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2 avril 2025
Culture
ABOUBACRINE SOW PRONE UNE MEILLEURE VALORISATION DE LA LANGUE ARABE
Professeur d’arabe depuis plusieurs années et pur produit du daraa, Aboubacrine Sow, formateur en discipline arabe au Crfpe de Thiès, est l’auteur de l’ouvrage Appui à l’enseignement de la grammaire, la morphologie et la conjugaison.
Pour reconnaître la richesse culturelle et linguistique portée par l’arabe, mais également aider les enseignants, les apprenants et même les personnes qui sont intéressées à parler cette langue, Aboubacrine Sow, formateur en discipline arabe au Crfpe de Thiès, vient de sortir un ouvrage intitulé «Appui à l’enseignement de la grammaire, la morphologie et la conjugaison».
Professeur d’arabe depuis plusieurs années et pur produit du daraa, Aboubacrine Sow, formateur en discipline arabe au Crfpe de Thiès, est l’auteur de l’ouvrage Appui à l’enseignement de la grammaire, la morphologie et la conjugaison. La cérémonie de dédicace de ce manuel scolaire a eu lieu samedi dernier au Lycée Demba Diop de Mbour. L’amour de de langue arabe a poussé l’auteur à aller en Mauritanie, en Tunisie et enfin au Maroc, pour mieux l’apprendre. Après ses études, il est revenu au Sénégal pour faire des formations professionnelles. «J’ai fait la Fastef, la Caem, le Caes. J’ai enseigné dans les écoles privées traditionnelles, les écoles privées modernes et les écoles publiques. J’ai aussi constaté que la bibliothèque sénégalaise en langue arabe est presque vide. Je me suis dit pourquoi ne pas essayer d’apporter ma contribution à cette bibliothèque», a déclaré Aboubacrine Sow lors de la cérémonie de dédicace. Il a également souligné qu’au-delà de cet aspect, il veut que les générations futures puissent bénéficier de son travail, comme les gens de sa génération ont eu la chance de bénéficier du travail de leurs anciens. «C’est cela qui m’a inspiré, après quelques efforts, à sortir ce livre qu’on peut considérer comme un manuel scolaire. Le titre du livre, c’est Appui à l’enseignement de la grammaire, la morphologie et la conjugaison pour l’arabe langue vivante au Sénégal -tous les niveaux. Donc, ce sont trois éléments indispensables pour maîtriser une langue. Le livre peut aussi appuyer l’enseignant, mais en même temps l’apprenant, pour la pratique ou l’apprentissage de la langue arabe», a précisé le formateur au Crfpe de Thiès.
Selon lui, la langue arabe fait partie des premières langues étrangères à être pratiquées au Sénégal et jusqu’à présent, il y a beaucoup de mots arabes dans le wolof. Ce qui fait que les Sénégalais pratiquent cette langue sans même le savoir. «Beaucoup de Sénégalais aussi ont le complexe de parler cette langue. D’ailleurs, on veut confiner cette langue et la réserver juste pour les cérémonies religieuses. Cette langue est enfermée dans les cérémonies mortuaires, les baptêmes, les mosquées et autres. Il faut savoir que ce qui est valable pour les autres langues l’est aussi pour l’arabe. C’est une langue vivante, c’est une langue de la société que l’économie, la technologie, la politique, entre autres, utilisent.» Ce livre va ainsi motiver les jeunes, les apprenants pour qu’ils puissent parler sans gêne cette langue. Il va aussi faciliter pour les enseignants, les élèves et même ceux qui ne sont pas dans le milieu scolaire, la maîtrise de cette langue. L’auteur révèle aussi que l’écriture de ce livre est partie d’une émission qu’il fait chaque mercredi à la radio Xew-Xew Fm à Mbour, et qui s’intitule Jariba arabiyataka, «Tester votre arabe». «Pour mieux faire la promotion de cette langue, j’ai pensé écrire ce livre qui va sillonner le monde pour enrichir l’apprentissage de cette langue», précise Aboubacrine Sow
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L’ART AU SERVICE DES POPULATIONS
Le président Faye a exprimé un intérêt soutenu pour l'économie culturelle, mettant en lumière son potentiel de création de richesses et d'opportunités d'emploi, en particulier à l'ère numérique.
Dakar a vibré hier, vendredi, au rythme de l'ouverture de la 15e édition de la Biennale d'art contemporain africain, le Dak'Art, qui se tient du 7 novembre au 7 décembre au Grand Théâtre de la capitale sénégalaise. Cet événement, devenu un rendez-vous incontournable depuis 1996, a été marqué par l'allocution du président de la République, Bassirou Diomaye Faye, qui a souligné l'importance de l'art dans la société.
Le président Faye a exprimé un intérêt soutenu pour l'économie culturelle, mettant en lumière son potentiel de création de richesses et d'opportunités d'emploi, en particulier à l'ère numérique. « Le numérique occupe une place grandiose dans l'économie culturelle. Il peut valoriser le patrimoine et créer des emplois pour les jeunes », a-t-il affirmé, insistant sur la synergie entre la technologie et l'art comme moteur de développement.
Le thème de cette édition, « The Wake » (en français, « le Sillage » ou « l'Éveil »), résonne profondément dans la démarche artistique et intellectuelle de l'événement. Inspiré par l'ouvrage de la professeure Christina Sharpe, The Wake: On Blackness and Being, le thème explore la condition noire à travers des prismes littéraires, visuels et artistiques, abordant les notions de deuil, d'exhumation et de résilience. Cette orientation thématique vise à relier le passé et l'avenir avec une importance égale, unissant mémoire et promesse.
Dans un discours empreint de sagesse, le président Faye a évoqué le rôle fondamental de l'art dans la compréhension du monde et la quête d'harmonie. « L'art facilite la compréhension du monde, le rend moins angoissant et aide à défricher la place que l'homme doit y occuper, en symbiose avec tous les autres êtres », a-t-il déclaré, soutenant que l'esthétique et l'éthique partagent des valeurs communes et indissociables. Portant une attention particulière à l'éthique, le président a rappelé que « l'éthique est une valeur cardinale de nos cultures de tradition ». Il a souligné l'engagement du gouvernement, conduit par le Premier ministre Ousmane Sonko, à incarner les valeurs de droiture et d'exemplarité. « JUB JUBAL JUBANTI », des concepts que l'on pourrait reprendre par rectitude et réparation, s'inscrivent au cœur de l'action gouvernementale, illustrant la nécessité de corriger les torts passés envers la communauté.
Enfin, le chef de l'État a invité la population, et en particulier la jeunesse, à s'approprier cet événement d'envergure et à participer activement aux diverses manifestations culturelles prévues. « Le Dak'Art est un espace où l'art africain contemporain s'exprime, se célèbre et se promet, enrichissant la scène culturelle internationale », a-t-il conclu, promettant ainsi un mois de célébrations artistiques intenses.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
QUAND LA SCIENCE NE RELÈVE PAS DE PROCÉDÉS IDÉOLOGIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - Les histoires sont véhiculées par des narrateurs, même s’ils se déclarent détachés et objectifs, ils sont le plus souvent les témoins de la fondation d’un champ scientifique et surtout culturel
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 08/11/2024
Ainsi, le discours de la science n’est jamais neutre et à tout moment, il peut être orienté par une idéologie. C’est à ce carrefour que nous devons rester en alerte. En effet, certains historiens, écrivains ou scientifiques peuvent surgir, de nulle part d’ailleurs, pour nous vendre, au nom de la science, des procédés idéologiques, qui nous installent dans le détournement de la vérité historique, pouvant mener à la falsification et à l’aliénation.
Quand on parle des sciences, on présuppose être dans la posture « de ne pas savoir », à la lumière des véritables scientifiques qui remettent en cause en permanence les théories. Cette disposition à tordre un concept scientifique pour en faire émerger un autre est à la base de tout travail épistémologique.
Pourtant, la science prend aussi sa véracité par le récit que l’on en fait. La profondeur réflexive et humaine joue un rôle incontestable dans toutes les théories de l’observation scientifique. Au préalable, il faut préciser que chaque expérience, chaque connaissance est induite par un récit et chacune possède une forme narrative. Or, la question du récit est plus subjective que celle de la rationalité des sciences.
Les théories sont mises à l’épreuve par une série de vérifications et les histoires sont jugées en fonction de leur vraisemblance, ce qui est possible et vérifiable, ce qui relève au fond de la « vraie » science. La science a recours aux hypothèses, mais celles-ci sont falsifiables, sans pour autant que la théorie se modifie. Ainsi on peut considérer que les grandes théories scientifiques sont plus proches des « histoires » qu’il n’y paraît.
La science est le produit d’agents humains qui sont caractérisés par des désirs, des croyances, des savoirs, des intentions, des engagements qui forment en quelque sorte des situations inattendues comme dans les récits.
Les histoires sont véhiculées par des narrateurs, même s’ils se déclarent détachés et objectifs, ils sont le plus souvent les témoins de la fondation d’un champ scientifique et surtout culturel.
La pensée occidentale, depuis les Grecs, défend l’idée d’un monde rationnel où tout est susceptible d’être expliqué. Mais les théories scientifiques dépendent aussi des données spéculatives, des contextes culturels, des histoires, des fables, des mythes, des métaphores qui permettent de valider les hypothèses.
Ainsi, le discours de la science n’est jamais neutre et à tout moment, il peut être orienté par une idéologie. C’est à ce carrefour que nous devons rester en alerte. En effet, certains historiens, écrivains ou scientifiques peuvent surgir, de nulle part d’ailleurs, pour nous vendre, au nom de la science, des procédés idéologiques, qui nous installent dans le détournement de la vérité historique, pouvant mener à la falsification et à l’aliénation.
C'est encore malheureusement le cas quand il s’agit du récit africain et des apports scientifiques qu’il est en mesure d’apporter, s’agissant de son expérience et d’un environnement culturel donné.
Les idéologues, soi-disant scientifiques, oublient, de manière systémique, la vérité historique pour faire entendre un discours qui procède de l'illusion et de la manipulation. Il en va de même en ce qui concerne l’espace de l’information. Trop souvent, on assiste au détournement de la vérité au profit d’une idéologie qui consiste à faire croire à un récit inventé de toute pièce, afin de prolonger la domination à l'œuvre. Or, sur le terrain de la pensée historique, tout est contestable et tout est mouvement.
Ces récits organisés vont à l’encontre de notre vivre ensemble encore trop fragile et ces procédés continuent de déstabiliser le continent africain.
Lorsqu’on entend un historien dire “ce que je dis est strictement historique”, on peut questionner les documents sur lesquels il s'appuie, exhumer les archives qui ont été utilisées, tout en se demandant qui les a façonnées, à quel moment et dans quel contexte.
Nous armer de science jusqu’aux dents, préconisait le professeur Cheikh Anta Diop et cette affirmation est celle que nous devons porter en bandoulière, sans nous laisser enfermer dans des soleils trompeurs qui viennent d’une sphère qui n’est pas notre réalité.
C’est à nous de donner du sens à ce que nous avons, à ce que nous savons, à ce que nous sommes pour sortir de l’instrumentalisation qui nous détruit et fait de nous de simples consommateurs, sans histoire et sans référents socio-culturels.
Voici le préalable à toute théorie scientifique ou informationnelle. Il s’agit de questionner en permanence les paramètres, les méthodes employées, qui relèvent encore des opinions et des règles idéologiques, en nous assurant que les thèses du récit africain sont les nôtres. Ces théories que nous pouvons faire émerger en augmentant notre matériel de recherche, qui se doit de rétablir des critères objectifs, sont la source de notre propre narration. Dans ces conditions et seulement celles-ci, nous serons en mesure d’opérer des ruptures épistémologiques et de construire notre propre récit scientifique.
Amadou Elimane Kane est enseignant, poète écrivain et chercheur en sciences cognitives.
EXPO "DEVOIR DE MÉMOIRE", UN MODÈLE D’ENGAGEMENT CULTUREL
Le programme promeut un travail d’équipe en créant trois vitrines d’art en dialogue, rendant hommage aux artistes disparus, explorant les migrations et valorisant le rôle de la femme dans la société.
Prévue à l’île de Ngor, dans le cadre de la Biennale de Dakar, l’exposition ‘’Devoir de mémoire’’ est constitutif d'un triplé visant, selon Adjaratou Faye de Creative District, à asseoir un travail collaboratif et d'équipe, créant trois vitrines d'art en dialogue sur le passé et sur le présent, à travers l'hommage aux artistes disparus, l'exploration de mouvements migratoires et la valorisation du rôle de la femme dans la société.
Dans le cadre de la 15e édition de la Biennale de l'art africain contemporain Dak'Art 2024, Creative District, spécialisé dans l'accompagnement, la formation et la production de projets culturels, organise une exposition autour de la thématique ‘’Devoir de mémoire’’. Cette exposition, qui se décline en axes, aura lieu du 7 novembre au 31 décembre à Keur Yaadikoone, collaborateur de ce projet de co-construction. Le vernissage aura lieu le 15 novembre, moment phare de cet événement.
La première activité est intitulée "Honneur à la mémoire des artistes disparus". Cette section vise à rendre hommage à des figures emblématiques de l'art sénégalais, notamment Joe Ouakam, Djibril Diop Mambéty, Samba Félix Ndiaye, Bouna Médoune Sèye et Mouhamadou Douts Ndoye. ‘’Ces artistes ont profondément marqué le paysage artistique et culturel du Sénégal, et ont, dans leur parcours, suscité les interrogations des spectateurs sur des sujets sociaux et éthiques ouvrant une porte sur le dialogue", a indiqué Mamadou Ndiaye, agent à Keur Yaadikoone.
Il note d’ailleurs que l'engagement de Keur Yaadikoone, c'est d'’’offrir un cadre de mémoire et une plateforme de promotion artistique, dans le sillage des objectifs de Dak’Art visant à élargir les possibilités des artistes africains faiblement représentés dans les événements internationaux, mais aussi participer à l'élaboration de discours sur l'esthétique adaptée au continent africain’’.
La deuxième activité est ‘’La traversée des pirogues’’, vecteur culturel dans le courant migratoire. Ce volet invite les artistes à explorer la pirogue comme symbole de transmission culturelle, de migration et d'échanges entre civilisations, d’après Adjaratou Kosse Faye de Creative District. ‘’La traversée devient ainsi une métaphore du voyage, de la quête identitaire et du dialogue interculturel. L'ambition est de construire un pont entre les acteurs culturels d'Afrique et d'Europe’’.
Pour cela, seront exposés des artistes tels que Zineb Bennani-Smires (Maroc), Aurore Venot (France), Gloire Isuba (RDC), Idriss Kitota (RDC), Emmanuel Koto (RDC), Dean Marshall Momble (CI) ou encore Catheris Mondombo (RDC), avec la collaboration de la fondation Maono. Il s’agit d’explorer les thématiques de la migration et de l'identité à travers l'art.
Il y a une troisième activité : ‘’L’éveil féminin’’. Celle-ci, à travers une exposition collective d’artistes d’horizons divers, met en avant des perspectives féminines, des animations interactives et des discussions sur les défis et les succès des femmes dans le monde de l’art. L’objectif est de mettre en lumière les contributions positives des femmes et leur rôle dans la société. Les artistes exposants sont des plasticiens venant de divers pays d'Afrique.
‘’Le programme d'exposition ‘Devoir de Mémoire’ est constitutif d'un triplé, visant à asseoir un travail collaboratif et d'équipe, créant trois vitrines d'art en dialogue sur le passé et sur le présent, à travers l'hommage aux artistes disparus, l'exploration de mouvements migratoires et la valorisation du rôle de la femme dans la société’’, a relevé Adjaratou Faye.
En outre, au-delà des expositions et des discussions, il est prévu de la danse traditionnelle léboue avec les percussions du théâtre national Daniel Sorano, des formations en photo, en DJing, etc., une soirée slam au coucher du soleil avec feu de camp, une résidence d’artistes venant de plusieurs pays et des projections de films pour rendre hommage à Djibril Diop Mambéty, Félix Samba Ndiaye, etc.
Ainsi, les organisateurs veulent que l’exposition sur l'île de Ngor, avec son thème "Devoir de mémoire", se positionne comme un événement phare qui ne se limite pas à l’exposition d'œuvres d’art, mais qui propose une véritable expérience immersive et engagée. Pour eux, grâce à des récits artistiques puissants et à une programmation variée d'activités interactives, cet événement aspire à transformer les perceptions et à créer un espace de réflexion, d’analyse et de compréhension.
AGNÈS BREZEPHIN REMPORTE LE GRAND PRIX LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR DU DAK'ART 2024
L'artiste martiniquaise a été distingué pour son œuvre ‘’Fil (s) de soi (e)’’, à l’ouverture de la 15e Biennale de l’art africain contemporain, Dak’Art 2024.
Le Grand prix du Chef de l’Etat Léopold Sédar Senghor a été décerné, jeudi, à Dakar, à l’artiste martiniquaise Agnès Brezephin pour son oeuvre ‘’Fil (s) de soi (e)’’, à l’ouverture de la 15e Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art 2024), a constaté l’APS.
‘’Une installation, qui dès le titre, invite le spectateur à un dialogue subtil, presque à une mise en garde sur ce qu’il s’apprête à découvrir ou à ressentir’’, a expliqué le jury présidé par Michèle Magena (RDC) dans sa note de délibération.
La lauréate 2024 a reçu son prix des mains du chef de l’Etat sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, qui a présidé la cérémonie d’ouverture officielle du Dak’art 2024, au Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose.
Le prix est doté d’une enveloppe de 20 millions de francs CFA, a précisé l’animatrice et journaliste Oumy Ndour.
Agnès Brezephin, très émue par cette distinction et en larmes jusqu’à la fin de la cérémonie, a exprimé sa gratitude.
‘’Je suis…, c’est très compliqué…Je me suis rendue compte que c’est ici chez moi, en faisant la pièce, en l’installant, c’est incroyable ! Ça bouscule plein de choses dans ma tête, de décisions pour le futur, c’est incroyable, je ne pensais pas que j’allais avoir cette forte émotion’’, a-t-elle dit d’une voix entrecoupés de sanglots. Des sanglots de joie.
La gorge serrée, Agnès Brezephin déclare avoir des couleurs, des fils de soie, mais ‘’pas de mot’’. ‘’Pour la première fois de ma vie, je suis très heureuse, vraiment très heureuse. Enormément d’émotions. Un prix qui m’a beaucoup touchée ’’, a-t-elle exulté en recevant les chaleureuses félicitations des autres artistes.
Elle souligne le caractère ‘’extraordinaire’’ de la Biennale de Dakar qui, dit-elle, ‘’donne une chance incroyable lors qu’on est sélectionné. Mais rien que le fait d’exposer, c’est magique. On rentre dans du merveilleux avec ce prix’’.
Le Grand prix Léopold Sédar Senghor a été attribué à l’artiste éthiopien Tegene Kunbi (2022), Leila Adjovi (Bénin 2018) et Youssef Limoud (Egypte, 2016). Driss Ouadahi (Algérie) et Olu Omoda (Nigéria) ont été primés en 2014 et Youness Baba Ali (Maroc) en 2012.
Le jury a fait son choix parmi 58 artistes de 27 pays sélectionnés dans l’exposition internationale ‘’IN’’ dans laquelle figurent cinq artistes sénégalais.
Le prix du sculpteur Ousmane Sow pour le droit de suite, remis par la Coopérative d’art contemporain, est revenu à la Jamaïcaine Sonia Barrett pour son œuvre ‘’Map-Lective’’.
Le prix de la mairie de Dakar, d’une valeur de cinq millions, a été attribué à l’artiste sénégalais Manel Ndoye dont l’œuvre exposée dans le pavillon Sénégal réinvente le langage de la tapisserie traditionnelle sénégalaise.
Les prix de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont été attribués respectivement à l’artiste togolais Clay Apenouvon et à la plasticienne sénégalaise Dior Thiam.
‘’C’est incroyable, juste incroyable, c’est la première fois que je participe dans le IN, je suis très contente’’, se réjouit Dior Thiam qui vit en Allemagne.
Le premier, avec son œuvre ‘’Grande fenêtre sur le large’’, offre une représentation radicalement abstraite et poignante sur l’immigration et ses tragédies, tandis que la seconde dont l’œuvre est intitulée ‘’Particles 1 et Particles 2’’, présente des portraits de peinture de femmes ayant participé à la résistance en Afrique.
Ils ont reçu chacun une enveloppe de cinq millions de francs CFA.
Le Prix du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, d’une valeur de dix millions, a été remis à l’artiste ougandais Ronald Odur pour ‘’The fabric of identity’’.
Il remporte ainsi le prix de la révélation de cette 15e édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (du 7 novembre au 7 décembre).
LE NUMÉRIQUE, UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR POUR VALORISER LE PATRIMOINE IMMATERIEL
L’économie culturelle “est de plus en plus numérique”, a fait observer le chef de l’État, en présidant la cérémonie d’ouverture de la 15ᵉ édition de la Biennale d’art contemporain de Dakar, qui se poursuivra jusqu’au 7 décembre prochain.
Les acteurs du secteur de la culture doivent davantage profiter des opportunités du numérique pour mieux valoriser le patrimoine immatériel du Sénégal, a insisté, jeudi, à Dakar, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye.
L’économie culturelle “est de plus en plus numérique”, a fait observer le chef de l’État, en présidant la cérémonie d’ouverture de la 15ᵉ édition de la Biennale d’art contemporain de Dakar, qui se poursuivra jusqu’au 7 décembre prochain.
”Le numérique offre donc une opportunité à saisir dans la valorisation de notre patrimoine immatériel. Le secteur culturel national devra davantage saisir et exploiter ces potentialités considérables offertes par le numérique”, a-t-il déclaré.
Le numérique occupe une place de plus en plus importante dans l’économie de la culture au point de devenir “incontournable pour valoriser, sur les différentes plateformes, les créations de nos artistes et offrir davantage d’opportunités d’emploi aux jeunes”, a-t-il souligné.
Il a évoqué, à ce sujet, un rapport de l’UNESCO de 2018 qui appelle à “replacer les politiques culturelles, la créativité au cœur du développement”.
Ce document, ajoute le chef de l’État, renseigne que ”les technologies numériques ont transformé l’achat de valeurs culturelles, si bien que l’économie culturelle est de plus en plus numérique”.
Bassirou Diomaye Diakhar Faye a réaffirmé ”l’intérêt particulier” qu’il accorde à l’économie de la culture, dans le sens de “soutenir toutes les filières et favoriser l’achat d’entreprises et d’industries culturelles créatives vecteurs d’emploi pour les jeunes et les femmes en particulier”.
Le secteur de la culture renferme ”un fort potentiel en création de richesses et d’emplois, qu’il importe […] d’organiser, d’exploiter, par un accès facilité aux données culturelles, l’accompagnement des créateurs par la professionnalisation et le financement entre autres”, a relevé le chef de l’État.
En cela, il a promis un “renforcement de la décentralisation culturelle par un soutien plus affirmé à l’administration culturelle locale et aux événements sur l’ensemble du territoire national”.
”Je tiens, à ce propos, dans un souci d’équité territoriale, à ce que notre culture bénéficie à tous nos compatriotes et que parallèlement, le besoin d’expression culturelle ainsi que la valorisation du patrimoine des communautés soient comblés, car il y va de notre cohésion nationale”, a souligné le président de la République.
Bassirou Diomaye Faye a également appelé à un “sens élevé des responsabilités” pour “cultiver les vertus de solidarité, de concertation, de collaboration entre l’institution étatique et les professionnels de la culture, entre les artistes eux-mêmes et avec nos partenaires aussi”.
DAKAR, CAPITALE DE L'ART AFRICAIN CONTEMPORAIN
La cérémonie d’ouverture de la quinzième (15e) édition de la biennale de l’Art africain contemporain (DAK’ART) sera présidée par le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, au grand théâtre de Dakar.
La cérémonie d’ouverture de la quinzième (15e) édition de la biennale de l’Art africain contemporain (DAK’ART) sera présidée par le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, au grand théâtre de Dakar. Cet événement va se dérouler du 07 novembre au 07 décembre, dans la capitale Sénégalaise.
Reportée par le biais d’un communiqué en date du 25 avril 2024, pour des raisons organisationnelles, la biennale de l’Art africain contemporain (DAK’ART) reste fidèle à son ambition : promouvoir et diffuser la créativité et les arts visuels africains à l'échelle internationale. Si la décision de rapport de cette 15e édition, annoncée le 25 avril 2024, a suscité des remous parmi les acteurs de la culture, elle a également permis d'ajuster l'événement pour mieux répondre aux attentes des artistes.
Cependant, Mouhamadou Zulu Mbaye, président de l'Association des Artistes Plasticiens du Village des Arts de Dakar (AAVAD), exprime ses préoccupations face aux coûts supplémentaires engendrés pour les artistes et déplore le manque d'implication des professionnels dans l'organisation. Il en appelle aux autorités pour mieux intégrer le Village des Arts dans le label de cet événement, espérant ainsi une collaboration plus constructive et un soutien accumulé pour les infrastructures. Malgré un budget d'un milliard de francs CFA alloué, les critiques fusent quant aux matériels, financiers et préparatifs, jugés insuffisants par les artistes. Certains rappellent que DAK'ART, initié par la Communauté des Arts plastiques en 1992 et soutenu par l'État sénégalais, a su gagner en notoriété internationale, attirant des créateurs d'Afrique, d'Amérique et d'Europe.
La Biennale de Dakar reste un événement phare pour les arts contemporains africains, avec une portée et une influence qui dépasse les frontières du continent. Ce qui fait que les attentes des artistes et du public pour cette édition sont élevées et beaucoup espèrent que l'événement saura relever les défis d'organisation et offrir une vitrine digne de l'art africain.
LE RAP FÉMININ SÉNÉGALAIS EN PREMIÈRE LIGNE POUR LES DROITS DES FEMMES
Depuis les années 90, des voix féminines ont émergé dans le "Rap Galsen" pour défendre les droits des femmes et dénoncer les maux de la société. À travers des textes engagés, des artistes comme Sista Fa et Keisha brisent les tabous.
Le rap sénégalais dénommé ‘’Rap galsen’’ se conjugue également au féminin depuis la fin des années 90 avec les pionnières telles que Fatim Sy allias ‘’sista Fa’’ et Absa Dème ”Keisha” qui portent la voix des sans voix particulièrement celle des femmes.
Ces deux pionnières du mouvement hip hop évoluent dans des groupes mixtes et engagés.
Sista Fa est membre du groupe ‘’Wa BMG44’’ (Wa Bokk Mënmën Guëstu) qui signifie littéralement ”tous ensemble pour mieux réfléchir” en wolof. Le 44 renvoie à 1944 année du massacre des tirailleurs Sénégalais par le France à Thiaroye dans la banlieue de Dakar. Keisha est du groupe ‘’Domou Djolof’’ (fils du pays).
Toutes les deux formations sont ancrées dans leur terroir orientent leur musique plus vers les causes des femmes et en général sur les tares de la société sénégalaise.
Sista Fa ou encore les jeunes comme Aminata Gaye allias ‘’Mina la voilée’’, Selbe Diouf connue sous le nom d’artiste de ‘’Sister LB’’ ‘’féministe engagée’’ et tant d’autres, développent des thèmes spécifiques comme les violences basées sur le genre ou encore les problèmes politiques.
A l’image de Ami Yerewolo du Mali, Natacha Flora Sonloué alias ‘’Nash’’ de la Côte d’Ivoire, Aïcha Bah dite ”Ashley” de la Guinée (elle rappe contre la pédophilie et la polygamie), ou Kayiri Sylvie Toé alias ‘’Féenoose’’, Burkinabé vivant en Allemagne, les stars du hip hop Sénégalais utilisent leur musique pour défendre la cause des femmes et des enfants.
Fatim Sy parle ”des violences basées sur le genre et précisément de la fistule obstétricale, pour dénoncer tous ces vices des hommes dont sont victimes les femmes et leur progéniture’’.
‘’Actuellement, je travaille plus sur les violences faites aux femmes, aux enfants’’, confie-t-elle.
Défendre la cause des femmes et des enfants
Trouvée au siège de l’Association des métiers de la musique du Sénégal (AMS) où elle occupe le poste de trésorière dans le bureau, Sista Fa souligne l’importance de leur message dans la vie des populations.
Elle indique avoir participé à des campagnes de sensibilisation contre l’excision dans les régions de Kédougou ou de Kolda (sud du Sénégal).
Selon plusieurs rapports, notamment ceux du journal américain de médecine tropicale et d’hygiène de 2015 et celui de l’UNICEF de 2022 intitulé mutilations génitales au Sénégal : bilan d’une étude statistique, la région de Kédougou enregistrait à elle seule, un taux de 92% de cas de mutilation génitale, contre 88% pour Kolda.
Sûre de son combat pour le changement, Fatim Sy, dit vouloir continuer sur cette lancée pour défendre la cause des femmes et des enfants.
‘’Je suis en train de faire un album qui parle de l’excision des femmes, de la violence faite aux femmes et aux enfants’’, annonce-t-elle.
Elle cite l’exemple d’une association dirigée par la féministe Wasso Tounkara dénommée ‘’Genji’’ qui s’active dans la réalisation de telles chansons.
‘’En général, on est nombreuses à dénoncer ces fléaux à travers des featuring. On peut être à quatre voir cinq rappeuses sur un son pour parler de ces thématiques’’, explique l’artiste, précisant que la plupart des compositions sont réalisées en langues locales, pour toucher tout le monde.
Présidente de la commission genre de l’AMS, ”Sista Fa”, mouille non seulement le maillot pour l’égalité et l’équité au sein de la population, mais aussi pour les travailleuses dans les métiers de la musique.
‘’Notre objectif est de faire valoir les droits des femmes, non seulement au sein de la société sénégalaise, mais aussi dans le milieu de la musique, pour leur permettre de bénéficier par exemple d’un congé de maternité’’, ajoute-t-elle.
A l’en croire, elle et ses consœurs de l’association ont décidé de dénoncer des sujets parfois tabous aux yeux de la société.
‘’Quand on te dit qu’un marabout a couché avec un enfant de 4 ou 5 ans, par exemple, ce sont des sujets tabous. On a pris la décision d’en parler’’, laisse-t-elle entendre.
Elle ajoute : ‘’même si on peut avoir des problèmes, en tant que maman et rappeuse j’ai pris la décision de parler pour les sans-voix, on se doit de le faire’’.
Trouvant certains genres musicaux très folkloriques, Sista Fa estime que le rap est porteur d’un message.
‘’(…) il y a trois ou quatre mois, pendant que le pays brûlait (allusion au processus électoral), j’ai fait plusieurs singles, dont l’un intitulé Bu ko sax jéem (n’essaie même pas de le faire), en featuring avec le mouvement ”Y en a marre” (un groupe de rappeurs activistes)”, rappelle Sista Fa.
Cette musique a été, selon la rappeuse, réalisée pour dire ‘’non’’ à un ”troisième mandat” de l’ancien président de la République du Sénégal, Macky Sall.
Dans ses propos, elle dit à l’ancien Président qu’il ne s’en sortira pas, car le Sénégal appartient à tout le monde.
‘’Tu ne t’en sortiras pas. Le Sénégal, c’est notre affaire à tous et non une propriété privée. Tu sais mieux que nous que tu vas quitter le pouvoir, donc pas la peine de te cacher (…)’’, scande celle qui revendique son ‘’rap politique’’.
‘’Je suis politique. Je fais du rap politique. J’ai fait partie des plus grands groupes où les gens avaient vraiment peur de leur message (…)’’, martèle Fatim Sy.
Dans chaque chanson, ces femmes rappeuses véhiculent des messages sur l’égalité du genre, le courage, les droits des femmes, contrairement à certains hommes qui évoquent très souvent l’amour ou encore la femme dans leur tube, note-t-elle.
De son côté, Sister LB promet le succès à la femme dans son flot intitulé ‘’maa la dig tekk’’ (Je t’ai promis une conversation).
Elle promet à la femme que la victoire viendra, d’où son appel à ne jamais abandonner.
‘’Tu m’as montré la voie et mon fardeau n’est pas lourd. La route cahoteuse signifie que je vois; Allume le courage et vois ce qui t’attend et je t’y mènerai’’, fait-elle valoir, demandant ainsi aux gens d’avoir confiance en eux et d’oublier leurs ennemis.
‘’(…) Elles ont cette possibilité de se mettre en face et de pouvoir dénoncer les tares de la société. Elles ont cette force, elles ont le micro’’, martèle le président de l’AMS, Daniel Gomes.
Trouvé dans son bureau, il se félicite de voir comment Sister LB et Sista Fa inspirent du respect partout où elles sont invitées, grâce aux messages et valeurs qu’elles incarnent.
Il souligne le fait que beaucoup, au début du hip hop sénégalais, soient restées dans le stéréotype dans leurs messages.
‘’Jusqu’à présent, elles ont quand même réussi à ne pas se laisser étouffer justement par des personnes que je traiterais un peu de rétrogrades’’, dit-t-il.
Pour le lead vocal du groupe Oréazul, ces femmes sont arrivées en se disant qu’elles ont aussi ‘’droit au chapitre’’, après que leurs parents aient compris les frontières à ne pas franchir dans le rap.
‘’Je pense que si le message est dit, il l’est plus pour les jeunes de la génération d’il y a 15-20 ans, qui sont aujourd’hui devenus des personnes adultes’’, explique-t-il.
Contrairement à leurs frères, les mots clés utilisés dans leur musique sont souvent liés à la promesse, au combat, à la victoire et au travail, entre autres.
L’impact du rap féminin sur la société
Devant l’institut privé de gestion (IPG) situé au quartier populaire liberté 4 dans la région de Dakar, Mouhamadou Dior, un des mélomanes du rap Galsen, note ”l’impact positif’’ des messages délivrés par les rappeuses sur la jeunesse sénégalaise.
‘’Elles sensibilisent sur les violences basées sur le genre, sur la maltraitance des hommes, sur la façon dont on doit se défendre (…)’’, évoque-il.
Ces rappeuses, poursuit Mouhamadou Dior, lancent des messages pour motiver les autres en les poussant à ne pas se laisser faire et à dénoncer les tares de la société.
Entouré de ses proches, Haruna, étudiant en informatique dans le même institut, estime que les messages lancés par ces femmes permettent de prendre ‘’conscience et de rester plus vigilant’’. ‘’Elles permettent souvent aux gens de prendre conscience et de rester plus vigilants dans les familles, de plus surveiller leurs enfants aussi, parce qu’on entend souvent parler des cas de viols concernant les petites filles, des maltraitances, etc.’’, souligne-t-il.
par Mohamed Mbougar Sarr
À PROPOS DE L’AFFAIRE SÉVERINE AWENENGO
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est ironique que l’opposition et le pouvoir soient tombés d’accord sur la condamnation de l’ouvrage. Ce seul fait devrait alarmer. Il n’est pas toujours obligé que la crainte sociale soit opposée à la nécessité de la connaissance
Sur ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Séverine Awenengo », je voudrais dire quelques mots. D’emblée, je confesse une honteuse faute : je vais commettre à l’égard de ce livre la même injustice que la plupart des commentateurs de son actualité : je ne l’ai pas encore lu, ce qui devrait pourtant être le préalable élémentaire à toute discussion sérieuse le concernant. Naturellement, je le lirai bientôt et en reparlerai peut-être ici même, après lecture. Foi candide dans le geste élémentaire de la bonne foi critique : lire d’abord, commenter et juger ensuite. Il n’est pas certain - j’ai déjà, en toute modestie, une solide expérience à ce propos - que cette bonne foi intéresse le plus, en matière de controverse intellectuelle et littéraire au Sénégal. Mais c’est un autre sujet. Je précise aussi que je ne connais pas personnellement Madame Awenengo.
Le malentendu, comme souvent, semble venir de la confusion, calculée ou involontaire, entre l’approche scientifique - mais cela peut aussi valoir pour l’approche fictionnelle - d’un sujet et l’apologie politique ou morale de ce sujet. En l’occurrence, tout indique qu’on suspecte (ou, pour certains, qu’on accuse franchement) la chercheure de « défendre » ou « encourager » ou « légitimer » l’idée d’une autonomie de la Casamance. Et la suspicion semble s’appuyer sur le seul fait (je souligne) qu’elle y consacre un essai, fruit d’années de labeur, de lectures, d’analyses, de terrain. Je ne suis pas naïf au point de croire encore qu’il existe une « neutralité » (au sens d’une innocence absolue, d’une « perspective de Sirius » objectivement détachée) de la recherche académique. Il va de soi que tout travail universitaire est plus ou moins « situé » ; que tout chercheur, toute chercheure a d’inévitables biais (théoriques ou personnels) ; que la démarche scientifique, aussi rigoureuse soit-elle, s’effectue toujours dans un contexte politique et social auquel elle n’échappe pas, et avec lequel elle doit composer, y compris dans la gestion des affects que ce contexte génère.
Je sais tout cela. Seulement, je sais aussi que : 1) le travail universitaire obéit à des protocoles, des contrôles, des relectures, des critiques externes qui font que n’importe quoi ne se publie pas n’importe comment ; 2) que la suspicion d’un agenda politique « caché » d’un universitaire peut être confirmée ou infirmée par l’examen patient et rigoureux de son historique de recherches et de publications ; 3) qu’au cas où, pour une raison ou une autre, une proposition universitaire « suspecte » ou « problématique » sur un sujet réussissait à être publiée malgré tous les sas de validation, les autres universitaires, spécialistes de cette question - et il y a, sur la question de ce livre, de nombreux spécialistes, et beaucoup sont Sénégalais - la liront, la critiqueront, la réfuteront, au besoin.
Pour toutes ces raisons, j’ai trouvé très triste la manière dont cette affaire a été politisée, ramenée à des considérations navrantes sur la nationalité de l’universitaire impliquée et sa légitimité, à cause de ses origines, à traiter de ce sujet. Ce procès ne me paraît pas juste, et pour tout dire, je le trouve inquiétant. Si la légitimité à s’occuper de certains objets d’étude était indexée à la nationalité ou l’origine des universitaires, toute une bibliothèque de la connaissance humaine n’aurait jamais vu le jour. Qu’on imagine un seul instant ce qui se serait passé si celui qui est peut-être le plus grand chercheur de ce pays, Cheikh Anta Diop, avait été cantonné dans ses recherches à sa nationalité ou à son origine.
Il est tout à fait ironique que l’opposition et le pouvoir, pour des raisons absolument inverses - et toutes mauvaises à mon sens -, soient tombés d’accord sur la condamnation de l’ouvrage. Ce seul fait devrait alarmer. L’éditeur a fini par renoncer à le présenter à Dakar. Je ne vois pas de quoi se réjouir. Si, dans ce pays, la politisation systématique - ou même ponctuelle - de la production scientifique ou littéraire devait être le baromètre de la vie des livres, livres que, la plupart du temps, on ne lit pas, ou superficiellement, il y aurait de quoi être inquiet. Mais peut-être le conditionnel est-il superflu, et qu’il est déjà trop tard. Ce n’est pas la première fois, au Sénégal, que des politiques, pour de raisons bien faciles, accusent un livre et/ou son auteur de vouloir déstabiliser un pays ou pervertir sa culture.
La Casamance est un sujet « sensible », me dit-on. C’est vrai et je comprends, à la lumière de l’histoire récente, qu’on puisse craindre son instrumentalisation à des fins malintentionnées. Cependant, c’est presque au nom de cette « sensibilité » qu’il faut pouvoir accepter des travaux universitaires sur la question. Car ils éclairent, complexifient, donnent une profondeur historique, questionnent autrement et, in fine, je crois, produisent un savoir plus complet, débarrassé des mythes et des fantasmes, sur un sujet. Il n’est pas toujours obligé que la crainte sociale soit opposée à la nécessité de la connaissance. Celle-ci peut dissiper celle-là.
J’entends aussi que « ce ne serait pas le bon moment » pour parler de cette question. Prudence salutaire, peut-être. Mais elle entraîne une question dans sa foulée : quel serait le bon moment ? Je crois qu’il n’y a jamais de « bon » moment pour parler d’une question dite « sensible », pour la simple raison - et pardon pour la tautologie qui va suivre - que le propre de la « sensibilité », lorsqu’on l’entretient par la précaution du silence ou le report sine die, est de ne jamais être moins sensible. Ce n’est pas parce qu’on ne parle pas (scientifiquement) d’un sujet qu’il devient moins sensible dans le temps. A n’importe quelle époque, par temps d’élection ou non, il demeurera sensible. Et ce qui est tout le temps sensible et impossible à aborder mue inévitablement en tabou. Il faut absolument l’éviter, à mon sens.
KAMEL DAOUD REMPORTE LE PRIX GONCOURT 2024 AVEC SON ROMAN "HOURIS"
L’académie souligne que ce roman “montre combien la littérature, dans sa haute liberté d’auscultation du réel, sa densité émotionnelle, trace aux côtés du récit historique d’un peuple, un autre chemin mémoire”.
L’écrivain français d’origine algérienne Kamel Daoud a remporté, lundi, le prix Goncourt 2024 pour son roman “Houris”, a annoncé l’académie du Goncourt sur son site.
“Le prix Goncourt 2024 a été décerné au premier tour de scrutin, par six voix, à Kamel Daoud pour son roman +Houris+ paru aux éditions Gallimard France”, écrit l’académie.
Avec ce livre, l’académie Goncourt “couronne un livre où le lyrisme le dispute au tragique, et qui donne voix aux souffrances liées à une période noire de l’Algérie, celles des femmes en particulier”, expliquent les jurés du Goncourt, qui se sont réunis au restaurant Drouant à Paris pour rendre public le nom du lauréat.
L’académie souligne que ce roman “montre combien la littérature, dans sa haute liberté d’auscultation du réel, sa densité émotionnelle, trace aux côtés du récit historique d’un peuple, un autre chemin mémoire”.
Kamel Daoud, né le 17 juin 1970 à Mesra, en Algérie, est un écrivain et journaliste algérien d’expression française naturalisé français en 2020.
En 2014, son roman, “Meursault contre-enquête”, rencontre un grand succès. Il obtient le prix des Cinq continents de la Francophonie 2014, le prix Goncourt du premier roman en 2015.
Le livre est traduit dans trente-quatre langues. Il sera aussi adapté au théâtre par Philippe Berling pour le festival d’Avignon en 2015.
L’autre finaliste, Hélène Gaudy, auteure du livre “Archipels”, a obtenu deux voix, tandis que Gaël Faye, avec “Jacaranda”, et Sandrine Collette, avec “Madelaine avant l’aube”, ont eu chacun une voix.