Des acteurs du monde culturel, académique, économique et juridique, réunis au sein du Réseau international des valeurs culturelles (Revac), ont, à travers leur première rencontre tenue hier à Dakar, posé le débat sur les pistes pour retisser «ensemble» les liens entre culture, savoirs et économie, dans le respect des différences, des valeurs et des universels locaux.
Multiples sont les associations qui fonctionnent depuis des lustres en mariant culture et économie, mais elles sont rarement prises en compte par les réseaux officiels ou considérées comme des viviers d’idées et de pratiques qui peuvent aider les acteurs culturels à penser autrement le développement. C’est ce qu’a constaté le Réseau international des valeurs culturelles (Revac).
D’après ses membres, si l’économie reste un carcan aux frontières peu poreuses, le culturel reste considéré comme un «supplément d’âme» dont la valeur est au mieux symbolique. C’est pour réfléchir alors à des solutions que les institutions partenaires et les personnalités qui constituent ce bureau se sont réunies, ce lundi, à la salle du conseil de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, pour réfléchir à partir d’expériences concrètes comme les banques culturelles du Mali, Copargo au Benin et les muséobanques.
«La culture peut être au service du développement, peut venir en appoint à un rééquilibrage au point de vue justice sociale, socio-économique, aider les populations et aller montrer la valeur et l’importance des objets qui nous entourent et qui continuent de subir une hémorragie», explique El Hadji Malick Ndiaye, conservateur du musée Theodore Monod d’Art africain et président du Réseau international des valeurs culturelles (Revac). Pour cet atelier de deux jours (du 20 au 21 juin), le Réseau international des valeurs culturelles solidaires, précise El Hadji Malick Ndiaye, vise, à travers des expériences concrètes, «à imaginer comment la valeur que nous fabriquons avec des mots, des objets, des savoir-faire, des images, des musiques pourrait avoir droit de cité dans le monde de l’économie».
En partenariat avec Ifan de l’université Cheikh Anta Diop, Maisons de la sagesse Traduire, le Revac, dit M. Ndiaye, s’inscrit dans un espace de recherches et d’actions constitué de mixités disciplinaires, culturelles, sociales et générationnelles. «C’est aussi un espace de dialogue, de création, d’innovation et de développement», a-t-il ajouté. Ce réseau c’est également et surtout, dit-il, un espace de réflexion, d’action, de coopération et d’échange qui tourne autour du contexte muséobanque pour accompagner l’entreprenariat.
Articulé autour de dispositifs qui marient culture et économie, banques culturelles et nombreuses associations africaines, étude d’un nouveau dispositif, celui de muséobanque, «il est un véritable champ d’études et d’expérimentations ouvert aux institutions culturelles et académiques, aux milieux associatifs et aux acteurs locaux des pays concernés», réaffirme El Hadji Malick Ndiaye. Muséobanque et entreprise, archives et création et enfin restitution et partage, tels sont les trois axes qui sont mis en place simultanément pour matérialiser ce que le réseau se fixe comme mission, indique M. Ndiaye.
Pour Danielle Wozny, la vice-présidente du Revac, la finalité de ce réseau, c’est de permettre à des gens de monter des entreprises en restant au plus près de leur histoire de vie et de leurs communautés. Toutefois, elle estime que l’autre aspect, c’est aussi d’essayer d’identifier les questions importantes qui feront l’objet de travaux de séminaires auxquels le Revac associera les étudiants et la Société civile.
FEMMES, COQUILLAGE ET PROSPECTIVE ECOLOGIQUE
Le collectif Exponentielles présente «Une Afrique sacrée»
Elle s’expose à quelques mètres du Musée de la femme Henriette Bathily. «Une Afrique sacrée», du collectif Exponentielles, ne se limite pas qu’à être une réplique du continent noir avec un matériau de la mer. Elle se lit comme une métaphore écologique. Elle se veut le premier pas vers un musée dédié au coquillage.
Au fond, entre vagues et vents, l’œuvre représentant la carte du continent africain demeure l’attraction de la Place du souvenir africain. Seulement, elle a une jumelle près du Musée de la femme Henriette Bathily. Pas en métal celle-là, mais tout en coquillages. C’est Une Afrique sacrée. Elle revêt une allure autre, avec un matériau qui n’est pas sans évoquer une certaine symbolique dans l’esprit de ses créatrices. Elle émane d’un rêve : celui de Madeleine Devès Senghor.
Pour la matérialiser, elle a travaillé avec Syra Bâ, Rouguiyatou Thiam, Maty Ndiaye Sy. Elles sont bien reconnaissables avec les coquillages qui leur décorent le cou. Et avec elles pour discuter d’Une Afrique sacrée, une certaine Penda Sow. Cette dernière est ramasseuse de coquillages. Elle vit de cette activité si elle n’aide pas sa mère dans la vente de petit-déjeuner aux Almadies. Son travail n’est pas sans peine : les coquillages ne sont pas que des cadeaux de la mer. Elles peuvent causer une entaille sur un doigt. Les vents et la fraîcheur n’aident pas Mme Sow qui va souvent à la chasse aux perles vers sept heures du matin. Mais, elle ne se plaint pas. A travers elle alors, les artistes qui ont réalisé Une Afrique sacrée rendent hommage aux femmes qui vivent de l’exploitation des trésors de la mer. «Dans l’Afrique sacrée, il y a la mère. Mais aujourd’hui, avec le coquillage, il y a la mer qu’on doit protéger parce qu’elle est pillée. Elle est aussi agressée sur le plan naturel avec la montée des eaux et le réchauffement climatique, qui entraînent la salinité des eaux douces.»
Une Afrique sacrée n’est pas alors qu’un rêve matérialisé avec un matériau marin. C’est aussi un support qui permet à ses créatrices de parler écologie. D’équilibre, aussi, qui ne saurait être trouvé sans que les femmes soient mêlées à la réflexion, croit Maty Ndiaye Sy. Parce ¬qu’elles survivent en pêchant, entre autres, au niveau des mangroves, il leur arrive de couper des tentacules et d’ainsi menacer l’écosystème qui les nourrit. Indirectement, ces femmes rompent un certain équilibre et se précarisent. Mais, fort heureusement, «elles ont trouvé des astuces, parce qu’aujourd’hui elles acceptent d’appliquer le repos écologique. Elles décident d’accepter des pratiques qui viennent d’ailleurs pour préserver le palétuvier surexploité».
Le coquillage, ce patrimoine
L’œuvre en coquillages est aussi un reflet du discours tenu par Exponentielles. La partie de l’œuvre représentant le continent noir et -réalisée en coquillages repose sur un support métallique. La sculpture de ce dernier fait ressortir la forme de racines. Chose qui n’est pas sans -rappeler la mangrove comme pilier. Pilier d’une activité économique dont le fruit constitue l’un des éléments de la cuisine, cette femme habilement peinte dans la carte. Le doigt de la dame incrustée indique le Sénégal. Le pays de la Teranga est d’ailleurs représenté avec une singulière coquille, qui scintille parmi toutes les autres. Ce n’est apparemment pas que de l’esthétique. Elle renvoie à un autre rêve que nourrit Madeleine Devès Senghor : celui d’un musée du coquillage. Un rêve réalisable et loin d’être fou ainsi qu’en ¬témoigne l’intervention, après les panels, de l’artiste Germaine Anta Gaye. Citant Einstein, elle rappelle que «l’imagination est plus importante que la connaissance». Concernant ce musée voulu par Exponentielles, «l’idée est de dire que le coquillage n’est pas un parent pauvre. C’est un patrimoine symbolique et réel. Un patrimoine dans la divination avec les cauris. Un patrimoine aussi dans ¬l’habitat». Référence sera ici faite à Fadhiouth, avec son cimetière, ses ruelles, ses maisons.
Aussi avec le coquillage fait-on du béton et de la chaux, ainsi que rappelé par Maty Ndiaye Sy. Cette anticipation vers ce dans quoi le coquillage peut être utilisé dans le futur, fait dire au collectif Exponentielles que son œuvre prend source dans le futur. Ce, sans se détacher du passé. Car le coquillage «c’est un patrimoine dans les traditions ancestrales qui sont aujourd’hui renouvelées avec des projets comme celui soutenu par Enda dans le delta du Saloum».
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CE QUE TV5 AFRIQUE PEUT APPRENDRE DE LA RTS
Avec la révolution numérique, toutes les chaines de télévision peuvent être au même niveau que les grandes chaines de télévision du monde. La RTS1, par exemple a bien des expériences à offrir à la chaine francophone malgré ses moyens illimités
Lancée, il y a 30 ans à Dakar la chaine de télévision francophone à Dakar, TV5 Afrique est revenue à la maison, ce weekend, pour célébrer son trentième anniversaire. Occasion pour la RTS1 d’explorer de nouvelles possibilités de collaboration avec la chaine de télévision francophone.
Interrogé en marge du cocktail offert à cette occasion au grand théâtre, Racine Talla, le directeur général de la RTS1 salue la collaboration avec TV5 et parle de nouveaux projets en vue, notamment la coproduction , de série avec TV5 Afrique.
A cette fin, il explique qu'une équipe de la RTS1 s'est rendue en Côte d'Ivoire pour s’inspirer de l’expérience de la chaine publique ivoirienne RTI qui est très avancée en la matière avec la chaine francophone. Sur un autre plan, Racine Talla soutient que TV5 a aussi beaucoup apprendre de l’expérience de la RTS 1 qui est bien positionnée sur certaine pratique télévisuelles telles que les lives.
Pour mémoire, la chaine-mère TV5, créée en janvier 1984 par le ministère français des Affaires étrangère, est constituée par cinq chaînes de télévision publique francophones : les françaises TF1, Antenne 2, et FR3, la TSR suisse et la RTBF belge. En 1992, sous l’impulsion du président Abdou Diouf TV5 Afrique voit le jour et fait ses pas peu à peu avec aujourd'hui une équipe étoffée et très présente Afrique.
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IL Y A EU UNE DÉGRADATION DES MŒURS POLITIQUES DANS NOTRE PAYS
La démocratie, les libertés individuelles et collectives tiennent à cœur à Abdoulaye Bathily. Dans son livre, Passion de liberté, il a remonté l’histoire pour sortir l’historique de ces acquis
La démocratie, les libertés individuelles et collectives tiennent à cœur Professeur Abdoulaye Bathily. Dans son livre, Passion de liberté, il a remonté l’histoire pour sortir l’historique de ces acquis. Pour lui, il est inadmissible qu’au Sénégal, plus de quatre décennies après, qu’il soit difficile de tenir des réunions publiques. ’’ La loi 78 02 qui réglemente les manifestations. C’est à partir d’une lutte du Sudes, en 1976, qu’elle a été créée. C’était une lutte âpre pour que cette loi vienne donner un semblant de Droit. Mais on n’avait vu, dès le départ, qu’à chaque fois que l’on déposait une demande d’autorisation de manifestation, que ça soit au niveau politique ou syndicale, les gouverneurs ou préfets parvenaient toujours à restreindre nos libertés.
On n’a pas suffisamment de forces pour encadrer la manifestation. Mais ils ont toujours des forces pour la réprimer. Ou bien ils disent, sur leurs arrêtés, : ‘’ à la surexcitation des esprits, la réunion est interdite’’. Ou bien : ‘’à la suite des menaces réelles de trouble à l’ordre public ...’’. « Il y a eu une dégradation des mœurs politiques dans notre pays. Évidemment, ce n’est pas seulement le Sénégal. C’est presque tout le continent. Mais nous devons balayer d’abord devant notre porte. Il y a un ébranlement de la fibre morale des citoyens, parce que les gens ne donnent pas l’exemple. Pour qu’une société avance, il faut qu’elle accepte la critique, accepter de se remettre en cause. C’est de cela qu’il s’agit », a-t-il ajouté.
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ABDOULAYE BATHILY SORT DU BOIS
Lutte pour la démocratie, liberté de manifester, combat de la jeunesse… L'ancien ministre regrette la situation qui prévaut dans le pays, après de longues années de lutte pour des élections libres, démocratiques et transparentes
L’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique (LD) est revenu sur les fondements de la démocratie au Sénégal. Pr Abdoulaye Bathily regrette la situation qui prévaut dans le pays, après de longues années de lutte pour des élections libres, démocratiques et transparentes. L’historien qui revient sur la loi portant sur la liberté de manifester déplore la «dégradation des mœurs politiques» au Sénégal. Toutefois, il est d’avis que la jeunesse se battra avec «les armes et les moyens de son époque» pour la transformation du pays. Il s’exprimait samedi dernier, 18 juin 2022, en marge de la cérémonie de dédicace de son ouvrage intitulé «Passion de Liberté».
L’impasse politique qui s’accentue dans le pays, ne laisse pas indifférent l’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique (LD). Présentant, avant-hier, samedi 18 juin 2022 au public, son livre intitulé «Passion de Liberté», Pr Abdoulaye Bathily dit regretter que le Sénégal en soit encore là, après des années de «sacrifices» qui ont permis «d’acquérir de nouveaux droits» mais aussi d’avoir des «élections libres, démocratiques et transparentes». «En 1983, le président de la Cour suprême a dit qu’on pouvait voter sans Carte d’identité, sans isoloir. Nous sommes des Sénégalais. Pourquoi avoir peur de dire qu’on va voter pour ? Non. Il fallait lutter pied-à-pied contre tout ça, jusqu’à l’alternance : première, deuxième. Mais la lutte ne s’arrête pas à l’alternance politique. Ça, c’est une étape. Passion de Liberté aussi. Audelà de l’alternance politique, il faut l’alternative c’est-à-dire la transformation qualitative de la société et nous n’y sommes pas encore. Les alternances se sont succédées ; mais c’est comme un travail de Sisyphe, la répétition des erreurs, des fautes et tout le monde admet», regrette Pr Abdoulaye Bathily.
L’ancien secrétaire général de la LD a également donné son avis sur la liberté de manifester au Sénégal. «Comment (comprendre) aujourd’hui, pour nous qui venons de si loin, difficilement de si loin, qu’il soit encore difficile de tenir une réunion ou une manifestation ?», s’est-il interrogé ? Non sans rappeler les fondements de son opinion. «La loi 78-02 qui règlemente les manifestations, c’est à partir de la lutte du Syndicat unique et démocratique des enseignants (SUDES) qui a été créé en 1976 parce que les partis politiques n’existaient pas. Il n’y avait que le PDS (Parti démocratique sénégalais). On ne pouvait même pas parler de réunion. Ça a été une lutte âpre pour que cette loi 78-02 vienne donner un semblant de droit. Mais on a vu, dès le départ, que chaque fois qu’on déposait une demande de manifestation, que ce soit, par la suite au niveau politique et au niveau syndical et autres, on dit oui le droit est là, mais toujours les préfets, les gouverneurs disent : on va restreindre ça. Pour quelle raison ? On n’a pas suffisamment de forces pour encadrer la manifestation ; mais on a suffisamment de forces pour la réprimer (…)», a dit Pr Abdoulaye Bathily.
L’historien qui dit avoir toujours milité pour «une démocratie apaisée», n’a pas manqué de se prononcer sur la corruption et les détournements de fonds. «A l’époque, quand on parlait de corruption, de détournements, c’est comme si Dieu nous regardait : vous n’avez rien vu encore. J’ai même été dans un gouvernement de majorité présidentielle, j’ai eu l’honnêteté de le dire avec mes collègues du Parti socialiste (PS), du PGS à l’époque dans le gouvernement. Rare était un ministre qu’on dira, il était millionnaire ou il avait une ou deux maisons. Ça n’existait presque pas ou on ne pouvait compter ça sur les bouts des doigts», a fait savoir l’historien.
«IL Y A UNE DEGRADATION DES MŒURS POLITIQUES AU SENEGAL»
Ce qui permet au professeur de dire qu’il y a, aujourd’hui, «une dégradation des mœurs politiques dans notre pays». «Ce n’est peut-être pas au Sénégal seulement parce que je voyage souvent sur le continent et je le vois ; mais il faut balayer devant sa porte. Il y a une dégradation des mœurs politiques, l’ébranlement de la fibre morale des citoyens parce que les dirigeants ne donnent pas l’exemple. Pour qu’une société avance, il faut qu’elle accepte la critique. Il faut qu’elle sache se remettre en cause. C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui», a-t-il soutenu. En ce sens, il considère son nouveau livre comme une «réflexion sur les problèmes de notre pays aujourd’hui, de l’Afrique d’aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est».
«LA JEUNESSE SE BATTRA AVEC LES ARMES ET LES MOYENS DE SON EPOQUE»
Cependant, l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afrique centrale affiche son optimisme quant à la transformation du Sénégal par la jeunesse. «Je ne suis jamais pessimiste. Une société se pose toujours des questions et elle en a la solution. Il n’y a que les naïfs ou les ignorants qui pensent que c’est leur tour, ils sont là et qu’ils peuvent s’imposer. Il y a des dynamiques sociales qui s’imposent toujours aux individus avec leur ambition. Le Sénégal se transformera. Cette jeunesse-là que je vois aujourd’hui, elle se battra avec les armes et les moyens de son époque, qui ne sont pas les armes et les moyens de notre époque. Ça aussi, nous devons avoir nous-mêmes l’humilité. Nous ne sommes pas plus héroïques que cette jeunesse. La jeunesse est un moment dans la vie. Les jeunes d’aujourd’hui seront les vieux de demain ; donc moi, c’est avec beaucoup d’optimisme que je vois l’avenir de ce continent parce que partout où je vais, ce bouillonnement même jusque dans les excès, il faut l’accepter parce que les excès aussi sont produits par ceux qui sont en face. La passion de liberté a pris chacun d’entre nous. C’est cette passion de liberté que je vois chez les jeunes d’aujourd’hui. Je les encourage à ça naturellement, avec humilité. Il faut améliorer les choses ; mais c’est par la lutte, comme disait Thomas Sankara, qu’on se libère. Ce n’est pas par la soumission qu’on se libère», a déclaré Pr Bathily.
«PASSION DE LIBERTE» OU LE REFUS DE LA SOUMISSION, DE L’INJUSTICE, LE COMBAT POUR LA LIBERTE...
Pr Abdoulaye Bathily indique que son nouveau livre, «Passion de Liberté», consiste à «apporter sa part d’expérience à la jeune génération». «Ma vie individuelle n’a pas en réalité d’intérêt si elle ne peut pas servir à la collectivité dans un sens ou dans un autre. Et, en tant qu’homme public, j’ai essayé dans ma vie d’apporter une contribution à l’évolution de notre société. Ma passion de liberté, j’ai essayé de la montrer à travers mon itinéraire, que ce soit face aux brimades, à l’école coranique, à l’école primaire, au Prytanée militaire, à l’université, dans l’Armée où nous étions conscrits de force, mais je n’ai jamais accepté tout cela comme une fatalité. L’homme doit toujours essayer de se surpasser. Ma passion de liberté, c’est le refus de la soumission. Ma passion de liberté, c’est le refus de l’injustice. Ma passion de liberté, c’est le combat pour la liberté des autres.
Ma passion de liberté, c’est pour tout un chacun l’amour de la patrie, de son pays, de notre continent, l’Afrique, passion de lutter pour la liberté de ce continent meurtri, ce continent soumis que nous devons avoir comme devoir de libérer de manière collective», a déclaré l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afrique Centrale. Il a profité de l’occasion pour annoncer la sortie prochaine de ses deux ouvrages sur la crise au Mali et sur son expérience sur l’Afrique Centrale.
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DAK'ART, 4È BIENNALE SUR 250 DANS LE MONDE
Le ministre la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop salue la créativité des artistes africains et dit toute sa satisfaction de l’évolution de la biennale de Dakar qui a acquis sa crédibilité et sa fierté.
Le ministre la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop salue la créativité des artistes africains et dit toute sa satisfaction de l’évolution de la biennale de Dakar qui a acquis sa crédibilité et sa fierté.
Après 3 décennies, le Dak’Art se hisse à la quatrième position sur les plus de 250 Biennales existant dans le monde, selon le ministre de la Culture et de la Communication du Sénégal, Abdoulaye Diop.
Inspiré par le premier festival des arts nègres (Fesman) de 1966, la Biennale de l’art africain de Dakar, Dak’Art, a acquis de l’expériences et séduit le monde. Il faut que l’Afrique en prenne bien conscience et s’appuie sur cet acquis pour développer son industrie cultuelle. Puisqu’aux premières heures de l’indépendance, rappelle le ministre, la Culture était le premier produit exportable du continent vers le reste du monde. Et manifestement, ce potentiel va en grandissant.
Alors que la présente édition tire inexorablement vers sa fin, le ministre promet que bientôt, les autorités partageront le réel impact économique de cet événement qui a tenu en haleine le Sénégal pendant plus d’un mois. Nous avons interviewé Abdoulaye Diop au grand théâtre samedi, en marge de la cérémonie de des 30 ans de TV5 Afrique.
Suivez son entrevue.
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HAJAR SLAME LA CHAINE FRANCOPHONE, SES PROGRAMMES ET SES JOURNALISTES
la slameuse Hajar a été invitée à prester lors du coktail en présence de quelques personnnalités, dont le ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop ainsi Amadou Diaw ou Racine Talla, le directeur de la RTS.
La chaine de la francophonie TV 5 a fêté son trentième anniversaire ce weekend à Dakar où elle avait été lancée par le président Abdou Diouf 3 décennies plus tôt.
A cette occasion, la slameuse Hajar a été invitée à prester, lors du cocktail qui a été offert, en présence de quelques personnalités, dont le ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop ainsi Amadou Diaw ou Racine Talla, le directeur de la RTS.
La jeune artiste a écrit un texte spécial pour chaine francophone TV5 qu'elle a déclamé avec aisance au Grand théâtre Doudou Ndiaye Rose.
Dans ses envolées rimées, rythmiques, le champ lexical de TV5 et de tout ce qui y a trait était omniprésent et tout se passe sous le regard médusé des invités de la cérémonie.
AfricaGlobe vous donne un extrait de cette prestation émouvante.
LES SENEGALAIS, PAS DE GRANDS ACHETEURS
La Biennale d’art contemporain de Dakar bat son plein. Durant ces quelques semaines, l’art aura été célébré de moult façons. Il aura été au centre des festivités et de nombreux artistes ont pu vendre leurs œuvres.
Dans un Sénégal où émerge de plus en plus une classe moyenne désireuse de s’entourer de beaux objets, le marché de l’art prend l’ascenseur sans nul doute. Mais ce regain d’intérêt pour l’art ne profite pas toujours aux artistes. La prolifération des intermédiaires, les pesanteurs culturelles, sont encore des freins à l’épanouissement économique des artistes.
La Biennale d’art contemporain de Dakar bat son plein. Durant ces quelques semaines, l’art aura été célébré de moult façons. Il aura été au centre des festivités et de nombreux artistes ont pu vendre leurs œuvres. Dans un Sénégal où émerge de plus en plus une classe moyenne désireuse de s’entourer de beaux objets, le marché de l’art prend l’ascenseur sans nul doute. Et Dakar devient une place de choix où les grandes galeries s’installent. Cécile Fakhoury, Océane Haraty, Selebe Yoon, voilà quelques enseignes qui sont apparues dans la capitale sénégalaise ces dernières années. «Notre clientèle est d’abord basée à l’étranger mais depuis trois ans, la part de nos collectionneurs sénégalais augmente régulièrement. Et ce sont des collectionneurs qui ont entre 30 et 55 ans, avec une culture artistique et la conscience qu’en achetant, ils aident un artiste à développer sa pratique et participent à faire du Sénégal une Patrie de culture», explique Delphine Lopez, qui dirige la galerie Cécile Fakhoury de Dakar. Cette nouvelle catégorie de Sénégalais n’hésite pas à débourser des sommes conséquentes pour s’assurer que de belles choses les entourent. Mohamed Lamine Cissé a souvent eu l’occasion de constater cette tendance. «Ma première exposition à 0H Gallery, c’était avec 10 artistes camerounais et on s’était mis d’accord avec Océane (Océane Harati, propriétaire de OH Galery), qu’on ferait un mélange et inviterait aussi bien des collectionneurs bien assis que des jeunes. On a été très agréablement surpris de voir à quel point les jeunes étaient intéressés. Et on avait décidé d’exposer des petits formats faciles à acheter. Les grands patrons achètent sans problème un tableau à 6 ou 7 millions. Mais quelqu’un de mon âge (les trentenaires) craque sur une photo à 900 mille et on s’est mis d’accord pour faire des moratoires. Il est plus simple de sortir 4 fois 200 mille que de sortir d’un coup 800 mille. En faisant ça, je vais fidéliser des collectionneurs de mon âge qui vont continuer à collectionner avec moi», raconte Mohamed Lamine Cissé. A ses yeux, c’est la société sénégalaise elle-même qui est en train de transformer son regard sur l’art. «Il y a aujourd’hui des gens qui m’appellent pour me dire : «J’ai quelques jours de libre devant moi. Qu’est-ce que tu me conseilles comme expo à faire.» Il y a 4, 5 ans, personne ne me demandait ça. Ce n’était pas dans la façon de faire des Sénégalais», témoigne M. Cissé. Cette tendance est sans doute un effet de la professionnalisation du métier de galeriste, estime Mme Lopez. Ces galeries structurées, avec des programmes d’exposition, ne sont plus seulement des lieux de vente. «La galerie vend au nom de l’artiste mais elle méne en coulisse tout un travail de développement de la carrière de cet artiste, en le mettant en contact avec des commissaires d’expositions, en le faisant dialoguer avec des critiques d’art, en l’aidant à trouver des lieux de résidence pour expérimenter de nouvelles recherches. La galerie n’est pas seulement un lieu de vente mais fait un travail d’accompagnement de l’artiste et tout cela, elle le fait en se finançant sur les ventes de l’artiste», précise Mme Lopez.
Pas de grands acheteurs
Si dans les normes, ce regain d’intérêt pour l’art devrait profiter aux artistes, ce n’est pas toujours le cas. Déjà, la prolifération des intermédiaires fait que beaucoup d’artistes ne profitent pas pleinement des ressources de leur art. «Ils ne vendent pas, sinon peu. Plus grave, le marché national de l’art est étroit et la seule alternative c’est l’international ; or il n’y a pas de politique d’accompagnement de nos créateurs en ce sens», constate l’artiste peintre Moussa Ndiaye. Mais, selon le critique d’art Massamba Mbaye, c’est aussi parfois que beaucoup d’artistes ne sont pas dans des relations «d’argent». Beaucoup de grands maîtres sont morts dans l’indigence et selon ce spécialiste, c’est bien parce que dans leurs rapports avec les autres, ils ne privilégiaient pas le gain. «Ils sont des créatifs, ils n’investissent pas. Même si certains ont eu le temps d’avoir une famille à l’abri, une maison», ajoute-t-il.
Autre frein à l’épanouissement des artistes, les Sénégalais n’ont pas toujours été de grands acheteurs. «Il n’y a pas une culture d’achat d’œuvres d’art mais il faudrait peut-être faire comprendre aux gens que ces œuvres, dix ans après, leur valeur augmente.» Pince-sans-rire, Massamba Mbaye ironise en disant «qu’avant d’acheter une toile, il faut acheter un beau salon, une télévision, etc.». Mais l’art reste inaccessible à une majorité de la population. On est loin des près de 90 millions obtenus par l’œuvre de Pape Ibra Tall sur une toile qu’il avait offerte à Duke Ellington. Pour l’heure, dans les galeries sénégalaises, ils sont encore trop peu les artistes, vieux ou jeunes, qui se vendent bien. Mais parmi les favoris dans la jeune génération, Serigne Ibrahima Dièye, Kassou Seydou, Badu Jaak, Cheikh Ndiaye et le photographe Ibrahima Thiam. Massamba Mbaye ajoute que dans la nouvelle génération d’artistes, certains ont vendu particulièrement bien. Il cite notamment Arebenor Bassène et Mbaye Babacar Diouf (qui viennent d’être primés par la Biennale). Et pour les années à venir, nul doute que les graffeurs exploiteront à fond la filière Nft pour s’inscrire dans ce sillage.
La loi des 1% renait de ses cendres
Du temps du Président Senghor, chaque bâtiment qui sortait de terre intégrait, dans sa conception, des œuvres d’art. La loi 68/07 du 4 janvier 1968 était passée par là. Appelée communément loi des 1%, cette disposition, relative à la décoration des bâtiments publics recevant du public, préconisait que 1% du coût du bâtiment soit consacré à des aménagements artistiques. Abandonnée après l’arrivée de Diouf au pouvoir et la mise en œuvre des ajustements structurels, cette loi avait refait surface au moment de la Présidence Wade, avec le saupoudrage de quelques œuvres d’art sur les différents édifices réalisés pour l’organisation du Sommet de l’Oci. Même si l’espoir fut bref et que rien ne permet de dire qu’il s’agissait bien du 1% du coût des infrastructures. En tout état de cause, l’optimisme peut être de mise avec le travail de l’artiste et architecte, Malick Mbow, au siège de la Cour des comptes. Ce «bâtiment culturel», comme le qualifie son concepteur, étrenne une belle fresque dans son hall, ainsi qu’un magnifique «Arbre à palabres», une œuvre d’art qui s’appuie sur deux piliers du cône inversé du siège de l’institution.
L’ART SANS RECETTE
Au pays de Senghor, protecteur des arts par excellence, l’art ne nourrit plus son homme.
Dakar est la capitale de l’art contemporain africain pour encore quelques jours. Et la ville continue de vivre au rythme des vernissages et performances artistiques. Pourtant, cette effervescence traduit très peu l’état d’un secteur qui souffre du regard que le commun des Sénégalais lui porte. A l’exception de quelques rares élus, très peu d’artistes arrivent à vendre régulièrement leurs œuvres. Au pays de Senghor, protecteur des arts par excellence, l’art ne nourrit plus son homme.
La pièce tient à la fois du bureau et du musée personnel. Partout où le regard se pose, une œuvre d’art est accrochée, une statuette est exposée. Dans l’antre du collectionneur Bara Diokhané, les noms des artistes sénégalais défilent comme une farandole. El Sy, Zulu Mbaye, Makhone Diop, Jacob Yacouba, Ibrahima Kébé, Baye Mballo Kébé et tant d’autres.
Tous les grands noms de la peinture sénégalaise contemporaine sont représentés. Mais le maître des lieux, membre éminent de la famille judiciaire, a un attrait particulier pour un de ces artistes. Bara Diokhané enchaîne les anecdotes sur Mor Faye, ce jeune artiste prématurément arraché à l’affection des siens à l’âge de 37 ans. Parmi les plus doués de son époque, Mor Faye participe, à 19 ans à peine, au Festival mondial des arts nègres, en 1966. A la mort de l’artiste, M. Diokhané découvre que les œuvres de l’artiste risquent de disparaître ou d’être tout bonnement jetées par la famille du peintre à Niayes Thioker. M. Diokhané décide alors d’organiser une exposition à l’ancienne Galerie 39. «Historiquement, je pense que c’est à partir de cette exposition de 1991 qu’on a pu remarquer la naissance de nouvelles galeries à Dakar», constate-t-il. C’est aussi au cours de cette exposition que plusieurs personnalités de premiers plans vont acheter leur première œuvre d’art. S’ouvre alors un nouvel univers pour les artistes peintres de cette époque où l’art était encore cette occupation marginale que seuls choisissent les «ratés» de la vie.
L’exposition à la Galerie 39
Des décennies après, la situation a évolué. Les artistes sont toujours plus talentueux, quelques amateurs se font une joie de collectionner leurs œuvres et de nouvelles galeries voient le jour un peu partout. Mais faut-il pour autant parler d’un marché de l’art au Sénégal ? Les réponses divergent. Commissaire d’exposition et consultant en art, Mohamed Amine Cissé estime que oui. «Si on part du principe qu’un marché c’est un produit donné, avec quelqu’un qui offre ce produit et quelqu’un qui veut l’acheter, alors oui, il y a un marché de l’art. Il y a beaucoup d’artistes contemporains et en face des gens qui achètent. Après, ce n’est pas un marché structuré, c’est un marché qui n’est pas encore mature, qui se développe petit à petit», souligne-t-il.
Pour le critique d’art, Aliou Ndiaye, au contraire, on ne peut pas parler d’un marché de l’art puisque les préalables, un milieu artistique bien organisé, des galeries qui exposent en permanence et qui ont une identité réelle, sont absents. Ce que conforte Dr Babacar Mbaye Diop, professeur assimilé au Département de philosophie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et directeur de l’Institut supérieur des arts et des cultures (Isac). «Un véritable marché de l’art suppose un cadre juridique avec des lois qui encadrent ce marché, l’expertise avec des antiquaires, des courtiers, des consultants, des commissaires d’exposition, commissaires-priseurs, des marchands d’art, des galeristes, des critiques d’art, etc., et la valorisation des œuvres d’art à travers des institutions commerciales, des maisons de vente, des galeries, des musées, des foires d’art, des festivals, des biennales, des revues et magazines d’art, etc. Je ne dis pas que tout cela n’existe pas au Sénégal, mais tous ces métiers qui tournent autour de l’art et du marché de l’art manquent cruellement au Sénégal», dit-il. Il faut dire que le cœur du marché mondial de l’art palpite bien loin de nos cieux.
«C’est hors du continent, et plus précisément en Occident, que se passe le vrai marché de l’art africain», souligne Dr Diop. Et d’après les chiffres, seuls 8% des collectionneurs sont en Afrique. Et le Global Africa art market report 2016, fondé par le marchand d’art Jean-Philippe Aka, estime entre 300 à 400 millions de dollars américains les investissements des collectionneurs dans l’art africain, avec des acheteurs entre l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Maroc. Parmi les plus grands acheteurs sénégalais, le nom du président du directoire du Consortium d’entreprise (Cse), Oumar Sow, revient très souvent. Considéré comme le plus grand collectionneur du pays, il s’est récemment associé à Biby Seck dans la Galerie Quatorzerohuit sur Ponty. Et certains ne doutent pas que de grands maîtres occidentaux figurent dans sa collection. «Aujourd’hui, dans le marché de l’art, c’est forcément être à Paris, New York et Londres. Ces villes sont symboliques parce que c’est là qu’on retrouve les plus grandes maisons de vente d’art contemporain», souligne Aliou Ndiaye. Il y a Drouot, Gaïa et Cornette de Saint-Cyr à Paris, Christie’s et Bonhams à Londres, Sotheby’s aux Usa, Strauss & Co à Johannesburg, etc.
La cotation, un passage obligé
L’Afrique est tout de même riche de ses artistes et évènements culturels d’envergure. La Biennale de l’art africain de Dakar, le Parcourt, les différentes biennales organisées un peu partout en Afrique, à Lubumbashi, Brazzaville, Marrakech etc., contribuent à booster un secteur artistique de plus en plus attractif et perçu désormais comme un marché où les œuvres d’art s’échangent selon des normes bien établies. «Plus on est validé par l’international, plus ça monte», indique Mohamed Cissé. Il donne ainsi l’exemple de Badu Jakk, ce jeune artiste dont la cote ne cesse de monter. «Alioune Diack, Badu Jakk de son nom d’artiste, est représenté ici par OH Gallery et en France, par Anne de Villepois, une grande galerie. Il a fait de très grandes expositions et est dans de très bonnes collections. Mais Aliou va être difficilement collectionnable par un Sénégalais. Ses toiles commencent à 10 mille euros. Il a de grands formats, c’est vrai, mais ça peut aller très vite sur 20 ou 25 millions de francs Cfa. Et pourtant, c’est un jeune de 34 ans. Mais il a été validé en Occident», dit-il. Il faut dire que ces foires et biennales qui s’organisent en Occident sont les principaux lieux de vente pour les artistes africains.
Selon Aliou Ndiaye, 50 à 60% de leurs ventes se font dans les foires d’art contemporain comme la Foire 1-54, qui est une foire d’art contemporain itinérante qui s’organise entre Paris, Londres et les Etats-Unis. Tout aussi bien coté, Soly Cissé qui a fait des expos au Grand Palais à Paris. Il a fait la Divine comédie qui a fait les 5 continents et c’est comme ça que la cote d’un artiste est fixée. Dans quelle collection il se trouve, quelle exposition il a faite, exposition-vente ou biennale. Les œuvres d’un artiste peuvent coûter 1 million le 16 mars, le 17 mars, elles sont collectionnées par le Museum of art de New York (Moma) et se vendre à 10 millions», souligne M. Cissé. «C’est un ensemble de critères. D’abord la nature des œuvres de l’artiste, le discours qui les accompagne. Il y a aussi la renommée de l’artiste, à quel point il est traité dans les médias nationaux et internationaux, les ventes, les galeries où il a signé», ajoute Aliou Ndiaye. Dans cet exercice de cotation, des noms reviennent régulièrement pour le Sénégal : Soly Cissé, Ndary Lô, Ousmane Sow, Awa Seni Camara. Mais à l’échelle africaine, les artistes les mieux cotés sont camerounais, ghanéens ou nigérians.
A l’image du Nigérian El Anatsui dont les œuvres atteignent le million de dollars ou encore Kehinde Willey qui figure dans le top 500 dressé par le rapport Artprice et qui a installé la résidence d’artiste Black Rock à Dakar. Plus près de nous, Mohamed Cissé cite les noms de Soly Cissé, Badu Jakk, Ndary Lô dont les œuvres ont déjà été vendues à 800 000 euros, Barthélemy Toguo, Ouattara Watts, Amadou Sanogo. Plus rares encore sont les femmes artistes à figurer sur ces listes. Dans un article paru sur Ashakan, Khady Gadiaga s’interroge sur la place des femmes dans l’art contemporain, tout en dénonçant «la sous-évaluation des femmes». «Les artistes vivants masculins tiennent ainsi 93% des meilleures enchères à l’échelle mondiale. Bien que les artistes soient plus nombreuses aujourd’hui et que quelques grands marchands tentent de corriger les disparités de prix, la sousévaluation féminine fait de la résistance sur la scène contemporaine. Yayoi Kusama, la plus chère de la gent féminine, est classée 34ème meilleure enchère après 33 records masculins. Par ailleurs, force est de constater que cette meilleure enchère féminine est dix fois moindre que la meilleure enchère au masculin et qu’un gap de près de 47 millions de dollars sépare le record de Koons de celui de Kusama !», constate-t-elle. Quant aux artistes qui n’ont pas encore accès à ce marché international synonyme d’opulence et de succès, ils peuvent toujours faire leurs armes parmi les galeries d’art qui s’investissent localement dans la recherche de nouvelles pépites. Même si là encore, le résultat n’est pas garanti.
«AU SENEGAL, LE MARCHE DE L’ART N’EXISTE PAS»
Selon Aliou Ndiaye, critique d’art, commissaire d’exposition , trop de maillons manquent encore à la chaîne.
Critique d’art et chercheur, Aliou Ndiaye estime qu’on ne peut pas parler d’un marché de l’art au Sénégal. Selon cet expert, trop de maillons manquent encore à la chaîne.
Est-ce qu’on peut parler d’un marché de l’art au Sénégal ?
Si on se dit qu’il y a des critères bien définis pour parler d’un marché de l’art, on peut considérer qu’au Sénégal, ces critères ne sont pas remplis. Maintenant aborder la perspective d’un marché de l’art ne peut pas se réduire au Sénégal. Dans une perspective plus ouverte, parler, par exemple, d’un marché de l’art en Afrique de l’Ouest ou en Afrique, il y a beaucoup plus de leviers sur lesquels on peut s’appuyer pour faire cette analyse et ne pas se limiter au Sénégal. Au Sénégal, le marché de l’art n’existe pas. Ce qui existe, c’est une dynamique artistique locale qui est en train d’évoluer. Parler d’un marché de l’art, c’est dire d’abord qu’il y a un milieu artistique bien organisé, des galeries qui exposent en permanence et ont une identité réelle. Maintenant ça commence à se développer et à Dakar, on retrouve de plus en plus de galeries. Fakhoury, qui était à Abidjan et avait une antenne à Dakar, va aussi ouvrir à Paris. Ce qui est très important pour l’art contemporain africain. Etre aujourd’hui dans le marché de l’art, c’est forcément être à Paris, à New York et Londres. Ces villes sont symboliques parce que c’est là qu’on retrouve les plus grandes maisons de vente d’art contemporain. Il y a la Salle Drouot à Paris où on fait des ventes, Christie’s à Londres et Sotheby’s aux Usa. Donc, on peut dire qu’être sur ces marchés peut booster l’art contemporain. Mais au niveau africain, on n’a pas de tels espaces consacrés à la vente d’œuvres d’art devant un parterre de collectionneurs, de galeristes, etc. Cependant, on a quand même un évènementiel. Au Sénégal, on a la Biennale de l’art contemporain, en Afrique du Sud, ils ont un ensemble d’infrastructures comme ce musée Zeltz Mocaa d’art contemporain remarquable, qui offre de la visibilité aux artistes africains et permet d’exposer et montrer ce qu’ils sont en train de faire. Un peu partout, à Lagos, en Egypte, en Afrique centrale où ça bouge énormément avec la Biennale de Lubumbashi, celles de Kinshasa et Brazzaville, les Rencontres internationales de peinture de Ouagadougou (Ripo) dont j’ai assuré la direction artistique. Ce sont des évènementiels qui constituent un costume favorable aux arts visuels et critères des arts visuels. Ce sont des évènements et des infrastructures, mais aussi des ressources humaines. On a beau avoir des infrastructures, s’il n’y a pas un dispositif de ressources humaines qui accompagne ce développement, la question du marché est problématique. Ces ressources humaines doivent être actives dans le domaine des revues spécialisées parce que si les Etats-Unis, l’Europe ou l’Asie arrivent à se positionner, c’est parce qu’il y a aussi des revues internationales qui sont très visibles où des experts font des critiques d’art, des contributions, des gens qui ont une signature et un savoir à partager. Il y a aussi les salles de vente et la cotation des artistes, qui est un travail des collectionneurs, avec les galeristes et critiques d’art. A un moment, on peut savoir dans l’espace ouest-africain ou africain, qui est à telle position. Aujourd’hui, les ranking que nous avons, ce sont des structures occidentales qui nous les donnent. C’est à partir de leurs critères, leurs regards, qu’ils fixent leur positionnement. Ça se comprend aussi parce qu’aujourd’hui, si les artistes plasticiens africains vendent, c’est a 50, 60% dans les foires d’art contemporain comme la Foire 1-54, une foire d’art contemporain itinérante qui s’organise entre Paris, Londres et Usa. Même les foires suivent la trajectoire de ces villes. L’autre point important, c’est aussi la formation. Dans tous ces pays occidentaux, la question de la formation à l’art est prise au sérieux. Dès le Bac, un élève peut faire un Bac art plastique. Après le Bac, il peut continuer Licence, Master art. Cette question de la formation est importante parce que c’est à partir de ces ressources humaines de qualité que l’on peut occuper les musées, les revues spécialisées, les galeries et les structures de cotation et de classement pour qu’un marché puisse exister en Afrique. Il y a beaucoup d’éléments qui manquent à la chaîne mais qui seront peut-être là dans l’art. Mais pour le moment, on peut dire qu’il n’y a pas toutes les conditions requises pour parler d’un marché de l’art.
L’Afrique n’est pas l’épicentre du marché, mais participe quand même au marché par ses artistes qui sont assez bien représentés…
Je n’ai pas les chiffres en tête mais je sais que les arts africains représentent plus de 30 à 40% des ventes dans les grandes rencontres. Mais l’art n’est pas que vente. C’est aussi un produit de gouvernance, de médiation diplomatique, parce qu’il permet de faire connaître un pays. Mais pour envisager ça, l’Etat doit s’inscrire dans une perspective plus ouverte et pluridisciplinaire, qui associe tout le monde.
Dans un pays comme le Sénégal, est-ce que l’environnement économique et juridique favorise la mise en place de ce marché ?
L’environnement juridique ou économique est extrêmement important. Au Sénégal, nous avons un ministère de la Culture qui essaie tant bien que mal de faire bien des choses. Mais le véritable financement d’une économie de la culture devrait se faire avec des banques ou des acteurs qui disposent d’un fonds de garantie, qui peuvent s’appuyer sur une telle ressource économique pour développer une chaîne fiable dans le long terme, qui créent des emplois décents. En tant que perspective économique, il y a encore des choses à faire au Sénégal. Il y a aussi la loi sur les droits d’auteurs et droits voisins, qui est une sorte de mise à jour parce que nous avions eu des textes archaïques. Et il faut aller vers les décrets d’application pour savoir ce qu’on peut vraiment faire.
Il y a aussi cette loi qui dit que 1% du coût de chaque bâtiment doit aller à des œuvres artistiques…
Cette loi 68/07 du 4 janvier 1968, relative à la décoration des bâtiments publics recevant du public, appelée loi du 1%, est très importante mais en ce moment, elle a besoin d’une révision. Parce que ce serait une loi qui, dans la vision des gouvernants de ces dix dernières années, devrait être révisée pour être une loi globale sur le mécénat, qui ne concernerait pas seulement les arts visuels et le marché de l’art mais aussi le cinéma, la musique et presque tous les secteurs de la vie culturelle. Entre 1968 et 2022, le coût de l’immobilier a grimpé et il y a des paramètres à revoir. Aux dernières nouvelles, le ministère de la Culture et de la communication avait commis un cabinet juridique pour travailler dessus, avec un avocat qui est critique d’art aussi.
Est-ce qu’on peut dire que le faible pouvoir d’achat en général explique qu’il n’y ait pas beaucoup d’acheteurs ?
Il y a des Sénégalais qui aiment bien les œuvres mais qui ne peuvent pas acheter parce que ces œuvres sont hors de portée. Il y a aussi ceux qui ont les moyens et qui achètent. Et de plus en plus, il y a des collectionneurs bien sénégalais. Un de mes amis, critique d’art, avait essayé d’enquêter sur le coût des œuvres d’art achetées par ces collectionneurs, mais c’était l’omerta. Personne ne voulait communiquer sur le nombre d’œuvres et les prix. Le jour où les textes dont on a parlé seront adoptés… dans les droits voisins par exemple, il y a le droit de suite qui dit qu’à chaque fois que l’œuvre est revendue, l’artiste peut toucher 5%.
Ces ventes au niveau international posent aussi la question de la cotation…
C’est un ensemble de critères. D’abord la nature des œuvres de l’artiste, le discours qui les accompagne. Il y a aussi la renommée de l’artiste, à quel point il est traité dans les médias nationaux et internationaux. Ensuite les ventes, avec combien de galeries il a signé… De plus en plus, nos artistes vont vers une professionnalisation totale. Il y a pleins d’artistes sénégalais qui ont signé des contrats avec des galeries, qui se font exposer dans les foires. Récemment j’étais à la Foire Art Bruxelles et l’artiste Oumar Bâ, qui est installé à Genève, était bien représenté dans l’espace européen avec deux ou trois galeries qui s’occupent de ses œuvres.
Qui fixe les cotations finalement ?
C’est un ensemble d’indicateurs qu’on cumule. Par exemple, il y a des revues qui font leurs cotations. Une salle de vente à Paris peut aussi faire sa cotation. Maintenant, en faisant le cumul des cotations déjà réalisées à New York, Londres et Paris, les artistes les plus en vue à la Biennale, on peut faire une compilation et arriver à tirer une liste. C’est ce qu’avait fait André Magnin à Paris. Il avait réussi à faire sa cotation et sa liste concernant les artistes africains et les artistes au niveau mondial.
Au Sénégal, qui était l’artiste le mieux côté ?
Je pense que c’étaient Soly Cissé et Ousmane Sow.
A côté de l’organisation de biennales, d’évènements culturels autour de l’art plastique, il y a aussi de plus en plus de galeries qui viennent s’implanter à Dakar comme Cécile Fakhoury ou Selebe Yoon. C’est quand même la preuve d’une vitalité dans le secteur ?
Il y a une vitalité de l’art contemporain sénégalais. Maintenant, il faut des mesures d’accompagnement. Si on regarde toute cette vitalité, ce sont les acteurs qui sont devant, c’est-à-dire des privés. Maintenant, il nous reste à mettre en place un cadre qui fabrique des possibilités artistiques dans le long terme. Aujourd’hui à Dakar, on devrait avoir des structures qui organisent des résidences pour des artistes et faire des restitutions. C’est quelque chose de très important mais ça a du mal à prospérer parce que demandant beaucoup de moyens. Mais ça va dans le sens de construire un écosystème artistique. Sur des points essentiels, le Sénégal est déjà dans la bonne marche et dispose d’une grande rencontre internationale destinée aux arts visuels même si c’est malheureux que depuis trente ans que cette biennale existe, nous n’avons ni un musée d’art contemporain ni un musée national. Cette politique d’infrastructure pour les arts visuels, pour la culture matérielle en général, devrait être accompagnée. Et aussi une économie articulée sur des leviers durables ouverts à la macroéconomie. Je parle des banques, des sociétés d’assurances, les caisses de dépôt. L’art, les artistes ont du mal à entrer dans ces leviers. Et il faudrait qu’ils puissent le faire pour parler d’un marché de l’art viable, d’une industrie culturelle viable, d’un écosystème artistique viable.
Vous avez travaillé sur la mobilité des artistes. Est-ce que la nature du marché sénégalais peut expliquer cette forte mobilité des artistes ?
L’expatriation est un corolaire de l’art. La culture est dynamique. Les artistes ont besoin de cette mobilité qui est inhérente à la réalité artistique. Ils s’expatrient aussi pour des raisons économiques parce que le marché de l’art se décide là-bas. Même s’il y a des artistes qui ont fait le choix de rester au Sénégal et d’y exister, comme Soly Cissé. Mais ce n’est pas parce qu’on est en Europe que ça marche. Ces artistes y vont parce qu’il y a le marché. Mais beaucoup de ces artistes sont devenus des binationaux. C’est une réalité que j’ai constatée durant mon travail de terrain où je me suis intéressé à 7 pays européens avec 10 artistes. Et il y a des enjeux fondamentaux qui vont arriver dans les 30 prochaines années. Aujourd’hui, on parle de la restitution des œuvres d’art avec le rapport Sarr/ Savoy. Mais ce sont des œuvres d’art anciennes qui étaient au Musée du Quai Branly, etc. On va vers quelque chose d’autre. Des artistes kenyans, ougandais, sénégalais, burkinabais binationaux, vont produire des œuvres qui seront dans les musées occidentaux. A un certain moment, on se dira, ce patrimoine, est-ce celui du Sénégal ou des Etats-Unis ? Je m’inscris dans cette perspective d’analyse dès maintenant pour voir avant d’y arriver, comment réfléchir sur ces questions.