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22 novembre 2024
Cheikh Anta Diop
MACKY OU LA SOLITUDE D’UN AUTOCRATE
POINT DE MIRE SENEPLUS - Boubacar Boris Diop est plus pessimiste qu'optimiste. Il craint l'arabisation de la société sénégalaise. Il estime qu'en cas de référendum sur l'application de la charia, la majorité des Sénégalais voteraient en faveur
Dans une interview parue le 6 juin 2023 dans le journal espagnol El Pais, l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop a exprimé ses vues sur les protestations actuelles au Sénégal, la politique française en Afrique, et le sentiment anti-français.
Selon Diop, les manifestations actuelles au Sénégal, qui ont entraîné 16 décès, 357 blessures et 500 arrestations, sont la conséquence des dérives autoritaires d'un gouvernement "en panique". Il critique également l'intervention militaire française au Mali, arguant que l'histoire des djihadistes avançant sur Bamako était fausse et que la politique française en Afrique est archaïque et vouée à l'échec.
En ce qui concerne le sentiment anti-français en Afrique, Boris Diop voit un changement de génération qui remet en question son rapport au monde. Il parle des "sauvages des réseaux sociaux", des jeunes qui ne lisent pas les journaux, mais qui partagent leurs opinions entre eux. Selon lui, l'Occident a perdu sa crédibilité en raison de la guerre en Irak, du chaos en Syrie, etc., et le processus d'éloignement de l'Afrique est irréversible.
En ce qui concerne les coups d'État militaires en Afrique, Diop exprime son admiration pour Assimi Goita et la junte militaire au Mali, ainsi que pour Ibrahim Traoré au Burkina Faso. Il affirme qu'il faut soutenir les gens vertueux qui aiment leur pays et sont attachés à son indépendance, même s'ils sont militaires.
Diop souligne que la décolonisation effective est en cours, mais elle est diffuse et se heurte à la résistance de certains pays tels que le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Tchad.
L'éditorialiste de SenePlus, Boubacar Boris Diop, reconnu comme l'un des plus grands écrivains africains critique fortement l'intervention militaire française en Afrique et l'influence politique de la France sur le continent. Il accuse la France de ne jamais avoir voulu réellement décoloniser l'Afrique et d'employer une stratégie politique archaïque. Diop remarque que le sentiment anti-français est plus répandu que jamais en Afrique de l'Ouest.
Il aborde aussi la montée du djihadisme en Afrique, affirmant que ce phénomène est lié à la corruption et aux dérives autoritaires des gouvernements actuels. Il évoque notamment la situation au Sénégal, où des manifestations ont récemment fait 16 morts, 357 blessés et entraîné 500 arrestations. Selon lui, ces troubles sont le résultat direct des dérives autoritaires d'un gouvernement en panique.
Quant à la question de la liberté de la presse en Afrique, Diop estime que cette préoccupation n'est pas une priorité pour la majorité des Africains, dont beaucoup luttent simplement pour survivre. Il souligne également que le Rwanda, un pays qui n'est pas exactement une démocratie, est actuellement le plus performant en Afrique.
L'écrivain note également l'importance de la Russie dans l'histoire de la libération de l'Afrique et critique les tentatives occidentales de diaboliser la Russie sur le continent. Selon lui, la mémoire collective africaine reconnaît le rôle significatif des Russes dans leurs luttes de libération. Il mentionne également le rôle des mercenaires du groupe Wagner, notant que la pratique de recourir à des mercenaires n'est pas nouvelle.
Quant à l'avenir de l'Afrique, Boris Diop est plus pessimiste qu'optimiste. Il craint l'arabisation de la société sénégalaise et une orientation vers un "salafisme modéré", en lien avec la religion musulmane. Il estime qu'en cas de référendum sur l'application de la charia, la majorité des Sénégalais voteraient en faveur. Selon lui, la laïcité est en déclin et défendre cette valeur peut conduire à être accusé d'athéisme ou d'être proche des Blancs.
LE DEMARRAGE DU DIALOGUE NATIONAL ET LE VERDICT ATTENDU DU PROCES SONKO A LA UNE DE LA REVUE DE PRESSE DE L'APS CE JEUDI
Les quotidiens parus ce jeudi1 juin 2023 traitent du démarrage du dialogue national initié par le président Macky Sall et l'attente du verdict du procès pour « viols et menaces de mort » présumés de l’opposant Ousmane Sonko.
Dakar, 1er juin (APS) – Le démarrage du dialogue national initié par le président Macky Sall est au menu des quotidiens parvenus jeudi à l’APS, alors que le pays est dans l’attente du verdict du procès pour « viols et menaces de mort » présumés de l’opposant Ousmane Sonko.
Le quotidien Enquête rapporte que ce dialogue auquel plusieurs partis de l’opposition ont décidé de ne pas participer, s’est ouvert la veille au palais de la République, dans une salle des banquets bien remplie par des représentants des partis politiques, des autorités coutumières et religieuses, des acteurs économiques.
Selon L’As, « toutes les forces vives de la nation ont répondu à l’appel du chef de l’Etat de discuter, autour d’une table, du devenir de notre pays ». « Un nouveau départ ! », titre à ce sujet ce journal, enthousiasmé. Le quotidien Yoor-Yoor résume sa vision de ce dialogue à travers une manchette qui a l’avantage d’être tranchée : « Macky Sall et +le système+ pactisent pour liquider [Ousmane] Sonko ».
Des figures politiques bien connues, « anciens ténors du PDS et du PS encore vivants, se sont retrouvés […] à la salle des banquets du palais de la République, en toute complicité, pour parler de +dialogue+ et de l’avenir d’un pays pourtant très jeune et terriblement pauvre et endetté », relève ce journal, avant d’ajouter que « la grande majorité des partisans du deal ne rêve que [de] l’exclusion définitive du leader de Pastef-Les Patriotes du jeu politique sénégalais ».
Le quotidien Le Soleil conteste cette vision des choses en citant le président Macky Sall, selon lequel « tous les sujets seront abordés, sans question tabou », mais il assure dans le même temps que ces concertations ne seront pas « un lieu pour faire des deals ».
« Macky 100 concessions », selon le journal Le Quotidien. « Tous les sujets peuvent être débattus lors du dialogue, mais le président Macky Sall ne compte pas rester zen face aux tentatives de déstabilisation du pays et de ses institutions », écrit le journal. Le chef de l’Etat « s’est dit ouvert à la discussion sur son mandat, sujet qu’il avait jusque-là interdit d’évoquer », indique le journal.
« Mais il ne veut pas non plus faire l’objet de pression, assurant que l’Etat ne va pas +démissionner devant sa mission régalienne de protéger la nation », ajoute Le Quotidien. « un dialogue sans tabou ! », donc, s’exclame le quotidien Enquête, selon lequel le président Macky Sall « est prêt à renoncer au 3e mandat, si on le lui demande +gentiment+ ».
« Macky Sall dégage les grands axes »d’un dialogue démarré « sans les représentants de la plateforme F 24 et de la coalition Yewwi Askan Wi » de l’opposition, note Sud Quotidien, en référence aux partis politiques et structures de la société civile qui sont vent debout contre un éventuel troisième mandat du président sortant.
Bès Bi Le Jour fait observer que la question du troisième mandat « était sur toutes les lèvres », au lancement de ce dialogue « dans une ambiance de retrouvailles […] ». Vox Populi et Le Témoin quotidien insistent pour dire que ce dialogue promet des discussions sans tabou, y compris sur la question du troisième mandat. Le premier de ces deux quotidiens donne confirmation de cela en rapportant les déclarations du président Sall : « Le mandat, si vous le voulez, demandez-le et je vous dis, prenez-le si vous voulez. Mais dans le respect ».
Concernant les violences et les contestations principalement liées aux affaires politico-judiciaires, « Macky Sall jure que l’Etat restera debout », affiche le quotidien Kritik’. « L’Etat est et restera debout, pour protéger la nation, la République et ses institutions », assène-t-il dans des propos rapportés à sa une par le quotidien Le Mandat.
Le verdict très attendu du procès de l’opposant Ousmane Sonko, accusés de »viols et de menaces de mort » par une ancienne masseuse, est l’autre sujet dominant de l’actualité. « Jour de vérité pour Ousmane Sonko », affiche par exemple Les Echos. « Sonko, sweet et fin ? », se demande L’Observateur, lequel signale que la chambre criminelle de Dakar va rendre sa décision ce jeudi 1er juin dans cette affaire.
Il rappelle que lors du procès tenu le 23 mai dernier, le procureur « avait requis 10 ans de réclusion criminelle contre Ousmane Sonko, accusé de viol par Adji Sarr. Mais il avait aussi demandé, à titre subsidiaire, une requalification en corruption de la jeunesse, avant de réclamer cinq ans ». Walfquotidien fait observer que le maire de Ziguinchor « risque gros au cas où il serait reconnu coupable » de ces chefs d’accusations, jusqu’à une peine de prison comprise entre 10 et 20 ans, précise Walfadjri. Sans compter que sa participation à la prochaine présidentielle pourrait être hypothéquée.
par Boubacar Boris Diop
LE SÉNÉGAL ENTRE CHEIKH ANTA DIOP ET SENGHOR
Que deux personnalités d´une telle envergure et si radicalement différentes aient émergé au sein d´une même nation, en dit beaucoup sur l'ambiguïté de celle-ci. C´est également un problème et il faut oser l´affronter
L´année à venir ne sera pas, pour le Sénégal, tout à fait pareille aux autres. Le pays va en effet célébrer en février 2006 le vingtième anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop et en octobre le centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor. Tout le pays s´y prépare déjà. Ce sera l´occasion pour chacun de se rendre compte à quel point la rivalité entre ces deux grandes figures reste vivace, même après leur disparition. Personne ne redoute certes une guerre civile mais il y a déjà pourtant comme de l´électricité dans l´air. De fait, l´enjeu est de taille : une nation tout entière va faire le point sur son aventure intellectuelle au vingtième siècle, symbolisée de façon significative par l´homme de science et le poète.
Il faut souligner par ailleurs que leurs divergences philosophiques se sont doublées d´une adversité politique aussi forte qu´active. Premier président du Sénégal, Senghor a toujours eu en face de lui un irréductible opposant en la personne de Cheikh Anta Diop. Les débats, voire les polémiques à venir, seront surtout intéressants par ce qu´ils vont révéler aux Sénégalais sur eux-mêmes.
Le destin semble avoir pris, dès l´origine, un malin plaisir à opposer les deux hommes. Si l´un est catholique et séeréer, le second est mouride et wolof. Force est pourtant de reconnaître que ces différences-là n´ont jamais été sérieusement prises en compte, ni par les intéressés ni par leurs partisans. On le sait : les Sénégalais aiment faire d´eux-mêmes un autoportrait plutôt flatteur. Cela agace à juste titre beaucoup de monde. Il est toutefois difficile de mettre en doute leur esprit de tolérance. Ce pays musulman à 95% a été dirigé pendant deux décennies – sous Senghor justement – par un catholique. Ses deux successeurs sont certes musulmans mais ils ont occupé le palais présidentiel avec leurs épouses catholiques et cela n´a jamais gêné personne.
L´absence de focalisation ethnique ou confessionnelle dans le long duel entre Diop et Senghor n´en étonne pas moins, car ils ont été, à certaines étapes de leurs parcours, de véritables ennemis. L´auteur de ´Nations nègres et culture´ a connu les rigueurs d´un mois de détention préventive à la prison de Diourbel durant l´hivernage 1962 et le ´système Senghor´ a essayé de contrer autant que possible, parfois par des manœuvres mesquines, la diffusion de sa pensée.
Il est vrai que celle-ci était l´exact opposé de la vision senghorienne du monde. Leurs divergences intellectuelles étaient aussi tout simplement liées à leurs cursus.
Même s´il a suivi à la Sorbonne une filière de sciences humaines, Cheikh Anta Diop est surtout un scientifique formé à Henri IV, puis plus tard auprès de Frédéric-Joliot Curie, en physique et en chimie nucléaires. Il reste d´ailleurs dans l´imagerie populaire africaine la figure même du savant, austère, désintéressé et sage. Quand il se demande dans un texte de 1975 ´Comment enraciner la science en Afrique noire´, Senghor s´était déjà rendu célèbre par une de ses formules les plus connues et les plus controversées : ´L´émotion est nègre comme la raison hellène´. Ancien de Louis-Le-Grand, agrégé de grammaire en 1935, Senghor se veut un humaniste plutôt hybride, du genre négro-latin. Prisonnier de guerre pendant deux ans, il stupéfie le gardien de son stalag qui le surprend en train de lire dans le texte les auteurs grecs et latins. La légende veut d´ailleurs que le soldat allemand se soit pris d´amitié pour Senghor à partir de ce moment et l´ait pris sous sa protection.
Les deux intellectuels sont également séparés par le fossé psychologique que l´on peut aisément pressentir entre l´homme de pouvoir et l´opposant. Senghor a conduit le Sénégal à l´indépendance en avril 1960 et en a été le premier chef d´État jusqu´en décembre 1981, date de son retrait volontaire du pouvoir. Il avait été auparavant, pendant plusieurs décennies, une des plus importantes personnalités politiques sénégalaises. Fondateur du Bloc Démocratique sénégalais dans les années cinquante, député au Palais-Bourbon et secrétaire d´État dans un gouvernement français dirigé par Edgar Faure, il avait su mener de pair, avec constance, son combat politique et de rudes batailles philosophiques.
Cheikh Anta Diop a, quant à lui, créé plusieurs partis politiques et le plus important d´entre eux a sans doute été, le 3 février 1976, le Rassemblement national démocratique. Il aurait été intéressant d´examiner en profondeur chacune de ces lignes de fracture. On s´en tiendra au seul aspect intellectuel. Au demeurant, ce n´est là qu´un artifice : les champs de conflits ne sont pas rigoureusement fermés les uns aux autres. Les lignes de clivage peuvent se frôler et s´estomper avant d´émerger inopinément de nouveau ailleurs, à la faveur de tel ou tel événement majeur.
Que reste-t-il aujourd´hui des héritages respectifs de Diop et Senghor dans la mémoire collective sénégalaise ? Lorsque Senghor se retire avec sagesse et panache du pouvoir en 1981, il n´est pas certain que ses administrés aient envie de le retenir. Son geste leur inspire respect et admiration mais sans doute se sentent-ils secrètement soulagés.
L´homme avait un côté père de la Nation, ni violent ni arrogant mais peut-être quelque peu abusif. Il avait été pendant si longtemps présent au-devant de la scène politique que son départ pouvait être vécu comme le début d´une nouvelle ère. Son successeur ne s´y trompe d´ailleurs pas qui déclare aussitôt : ´Plus rien ne sera comme avant.' La société sénégalaise espérait-elle un de ces mystérieux déblocages dont rêvent tous les peuples après un règne politique trop long et pour cela même quelque peu suffocant ? L´aggravation de la crise économique elle-même justifiait, après plusieurs années de sécheresse, des attentes nouvelles. Comment pouvait-il en être autrement ? Il suffit d´observer ceci, qui est hautement symbolique : lorsque Senghor passe le témoin à Abdou Diouf, les Sénégalais nés avec l´indépendance viennent d´avoir exactement vingt et un ans, l´âge même de la majorité légale. Comme par hasard…
Aujourd´hui, avec le recul, on peut dire de Senghor qu´il a essayé de faire de son mieux dans des conditions politiques extrêmement difficiles. Ses funérailles et l´extraordinaire émotion qu´elles ont suscité ont bien montré la gratitude du Sénégal à son égard. Il n´est pas rare d´entendre dire qu´il a gouverné le Sénégal avec un certain esprit de justice et forgé un État moderne et bien organisé. Cela est d´autant plus remarquable qu´il lui a fallu faire face à des adversaires de grande envergure intellectuelle. Sans parler d’Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop ou Mamadou Dia, il a dû ferrailler avec nombre d´autres théoriciens résolus et énergiques. Il faut rappeler que le Sénégal – où a été créé l´un des tout premiers partis communistes d´Afrique au sud du Sahara – a une forte tradition de controverses intellectuelles parfois byzantines. Pendant toute l´ère senghorienne et même après, les variantes les plus obscures et les plus énigmatiques du marxisme-léninisme y ont prospéré dans une clandestinité toute relative. Il a fallu à Senghor beaucoup de courage pour oser naviguer à contre-courant. L´histoire de la répression politique pendant ces années-là reste cependant à écrire. Les militants du Parti africain de l´Indépendance (PAI, marxiste-léniniste) ont été en maintes circonstances sauvagement torturés par la police et, on l´a vu, Cheikh Anta Diop lui-même a été détenu à la prison de Diourbel.
On a parfois l´impression que les Sénégalais, si fiers de la douceur poétique de leur premier président et de l´image d´oasis démocratique de leur pays, préfèrent ne pas trop s´attarder sur cette période de leur histoire. Par exemple, personne n´a vraiment jamais cru à la thèse du suicide du jeune opposant maoïste Omar Blondin Diop en prison. Mais qui a envie de savoir ce qui s´est réellement passé au cours de cette terrible nuit sur l´île de Gorée ? Il en est de cette affaire comme de quelques autres que l´on préfère ne pas mettre au passif du bilan de Senghor. Des hommes politiques d´aujourd´hui, dont certains ont beaucoup souffert du système à l´époque, préfèrent apparemment ne plus se souvenir de leurs épreuves. C´est peut-être parce qu´il leur arrive de faire des comparaisons somme toute flatteuses pour le Sénégal : selon eux, ailleurs en Afrique et dans le Tiers-monde, des dirigeants comme Mobutu et Pinochet se comportaient bien plus mal.
On a ainsi entendu un ancien farouche adversaire de Senghor déclarer avec un fort accent de sincérité que, au regard de l´histoire, le président-poète s´était montré bien plus clairvoyant sur les grandes questions de notre temps que ses adversaires d´extrême gauche, pour ne nommer que ceux-là. C´était – le détail mérite d´être noté – peu de temps avant la mort de l´ancien président du Sénégal. On peut présumer que tous ces hommes politiques très expérimentés savent d´instinct à quel point le pouvoir, surtout dans un pays pauvre et dominé, expose à la tentation de la répression aveugle. On ne peut décemment reprocher à Senghor d´y avoir succombé.
Il est toutefois indéniable qu´il a mis sa haute position politique au service de sa carrière d´écrivain. Pendant tout le temps où il a dirigé le Sénégal, les cadres de son parti et les autorités administratives des localités les plus reculées du pays croyaient devoir disserter longuement - et à vrai dire de manière bien confuse - sur le parallélisme asymétrique ou sur l´itinéraire spirituel du Père Pierre Teilhard de Chardin. Avec le recul, une telle attitude paraît à fois comique et hallucinante. Cette façon abusive de chercher à imposer la négritude comme une idéologie nationale a au demeurant tourné court. Dès que Senghor s´est retiré de la vie publique, plus personne au Sénégal n´a évoqué le socialisme africain ou seulement utilisé le mot négritude.
On peut penser que l´homme en a conçu à la fin de sa vie quelque amertume, dans la mesure où il n´a jamais rien négligé pour laisser à la postérité une image de grand penseur. La série d´essais intitulée ´Liberté´, où sont exprimées ses vues essentielles sur la culture et la politique, témoigne de cette ambition. Ces textes ne sont certes pas négligeables mais ils retiennent l´attention davantage par la qualité du style que par la profondeur et la rigueur de la pensée. Ils révèlent une vaste culture et un attachement sincère de Senghor à son terroir mais il y a en eux quelque chose de confus et de creux. Ils ont été presque complètement oubliés.
De toute façon, Senghor n´avait guère besoin de cela pour mériter la reconnaissance internationale qui est aujourd´hui la sienne. De ´Chants d´ombre´ en 1945 à ´Nocturnes´ en 1961, il n´est pas facile de surpasser sa production poétique. Et comme il l´a souvent rappelé, rien n´a jamais eu pour lui autant d´importance que la poésie.
C´est du reste autour de cet art majeur que sa rencontre à Paris avec le grand écrivain martiniquais Aimé Césaire prend tout son sens. Il en est né un mouvement d´idées, qui a donné lieu à une formidable effervescence intellectuelle sur tout le continent africain et parmi sa diaspora. Dans ces rudes batailles, Senghor a eu plus que sa part de coups. Stanislas Adotevi, Pathé Diagne, Mongo Beti et quelques autres lui ont en effet mené la vie dure, mettant tous en exergue sa trop grande proximité avec la France. Et ce n´était tout de même pas sans raison que le chantre de la culture négroafricaine était aussi suspecté d´être le plus dévoué – pour ne pas dire le plus servile - collaborateur de l´ancienne puissance coloniale.
On sait le rôle important que joue la francophonie au service des desseins hégémoniques de la France en Afrique et dans le reste du monde. Senghor ne s´est pas contenté d´être un de ses pères-fondateurs – avec Habib Bourguiba de Tunisie et Hamani Diori du Niger. Il en a été le défenseur acharné au point de laisser sans doute parfois un peu perplexes les Français eux-mêmes par ses débordements amoureux à leur égard. Il en a tant fait que très tôt des doutes sérieux se sont élevés sur sa véritable nationalité.
Tous les anciens militants du Rassemblement national démocratique (RND) se souviennent sans doute de la question régulièrement posée à chaque livraison de Taxaw, le journal du parti dirigé par Cheikh Anta Diop : « Est-il vrai que le président de la République du Sénégal a la nationalité francaise ? » En outre, dans toutes ses déclarations publiques, Cheikh Anta Diop dénonçait une indépendance purement nominale d´un pays où l´assistance technique française, constituée en ´gouvernement parallèle´ détenait sous de dérisoires grimaces de souveraineté, la réalité du pouvoir. Une universitaire française a récemment résumé le cas du poète de Joal – au cours d´une discussion amicale - par cette formule lapidaire et cruelle : « Senghor, c´était le colonisé introuvable. » S´il a été inhumé à Dakar, au cimetière catholique de Bel-Air à Dakar, c´est à Verson qu´il a passé les vingt dernières années de sa vie. C´est dans cette même petite ville normande que se trouve, contre tout bon sens, le ´fonds Senghor´.
Quand il y est mort le jeudi 20 décembre 2001, une polémique très révélatrice a éclaté dans les médias. L´absence totale d´intérêt des autorités françaises pour l´événement a choqué de très nombreuses personnes au Sénégal et à l´étranger. L´écrivain Erik Orsenna a ainsi signé dans le quotidien français Le Monde un article intitulé : « J´ai honte ! » On ne s´arrêtera pas sur l´hypocrisie de ce texte et de quelques autres de même inspiration. Il importe surtout de noter à quel point cette controverse est un aveu : au moment même où les Sénégalais pleuraient Senghor, il semblait évident pour tout le monde qu´il devait l´être autant dans toutes les chaumières de France et de Navarre. Se plaindre d´une telle ingratitude à son égard revenait à reconnaître avec une certaine candeur que Senghor avait toujours été au service de ce pays étranger. Avait-il servi ce pays davantage que son Sénégal natal ? Là est toute la question. Qu´il soit si malaisé d´y répondre suffit à montrer l´extrême complexité du personnage. Il faut, en tout cas, se garder de le simplifier. Le peuple sénégalais a probablement toujours vu en lui un homme d´une double fidélité. Il a préféré ne pas faire trop attention à sa troublante part d´ombre.
On a parfois envie de penser à une réconciliation dans l´au-delà entre Cheikh Anta Diop et Senghor. Cette idée est agitée de temps à autre par les héritiers partisans d´un cessez-le-feu posthume. Elle est non seulement noble et séduisante mais elle n´est pas absurde a priori. D´une certaine façon, les deux hommes de culture étaient au service du monde négro-africain, en utilisant chacun ses armes propres. Et de fait, les Sénégalais ont très souvent une égale admiration pour eux.
Mais s´en tenir à cela c´est perdre de vue d´autres aspects, tout aussi importants, du problème. Que deux personnalités d´une telle envergure et si radicalement différentes aient émergé au sein d´une même nation, en dit beaucoup sur l´ambiguïté de celle-ci. C´est également un problème et il faut oser l´affronter.
Chercher coûte que coûte à concilier les points de vue de Diop et Senghor équivaut à un refus d´assumer les contradictions, les paradoxes voire l´essentielle perversité de la société sénégalaise. Il ne s´agit certes pas de jouer l´un contre l´autre mais surtout de respecter la vie et la vision de chacun d´eux. Cheikh Anta Diop, homme d´un seul combat - mené sur plusieurs fronts - est né le 29 décembre 1923 à Céytu - environ 150 kilomètres à l’Est de Dakar. A l´inverse de Senghor, personne n´a jamais pu déceler chez lui la moindre ambiguïté intellectuelle ou politique. Cela ne signifie nullement que l´homme était dogmatique. Il était au contraire très nuancé et prudent en dépit de la force contagieuse de ses convictions. Il est impossible de nos jours de parler du panafricanisme ou de l´origine négro-africaine de la civilisation égyptienne sans rattacher l’analyse à Cheikh Anta Diop. Il en est de même des langues qui sont dans sa pensée politique un facteur stratégique de la libération des peuples africains et de leur unité culturelle.
Diop est venu très tôt à Dakar, dès l´âge de treize ans. Il y a vécu auprès de sa mère dans le quartier populaire de la Médina et fréquenté le lycée Van Vollenhoven - aujourd´hui Lamine Guèye – qui était à l´époque et jusqu´à une date récente l´établissement secondaire le plus prestigieux de l´Afrique noire sous occupation française. Il est à signaler que Cheikh Anta Diop en sort en 1945 titulaire des deux baccalauréats, scientifique en juin et littéraire en octobre. Le fait est exceptionnel mais peu surprenant : aux yeux de tous ceux qui l´ont approché au cours de ces années, le jeune Cheikh Anta Diop était un surdoué. Dès la classe de troisième, l´adolescent invente un alphabet destiné à une transcription unifiée de toutes les langues africaines. L´ affaire n´a pas de suite mais montre l´enracinement précoce des idées de Cheikh Anta Diop ainsi que son attrait pour la recherche scientifique.
Il se rend en France grâce à une bourse de la municipalité de Dakar et se fait remarquer dans les milieux africains de Paris tant par son parcours universitaire exemplaire que par son activisme politique dans les mouvements anticolonialistes. Le 9 janvier 1960 reste une date majeure dans sa vie intellectuelle. C´est le jour de sa soutenance de thèse de doctorat d´État sur le sujet suivant : « Étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l´Europe et de l´Afrique, de l´Antiquité à la formation des États modernes ». Il convient de signaler que Diop avait dû renoncer à son sujet initial de recherche. Les opinions qui y étaient développées attaquaient de front celles en vigueur dans le monde académique dominant. Le jury n´avait pu être constitué en raison du caractère par ailleurs pluridisciplinaire de ce travail de recherche. Il sera très vite publié en 1954 sous le titre Nations nègres et Culture aux éditions Présence africaine.
Quant à la présentation de la thèse signalée plus haut, elle est un événement tout simplement colossal. Tout ce que la France compte d´étudiants africains turbulents et progressistes était présent. Chacun comprenait bien que la démarche intellectuelle de Cheikh Anta Diop était un défi à la toute puissante institution universitaire française. Les débats sont houleux et anormalement longs – plus de six tours d´horloge. L´étudiant Diop se défend pied à pied. Il n´est pas du tout impressionné par ces enseignants habitués à semer la terreur autour d´eux. Le moins que l´on puisse dire c´est que ce n´est pas une soutenance ordinaire, car les jeunes Africains présents en masse dans la salle Louis Liard de la Sorbonne expriment bruyamment leurs opinions, nettement favorables au candidat Cheikh Anta Diop, bien entendu.
La mention honorable qui est attribuée à son travail équivaut, dans le système français, à une interdiction d´enseigner pure et simple. C´est une double infamie. D´abord la Sorbonne ferme les yeux sur les mérites d´un des penseurs les plus profonds et féconds de son temps pour sanctionner de manière mesquine son esprit rebelle.
En second lieu, Cheikh Anta Diop rêvait de pouvoir transmettre ses connaissances aux jeunes Africains. Cela ne lui est pas permis. Le président Senghor n´hésitera pas plus tard à s´appuyer sur cette décision inique d´un jury de la Sorbonne pour lui interdire d´exercer toute fonction d´enseignement à l´université de Dakar. Par une de ces ironies dont l´Histoire a le secret, cette université porte aujourd´hui son nom. Il en est de même de l´Institut de recherche où Cheikh Anta Diop a travaillé – l´Institut fondamental d´Afrique noire, IFAN – et aussi, accessoirement, de la plus longue avenue de Dakar, celle qui passe justement devant l´université… !
Au-delà de ces hommages posthumes, il importe surtout de relever que l´interdiction d´enseigner a stimulé les ardeurs pédagogiques de Cheikh Anta Diop. L´homme n´était en effet pas du genre à se laisser abattre par l´adversité. Le jour même de sa soutenance, Cheikh Anta Diop annonce dans la presse qu´il va rentrer au Sénégal. Il sait que d´autres combats l´y attendent. Au plan politique, pour une véritable indépendance du Sénégal mais également pour un État fédéral en Afrique noire. Au plan culturel – mais peut-on séparer ces deux instances ? – pour donner ou redonner aux Africains la fierté d´être eux-mêmes en leur montrant que leur civilisation est non seulement à l´origine mais aussi au cœur de toute l´évolution humaine.
De cet esprit d´une rare puissance, Césaire dira dans Discours sur le colonialisme : « Je ne m´étendrai pas sur le cas des historiens, ni celui des historiens de la colonisation, ni des égyptologues, le cas des premiers étant trop évident, dans le cas des seconds, le mécanisme de leur mystification ayant été définitivement démonté par Cheikh Anta Diop, dans son livre : Nations nègres et Culture – le plus audacieux qu´un nègre ait jusqu´ici écrit et qui comptera, à n´en pas douter, dans le réveil de l´Afrique. »*
Le savant sénégalais ne se contente pas de faire comme tant d´autres le constat que l´Afrique n´a jamais été une tabula rasa. L´intelligentsia occidentale dite éclairée était sans doute disposée à faire une telle concession. Diop ne veut pas se suffire de cela, il n´hésite pas à aller plus loin et à battre en brèche les idées les plus profondément ancrées dans la pensée de l´époque. Avec le recul, on est frappé par tant de témérité. Mais il ne s´agit ni d´un délire solitaire ni d´affirmations abstraites : Cheikh Anta Diop fournit des arguments de très grande valeur scientifique à ce qui, au mieux, était avancé jusque-là par les intellectuels africains sur un mode purement émotionnel.
Il est aussitôt marginalisé par l´égyptologie occidentale. Le plus frappant est le refus de prendre en compte son existence même. Mais Cheikh Anta Diop et leschercheurs africains acquis à ses thèses – en particulier le Congolais Théophile Obenga – continuent à creuser leur sillon. Lorsque l´Unesco lui demande de s´associer à la rédaction du volume de L´histoire générale de l´humanité relatif à l´Afrique, il assortit son accord d´une condition expresse : une rencontre scientifique doit réunir tous les égyptologues vivants et les résultats de leurs travaux discutés. L´Unesco se range à son avis et organise le colloque du Caire du 28 janvier au 3 février 1974 sur le thème : « Peuplement de l´Égypte ancienne et déchiffrement de l´écriture méroïtique. »
C´est un véritable défi intellectuel que Cheikh Anta Diop s´impose. Le cadre restreint de cet exposé ne permet pas de s´étendre sur les discussions menées à cette occasion avec courtoisie, dans la pure tradition scientifique. A l´issue de cette rencontre, les thèses de Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga se sont imposées. La conclusion officielle du colloque ne laisse planer aucun doute à ce propos. Voici le résumé qu´en donne le biographe de Cheikh Anta Diop : « Le colloque du Caire marque une étape capitale dans l´historiographie africaine, c´est-à-dire le travail d´écriture de l´histoire africaine. Pour la première fois des experts africains ont confronté, dans le domaine de l´égyptologie, les résultats de leurs recherches avec ceux de leurs homologues des autres pays, sous l´égide de l´Unesco. Les participants... ont été frappés par la méthodologie de recherche pluridisciplinaire introduite par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga...
Les recommandations du colloque reflètent la solidité de l´argumentation présentée par les deux Africains au cours des exposés et des débats et traduisent l´avancée scientifique qui en découle. Si le désaccord a persisté sur la composition ethnique de l´ancienne Égypte, en revanche il a été clairement reconnu que pour la langue et sur le plan culturel en général, l´Égypte pharaonique appartient à l´univers négro-africain. En particulier, l´égyptologue Serge Sauneron (décédé accidentellement quelques années après le colloque du Caire), spécialiste de la langue égyptienne, grammairien, initiateur de la réédition de l´imposant Catalogue de la fonte hiéroglyphique de l´Institut français d´Archéologie orientale, reconnaît que l´égyptien ancien n´est pas apparenté aux langues sémitiques. Il souligne, se ralliant à leur méthode de recherche, tout l´intérêt des travaux de comparaison linguistique présentés par Théophile Obenga et Cheikh Anta Diop. »*
Il n´est pas étonnant qu´un tel homme ait été distingué déjà en 1966 - conjointement avec l´Africain-Américain William B. Dubois - comme l´écrivain dont l´œuvre a eu la plus grande influence sur la pensée nègre. Cela se passait à Dakar, pendant le 1er Festival mondial des arts nègres. Tout le monde parle aujourd´hui de ´renaissance africaine´ - en particulier le président sud-africain Thabo Mbeki – comme d´un idéal à atteindre. Cheikh Anta Diop a non seulement forgé le concept dès 1948* mais a aussi insisté sur la restauration de la conscience historique et le rétablissement de la continuité historique qui en sont pour les Africains la condition sine qua non.
Il n´est pas sans intérêt de rappeler que Cheikh Anta Diop est ainsi publiquement honoré à l´occasion du Festival mondial des Arts nègres, organisé par le président Senghor... Cela montre à quel point les relations entre les deux hommes étaient complexes. Mais sur l´essentiel le francophile Senghor et l´anti-colonialiste Diop ne pouvaient guère s´entendre. Esprit tranquillement rebelle pendant toute sa vie, Diop a été une des grandes figures du Rassemblement démocratique africain (RDA).
*Quand pourra-t-on parler d´une renaissance africaine ? in Le Musée vivant, numéro spécial 35/37, novembre 1948
La lutte entre Senghor et lui atteignit des sommets quand il fonda le 3 février 1976 le Rassemblement national démocratique (RND). Toute la vie politique du Sénégal tourna alors pendant quelques années autour des tentatives faites par Senghor pour priver Diop de toute possibilité d´expression dans un cadre organisé. Senghor prit prétexte d´un prétendu non-respect des normes... grammaticales (!) pour faire interdire Siggi, le journal créé par Diop. De son côté, ayant réussi à réunir autour de lui des courants significatifs de la gauche intellectuelle sénégalaise, Diop continua à dénoncer sans relâche le régime néocolonial incarné par Senghor. Le pays était supposé souverain mais il abritait – cela n´a d´ailleurs pas encore changé en cette année 2005 – des bases militaires françaises et restait, aux plans économique et culturel, une chasse gardée de la France.
Cependant, vers la fin de sa vie, notamment avec le départ de Senghor du pouvoir, Diop perdit un peu de son influence politique. Son parti est miné par des dissensions internes et on peut dire de cet héritage-là qu´il est éclaté. Avec le recul on est frappé par le fait que dès le départ de Senghor du pouvoir, l´activité scientifique de Diop prend nettement le pas sur les préoccupations politiques immédiates. Est-ce une simple coïncidence ? On ne peut l´exclure a priori. Mais il est également possible que Diop ait préféré, avec l´arrivée d´une nouvelle génération aux affaires, prendre de la hauteur. Le fait est que certaines de ses conférences publiques les plus mémorables ont eu lieu entre 1982 et sa disparition en 1986. Il se rend à Londres, Niamey, Alger, Pointe-à-Pitre et Atlanta. Yaoundé est, en janvier 1986, son tout dernier déplacement, trois semaines avant sa mort. Il y est porté en triomphe à l´issue de sa conférence par des jeunes Camerounais aujourd´hui encore acquis à ses idées, comme presque partout en Afrique centrale. Entre deux voyages à l´étranger il avait, au Sénégal même, multiplié les interventions publiques à caractère scientifique : au colloque organisé par les Éditions Sankoré, à des Journées de réflexion sur les relations entre la religion et la philosophie et à la Semaine culturelle de l´École normale des Jeunes Filles de Thiès où il traite du thème « Làmmiñi réew mi ak gëstu ». Au-delà du thème abordé - langues nationales et recherche scientifique - cette conférence résume avec clarté les thèses centrales de la pensée de Cheikh Anta Diop.
Diop meurt brusquement à Dakar le 7 février d´une crise cardiaque. Une foule immense le conduit à Céytu, son village natal. Son tombeau est devenu un lieu de pèlerinage pour toute l´Afrique noire et sa diaspora. Peut-être est-il prématuré de vouloir juger dès à présent de l´impact de Diop et Senghor sur leur peuple. On partira modestement de décembre 1981 : Senghor vient de se retirer du pouvoir et il ne reste à Cheikh Anta Diop que quatre années à vivre. Dès que le poète désencombre l´horizon, a lieu une discrète désenghorisation. Les sous-préfets commencent à s´intéresser beaucoup moins à Leo Frobenius et aux grands orgues de la poésie claudélienne. Senghor va d´ailleurs passer les vingt dernières années de sa vie à Verson, en Normandie. Avec une élégance rare, il tiendra le pari de ne jamais intervenir dans la vie politique du Sénégal.
Quand il est élu le 29 mars 1984 à l´Académie française les Sénégalais en éprouvent, dans leur majorité, une grande fierté. Lorsqu´il lui arrive de revenir au Sénégal pour participer à une manifestation culturelle, sa présence, dans un théâtre ou ailleurs, provoque des attroupements : les citoyens ordinaires tiennent à lui marquer leur sympathie. Les hommes de culture, en particulier les artistes plasticiens, se mettent à regretter publiquement son départ. On sent comme une discrète nostalgie de l´ère senghorienne, surtout en raison de ses réalisations en faveur de la culture. A l´inverse, son successeur Abdou Diouf passe pour un technocrate froid et peu intéressé par les œuvres de l´esprit. Il faut ajouter à tout cela un signe qui ne trompe pas : aujourd´hui encore, les vrais inconditionnels de Senghor sont ceux qui l´ont pratiqué au quotidien. Ils n´ont absolument rien de commun avec les flagorneurs qui sévirent jadis dans l´entourage présidentiel. Leur sincérité ne peut être mise en doute. Et eux se souviennent d´un leader politique d´une certaine rigueur morale, attentif à tout et à tous mais surtout d´une exquise courtoisie. On peut ajouter que malgré ses longues années à la tête de l´État du Sénégal, Senghor ne s´est pas enrichi.
Enfin, pour les jeunes qui ne le connaissent que de nom, il est une figure tutélaire, celle du grand écrivain. Nombre d´entre eux savent par cœur ses poèmes Femme noire et Joal. Ses dernières années n´ont peut-être pas été faciles. D´après les confidences d´un critique littéraire sénégalais qui a eu le privilège d´être en contact avec lui jusqu´au bout, Senghor a presque douté au soir de sa vie de sa place dans l´histoire. Il lui est arrivé, semble-t-il, de souffrir de la solitude et d´un certain sentiment d´abandon. Ses funérailles grandioses ont montré que c´était sans raison. Tout un peuple a rendu hommage à un homme qui avait forgé un État et su gouverner son pays, à un moment délicat de son histoire, avec équité et équilibre. Et son ouverture d´esprit peut être mesurée au fait que lui, le catholique, ait su être le symbole de l´unité nationale d´un Sénégal très majoritairement musulman.
Mais il est également juste de dire que la pensée philosophique de Senghor n´a pas laissé de trace profonde sur la société sénégalaise d´aujourd´hui et a fortiori en Afrique. Comme cela a été signalé plus haut, son travail théorique riche en formules brillantes est plutôt pâteux et un peu flasque.
Et il faut bien le dire : sa francophilie n´était pas un innocent amusement. A l´heure des grands choix, il a toujours été du côté de la France contre les intérêts de l´Afrique. Mandela en porte d´ailleurs pudiquement témoignage dans son autobiographie, A long way to freedom. Le grand homme n´a pas toujours non plus su échapper à une certaine petitesse dans son combat contre Cheikh Anta Diop. Mais voici ce qui nous semble le plus difficile à accepter : après avoir dirigé le Sénégal pendant vingt ans, Senghor n´a pas hésité à se prévaloir d´une nationalité étrangère. Et pourquoi donc ? Pour entrer à l´Académie française...
Quel que soit l´angle sous lequel on envisage la question, c´est là une gifle au peuple sénégalais. Elle est d´autant plus humiliante que la réputation de l´Académie française est largement surfaite. Et eût-elle été le plus haut lieu du savoir et de la réflexion sur terre, cela n´aurait rien changé : un chef d´État est un symbole, il ne peut jeter au diable sa patrie par envie d´endosser, sur le tard, un habit vert. Cela ne se fait tout simplement pas. On ne sait si Cheikh Anta Diop a publiquement évoqué cette affaire. On peut cependant supposer qu´elle lui a arraché un petit sourire amer.
Lui-même a dû faire face au reproche de culturalisme. Au symposium organisé par les Editions Sankoré en 1982, il a été obligé d´argumenter à fond pour vaincre certaines résistances parmi le très nombreux public venu l´écouter. A cette époque du marxisme triomphant, il était suspect de chercher à s´émanciper, si peu que ce soit, du dogme sacro-saint de la lutte des classes. Toutefois la vivacité même du débat était la preuve d´une vraie appropriation critique du travail de Cheikh Anta Diop par les universitaires sénégalais. Le fait que cette œuvre soit en permanente discussion témoigne de sa vitalité. Les découvertes scientifiques les plus récentes dans les domaines les plus divers confirment sa thèse centrale. Il est essentiel pour s´en convaincre de revenir au colloque du Caire.
Le rapport du professeur Jean Devisse dit clairement ceci : « La très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga n´a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document préparatoire envoyé par l´Unesco, une contrepartie égale. Il s´en est suivi un véritable déséquilibre dans les discussions.» Loin de démentir les démonstrations de Diop et Obenga, nombre de ses plus farouches adversaires en ont accepté la validité. Trente après, rien de probant n´est venu annoncer un renversement de situation.
Il serait cependant contraire à la démarche même de Cheikh Anta Diop de chercher à sanctifier sa pensée. Il a mis en avant, sa vie durant, des faits et non des émotions. Il a parlé de ce qui est et non de ce qui aurait mérité d´être. Et à notre avis on commet souvent l´erreur de limiter son apport intellectuel aux recherches sur l´antériorité des civilisations nègres. C´est une approche dangereusement réductrice. Même si Cheikh Anta Diop n´avait pas écrit une seule ligne sur l´Antiquité égyptienne, cela ne l´aurait pas empêché d´être un intellectuel d´une importance capitale.
S´il est impossible de compartimenter sa réflexion, il faut souligner la fonction stratégique qu´il assigne aux langues nationales africaines. Il est presque le seul, de toute sa génération, pourtant riche en Africains illustres, à avoir été constamment préoccupé par cette question. Il a beaucoup insisté sur le fait que sans la langue une identité tourne à vide. La prise de conscience de cette dimension de l´être est indissociable de son idéal panafricaniste en ce sens qu´elle fonde l´unité culturelle du continent.
Contrairement à une idée répandue, Diop n´était pas un homme de science fourvoyé en politique. Chez lui ces deux aspects de l´activité humaine font un tout. Les arguments qui lui étaient opposés par ses adversaires étaient politiques. Il se sentait tenu de les combattre sur ce terrain tout en poursuivant son travail de recherche purement scientifique dans la plus grande rigueur. Pour lui, il était essentiel de ne pas perdre cela de vue dans une Afrique prise en otage par les ´élites décérébrées´ dont parle Césaire dans Discours sur le colonialisme.
Dans son entendement, l´Afrique avait besoin de leaders de type nouveau pour retrouver liberté, mieux-être et fierté. Il a aussi prêché d´exemple : ceux qui ont pu le voir à l´œuvre sur le terrain peuvent témoigner qu´il n´a jamais accepté de séparer la politique de l´éthique. Près de vingt ans après sa mort son image est celui d´un homme qui s´est imposé une tension morale permanente, loin des vulgaires tentations de l´argent et des honneurs.
On lui a fait parfois grief d´un certain manque de réalisme. Étonnant ´rêveur´ pourtant, qui disait toujours des choses frappées au coin du bon sens ! Que, par exemple, aucun pays africain ne peut résoudre à lui tout seul ses problèmes économiques ou politiques. Cet impératif de l´unité africaine était commandé par ce qu´il nommait, en une expression pleine de saveur mais tout aussi profonde, ´l´égoïsme lucide´. Pour toutes ces raisons je peux dire, à titre personnel, que je suis un disciple de Cheikh Anta Diop.
Si je n´ai jamais eu l´occasion de rencontrer Senghor - dans un sens je le regrette - je suis en revanche souvent allé voir Cheikh Anta Diop dans son laboratoire de Carbone 14 de l´Institut Fondamental d´Afrique noire – IFAN, qui porte aujourd´hui son nom. J´y étais en sa compagnie le 6 février 1986, veille de sa mort. Bien qu´ayant milité un temps dans le Rassemblement national démocratique, le plus important pour moi était d´aller écouter le penseur et l´aîné.
Rien n´était plus facile que d´accéder à lui. A partir de midi, la porte de son bureau était symboliquement ouverte. Il recevait tout le monde. Il suffisait de s´installer sur un banc dans le couloir et d´attendre son tour, sans nul besoin d´être annoncé. Les visiteurs étaient souvent des hommes du peuple, arrivés de l´intérieur du pays. Cheikh Anta Diop ne faisait pas peur à ces paysans, membres de son parti ou simples parents. Venu lui-même à Dakar très jeune, il n´a au fond jamais quitté, mentalement, son Bawol natal. Il est resté, plus que Senghor sans doute, l´homme de son terroir. Il connaissait et parlait à la perfection le wolof du pays profond, poussant souvent la malice – en privé ou pendant ses meetings politiques – jusqu´à le prononcer exactement à la manière de ceux qui n´ont jamais mis les pieds dans une école française...
Selon le joli mot du philosophe, « L´avenir dure longtemps.» Il nous arrive de tendre l´oreille à ses murmures, qui restent confus et comme venus de trop loin. Ce n´est pas une raison pour le brusquer. Pour l´heure il importe juste que chacun dise nettement sa préférence entre Senghor et Cheikh Anta Diop. Sans doute ne faut-il pas enfermer pour toujours les deux hommes dans une vaine adversité. Il serait toutefois malhonnête de faire comme s´il n´y avait jamais eu de désaccord sérieux entre eux. En fin de compte, on peut dire que si Senghor a des admirateurs – le grand poète les mérite largement – Cheikh Anta Diop, lui, a des disciples. Ceux-ci s´emploient à tirer toutes les conséquences de son enseignement ouvert à tant d´aventures et à la fierté d´être soi-même.
Il faut ajouter que l´influence de Diop s´est très vite étendue loin au-delà de l´espace francophone pour s´imposer dans le monde entier. Sur ce plan, aucune comparaison ne semble possible entre son éternel rival et lui. Senghor est un nom. Cheikh Anta Diop renvoie à une œuvre colossale et féconde.
Ce texte de Boubafar Boris Diop a été publié pour la première fois en janvier 2005.
par Cheikh Anta Diop (Février 1978)
SENGHOR ME DÉNIGRE À LA TÉLÉVISION
En quoi Senghor, qui n’a jamais contribué au progrès d’aucune science, fût-elle linguistique, se sentirait-il qualifié pour porter un jugement sur mes travaux ?
Aussi difficile que cela puisse être pour moi, je suis obligé de rétablir la matérialité des faits, sans pour autant, suivre Senghor sur le terrain primaire et scolaire où il se place d’emblée.
D’abord, il dispose des médias pour me dénigrer régulièrement, sans m’accorder le droit de réponse dans les mêmes conditions : cela témoigne d’un manque d’esprit sportif.
Comme d’habitude, toutes ses affirmations me concernant sont radicalement fausses ainsi que cela va apparaître : en premier lieu, contrairement à ce qu’il dit, j’ai obtenu la peau d’âne qu’est le doctorat de Lettres, doctorat d’État, avec la mention honorable, il y a de cela 18 ans, et ce fait s’était estompé dans mon esprit d’adulte comme tant d’autres du même genre. Donc, Senghor a dit sciemment une contrevérité à la télévision, à des fins d’intoxication.
En second lieu, l’ouvrage qu’il cite comme étant ma thèse (‘Antériorité des Civilisation Noires’) et dont il aurait lu la partie linguistique, je ne l’ai écrit qu’en 1967, c’est-à-dire sept ans après ma soutenance, et il ne contient presque pas de partie linguistique, à peine quelques comparaisons entre le Wolof et l’égyptien ancien, mais, qui de ce fait, échappent à la compétence de Senghor. Par conséquent, il s’agissait seulement de prendre une attitude pédante et avantageuse devant les téléspectateurs.
En troisième lieu, mes thèses ne se confondent pas avec celles d’aucun auteur, Rivet, Moret, Breuil, etc. Sinon comment expliquer l’acharnement avec lequel les milieux conservateurs et nationalistes me combattent et me vouent une haine tenace depuis près de trente ans.
Quatrièmement, j’ai déjà dit dans ‘Nations Nègres’, page 138, (1re édition) et 187 (2e édition) et dans ‘Taxaw’ numéro 3, page 6, que mes travaux apportent du nouveau par rapport non seulement aux thèses de Hamburger, mais aussi de M. N. Reich. C’est à cette occasion que j’ai défini la déontologie du chercheur à laquelle Senghor est bien incapable de s’astreindre. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Senghor a dit à la télévision une phrase digne de maître Aliboron, qu’il ne répétera jamais, ‘mélangeant’ les noms Aurignacien, Moret, Breuil, Rivet, etc. ; que l’on s’est bien gardé de reproduire le lendemain dans la presse et qui montre qu’il prend les téléspectateurs sénégalais pour des ignorants. Nous attendons toujours des traces écrites dans une revue scientifique de ces idées qu’on prétend avoir recueillies dans les cours imaginaires desdits professeurs pendant la période qui va de 1930 à 1954, date de parution de ‘Nations Nègres’ ; j’aurais pu m’arrêter même en 1948, date de mon article intitulé ’Quand pourra-t-on parler d’une véritable renaissance culturelle africaine ?’. Oui en attendant un texte, même antidaté.
Si Senghor a suivi réellement ou même en imagination, les enseignements qu’il cite sur les idées que nous débattons aujourd’hui, pourquoi n’a-t-il pas fait dans ce domaine des travaux qui devraient précéder les miens de plusieurs décennies ? Comment expliquer cette carence ?
Dans le chapitre 2 de ‘Nations Nègres’ et dans le numéro 3 de ‘Taxaw’, page 3, j’ai montré clairement la nocivité pour l’âme africaine de ce que Senghor appelle la ‘négritude’. Que celle-ci triomphe et l’Afrique noire ne sera plus.
Comment donc des idées que j’ai passé toute ma vie à combattre, pour la survie de nos peuples, pourraient-elles m’influencer ?
Revenant à ma soutenance, je rappelle que plus d’un demi-millier de personnes y avaient assisté à la Sorbonne, elle dura sept heures et fut un vrai combat intellectuel sans concession, sous les yeux de toute la jeunesse estudiantine africaine présente à Paris. À la fin, ce fut un sentiment général de fierté très communicative qui anima toute l’assistance africaine car personne ne s’était trompé sur la profonde signification et l’importance de l’évènement : la culture africaine non folklorique venait de forcer les portes de la vieille Sorbonne. Les Africains commençaient à perdre leur complexe pour de bon.
D’autres Africains, aujourd’hui présents à Dakar, seraient mieux placés que moi pour décrire le contexte général de ces faits.
Les choses s’étaient passées ainsi parce que j’avais refusé, comme on le sait, toutes les solutions de facilité habituelle, qui auraient hypothéqué ma liberté de pensée. Il est de tradition à l’Université que tous ceux qui prennent pareils risques le paient. C’est le cas des meilleurs penseurs français à l’heure actuelle, surtout quand ils sont progressistes et c’est à leur honneur : Roger Garaudy, Henri Lefebres, Gilbert Murry, Michel Butor, Louis Althusser… celui-là même dont Senghor faisait l’éloge à la télévision.
Dans le journal Le Monde du 16 juin 1976 page 19, le professeur Olivier Reboul de l’Université de Strasbourg écrit : «Depuis le Vatican II, on se demandait ce qu’était devenu le Saint Office. Il semble bien qu’il fonctionne toujours sinon à Rome, du moins en France au sein de l’Université, sous le titre anodin de Comité Consultatif.»
Dans Le Monde de l’éducation, de février 1976, on lisait que le Comité consultatif des Universités avait refusé d’inscrire Michel Butor sur la liste d’aptitude aux fonctions de Maître de conférence, moyennant quoi l’Université de Genève a pu recruter Michel Butor. On apprend maintenant que le philosophe Louis Althusser vient d’essuyer le même refus. Cela signifie que des professeurs mondialement connus ayant enseigné quinze ans à l’étranger- je puis attester que Louis Althusser est un des très rares philosophes français dont on parle- ne peuvent avoir rang de professeur ou mieux de Maître de conférence chez nous. On rédige des thèses sur eux, mais eux n’ont pas le droit de diriger des thèses… Althusser est un de ces penseurs grâce auxquels on ne peut plus penser tout à fait comme avant.
Je ne suis pas fier d’être professeur dans une Université qui dénie ce titre à Butor et à Althusser.
Un agrégé de Lettres est un professeur de lycée qui doit travailler encore une dizaine d’années pour devenir Docteur d’État, afin de posséder ainsi le grade le plus élevé que l’université délivre dans sa branche. Senghor traîne le complexe de la thèse de Docteur d’État, cette peau d’âne qu’il n’a jamais pu posséder. Aussi ne sait-il pas qu’en Doctorat de Lettres, les mentions Bien et Très Bien, dont il a parlé d’un air docte à la télévision, n’existent pas. C’est ce complexe qui l’amène à collectionner les titres bidons, sans valeur, de docteur honoris causa glanés dans toutes les universités du monde, pour en vain tenter de remplir le vide qu’aurait occupé le vrai doctorat. Ce qui ridiculise le peuple sénégalais aux yeux du monde cultivé.
Demain, afin d’utiliser les moyens de l’État à des fins de promotion personnelle, il faudra faire voter une loi rendant incompatible la fonction de président de la République du Sénégal avec la quête ou l’obtention de distinctions sans rapport avec le développement du pays. Un jour on créera une commission chargée d’étudier les incidences budgétaires des complexes intellectuels de Senghor.
À propos de la question du plagiat, je renvoie à ‘Taxaw’ numéro 3, je ne suis que la énième victime avec Hamani Diori (Détérioration des termes de l’échange); le Président Bourguiba (Francophonie); la Pira (Civilisation de l’universel); Camus (Politique politicienne); Ousmane Socé (Métissage culturel); Césaire (Négritude); André Blanchet (Balkanisation); Gaston Deferre (Horizon 80, devenu horizon 2000 ou 2001).
On ne doit être fier que de ces travaux. Rien n’est plus triste qu’un chercheur qui ne trouve rien. Si l’on se bornait à réciter le savoir acquis à l’école, sans rien y ajouter par nos propres découvertes, l’humanité en serait à l’âge primitif. Ce qui fait donc la valeur de l’intellectuel, c’est sa contribution réelle au progrès des connaissances de son temps.
Donc, dans le cas précis de mise au point, il faut que chacun indique de façon explicite son apport; il suffit de se reporter à mes travaux pour constater qu’en sciences humaines ils ont fait progresser les connaissances dans les disciplines suivantes : archéologie, préhistoire, anthropologie, physique, histoire, égyptologie, linguistique, histoire de la philosophie, sociologie, ethnologie, etc.
En sciences exactes, nous avons introduit au Sénégal, dans le cadre du transfert des technologies, un ensemble de techniques nucléaires d’avant-garde ; nous contribuons régulièrement au progrès des sciences de la terre, même dans le cadre de programmes internationaux, etc.
En quoi Senghor, qui n’a jamais contribué au progrès d’aucune science, fût-elle linguistique, se sentirait-il qualifié pour porter un jugement sur mes travaux ?
Enfin, sur un plan plus général, nous avons donné à la culture africaine ses lettres de noblesse, en la réconciliant avec l’histoire et en créant pour la première fois les bases scientifiques d’une linguistique diachronique africaine.
Les linguistes africains ne tarderont à s’apercevoir que notre ouvrage intitulé : Parenté génétique entre l’Égyptien pharaonique et les langues négro-africaines inaugure l’ère de la révolution linguistique africaine. Aussi j’espère que cet ouvrage, ainsi que Antiquité Africaine par l’image et Physique nucléaire et Chronologie absolue seront diffusés correctement sans délai au Sénégal, sinon je serai bien obligé de prendre des mesures.
Aujourd’hui presque toutes les idées que j’ai défendues dans le temps sont tombées dans le domaine commun. Mais que ceux qui étaient alors restés sur la touche veuillent bien me les resservir avec désinvolture.
Aimé Césaire, le vrai père de la négritude, l’inventeur de ce concept, dit de notre ouvrage Nations nègres et culture dans Discours sur le colonialisme qu’il est le ‘livre le plus audacieux qu’un nègre ait jamais écrit’, témoignant, par ce jugement de la nouveauté des idées contenues dans Nations Nègres par rapport même à la négritude et des difficultés que les intellectuels africains éprouvaient alors, à croire ces thèses qui leur paraissaient trop belles pour être vraies.
Nous avons décidé d’éliminer Senghor de la vie politique sénégalaise pour le plus grand bien du peuple sénégalais.
Cheikh Anta Diop, 13 février 1978.
par l'éditorialiste de seneplus, ousseynou bèye
L’ACTUALITÉ DE LA VISION DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand donc, l’intelligensia africaine, va-t-elle sortir de l’idéologie coloniale, pour oser emprunter les pas du nouveau paradigme proposé par Cheikh Anta Diop, pour la renaissance du continent ?
Ousseynou Bèye de SenePlus |
Publication 17/02/2023
Le 7 février dernier a été célébré, comme chaque année, depuis maintenant 37 ans, l’anniversaire de la disparition du regretté Professeur Cheikh Anta Diop, éminent savant, grand militant du panafricanisme, Secrétaire Général -fondateur du Rassemblement National Démocratique (RND).
A cette occasion, il paraît de la plus grande opportunité de revisiter les grandes idées que ce grand homme a léguées à la postérité. Et de questionner la vision qui les sous-tend, tout s’interroger, non pas sur la pertinence de celle-ci, mais plus exactement sur son actualité.
Pour ce faire, on pourrait se poser au moins deux questions simples :
Quelles sont ces idées-là qui fondent la vision de Cheikh Anta Diop ?
En quoi cette Vision est-elle encore d’actualité ?
Les idées majeures que Cheikh Anta Diop a léguées à la postérité
Dans Nations nègre et Culture (Présence Africaine,1979), comme dans ses travaux ultérieurs, notamment Civilisation ou Barbarie (Présence Africaine, 1981), une autre de ses publications majeures, Cheikh Anta Diop a développé moult idées novatrices. Quelques-unes des plus emblématiques vont être déclinées ici.
Contrairement aux thèses polygénétiques qui dominaient à l’époque, Cheikh Anta Diop défendait et finit par faire admettre au monde scientifique, en même temps que d’autres savants qui défendaient la même thèse, le caractère monogénétique de l’origine de l’Humanité ; c’est-à-dire son apparition première en un seul et unique lieu. Et ce lieu, selon les enseignements du professeur, n’est nulle part ailleurs qu’en Afrique, du côté des Grands Lacs, dans les zones du Kenya, de la Tanzanie et la Zambie actuels. Deux raisons majeures justifient cette thèse : la première est que les plus proches cousins de l’homme actuel sont « les grands singes africains », ce qu’avait déjà énoncé Charles Darwin dès 1871 ; la seconde raison est que les plus anciens fossiles d’hominidés ont été découverts en Afrique. Et de fait, toutes les fouilles archéologiques postérieures aux thèses de Cheikh Anta Diop sont venues confirmer celles-ci. Ainsi, cette zone géographique est désormais reconnue comme le « berceau de l’Humanité », d’où sont partis, par vagues, des groupes de migrants qui allaient essaimer vers les autres continents. Cette thèse a été récemment corroborée par les ossements de « Cheddar Man » découverts en 1903, et ayant fait l’objet de test ADN ; ainsi, cet ancêtre britannique (« le plus ancien squelette d'homo sapiens découvert en Grande Bretagne »), apparemment arrivé en Angleterre il y’a plus de 10 000 ans, avait « la peau foncée, des yeux bleus et les cheveux bouclés » (selon le quotidien The Guardian).
De fait, dans les conditions climatiques qui prévalaient alors, le Premier homme, né en Afrique, était nécessairement doté d’une forte dose de mélanine, cette substance chimique dans l’organisme de l’homme qui permet à celui-ci de résister aux rayons du soleil, dans des conditions draconiennes de forte chaleur, pour pouvoir survivre. Il se trouve que c’est cette mélanine qui protège et détermine la couleur de la peau : plus on en a, plus la peau est sombre et tend vers le noir ; vice-versa, moins on en a, plus la peau est claire et tend vers le blanc. Le premier homme, avec donc nécessairement une forte dose de mélanine dans le corps, fut un Noir, sauf preuve contraire ; cela est aujourd’hui universellement admis dans les milieux scientifiques, et au-delà. D’autant que les analyses par le Carbone 14 sont venues étayer cette thèse.
Il faut souligner que l’éminent savant se basait toujours sur des sources pertinentes et indiscutables : résultats des recherches de ses prédécesseurs, fouilles archéologiques, analyses chimiques, livres saints (Bible et Coran).
De La race noire des populations de l’Egypte antique
Cheikh Anta Diop pose très clairement et très nettement cette problématique dans Nations Nègres et Culture… : « En disant que ce sont les ancêtres des Nègres qui vivent aujourd’hui principalement en Afrique Noire, qui ont inventé, les premiers, les mathématiques, l’astronomie, le calendrier, les sciences en général, les arts, la religion, l’agriculture, l’organisation sociale, la médecine, l’écriture, les techniques, l’architecture ; que ce sont eux qui ont, les premiers élevé des édifices de 6 000 000 de tonnes de pierre (Grande Pyramide) en tant qu’architectes et ingénieurs – et non seulement en tant qu’ouvriers ; que ce sont eux qui ont construit l’immense Temple de Karnak, cette forêt de colonnes, avec sa célèbre salle hypostyle où entrerait Notre Dame avec ses tours ; que ce sont eux qui ont sculté les premières statues (colonnes de Memnon, etc.), en disant tout cela, on ne dit que la modeste et stricte vérité, que personne, à l’heure actuelle, ne peut réfuter par des arguments dignes de ce nom. » (Cheikh Anta Diop, Op.Cit.)
Si Cheikh Anta Diop se prononce de façon aussi péremptoire sur une question scientifique si controversée, c’est que, sûr de son fait, et comme à son habitude, se référant aux résultats de recherches de ses prédécesseurs, procédant à des analyses chimiques sur des tissus prélevés des momies, menant des recherches anthropologiques, et singulièrement des études linguistiques…, il a adossé ses propres recherches sur des sources irréfutables. Et, depuis Le colloque international du Caire (28 janvier, 3 février 1974) notamment, cette thèse est aujourd’hui reconnue comme avérée.
De la parenté entre l’Égypte antique et l’Afrique noire moderne, l’antériorité des civilisation nègres
Les idées dominantes de l’époque caractérisaient l’Égypte antique comme étant une nation tantôt ‘blanche’, tantôt ‘sémite’, la rattachant même parfois à l’Asie ou à… l’Europe. Alors que son appartenance géographique à l’Afrique crève les yeux ! Là aussi, il a fallu à l‘éminent égyptologue mener des études dignes de foi, pour rétablir la vérité historique. Cheikh Anta Diop a dû procéder à des études comparatives faites entre les structures sociales, les institutions étatiques des deux zones géographiques, mais aussi, singulièrement, entre les langues parlées en Égypte antique d’une part, et dans le reste de l’Afrique d’autre part pour tirer ses conclusions (cf. L’unité culturelle de l’Afrique Noire, Présence Africaine, 1959). Aussi, Jose Do Nancimento, politologue et juriste congolais, nous apprend : « Diop a mis en perspective cette parenté en ce qui concerne le phénotype, les institutions politiques, les représentations religieuses et philosophiques, les langues parlées… » (Jose Do Nancimento, La pensée politique de Cheikh Anta Diop, l’Harmatan 2020).
Cette parenté entre l’Égypte ancienne et le reste de l’Afrique entérine bien l’antériorité des civilisations nègres puisqu’elle établit, depuis longtemps, que l’Égypte antique était peuplée de Noirs, qu’elle était la plus prestigieuse et la plus ancienne civilisation que l’Humanité ait connue, et qu’elle était la nation-mère de tous les États africains qui vont se constituer bien plus tard. Il faut savoir que l’Égypte ancienne était la source de prédilection où venaient s’abreuver de savoirs tous les Sages de la Grèce antique : Solon, Thalès, Platon Pythagore… Il ne serait pas du reste sans intérêt, de rapporter ici les propos de Pythagore pour illustrer cette réalité « … Je ne saurais prétendre au titre de sage car ce titre est réservé aux initiés supérieurs de la Valée du Nil. » (Alpha Youssoupha Guèye, Spiritualité et Sciences dans l’action de Cheikh Ibrahima Fall et la Pensée de Cheikh Anta Diop, Les Éditions Omayal, 2021). Si le philosophe fait ici preuve de toute la modestie attendue d’un intellectuel de sa trempe, il n’en témoigne pas moins de sa vénération des Sages de l’Égypte antique auprès de qui il allait s’initier. Quelle plus grande reconnaissance de l’antériorité de la civilisation égyptienne, des civilisations nègres, par rapport aux autres civilisations que connaitra l’Histoire !
De l’unité culturelle de l’Afrique
C’est en particulier dans son ouvrage, L’Unité Culturelle… que Cheikh Anta Diop établit cette unité du continent, dans la foulée de son étude comparative entre l’Égypte ancienne et le reste du continent ; mais aussi, en procédant à une analyse pointue du système du matriarcat qui caractérisait quasiment toutes les nations de l’Afrique précoloniale. Singulièrement, au plan linguistique, ses découvertes ne laissent aucun doute sur l’unité culturelle de l’Afrique dont les langues parlées sont essentiellement des langues à classes, caractéristique essentielle de celles-ci. Alpha Youssoupha Guèye explicite bien la position de l’égyptologue sur la problématique de l’unité africaine : « Dans ses travaux, Cheikh Anta Diop aborde, loin de toute autoglorification, le patrimoine africain en mettant en lumière l’unité historique, l’unité géographique l’unité psychique, la cohérence de l’organisation de la famille africaine précoloniale, de l’Etat, l’existence de solides conceptions philosophiques et morales formant une unité culturelle évidente des peuples d’Afrique… Il y’a un fond linguistique commun… » (Alpha Youssoupha Guèye, Ibid.).
De l’importance fondamentale des langues nationales dans tout processus de développement économique, culturel et social d’un État
C’est un fait, le langage est, pour toute communauté humaine, le véhicule par excellence de communication dans la vie de tous les jours, dans ses activités culturelles, socio-économiques, politiques… La langue qui exprime ce langage est donc porteuse de l’histoire, des valeurs, de la psychologie, pour tout dire de la culture de la communauté considérée. Historiquement, les grandes civilisations qui ont connu une pérennité remarquable, ont en général, été édifiées par le biais de l’écriture de la langue ; c’est le cas de la civilisation de l’Égypte ancienne, des civilisations grecque, latine, arabe, chinoise, indienne, etc. Par contre, les civilisations qui n’ont pas connu ou qui ont perdu l’écriture de leur langue, tout en gardant de leur grandeur, ont adopté l’oralité, comme substitut, modalité moins rigoureuse et moins pérenne. Partant de tels constats, on peut comprendre les trois principes de base dégagés en la matière par le professeur Cheikh Anta Diop, dans un de ses articles publié dans Taxaw, organe du RND, qu’il ne serait pas superflu rappeler ici :
- « Le développement par le gouvernement dans une langue étrangère est impossible, à moins que le processus d’acculturation ne soit achevé, c’est là que le culturel rejoint l’économique ».
- « Le socialisme par le gouvernement dans une langue étrangère est une supercherie, c’est là que le culturel rejoint le social ».
- « la démocratie par le gouvernement dans une langue étrangère est un leurre, c’est là que le culturel rejoint le politique ».
Le premier principe de ce triptyque est attesté, vérifié par les faits historiques : il n’existe aucun État au monde qui se soit développé convenablement en faisant fi des langues parlées par les populations, pour emprunter une langue étrangère comme langue officielle à leur place. Sauf si, en effet, le processus d’acculturation a fini d’accomplir son œuvre, en produisant des êtres hybrides qui ne se re connaitraient plus dans leur culture d’origine. Ce dernier état de fait étant l’objectif déclaré de toute entreprise coloniale, et que tout pays indépendant qui voudrait construire une économie auto-centrée et solide, un développement durable, devrait impérativement éviter.
Le deuxième principe met en garde les États illégitimes qui usent et abusent de l’ignorance de leurs administrés, et alerte les peuples, en leur rappelant que tout système socialiste véritable repose sur leur mobilisation consciente. Voilà pourquoi Cheikh Anta Diop parle de « supercherie », terme que d’aucuns pourraient prendre pour un mot « trop fort ».
Le troisième principe, enfin, renvoie à une pratique saine de la Démocratie qui repose sur le principe de majorité. Comment en effet, concevoir la Démocratie lorsque la très large majorité de la population, analphabète, ne comprend pas les règles du jeu, consignées en langue étrangère ?
Alliant la pratique à la théorie, Cheikh Anta Diop, à l’occasion de la semaine culturelle de l’École des jeunes filles de Thiès, en 1983, donna une grande conférence sur les langues nationales, entièrement en wolof, avec pour thème : Làmmiñi réew mi ak gëstu. Boubacar Boris Diop nous apprend : « Au-delà du thème abordé - langues nationales et recherche scientifique - cette conférence résume avec clarté les thèses centrales de la pensée de Cheikh Anta Diop. » (Boubacar Boris Diop, Le Sénégal entre Chekn Anta Diop et Senghor, L’Afrique au-delà du miroir, Éditions Phillipe Rey, 2007).
En tirant les leçons de ces principes, on pourrait en conclure, bien évidemment, qu’il ne saurait y avoir de développement véritable pour notre pays, tant que nos langues nationales ne prendront pas la place qu’elles méritent, en leur donnant leur statut de langue officielle : langue de gouvernement, langue d’enseignement et langue de travail dans tous les domaines.
Aujourd’hui, 21 langues nationales ont été codifiées ; il existe des dictionnaires en langues nationales et les règles grammaticales ont été établies et mises à jour pour la plupart d’entre elles ; il y’a surtout une floraison de productions littéraires dans tous les genres (romans, nouvelles, théâtre, contes, poésie, essais…). Enfin, dans la vie de tous les jours, en public, comme en privé, dans les médias comme dans les maisons, dans la rue, et même dans les « vestiaires » des salles de classes à l’école, nos langues maternelles constituent le principal véhicule linguistique.
Aujourd’hui, manifestement, le wolof, (dans un premier temps concomitamment avec le français), pourrait constituer la langue officielle du pays, avec, corrélativement, l’enseignement dans les autres langues au niveau de l’Elémentaire. En effet, dans le processus d’acquisition des connaissances, l’enfant qui n’utilise pas sa langue pour son apprentissage, connaîtra toujours un retard de près de 6 ans, avant de pouvoir rivaliser avec son camarade qui aura eu le privilège d’apprendre dans sa propre langue. Ces réalités–là, qui frisent l’évidence, Cheikh Anta les avait mises en exergue il y a… plus d’un demi-siècle, avec Nation Nègre… !
De l’engagement pour un futur État fédéral d’Afrique Noire
Tout le monde sait la conviction, la ferveur avec lesquelles Cheikh Anta Diop a consacré sa vie pour tracer les sillons de l’unité africaine, pour l’avènement d’un État Fédéral d’Afrique Noire.
Avec son ouvrage, Les fondements économiques et culturels d’un État Fédéral d’Afrique Noire (Présence Africaine, 1974 – revue et corrigée) Cheikh Anta Diop laisse à la postérité africaine le premier (l’unique ?) Plan de Développement de l’Afrique Noire, qui est aussi une Plateforme de Révolution politique, pour assurer un développement prospère et durable de son continent.
Chez Cheikh Anta Diop, il n’y a pas d’unité sans mémoire, sans conscience historique : il est donc question d’abord de restaurer la conscience historique, ce ciment qui détermine l’appartenance à une communauté, qui mobilise et galvanise les peuples et conditionne l’unité.
De même, nous append-il, « Il n’y a pas d’identité nationale et fédérale sans un langage commun : l’unification linguistique est possible » (Cheikh Anta Diop, Ibid, 4e page de couverture). A ce propos, on le sait, le savant, militant panafricain, propose l’adoption d’une langue unique de gouvernement au niveau continental, tout en recommandant l’utilisation des langues nationales comme langues de travail et d’enseignement, selon les pays.
Au plan politique, il s’agit d’éviter non pas la « balkanisation » en tant que telle, mais plus encore, la « sud-américanisation. Car si la « balkanisation » est source d’instabilité, la « sud-américanisation » également facteur d’instabilité, s’accompagne de séries de coup d’État, sans fin, téléguidés de l’Extérieur. Avec, nous met-il en garde : « … Une prolifération de petits Etats dictatoriaux sans lien organique, éphémères, affligés d’une faiblesse chronique… sous la domination économique de l’étranger… » (Cheikh Anta Diop, Ibid). D’où la pertinence, voire la nécessité du fédéralisme entre des États souverains. Au regard de l’actualité politique africaine, on conviendra que l’Histoire a, encore une fois, donné raison à Cheikh Anta Diop.
Au plan économique, avant de proposer un plan de réalisation de ses idées, le savant a tenu d’abord à faire la revue des potentialités économiques du continent, notamment en ce qui concerne son potentiel énergétique (hydraulique, hydroélectrique, solaire, éolienne, thermique des mers, atomique, thermo-nucléaire, géothermique, etc.). Il s’agit ici d’un véritable travail scientifique et technique qui repose sur le réel. Dans la même perspective, Cheikh Anta Diop indique une mutualisation des ressources continentales, les connexions possibles entre les ressources énergétiques, les richesses agricoles et celles minières, de l’Ouest à l’Est, du Nord au Sud de l’Afrique.
Enfin, il aborde la question cruciale de l’industrialisation, indispensable à tout processus de développement viable : la conquête et l’organisation du marché intérieur ; les moyens de transport entrant dans la même perspective ; l’incontournable question de la formation des cadres techniques ; l’institution d’un Fonds d’Investissements permettant le financement de tous les programmes et projets à mettre en œuvre. Toutes choses étant le soubassement de politiques d’États indépendants pour des économies auto-centrées au bénéfice exclusif des intérêts nationaux.
« En Conclusion pratique », comme il l‘annonce lui-même, l’illustre savant propose « 15 points essentiels comme principes de base d’une action concrète » (Cheikh Anta Diop, Ibid). Tout en renvoyant le lecteur à l’œuvre, un opuscule facile à lire, on ne saurait manquer d’en citer, tout au plus, les quatre premiers, dans l’ordre décliné :
- Restaurer la conscience de notre unité historique,
- Travailler à l’unification linguistique à l’échelle territoriale (nationale) et continentale, une seule langue africaine et de gouvernement devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu’elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l’enseignement secondaire.
- Élever officiellement nos langues nationales au rang de langues de gouvernement…
- Étudier une forme de représentation efficace de l’élément féminin de la nation.
Il importe ici de souligner la proposition d’un système « bi-caméral-genre » (si on peut le dire ainsi), pour l’institution législative : une Chambre législative composée exclusivement de femmes et une Chambre législative uniquement pour les hommes. Un tel système va bien évidemment, beaucoup plus loin que celui de la parité, actuellement en vigueur dans notre pays, système encore révolutionnaire sur le continent, voire dans le monde entier. Cette proposition, qui pourrait paraître idéaliste et impraticable, n’a effleuré l’esprit d’aucun autre intellectuel ou politique, semble-t-il. Pourtant, Cheikh Anta Diop la fonde sur les réalités culturelles africaines.
On sait en effet, avec le chercheur, que dans nos anciens empires ou royaumes, lorsque les hommes se réunissaient le jour, pour traiter des affaires de la Cité, la nuit, les femmes en faisaient de même sur les mêmes sujets, avant qu’une solution concertée ne soit trouvée et retenue. Ainsi, nous rappelle-t-il (ou nous apprend-il) : « … Aussi, les femmes participaient-elles à la direction des affaires publiques dans le cadre d’une assemblée féminine, siégeant à part, mais jouissant de prérogatives analogues à celles de l’assemblée des hommes » (Cheikh Anta Diop, Ibid.). L’historien donne l’exemple de la résistance militaire de Béhanzin à l’armée française : « … une décision de l’assemblée des femmes du royaume, qui s’est réunie la nuit, après celle des hommes réunie le jour, et qui, à l’inverse de cette dernière, avait donné l’ordre de mobilisation et la guerre. La décision fut ratifiée par les hommes… Loin d’entraver la vie nationale et d’opposer les hommes et les femmes, il (le bicaméralisme) garantissait l’épanouissement de tous. » (Cheikh Anta Diop, Ibid.)
Une telle option, à la fois originale et révolutionnaire, fera dire à la féministe Dr Aoua Bocar Ly que Cheikh Anta Diop est un « Féministe en pratique et en théorie. » ; justifiant son propos, elle insiste : « C’est donc forte de ce que nous avons observé dans sa pratique, et décelé dans sa pensée (écrits et conférences) que nous affirmons que Cheikh Anta Diop est un éminent féministe ». (Aoua Bocar Ly Tall, Cheikh Anta Diop l’humain derrière le savant, l’Harmatan Sénégal, 2022)
Dès lors, il ne serait pas superflu d’insister sur ce point qui figure à la fois comme un trait de caractère (dans la pratique), et une conviction (dans la théorie) de Cheikh Anta Diop, et qui est souvent ignoré ou méconnu du grand public, voire de l’élite. Quand donc, l’Intelligensia africaine, va-t-elle sortir des sentiers battus de l’idéologie coloniale, pour oser emprunter les pas du nouveau paradigme proposé par Cheikh Anta Diop, pour affirmer et bâtir la renaissance africaine, à partir des réalités africaines et pour le seul intérêt des Africains ?
De la continuité historique et de la conscience historique
Cheikh Anta Diop a été certainement le savant qui a le plus usé de ces deux concepts fondamentaux, en les développant, en les affinant, pour en faire des outils d’éveil des consciences et d’émancipation de l’intelligentsia africaine.
Dans presque tous ses écrits, notamment dans L’Afrique Noire précoloniale (Présence Africaine, 1960) ou dans L’Unité culturelle…, on découvre des développements importants de l’évolution des sociétés africaines (genèse, caractéristiques, apogée, déclin…) à travers des démonstrations sourcées et documentées, démontant au passage beaucoup d’idées reçues que l’on prenait pour acquises définitivement.
Il faut savoir que les cultures et les civilisations ne naissent pas spontanément, ex-nihilo, pas plus qu’elles ne disparaissent du jour au lendemain, comme par enchantement. Leur progression, de leur naissance à leur disparition, suit toujours un long processus, favorisé tant par des facteurs internes (luttes entre groupes sociaux, entre castes, entre classes sociales…) que par des facteurs externes (tendances hégémoniques, impérialistes de nations militairement fortes sur d’autres plus démunies économiquement, militairement…). Il en a été ainsi, par exemple, pour la Grèce antique comme pour l’Empire romain, pour la civilisation byzantine… Il en a été de même pour l’Égypte antique qui a duré 3120 ans (environ -3150 à -30) et dont le processus de mutation a connu trois grandes périodes, pour l’essentiel : l’Ancien Empire, le Moyen Empire et le Nouvel Empire. Ce processus, non linéaire, a naturellement aussi caractérisé l’évolution du reste de l’Afrique, depuis l’Égypte ancienne, jusqu’aux empires et autres royaumes déclinents, après leur apogée (Ghana, Mali, Tékrour, Songaï, Djolof, Saloum, Gabou…). Aujourd’hui encore, les sociétés modernes sont soumises aux mêmes lois d’évolution (croissance, apogée, déclin). C’est cela, la continuité historique : ce fil conducteur qui lie les différentes étapes du développement historique d’une communauté donnée. C’est ainsi qu’il y a, par exemple, quelques siècles, l’Afrique a connu le phénomène de la traite des esclaves : orientale (VIIe - XXe siècles) d’abord, puis ensuite, atlantique (XVe – XIXe siècles) ; ces agressions extérieures inhumaines, véritables actes de barbaries de la part d’États militairement plus forts, sont venues bouleverser les structures sociales internes, pour rompre la continuité historique de leur développement. Ces bouleversements extérieurs (auxquels il faut ajouter la colonisation et la néo-colonisation) ont ainsi été des facteurs bloquants de la continuité historique des sociétés africaines, et expliquent le retard relatif qu’elles connaissent dans le processus de leur développement.
Il n’y a pas lieu alors, pour les Africains, de rester perplexes et de douter des réalisations prodigieuses dont nos ancêtres ont été les artisans : il faut remonter ce fil conducteur jusqu’à la source, rétablir la continuité historique pour se convaincre de l’apport fondamental des civilisations nègres à la construction de la civilisation planétaire en devenir. Un tel exercice débarrasserait l’Africain ou l’Afro-descendant de tout complexe infériorisant et mal placé.
Pourtant, Cheikh Anta Diop confesse que, lorsqu’il entreprenait, au tout début, ses recherches, il était loin de se douter de ce qu’il allait trouver. Seul l’intéressait, disait-il, ce fil conducteur pour restaurer la continuité historique du continent africain ; dans cette confession (au colloque du Caire), il donnait presque l’impression de s’excuser pour avoir fait de telles découvertes aussi fantastiques à l’actif de l’Afrique : « … Ce qui m’intéressait c’était de trouver le chemin humble de nos ancêtres les plus lointains, et quand je suis tombé sur l ‘Égypte, mes camarades de ma génération le savent, j’étais gêné, ça ne m’intéressait pas de tomber sur l’Égypte pour ce que je cherchais. C’est le fil conducteur, c’est la restauration de la continuité historique qui m’intéressait, c’est cette conscience historique qui est le ciment qui réunit les individus d’un peuple… C’est ce sentiment historique que je voulais restituer, restaurer… »
Prendre conscience de cette continuité historique, et en tirer toutes les conséquences positives, c’est donc cela la conscience historique. Les Africains devraient s’en armer pour « aller à l’assaut du ciel » ! Telle est l’invite du savant panafricain Cheikh Anta Diop qui assoie ses thèses sur des convictions profondes étayées et éclairées par une démarche scientifique rigoureuse basée sur le réel.
De la civilisation planétaire plutôt que de la barbarie
Cheikh Anta Diop était profondément humaniste, dans le sens où sa véritable préoccupation, sa cible essentielle était : l’Homme. Ainsi, l’illustre savant, tout préoccupé par le devenir de l’Afrique qu’il était, ne se montrait pas moins soucieux de celui de l’humanité toute entière, tout au long et à travers toutes ses publications. Par exemple, dans Civilisationou Barbarie où, mettant en garde ses contemporains, il militait « pour bâtir la civilisation planétaire au lieu de sombrer dans la barbarie ». (Cheikh Anta Diop, Op.Cit.)
Il faut en effet bien noter que l’éminent penseur ne tire aucune gloriole de ses découvertes, ni en tant qu’individu, ni en tant qu’Africain. Lui-même met en garde ses compatriotes africains : « … Dès lors, le Nègre doit être capable de ressaisir la continuité de son passé historique national, de tirer de celui-ci le bénéfice moral nécessaire pour reconquérir sa place dans le monde moderne, sans verser dans le nazisme à rebours, car la civilisation dont il se réclame eût pu être créée par n’importe quelle race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique. » (CAD, Ibid.)
Il ne serait pas sans intérêt d’insister sur le fait que Cheikh Anta Diop n’a pas cherché à classer les Nègres au-dessus des Blancs ou d’une quelconque autre race. Du reste, comme on s’en rend compte, il n’utilise la notion de « race », qui lui répugnait, que pour bien se faire comprendre, notamment de ses confrères qui, eux, avaient consacré ce terme dans leurs divers travaux. Ne soyons donc pas étonné qu’il insiste pour clamer haut et fort ses convictions universalistes : « Nous aspirons tous au triomphe de la notion d’espèce humaine dans les esprits et dans les consciences, de sorte que l’histoire particulière de telle ou telle race s’efface devant celle de l’homme tout court. On n’aura plus alors qu’à décrire, en termes généraux qui ne tiendront plus compte des singularités accidentelles devenues sans intérêt, les étapes significatives de la conquête : de la civilisation par l’homme, par l’espèce humaine tout entière. » (Cheikh Anta Diop, Antériorité des Civilisations Nègres Mythe oe Vérité historique, Présence Africaine, 1992).
Ces idées de Cheikh Anta Diop, aussi audacieuses que fécondes, une fois passées en revue, sans prétention à l’exhaustivité, il importe de les confronter aux réalités de notre époque, à l’actualité du jour, pour en étudier la pérennité de la pertinence ou non.
En quoi la Vision de CAD est-elle toujours d’actualité ?
De l’origine de l’humanité, de la race du peuple de l’Égypte antique et de la parenté entre celle-ci et le reste de l’Afrique
Sur ces questions, la messe est dite, la cause entendue, du moins dans les milieux scientifiques, pour l’essentiel. Cependant, on rencontre souvent dans le grand public, et jusque chez les intellectuels, des propos du genre : « Que nous importe que l’Afrique soit le berceau de l’humanité, ou que les Égyptiens anciens fussent des Nègres ? »
Les auteurs de tels questionnements, quand ils sont sincères, au-delà du fait qu’ils dévoilent leur ignorance, révèlent aussi une certaine mésestime de soi ; car généralement, ce sont les mêmes qui croient que les Africains sont arriérés, n’ont jamais rien inventé, et ne savent même pas fabriquer une aiguille ! Évidemment, avec un tel état d’esprit, point d‘armement moral pour faire face aux défis des temps modernes !
A ceux-là, il faut apprendre que les grandes réalisations de l’Homme sont le fait de l’humanité entière, chaque race, ou continent, ou nation ayant apporté sa contribution à un moment donné ou un autre de l’Histoire. Autrement dit, il faut lui faire approprier le concept à la fois scientifique et galvanisateur de « conscience historique ».
Aujourd’hui, les populations africaines, singulièrement la jeunesse, ont-elles acquis cette conscience historique ? La réponse est certainement négative. Et tant qu’il en sera ainsi (absence de toute conscience historique), ces idées de Cheikh Anta Diop restent d’actualité, et méritent donc des études plus approfondies, et surtout d’être vulgarisées.
L’unité culturelle de l’Afrique noire et la problématique des langues nationales
La question de l’unité culturelle de l’Afrique noire ne devrait pas en principe être sujet à discussion, tant les rites, traditions et religions africaines se pratiquent avec beaucoup d’affinité à travers les différents États. Cependant, l’observation dans les comportements de certains individus dénote, au-delà de l’ignorance, d’un certain nationalisme à outrance, voire d’un certain racisme qui ne dit pas son nom. Et, il faut bien le relever, pour le regretter, les dirigeants des États africains dans leur ensemble ne montrent aucunement la volonté politique, dans cette perspective, de mettre en valeur l’unité culturelle du continent, laquelle devrait être le socle de son unité politique.
C’est cette absence de volonté politique pour l’unification du continent, passant d’abord par des politiques culturelles efficientes, qui donne toute son actualité à cette question fondamentale (l’unité culturelle de l’Afrique).
Quant à la question des langues nationales, il est évident qu’elle se pose encore avec acuité. En effet, on peut d’abord relever une ambiguïté : la langue maternelle demeure l’outil privilégié des populations sénégalaises dans leur vie de tous les jours, en dépit de la politique officielle qui, depuis environ 300 ans avec la domination française, cherche à imposer au pays une langue étrangère, en l’occurrence le français. Cependant, comme nous l’avons déjà vu, il y a comme une lame de fond qui se développe, inexorablement, pour porter les langues nationales à la place qui leur est due. Toutefois, en ce qui concerne le Sénégal, ces langues nationales ne sont pas encore enseignées dans nos écoles, encore moins, érigées en tant que langues de travail et de gouvernement, comme langues officielles, comme c’est déjà le cas, dans bien des États africains. Manifestement, là encore, la volonté politique est ce qui manque, depuis les années dites « d’indépendance », en dépit des progrès enregistrés relativement à la codification de l’écriture et de la grammaire de ces langues.
Retenons donc que, tant que nos langues nationales ne connaitront pas un statut de langue de gouvernement, de langue d‘enseignement, de langue de travail, pour tout dire de langue officielle, cette problématique demeure d’une grande actualité.
Construction d’un État fédéral africain
On peut se demander s’il est besoin d’épiloguer sur l’actualité de cette question pour notre continent, tant les pas de tortue de nos dirigeants (coachés qu’ils sont par des officines étrangères, notamment de Paris) vers cette unité, agacent et lassent. Il est vrai que des efforts d’unifications régionales, au plan strictement économique, sont une réalité. Mais cela dure depuis la sortie de Fondement…, en 1960. Depuis le fameux sommet de l’OUA (1963), où Kwamé Nkrumah, Gamal Abdel Nasser et autres Sékou Touré, cherchaient à convaincre leurs pairs, leur demandant de prendre leur courage à deux mains et d’aller à l’essentiel : l’unité politique, d’abord. Plus récemment, Mouammar Kadhafi, prenant le relai, est allé plus loin, en proposant un plan et des financements, pour mettre en place les institutions pour une unité politique et économique de l’Afrique. On sait ce que cela lui a coûté… comme ses prédécesseurs : Um Nyobé, Patrice Lumbumba, Amilcar Cabral, Silvanus Olympio, Thomas Sankara… qui rêvaient d’États africains souverains.
Il est vrai qu’au niveau de la jeunesse africaine, on peut noter de réels frémissements, par-delà les frontières étatiques, en vue d’un panafricanisme renouvelé et dynamique. Cependant, n’oublions pas qu’avec Cheikh Anta Diop, le préalable à toute unité est la prise de conscience historique : cette reconnaissance de la continuité historique qui cimente l’unité d’États indépendants et libres.
Pour donc, la réalisation de cet ardent rêve de Cheikh Anta Diop, la construction d’un État fédéral d’Afrique, nous sommes loin du compte ; et tant que l’Afrique végétera pour l’atteinte de cet objectif, cette problématique restera de la plus grande actualité.
Civilisation ou barbarie ?
C’est la question fondamentale que pose l’éminent savant qui a aspiré d’une civilisation planétaire, embrassant toutes les races, tous les continents, toutes les nations du monde. Sur des bases égalitaires, unies dans un œcuménisme universel. L’unité de l’Afrique, bien conçue (comme celle de l’Amérique, de l’Europe, de l’Asie …) participe de cette Vision.
L’homme arrivera-t-il à cet horizon qui semble bien, à l’heure actuelle, un objectif utopique ? Pour l’heure, tout semble militer dans le sens contraire, avec les impérialismes qui, loin de périr, se revigorent dans notre monde contemporain qui se gausse de mondialisation et de globalisation.
Il est donc évident que cette idée de civilisation planétaire est et restera également, plus que d’actualité, tant que des États impérialistes, avec la complicité de leurs dévoués « nationaux », chercheront à imposer leurs lois aux peuples en lutte pour leur liberté.
Pour conclure brièvement, il paraît opportun de redonner la parole au politologue Jose Do Nancimento, et ensuite revenir à Nation Nègres et Culture, « Cette œuvre capitale », pour emprunter la célèbre expression de Boubacar Boris Diop :
« Aujourd’hui, à l’heure où des politiques de développement ont conduit les sociétés africaines dans l’impasse, il est temps que les acteurs politiques africains se tournent enfin vers les politiques de la renaissance africaine élaborées par Cheikh Anta Diop… » (Jose Do Nancimento, Op.cit)
Cette position rejoint bien la note de la 4e page de page de l’édition 2018 de Nation Nègres… : « Avec plusieurs décenies de recul on s’aperçoit que les grands thèmes développés dans Nations Nègres et Culture, non seulement n’ont pas vieilli, mais sont maintenant accueillis et discutés comme des vérités scientifiques, alors qu’à l’époque ces idées paraissaient révolutionnaires. »
Mais, plus que d’actualité, ne sont-elles pas toujours révolutionnaires, ces idées-phares, cette vision de Cheikh Anta Diop ?
Ousseynou Bèye est enseignant à la retraite, chargé du Cours de Wolof à l’Université du Numérique Cheikh Ahmidou Kane (ex-UVS).
LE PROJET DES 100.000 LOGEMENTS ET LA QUESTION DE LA CANDIDATURE DE MACKY SALL EN 2024 AU MENU DE LA REVUE DE PRESSE DE L'APS CE MERCREDI
Les quotidiens reçus ce mercredi 15 février abordent la question de la candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024, la le projet des ‘’100 000 logements’’ et les suites judiciaires des manifestations des partisans d'Ousmane Sonko à Mbacké
Dakar, 15 fev (APS) – Les suites judiciaires des manifestations des partisans d'Ousmane Sonko à Mbacké, le projet des ‘’100 000 logements’’, la question de la candidature de Macky Sall à la présidentielle de 2024 font le menu des quotidiens reçus mardi à l’Agence de presse sénégalaise (APS).
‘’Pluie de mandats de dépôt sur les partisans de Sonko’’ après les manifestations à Mbacké, selon Vox populi. Le journal signale que le parquet de Diourbel ‘’envoie le dossier des 69 interpellés en instruction. 10 sont déjà envoyés en prison’’.
Le journal rapporte qu’un autre partisan de Pastef, connu sous le nom de Hannibal Djim, a été placé sous mandat de dépôt. Il est poursuivi, avec la plateforme de levée de fonds, ‘’Koppar express’’, pour ‘’financement d’activités de nature à compromettre la sécurité publique, complot contre l’autorité de l’Etat…’’.
Après les manifestations survenues vendredi entre Touba et Mbacké, ‘’le procureur charge tous les mis en cause’’, souligne le quotidien Kritik.
Selon L’As, ‘’le parquet criminalise le dossier’’. ‘’10 manifestants ont été placés sous mandat de dépôt, 59 autres repassent aujourd’hui devant le juge’’, indique le journal.
Pour le quotidien Bës Bi, ‘’le communiqué du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Diourbel, publié dans la journée d’hier, n’augurait rien de bon pour les manifestants arrêtés, vendredi dernier, lors du meeting interdit de Pastef’.
‘’Sur les 69 personnes interpellées, 10 ont été placées sous mandat de dépôt hier par le juge d’instruction, alors que les autres, au nombre de 59, ont fait l’objet d’un retour de parquet. Le procureur, qui a corsé les charges, a cependant requis la libération des 7 mineurs’’, écrit le journal.
Il signale que le représentant du parquet ‘’avait indiqué que ces personnes sont poursuivies pour +participation à un rassemblement et des actions diverses, dégradation de biens, dommage à la propriété mobilière et immobilière d’autrui, instigation pour participation à un rassemblement et à des actions diverses ayant causé des dommages ou à des personnes+’’.
Les Echos met en exergue la signature d’un contrat de construction entre le ministre de l’Urbanisme, Abdoulaye Sow et le groupe EGI d’Abu Dhabi, aux Emirats Arabes Unis.
Le journal salue ‘’l’énorme coup de boost de Macky Sall au projet des +100 000 logements+’’. La publication précise que le projet porte sur 50 000 logements avec une première phase de 25 000 à la nouvelle ville de Thiès.
Ce contrat a été signé à Dubaï en présence du chef de l’Etat en marge du sommet mondial des gouvernements.
A propos du projet présidentiel des ‘’100 000 logements’’, Le Soleil affiche à la Une : ‘’Egi d’Abu Dhabi va en construire 50 000’’. Le journal rapporte qu’au sommet mondial des gouvernements, ‘’le président de la République, Macky Sall fustige les perceptions qui pénalisent l’Afrique’’.
Dans sa livraison du jour, Le Quotidien dresse le bilan du chef de l’Etat sénégalais à la tête de l’Union africaine (UA).
‘’Président en exercice de l’UA depuis février 2022, Macky Sall vient de boucler son mandat à la tête de cette organisation. Le mandat du dirigeant sénégalais a été marqué par les négociations menées pour la libération des stocks de céréales bloquées en Ukraine, le plaidoyer pour des investissements massifs dans l’agriculture, l’adhésion de l’UA au G20, entre autres’’, écrit le journal.
En politique, WalfQuotidien note que Macky Sall, dont une ‘’troisième candidature est fortement contestée par l’opposition, la société civile et même des juristes, multiplie les initiatives, pour faire accepter sa candidature au niveau national et international’’.
Le journal qui parle de ‘’fuite en avant de Macky’’ écrit : ‘’Du jamais vu dans l’histoire politique du Sénégal. Une pétition nationale et internationale et des meetings d’investiture à n’en plus finir pour légaliser une candidature à l’élection présidentielle (…) Une véritable fuite en avant pour convaincre les Sénégalais et le Conseil constitutionnel, dont il a nommé les membres, du bien-fondé de cette troisième candidature, un +second quinquennat, se défendent ses inconditionnels’’.
A propos de cette troisième candidature, EnQuête s’exclame à la Une : ‘’Dans la tête de Macky Sall’’.
‘’Quelles garanties pour lui et ses proches en cas de non-candidature ? Que serait le reste de son +règne+ si jamais il annonce qu’il ne sera pas candidats en 2024 ? Quel schéma pour éviter de se faire succéder par Ousmane Sonko ? De ces réponses à ces questions pourraient, en partie, dépendre la réponse du président Sall de se présenter ou non en 32024’’, selon le journal.
CHEIKH ANTA DIOP, SAVANT ET HOMME POLITIQUE VISIONNAIRE
Décédé le 7 février 1986, il aurait eu cent ans en 2023. Cheikh Anta Diop, c’était d’abord et avant tout l’homme de science, le monument du savoir. Vient ensuite le politique engagé, courageux et clairvoyant, avec une certaine idée du développement
Scientifique de formation, historien, anthropologue, homme politique, Cheikh Anta Diop s’est attaché, toute sa vie durant, à montrer l’apport de l’Afrique, plus particulièrement l’Afrique noire, à la culture et à la civilisation mondiales. Avec Théophile Obenga et Asante Kete Molefe, il est considéré comme l’un des inspirateurs du courant épistémologique de l’Afrocentricité. Lors du premier Festival mondial des Arts nègres de Dakar, il a été distingué comme « l’auteur africain qui a exercé le plus d’influence sur le 20e siècle ». Il est reconnu comme un précurseur dans sa volonté d’écrire l’histoire africaine précédant la colonisation, mais également l’un des premiers scientifiques africains à faire une application archéologique du laboratoire carbone 14 dès 1963. Cependant, certaines de ses thèses sont controversées.
La famille de Cheikh est d’origine aristocratique wolof dans le Thiapy ou Bambey. C’est à l’âge de 23 ans qu’il se rendit en France, à Paris, pour poursuivre des études en sciences physiques et la chimie, mais il se tourna aussi vers l’histoire et les sciences sociales. Il suivit les cours de Gaston Bachelard et de Frédéric Joliot-Curie. Il adopta un point de vue spécifiquement africain face à la vision de certains auteurs de l’époque, selon laquelle les Africains sont des peuples sans passé.
En 1951, sous la direction de Marcel Griaule, il prépara une thèse de doctorat à l’Université de Paris, dans laquelle il affirme que l’Égypte antique était peuplée d’Africains noirs, et que la langue et la culture égyptiennes se sont ensuite diffusées dans l’Afrique de l’Ouest. Dans un premier temps, il ne parvint pas à réunir un jury. Selon l’anthropologue Gnonsea Patrice Doué, sa thèse rencontre un « grand écho » sous la forme d’un livre, Nations nègres et culture, publié en 1954. Il obtint finalement son doctorat, six années après. C’est-à-dire en 1960, année de notre indépendance. Par la suite, il mit à profit sa formation pluridisciplinaire pour combiner plusieurs méthodes d’approche.
Cheikh Anta s’appuie sur des citations d’auteurs anciens comme Hérodote et Strabon pour illustrer sa théorie selon laquelle les Égyptiens anciens présentaient les mêmes traits physiques que les Africains noirs d’aujourd’hui (couleur de la peau, texture des cheveux, forme du nez et des lèvres). Son interprétation de données d’ordre anthropologique (comme le rôle du matriarcat) et archéologique l’amena à conclure que la culture égyptienne est une « culture nègre ». Sur le plan linguistique, il considère, en particulier, que le wolof, parlé aujourd’hui en Afrique occidentale, est phonétiquement apparenté à la langue égyptienne antique.
Une brillante carrière universitaire
Titulaire du doctorat ès Lettres en 1960, Cheikh Anta Diop revint au Sénégal enseigner comme maître de conférences à l’université de Dakar, rebaptisée université Cheikh-Anta-Diop, à son décès. Il y obtint en 1981 le titre de professeur. Il fut un homme de bibliothèque et non de terrain ; en dehors des datations au radiocarbone qu’il pratiquait dans son laboratoire de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) à Dakar, fondé à l’instigation de Théodore Monod. Toute sa réflexion s’appuyait sur son interprétation des trouvailles publiées dans la littérature, sur des textes et une iconographie connus de tous. Il effectua des tests de mélanine sur des échantillons de peau de momies égyptiennes, dont l’interprétation permettrait, selon lui, de confirmer les récits des auteurs grecs anciens sur la mélanodermie des anciens Égyptiens.
Durant la décennie 70, il participa au Comité scientifique international qui dirige, dans le cadre de l’Unesco, l’élaboration de l’histoire générale de l’Afrique ; un projet éditorial ambitieux qui comptera huit volumes. Pour la rédaction de cet ouvrage, il participa, en 1974, au Colloque international du Caire où il confronta les méthodes et résultats de ses recherches avec ceux des principaux spécialistes mondiaux. À la suite de ce colloque international, il rédigea un chapitre sur « L’origine des anciens Égyptiens ».
Un intellectuel engagé en politique
C’est en 1947 qu’il s’était engagé politiquement en faveur de l’indépendance des pays africains et de la constitution d’un État fédéral en Afrique. Jusqu’en 1960, il lutta pour l’indépendance du continent et de notre pays, et contribua à la politisation de nombreux intellectuels africains en France.
Secrétaire général des étudiants du Rassemblement démocratique africain (Rda), entre 1950 et 1953, il dénonça très tôt, à travers un article paru dans La Voix de l’Afrique noire, l’Union française, qui, «quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, apparaît comme défavorable aux intérêts des Africains ». Il poursuivit la lutte sur un plan culturel, et participa aux différents congrès des artistes et écrivains noirs. En 1960, il publia ce qui va devenir sa plateforme politique : « Les fondements économiques et culturels d’un futur État fédéral en Afrique noire ».
Gnonsea Patrice Doué reconnu que Cheikh Anta Diop sera l’un des principaux instigateurs de la démocratisation du débat politique au Sénégal où il anima l’opposition institutionnelle au régime du Président Léopold Sédar Senghor, à travers la création d’un parti politique, le Front national sénégalais (Fns) en 1961, puis le Rassemblement national démocratique (Rnd) en 1976, d’un journal d’opposition (Siggi, renommé par la suite Taxaw) et d’un syndicat de paysans. Sa confrontation, au Sénégal, avec le chantre de la négritude, serait l’un des épisodes intellectuels et politiques les plus marquants de l’histoire contemporaine de l’Afrique noire. Un problème d’écriture l’opposa à Senghor sur le mot wolof/ouolof « Siggi », et il refusa de changer l’orthographe.
Senghor qui avait introduit les quatre courants dans la Constitution n’accepta pas la reconnaissance de son parti par le Rnd. Ce sera chose faite avec l’arrivée d’Abdou Diouf en 1981 avec le multipartisme intégral. En février 1983, le Rnd de Cheikh Anta participa aux élections législatives et obtint un seul député en la personne du leader, mais il dénonça les irrégularités du scrutin et refusa de siéger à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, c’est là où débuta la rupture entre Cheikh Anta et Me Babacar Niang, l’éminence grise du Rnd qui siégea à sa place à l’Hémicycle. Quelques mois après, Me Babacar Niang député créa le Parti pour la libération du peuple (Plp) avec Abdou Fall et d’autres responsables du Rnd.
CHEIKH ANTA DIOP, L'HOMME QUI A RENDU LES PHARAONS À L'AFRIQUE
Le 7 février 1986 s’éteignait l’historien sénégalais, dont on célèbrera les 100 ans de la naissance le 29 décembre 2023. Que reste-t-il de sa pensée ? Quel est son héritage ?
Jeune Afrique |
Laurent de Saint Perier |
Publication 07/02/2023
« L’Égypte pharaonique est une civilisation africaine, élaborée en Afrique par des Africains » : ce qui semble aujourd’hui évident – sauf, peut-être, pour Nicolas Sarkozy et ses nègres – a longtemps été passé sous silence, voire ouvertement nié par l’égyptologie développée dans les laboratoires européens. Nous devons au scientifique, historien, anthropologue et homme politique Cheikh Anta Diop d’avoir rendu à l’Afrique ce qui appartient à l’Afrique.
Scandale à l’université
Né il y a un siècle, le 29 décembre 1923, à Thieytou, au Sénégal, et venu faire ses études à Paris, le chercheur provoque le scandale dans les milieux universitaires en publiant, en 1954, Nations nègres et culture, la thèse de doctorat pour laquelle il n’avait pu réunir un jury à la Sorbonne trois ans auparavant, par manque d’intérêt des professeurs.
Son chapitre « Origine des anciens Égyptiens », qui ouvrait le tome II de l’Histoire générale de l’Afrique (éditée en 1984 par l’Unesco et Jeune Afrique deux ans avant sa mort, à Dakar, le 7 février 1986), résumait ses dernières conclusions.
« Traits négroïdes »
S’appuyant sur des sources européennes antiques et contemporaines, sur l’iconographie pharaonique, sur la linguistique, invoquant aussi la craniométrie, l’étude des groupes sanguins et de la pigmentation épidermique, Anta Diop affirme que « le fonds de la population égyptienne était nègre à l’époque prédynastique » et qu’il en était de même à la période dynastique (celle des pharaons), où, « partout où le type racial autochtone est rendu avec un tant soit peu de netteté, il apparaît négroïde ».
« Les traits typiquement négroïdes des pharaons Narmer, Ière dynastie, le fondateur même de la lignée des pharaons, Djéser, IIIe dynastie (avec lui tous les éléments technologiques de la civilisation égyptienne étaient déjà en place), Khéops, le constructeur même de la grande pyramide (de type camerounais) […], montrent que toutes les classes de la société égyptienne appartenaient à la même race noire », souligne-t-il.
L’Égypte, matrice des cultures africaines
Pour le scientifique, formé en physique et en chimie, la vallée du Nil fut non seulement le creuset d’où un peuple noir tira la civilisation qui brilla sur le monde pendant trois millénaires, mais aussi la matrice des structures sociales, dynastiques et rituelles des cultures africaines postérieures. En témoignent, selon Diop, de nombreuses parentés linguistiques et coutumières.
« Quand on a découvert que l’Égypte avait une préhistoire, les égyptologues sont allés chercher ses sources dans les grandes civilisations mésopotamiennes, encore convaincus que la Lumière ne pouvait venir que de l’Orient. Cette théorie a prévalu jusque dans les années 1960 », reconnaît Béatrix Midant-Reynes, spécialiste de la préhistoire égyptienne et directrice de recherche émérite au CNRS.
Redécouverte scientifiquement et militairement par l’Europe avec l’expédition du général Napoléon Bonaparte, en 1798, l’Égypte n’est-elle pas aussi le berceau de l’orientalisme ? L’orientalisme comme mouvement artistique en vogue dans une Europe possédée par les fantasmes d’un « Orient sensuel et mystérieux », mais aussi comme discours de la domination politique et culturelle européenne puis occidentale, dénoncé en 1978 par l’universitaire palestinien Edward Said dans L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident.
À la création de l’Orient a répondu une création de l’Afrique, terre hors de l’Histoire à laquelle l’Europe avait le devoir d’apporter la civilisation. L’Égypte, « mère des sciences, des arts et de l’histoire » célébrée par Athènes et Rome avant Paris et Londres, étudiée par des savants issus du sérail académique orientaliste, ne pouvait y être rattachée, malgré son évidente appartenance géographique. Détachée de son continent, érigée en monde autonome, fille du seul Nil fécondée par l’Orient, l’Égypte a été placée à contresens sur la carte des cultures blanches, censées avoir amené la civilisation et la puissance à l’Europe depuis l’Asie, en passant par Athènes et Rome.
Ignorance et mépris
En 1908, alors que l’expansion coloniale s’accélère, le manuel Hachette des classes de 6e enseigne ainsi : « On discute beaucoup de l’origine des Égyptiens. Les égyptologues les plus compétents, M. Maspéro en particulier, les tiennent pour un peuple de sang mêlé mais où domine le sang sémitique, c’est-à-dire le sang des descendants de Sem, fils de Noé. Les Égyptiens seraient donc venus d’Asie alors que les Grecs les croyaient venus d’Afrique, des pays du Sud et de l’Éthiopie ».
L’artisanat, l’une des activités économiques phares de la commune de Ngaye Méckhé (ouest), rapporte chaque année quelque 10 milliards de francs CFA, a-t-on appris du maire de cette collectivité territoriale, Magatte Wade.
Ngaye Mékhé, 6 fév (APS) - L’artisanat, l’une des activités économiques phares de la commune de Ngaye Méckhé (ouest), rapporte chaque année quelque 10 milliards de francs CFA, a-t-on appris du maire de cette collectivité territoriale, Magatte Wade.
‘’Le chiffre d’affaires s’élève à quelque 10 milliards de francs CFA. Nous pensons même qu’il est même sous-évalué’’, a-t-il affirmé dans une interview avec l’APS en prélude au Conseil des ministres prévu cette semaine à Thiès.
‘’C’est un chiffre que les artisans contestent. Mais si vous prenez les prix des chaussures qui vont de 1.500 à 60.000 francs CFA, vous les multipliez par 280, le nombre d’ateliers de la commune, vous avez déjà 9 milliards’’, a expliqué M. Wade.
Les artisans de Ngaye Méckhé sont confrontés au difficile accès au financement de leurs activités, selon le maire.
‘’Les banques décentralisées appliquent des taux de remboursement de plus de 25 %, alors que les bénéfices attendus des investissements tournent autour de 15 %’’, a-t-il signalé.
Magatte Wade est d’avis que les produits de l’artisanat, dont les célèbres ‘’Dallou Ngaye’’, les chaussures fabriquées par les cordonniers de cette commune, doivent davantage être ‘’labellisées’’ pour pouvoir être vendues ‘’partout dans le monde’’.
Des jeunes artisans ont été envoyés à Milan pour une formation, dans le cadre d’un partenariat entretenu par la mairie, a-t-on appris de l’élu local.
‘’Mais nous sommes conscients qu’il nous reste encore beaucoup à faire dans la conception’’, a reconnu M. Wade.