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16 février 2025
Cheikh Anta Diop
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MULTIPLE PHOTOS
ÉBLOUISSANT, LE COLOSSSE CHEIKH ANTA DIOP !
Peut-on préparer toute une conférence sur une carte de visite ? L’égyptologue congolais Théophile Obenga relève quelques qualités exceptionnelles du père de l’égyptologie, le professeur Cheikh Anta Diop, qu’il a côtoyé pendant des années
L’égyptologue congolais Théophile Obenga, disciple et compagnon de Cheikh Anta Diop, rend un vibrant hommage à son mentor, le savant sénégalais et père de l’égyptologie. Le Pr. Théophile Obenga originaire de Congo Brazzaville invité en RDC pour être honoré par ses paires, a profité a détour d’une interview pour lever un coin de voile sur une facette de la vie de Cheikh Anta Diop. Il s’agit du témoignage de souvenir qu’il garde encore de du célèbre chercheur sénégalais, lors de son passage de à Lubumbashi en République démocratique du Congo dans les années.
Théophile Obenga se rappelle que l’égyptologue était très attendu pour une conférence qu’il devrait faire face aux étudiants. Mais paradoxalement, l’invité ne faisait rien en termes de préparation. Il était plutôt zen et relaxe alors que lui Obenga s’en inquiétait. Et quand il l’incite à préparer quelque chose, surprise.
C’est sur le dos d’une carte de visite que Cheikh Anta griffonne juste 1, 2n 3, 4 comme pour rassurer Obenga qui malgré reste sceptique. Mais quand est venu le moment, Cheikh Anta a brillé de mille feux et a émerveillé son audience au point d’être porté en triomphe par les étudiants eux homme, tout colosse qu’il fut. Pour Théophile, la conférence publique qui portait sur «L’histoire ancienne de l’Afrique», tutoyait la perfection en dépit de cette absence manifeste de préparation de la part du conférencier.
Le comble c’est que ça a duré 4 tours d’horloge. « Il l’a fait sans papiers pendant 4 heures un beau discours avec une logique, un vocabulaire choisi, une éloquence», rare à tel enseigne qu’un enseignant belge président confie à Obenga que même si on n’est pas d’accord avec Cheikh Anta Diop, après l’avoir écouté, il faut vraiment l’être.
«C’était extrêmement éblouissant. C’était tellement éblouissant qu’à la fin de la conférence, les étudiants du campus ont débordé la police universitaire , ils ont soulevé Cheikh Anta Diop qui était un colosse et l’ont porté en triomphe à travers le campus. Ils l’ont soulevé comme un enfant. On ne pouvait pas les arrêter. C’était émouvant, la police était débordée», révèle l’égyptologue congolais. Face à la beauté du discours « tu ne peux qu’être admiratif», dit l’universitaire congolais qui découvrait ainsi cette autre part de Cheikh Anta Diop : son «éloquence naturelle».
Le professeur relève dans son entretien quelques comportement barbare de l’homme blanc qui a toujours la propension a considéré le Noir comme barbare et primitif. Or, rappelle le prof, à une époque, quand vous mourrez sans savoir payer vos impôts, le pouvoir colonial vous coupait un membre pour compenser le non-paiement de l’impôt, quand vous voliez un petit fromage, l’on vous pendait. C’est cela un monde civilisé ? S’interroge l’universitaire congolais qui estime que les Blancs ont «reversé les valeurs» pour mener à bien la colonisation
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par Cheikh Tidiane Gadio
CHEIKH ANTA DIOP MÉRITAIT PLUS ET MIEUX
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue, journaliste et plus tard ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter
Le Devoir |
Cheikh Tidiane Gadio |
Publication 11/05/2021
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue et journaliste Cheikh Tidiane Gadio rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter.
Nous reproduisons cette capacité divinatoire de celui qui a été le ministre des Affaires étrangères de Me Wade et combattant pour la paix en Afrique.
Loin de la querelle d’héritiers présumés, le Dr Cheikh Tidiane Gadio apprécié de partout aujourd’hui a produit il y a près de quarante ans un très bel article d’un journaliste engagé comme il en existait à l’époque. Nous avons redécouvert avec un plaisir inégalé le vocabulaire, la syntaxe et les tournures de ce texte d’hommage à un très grand homme.
C’est un cadeau mémoriel inestimable du Devoir qui rend hommage aujourd’hui à cette capacité de vision sur le futur d’en enfant du siècle.
Cheikh est parti. L’heure est surtout au recueillement car, comme le dit une métaphore négro-africaine, « ses os n’ont pas encore refroidi sous terre ». Aussi, seule la dignité est de mise. Mais il reste que l’amertume des Sénégalais (des Africains) est visiblement une amertume coléreuse.
L’Occident impérialiste, angoissé et destructeur nous avait dénié jusqu’à la simple appartenance au genre humain en nous différenciant à peine du singe. Ce constat rend encore plus amer le gâchis énorme qui a résulté de l’isolement et de la banalisation de l’immense « technicien du savoir pratique » que fut Cheikh Anta Diop.
De simples ouvriers m’ont confié 24 heures après sa mort : « On n’a pas voulu utiliser ses connaissances de son vivant, maintenant on va le magnifier en son absence. Ah les Africains !». Cheikh Anta, ami des simples gens, a dû les approuver sans réserve là où désormais il se trouve.
Vigilants se doivent d’être tous les progressistes africains. Après le torrent unanimiste de larmes qui a charrié douleur, révolte et peut-être regrets sincères, il faut maintenant froidement et sereinement méditer et s’approprier les leçons de courage et de constance de Cheikh Anta Diop afin que de tels gâchis ne soient plus possibles dans une Afrique encore reine des souffrances et des humiliations.
Première leçon de courage. Relever la tête et faire face aux grands défis, c’est fatalement dans notre Afrique écartelée et pressurée- opter résolument pour un destin tragique. Cabral, Lumumba, NKrumah, Fanon, Cheikh Anta et même David Diop et Mandela sont de cette race prestigieuse d’intellectuels organiques dont la sincérité, l’engagement et la passion pour les masses n’ont d’égal que les brimades, vexations (et parfois assassinats) qui ont jalonné leur vie de combat. « On n’est rien sur terre si on n’est pas l’esclave d’une cause : celle de la justice, celle de la liberté et celle des peuples » disait Fanon, disaient-ils tous. Ce même Fanon a pu aussi dire « (…) En tant qu’intellectuel (…), je m’engage à affronter le risque de l’anéantissement pour que deux ou trois vérités jettent sur le monde leur essentiel de clarté ». Merveilleuse épitaphe pour la pierre tombale de l’enfant de Thieytou. Car Cheikh aussi a affronté le risque de l’anéantissement et ses deux ou trois vérités hantent et hanteront pour toujours l’histoire falsifiée de l’humanité.
Dévoués aux masses de notre continent, ces intellectuels ont toujours été. Inconnus d’elles, ils ont aussi souvent ou parfois été style élitaire de leur part, ou bien obstruction et écran de fumée entre eux et les masses ! En tout cas, le mythe a bien souvent supplanté la réalité scientifique et féconde de leur œuvre.
Enfant, j’avais entendu et propagé avec la certitude innocente de l’adolescence qu’il existait au Sénégal un homme qui demandait peu de moyens pour éclairer le Sénégal tout entier à partir de Tambacounda avec… une seule lampe. D’autres mythes témoignent encore de l’éblouissement provoqué par le génie de Cheikh Anta.
CONSENSUS
L’impérissable Mao Tsé Toung et Jean Paul Sartre, l’autre symbole attachant, ont bénéficié de plus de clémence que les autres. L’usure implacable du temps leur a quand même laissé le temps de goûter aux fruits si doux de l’arbre universel généré par leur œuvre novatrice. Les autres géants de ce siècle de tragédie, de confusion et de lumière tout à la fois, ont, pour l’essentiel, été incompris, mal aimés, isolés, n’ayant comme compagnon fidèle que le froid mordant de la solitude.
Heureusement qu’en Afrique-deuxième leçon-la mort des grands hommes réunit sur l’essentiel. La symbolique qui entoure les grandes pertes provoque chez nous un moment consensuel exceptionnel. J’ai été ému de voir d’authentiques adversaires politico-idéologiques de Cheikh visiblement bouleversés, assister, les yeux rougis et les dents serrées, à l’oraison funèbre prononcée de façon somptueuse et majestueuse par des amis ou par des officiels à la demeure du défunt. Le moment n’était pas à la démesure et aux rancœurs car Cheikh réalisait, là encore, une œuvre pharaonique (c’est-à-dire grandiose) ultime réunir – en dépit de l’adversité normale – les Africains sur l’essentiel sans contrepartie de reniement ou de renonciation.
Le discours admirable de Iba Der Thiam dont le cœur a parlé plus que le mandat de la raison d’Etat n’a pu néanmoins combler l’absence remarquée de Abdou Diouf lui-même. C’est là un grand rendez-vous avec le peuple, attentif en de telles circonstances, qu’a manqué un homme dont l’arrivée au pouvoir a pu favoriser des ambiguïtés dans la facette homme politique de Cheikh Anta. C’est là me semble-t-il une fissure dans le consensus autour de Cheikh Anta symptomatique du contenu que l’homme du consensus national met dans le consensus qu’il préconise au demeurant.
L’autre fissure, mais celle-là à peine surprenante, vu le manque de finesse réputé du « ministre-rédacteur en chef suprême », est la lenteur de réaction impardonnable de l’ORTS. Et c’est la troisième leçon. Il n’est pas difficile de deviner le faux dilemme qui d’ailleurs n’en est un que pour le journalisme aux ordres. L’équation à résoudre aurait fait sourire le professeur Cheikh Anta. Bien voilà un deuil national frappe notre pays le jour où dans l’entendement de certains «la nation entière attend frémissante Abdou Diouf de retour d’un périple triomphal ».
Alors la solution à l’équation, elle est tristement invariable quoi qu’il advienne dans la vie de la nation, d’abord et toujours le président.
Il est déplorable que notre ORTS soit englué dans un culte de la personnalité tyrannique qui horrifie le simple bon sens. Le Vendredi 7 février 1986, Cheikh Anta, tragiquement, malgré lui, avec son immense charisme, a occupé sans conteste les devants de l’Actualité nationale.
INDELICATESSE ET INDECENCE
Pour des Sénégalais-et c’est mon cas- qui ont appris la mort de Cheikh Anta vers 20h25, il est légitime de se précipiter sur le petit écran. 20H30 : le journal. Trois titres : Retour de Abdou Diouf, Philippines, Haiti ; Point de Cheikh Anta
Le journaliste de service, avec un look visiblement atterré, diffuse stoïquement les 15 à 20 minutes sur l’arrivée du président. Pis : un autre journaliste inspiré par une indécence renversante, trouve le moyen de faire éclater de rire le président à propos de la « douce dame de fer ». Terrible révélation pour les Sénégalais : la TV est un médium redoutable qui, par un effet boomerang, peut se retourner contre ses utilisateurs. Car je me garderai de rapporter ici les propos et réaction des gens religieusement plantés devant leur téléviseur espérant des images de Cheikh Anta plus qu’autre chose…
En fait d’images de Cheikh Anta, à la 20ème minute du J.T, on aura droit à une pâle image fixe pendant deux petites minutes. C’est peu. C’est insuffisant. C’est injuste. C’est Cheikh A…
Pendant ce temps, au Gabon, à « Africa no 1 », des heures d’émission étaient consacrées à Cheikh Anta avec l’instantanéité qui sied aux exigences d’une station qui se respecte.
Pendant ce temps, au Congo, un deuil national était décrété pour magnifier l’illustre africain Cheikh Anta Diop. Pendant ce temps, des Sénégalais furieux s’interrogeaient : Cheikh Anta aura-t-il un deuil national comme de Gaulle l’a eu au pays de la négritude et de l’enracinement ? Certes, l’ORTS s’est largement rattrapé par la suite. Côté radio surtout. Pour les images de Cheikh Anta, on attend…. Et on attendra longtemps car l’irréparable a été consommé. Le monde entier va découvrir qu’au Sénégal, terre de démocratie, de pluralisme et d’ouverture, des « géants du savoir » de la trempe de Cheikh depuis douze ans qu’existe la T.V., n’ont pas les honneurs du passage à l’antenne.
Alors veut-on rectifier ? Oui ? Alors faisons vite. Car sur d’autres registres, des Sénégalais tels les Mamadou Dia, Majmouth, Abdoulaye Ly, Abdoulaye Wade, Abdoulaye Bara Diop, Amady Ali Dieng et autres témoins et acteurs majeurs de la vie politique et intellectuelle nationale n’ont plus la fougue de leurs trente années, même si c’est un souhait des dizaines d’années peuvent les séparer du rendez-vous fatal…
Rien que l’atmosphère survoltée et teintée de colère, lors de l’hommage rendu à Cheikh Anta par l’Université, peut prouver aux autorités que sans être forcément bellicistes, les masses ont une mémoire vigilante face aux grandes injustices. Amar Samb de l’Université a été bouleversant de spontanéité (désordonnée certes), mais admirable d’émotions vraies et de révélations poignantes. Cheikh Anta, opposant politique au régime sénégalais, fut cependant une force intarissable et inlassable de propositions généreuses et salvatrices. Cheikh, contre ceux qui arguent de la faiblesse de nos infrastructures, avec son petit laboratoire de l’IFAN, a fait sinon mieux du moins autant que les laboratoires suréquipés d’Occident. Cheikh non-poreux aux honneurs factices n’a pas jubilé lors de son accession au grade de chevalier de l’Ordre National du Lion. C’est ici que son image pure et sublime se superpose à celle de Sartre refusant, à la stupeur générale, le Nobel et autres distinctions, pour leur préférer l’amitié touchante, fidèle, et admirable des simples gens. Amar Samb a bousculé et dérangé. Le Sénégal entier… n’eut été la censure des média d’Etat- aurait dû lire, voir et entendre son précieux témoignage sur le côté être de chair, de sang, de sentiments, de principes de Cheikh Anta.
L’autre homme de courage de cette séance mémorable fut le doyen Aloise R. Ndiaye de la Faculté des Lettres qui n’a pas résisté à l’envie d’être l’interprète de la clameur populaire (des enseignants et des étudiants). Clameur qui a déjà, de fait, baptisé l’Université de Dakar, université Cheikh Anta Diop. Le gouvernement a-t-il senti naître se développer et exploser ce sentiment fort répandu en proposant dans une précipitation suspecte d’associer le nom de Cheikh Anta à l’IFAN ? C’est peu. C’est insuffisant. Cheikh mérite plus… D’ailleurs où est le problème ? L’Université de Dakar est vierge de tout baptême ; alors vivement que les autorités se conforment au commun vouloir des Sénégalais.
Du reste, quand on est bien intentionné, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Aussi, nos propositions sont les suivantes :
Que le gouvernement décrète le «7 février journée culturelle et scientifique Cheikh Anta Diop fêtée sur toute l’étendue du territoire national, le deuil national manqué sera vite oublié !
Que l’Université de Dakar porte le nom de l’illustre professeur, l’Ecole nouvelle n’en sera que plus rédemptrice et mieux lancée… !
Que l’œuvre de Cheikh Anta soit méthodiquement, patiemment expliquée aux larges masses qui ignorent parfois jusqu’à l’existence de l’Egypte antique, afin que ces masses (seules créatrices de l’histoire universelle) en fassent avec l’apport d’autres idéologies progressistes une force matérielle capable de briser les reins à l’Apartheid (désir ardent de Cheikh Anta), vaincre famine, sécheresse, humiliation impérialiste (préoccupation constante de Cheikh)-mettre fin à l’oppression pluri-séculaire de la toujours souffrante race nègre dont le pénible sanglot retentit toujours des Caraïbes aux Amériques, de l’Afrique à l’Europe (souci majeur de Cheikh) édifier les Etats Unis démocratiques et progressistes d’Afrique (volonté permanente de Cheikh).
Nous attendons. Nous agissons. Nous espérons. Quant à toi Cheikh Anta Diop, excuse cette pelletée de terre tardive, mais sache qu’elle n’a pas le poids de ce que la jeunesse africaine te doit.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
AMADOU MAKHTAR MBOW, CE CONTEMPORAIN FONDAMENTAL
EXCLUSIF SENEPLUS - L’enseignement de nos héros nationaux à tous les niveaux de l’école, dans les langues du pays, est indispensable si nous voulons ancrer dans les mémoires, de génération en génération, notre trajectoire historique
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 07/04/2021
Je reprends ici l’expression en l’appliquant à Amadou Makhtar Mbow pour signifier que l’homme qui vient de fêter son 100e anniversaire représente pour nous Sénégalais et autres Africains, à la fois une référence historique et une balise mémorielle importante.
Il représente l’une de ces figures contemporaines, acteurs de premier plan et témoins privilégiés de notre histoire récente. Comme ses autres contemporains que sont entre autres, Léopold Sédar Senghor, Cheikh Anta Diop, Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Majemout Diop et Abdoulaye Wade.
Ce qui est remarquable chez ces hommes-là, qui sont de la même génération à peu près, c’est que le combat politique pour l’indépendance de l’Afrique se doublait toujours d’un engagement intellectuel fécond sur d’autres champs. La poésie pour Senghor, l’égyptologie pour Cheikh Anta Diop, l’économie politique pour Mamadou Dia, l’histoire pour Abdoulaye Ly, la sociologie politique pour Majemout Diop, l’économie et le droit pour Abdoulaye Wade.
C’est pourquoi la figure et le parcours de vie de chacun de ces hommes sont particulièrement significatifs et peuvent servir de référentiels pour les générations actuelles et futures.
Pourquoi ce contemporain est-il si fondamental ?
D’abord du fait de cette trajectoire intellectuelle et politique tout aussi éclectique et qui a bénéficié d’une remarquable longévité. Il a traversé quasiment le siècle dernier en prenant part à toutes les grandes luttes intellectuelles et politiques dans lesquelles le destin du Sénégal et de l’Afrique s’est joué. Il fut, on le sait, tour à tour et parfois simultanément, activiste étudiant, enseignant et chercheur, militant et dirigeant de parti, ministre, directeur général de l’UNESCO et maître d’œuvre des Assises nationales du Sénégal.
D’abord, étudiant, il fut de ceux qui ont initié dans les années 1940 en France les luttes des étudiants africains et qui ont ouvert la voie à la Fédération des Étudiants africains en France (FEANF) dont on connaît la contribution à l’indépendance de l’Afrique.
Ensuite, dans le champ de l’éducation et de la culture, il s’impose comme une référence essentielle.
Du fait de sa formation initiale de professeur d’histoire et de géographie, de sa pratique d’enseignant en Mauritanie et au Sénégal, de ses recherches sur le terrain, de ses travaux sur l’éducation de base et des réformes des programmes d’histoire et de géographie qu’il a proposées en 1965 déjà.
Du fait aussi de ses fonctions de ministre, de l’éducation et de la Culture dans le gouvernement d’autonomie interne en 1957/1958 puis de l’éducation nationale de 1966 à 1968.
Il y a aussi que dans le champ politique, il fut un témoin privilégié et un acteur de premier plan, souvent à des moments décisifs de notre histoire.
Ainsi, pendant cette période charnière qui va du Congrès constitutif du Parti du Regroupement africain (P.R.A) à Cotonou, en juillet 1958 ou le projet d’indépendance immédiate de l’Afrique de l’Ouest sous domination française dans un cadre fédéral est lancé, au démantèlement du PRA réduit en une section sénégalaise qui se dissoudra en 1966 dans l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Ainsi sa « station » de ministre de l’Éducation nationale du Sénégal jusqu’aux « événements de mai 1968 ».
Il y a aussi bien entendu sa présidence de l’UNESCO de 1974 à 1988, pendant cette période de la « Seconde Guerre froide » « quand tout était possible même le pire » pour l’humanité, quand il a voulu faire de ce bras culturel de l’ONU, un moyen pour établir un système mondial d’échange équitable de communication et d’échanges culturels.
En s’entourant de quelques-uns des esprits les plus brillants et les plus généreux de l’époque comme l’avocat irlandais, cofondateur d’Amnesty International, Sean Mc Bride, le journaliste français et fondateur du quotidien Le Monde, Hubert Beuve-Méry, l’écrivain colombien et prix Nobel de littérature Gabriel Garcia Marquez et le sociologue américain des médias Marshall Mc Luhan.
Enfin, il y a son rôle de maître d’œuvre et de caution intellectuelle et morale des Assises nationales du Sénégal.
Amadou Makhtar Mbow, un monument ?
La célébration du 100e anniversaire de l’homme dans le cadre d’un musée, le Musée des Civilisations Noires qui plus est, une première il me semble, est significative : elle semble indiquer une volonté nationale délibérée de conserver désormais le legs de nos contemporains fondamentaux pour le rappeler à notre mémoire à volonté et le transmettre aux générations futures.
Il s’agirait de constituer ainsi le patrimoine humain de la Nation pour le partager aujourd’hui et demain entre nous, avec l’Afrique et avec le monde entier.
On s’est souvent référé à Amadou Makhtar Mbow comme à un « monument ». Entendons le mot comme signifiant à la fois témoin et mémoire d’une époque. Mais ceci ne veut pas dire que nous devons ériger une statue à la gloire et au souvenir de l’homme.
D’abord parce que la statue comme support et rappel de la mémoire me parait d’effets limités, même quand il s’agit de figures contemporaines. Voyez la statue de Cheikh Anta Diop à l’entrée du campus de l’Université éponyme : je doute qu’elle convoque l’illustre égyptologue et homme politique à la mémoire des passants, même étudiants.
Cela n’a rien à voir avec la valeur artistique de l’œuvre, mais avec le fait que la statue n’est évocatrice que dans un cadre culturel de référence, pour ceux qui ont été préalablement initiés à son sens. Ce qui est valable il est vrai pour toute expression artistique.
La transmission orale me semble particulièrement indiquée pour célébrer et transmettre la mémoire de nos grands hommes (et femmes !). Je ne parle pas ici des griots dont l’art est trop souvent si perverti par la politique, qu’ils se déguisent désormais sous le sobriquet de « communicateurs traditionnels » et qu’ils ne sont en rien ces gardiens de la mémoire historique et dépositaires de la tradition d’antan. Je pense plutôt à ces « spécialistes de l’oralité », conteurs autant qu’artistes que sont par exemple Massemba Gueye, Boubacar Ndiaye et Dyénaba Gueye, entre autres. Je pense aussi aux musiciens modernes et particulièrement aux rappeurs. Mais il y a aussi et d’abord l’école. Car c’est là que se forge la mémoire autant que se transmet le savoir.
L’enseignement de nos héros nationaux, contemporains et anciens, de Njajaan Njaay à Amadou Macktar Mbow, à tous les niveaux de l’école, dans les langues du pays, est indispensable si nous voulons ancrer dans les mémoires, de génération en génération, notre trajectoire historique en tant que peuples et l’idée de notre communauté de destin.
Le livre est bien entendu un support indispensable pour ce faire. L’ouvrage de M. Mahamadou Lamine Sagna : « Amadou Mahtar Mbow, une légende à raconter » devrait être suivi de beaucoup d’autres.
Les techniques du multimédias et du numérique qui sont déjà, il me semble bien intégrées dans nos musées, devraient être exploitées dans toutes leurs fonctions.
Mais nous ne disposons toujours pas dans ce pays, d’un fonds organisé d’images et de sons, indispensable à la conservation mémorielle surtout quand elle porte sur un Amadou Makhtar Ba, un Mamadou Dia ou un Cheikh Anta Diop dont les patrimoines comportent tant de documents audiovisuels.
Il est souhaitable qu’une institution comparable à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) en France, à la BBC Archives en Grande-Bretagne ou aux US Archives of Public Broadcasting soit mise sur pied.
Une telle institution dont l’accès et l’usage par le grand public seraient facilités en vertu d’une Loi sur l’Accès à l’Information (régulièrement annoncée et toujours différée), permettra aux publics de connaître véritablement ces contemporains et de s’identifier à eux.
abathily@ seneplus.com
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CHEIKH ANTA DIOP AU COLLOQUE DU CAIRE
L'évenement tenu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
Le colloque du Caire qui a eu lieu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
LA PLATEFORME CITOYENS NUMERIQUES ALERTE CONTRE LA TENTATIVE DE L'ETAT DE REGULER LES RESEAUX SOCIAUX
Dans le cadre de la lutte contre les dérives sur l’internet, les membres de la plateforme Citoyens numériques se font l’écho des inquiétudes du Chef de l’Etat Macky Sall, par rapport aux excès déplorés dans les réseaux sociaux
Dans le cadre de la lutte contre les dérives sur l’internet, les membres de la plateforme Citoyens numériques se font l’écho des inquiétudes du Chef de l’Etat Macky Sall, par rapport aux excès déplorés dans les réseaux sociaux. Ils ont fait face à la presse hier, lundi 8 février 2021, dans le but de sensibiliser, prévenir et expliquer, sur l’usage des réseaux sociaux.
En réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, la semaine dernière, le président de la République, Macky Sall, a réitéré son appel à mettre fin aux dérives sur les réseaux sociaux à travers la mise en place d’«un dispositif de régulation et d’encadrement, spécifique aux réseaux sociaux», histoire d’apporter des solutions face à de tels moyens de communication pour assurer protections des données à caractères personnels des utilisateurs. La plateforme Citoyens numériques qui partage les inquiétudes du chef de l’Etat a organisé hier, lundi 8 février 2021, une conférence de presse dans les locaux de la Pressafrik.
Dans le but de venir en aide aux jeunes utilisateurs et éviter les dérives surles réseaux sociaux, les leaders de Citoyens numériques ont opté d’intervenir, d’être en action mais aussi d’alerter. Revenant sur plan juridique, Emmanuel Dioh, juriste et membre du collectif, souligne que le dispositif à mettre en place doit tenir compte de l’évolution rapide des TIC. «Si aujourd’hui on prend des dispositions sur seulement les réseaux sociaux, on devrait se poserla question par rapport à la rapidité de l’évolution d’internet ; si dans 10 ans ou dans 5 ans, on a d’autres outils, qu’est-ce qu’on va faire ? Doit-on encore légiférer ? Et là ne se pose pas le problème parce que depuis 2008, le Sénégal dispose d’un cadre juridique quand-même assez soutenu pour encadrer tout ce qui se passe dans le cyber espace et pour être vraiment large, en dehors des réseaux sociaux. Tout ce qui se passe aujourd’hui dans le cyber espace, le Sénégal a des dispositions adaptées et pouvant vraiment réglementer nos rapports entre humain, nos rapports entre les administrations, et les administrés et tout», a-t-il précisé.
ALERTE CONTRE UNE INFLATION DE TEXTES LEGISLATIFS QUI NE SERVIRONT A RIEN
Et Emmanuel Dioh de poursuivre : «vouloir maintenant proposer un autre dispositif, c’est comme si on est en train de nous dire qu’à l’heure actuelle, le Sénégal n’a pas des dispositions capables de réguler ou d’encadrer ce qui se passe dans le cyber espace. Je recommande vivement au membre du gouvernement de scruter les législations pour éviter vraiment cette inflation législative qui, après, ne sert à rien. Les juges ont eu à se baser sur des textes pour adresser des questions connexe au cyber espace, ils n’ont qu’à également revoir la jurisprudence, le droit positif sénégalais est ok et à jour par rapport à tout ce qui peut se passer dans le cyber espace. Compte tenu de tout cela, il est maintenant venu l’heure de nous demander qu’est-ce qu’ils veulent en fait réguler ? Qu’est ce qu’on veut réguler ?
L’usurpation dans l’identité numérique a été prise en compte, le vol dans le cyber espace a été pris en compte bien avant la loi de 2008, c’est-à-dire en 2006, la diffamation, les nouveaux médias ont été pris en compte avec le Code pénal de 2016, qui parle de diffusion par un quelconque moyen. Même dans la manière de faire les lois, nos spécialistes sont vraiment allés trop loin. On donne même la possibilité aux juges d’aller plus loin et de ne pas être embrigadés dans les textes», détaille Emmanuel Dioh. Lui emboitant le pas, Ibrahima Lissa Faye Administrateur et Directeur de publication de Pressafrik, relèvera que le président de la République devrait être mieux avisé pour éviter de mettre en place une nouvelle législation qui va encore rendre les choses beaucoup plus compliqué. «Nous avons un arsenal assez répressif contre les utilisateurs du numérique et surtout quand il y a des dérives, quand il y a des actes répréhensifs…
D’après certaines informations, c’est plutôt un organe de régulation qui se prépare, qui va plus tuer l’instantanéité sur les réseaux sociaux, et va faire en sorte, en tout cas, que certains contenus, à des moments très fort d’actualités (ne passent pas). Je pense que c’est la liberté d’expression qui va en pâtir ; mais ce n’est pas seulement cette liberté-là car, aujourd’hui, il faut comprendre qu’il y a un business numérique et les jeunes qui n’arrivent pas à trouver de l’emploi basculent carrément sur internet. Il y’a beaucoup de producteurs de contenus, également beaucoup de startup qui aujourd’hui gagnent leur vie grâce à internet, et c’est tout cet écosystème qui va être menacé… Et je pense que le président de la République devrait penser à cet écosystème qui est autour du numérique ; les écoles, les universités l’utilisent pour partager les cours.
Pour limiter les dérives, il y’a tout un arsenal mais, également je pense que l’Etat devrait aller vers la mis en place de programme scolaire sur la culture numérique. Car on doit apprendre aux élèves comment tirer profil sur les réseaux sociaux, l’Etat a un rôle d’éducateur». La plateforme Citoyens numériques qui rappelle que beaucoup de pays africains ont échoué dans leur tentatives de réguler le numérique, car ils n’ont pas réussi à contrôler de façon répressive les réseaux sociaux, prône la formation, la sensibilisation et l’alerte, entre autres solutions en plus du dispositif juridique déjà existant.
LA CHRONIQUE DE PAAP SEEN
NOTES DE TERRAIN (1)
EXCLUSIF SENEPLUS - Notes de terrain s'arrête pour un moment - Retrouvez toutes les chroniques de notre éditorialiste Paap Seen - Merci aux lecteurs et aux lectrices
Il y a un an, presque jour pour jour, « Notes de terrain » devenait un rendez-vous hebdomadaire sur SenePlus. Chaque dimanche, je parlais de mes rencontres. Je disais mes expériences. Je faisais des commentaires sur des sujets divers. J’ai décidé de prendre une pause. Retrouvez, ci-dessous, toutes les chroniques. Merci aux lecteurs et aux lectrices.
En marge d’un panel organisé hier par le Projet d’Appui à la Stratégie nationale pour l’Equité et l’Egalité du genre (PASNEG), en collaboration avec l’Ecole Supérieure de Journalisme, des Métiers de l’internet et de la Communication (E-jicom), dans le cadre des 16 jours de mobilisation contre les violences basées sur le genre (VBg),la représentante de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS) a indiqué que pour cette année, de janvier à septembre, 1 446 cas de viol ont été notés. En outre, dans le but de lutter contre ce fléau, les panélistes ont appelé les professionnels des médias à revoir leurs approches pour traiter le sujet.
Malgré ce contexte marqué par la pandémie de Covid-19, les femmes ont continué à subir des violences. En tout cas, c’est en substance la déclaration de la coordinatrice de la boutique du droit de l’Association des Juristes Sénégalaises, Nafissatou Seck, lors du panel organisé sur le thème « le contenu médiatique sur les VBG et discriminations faites aux femmes et aux filles : rôles et responsabilités des professionnels des médias». «Pour cette année 2020, de janvier à septembre, nous sommes à 1 446 cas de violences basées sur le genre et de toutes, c’est-à-dire de violences physiques, sexuelles, économiques, psychologiques et de violences conjugales », a dit la représentante de l’AJS en marge de cette rencontre qui clôture la vaste campagne de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles lancée le 25 novembre dernier, sous le hashtag « Orangez Le Monde ».
En outre, selon Nafissatou Seck, les formes les plus récurrentes sont les violences économiques suivies de celles sexuelles et psychologiques. « Les violences économiques, c’est tout ce qui a affaire au défaut d’entretien. Comme au Sénégal, c’est l’homme qui est le chef de la famille. A ce titre, il lui revient de subvenir aux charges du ménage, c’est-à-dire les dépenses quotidiennes, les frais scolaires et médicaux de la famille. Mais il est à constater que très souvent, ce n’est pas le cas. C’est une violence que vit bon nombre de femmes au Sénégal », explique la coordinatrice de la boutique du droit de Pikine. En plus de cela, relève-t-elle, il y a également des situations d’abandon de familles.
C’est-à-dire, fait remarquer Nafissatou Seck, quand le conjoint disparaît deux mois et reste sans nouvelle et sans soutien à la famille. Donc, dit-elle, c’est une forme de violence qui est punie par la loi. Par ailleurs, pour lutter efficacement contre ces violences basées sur le genre, elle estime que les journalistes devraient tenir compte, dans le traitement de l’information relative à ce genre de sujet, du fait qu’il s’agit d’êtres humains qui ont besoin du respect de leurs droits comme le droit à l’image, à leur intimité, à la confidentialité. « Ce qui n’est pas toujours le cas lors du traitement d’information des cas de violences basées sur le genre », se désole Mme Seck.
De ce fait, la journaliste Mariam Selly Kane, panéliste, estime qu’il faut que les écoles de formation en journalisme intègre le journalisme sensible au genre dans la formation des journalistes. Car, fait-t-elle noter, le traitement de l’information relative aux violences basées sur le genre, notamment pour ce qui est des cas de viol, peut-être plus blessant pour la victime que la dénonciation de la personne qui leur a fait subir cela. «Au point que beaucoup de victimes ont même tendance à renoncer à dénoncer à cause de cette exposition. Il faut que les médias soient un peu plus sensibilisés à ce phénomène», relève la journaliste. Egalement présent, le Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l'information et de la Communication, Bamba Kassé, pense que le problème provient de la formation des journalistes. Toutefois, il a invité les différentes panélistes à ne pas tomber dans l’amalgame.
UNE STRATÉGIE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT DE LA MICROFINANCE EN GESTATION
La ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, Zahra Iyane Thiam, a annoncé samedi l’adoption prochaine d’une stratégie nationale destinée à renforcer l’efficacité du Fonds national de la microfinance
Dakar, 14 Nov (APS) - La ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, Zahra Iyane Thiam, a annoncé samedi l’adoption prochaine d’une stratégie nationale destinée à renforcer l’efficacité du Fonds national de la microfinance (FONAMIF), récemment mis en place dans son département, a appris l’APS.
Elle a fait cette annonce à la cérémonie d’ouverture de l’assemblée générale annuelle de l’Association professionnelle des services financiers décentralisés au Sénégal (AP/SFD).
Le FONAMIF, appelé à être doté d’un volet financier et d’une assistance technique, illustre l’importance que ’’l’Etat du Sénégal accorde au secteur de la microfinance, un secteur névralgique pour une inclusion financière et une économie solidaire’’, a expliqué la ministre.
Elle a souligné que ce fonds constitue un instrument financier sur lequel son département fonde beaucoup d’espoir pour apporter des réponses adaptées au besoin de financement des bénéficiaires notamment en zones rurales.
’’Ce document de stratégie nationale devrait permettre d’identifier les besoins de financement afin d’accéder facilement à des crédits pour les bénéficiaires’’, a indiqué Mme Thiam.
Elle a par ailleurs invité les professionnels des SFD à davantage travailler pour une ’’modernisation des services financiers décentralisés afin d’assurer une meilleure sécurisation de l’épargne publique.’’
Zahra Iyane Thiam a également insisté sur la nécessité d’adopter de nouveaux ’’mécanismes’’ pouvant permettre d’assurer une amélioration des procédés de recouvrement et des services et la protection des données personnelles.
Cette assemblée générale à l’issue de laquelle une nouvelle équipe dirigeante de l’AP/SFD sera mise en place a été l’occasion d’inviter les professionnels des services financiers décentralisés, une directive de l’UEMOA depuis 2007, à se ’’réinventer’’ pour mieux faire face aux enjeux et défis du moment qui auront comme nom une économie digitalisée, l’ingénierie financière, entre autres.
Le président intérimaire de l’AP/SFD, Ousmane Thiongane, a, de son côté, plaidé pour la garantie de taux d’intérêt concessionnaire à travers les 100 milliards de FCFA mis à la disposition des SFD à travers le fonds force Covid-19 doté d’une enveloppe de 1000 milliards pour la relance de l’économie nationale.
Il a aussi appelé les SFD à un maillage du territoire national pour une meilleure prise en charge des besoins de financements des populations dans les régions.
UNE STATUE DE CHEIKH ANTA DIOP DÉVOILÉE À DAKAR
L’intellectuel a bouleversé la vision de l’Histoire africaine, en mettant l’accent sur l’apport de l’Afrique noire à la civilisation, notamment égyptienne. Sa statue est désormais érigée devant l’université et sur l’avenue qui portent son nom
Au Sénégal, une nouvelle statue a été dévoilée au cœur de Dakar, mardi 3 novembre, celle de l’historien Cheikh Anta Diop, décédé en 1986. L’intellectuel a bouleversé la vision de l’Histoire africaine, en mettant l’accent sur l’apport de l’Afrique noire à la civilisation, notamment égyptienne. Sa statue est désormais érigée devant l’université et sur l’avenue qui portent son nom.
C’est une statue en bronze, de deux mètres de haut. Cheikh Anta Diop, en costume cravate, lunettes, le bras droit levé, en face de la grande porte de l’université d’où sort tout juste Hapsa Thiam. Pour cette étudiante en histoire, c’est tout un symbole : « C’est une fierté d’avoir un leader, Cheikh Anta Diop, qui nous a permis vraiment de regarder plus loin, surtout sur la science. Je suis contente. »
Un emplacement choisi avec soin
L’initiative a été lancée par le directeur sortant du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), qui vient d’entrer au gouvernement. Et le rond-point où est érigée la statue n’a pas été choisi au hasard. « Entre étudiants et forces de l’ordre, à chaque fois qu’il y avait des remous, c’était lié au rond-point où les jets de pierre se faisaient. Nous avons pensé mettre là-bas la statue de Cheikh Anta pour dissuader les uns et les autres de jeter des pierres », explique Mansour Ndoye, chef du département des services techniques du campus.
EXCLUSIF SENEPLUS -Tout ce qui tend à vous figer dans le passé est mauvais – La non transmission du savoir et l’absence de sa démocratisation est source de régression - S’insurger contre les tentatives de repli identitaire – Dépasser la conscience tribale
Les chercheurs qui étudient minutieusement la production intellectuelle de Cheikh Anta Diop savent qu’on ne peut pas prendre prétexte de ses écrits ou de ses dires pour injurier, manifester du racisme et appeler à la division des Africains sur une base ethnique ou confessionnelle. Le rappeler est toujours utile, surtout en ces moments où des « forces obscures » malveillantes, tentent de semer des graines de haine et de dissension dans des consciences africaines non encore bien formées.
Produit d’une éducation qui accorde une place importante à la rectitude morale et à la bonne conduite, Diop abhorrait les injures. Il avait l’habitude de dire que la rigueur n’est ni la grossièreté ni la trivialité : « Dëgg boo ko booleek saaga day wàññi doole ja » (une vérité devient fragile si elle est injurieuse). Son œuvre est également une offensive résolue et constante contre le racisme d’où qu’il vienne - Orient, Occident, Afrique - et sous toutes ses formes : scientifique, culturelle, institutionnelle, etc. Il a sa vie durant, travaillé à démontrer l’unité de l’espèce humaine. Une humanité qui a une origine monogénétique africaine. Une thèse aujourd’hui largement confirmée par la science et qu’il a opposée avec force arguments aux théories polycentristes qui faisaient rage à son époque. Pour lui, nous devons tous aspirer « au triomphe de la notion d’espèce humaine dans les esprits et dans les consciences, de sorte que l’histoire particulière de telle ou telle race s’efface devant celle de l’homme tout court. » Ce préalable effectué nous permettra alors, comme il le disait, de « décrire, en termes généraux qui ne tiendront plus compte des singularités accidentelles devenues sans intérêt, les étapes significatives de la conquête : de la civilisation par l’homme, par l’espèce humaine tout entière ».
L’allié le plus sûr de l’Africain, qui doit clouer au pilori tout interlocuteur malveillant, est la quête permanente du savoir mise au service d’une lutte constante pour la libération de toutes les énergies créatrices des peuples du continent. L’Africain doit simplement, écrivait Cheikh Anta Diop, « être capable de ressaisir la continuité de son passé historique national, de tirer de celui-ci le bénéfice moral nécessaire pour reconquérir sa place dans le monde moderne, sans verser dans les excès d'un nazisme à rebours ». En 1981, Diop fait une communication intitulée « L’unité d’origine de l'espèce humaine » au colloque organisé par l’Unesco sur le thème « Racisme, science et pseudo-science » où il rappelle ce qui doit être l’objectif ultime, à savoir « rééduquer notre perception de l'être humain, pour qu’elle se détache de l'apparence raciale et se polarise sur l’humain débarrassé de toutes coordonnées ethniques. » Son ancien camarade, Secrétaire général adjoint de son parti, Dr Moustapha Diallo, qui a eu le privilège d'assister à ses derniers instants sur terre, a rappelé, après son décès, son désir profond qui était de « redonner à l'Humanité plongée dans l'égoïsme et la vanité, le sens de l’amour qui l'animait à un niveau rarement atteint ».
Diop n’a jamais incité au racisme envers les Blancs, les Jaunes, les Sémites, etc. L’État fédéral d’Afrique qu’il a appelé de ses vœux doit englober toutes les parties du continent y compris l’Afrique du Nord, une fois que nous aurons éliminé, disait-il, les difficultés de nature subjective - c'est-à-dire savoir si les Africains du Nord et Subsahariens veulent réellement se fédérer, et les difficultés de nature objective, à savoir la nature égoïste de certains régimes politiques terrifiés à l'idée d'un État continental. Il a d’ailleurs participé au Colloque afro-arabe sur la libération et le développement de 1976 à Khartoum au Soudan et, en 1978, il évoque, dans son journal politique, les liens de parenté très anciens entre Arabe et Noir – le premier est un métis du second – et la « dynamique unitaire » qui doit prévaloir sur les préjugés hérités de l’Histoire : « J’ai montré dans « Nations nègres » et dans « Antériorité des civilisations noires », toute la parenté biologique et culturelle entre l’Arabe et l’Africain noir, parenté très ancienne qui remonte à la fin du Vème millénaire av. J.C. et au début du IVème siècle, à la naissance du monde sémitique. J'ai approfondi la même idée dans « Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues africaines », dans le cadre d'un chapitre intitulé « Processus de sémitisation ». Cette parente antérieure à l’Islam et qui rejette aujourd'hui à l'arrière-plan de la vie sociale tous les préjugés hérités de l'histoire des derniers siècles, réapparaîtra un jour au premier plan et est un facteur non négligeable dans une dynamique unitaire du continent. À ces raisons historiques s'ajoutent donc des raisons présentes qui tiennent à la nature complémentaire de nos économies dans la perspective d'un épuisement prochain des hydrocarbures terrestres. »
Réprouvant toute injustice, il a également appelé au soutien de tous les mouvements de libération dans le monde (Vietnam, Algérie, Guinée, etc.) en lutte contre l’impérialisme. Un soutien qui figure en bonne place dans le programme du Front National Sénégalais (FNS) de 1964 et dans celui du Rassemblement National Démocratique (RND) de 1976. Cheikh Anta Diop s’est aussi insurgé contre les tentatives de repli identitaire, ethnique, des uns pour l'exclusion politique des autres. Dans un entretien accordé en 1976 à Carlos Moore, il déplore toute instrumentalisation de l’ethnie à des fins politiques en Afrique : « Personnellement, dit-il, si on me donnait le choix d’organiser un parti politique selon des critères ethniques ou de rester complètement à l’écart de la politique, je n’hésiterais pas à choisir ce dernier. Partout où cela se fait en Afrique, je considère que c'est une erreur. Il est possible que certains pays en soient encore à ce stade. Cependant, j'espère que tout sera fait pour dépasser cette étape le plus rapidement possible car rien de positif ne peut en résulter. » Dans son ouvrage Antériorité des civilisations nègres, il insiste sur l’importance du « passage de la conscience tribale à la conscience nationale, partout où cela est nécessaire, en Afrique », et le 22 juin 1977, en conférence de presse, il se démarque de toute affiliation ethnocentriste et affirme, en sa qualité de Premier Secrétaire Général de son parti, que « le R.N.D. n'est pas le parti de telle ou telle communauté. C'est le parti des masses sénégalaises ».
En ce qui concerne la religion, certaines personnes qui se réclament de lui aujourd’hui, aux desseins obscurs et animées par un esprit de dissension, pervertissent ses propos et les utilisent pour dénigrer la foi d’honnêtes gens. Comme pour l’ethnie, Cheikh Anta Diop invite toujours au respect de la liberté religieuse et au dépassement des clivages pour se conformer au seul but qui doit unir : la libération du continent africain. Il considère la foi religieuse comme une question délicate car engageant la « personnalité entière » de l’individu. Au moment où les pays africains s’acheminaient, sans véritable élan unitaire, vers le recouvrement de leur liberté confisquée, il a appelé à une cessation de toute critique religieuse, génératrice de colère et de rancœur : « Tout Africain sérieux qui veut être efficace dans son pays à l'heure actuelle évitera de se livrer à des critiques religieuses ». Propos inscrits dans son livre Nations nègres et culture, où il indique également que son œuvre « ne fait aucune allusion à la véracité de la religion musulmane ou chrétienne » et qu’il serait malhonnête de le lire « avec l’intention secrète d’y trouver un seul mot permettant de le jeter en criant au blasphème ». De même, quand il invite à renouveler l’expérience menée par Alain René sur le christianisme, il précise que c’est « non dans un but critique ou de dénigrement, mais pour mieux mettre en évidence les racines égyptiennes des religions révélées, et du christianisme en particulier ».
Pour Diop, l’Afrique se fera avec tous ses enfants, qu’ils soient adhérents des religions dites révélées ou adeptes des croyances traditionnelles. En 1952, au moment où peu d’Africains avaient osé parler d’indépendance, il invite dans son article « Vers une idéologie politique africaine » tous les fils d’Afrique sans distinction de religion, « depuis le citadin…jusqu’au paysan, depuis le Musulman jusqu’au Chrétien en passant par les disciples des religions paléonigritiques », à réaliser l’indépendance véritable. Celle-ci revêt, selon lui, « un but sacré, même du point de vue religieux : lutter pour l’atteindre est conforme à l’enseignement du Coran, du Christianisme et au progrès de l’humanité ». C’est d’ailleurs dans un souci de respect des croyances, qu’il est marqué au point 7 du programme de son parti rédigé en 1976, l’importance de « garantir en particulier la liberté religieuse et interdire de l’État toute immixtion dans la vie intérieure des cultes ».
Ayant grandi dans un milieu pieux, ses relations avec les dignitaires religieux étaient empreintes de déférence. Au début des années 50, en marge de son initiative pour le reboisement, il rencontre quasiment tous les grands religieux du Sénégal. L’allocution pointue sur l’importance de l’environnement et sur les dangers de la sécheresse faite devant le khalife Serigne Babacar Sy de Tivaouane et ses fils, marque les esprits par le haut degré d’érudition démontré. Cheikh Anta Diop écrira plus tard dans son ouvrage l’Afrique noire précoloniale que le marabout Cheikh Tidiane Sy, présent à cette rencontre, est un des « plus versés dans le domaine des connaissances ». Il rend visite également au religieux Serigne Bassirou Mbacké, père de l’actuel khalife des Mourides, et mentionne qu’il est « selon toutes probabilités, le marabout le plus initié aux mouvements scientifiques modernes. Il ressortait de notre conversation de l'été 1950 que le domaine de la physique atomique ne lui est pas étranger. » Que dire de sa relation avec le marabout Cheikh Mbacké dont son fils-aîné porte le nom ? En plus d’être son cousin, ce dernier a été un soutien précieux, financier et moral dans les périodes de vaches maigres, notamment quand, du fait de ses activités politiques en France, on lui coupe sa bourse d’études. Lorsque Cheikh Mbacké quitte ce monde, le 11 mars 1978, le journal Taxaw du RND, lui rend un hommage vibrant. C’est également un Taxaw « ému » qui annonce les condoléances attristées de Cheikh Anta Diop et de ses partisans, lors du décès, le 6 août 1978, du « Guide spirituel » des Chrétiens, Paul VI. Diop était donc un humaniste respectueux des croyances et dont le maître mot était « unité », à tel point que le vocable wolof « Jàppoo » (se prendre par la main, être uni) figure dans la devise de son parti politique.
Son humanisme n’est cependant pas naïf. Son souhait, c’est de voir éclore, au-delà même de l’Afrique, « l’ère d’une humanité véritable », mais il sait intimement que certains États et individus malveillants cherchent constamment à « effacer » d’autres de la planète. Nous ne sommes pas encore, dit-il, à l’aube de la socialisation des consciences humaines à l’échelle de la planète, car « bien des forces obscures existent encore, très vigoureuses, il faudra encore longtemps compter avec elles. Plus que jamais il faut être vigilant ». Un minimum de précautions est donc nécessaire, « jusqu’à ce que tout le monde joue le même jeu ».
Ces forces obscures opèrent même sur le terrain religieux. Diop, en géopoliticien averti, invite les Africains à se méfier de ces États qui, sous le prétexte de la religion, cherchent en réalité, à être influents politiquement, culturellement et économiquement en Afrique. En 1955, dans son article « Alerte sous les tropiques », il met en garde contre ces « puissances » qui considèrent l’Afrique comme leur terrain d’expansion en ayant recours à la religion et à des intermédiaires religieux. Il s’agit pour les Africains de scruter clairement les intentions des uns et des autres et de mettre à nu les « ambitions expansionnistes masquées grotesquement sous un voile religieux ». Les événements lui donnent raison. Les rivalités religieuses et les logiques d’influence de beaucoup d’États se jouent aujourd’hui en Afrique.
Certains esprits non avertis tentent également de fossiliser la pensée de Cheikh Anta Diop en en faisant une sorte de nostalgie d’un passé figé à un stade semi-ethnographique. Il aurait appelé, disent-ils, à revivre le passé, à retourner même à la religion d’Osiris. Rien n’est plus éloigné de sa pensée. Il avait mis en garde contre ceux qui se satisfont béatement des réalisations de l’Égypte ancienne. Aux jeunes qui l’écoutent lors de la conférence de Niamey de 1984, il alerte contre la fausse compréhension qu’ils peuvent avoir de son œuvre. Tout ce qui tend à vous figer dans le passé est mauvais, leur dit-il. Mon attitude, répétait-il au cours de la conférence, n’est pas une attitude passéiste de quelqu’un qui se délecte du passé. Toute mon activité est tendue vers l’avenir. En mettant la référence sur le passé glorieux, Diop veut simplement indiquer la continuité historique de l’Afrique longtemps niée et l’importance du sentiment commun d'appartenance au même passé culturel et historique qui doit permettre d’assurer la cohésion des Africains. Une fois cet objectif atteint, il deviendrait difficile d’opposer les communautés les unes aux autres. Diop sait en effet que « sans la conscience historique les peuples ne peuvent pas être appelés à̀ de grandes destinées ». Il n’évoque donc le passé que pour mieux situer les Africains dans le futur et non pour les inviter à un retour vers des valeurs pétrifiées : « Loin d’être une délectation sur le passé, un regard vers l’Égypte antique est la meilleure façon de concevoir et bâtir notre futur culturel ».
Une des grandes leçons de l’Histoire, c’est qu’une civilisation qui ne considère que les parties mortes de son passé régresse. Le fait par exemple de ne pas avoir démocratisé le système traditionnel de transmission des connaissances par l’initiation, a été, nous dit Cheikh Anta Diop, une des causes de la régression de l’Égypte. Ce mode initiatique de transmission du savoir constituait à la longue un obstacle du fait qu’il n’était pas diffusé à l’échelle du peuple. C’est une « science gardée jalousement » constate Diop, et qui « n’a jamais pénétré profondément l’esprit du peuple qui recevait un enseignement exotérique ». La raison en est précisément que le savoir « était si précieux aux yeux du prêtre égyptien qu’il préférait le garder et l’étendre seulement à quelques individus privilégiés, plutôt que d’agir comme son disciple grec et de le répandre à l’échelle du peuple pour se faire un nom ». Le succès des Grecs a été de démocratiser le savoir en créant le Lycée et l’Académie. Mais, il n’en était pas toujours ainsi en Grèce antique. Historien des civilisations, Diop analyse la situation de cette partie du monde et observe que le fait de se replier sur des valeurs ancestrales déclinantes y a constitué un facteur bloquant à un moment donné. Il a fallu l’influence heureuse de l’Égypte ancienne pour que les Grecs bâtissent enfin un véritable État : « Le culte des ancêtres aidant, avant d’avoir subi l’influence méridionale, celle de l’Égypte en particulier, les Indo-Européens n’ont pu s’élever à la conception d’un État territorial, groupant plusieurs cités. Leurs croyances religieuses (culte des ancêtres) s’y opposaient. » La même analyse est faite pour l’Afrique noire. Diop constate qu’à un moment donné de l’histoire, les cultes ancestraux se sont sclérosés et ont perdu de leur dynamisme. Il a fallu l’apport d’éléments externes pour qu’un souffle nouveau jaillisse des esprits : « Les religions africaines, plus ou moins oubliées, se sclérosaient, se vidaient de leur contenu spirituel, de leur ancienne métaphysique profonde. Le fatras des formes vides qui en restaient n’était plus de taille à rivaliser avec l’islam sur le plan moral ou rationnel. C’est sur ce dernier plan de la rationalité que la victoire de l’Islam fut éclatante ». Cette libération de la rationalité s’est manifestée, remarque Diop, chez quelqu’un comme Dan Fodio : « Le besoin impérieux de rationalité reflété par les écrits de Dan Fodio était désormais mieux satisfait par l'Islam que par les cultes traditionnels agonisants ». Si cet apport extérieur a prohibé le culte des images, poussant certains, notamment au Soudan, à renier de grandes réalisations du passé, il a néanmoins conduit à des expérimentations nouvelles en mécanique et en thermodynamique notamment au Sénégal, au sein de l’École de Guédé où on « s’intéressa, écrit Diop, aux mathématiques, à la mécanique appliquée, à certains problèmes de thermodynamique (machine à vapeur) et surtout à la mesure exacte du temps, quel que soit l’état du ciel, cette dernière étant liée à la nécessité de prier à l’heure exacte. Cette école, dans les années 30, était en passe de créer un courant scientifique de la même qualité que celui de la Renaissance, à partir d’une documentation strictement arabe, sans influence directe de l’Europe. »
Toutefois, une imbrication des traditions est toujours à l’œuvre, qui débouche sur quelque chose d’inédit. Le monde invisible de l’islam, écrit-il, « se retrouve sous des formes différentes, dans les croyances de l’Africain, au point que celui-ci se sent tout à fait à l’aise dans l’Islam. Certains, même, n’ont pas l’impression d’avoir changé d’horizon métaphysique. » Cette imbrication de traditions confère un sentiment de continuité historique. Ainsi, pour l’Africain de l’empire du Mali ou celui d’Axoum, qui a su bien adapter les apports extérieurs, islam et christianisme ne sont pas vécus comme des éléments exogènes. Africanisées, ces croyances sont intégrées au substrat culturel. Diop le perçoit bien lorsqu’il analyse la situation de l’islam dans les empires médiévaux africains : « Bien avant la colonisation, l’Afrique Noire avait donc accédé à la civilisation. On peut rétorquer que ces foyers de civilisation, pour la plupart, étaient influencés par l’Islam et que ceci n’a rien d’original, de spécifiquement africain. Tous les développements qui précèdent permettent de faire la part des choses. Au surplus l’accent a déjà été mis sur le fait que l’Europe chrétienne n’était pas, à l’époque, plus originale que l’Afrique Noire musulmane ; le latin est resté, jusqu’au XIXe siècle, la langue de la science. »
S’il en est ainsi, c’est que l’historien des civilisations, conscient de l’évolution des choses, sait que le monde est un lieu de production constante de la nouveauté. C’est une réalité continue qui révèle les potentialités des choses. Il est ouvert et est doté d’un caractère créateur. Tout donc n’est pas déjà donné et le futur n’est pas quelque chose de fixé. Il est au contraire libre possibilité. Dans un monde clos, pétrifié, il n’y a pas de place pour la nouveauté et l’initiative : « La nature, écrit Diop, ne passe jamais deux fois par le même point dans son évolution...La nature ne revient pas en arrière pour créer deux fois ou trois fois l’homme ». Elle crée toujours du nouveau. De même, un peuple va de l’avant par intégration d’éléments nouveaux qu’il adapte et qui consolident son être. Pour Cheikh Anta Diop, la fidélité au passé ne consiste pas à reproduire les mêmes choses continuellement et cycliquement, mais à créer des nouvelles, adaptées aux circonstances du moment. Le modernisme, c’est l’intégration d’éléments nouveaux pour, dit-il, « se mettre au niveau des autres peuples, mais qui dit « Intégration d’éléments nouveaux » suppose un milieu intégrant lequel est la société reposant sur un passé, non pas sur sa partie morte, mais sur la partie vivante et forte d’un passé suffisamment étudié pour que tout peuple puisse se reconnaître. » Diop donne l'exemple du bicaméralisme instauré par le royaume de Dahomey et dans lequel femmes et hommes étaient dotés de pouvoirs politiques dans une saine complémentarité. Il nous dit que la seule manière pour nous d'être fidèles à cette tradition, c'est de la restaurer sous des formes nouvelles. La fidélité donc pour lui ne consiste ni à imiter ni à reproduire la même chose, mais à la recomposer en une forme nouvelle, car, écrit-il, en « restaurant [le bicaméralisme] sous une forme moderne, nous restons fidèles au passé démocratique et profondément humain de nos aïeux ». En clair : être fidèle aux ancêtres, c’est créer du nouveau.
Évidemment, une telle conception suppose un monde dynamique et ouvert qui fait du temps un élément très important. S’il apporte la mort (les civilisations meurent, la régression historique est une réalité), le temps est aussi source de création. Il révèle les possibilités cachées de toutes choses. Le temps est le grand créateur, le grand constructeur. Il est indispensable à la réalisation de toutes choses. Aucune croyance ne doit nous ankyloser dans le temps. Diop affirme que l’Africain qui l’a vraiment compris devient un vrai créateur, un Prométhée conscient de son héritage, un acteur porté vers le futur et qui comprend qu’« on ne saurait échapper aux nécessités du moment historique auquel on appartient ». Ce besoin de nouveauté fait que Diop utilise tout au long de sa production intellectuelle des termes et expressions tels que « adapté aux circonstances », « recréer », « rénover », « mieux adapté », « révolution culturelle », « civilisation nouvelle », « rénovation culturelle », etc. Même lorsqu’il propose de donner, légitimement, à des fins de « coexistence pacifique dans le domaine délicat de la religion », les mêmes « armes aux tenants de la religion ancestrale », au cas où les autres grandes religions se transformeraient en volonté d’orientalisation et d’occidentalisation définitive du continent africain, il ajoute aussitôt après que les prêtres doivent toutefois s’employer à créer une « liturgie mieux adaptée » et procéder à un « approfondissement » du dogme ancestral. Il ne demande jamais de reprendre telle quelle une pratique héritée du passé. Diop est contre tout immobilisme car il sait que l’être humain est capable de métamorphoses. À ceux qui seraient tentés de croire que les valeurs même reçues de l’extérieur ont tout apporté une fois pour toutes, il répond que nous ne sommes nullement condamnés à demeurer dans notre état actuel. Interrogé sur l’islam au Sénégal en 1978 dans le magazine Afrique Asie (numéro 155), il affirme que cette religion « est une force qui n'a pas fini de développer toutes ses virtualités, en Afrique noire surtout ». Diop sait en effet qu’en notre sein dorment des potentialités insoupçonnées qui attendent d'être réalisées. Il faut « réveiller le colosse qui dort dans la conscience de chaque Africain ». Les Africains, martelait-il, « doivent sortir de la léthargie, de la somnolence intellectuelle ». Le temps permet à l’homme d’atteindre « son niveau humain véritable, spécifique » en le poussant à réaliser « toutes les possibilités qu’il porte en lui ». À l'échelle des peuples, le temps permet d'effectuer un « saut qualitatif » au cours de l’Histoire. Dès qu’un peuple se libère de ses chaînes, il s'ouvre à une ère de libération. Les pesanteurs ont ceci de particulier quelles instaurent « un manque de confiance en soi et en ses propres possibilités ».
Diop n’invite donc pas au statisme. Il se projette constamment dans le futur quand il analyse la situation africaine dans le domaine des croyances, de l’économie, de la géopolitique, de la recherche scientifique, de l’alimentation, etc. « Faisons une projection dans le proche avenir et demandons-nous quelle sera la physionomie énergétique du monde, dans 30 à 40 ans, aux confins des années 2010 à 2020 », s’interrogeait-il en 1985 pour entrevoir toutes les possibilités à prendre en compte dans domaine de l’énergie. L’Afrique, disait-il, « peut redevenir un centre d’initiatives et de décisions scientifiques au lieu de croire qu’elle est abandonnée à rester l’appendice, le champ d’expansion économique des pays développés ». Il ne propose donc pas une pensée fossilisée, pétrifiée, qui ne fait pas de place à la nouveauté. C’est une pensée vivante, antiraciste, respectueuse de la liberté religieuse, de la coexistence pacifique entre les croyances et qui tient compte de l’évolution des choses. Ses écrits sont traversés de part en part par une tension constante vers le futur. L’Africain qui l’a compris est celui qui est certes « conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral », mais qui, ayant puisé dans l’héritage intellectuel commun de l’humanité en ne se laissant guider que par les notions d’utilité et d’efficacité, est tendu vers le futur, devient créateur et se retrouve « porteur d'une nouvelle civilisation ». Il existe deux philosophies politiques, ne cessait-il de rappeler, « il y a les peuples ancrés, vautrés dans le présent, le moment fugitif, et les peuples tendus vers le futur pour lesquels tout instant présent est déjà tombé dans le passé. Ceux-ci ont toujours dominé ceux-là dans les temps modernes. Il est temps de vivre le futur pour mieux organiser le présent ».