioune Dione est Socio-anthropologue, auteur : Afrique et Contemporaneïté.
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CINQ CHOSES À SAVOIR SUR CHEIKH ANTA DIOP
Cet esprit brillant suscita une véritable levée de boucliers en France lorsqu’il osa écrire, en 1954, que les habitants de l’Egypte ancienne appartenaient au monde négro-africain
Il y a cent ans, le 29 décembre 1923, naissait Cheikh Anta Diop, l'une des personnalités mythiques de l’Afrique contemporaine, aux côtés de Kwamé Nkrumah, Patrice Lumumba ou Thomas Sankara. Voici cinq choses à savoir sur le grand savant sénégalais.
Cet esprit brillant suscita notamment une véritable levée de boucliers en France lorsqu’il osa écrire, en 1954, que les habitants de l’Egypte ancienne appartenaient au monde négro-africain. Cheikh Anta Diop était un inlassable militant de la réappropriation de l’histoire africaine par les Africains.
PAR Amadou Sarr Diop
REVISITER L’ŒUVRE DE CHEIKH ANTA DIOP AU PRISME DE LA REFONDATION DES ÉTUDES AFRICAINES
EXCLUSIF SENEPLUS - Diop pourrait contribuer à l’émergence de foyers épistémologiques africanistes qui investissent la question du devenir de l’Afrique dans un contexte de globalisation où notre continent continue à occuper l’échelle des marges
S’il est impossible de refonder la production des savoirs en Afrique, sans faire référence à l’historique des conditions de naissance des études africaines, revisiter la pensée de Cheikh Anta Diop s’avère être un impératif majeur.
En effet, Cheikh Anta Diop a écrit une des plus belles pages de l’historiographie africaine, dans le sens de redonner à l’Afrique et les Africains une place centrale dans l’évolution historique de l’humanité. Cependant, en fonction des nouveaux enjeux liés au renouvellement des études africaines, la pensée de Cheikh Anta Diop doit être revisitée dans la perspective d’un dépassement épistémologique pour donner un souffle nouveau aux discours sur l’Afrique. L’explication proviendrait de l’apport de la pensée Cheikh antéenne dont les travaux ont imprimé aux études africaines une orientation qui a véritablement pu asseoir les bases de la production des savoirs sur l’Afrique à partir de nos propres épistémès. Mon propos se veut une invite à faire de l'œuvre de Cheikh Anta Diop une source d’inspiration, en l’inscrivant dans le débat de notre époque marqué par le surgissement de modèles d’intelligibilité qui défient les grandes théorisations issues des philosophies de l’histoire.
L’œuvre de Diop pourrait indiscutablement contribuer, à cet effet, à l’émergence de foyers épistémologiques africanistes qui investissent théoriquement la question du devenir de l’Afrique en termes d’émancipation dans un contexte de globalisation où notre continent continue à occuper l’échelle des marges.
La centralité de la théorie de Cheikh Anta Diop peut être située dans la démarche déconstructiviste de « la grande destinée historico-transcendantale de l’Occident ». Tout au long de son itinéraire de chercheur, il a procédé à une sorte d’exploration, au sens de Balandier, des univers de vie des peuples africains afin de contribuer par « le détour » à la découverte de nouvelles lignes de sens des réalités historiques d’un continent mis en marge par l’historiographie occidentale dans la longue destinée de l’humanité. Pour cette raison, l’apport de Cheikh Anta Diop à la naissance d'un ordre épistémique africaniste est sans équivoque. Par ce Bowoa appelle « l’herméneutique des fondements », Cheikh Anta Diop s'est investi à procéder à la coupure historiographique qui inscrit son œuvre dans la négation de l'ordre épistémologique occidental au filtre duquel se sont diffusés les savoirs sur l’Afrique et les Africains. Par le défi de ce que Mafèje désigne comme une épistémologie de l’altérité, il a fait émerger dans le domaine des sciences sociales un champ africaniste qui soit l’émanation de chercheurs africains. En effet, la rupture avec l’ordre normatif de production du savoir imposé par les canons de pensée des théories issues du monde occidental a été la principale préoccupation de Cheikh Anta Diop. Dans cette optique, il prône la désaffiliation de l’historiographie africaniste de l’eurocentrisme du discours, afin que les africains parlent pour eux, sur eux-mêmes, pour faire entendre au monde la voix authentique de l’Afrique. L’objectif étant de libérer les penseurs africanistes de l’extraversion théorique où les sociétés africaines sont étudiées à partir de canons méthodologiques et théoriques conçus et construits pour d’autres univers de vie. L’originalité théorique de Diop a consisté à revisiter les civilisations égypto-nubiennes pour déconstruire les discours sur l’Afrique et ouvrir un immense champ d’investigation dans l’étude des sociétés africaines. L’auteur de Nations nègres et cultures n’a cessé de dénoncer, à cet effet, dans une démarche sans complaisance, la construction de l’universalisme ambiant par la négation et par l’effacement des autres cultures au profit de la culture occidentale. Il y a un danger, selon Cheikh Anta Diop, « à s'instruire de notre passé, de notre société, de notre pensée, sans esprit critique, à travers les ouvrages occidentaux ». L’auteur de Civilisation et barbarie est d’avis que le principe de la restauration historique et culturelle de l’Afrique, par la référence sans équivoque aux antiquités égypto-nubiennes, est la seule voie de salut pour les peuples africains. Ce rattachement de l’Afrique noire, par Cheikh Anta Diop, à son foyer ancestral égyptien a un effet épistémologique sur l’historiographie africaniste. La démarche de Cheikh Anta Diop a consisté, par conséquent, à réinventer le discours sur l’Afrique par un éclairage scientifique des codes symboliques par lesquels se construisent et se reconstruisent les représentations et les formes de sociabilité propres aux univers vie des sociétés africaines. Dans le contexte de la guerre « des régimes de vérités », pour reprendre une expression de Michel Foucault, et de la confrontation des rationalités occidentale et négro africaine, Cheikh Anta Diop a impulsé aux études africaines le sens de l’indépendance et de l’innovation théorique.
En lisant l'œuvre de Cheikh Anta Diop dans le sens de l’histoire, on peut constater aussi bien pour ses détracteurs que pour ses propres partisans le travers d’une certaine forme d’historicisme. D’une part, ceux qui ont porté la critique à l'égyptologue sénégalais lui reproche d'être un penseur qui se délecte au passé, à l’histoire de l’Egypte pharaonique et d’autre part, ceux qui ont accordé une pertinence scientifique aux thèses de Cheikh Anta Diop ont failli pour ne pas repenser son œuvre au-delà des débats d’époque qui ont généré l'égyptologie cheikh antéenne.
Accusé à tort, par ses détracteurs, d’être un penseur du passé qui s’est trop focalisé sur les civilisations antiques de l’Egypte pharaonique, Cheikh Anta Diop se révèle, pour autant, un penseur littéralement tourné vers le futur. Le regard sur l’Afrique des origines n’est nullement un oubli au présent et au futur de l’Afrique. Sa référence aux antiquités africaines a pour but d’enraciner les sociétés africaines dans leur terreau civilisationnel pour mieux envisager leur devenir. Dans l’approche de Cheikh Anta Diop, la restitution de la civilisation égyptienne pharaonique n’est pas une posture qui clôt toute perspective à interroger le présent pour penser le futur de l’Afrique. Elle n’est pas une posture passéiste, mais le sens d’une introspection qui éclaire sur la praxis qui serait une sorte de balise des voies et moyens pour la réinvention du futur de l’Afrique face aux enjeux toniques de la domination séculaire à laquelle le continent africain est confronté. Le retour aux civilisations égypto-nubiennes est un détour, une meilleure prise en charge des réalités du présent, pour envisager l’avenir comme un champ de possibles. Reprenant le professeur Djibri Samb, le recours à l’Egypte des origines chez Cheikh Anta Diop est une forme de réhabilitation de la conscience historique africaine qui, « s’ouvrant à l’avenir et reliée à l’origine, devient une conscience historiale, au sens heideggerien ». C’est dans cette perspective que se situe le caractère engagé du discours historique cheikh antanéen qui relie le passé à son avenir où le présent se définit comme temps de réflexivité critique et d’engagement pour une épistémologie au service de l’Afrique. L’engagement épistémique n’est que scientifique, il est aussi dans l’œuvre de Cheikh Anta Diop un engagement dans le sens de la réécriture de l’histoire africaine, pour le meilleur devenir du continent noir pensé termes d’intégration des États postcoloniaux.
Dans cette dialectique du dépassement, il s’agit d’établir le lien entre l’éclairage des mutations actuelles du monde et les enjeux historiques auxquels les sociétés africaines sont confrontées. L’emboîtement de cette triple temporalité, à savoir le passé historique, le présent et l’avenir, est devenu un espace de questionnement dont le regard rétrospectif de Cheikh Anta Diop peut contribuer à établir ce qu’il est convenu d’appeler la réinvention de l’Afrique par le génie de l’esprit africain. Il nous faut donc repenser et refaire, au prisme du paradigme de Cheikh Anta Diop, l’Afrique dans la mondialisation. Notre assertion dérive du constat que le basculement du monde de l’ordre bipolaire à celui de la globalisation s’est accompagné de changement de registres analytiques dans le domaine de la pensée, en particulier dans celui des sciences humaines. Alors, les anciennes catégories de pensée sont de plus en plus remises en question par un nouvel ordre du savoir qui obéit à la variation des niveaux de détermination épistémique. Dans cette ambition de repenser les Afriques et les Africains dans le contexte de la globalisation, il s’agit d’inscrire l'œuvre de Cheikh Anta Diop aux débats de notre époque. Si les théoriciens les plus en vue dans le champ de l’africanisme sont partisans de l’afro mondialisme, la pensée de Cheikh Anta Diop nous offre des outils pour faire face à ce nouveau courant, béni et labellisé dans les milieux intellectuels occidentaux. Le tort du courant afro mondialiste c’est l’adoption d’une posture de capitulation face à l’entreprise de construction de foyers épistémologiques africanistes dont la pensée de Cheikh Anta Diop constitue une œuvre pionnière. En effet, les penseurs de l’afro mondialisme sont d’avis qu’il faut penser l’avenir de l’Afrique par le Temps du monde, celui de la globalisation porteuse du déclin des différences au nom de l’uniformisation des modes d’être et de penser. Les sociétés africaines sont alors appelées à insérer leurs temporalités au Temps de la mondialisation, en se conformant au nouvel ethos civilisationnel qui encadre le devenir des sociétés postmodernes.
Il est évident que la mondialisation ne coupe pas le monde en deux entités opposées, mais elle en fait deux univers de vie aux réalités et préoccupations différentes dont chacun vit, selon ses spécificités propres, les effets de cette unité systémique du monde. Si la mondialisation est synonyme d’extension des réseaux commerciaux et informationnels dans les pays développés, elle affecte plutôt les pays du Sud sous l’angle de leur dépendance au nouvel ordre économique et politique mondial né au début des années 90. La globalisation est porteuse, dit-on, de dissolution des différences. Mais en réalité, elle n’a pas que des effets univoques ; elle est loin d’araser toutes les singularités. Il nous faut donc avoir notre propre regard d’africanistes sur le Temps du monde où se diluent nos univers existentiels. En définitive, la mondialisation ne peut pas servir de prétexte pour mettre une croix sur l’africanisme, au nom d’un afro mondialisme qui se résume à un simple arrimage des études africanistes aux nouveaux paradigmes dominants des épistémès occidentales.
Avec l’héritage cheikh antéen, s’ouvre un horizon des possibles, celui du défi à la refondation des discours sur l’Afrique adossée à des de foyers épistémologiques africanistes dont le principe de base sera l’engagement pour une démarche afro centrée. Il s’agit ici de faire face au défi de l’innovation théorique et méthodologique dans l’étude des réalités historiques et sociologiques des sociétés africaines en devenir. Le message légué aux générations futures par Cheikh Anta est le refus de la capitulation : il s’agit ne pas de se rendre. Il nous exhorte à se démarquer de cette catégorie d’intellectuels africains qui, tout en exhortant les élites politiques à inventer leurs propres modèles de gouvernance économique et politique, refusent de s’appliquer ce principe d’autonomie, d'indépendance, dans le domaine de la production des savoirs. La décolonisation de l’Afrique n’est pas seulement politique et économique dont la responsabilité incomberait aux élites politiques, elle est aussi, avant tout, une exigence épistémique et paradigmatique qui interpelle les universitaires, les chercheurs et intellectuels que nous sommes. C’est la belle leçon à retenir de l’apport monumental de l’œuvre de Cheikh Anta Diop dans la construction d’un ordre épistémologique africaniste qui participerait à l’émancipation de notre continent. C’est en sens que le projet de Diop est incontestablement une contribution pour faire éclore, comme le soutient Jean Marc Ela, « ces voies capables de réinstaller l’Afrique au cœur des débats scientifiques de notre époque ».
Amadou Sarr Diop est sociologue, enseignant-chercheur, professeur assimilé à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
PARUTION MAJEURE POUR HONORER CHEIKH ANTA DIOP
À l'occasion du centenaire de sa naissance, Khadim Ndiaye rend hommage à Cheikh Anta Diop avec un livre événement. Fruit d'un immense travail de compilation, il regroupe ses confidences éparses au fil des conférences et entretiens
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 12/12/2023
Un nouvel ouvrage vient d'être publié pour rendre hommage à la pensée du célèbre intellectuel et savant africain Cheikh Anta Diop, à l'occasion du centenaire de sa naissance. Intitulé "Cheikh Anta Diop par lui-même : Itinéraire, pensées, confidences, opinions et combats", cet imposant volume de 350 pages rassemble pour la première fois l'essentiel de la production orale du chercheur sénégalais.
Compilé par Khadim Ndiaye, cet ouvrage se présente comme les mémoires biographiques et philosophiques de Cheikh Anta Diop. S'exprimant souvent à la première personne, on y découvre les confidences du savant sur son parcours, ses idées, ses recherches, sa vision de l'Afrique et du monde. Les textes rassemblés proviennent de conférences et d'entretiens accordés en Afrique, en Europe et aux Amériques.
Khadim Ndiaye signe là "un remarquable travail d'investigation", comme le souligne Dialo Diop dans la préface. L'auteur a mené un vastes travaux de recherche et s'est même attelé à traduire des passages exprimés dans d'autres langues que le français. Le grand public pourra ainsi accéder plus simplement à la pensée de Cheikh Anta Diop, dont les ouvrages nécessitent parfois une certaine culture scientifique.
Pour Dialo Diop, il s'agit d'"une compilation thématique exceptionnelle" des écrits mais aussi des propos diffus du chercheur. Les citations sont classées selon une quarantaine de thèmes, offrant une vue d'ensemble de sa réflexion multidisciplinaire. L'écrivain Boubacar Boris Diop qualifie quant à lui ce livre de "travail colossal" permettant d'appréhender l'étendue des domaines explorés par le Maître.
Avec cette publication séminale, Khadim Ndiaye offre un cadeau d'anniversaire mémorable à Cheikh Anta Diop, honorant ainsi la mémoire de ce géant de la pensée africaine contemporaine.