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23 novembre 2024
Culture
AFFLUENCE DANS LES CONCERTS IN LES JEUNES IMPOSENT LEUR CHOIX
Durant les 4 jours que dure le Festival de jazz de Saint-Louis, les réceptifs hôteliers affichent le plein. Mais cette affluence ne se voit pas dans les concerts In. Ce sont plutôt les boîtes de nuit qui en profitent. Visite guidée pour comprendre...
Durant les 4 jours que dure le Festival de jazz de Saint-Louis, les réceptifs hôteliers affichent le plein. Mais cette affluence ne se voit pas dans les concerts In. Ce sont plutôt les boîtes de nuit qui en profitent. Visite guidée pour comprendre cette situation.
Le jazz est élitiste, dit-on ! La 32ème édition du Festival de jazz de Saint-Louis n’a pas dérogé à la règle. En effet, alors que les réceptifs hôteliers affichent le plein, les concerts officiels organisés dans le cadre du festival ne font pas salle comble. Comment expliquer l’affluence dans les hôtels et l’absence de spectateurs dans les concerts de jazz ? Le Quotidien a cherché à comprendre. Malgré la fraîcheur nocturne, Bouba et Cheikha, deux jeunes Dakarois, se pavanent dans les rues de la vieille ville. Le groupe Pape & Cheikh est à l’affiche dans une boîte de nuit. Il est 21 heures passées, les deux amis s’interrogent sur les concerts qu’ils souhaitent suivre. Mais à aucun moment, le nom de la Hongroise, une des têtes d’affiche de la 32ème édition du festival, n’est mentionné alors qu’elle devait jouer ce jeudi soir. «Qui est Sophie Lucacs ?», se demande Bouba avec étonnement. «Tu connais des jeunes qui ont fait le déplacement sur Saint-Louis pour assister aux concerts de jazz», s’étonne Cheikha. Pour eux, le festival n’est qu’un prétexte. Ils viennent pour les artistes locaux. Une chose que les gérants de boîte de nuit savent. En effet, durant les 4 jours du festival, ils concoctent un programme taillé sur mesure pour capter cette clientèle. A NdarNdar Café Club, les gérants l’ont bien compris. La prestation des artistes commencent à 15 heures pour finir à l’aube. L’entrée est à 5000 Cfa minimum. Parfois, ce sont 3 ou 4 groupes de musiciens qui se succèdent sur la scène jusqu’au petit matin. «C’est le rendezvous des Saint-louisiens», explique Vieux, la trentaine, qui est devant la boîte de nuit. D’après lui, les locaux ont aussi leur propre place pour vibrer. «C’est en allant vers l’Institut français. Vous verrez les gens s’asseoir au bord du fleuve», précise-t-il. Au menu, du poisson braisé accompagné souvent de jus local. Les prix varient entre 2000 et 5000 F. «En général, les musiciens que nous propose le festival ne nous disent rien. D’ailleurs, à part Les Rosettes et Khadim Niang, je ne connais pas les autres têtes d’affiche», explique Ousmane qui est à table entouré de ses amis. Après avoir dégusté leur poisson, les jeunes se dirigent vers les boîtes de nuit et autres bars pour y passer le reste de la nuit.
Interpellé sur cette situation, le président de l’association Saint-Louis Jazz admet le caractère élitiste du jazz. Pour Driss Benjalloun, l’objectif du festival est de permettre aux Saint-louisiens de profiter pleinement des retombées du tourisme. «Vous avez vu la programmation de cette année, nous avons fait le choix d’intégrer cet aspect. On essaie de faire le lien entre nos artistes locaux et ces vedettes qui sont dans la scène In.» Selon le président de l’association SaintLouis Jazz, le festival est en train de chercher les moyens de prolonger les activités sur un mois. «Le festival est organisé durant la semaine de la Pentecôte. On est en train de voir comment organiser 3 ou 4 événements qui vont permettre aux festivaliers de rester à Saint-Louis tout le mois de mai», a-t-il expliqué. Pour y parvenir, Driss Benjalloun estime que les réceptifs hôteliers doivent participer financièrement à la constitution des 250 millions de budget du festival. «Nous prévoyons 250 millions chaque année, mais on n’a jamais su boucler ce budget. Les hôteliers sont les plus grands bénéficiaires du festival, mais ils ne sont que 3 ou 4 à participer financièrement. On va, avec l’aide des autorités, essayer de trouver les moyens de corriger cette situation.» En attendant, les jeunes viennent à Saint-Louis pour d’autres offres, et c’est la ville qui y gagne.
AVANT-PREMIÈRE DU FILM «DAHOMEY» DE MATI DIOP À DAKAR
Pour l’avant-première de son film «Dahomey», la réalisatrice franco-sénégalaise en a profité pour présenter son Ours d’or qu’elle a décroché lors de la dernière Berlinale. Ce documentaire de plus d’une heure suit le parcours d’objets volés, 26 trésors roy
Ours d’Or à la dernière Berlinale, le film « Dahomey » de la réalisatrice franco-sénégalaise a été projeté en avant-première à Dakar, vendredi dernier. Mati Diop retrace l’histoire des trésors pillés de l’Afrique.
Le Seanema du Sea plaza, à Dakar, a déroulé le tapis rouge à Mati Diop. Pour l’avant-première de son film «Dahomey», la réalisatrice franco-sénégalaise en a profité pour présenter son Ours d’or qu’elle a décroché lors de la dernière Berlinale. Ce documentaire de plus d’une heure suit le parcours d’objets volés, 26 trésors royaux du Dahomey rapatriés depuis Paris vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. C’est également l’histoire de plusieurs autres objets d’art revenus sur le continent à l’instar d’objets en or et en argent pillés cette fois-ci à l’époque où l’empire colonial britannique régnait, et restitués au Ghana dans le cadre d’un accord de prêt à long terme.
Les lumières s’éteignent dans la salle archi-comble, les téléphones en mode vibreur, silence, ça tourne. La camera projette une image noire avec des voix off en langue locale du Bénin, où la réalisatrice fait parler des statues qui sont les principaux personnages d’ailleurs. Mais il y a le numéro 26 qui défile presque à chaque séquence, des numéros, à l’image du roi Ghézo avec ce chiffre qui se plaint de sa vie en exil, loin de la terre natale à laquelle il a été arraché. Avant de mettre en lumière la question de la restitution de ces «trésors volés» qui étaient en exil au musée Quai Branly. Le processus de rapatriement des œuvres composées de statues, de colliers et autres. Le retour de ces objets sacrés était très attendu par la population béninoise, d’où une cérémonie solennelle et une atmosphère de requiem. C’était le défilé des personnalités, des badauds, des universitaires parés de leur boubou traditionnel… personne ne voulait manquer le retour de ces «trésors» rapatriés au Bénin.
La controverse sur le rapatriement des objets
Cependant, le rapatriement de ces objets n’a pas fait l’unanimité dans ce pays. Parce qu’un grand débat sur l’appropriation de cet héritage postcolonial et du patrimoine culturel a été posé par des étudiants dans un amphithéâtre archicomble. C’était un des temps forts du film avec beaucoup d’interrogations sur les relations entre les Africains et leur patrimoine, la place des langues nationales, les politiques de sauvegarde de ces œuvres d’art, et surtout, le discours à développer pour reconnecter ce patrimoine à ses héritiers. D’autres, plus critiques, parlent de manque de respect car sur les 7000 objets pillés, seuls 26 œuvres d’art sont rendues. Pour certains en renvoyant ces trésors, l’Europe veut «polir son image». «Au moins, nous avons reçu 26 œuvres, battons-nous, ou mettons-nous des mécanismes pour faire rapatrier tout le trésor restant dans ces pays», tempèrent d’autres. (…). A la fin de la projection, la salle a réservé une standing ovation à Mati Diop et à son équipe pour la qualité de ce travail historique.
DES ENREGISTREMENTS AUDIOS D’ANCIENS SOLDATS SÉNÉGALAIS RESTITUÉS PAR BERLIN
“Il s’agit pour la plupart de tirailleurs de la Première Guerre mondiale, prisonniers capturés, mais je pense relativement bien traités parce qu’on leur avait même construit une mosquée", a dit Hamady Bocoum.
Les autorités sénégalaises ont reçu de l’Allemagne des archives sonores d’anciens combattants sénégalais emprisonnés dans des camps, à Berlin, lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918), a indiqué mardi le directeur général du musée des Civilisations noires, professeur Hamady Bocoum.
“Il s’agit pour la plupart de tirailleurs de la Première Guerre mondiale, prisonniers capturés, mais je pense relativement bien traités parce qu’on leur avait même construit une mosquée, et les Allemands en ont profité pour en savoir plus sur la culture de ces soldats noirs”, a-t-il dit.
Il s’exprimait lors d’une conférence de presse dans le cadre d’une exposition intitulée “Echo du passé : à la découverte du patrimoine culturel immatériel” et mettant en lumière des enregistrements audios réalisés par des Africains entre 1910 et 1920 en Allemagne.
Le directeur général du musée des Civilisations noires déclare avoir découvert, il y a moins de six mois, que près de 200 enregistrements “authentiques” dans 70 langues ont été “conservés, numérisés” depuis plusieurs années.
“Cela fait moins de six mois que l’on a découvert ces enregistrements. C’est une forme de restitution immatérielle. On n’a pas besoin d’aller chercher la cassette, ce qui pose énormément de problème. L’important, c’est le contenu, la substance”, a-t-il déclaré.
Hamady Bocoum estime que le patrimoine immatériel a l’avantage d’être transporté, sans toucher les supports qui sont souvent très fragiles et compliqués à conserver.
“Par contre, la numérisation et le transfert de la totalité des informations est quelque chose de tout à fait faisable”, a-t-il indiqué, précisant toutefois que ces documents classés depuis longtemps dans des archives n’appartiennent pas seulement au Sénégal.
“Ce sont des documents authentiques qui sont datés, classés dans les archives depuis très longtemps. Les documents ne concernent pas seulement le Sénégal, il y a la Gambie, la Guinée, etc. C’étaient les tirailleurs sénégalais qui venaient de toutes les régions d’Afrique”, a déclaré le directeur général du MCM.
Il estime que ces enregistrements audios peuvent avoir un intérêt particulier pour le pays, surtout que les communautés peuvent en tirer des enseignements.
“Les cultures évoluent, et avoir des éléments de langage d’il y a plus de 100 ans, les comparer aux éléments de langage actuels, donne une dimension diachronique qui permet de voir et de comprendre comment les langages ont pu évoluer”, a-t-il expliqué.
Des “khassaïdes”, “bourdes”, contes, anecdotes et autres éléments de langage ont été identifiés à travers ces enregistrements audios remis aux autorités sénégalaises qui vont, à leur tour, identifier les langues dans lesquelles ces enregistrements sont véhiculés, à travers l’interprétation, les radios, les réseaux sociaux.
“On va essayer de voir comment, par les recherches, la diffusion, on peut retrouver les communautés. Les chants ont été enregistrés en 1915 […] et on ne connaissait pas leur existence”, a-t-il rappelé.
Les spécialistes allemands expliquent que ”les enregistrements ont été réalisés entre 1915 et 1918, dans un camp de 4000 prisonniers musulmans à Wünsdorf, près de Berlin”.
Selon eux, il y avait plus de 8000 soldats faits prisonniers dans les rangs de ceux qui combattaient pour la France, et la plupart d’entre eux venaient des colonies françaises.
Ce camp faisait partie des 160 camps de prisonniers en Allemagne. Les détenus ont beaucoup souffert de la faim et de maladies.
Ils ont dans leur présentation donné l’exemple de deux Sénégalais, dont Abdoulaye Niang, qui faisait partie de ce groupe de soldats faits prisonniers.
Des acteurs et spécialistes de la culture ont animé deux panels pour échanger sur le patrimoine culturel immatériel, en présence du professeur Lars-Christian Koch, directeur du Musée d’ethnologie de Berlin et du Musée d’art asiatique, ainsi que de Hartmut Dorgerloh, directeur général du Humboldt Forum, à Berlin.
Etaient aussi présents, le docteur Massamba Guèye, fondateur de “Keur Leyti”, Maison de l’oralité et du patrimoine, le professeur de littérature Ibrahima Wane et Fatima Fall, spécialiste en conservation préventive au Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS) de l’Université Gaston Berger de Saint Louis.
BOUBOU SENGHOTE PLAIDE POUR UNE EQUITE LINGUISTIQUE AU SENEGAL
Il souligne que dénoncer un tel parti pris pour le wolof ne relève pas, de la part de «Potal Demde Nguendiije» et de « Kisal Deeyirde Pulaagu», d’une volonté de récuser la langue wolof.
Dans une lettre ouverte du 9 mai 2024, adressée au Président Bassirou Diomaye Faye, Ngugi Wa Thiong’o du Kenya et Boubacar Boris Diop du Sénégal ont fait un plaidoyer en faveur des langues nationales, mais en prônant une valorisation du wolof aux côtés des langues maternelles sénégalaises. Une position vivement critiquée par El Hadji Boubou Senghote, coordonnateur pour «Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije», mais aussi Samba Djinda Ba, Thiambel Ba et Thierno Abou Sy qui ont également, dans deux lettres ouvertes adressées au Président Bassirou Diomaye Faye, exprimé leurs appréhensions.
«Comme eux (Ngugi Wa Thiong’o et Boubacar Boris Diop), nous sommes d’avis qu’une attention particulière doit être accordée aux langues nationales ; l’histoire ayant prouvé qu’aucun pays ne saurait se développer à partir d’une langue étrangère. La langue est, en quelque sorte, un élément de souveraineté nationale en ce qu’elle est un véhicule de l’esprit national… La langue, c’est l’âme d’un Peuple. Si elle n’est pas parlée, elle mourra immanquablement de sa belle mort et, avec elle, l’ethnie où le peuple qui la parlait.» C’est sur ce constat que débute la réponse de El Hadji Boubou Senghote, coordonnateur pour « Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije» à la « Lettre ouverte à Bassirou Diomaye Faye, des romanciers et essayistes Ngugi Wa Thiong’o du Kenya et Boubacar Boris Diop», du 9 mai 2024. Alors, conscients que le Sénégal ne pourrait se développer dans la paix et la stabilité en niant des pans entiers de sa culture et de ses langues, El Hadji Boubou Senghote, Samba Djinda Ba, Thiambel Ba et Thierno Abou Sy, ainsi que de nombreuses autres associations pulaar du Sénégal et de la diaspora comptent sur le Président Bassirou Diomaye Faye pour faire rétablir l’équité et la justice sur les questions évoquées. Dans leur missive, ils plaident pour un modèle multilingue inclusif, citant des exemples de pays où cette approche favorise l’harmonie et la cohésion sociale. «Pour l’instant, l’article premier, deuxième alinéa de la Constitution, se borne à préciser que la langue officielle de la République du Sénégal est la français. S’il n’est pas question de toucher à cette règle qui n’a nullement perdu sa raison d’être, il apparait opportun et légitime d’introduire dans la Constitution, à côté de la notion de langue officielle, celle de langues nationales dont le gouvernement se préoccupe sans relâche de fixer les règles de base de façon à pouvoir progressivement généraliser leur enseignement… Les langues nationales sont le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké, le wolof et toute autre langue nationale qui sera confiée», explique El Hadji Boubou Senghote.
Chancelier des Affaires étrangères à la retraite, il précise également que le Législateur sénégalais a même cité ces langues dans un impeccable ordre alphabétique, comme pour insister sur le fait qu’aucune d’elles n’est supérieure aux autres et que personne ne devrait conférer une quelconque prétendue supériorité de l’une d’entre elles sur les autres. Dans les deux lettres ouvertes, Senghote et Cie soulignent le danger de la prééminence du wolof au détriment des autres langues nationales, mettant en garde contre une possible marginalisation linguistique et culturelle. «Avec eux, nous disons que les langues nationales doivent être la pierre angulaire du nouveau Sénégal. Chaque Sénégalais a le droit d’exiger le respect de sa langue maternelle», explique Boubou Senghote, soulignant que toute hiérarchisation pourrait menacer l’intégrité nationale et la stabilité du pays.
La valorisation des langues nationales
Pour le coordonnateur de «Kisal Deeyirde Pulaagu» et «Potal Demde Nguendiije», toutes les langues nationales, qu’elles soient le pulaar, le sérère, le soninké, le wolof, le mandinka ou le diola, doivent bénéficier du même traitement et être valorisées de manière équitable. Ils ne demandent ni plus ni moins, et ils sont même fiers que la langue wolof soit valorisée. Mais ce qu’ils rejettent, c’est plutôt le fait que cette valorisation du wolof se fasse au détriment des autres langues nationales sénégalaises qui devraient, toutes, être traitées sur un pied d’égalité. «Un traitement égal des langues nationales sénégalaises s’impose donc, aussi bien dans les programmes éducatifs et les médias que d’autres de l’espace public, afin de bâtir des passerelles porteuses de paix entre les différentes composantes ethniques et de notre chère Nation. Nous ne demandons que l’observance des dispositions législatives et réglementaires de notre pays, le Sénégal que nous chérissons tous», précise Hadji Boubou Senghote.
Il souligne que dénoncer un tel parti pris pour le wolof ne relève pas, de la part de «Potal Demde Nguendiije» et de « Kisal Deeyirde Pulaagu», d’une volonté de récuser la langue wolof. «Cette égalité de traitement devrait être observée au prorata du nombre de locuteurs natifs de nos différentes langues ; par opposition à la fameuse théorie dite langue du milieu cherchant à placer officiellement le wolof sur les autres langues du pays», dit-il, appelant à une révision des programmes éducatifs et médiatiques pour assurer une représentation équitable de toutes les langues nationales.
MATI DIOP RETRACE L’HISTOIRE DES TRESORS PILLES DE L’AFRIQUE
Ours d’Or à la dernière Berlinale, le film «Dahomey» de la réalisatrice franco-sénégalaise a été projeté en avant-première à Dakar, vendredi dernier. Mati Diop retrace l’histoire des trésors pillés de l’Afrique.
Bés Bi le Jour |
Adama Aïdara KANTE |
Publication 21/05/2024
Ours d’Or à la dernière Berlinale, le film «Dahomey» de la réalisatrice franco-sénégalaise a été projeté en avant-première à Dakar, vendredi dernier. Mati Diop retrace l’histoire des trésors pillés de l’Afrique.
Le Seanema du Sea plaza, à Dakar, a déroulé le tapis rouge à Mati Diop, vendredi dernier. Pour l’avant-première de son film «Dahomey», la réalisatrice franco-sénégalaise en a profité pour présenter son Ours d’or qu’elle a décroché lors de la dernière Berlinale. Ce documentaire de plus d’une heure suit le parcours d’objets volés, 26 trésors royaux du Dahomey rapatriés depuis Paris (France) vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. C’est également l’histoire de plusieurs autres objets d’art revenus sur le continent à l’instar d’objets en or et en argent pillés cette fois-ci à l’époque où l’empire colonial britannique régnait, et restitués au Ghana dans le cadre d’un accord de prêt à long terme. Les lumières s’éteignent dans la salle archicomble, les téléphones en mode vibreur, silence, ça tourne. La camera projette une image noire avec des voix off en langue locale du Bénin, où la réalisatrice fait parler des statues qui sont les principaux personnages d’ailleurs. Mais il y a le numéro 26 qui défile presque à chaque séquence, des numéros, à l’image du roi Ghézo avec ce chiffre qui se plaint de sa vie en exil, loin de la terre natale à laquelle il a été arraché. Avant de mettre en lumière la question de la restitution de ces «trésors volés» qui étaient en exil au musée Quai Branly. Le processus de rapatriement des œuvres composées de statues, de colliers et autres. Le retour de ces objets sacrés était très attendu pas la population béninoise, d’où une cérémonie solennelle et une atmosphère de requiem. C’était le défilé des personnalités, des badauds, des universitaires parés de leur boubou traditionnel… personne ne voulait manquer le retour de ces «trésors» rapatriés au Bénin.
La controverse sur le rapatriement des objets
Cependant, le rapatriement de ces objets n’a pas fait l’unanimité dans ce pays. Parce qu’un grand débat sur l’appropriation de cet héritage postcolonial et du patrimoine culturel a été posé par des étudiants dans un amphithéâtre archicomble. C’était un des temps forts du film avec beaucoup d’interrogations sur les relations entre les Africains et leur patrimoine, la place des langues nationales, les politiques de sauvegarde de ces œuvres d’art, et surtout, le discours à développer pour reconnecter ce patrimoine à ses héritiers. D’autres, plus critiques, parlent de manque de respect car sur les 7000 objets pillés, seuls 26 œuvres d’art sont rendues. Pour certains en renvoyant ces trésors, l’Europe veut «polir son image». «Au moins, nous avons reçu 26 œuvres, battons-nous, ou mettons nous des mécanismes pour faire rapatrier tout le trésor restant dans ces pays», tempèrent d’autres. (…). A la fin de la projection, la salle a réservé une standing ovation à Mati Diop et à son équipe pour la qualité de ce travail historique.
NAGO SECK ET SYLVIE CLERFEUILLE RACONTENT LEURS 50 ANS DE PASSION
Nago Seck et Sylvie Clerfeuille, deux journalistes et spécialistes des musiques urbaines d’Afrique et de l’océan Indien ont convié leur monde en fin de semaine écoulée, à Dakar, à un atelier de vernissage suivi d’une conférence
Nago Seck et Sylvie Clerfeuille, un couple passionné des musiques urbaines africaines depuis les années 70, ont raconté à travers un vernissage suivi d’une conférence, au Clos Normand de l’Université Cheikh Anta Diop, l’histoire de ces musiques urbaines africaines.
Nago Seck et Sylvie Clerfeuille, deux journalistes et spécialistes des musiques urbaines d’Afrique et de l’océan Indien ont convié leur monde en fin de semaine écoulée, à Dakar, à un atelier de vernissage suivi d’une conférence expliquant l’émergence de l’art des sons urbains africains pour inviter les politiques et autres acteurs de la vie économique à soutenir la musicothérapie qui se révèle de nos jours en véritable industrie musicale, parce que créateur d’emplois et par ricochet de rentrées de devises. D’un parcours très riche sur les musiques urbaines africaines, le couple de journalistes et d’historiens de la polyrythmique, par ailleurs commissaires d’exposition, opérateurs culturels et auteurs de plusieurs livres sur la musique africaine, se sont réjouis d’avoir apporté leur contribution en termes d’expérience esthétique et de création de mémoire sémantique musicale. Comme le raconte passionnément Sylvie Clerfeuille : «A travers cet atelier d’exposition, nous essayons de montrer par notre contribution comment un mouvement culturel se construit. Dans les années 70, les musiques urbaines africaines étaient totalement inexistantes. Mais, par l’abnégation et la passion d’une poignée de gens en France et en Afrique celle-ci (musique) est, de nos jours devenue une musique internationale, à travers l’exposition internationale. Et ça, nous y contribuons de la belle des manières, en montrant notamment comment on fait des masters class, comment on publie des livres, comment on rentre dans les encyclopédies, comment on organise des événements etc. ». Faisant l’économie de ses 50 ans d’histoire musicale urbaine africaine, Sylvie Clerfeuille Seck avoue que rien n’est facile dans la culture. Mais, « le plus important dans ça, c’est la passion ». Certes, « je suis française et Nago Seck, un Sénégalais issu d’une famille musicienne, avait plutôt besoin de promouvoir ». Et donc, « pas la même approche mais tous ceux qui étaient dans ce milieu étaient passionnés de voir les musiciens africains se faire une place dans le monde musical international ».
Nago Seck, issu d’une famille de griots, oncle du célèbre chanteur Youssou Ndour et cousin de Toumani Diabaté et de Lamine Konté, a pour sa part partagé sa vision de la musique qui, pour lui, n’est pas de l’amusement, comme le prétendent « les hommes politiques et qui ne font aucun effort pour la soutenir ». Non sans manquer de regretter l’un des piliers à l'émergence des musiques africaines en France, et dans le monde, par le lancement en 1979 du festival Africa Fête où ont défilé tous les artistes majeurs de la scène africaine. Ainsi, pour lui ; « la musique est une des valeurs fondamentales de notre culture et de chacun de nous ». Par conséquent, dira-t-il : « Nous devons la respecter, la développer et surtout la faire évoluer avec toute l’attention qu’elle mérite ». A l’instar de la littérature, du théâtre, de la danse et autre peinture, il a fait savoir que « la musique transmet de manière vivante l’âme, l’esprit et les valeurs de tout un peuple ».
Forte de cette importante place dans la vie socioculturelle présente et à venir, « la musique demeure un outil culturel d’affirmation identitaire, enrichissant la mémoire individuelle, collective et internationale », a relevé l’une des chevilles ouvrières de l’émergence des musiques urbaines africaines. Sous ce rapport, Nago Seck signifiera: « Nous nous devons de l’intégrer dans l’éducation de nos enfants, notamment dans toutes les écoles afin que celle-ci puisse contribuer à leur faire connaitre leur histoire et leurs racines ». Pour toutes ces raisons, dira-t-il ; « nous nous devons de former, sinon d’initier des enseignants pour la bonne transmission de ce savoir. Faute de quoi, c’est notre histoire qui est compromise».
LE DÉFI DU SOUVERAINISME AFRICAIN POUR LA FRANCE
Paris doit réinventer en urgence son approche, privilégiant l'humilité et le respect, selon François Soudan. Pour ce dernier, le maintien de l'influence française passe par l'abandon de "chiffons rouges" devenus des symboles d'ingérence
(SenePlus) - Un vent de souverainisme et de rejet envers l'ancienne puissance coloniale souffle sur l'Afrique francophone, menaçant l'influence séculaire de la France sur le continent. Comme l'explique François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans une analyse récente, Paris doit faire face à "la résistible montée du sentiment anti-français en Afrique francophone".
Cette tendance néosouverainiste, qui gagne en ampleur auprès des jeunes et des classes moyennes, voire certaines sphères dirigeantes, trouve son origine dans l'échec des mouvements citoyens des années 2000 et l'impasse des transitions démocratiques. Alimenté par les réseaux sociaux et les "analphabètes numérisés" issus de deux décennies de déscolarisation, ce phénomène populiste mêle le rejet de la France, bouc émissaire de proximité, à une dénonciation de certains aspects du mode de vie occidental.
Un événement marquant à l'origine de cette défiance est "l'assassinat de Mouammar Kadhafi au terme d'une sordide chasse à l'homme téléguidée depuis Paris, Londres et Washington", comme le souligne Soudan. Le théoricien Achille Mbembe évoque également "l'asymétrie des connaissances" qui fait que les partenaires africains "connaissent beaucoup mieux" la France que l'inverse.
L'offensive russe et la stratégie du "french bashing"
Dans cette lente érosion de l'influence française, la Russie joue un rôle opportuniste en amplifiant la rhétorique anti-occidentale et anti-française à travers une stratégie de "french bashing". Depuis le sommet de Sotchi en 2019, Moscou soutient et amplifie les acteurs et influenceurs locaux déjà en place, actualisant un récit anticolonial hérité de la guerre froide.
Selon l'ambassadeur français Sylvain Itté, cité par Soudan, cette "machine infernale" recourt aux fermes à trolls et de plus en plus à l'intelligence artificielle, produisant un "effet magnétique immédiat" dès qu'un drapeau russe est brandi lors d'une manifestation.
Face à cette offensive, la France semble "totalement aphone sur le terrain de la communication", note Soudan, en panne de solutions malgré une prise de conscience de la nécessité d'une remise à plat.
Les recommandations d'Achille Mbembe
Pour juguler cette montée du sentiment anti-français, Achille Mbembe, théoricien du post-colonialisme, préconise que la France se débarrasse rapidement de trois "chiffons rouges" : ses bases militaires sur le continent, le franc CFA, et sa pratique restrictive de délivrance des visas.
Ces prérequis sont indispensables, selon Mbembe, pour fonder une "politique de la France en Afrique, sans ingérences ni leçons". Associés à "une bonne dose d'humilité et de respect", ils permettraient d'atteindre la "juste distance" susceptible d'"éteindre les braises d'un sentiment anti-français privé de carburant".
En somme, face au vent de souverainisme qui souffle sur l'Afrique francophone, la France doit répondre par une nouvelle approche, dénuée d'ingérence et empreinte d'humilité, tout en s'attaquant aux symboles devenus des "chiffons rouges". Seule une telle stratégie pourra endiguer le rejet croissant dont elle fait l'objet et préserver son influence sur un continent où, comme le rappelle Soudan, "l'âge médian est de 19 ans" et qui constituera "le premier réservoir de main-d'œuvre disponible pour l'économie mondiale" d'ici 2050.
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AFRIQUE 50, LE CRI ANTICOLONIALISTE DE RENÉ VAUTIER
À travers une vision courageuse et une caméra au poing, le réalisateur breton né en 1928 dénonce les crimes du colonialisme français et le pillage des ressources en Côte d'Ivoire
À travers une vision courageuse et une caméra au poing, Vautier dénonce les crimes du colonialisme français et le pillage des ressources en Côte d'Ivoire.
Témoin de son époque, René Vautier a rejoint la Résistance à quinze ans, recevant des décorations pour son engagement. Diplômé de l'Institut des Hautes Études Cinématographiques (IDHEC) en 1948, il a réalisé des documentaires en Algérie, dont "Avoir 20 ans dans les Aurès".
Militant communiste et pionnier d'un cinéma engagé, populaire et indépendant, il demeure un cinéaste de combat jusqu'à sa mort en 2015.
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SONKO ANNONCE UN CHANGEMENT DE PARADIGME ÉDUCATIF
Langues locales dès la maternelle, plus de souplesse dans les filières, renforcement de l'anglais, réformes des programmes scolaires trop éloignés des besoins réels... Le Premier ministre dévoile ses ambitions de transformation de l'école au Sénégal
Le Premier ministre Ousmane Sonko a clairement affiché samedi ses ambitions pour refonder en profondeur le système éducatif sénégalais. Lors du Conseil interministériel consacré à cette question cruciale, il a martelé que "les Sénégalais doivent surtout s'éduquer, c'est essentiel pour le capital humain".
Dans un discours volontariste, Sonko a dressé un constat sans concession : "Nous connaissons les défis, ils sont colossaux que ce soit pour les infrastructures, les ressources humaines ou l'accompagnement social. Nous ne pouvons réaliser nos objectifs de développement sans résorber ces manques ".
La réforme phare annoncée est l'introduction généralisée des langues nationales dès la petite enfance avant d'apprendre le français et l'anglais. "Une partie de notre retard s'explique par le fait que nous voulons à bas âge imposer à nos enfants de s'alphabétiser dans des langues qu'ils ne peuvent pas", a martelé le Premier ministre, citant son "mentor" le président Macky Sall pour qui c'est "une souffrance très chère".
"Il ya que l'Afrique qui emprunte des langues étrangères pour essayer de les imposer. On perd entre 8 et 13 ans pour que l'enfant essaie de posséder cette autre langue, alors qu'au moment où il va à la maternelle il parlait déjà sa langue maternelle", a-t-il insisté.
L'apprentissage de l'anglais, "langue de communication internationale", sera également renforcé selon Sonko, mais sans faire fi des langues locales qui sont "une richesse et non un appauvrissement".
Autre chantier d'envergure, une révision en profondeur des programmes scolaires jugés trop chargés et éloignés du pragmatisme. "On met tout et rien finalement. Je me demande parfois à quoi a servi tout ce que j'ai appris du primaire à l'université", a lâché le chef du gouvernement.
Il a également plaidé pour plus de souplesse dans les filières, prenant l'exemple d'"élèves sortis avec un bac littéraire mais qui se sont retrouvés à faire des études de comptabilité ou d'économie appliquée".
Au passage, Sonko a lancé une pique aux "traditions héritées", se disant prête à s'inspirer de "modèles inspirants" à l'étranger comme au Japon ou au Rwanda. "Il faut sortir de notre zone de confort", at-il exhorté.
Dernier dossier brûlant, la nécessité de lutter contre "les négligences, voire les fraudes" dans la délivrance d'état civil, un "phénomène" auquel il veut "mettre fin définitivement avec fermeté".
par Moussa Sylla
POURQUOI DEVONS-NOUS LIRE ?
Je lance un plaidoyer fort en faveur des livres, car je sais qu’ils nous permettront de changer notre vie. Faisons le choix de lire, tout lire, même les livres qualifiés d’hérétiques. C’est ainsi que nous développerons la faculté de concentration
Les mémoires d’Abdoulaye Bathily, Passion de liberté, sont un pur délice de sagesse, d’érudition, d’élégance littéraire. J’ai pris plaisir à lire ce livre d’un trait, et très souvent, à le reparcourir à mes heures perdues, tant il contient des passages édifiants et inspirants.
Une histoire m’a particulièrement marqué, dans ces mémoires. Sa réussite au baccalauréat, dans des conditions qui montrent l’importance de la résilience.
Abdoulaye Bathily a été exclu de l’école pour mouvement séditieux (grève, insubordination). Aucune école ne voulut ensuite l’accepter, parce que des instructions avaient été données dans ce sens par le gouvernement. N’étant pas né dans une famille aisée, il n’avait pas les moyens de s’inscrire dans une école privée. Aussi décida-t-il de tenter sa chance au baccalauréat en tant que candidat libre.
Il travailla avec acharnement pour obtenir son baccalauréat, parallèlement à son emploi à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN). Le décès de son papa, quelques jours avant l’examen, ne le détourna pas de ses objectifs, car pour lui, lui rendre hommage revenait à réussir au baccalauréat, tant son père avait insisté pour qu’il étudiât. Il atteignit son objectif en obtenant le diplôme avec la mention Bien.
À la lecture de ce passage, je m’arrêtai pour me poser des questions : comment certaines personnes, devant certaines situations, se métamorphosent-elles pour développer leur potentiel ? Elles ne se plaignent pas, elles n’attribuent pas leurs difficultés du moment à d’autres et prennent la responsabilité de leur destin. D’autres, cependant, se plaignent, accusent le monde entier, ne se demandent pas : « Comment puis-je améliorer ma situation, que dois-je faire dans ce sens ? »
Telle est la magie des livres ; ils sont un moyen de s’élever, ils représentent la voie par excellence pour retrouver espoir et apprendre des devanciers. La lecture de biographies et de mémoires me conforte toujours sur ce point de vue. Tandis que la plupart des gens pensent que la trajectoire des personnes célèbres est linéaire, une lecture attentive de leurs mémoires ou biographies révèle que tel n’est pas le cas.
Très souvent, elles ont connu ces doutes et découragements qui sont des choses normales dans toute existence humaine. Cependant, la différence entre les personnes qui atteignent leurs objectifs et s’élèvent au sommet et celles qui connaissent un destin moyen est souvent la persistance ou le renoncementface aux difficultés.
Quand je discute avec des personnes plus jeunes que moi, je mets toujours l’accent sur l’importance de la lecture. Je leur conseille, si elles veulent changer positivement leur vie, de lire, beaucoup, et tout lire.
Avec l’avènement puis la prépondérance des réseaux sociaux, nos cerveaux sont en train d’être remodelés. Ils sont en proie à une attention et à une concentration faibles, à l’ennui persistant. Or, la pensée en profondeur facilite grandement la réussite, comme le défend Nicolas Carr dans son livre TheShallows, ou encore Cal Newport dans son livre Deep Work, sous-titré, Retrouver la concentration dans un monde de distractions.
Dans son livre précité, Cal Newport écrit : « Il est important de mettre l’accent sur l’omniprésence en profondeur chez les personnes influentes, car cela contraste violemment avec le comportement de la plupart des travailleurs du savoir — un groupe d’individus qui est en train d’oublier ce que peut apporter le fait d’approfondir les choses. »
Cette pensée de Cal Newport montre ce qu’il faut faire pour progresser dans sa carrière. C’est adopter délibérément la pensée profonde, la réflexion, refuser la superficialité. L’acquisition de ces qualités est facilitée par les livres. Dans ce sens, ils permettent d’accélérer sa carrière et d’atteindre plus facilement ses objectifs.
Les périodes les plus fécondes de ma vie ont été celles où j’ai adopté délibérément la réflexion profonde. Pendant des années, j’étais absent de tous les réseaux sociaux. Ce furent des années très productives, pendant lesquelles j’ai beaucoup publié et acquis les bases me facilitant l’écriture. Je suis revenu aux réseaux sociaux, mais m’évertue à ne pas me laisser dominer par eux. La lecture est l’une des armes favorites pour y parvenir.
Aujourd’hui, je déplore que le Sénégal ne dispose toujours pas d’une bibliothèque nationale. Dans un pays d’écrivains talentueux, cela est un scandale. Je n’ai rien contre le sport, que j’adore, mais qu’il y ait autant de stades et une arène nationale pour la lutte mais qu’il n’y ait toujours pas de bibliothèque nationale montre que notre pays ne se donne pas les chances de se développer. Se doter d’une bibliothèque nationale serait un énorme symbole, montrant que le Sénégal a compris que dans le monde d’aujourd’hui, le savoir prime, et un pays qui y investit avance(ra) plus rapidement.
Le Sénégal devrait également faciliter l’accès aux livres en construisant, comme je l’ai écrit plus haut, une bibliothèque nationale et en dotant ses terroirs de bibliothèques. Cela démocratisera le livre et contribuera à améliorer l’égalité des chances dans notre pays. Parfois, si les jeunes ne lisent pas, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter des livres. Ces derniers coûtent cher et ne sont pas à la portée de tout le monde. Je me rappelle qu’il y a quelques années, je cherchais les livres qui me plaisaient sur des sites internet douteux, car je n’avais pas toujours les moyens de les acheter.
Si l’accès aux livres n’est pas facilité au Sénégal, l’inégalité des chances y persistera, avec ceux et celles qui ont les moyens de s’en procurer et ceux et celles qui ne les ont pas. Le devoir de l’État est d’y remédier, afin que chaque personne qui veuille lire puisse le faire.
À un niveau individuel, nous devons comprendre les bénéfices que nous apportera la lecture. Elle nous permettra d’avancer plus rapidement dans notre carrière ou dans notre projet d’entrepreneuriat, de devenir de meilleures personnes, tolérantes et ouvertes d’esprit. Je soupçonne que les lecteurs sont en moyenne plus tolérants que les non-lecteurs.
La sirène des réseaux sociaux est tentante. Ils donnent accès aux gratifications instantanées, au neuf. Mais de là vient leur danger. Ils nuisent à ces qualités primordiales à la réussite que sont la pensée profonde, la réflexion délibérée, la capacité de s’ennuyer. Leurs fondateurs, connaissant leurs risques, refusent leurs conséquences négatives pour eux et leurs enfants en se déconnectant. Que font-ils à la place ? Ils lisent.
Suivons leur exemple et lisons. Les civilisations prospères sont des civilisations de savoir, de connaissance. Les personnes les mieux rémunérées aujourd’hui sont celles qui maîtrisent le mieux leur domaine. Cela a un coût, comme la gratification différée. Dans le cas du livre, ses effets positifs ne se remarqueront pas d’emblée. Ils prendront du temps, mais quand ils commenceront à se manifester, nous penserons que nous aurions dû lire davantage.
Si tout le monde passe son temps libre à surfer sur les réseaux ou à regarder la télévision, il n’y a aucun avantage comparatif si nous aussi le faisons. Cependant, si nous choisissons la concentration et refusons la distraction que facilite le fait de surfer sur internet, nous nous donnons des avantages qui seront décisifs, nous distingueront et faciliteront l’atteinte de nos objectifs.
Je lance un plaidoyer fort en faveur des livres, car je sais qu’ils nous permettront de changer notre vie. Faisons le choix de lire, tout lire, même les livres qualifiés d’hérétiques. C’est ainsi que nous développerons la faculté de concentration et acquerrons la capacité de tolérance. Cela vaut un essai, dès maintenant.
À nos livres !
Moussa Sylla est auteur du livreLa conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA.