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29 novembre 2024
Culture
L’ART EST UN OUTIL D’APAISEMENT ENTRE LES PEUPLES
Caroline Pochon a présenté au public son documentaire ayant pour prétexte une tournée au Japon, concernant un artiste sénégalais, réalisé par une française et présenté à un public aussi varié que chaleureux…
Caroline Pochon a présenté au public son documentaire. Ce dernier s’est construit autour d’une tournée musicale de l’artiste sénégalais Zale Seck. Mais derrière cette histoire musicale se cache une autre : celle de la transmission d’un art de père en fils.
Documentaire ayant pour prétexte une tournée au Japon, concernant un artiste sénégalais, réalisé par une française et présenté à un public aussi varié que chaleureux…
Comme un air de famille est l’illustration de ce qu’on pourrait désigner sous le nom de film-monde. De Caroline Pochon, cette production, qui revient en images sur une tournée musicale au pays des samouraïs, a été présentée au public ce 26 janvier, à l’Institut français de Dakar. Zale Seck, l’artiste musicien sur lequel Caroline pose un regard d’art cinématographique, vit au Canada et est revenu vers son Dakar natal pour la consécration d’un travail exécuté en 2018, ainsi que rappelé par la réalisatrice. L’homme svelte, élancé et dont le visage transpire la gaieté, a toujours cru au projet de documentaire. Et le résultat parle de lui-même : parlant, vivant…
Le documentaire est apprécié pour sa beauté. Apprécié, aussi, pour les ponts qu’il jette entre les cultures, à travers l’art. «Je suis un fonceur», a rappelé Zale dans l’une de ses interventions dans le documentaire. Fonceur, dans le sens de découvreur d’univers culturels parallèles à celui sénégalais, mais que la passion pour les belles notes et les mélodieuses partitions, se charge d’arranger dans une osmose musicale. L’une des séances de répétition qui traversent le film en témoigne. On y perçoit un rastaman aux anges mimer et fredonner des airs de percussions africaines qu’un batteur et une claviériste japonais arrivent à reproduire avec leurs différents instruments de prédilection. Les cultures se marient alors, et Zale charrie, tout en sourire, ses frères d’art qu’il rebaptise «africains-japonais».
Et, c’est dans Comme un air de famille que le public a suivi la production de Pochon, riant des drôleries de Zale, applaudissant ses prouesses musicales en compagnie de son fils, lui aussi devenu musicien par la force de son admiration pour son père. Ce documentaire, selon sa réalisatrice qui a passé un mois en immersion avec les artistes, est le fruit du hasard des rencontres. Avec ceci de constructif, à l’en croire : «la relation entre la France et le Sénégal est parfois houleuse et difficile, marquée par un passé colonial qui a laissé des blessures. Et j’avais envie de découvrir d’autres échanges entre cultures», dit-elle, en insistant sur le fait que «l’art est un outil d’apaisement entre les peuples». Pour elle, «c’est possible que les choses se passent vraiment bien»…
Artistes, de père en fils
…Et elles semblent s’être bien passées, au Japon, ce «terrain neutre» où se sont côtoyées différentes cultures liées par la musique. Entre «fun», «arigato» («merci» en langue japonaise), «together» («ensemble» en anglais), ces mots de langues différentes sans oublier celles wolof et française, le documentaire a su faire ressortir l’aspect rassembleur de l’art, tourné qu’il a été dans plusieurs dialectes. Comme un air de famille, c’est aussi la complicité entre «un père qui commence à sentir qu’il vieillit un peu et un fils qui commence à maîtriser complètement son art», selon les mots de Caroline Pochon. L’histoire d’une transmission «à la fois artistique et émotionnelle, de père en fils». Emouvant ! Aussi émouvant que la chanson de Zale dédiée à son fils et les témoignages bienveillants du premier qui ont arraché des larmes de joie au second. Assane est guitariste, fils de guitariste et petit-fils de guitariste. Un legs bien conservé dans cette famille de griots de Yoff, mais transmis avec rigueur, comme a tenu à le préciser Zale.
Parlant du documentaire, ce dernier manifeste la fierté qu’il a d’avoir été suivi pendant un mois par la réalisatrice qui alterne scènes de répétition, de concert et de communion entre les différents acteurs. Fierté, parce qu’aussi, «ça va donner l’occasion aux jeunes musiciens de rêver et de se dire que tout est possible dans la vie». De rajouter que «c’était exaltant de sillonner les coins du Japon». Baba Diop, critique de cinéma présent dans la salle de l’Institut français, n’a pas manqué de relever l’absence de sonorités japonaises dans les chansons qui colorient le documentaire. A une telle interpellation, Zale Seck répondra qu’en effet, il travaille sur un projet dans lequel non seulement les sonorités japonaises résonneront mais, où il va même chanter en japonais…
PRESENTATION DE L’OUVRAGE “MBASS MI”, UNE SOLUTION SPIRITUELLE À LA PANDÉMIE DE COVID-19
Les auteurs «Mbass Mi Covid19. N’est-ce pas une opportunité pour faire notre MEA CULPA ?», Ousmane Ndoye et Chérif Tidiane Aïdara, ont présenté hier un livre de 256 pages qui apporte un jet de solutions pour faire face à la pandémie de Covid-19.
L’ouvrage «MBASS Mi, Covid19.N’est-ce pas une opportunité pour faire notre Mea Culpa ? », co-écrit par Ousmane Ndoye et Chérif Tidiane Aïdara, appelle à une introspection personnelle et collective pour tirer les leçons de cette pandémie. Ce, afin de changer cette vie pour la rendre meilleure à partir des cinq savoirs : « spirituel, être, faire, vivre et partager ».
Les auteurs «Mbass Mi Covid19. N’est-ce pas une opportunité pour faire notre MEA CULPA ?», Ousmane Ndoye et Chérif Tidiane Aïdara, ont présenté hier un livre de 256 pages qui apporte un jet de solutions pour faire face à la pandémie de Covid-19.
Cette œuvre qui appelle à faire notre «Mea culpa» est divisée en 5 parties intitulées : « Savoir spirituel», «Savoir être», «Savoir-faire», «Savoir vivre» et «Savoir partager». Elle est une invite à s’approprier une introspection spirituelle et pratique pour faire face à la pandémie. Selon les auteurs, c’est à partir de ces principes que les hommes peuvent «sauver» l’humanité face à cette crise sanitaire. Cet ouvrage est également une série de questions et de réponses. Les auteurs soulignent que cette invite au retour à la source voire l’essence de l’être sonne comme une note d’espoir.
De l’avis d’Ousmane Ndoye, l’ouvrage est une proposition différente du discours des médecins et autres médias qui ne donnent que des aspects et l’état des lieux, mais pas de solutions réelles. Et son co-auteur, Chérif Tidiane Aïdara, de parler d’une «invite à une introspection spirituelle afin de savoir comment l’homme est arrivé à ce stade». Cet ouvrage rempli d’exemples, d’histoires et d’anecdotes permettra de mieux comprendre, à travers les cinq savoirs évoqués, «l’utilisation de formules et techniques simples afin d’apporter sa touche personnelle mais aussi et surtout, de rendre sa vie extraordinaire et par extension le monde meilleur », soulignent les auteurs dans la préface de leur ouvrage.
Pour Ousmane Ndoye, la pandémie de Covid-19 est accompagnée d’un discours apocalyptique. Toutefois, eux, ils appellent à trouver des solutions à partir du « Savoir spirituel», mais également, « à partir de l’apport de chacun pour avoir une solution durable différente des actions scientifiques qui ne sont que des solutions peu viables ».
Notamment avec les mutations du virus et la multiplication des vaccins qui, en réalité, sont peu efficaces face à la pandémie de Covid-19. Et Chérif Tidiane Aïdara d’ajouter : «Ce livre appelle à une introspection personnelle et collective pour tirer les leçons de cette pandémie. Mais également changer cette vie pour la rendre meilleure à partir des cinq savoirs : spirituel, être, faire, savoir vivre et savoir partager ». Comment, à partir d’une démarche de développement, personnelle voire spirituelle, peut-on apporter une solution innovante à un problème actuel ?
M. Aïdara soutient que c’est certes une question scientifique, mais ce qui sous-tend ce problème, c’est le comportement, la façon de faire et de vivre. « Donc si nous voulons changer la donne, il faut aller au fond des choses. Cette pandémie, c’est seulement les effets, mais les causes sont endogènes, ce sont les cinq savoirs et si nous osons régler les causes, les conséquences disparaîtront d’elles-mêmes», déclare-t-il.
«LE RAP SÉNÉGALAIS EST BEAUCOUP PLUS NUL AUJOURD’HUI»
«Boutikou Laye», de son vrai nom Abdoulaye Thiam, semble être la nouvelle sensation du rap sénégalais
«Boutikou Laye», de son vrai nom Abdoulaye Thiam, semble être la nouvelle sensation du rap sénégalais. Par ses textes engagés qui font le procès des maux de la société sénégalaise, il a su se frayer un chemin dans le cœur des mélomanes. Après presque dix ans de carrière, le succès qui frappe à sa porte n’est qu’un juste retour des choses.
D’où vous vient ce nom d’artiste, Boutikou Laye ?
Boutikou Laye, parce que je suis un vrai boutiquier. Je tiens la boutique de ma mère. J’ai commencé le rap avant la boutique qui se trouve à la devanture de ma maison familiale à Kaolack. La boutique me permet de connaître le mode de vie des Sénégalais et leurs préoccupations. Quand je ne fais pas mes activités, le hip-hop, je me consacre à la boutique qui est un espace de rencontres, un baromètre pour connaître les préoccupations de chaque maison à travers un de ses membres qui vient faire ses emplettes dans la boutique. Comme ma musique c’est ma passion, j’ai commencé à faire mes chroniques selon l’actualité à partir de la boutique et je les partage avec les Sénégalais. J’ai pris le nom de Boutikou Laye pour le valoriser.
En vous mettant dans la peau d’un boutiquier-rappeur, quel message vouliez-vous lancer ?
Il y a une chose qui m’a motivé à rester à la boutique, c’est que l’industrie musicale surtout ne marche pas. C’est pourquoi j’ai décidé de consacrer du temps à cette boutique qui est ma passion. Ce qui me motive à être dans cette boutique, c’est de pouvoir conscientiser la jeunesse. Je constate qu’il y a des jeunes qui délaissent leurs études, leurs métiers pour se lancer dans le rap. C’est un pari risqué. J’ai voulu à travers la boutique que j’incarne, montrer aux jeunes l’importance de trouver un métier à côté, pour ne pas être trop dépendant de la musique. Plusieurs choses se passent dans la boutique et cela me manque vraiment, maintenant que je suis basé à Keur Massar. Mais à chaque fois que je viens à Kaolack, j’en profite pour reprendre mes activités, donner un coup de main à ma mère. C’est de là que je tire mon expérience.
Qui vous a le plus influencé pour être rappeur ?
J’écoutais les old school (Ndlr : La vieille école) au Sénégal. J’écoutais les Daddy Bibson, Gaston, Daara J Family, Maxy Crazy, Keur Gui, etc. J’ai été toujours fan de hip-hop à travers les grands. J’aime écouter les choses utiles, qui peuvent me faire avancer. Si tu n’as pas la connaissance, tu ne pourras pas faire du rap. Il faut être un rappeur cultivé, avec un bon niveau et qui a une connaissance de l’actualité. Je fais un rap engagé parce que je veux contribuer à développer mon pays. Et j’écoute aussi de la musique qui me fait avancer. Pour moi, le vrai sens du hip-hop, c’est la révolution et cela appelle à se ressourcer, être imprégné de ce qui se passe. Ça appelle un certain niveau de connaissance. On ne peut se lever un jour, pour dire qu’on fait du rap. Je fais du rap engagé pour aider mon peuple à suivre la meilleure voie. Il faut adopter une démarche qui consiste à se mettre au niveau des jeunes pour les conscientiser. Mais aujourd’hui, l’évolution du rap suit une tendance portée vers le folklore. Ce qui est important, c’est le contenu. Je suis polyvalent et je peux rapper sur n’importe quel genre de musique. Je tiens un langage de vérité dans mes textes. Je veux contribuer au développement de ce pays, c’est l’une des raisons qui m’a poussé à faire du rap. Et je ne peux que le prouver à travers le travail que je fais.
Comment jugez-vous le rap sénégalais à l’heure actuelle ?
A l’heure où nous sommes au Sénégal, si la chanson n’éveille pas, je pense qu’elle n’a pas d’utilité. Le contenu doit être important avant tout autre chose. Dans mes chansons, je ne cherche qu’à dire la vérité, rien que la vérité. La chanson ne doit pas suivre une tendance qui mène vers le folklore. Si j’avais peur de dire la vérité, je n’atteindrais jamais l’objectif que je me suis fixé qui est de participer à l’éveil des consciences. Les chansons devraient avoir de l’utilité pour ceux qui les consomment. Je n’hésiterai jamais à dire la vérité, même si on me tue après. Je suis dans le rap galsen. Aujourd’hui, il y a plus de studios, de salles de spectacles et de Mc, les cachets sont beaucoup plus consistants, mais le rap est beaucoup plus nul. C’est un constat que j’ai fait, un avis personnel. La musique peut être valorisée parce qu’on a plus de beatmaker. On n’écrit plus comme le faisaient les Xuman, Keyti ou Keur Gui. Mais pourtant, c’est aujourd’hui qu’on devait être capables de faire de bons sons, mais le contenu est nul. On a besoin de rappeurs engagés pour orienter le Peuple dans le bon sens. Chacun se lève pour dire qu’il est rappeur (Rire). Il n’y a plus de contenus, c’est le folklore qui est mis en avant. On voit des vidéos à coups de millions, mais avec des contenus nuls. Rares sont les rappeurs qui prennent leur engagement pour participer à l’éveil des consciences.
Avez-vous déjà un album disponible ?
Je n’ai qu’une mixtape de 14 titres, faite à Kaolack en 2014 et que j’ai réalisée avec mon groupe SL (Silva et Laye), 100 degrés. Mais je suis en studio présentement pour faire l’enregistrement d’un nouvel album. C’est un album pour la sauvegarde des valeurs au Sénégal, pour restaurer les valeurs, pousser les gens à revenir vers le droit chemin. On travaille avec nos maigres moyens pour mettre en œuvre cet album. Il touche plusieurs thématiques, société, politique, religion. Nous tentons de le finaliser pour le proposer aux Sénégalais. Je n’ai pas la date exacte de la sortie par contre. Nous sommes en train d’y travailler avec le studio WordShap qui est à Keur Massar et Zik Buzz musique à Kaolack. Ce sont ces deux studios qui assurent l’enregistrement de cet album qui sera composé de 9 à 11 titres. Tous les titres seront en wolof, à l’exception de deux qui seront chantés en français.
Votre succès est assez récent, après dix ans de carrière. Vous avez une explication ?
Le Sénégal a ses réalités. Nous avions des difficultés pour passer dans les médias. Ce n’est qu’en commençant à faire des vidéos sur les réseaux sociaux que ma carrière a commencé à prendre son envol. Cela a coïncidé avec la Can 2019 où après chaque match du Sénégal, je faisais un titre basé sur les commentaires des uns et des autres sur le match des Lions du Sénégal. Actuellement, je suis en train de travailler sur un son destiné aux Lions. Ce sont des chansons que je compose et que j’offre gratuitement aux Sénégalais. Je suis confiant quant à une victoire du Sénégal à cette Coupe d’Afrique des nations (Can) qui se joue au Cameroun actuellement. Croisons les doigts.
LES RENCONTRES DU FILM MUSICAL DE DAKAR, LA RUMBA CONGOLAISE À L’HONNEUR
La deuxième édition du Festival Cinéma 48-Les rencontres du film musical de Dakar s’ouvre demain jeudi.
Après deux reports liés à la pandémie du Covid19, la deuxième édition du Festival Cinéma 48-Les rencontres du film musical de Dakar va reprendre. Elle se tiendra, cette année, à la Place du souvenir africain, du 27 au 29 janvier2022.
La deuxième édition du Festival Cinéma 48-Les rencontres du film musical de Dakar s’ouvre demain jeudi. A l’initiative du journaliste culturel, Alioune Diop, en partenariat avec le Goethe Institute, ce festival de documentaires musicaux fait partie des événements du programme agenda de trois ans, initié par l’entreprise culturelle Pacaf (Productions artistiques et culturelles d’Afrique), fondée et dirigée par ce dernier.
Dans un communiqué signé par le comité artistique d’organisation, le Pacaf informe que la présente édition va être intégrée dans son programme de la session de janvier 2022 du Salon journalistique Ndadje, initié par l’institution allemande, organisé et coordonné par le journaliste Alioune Diop. Au programme, il y aura des projections, conférences et prestations musicales, avec les groupes congolais Fresh acoustique et Caterpillar. «La rumba congolaise est la musique à l’honneur», informe le comité artistique d’organisation du Pacaf.
Pour rappel, la rumba congolaise a été inscrite sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco, en décembre dernier. Dans le cadre des projections, le public verra des films du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, la France, la Rd Congo et la République du Congo. Il y aura également des films documentaires, long-métrages et moyen-métrages, autour des musiques modernes et traditionnelles d’Afrique et d’ailleurs. En plus de ces projections, le Congolais Paul son i Benga sera présent pour échanger avec le public sur son film Nganga Edo, le dernier des Bantous de la capitale. De même que la Française Caroline Pochon, qui aura le plaisir de présenter son film «Comme un air de famille», un film réalisé lors de la tournée japonaise du chanteur sénégalais basé au Canada, Zale Seck.
Cette production a remporté le Californian music video and film awards, rappelle le communiqué.
UNE NOUVELLE DE RAMA SALLA DIENG
GOOR YOMBUL, OU UN HOMME VAUT CHER
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’ ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’, littéralement, ‘ligoter’,‘enchainer’, ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots si peu poétiques et révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage par rapport à la jeune mariée, malgré les explications de sa mère.
Serign-Kemtaan-Men-Lep [1]se redressa sur son tapis et se gratta le front comme à chaque fois qu’il était perplexe. Cela faisait une demi-heure que l’homme qui était venu lui rendre visite lui racontait à quel point il avait besoin de son aide pour obtenir l’immunité. L’homme avait réalisé une transaction foncière importante avec Mercenaire, le représentant d’une compagnie originaire de Dëkk-bi-fog-ni-moo-nu-moom, l’ancien colonisateur du Galguisen. Le lamaan-boromsuuf[2]de Figaalgiteene, un village de la Vallée du Fleuvelui reprochait de ne pas l’avoir consulté car il avait autorité sur la terre, toute la terre autour de la vallée du fleuve : Walo et Jeeri[3]. Seulement, l’homme pensait que cette autorité était maintenant entre les mains des communautés rurales avec les lois sur la décentralisation des années 90 et ne lui avait donc pas versé de ndaalu[4]. En réponse, le lamaan-boromsuuf avait juré que l’homme n’obtiendrait jamais la terre et avait menacé de le ‘travailler’ pour qu’il ne soit pas réélu.
En cette période pré-électorale, l’homme avait peur que le contrat aakimoo-suuf[5] qu’il avait conclu avec Mercenaire ne lui coûte son poste et il ne souhaitait pas que le scandale éclate. Le marabout se gratta la tête encore plus nerveusement devant l’exposé de la situation. Puis il cessa son geste quand il réalisa que cela pourrait trahir son trouble. Sa mère lui interdisait ce geste quand il était petit. Puis quand il était devenu un homme : ‘un homme doit faire ceci, il doit éviter cela, etc.’ Et la liste de ce qu’était un homme, ‘un vrai’ selon sa mère, était longue : il fallait avoir un travail décent, pouvoir résoudre les problèmes de sa famille, savoir se faire respecter des femmes, bref, ‘être capable’ de tout, en toutes circonstances. Elle concluait toujours ses longues tirades par :’Goor Yombul’[6].
Pour se calmer, le marabout se mit à penser à la somme rondelette qu’il aller réclamer pour cette opération. Son sourire se fit brusquement carnassier. Sa mère serait fière de lui si elle le voyait aujourd’hui. Il était devenu un homme puissant, écouté, respecté et obéi. La population du Galguisen, religieuse et croyante était grande consommatrice de services maraboutiques. Il jouait alors sur la crainte, l’immatériel, l’inexistant car dans ce monde-là, tout était possible. Serign-Kemtaan-Men-Lepp était devenu plus que capable et il avait tenu à le signifier en choisissant son nom de marabout : ‘le marabout-omnipotent-faiseur de miracles’.
Il ordonna à l’homme une liste de sacrifices à réaliser et lui imprima une facture avec le montant des honoraires pour la consultation. A l’opposé de beaucoup d’autres marabouts, Serign-Kemtaan-Men-Lepp avait fait des études universitaires et possédait un vrai bureau avec un ordinateur portable et une imprimante. Il avait une secrétaire et parlait quatre langues étrangères pour ses affaires. Il disait avoir abandonné son affaire ‘B&B’ pour se consacrer à la noble mission qui lui avait été révélée car un tel pouvoir ne saurait rester caché et il se devait de l’utiliser pour abolir les souffrances des personnes qui l’entouraient.
Serign-Kemtaan-Men-Lepp pour mettre un terme à l’entrevue, s’adressa à l’homme d’un ton qui lui fit lui-même froid dans le dos : ‘melal ni say aajo fajuna’[7].
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Trois mois plus tard, dans le quartier de Patdwa, situé à Ndakaaru, se tenait cet échange :
- Ndayu-Mbilligi, merci de l’accueil chaleureux. Je commence cependant à m’impatienter car Buguma n’est même pas là pour m’accueillir et le mariage n’a toujours pas été célébré. J’espère officialiser l’union avant ma tournée à l’intérieur du pays. Je vais officiellement envoyer mes proches demander sa main avant la fin de ce mois.
- Buursaayna,Na sa xel dall. Yonnel say mbokk ma may la jabar.[8]
En s’entendant faire une telle promesse, Ndayu-Mbilligi sursauta, paniquée. Que ferait-elle si elle perdait ce gendre idéal qui occupait une place importante dans le comité du Nguur de Galguisen ? Elle-même avait mis les bouchées doubles pour son invité : Cuuray[9] à gogo, mets délicieusement cuisinés et dont l’odeur vous accueillaient à la porte, servis dans la vaisselle qu’elle avait ramenée de son voyage àde Dubaay, elle ne laissait rien au hasard. Il fallait que le poisson morde à l’hameçon, mieux s’étrangle avec!
Dès son entrée dans la maison de Ndayu-Mbilligi,Buursaayna, accompagné de son griot et conseiller Kanté, avait étalé ses largesses aux habitants de la maison : un cuub fara-fara[10] commandé spécialement du Mali pour la maitresse des lieux, deux IPad pour Saer et Yunuss, puis s’ensuivit une longue distribution de billets de banque.
Que ferait-elle si elle perdait cette manne financière que lui enviaient ses amies du quartier ? Cela faisait maintenant deux mois que Buursaayna qui avait le même âge qu’elle venait lui rendre visite au sujet de sa fille ainée de 26 ans, Buguma. Il voulait maintenant une réponse ferme car cette dernière allait retourner à Figaalgiteene dans quinze jours pour terminer son enquête de terrain dans le cadre de sa thèse de doctorat. Ndayu-Mbilligi ne comprenait pas Buguma, cette dernière était trop éduquée et elles n’arrivaient jamais à communiquer. Pourquoi Buguma n’était-elle pas comme Maajigeen sa petite sœur qui s’était mariée durant sa deuxième année de licence et qui lui avait donnée depuis un beau petit-enfant, Taawbugoor. Maajigeen ne s’était pas pourtant faite prier car elle voulait plus que tout entrer dans le cercle très « couru » de ses jeunes mariées de copines.
Buguma elle, lui mettait plus de bâtons dans les roues : elle parlait de droits, de révolution et d’équité ! Elle était obsédée par sa recherche et ne l’écoutait jamais quand elle lui disait que la ménopause approchait à grands-pas. Celle-ci ne voulait pas se marier avant la fin de son doctorat.
Récemment revenue à Ndakaaru pour un mois, elle restait chez sa mère deux semaines, et logeait à Kolaudel le reste de son séjour avant de retourner à Figaalgiteene bientôt. Elle lui tenait fermement tête depuis qu’elle lui avait interdit la zone Fann-Point-E-Plateau et surveillait ses moindres déplacements de peur qu’elle ne se remette à fréquenter de nouveau son amoureux d’opposant politique. Ndayu-Mbilligi pensait que « ses lois de l’immigration » si fermes feraient à sa jeune Ndate Yalla se languir de son bon-à-rien de bien-aimé et se laisser mettre la bague au doigt par le révéré Buursaayna!
Le copain de sa fille était un jeune Ngembicain Nadem Nademademdem, idéaliste qui n’avait aucun métier respectable sinon celui d’opposant au régime en place en Ngembique qu’il espérait un jour renverser. Buguma semblait indifférente au chantage de sa mère et pis avait l’air d’avoir tout son temps pour relever le défi que lui avait lancé celle-ci! Elle allait à son wolonteeru-non-remunéré-mais-en-contrepartie-de-laquelle-elle-aurait-une-grande-experience-du-plaidoyer-au-sein-d’une-grande-ONG chaque jour, affronter ses deux superviseurs qui l’exploitaient et l’accablaient de travail. Elle revenait éreintée mais Ndayu-Mbilligi ne se laissait pas berner par cette fatigue feinte car elle savait sa fille excitée par son immersion dans cette organisation qui défendait la liberté d’expression et les droits humains même si elle se plaignait que l’ONG en question avait oublié les droits de ses employé-e-s, ’di digle cangaay te dugnu sanggu’[11].
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Ndayu-Mbilligi soupira en pensant à l’ingratitude de sa fille qui, au lieu de rester à ses côtés pour reprendre son ‘bizness’[12] qu’elle avait commencé quelques années auparavant, ne parlait que de retourner à Figaalgiteene pour faire ses interviews. Ces dernières années déjà, Malamin son cadet avait pris soin de la fratrie mais lui a refilé le fardeau dès son retour en invoquant le droit d’aînesse et s’était enrôlé dans l’armée galguisennaise, fatigué de sa vie de chômeur. Il avait été envoyé en mission au Mali et donnait très peu de nouvelles. S’enrôler dans l’armée ? C’était la faute du Nguur qui n’arrivait pas à créer des emplois pour les diplômés-chômeurs mais les envoyait mourir pour réduire leur nombre! Ndayu-Mbilligi, amère comme à chaque fois qu’elle pensait à Malamin, n’arrivait pas à comprendre que son fils n’ait pas réussi sa vie en suivant le chemin qu’elle lui avait tracé.
‘Tchiip’, Ndayu-Mbilligi émit ce son qui valait tous les mots lorsqu’elle était dépitée et en colère. Elle repensa de nouveau à Buguma. Elle n’arrivait pas à lui faire comprendre qu’il y avait bien plus important dans la vie d’une jeune femme que les études! Elle-même s’était mariée à seize ans! En plus, Buguma risquait de faire fuir le peu de soupirants qu’elle avait en étant si diplômée. Qu’attendait-elle donc ? N’avait-elle pas appris de sa propre expérience ? Elle, Ndayu-Mbilligi, la femme d’affaires veuve avait eu comme couronnement d’une vie, deux « sœurs » une qui n’est pas allée très loin dans les études et plus âgée qu’elle, et une autre ‘intellectuelle’ qui avait un an de moins que Buguma au moment du mariage ; que son mari, Alaaji Zolikeer de son vivant, allait rejoindre chacune deux nuits sur sept, à tour de rôle. Mais c’est à elle, petite-fille d’AlburyNjaay, Buurba[13] Jolof que son mari accordait trois nuits. Et cela après qu’elle lui ait acheté une voiture au retour du troisième ‘Haj’[14] qu’elle lui avait offert et ajouté un autre étage à leur maison de trois niveaux.
Le nombre d’étages est un signe extérieur de richesse, peu importe si les fondements de la maison le permettaient. Alaji Zolikeer s’en était allé, il y a deux ans, mort d’une crise cardiaque dans les bras d’une jeunette mais cela, elle Ndayu-Mbilligi avait évidemment veillé à ce que personne n’en sache jamais rien. Buguma n’avait-elle donc pas conscience de tous les sacrifices qu’elle avait faits pour leur bien-être car elle était restée avec Alaji Zolikeer pour l’équilibre familial.
Ou était-elle d’ailleurs ? Que lui préparait-elle donc? Elle était la seule à ne pas répondre à l’appel marital : toute la famille était là pour l’occasion et attendait de jouer sa partition, sauf elle. Saer-Bënële feignait de lire en gardant un œil bienveillant sur la table somptueusement dressée, de temps en temps il se tournait vers de son cadet Yunuss Dëgër-Bopp, le petit dernier qui n’arrêtait pas de tomber de son vélo pour y remonter pour retomber. Elle pensa alors à Maajigeen sa fille à elle qui la secondait dans ses affaires. Maajigeen, sa préférée qui était partir s’installer chez sa belle-famille, comme le voulait la coutume. Elle lui avait donnée un beau petit-fils mais Ndayu-Mbiligi attendait plus que tout les petits-enfants que lui donneraient ses fils, à qui il revenait de perpétuer le patronyme familial.
Ndayu-Mbiligi soupira. De toute la journée, Buguma n’était apparue que pour manger, l’avait un peu aidée à faire les comptes de la semaine pour le magasin du marché Achelem et les deux de Sindaga, puis s’était retirée « dans ses appartements ». Résolument, Ndayu-Mbilligi promit d’un ton encore plus ferme à Buursaayna : Alxames bi mujj si weer bi nga yonne ma say mbokkma mayla jabbar[15]martela-t-elle en se levant pour rajouter deux fois plus d’encens dans le « and[16] » comme si cela pouvait conjurer le sort très certainement jeté sur sa fille. Car celle-ci ne pouvait avoir toute sa raison!
Buursaayna la remercia avant de prendre congé. Une fois dans sa voiture, il dansa de soulagement. Il allait unir sa voie à celle de ‘l’élue’. Ses soucis seraient bientôt terminés.
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Dans le bus 23 qui la ramenait chez elle à Patdwa, Buguma repensait à ses activités de ce mois de mai chargé et dont elle avait hâte de voir la fin. Plus que quelques jours se dit-elle. Elle aurait pu prendre le bus 6 ou le P1 qui étaient plus rapides mais préférait le 23 qui lui permettait d’avoir tout le loisir de lire ou de rêvasser. A la radio, Professeur Jallo Joob s’exprimait sur le parti politique qu’il dirigeait et qui avait été créé clandestinement par l’illustre anthropologue, historien et homme politique dont le nom fut donné à l’Université de Ndakaaru. Sa pensée alla alors à un autre frère Blondin Joob, qui était mort au même âge qu’elle, dans sa cellule de prison à Gorée. Elle était fascinée par Omar, ce brillant jeune révolutionnaire dont les circonstances de la mort restait toujours non-élucidée même si l’administration pénitentiaire et les autorités politiques de l’époque avaient avancé l’hypothèse d’une mort par pendaison dans la nuit du 10 au 11 mai 1973.
Pour sa part, après avoir décortiqué tous les articles de presse, le livre blanc du Nguur de l’époque et la lettre de Ndakaaru publiée en 1978, elle était persuadée qu’Omar avait été assassiné. Fort de cette conviction, elle avait proposé un article dans le bulletin d’information de son ONG, sous forme de lettre ouverte au nouveau Nguur galguisennais, lui demandant de rouvrir les dossiers d’Omar Blondin Joob et de Suus Baabakar Sey, une autre personnalité assassinée. Elle attendait toujours le retour de son superviseur pour savoir si l’article serait publié ou non.
Quelques minutes plus tard, Bob Marley fredonnait ‘Redemption Song’. N’était-ce pas ironique, ne put-elle s’empêcher de penser, que Bob Marley et Omar Blondin Joob soient tous les deux morts le même jour et que la jeunesse galguisennaise célèbre plus Marley que leur compatriote. Après tout pensa-t-elle ce qui importe c’est la conclusion de Thomas Sankara, Ancien Buuru Dekku-Gor-yi[17], une autre des figures qui l’inspiraient : ‘les individus peuvent être assassinés, pas les idées’. Cette pensa ne la réconforta que peu.
Le bus qui freinait brusquement à hauteur du Stade Demba Joob la ramena à la réalité. Maintenant, il allait rouler doucement jusqu’à la Sitedeezo à partir d’où il allait commencer à ramer tranquillement jusqu’à la station Mobile Garan-Medin où son trajet s’arrêtait. Et elle terminerait son chemin en prenant un taxi ‘kalando’[18]. Parfois quand elle était plus ‘en forme’, elle s’arrêtait à la police des Parcelles-Yi-Dessee-Set puis marchait le reste du trajet. Pour l’instant, elle pensait davantage à ceux et celles qui étaient à l’avant du véhicule. Comme elle était assise derrière, elle n’étouffait pas autant que ces derniers, confrontés aux ‘humeurs’ et relents de corps actifs au repos cherchant à investir chaque bout d’espace disponible.
Le bus était maintenant arrivé au rond-point Liberté 6 et s’était immobilisé, elle aperçut une affiche d’Ellari Kiris-Koros, Envoyée de Dekk-Bi-Epp-Doole-Yepp, le pays le plus puissant, certainement lors de sa visite à Ndakaaru au début du mois et eut une moue incontrôlée. Elle repensa à son discours plein d’espoir’ sur l’avenir radieux promis à la démocratie galguisennaise et ne put s’empêcher de faire le parallèle avec le discours paternaliste et humiliant tenu par le Buuru Dekk-bi-fog-ni-mo-nu-moom Nitki Sarkastik à Ndakaaru en 2007. Elle en avait marre de ce néo-impérialisme et pensait que seule Nguurgurafet, un mode de gouvernement équitable et endogène, pouvait permettre au Galguisen et aux autres pays africains d’aller de l’avant et non pas les recettes de ‘bonne gouvernance’ toutes faites importées et imposées par les grandes Institutions-Jumelles-Associées basées à Nioko-Yor.
A ce moment, elle entendit à la radio, M. Polotik revenir sur les incidents du dimanche dernier en Ngembique. Trois galguisennais avait était exécutés par le Buur de Ngembique, un petit Etat enclavé voisin du Galguisen. L’ONG pour laquelle elle travaillait avait déjà publié plusieurs dépêches, rapports et fait des communications pour pousser le Nguur Galguisennais à réagir fermement à ce nouvel affront du Buuru Ngembique qui se pensait tout-puissant. Elle-même avait passé sa journée à un sit-in devant l’ambassade de Ngembique et était frustrée par cette affaire.
**** Buguma ferma les yeux et préféra penser au sujet qui la préoccupait : sa recherche sur les contrats aakimoo-suuf qui avaient eu lieu à Figaalgiteene en octobre dernier. Ces contrats aakimoo-suuf portaient sur plus de 18 000 hectares accordés à un investisseur privé pour la production de patates douces et d’éthanol et 4 500 hectares accordés à un autre investisseur dont l’identité restait à déterminer pour qu’il établisse une ferme nommée Saa-baay-a-gën-sa-bosprès de Figaalgiteene. Ces contrats qui avaient dépossédé certaines populations de la terre qu’ils cultivaient ou les avaient contraints à se déplacer avaient poussé les populations locales à se soulever violemment contre les comités ruraux représentant le Nguur au niveau local depuis la décentralisation. Ces soulèvements répétés avec le soutien d’ONG locales avaient fait quatre morts et plusieurs blessés contraignant le Nguur à suspendre provisoirement les activités des investisseurs. Buguma cherchait à documenter les processus, acteurs et résultats des contrats aakimoo-suuf à Figaalgiteene depuis les politiques agricoles qui devaient permettre l’autosuffisance alimentaire à Galguisen.
Cependant, son enquête de terrain qu’elle avait commencé il y a plus de 6 mois lui donnait du fil à retordre : si elle avait pu obtenir des informations sur le premier cas de 18 000 hectares, elle se heurtait au silence et au manque de coopération des investisseurs et travailleurs de la ferme Saa-baay-a-gën-sa-bos. Ceux-ci refusaient de répondre à ses coups de fil, ne voulaient pas la recevoir ou participer au groupe de discussion qu’elle avait organisé il y a six mois lorsqu’elle élaborait son questionnaire qu’ils refusaient maintenant de renseigner. Elle ne savait plus quoi faire. Elle redoutait le moment où elle allait rencontrer le délégué du comité rural de Figaalgiteene qui avait signé le contrat. Non pas par peur car Buguma n’avait peur de rien, mais elle souhaitait avoir le tact qui lui faisait tant défaut, pour ce jour-là amener le délégué à répondre à ses nombreuses questions.
Le long râle du bus qui freinait sortit Buguma de sa torpeur, lui faisant remarquer qu’il était temps pour elle de descendre. Buguma fut accueillie par Bajjan, la sœur de son défunt père qui la serra dans ses bras en lui disant que sa mère, Ndayu-Mbilligi l’avait chargée de lui transmettre un message. Buguma opina du chef et se laissa guider par sa tante vers la maison familiale. Elle était surprise que Ndayu-Mbilligi ait chargé Bajjen de quelque chose car les deux femmes se parlaient rarement, Ndayu-Mbilligi disant du mal de Bajjan à chaque fois qu’elle le pouvait, lui reprochant d’avoir poussé son frère Alaji Zolikeer à lui trouver des ‘sœurs’. Bajjan pour sa part reprochait à Ndayu-Mbilligi ses nombreux déplacements à l’étranger et sa richesse subite. Buguma ne comprenait pas comment ces deux femmes qui étaient les meilleures amies du monde étaient devenues si distantes. La dernière fois qu’elle avait vu Bajjan c’était au baptême de Taawbugoor et avant cela le mariage de Maajigeen.
- Buguma, ma fille, mon ainée, j’ai tant attendu ce jour que j’ai cru qu’il n’arriverait pas. Ton oncle Mayekat-bi et moi avons discuté jeudi dernier après que j’ai été informée par ta mère que l’événement aurait lieu aujourd’hui. Il a de son côté contacté le responsable du quartier Kilifë-Kogn-bi et Xaritu-benn-Bakkan, l’ami de ton père pour qu’ils puissent procéder au ‘Takk’, le mariage.
Dès qu’elle entendit le mot ‘takk’, Buguma, perdit pied. ‘’Takk’’, littéralement, ‘ligoter’, ‘enchainer’, ainsi que les autres termes wolof relatifs au mariage : ‘Maye’ : donner en mariage, donner carrément, la rebutaient. Elle avait toujours trouvé ces mots si peu poétiques et révélateurs des termes sexistes de l’institution du mariage par rapport à la jeune mariée, malgré les explications de sa mère. Selon cette dernière, vouloir juger une culture avec des concepts et des réalités étrangers était une initiative vide de sens. Par le passé, le mariage était une manière pour deux familles de raffermir leurs liens et de s’allier. Malgré cela Buguma parlait d’‘objectification’ de la jeune femme et détestaient ces mots. Il y avait aussi l’expression qu’elle venait d’entendre Bajjan prononcer comme à travers un cauchemar : ‘So demee sa ker jekker, bul seyi, seeyil’ : ‘quand tu iras t’installer dans la maison de ton mari, ne sois pas seulement sa femme, mais ne forme plus qu’un avec lui et sa famille’, en écho a ces paroles, elle entendait : ‘Fonds-toi’.
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Durant cet après-midi de novembre, le Délégué du comité rural était pris de panique. Il venait de terminer une réunion de comité avec le Buuru Galguisenn qui venait de lui signifier que s’il n’arrivait pas à justifier qu’il n’y avait aucun contrat aakimoo-suuf dans la semaine suivante pour faire taire les rumeurs, il n’hésiterait pas à se séparer de lui. Le délégué n’avait pas l’immunité malgré son cumul de fonctions et il voulait conserver ses deux positions. Il se dépêcha d’aller chercher Serign-Kemtaan-Men-Lepp pour l’amener à sa réunion de 14 heures. Depuis le début de leur collaboration, Serign-Kemtaan-Men-Lepp s’était montré très imprévisible. Ce dernier lui avait donné l’ordre de réaliser un sacrifice humain puis s’était ravisé pour lui demander d’épouser cette jeune femme qu’il lui avait décrite de manière précise. Cette femme était l’élue, selon Serign-Kemtaan-Men-Lepp, et l’épouser lui permettrait d’avoir l’immunité pour être invincible aux prochaines élections.
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Buguma relisait nerveusement son questionnaire. Elle se forçait à se retenir d’empoigner le Délégué dès qu’il franchirait la porte de ce bureau ou son assistante l’avait installée quelques minutes plus tôt. Elle vérifia une énième fois son apparence dans le miroir en face d’elle et observa ses yeux bouffis à force de cumuler des nuits blanches. Ses gros yeux qu’elle avait hérités de sa mère Ndayu-Mbilligi qui l’avait déshéritée depuis qu’elle lui avait signifié devant les parents de Buursaayna qu’elle ne se marierait jamais avec ce dernier. Qu’elle ne voulait pas d’un mari dont elle ne serait pas l’égale. Un mari qui la couvrait de cadeaux alors qu’il ne pouvait lui faire l’honneur de la considérer, de lui parler, de lui demander ce qu’elle pensait du ‘takk’. Un mari qui ne ferait que la montrer à des réunions politiques ou pour inaugurer des chrysanthèmes comme disait un fameux général. Elle ne voulait pas d’un mari qui l’exhiberait comme un trophée mais qui lui demanderait son opinion sur la campagne électorale.
A la fin de sa longue tirade, sa mère s’était levée et lui avait hurlée :’ Et tu te prends pour une femme ! Une intellectuelle! Tu ne connais rien de la vie ma petite Buguma. Tu penses que tu peux être l’égale des hommes ! N’es-tu plus croyante ? Je me demande comment tu as pu sortir de mes entrailles et me ressembler si peu ! Je ne comprends plus ce monde où les femmes veulent être des hommes et les hommes ne sont plus capables d’être de vrais hommes. Est-ce que tu as oublié l’histoire de Malamin ? Ton propre frère qui préférait fréquenter des hommes qui satisfaisaient ses moindres désirs au lieu de se trouver un travail et une femme !? Malamin, qui a préféré rejoindre l’armée surement pour avoir davantage d’hommes autour de lui ? Tu veux être la deuxième honte de cette famille ? Le Bon Dieu te donne la chance d’avoir un vrai homme, capable de te prendre en charge et de régler définitivement les besoins de notre famille, et tu veux cracher dessus ? Buguma, ne comprends-tu pas que ‘Goor Yombul’[19] ? Tant que tu ne reviendras pas à la raison, je ne veux plus te voir. Je veux que tu dégages de ma maison et surtout ne laisse aucune miette de tes idées de féministe occidentale désorientée dans cette maison.’ Puis elle lui avait craché au visage et était sortie.
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Buguma inspira profondément en pensa en son for intérieur : ‘si être féministe, c’est refuser d’être étrangère à mon propre mariage et à ma vie, si être féministe c’est me battre pour ne pas être une citoyenne de seconde classe, si être féministe, c’est refuser d’être traitée comme de la merde par une société patriarcale qui établit des privilèges pour certains et asservit l’autre moitié de la population, alors je suis féministe maman.’ Buguma se regarda encore dans le miroir, elle avait enveloppé ses longs locks dans un foulard assorti à sa tenue de wax ‘woodin’ que son frère Malamin lui avait offert. Elle pensa à lui nostalgique, Malamin le chômeur à qui sa mère passait tous les caprices. Malamin, son petit frère qui avait le droit de sortir n’importe quand et revenait à des heures indues alors que son couvre-feu à elle était 19h30. Malamin dont elle lavait les habits avant que Ndayu-Mbilligi ne décide de lui trouver une petite bonne comme il grandissait. Buguma et Maajigeen était leur propre bonne, car elles étaient des jeunes filles ‘appelées à être des épouses respectables’, d’ailleurs Buguma était contre le principe d’avoir une bonne chez soi, car ces dernières étaient payées une misère, et traitées de manière très injuste par des patronnes qui cherchaient à maximiser leur budget. Malamin, qui dormait jusqu’à 13h tous les jours et ne se réveillait que pour manger dans la maison familiale qu’il appelait son ‘B&B’, son ‘Bed & Breakfast’[20]. Les larmes lui aveuglaient la vue quand elle pensa à combien son frère lui manquait. Elle pensa au fait qu’elle n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis plus de deux ans. Depuis que sa mère l’avait jeté à la rue quand elle avait découvert son secret. C’est ainsi que la société galguisennaise gérait ce qu’elle ne voulait pas comprendre : la fuite, le mépris et le rejet au lieu de promouvoir le dialogue où de chercher à comprendre. Comprendre que certains ‘maux’ de la société n’en sont pas. Que ce sont les mots qui créent les maux.
La porte s’ouvrit soudain. Buguma n’en revenait pas. Malamin était la devant lui, en habits de marabout. Il était accompagné d’une autre personne surement le délégué qui la fixait intensément. Le délégué de Figaalgiteene, Buursaayna n’arrivait pas à détacher son regard de Buguma, la jeune femme que Serign-Kemtaan-Men-Lepp lui avait recommandée d’épouser. ‘L’élue’ qui devait résoudre ses problèmes mais qui avait humilié ses parents le jour où ils se sont présentés chez Ndayu-Mbilligi, sa mère, pour célébrer leur union.
Maajigeen : Prénom féminin, choisi dans ce texte par ce qu’il contient le mot femme en wolof : ‘jigeen’
Ndakaaru : Ville imaginaire, Dakar en wolof
Kolodel : Résidence universitaire pour jeunes filles imaginaire construit sur une wolofisation de l’actuelle résidence Claudel à Dakar
Ndate Yalla (Mboj) : Dernière Lingeer (Reine) du Royaume du Walo, un ancien royaume du Sénégal. Elle fut une combattante, une éducatrice, une mère et une figure emblématique de la résistance coloniale.
Nadem Nademademdem : Refrain wolof scandé en général dans les manifestations politiques ou publiques et signifiant : ‘Qu’il (ou elle) parte! Qu’il (ou elle) parte! Qu’il (ou elle) parte! (Nous n’en voulons plus comme dirigeant (e).
Alaaji Zolikeer : Elhadj est le titre donné à tout homme qui a effectué le pèlerinage à la Mecque,ce terme est wolofisé dans ce texte et de même que ‘Zoliker’ : Joli-cœur en français, séducteur Saer-Bënële : Saer-le-gourmand
Yunuss Dëgër-Bopp : Yunuss-le-têtu
Patdwa : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de la ‘Patte d’Oie’ à Dakar
Sitedeezo : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de la ‘Cité des Eaux’ à Dakar
Garan-Medin : Quartier imaginaire, pouvant être considéré comme une wolofisation de l’actuel quartier de ‘Grand-Médine’ à Dakar
Parcelles-Yi-Dessee-Set : Quartier imaginaire, construit par opposition à l’actuel quartier de la banlieue de Dakar, ‘les Parcelles Assainies’ qui ne sont pas aussi propres que leur nom le laisse penser.
Buur : Roi (Reine) ou Président-e
Ellari Kiris-Koros : Nom imaginaire, Kiris-Koros est une wolofisation du groupe de rap américain des années 90, Kriss Kross
Nitki Sarkastik : Nom imaginaire, littéralement :l’homme sarcastique Saa-baay-a-gën-sa-bos : Nom imaginaire, littéralement : ‘Mon père vaut mieux que le tien’
Bajjan : La marraine
Mayekat-bi : le marieur (le donneur en mariage)
Kilifë-Kogn-bi : le responsable du quartier
Xaritu-benn-Bakkan : l’ami de longue date
Goor Yombul : Littéralement : ‘un homme vaut cher’ signifie que tous les hommes ne sont pas considérés comme ‘hommes’, renvoie à la construction de la masculinité en fonction de la ‘capacité’ à être homme. Cette capacité est socialement définie en termes de pouvoir économique et sociale, de la capacité à se faire respecter des femmes et surtout de la sienne. Cette capacité est aussi définie sexuellement à travers la notion de virilité et de sa capacité à ‘avoir’ plusieurs femmes.
Par opposition, la fémininité qui définit la construction sociale des attributs propres aux femmes renvoie à la soumission, l’obéissance, la douceur, etc. Si ces notions de masculinité et de fémininité sont quelques peu relatives car définies spatio-temporellement, quelques attributs sont universellement reconnus comme ‘masculins’ ou comme ‘féminins’. Ce texte illustre ces concepts dans la société ‘wolof’.
[1] Un lexique des noms propres est disponible à la fin du texte.
La campagne électorale pour les élections locales du 23 janvier, a pris fin hier. Après 15 jours de meetings, rencontres et discours, l’on peut dire que la culture a été le sujet le moins évoqué par les candidats en lice.
Léopold Sédar Senghor disait que la culture est au début et à la fin de toute chose. Mais, de l’eau a coulé sous les ponts depuis. Première à subir des coupes budgétaires, la culture a été reléguée au second plan par l’Etat, d’abord. Et ce n’est point une surprise si, durant cette campagne pour l’élection des maires et présidents de conseils départementaux, le sujet n’a guère été évoqué. Au-delà du fait que les programmes des différents candidats restent vagues pour nombres d’électeurs, la culture est pour ainsi dire, absente des débats.
Pourtant, de plus en plus, on se rend compte que les industries créatives sont un vivier de création d’emplois, que les jeunes possèdent des talents indéniables mais peinent à exprimer leur fibre artistique, faute d’infrastructures culturelles de proximité. Mais le constat est là, en matière de politique culturelle devant définir clairement les objectifs et priorités pour le développement et la promotion du secteur, force est de constater que rares sont les candidats qui peuvent présenter des propositions pertinentes.
La grande majorité se contente d’ailleurs, d’évoquer un possible plagiat pour s’éviter l’exercice. Ceux qui osent, proposent le plus souvent des infrastructures. C’est le cas pour Amadou Hott, candidat à la mairie de Yeumbeul Sud. Dans son programme, il propose notamment de renforcer les capacités des jeunes talents culturels, pour faire d’eux des champions, mais aussi de faciliter l’accès aux activités culturelles pour les rendre plus pérennes et autonomes. Mesures phare : «Transformation de la maison communautaire en maison des cultures, création d’une radio et d’une télévision communautaire», lit-on dans son programme.
Ailleurs, à Rufisque, le musicien et non moins candidat à la mairie, Mame Goor Diazaka, propose la construction d’un grand centre culturel comportant des salles de spectacle, salles d’expositions, une salle de conférence, et qui porterait le nom de Mame Fatou Seck, la grande prêtresse de Rufisque. D’autres listes et coalitions sollicitées n’ont jamais réagi, malgré de nombreuses promesses. Dans ce désert d’offres programmatiques ou même de bilans dans le secteur culturel, la mairie de Dakar fait figure d’exception.
La maire sortante et candidate à sa propre succession, Soham El Wardini, réclame la poursuite des actions déjà entreprises durant cette mandature 2014- 2022. Parmi les projets phare, la requalification des centres socio-culturels, dont les prochaines réalisations devraient être le pole art visuel sur l’avenue Malick Sy et le pole musique à Dieuppeul Derklé. Ces pôles, rejoignant ceux de Ouakam, dédié aux cultures urbaines, Yarakh, au théâtre et Grand Dakar, au cinéma.
En outre, des sessions de formation et une enveloppe de 100 millions ont été dédiées au financement de projets culturels. Interrogé sur le programme des différents candidats, Alioune Diop, journaliste culturel officiant à la Radio Sénégal international (Rsi), estime que les caravanes pouvaient être éventuellement, un bon moment pour les candidats de s’adresser aux artistes qui sont dans les quartiers et les communes. Logiquement, relève-t-il, «une caravane, ça peut aider un candidat à s’adresser aux créateurs contemporains et c’est une bonne démarche, parce que les arts et la culture doivent se refléter dans les programmes des candidats et dans le fonctionnement des mairies»
KHALIL DIALLO, ROMANCIER ET HISTORIEN DES TEMPS PRÉSENTS
C’est grâce à Mbougar Sarr que le premier roman de l'auteur sénégalais né en Mauritanie, « À l’orée du trépas », a été publié. Son second, « L’Odyssée des oubliés », sur les migrations contemporaines, est aujourd’hui réédité aux éditions Harmattan Sénégal
Jeune Afrique |
Anne Bocandé |
Publication 21/01/2022
C’est sur le toit-terrasse de l’Orientale, café-restaurant qu’il affectionne, dans le quartier du Plateau à Dakar, que Khalil Diallo nous donne rendez-vous. « Ma dernière scène slam s’est déroulée juste en face, au Théâtre de verdure, avec un slam d’amour pour celle qui est devenue mon épouse », raconte en souriant celui qui fête ce jour-là ses 29 ans. Membre, à l’époque, du Vendredi slam, collectif phare des années 2010, Khalil Diallo se souvient des scènes partagées avec des pionniers comme Ceptik, Souleymane Diamanka et Capitaine Alexandre. Ce dernier a déclenché chez Khalil Diallo l’envie d’écrire au-delà de la scène, devenue incompatible avec sa carrière de consultant : « Il fallait choisir. C’est l’époque où Capitaine Alexandre publiait ses premiers recueils chez La Cheminante. J’ai compris que c’était possible. J’ai arrêté le slam et commencé L’Odyssée des oubliés. »
Cette épopée, prix Ahmed Baba en 2021, qui mêle enjeux des migrations contemporaines et ode à la littérature, voit le jour en 2020. Entre temps, Khalil, qui avoue « écrire très lentement et toujours plusieurs livres en même temps », publie le recueil Chœur à cœur puis un premier roman À l’orée du trépas, finaliste, en 2019, de prix qui le font connaitre au Sénégal et sur la scène francophone : le prix Orange du livre en Afrique, le prix Ahmadou Kourouma et le prix Ivoire.
« Pays fantômes »
« C’est grâce à Mbougar Sarr que j’ai été publié, c’est lui qui m’a d’abord mis en contact avec Abdoulaye Diallo, de L’Harmattan Sénégal », confie-t-il. Un roman qui se voulait un récit d’amour mais que l’actualité a percuté : « Je venais d’apprendre, via les réseaux sociaux, que quelqu’un qui était en même temps que moi à l’Université de Dakar avait rejoint l’État islamique en Syrie. Le roman est devenu un questionnement à partir de sa trajectoire ; est-ce une vraie raison de mourir ? »
Même démarche pour L’Odyssée des oubliés où les parcours d’immigration relatés s’inspirent de récits réels. « Mais mon ambition était aussi de décrire la vraie Afrique. Montrer que ce n’est pas par soif d’ailleurs que les gens vont se tuer en mer, mais parce qu’ils n’ont plus le choix. » Au-delà de l’épopée nourrie de lectures des classiques grecs, Diallo dresse une critique franche de ces « pays fantômes » qui précipitent les départs : « Ce sont certains pays africains où la liberté d’expression est bafouée, avec des dirigeants autoritaires, où les citoyens meurent du poids des totalitarismes politiques, idéologiques et culturels. Culturels avec une double acculturation, occidentale et orientale. Idéologique avec la montée des extrémismes religieux. Politique avec des présidents qui ne quittent jamais le pouvoir. »
EXCLUSIF SENEPLUS - En se refusant aux parures commerciales, défiant les codes moraux en vigueur dans une société conservatrice, le groupe était presque condamné. Il condense ainsi, dans sa courte existence, un authentique drame sénégalais
C’est dans une de ces chambres des bicoques mi-bois, mi-dur, typiques des habitats de la Médina, cœur populaire de Dakar, que l’aventure Rapadio a peaufiné ses rêves et planté son drapeau à la fin des années 90, comme fief symbolique. L’antre à vrai dire modeste, sis à la rue 33, angle 26, qui sent la sueur masculine et la clope, voit défiler du monde ; garçonnière à ses heures perdues, l’endroit est continuellement baigné dans la musique. Le Rap surtout. Les jeunes - jeunes hommes essentiellement - s’entichent de cette énergie contestataire portée par un vent étasunien qui trouve un souffle local. Ils ont alors la vingtaine, avec des backgrounds différents, et représentent une idée de la multitude, des horizons différents, que leur nom sublime : Rapadio. À la fois mélange, bazar, bric-à-brac, presque « bordel », tant l’idée de cette mêlée porte l’identité première de ce groupe. Sans doute y avait-il aussi une certaine candeur, mais déjà, à coup sûr, un savoir-faire et un horizon, que les rendez-vous récurrents dans la chambre-berceau de la rue 33 vont propulser au rang de groupe mythique. Une légende populaire à la durée de vie éphémère, symbole d’une énergie à la fois savante, brutale, passionnée, sauvage, et authentique. Puisant des quartiers une rage motrice, le groupe a éprouvé l’expérience sociale d’un Rap radical sans concessions si puissant qu’il en a été condamné. Rapadio condense ainsi, dans sa courte existence, un authentique drame sénégalais, qui plus est à huis clos, même si après l’implosion du groupe ses membres embrasseront l’international pour des fortunes diverses.
Genèse d’un mythe
Pour mieux situer la genèse de Rapadio, il faut suivre l’itinéraire de ses deux membres fondateurs, Keyti et Iba. C’est entre Saint-Louis, Dakar et Thiès qu’il faut voyager pour retracer le parcours du premier. Cheikh Sene à l’état civil nait à Saint-Louis, dans un environnement modeste, au début des années 70. Il grandit ensuite entre Dakar et Thiès, au sein d’un entourage familial morcelé mais sans histoire, dans un cadre de vie de classe moyenne, ni riche ni pauvre. C’est durant son exil Thiessois que l’adolescent affirme un peu plus sa personnalité. Lui qui se pique de lecture très tôt, impressionne très vite les grands frères du quartier par ses propres textes, à la fois profonds, bien construits et à la portée philosophique certaine. Médusés, ces derniers soupçonnent même une supercherie tant l’écriture parait mature et puissante, trop pour un jeune homme de son âge. Un tel talent ne manque pas de s’ébruiter, jusqu’à arriver aux oreilles d’un certain Kool Kocc_Sis, grand manitou de la scène naissante du rap au Sénégal, reconnaissable entre autres à son allure et son bagout inimitables, et à son flair pour dénicher de nouveaux artistes. C’est grâce à ce gaillard, dont la notoriété commence à percer, que Keyti rencontre Iba, enfant de Grand Dakar désormais installé près de chez son grand-père à la Médina. Ibrahima Ndiaye vit chez son grand-père à la Médina… Les deux apprentis rappeurs ont tout de suite des atomes crochus, et leur mentor d’alors suggère l’idée de fonder un groupe. C’est ainsi que s’écriront, chez Iba et sous le regard de Kool Kocc_Sis, les premières pages de l’histoire de Rapadio. C’est le même Kool Kocc_Sis qui suggère le nom de Rapadio, mais Iba et Keyti souhaitent quelque chose de plus militant, plus incarné. Le baptême initial avorte, et l’embryon de groupe se décidera finalement pour Ñuul Te Rapadio. Cet ancrage plus marqué, avec la part belle de la carnation noire, aura raison du compagnonnage avec Kool Kocc_Sis, qui souhaitait de son coté un ensemble plus lisse et commercial.
Ce départ raté rendra Ñuul Te Rapadio très confidentiel, Iba et Keyti se démènent mais ne trouvent pas l’élan nécessaire à les propulser au-devant de la scène. Le groupe, dans une logique underground, sans concessions mais aussi sans moyens ou soutiens décisifs, vivote et se produit sur des scènes modestes. Quelques traces de l’époque sont encore disponibles pour les archéologues du Net et autres portés sur les archives. Mais il porte en lui tous les marqueurs de ce rap populaire aux textes très construits et percutants, à la pénétration quasi-philosophique, et à la radicalité totale.
Un contexte de chaos
Au début des années 90, une terrible crise sociale gangrène les maigres acquis post-coloniaux. La crise scolaire et universitaire de 88 ainsi que l’année blanche qu’elle produit créent les conditions d’une désaffection politique, en particulier chez les jeunes. La chute du mur et l’effondrement des idéologies amorcent un peu plus la disparition des repères politiques habituels. Les ajustements structurels asphyxient encore l’économie, la grogne monte contre le régime socialiste et ses 30 années au pouvoir. S’y ajoutent une dépolitisation progressive sous l’effet combiné de l’expansion démographique et du manque de perspectives professionnelles. La jeunesse se retrouve en proie à l’ennui malgré les associations sportives et culturelles qui fleurissent, et l’engagement dans les établissements scolaires, elle reste avec une énergie inusitée. Le rap qui nait dans cette période se fait ainsi le réceptacle d’une colère légitime et de problématiques sociales lourdes. De nombreux groupes voient le jour et commencent à former un écosystème de la contestation : PBS, Slam Révolution, Suprême Black, MC Lida, Doomu Jolof, BMG, Daara J, RDB, Al and Two, le Positive Black Soul, Daara J, Jant Bi, Sunu Flavor, Pee Froiss… Curieusement, le rap prospère pourtant dans des univers plutôt huppés ou à tout le moins confortables, ce qui crée un conflit de légitimité et une dissonance étrange entre l’idéal rebelle fondateur de ces groupes, et la réalité sociologique des rappeurs de la première heure. Abdoulaye Niang, chercheur à l’université de Saint-Louis, en pointe d’ailleurs l’extraction « bourgeoise ». Le noyau dur de Rapadio en a conscience, et se moque de ces postures voire de ces impostures de certains groupes plus en vue pour leur allure de salonnards. Ils se confortent ainsi dans l’idée qu’ils incarnent un rap alternatif, avec un ancrage populaire mettant en lumière l’énergie des banlieues dakaroises. Durant cette décennie 90, le paysage du rap se compose et recompose, quelques groupes en vue mènent la scène, et Keyti et Iba enrichissent le groupe d’un nouveau membre, Bibson – ancien pensionnaire de Pee Froiss. Le transfert fera du bruit en intervenant dans une période clé.
Le premier coup de maître
Le trio sort enfin du buisson, et – se rebaptisant finalement Rapadio – il va devenir une version plus aboutie du groupe ancré au cœur de la médina. Bibson apporte son entregent, son expérience, une certaine souplesse et un sens du free style plus frais. Keyti et Iba donnent quant à eux plus de densité et d’épaisseur aux textes, à la construction toujours ciselée, et à l’esprit carré et fidèle à leurs racines. Porté par l’adoubement des quartiers populaires, postulant une identité politique forte et sans détours, sublimant le wolof dans leur poésie urbaine, le groupe, dans sa nouvelle mouture, s’impose très vite comme une force singulière au sein du paysage du rap sénégalais. Les trois comparses font bande à part.
En 98 parait le premier album de Rapadio Ku weet Xam sa bop. La sagesse du titre (solitude providentielle) n’est en rien une promesse d’assagissement. Bien au contraire, c’est un mélange savant, entre fulgurances des rythmes et des trouvailles. Nihiliste dans l’approche, les textes, les attaques tous azimuts, c’est un album coup de poing, qui marquera une entrée fracassante. Les chansons deviennent des tubes, fredonnés par une génération entière, passés et repassés de quartier en quartier, nourrissant même une forme d’argot, sinon un langage générationnel. Pêle-mêle sont restées dans les mémoires Xabaaru 1-2 ground, Dund bu dee Gun, ou plus tard Soldaaru Mbed. La qualité des textes est saluée par les puristes et les amateurs, et sous des dehors pleins d’acrimonie, les paroles se font écho de revendications plus profondes. Le groupe devient à la fois langage et espoir d’une jeunesse défavorisée qui projette son courage dans des textes qui peignent si bien cette période sombre. Porte-étendard de cette voix, Rapadio signent son unicité et réussit nettement à se distinguer, au prix de conflit avec les autres collègues qui en prennent pour leur grade. Si dans les autres groupes, les rôles semblent figés dans une tradition des stéréotypes du Rap, à savoir des rappeurs « purs » et d’autres plus « mélodieux », l’école Rapadio invente un genre de « Heavy » Rap, où tout le monde « rappe » apportant ainsi une petite révolution nationale.
Porte-drapeau d’une certaine « sauvagerie »
Un accessoire devient vite la marque de fabrique et symbole de ralliement du groupe : il s’agit de la cagoule, que les membres arborent sur scène. En drainant les bandes au sein de leur public, en fédérant les sans grades et autres désœuvrés, le groupe emporte avec lui une aura virile et sulfureuse que ses détracteurs ne manqueront pas de fustiger. En n’épargnant personne et en tapant préférentiellement sur leurs collègues, les concerts de Rapadio deviennent de grands rings urbains, où se côtoient la déshérence et une vitalité jeune et carnassière qui expie ses démons. On y déplore souvent des affrontements. En bousculant les totems de la bienséance, en repoussant le compromis, le groupe devient un mythe vivant avec tout ce qui va avec : le fantasme, les exagérations, les récits romancés. Si le succès populaire est au rendez-vous et qu’une école nait ainsi, les autorités politiques voient d’un bien mauvais œil ce mouvement de fond qui rallie à lui une jeunesse de plus en plus nombreuse. Résultat des courses, Rapadio est un nom, une réputation, un emblème, une marque et un savoir-faire. Mais le groupe se heurte à un plafond : ce qu’il gagne en indépendance et en rébellion, il le perd en relations et en réseau. Cette candeur radicale limite leur épanouissement autant qu’elle porte le groupe.
En 2001, le groupe se sépare de Bibson, et accueille un nouveau membre. Il s’agit de Makhtar. Il apporte avec lui une diversification des connaissances dans le milieu du rap, un peu plus de tenue et de rigueur, et un certain élan conservateur, avec des références coraniques. Rapadio porte ainsi véritablement son nom. L’idée de mélange, d’horizons divers, de synthèse d’identités plurielles, s’épanouit pleinement à cette époque, moment de son ascension. Le groupe est une miniature du paysage sénégalais, dont la force réside dans ces multiples branches, qui dans le même temps portent intrinsèquement le risque de susciter le conflit et l’appétit des ogres. La même année parait le second et dernier album de Rapadio Soldaaru Mbèd. Les soldats de la rue en deviennent les poètes, les démons, et les porte-parole. La recette est éprouvée, le talent est là, la base du public s’est élargie, et le succès musical est au rendez-vous. Commercialement, c’est autre affaire. Logés à la même enseigne que leurs collègues du rap sénégalais, les membres du groupe s’épanouissent dans un art qui reste peu rémunérateur. Cette situation financière précaire est-elle une donnée dans la radicalité des mouvements du rap ? On pourrait l’arguer. Seulement, dans le cas de Rapadio, une certaine cohérence est restée depuis les origines. Leur grande victoire, c’est justement d’avoir été le symbole et le carrefour des déshérités, embrassant leur cause en le restant eux-mêmes. La génération des Sénégalais nés dans les années 90 dit volontiers sa dette à ces précurseurs du rap, inspirateurs à bien des égards d’une forme d’engagement politique dont on peut encore voir la filiation.
L’implosion et l’entrée définitive dans la légende
L’entrée dans la trentaine et l’affirmation de ces fortes têtes, les différences de plus en plus marquées à mesure que se construisent de nouveaux projets, jusqu’à la divergence, auront raison du mélange qui avait fait la force de Rapadio. La fusion devient confrontation, les racines multiples s’empoisonnent quand les lignes de fracture se superposent. Une divergence en particulier, entre ouverture et conservatisme, ennuage les ambitions du groupe. Les fortunes personnelles des membres fissurent un peu plus le pacte, tant et si bien que le groupe implose. Ce divorce est l’objet de nombreux commentaires, les versions abondent, selon les sensibilités, mais le plus vraisemblable, c’est un épuisement parasité par une guerre des chefs sur fond de divergences majeures. La donnée pécuniaire semble jouer mais sans être prépondérante, tant la précarité a été le sceau du groupe.
Photographie d’un Sénégal récent, prolongée du reste par une évolution qui n’a que modestement fait bouger la lame de fond, le Rap sénégalais semble avoir vécu avec Rapadio son expérience la plus endogène, la plus territoriale, et la plus authentique. En se refusant aux parures commerciales et aux tentations, défiant les codes moraux en vigueur dans une société conservatrice, le groupe était presque condamné. Un couperet historique qui tombe mais aussi une bénédiction tant leur fin leur a ouvert la voie à la postérité. Celle-là même qui rend nostalgiques les témoins de cette période, les aspirants rappeurs, tout ce grand monde qui attend un jour de se plonger à nouveau avec enthousiasme dans cette parenthèse sublime, le livre à tiroirs de cette école de la radicalité sénégalaise.
NUIT DES MANJACKS : UN SOCLE POUR L’UNITE ET LA COMMUNION
Connaître sa culture, ses us et coutumes, c’est aussi connaître son identité. La communauté manjack ne voudrait pas que ses fils se perdent dans ce melting-pot que constitue le Sénégal d’aujourd’hui.
La nuit des Manjacks a été célébrée samedi dernier au Grand Théâtre. Cette première soirée culturelle pour la promotion de la communauté manjack au Sénégal, a été aussi une occasion de rendre hommage aux fils de la communauté qui se sont illustrés chacun dans son domaine. Une initiative que les organisateurs veulent pérenniser.
Connaître sa culture, ses us et coutumes, c’est aussi connaître son identité. La communauté manjack ne voudrait pas que ses fils se perdent dans ce melting-pot que constitue le Sénégal d’aujourd’hui. Dans toute sa composante, elle a réuni ce samedi, ses fils au Grand Théâtre pour passer en revue sa riche culture à travers la danse, l’art, l’habillement et l’ambiance.
L’initiative de cette première Nuit Manjack est venue de Charlemagne Mendy, selon qui, à l’exception du concours Miss majack et la journée du pagne manjack, les Manjacks n’organisent pas de spectacles alors que le Grand Théâtre a été construit afin que les gens puissent s’exprimer et montrer leur culture, leur coutume et leur art. «Quand j’ai appris que la communauté manjack n’organisait rien, j’ai décidé de faire quelque chose en créant cette nuit où les fils manjacks vont se retrouver pour montrer la beauté de la culture manjack», a-t-il expliqué. «C’est la communion des Manjacks qui est recherchée à travers cette soirée culturelle et il fallait trouver un prétexte pour regrouper ensemble les Manjacks, car même s’ils parlent la même langue, ils ne sont pas tous du même village», poursuit-il. «Cette Nuit Manjack est aussi une occasion pour les amener à communier ensemble et montrer ce qu’ils savent faire à travers la danse, la musique, l’art entre autres.»
Pour cette première édition, l’ambiance n’a pas fait défaut au Grand Théâtre qui avait refusé du monde avec un parterre de personnalités et des chanteurs de renommée internationale. Pendant plus de 4 heures, les Manjacks ont maintenu l’ambiance de ces retrouvailles. Jeunes, les adulte et vieilles personne ont rivalisé d’ardeur dans l’enceinte du Grand Théâtre par des pas endiablés. «C’est une communauté riche en culture. C’est bon de voir des gens prendre des initiatives comme ça pour montrer que nous sommes des Manjacks et des Sénégalais», s’est réjoui Charles Mendy, ancien sénateur sous le régime de Wade, qui pense aussi «que nous devons prendre notre place sur l’échiquier politique et dans la culture». Des chanteurs comme Pacho, Paco Diaz, Mbaye Dièye Faye ont tenu en haleine la foule.
Honorer ses dignes fils
La communauté manjack a saisi aussi cette opportunité pour honorer 10 de ses fils qui se sont illustrés dans leur domaine. Parmi les lauréats, il y avait le gardien de but de l’Equipe nationale, Edouard Mendy, le cinéaste, Alain Gomis, le lutteur, Frank Gomis, l’enseignant, Dominique François Mendy du Cesti, Rosalie Gomis, le conseiller municipal à la mairie des Parcelles Assainies, André Gomis, etc. «C’est avec beaucoup de joie et de fierté que je reçois cette distinction. C’est une bonne chose de reconnaître les mérites d’une personne de son vivant et de ne pas attendre sa mort pour le faire», a fait savoir ce dernier. Selon l’initiateur, Charlemagne Mendy, c’est une manière de les motiver à redoubler d’efforts et d’inciter les jeunes à les imiter. Mais la communauté n’a pas honoré que ses fils. L’ascenseur est retourné aussi au chanteur Mbaye Dièye Faye du Super Etoile qui ne cesse de chanter les louanges des Manjacks dans ses chansons. L’organisateur Charlemagne Mendy souhaiterait que cette nuit soit pérennisée afin de mieux consolider l’unité et la communion des Manjacks.
LADJ LY LANCE KOURTRAJME
Depuis 4 ans, Ladj Ly, le réalisateur du film Les misérables, a ouvert des écoles de cinéma gratuites au nom du collectif de cinéastes auquel il appartient
La première école gratuite de cinéma en Afriquede «Kourtrajmé», vient d’ouvrir ses portes à Dakar. Son ambition est de former la prochaine génération du cinéma africain en donnant la chance à de nouveaux talents. Pour cette première session, l’école permettra de former 14 jeunes pour une durée de 5 mois. En juin, ce sont 18 nouveaux élèves qui démarrent une formation en réalisation.
Depuis 4 ans, Ladj Ly, le réalisateur du film Les misérables, a ouvert des écoles de cinéma gratuites au nom du collectif de cinéastes auquel il appartient. Après Clichy-Montfermeil et Marseille en France, Dakar accueille la 3e école de cinéma Kourtrajmé, la 1ère en Afrique à offrir une formation gratuite, sans prérequis de diplôme et sans limite d’âge. Ce qui permet à des talents scénaristes, réalisateurs, acteurs et techniciens d’émerger et de se professionnaliser.
En effet, l’école va mettre l’accent sur les séries. Et ce n’est pas dû à un hasard, si l’on en croit Ladj Ly, le fondateur du Collectif Kourtrajmé. «L’objectif de cette école à Dakar, c’est de former et par la suite, produire des séries parce qu’en Afrique, notamment au Sénégal, il y a une grosse demande en termes de séries. Et nous produisons également des séries pour le continent», a expliqué Ladji Ly, hier lors de l’ouverture du lieu à la presse. Ladj Ly a souligné que c’est une grosse fierté d’ouvrir cette école de Dakar qui est le début d’une belle aventure mais aussi de beaucoup d’espoir. «C’est un parcours du combattant. Ça fait plus d’un an et demi qu’on travaille dur pour que l’école puisse exister et aujourd’hui, on peut dire que c’est une grosse fierté car c’est la première école Kourtrajmé en Afrique basée ici à Dakar», se réjouit-il.
A l’occasion de cette ouverture, Toumani Sangaré, réalisateur franco-malien, membre fondateur de Kourtrajmé et directeur de cette nouvelle école de Dakar, explique les objectifs prévus pour l’école et la spécificité de sa pédagogie. «Kourtrajmé Dakar accueille, pour cette première session de scénaristes, sept jeunes femmes et sept jeunes hommes pour une durée de 5 mois. Puis en juin, 18 nouveaux élèves pour une formation à la réalisation durant 6 mois à travers une pédagogie de projet collaborative. Notre objectif est que nos élèves écrivent et réalisent deux courts métrages et un pilote de série Tv», explique-t-il. D’après lui, ça paraît également logique d’offrir cette formation à la série, parce que la série connaît un engouement au Sénégal et l’objectif aussi, c’est de pouvoir donner des débouchés professionnels aux élèves.
Une école de cinéma gratuite à Dakar ? Beaucoup en ont rêvé. C’est le cas de Sadany Sow, passionnée de cinéma. Elle fera partie des 14 élèves de cette année à Kourtrajmé Dakar. «Aujourd’hui, c’était notre deuxième cours et c’était vraiment accrochant. Il y a la passion dans ce que l’on nous apprend. Je suis venue avec la passion d’écrire. Cette école, c’est excellent, c’est de la générosité de la part des initiateurs parce que tout est gratuit. On ne nous demande rien. Tu viens, on te donne beaucoup de savoir», s’est-elle félicitée.
Pour rappel, Kourtrajmé est un collectif cinématographique fondé par Ladj Ly, Kim Chapiron, Romain Gavras et Toumani Sangaré, en 1995 à Paris et Bamako. Il réunit plus de 250 personnes et produit de nombreux clips vidéos, documentaires et courts métrages. Toumani Sangaré, le directeur de cette nouvelle école de Dakar, a donné rendez-vous en décembre 2022 afin de présenter les réalisations des jeunes élèves issus de cette nouvelle école de cinéma de Dakar.