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23 novembre 2024
Culture
L’ETAT DU SÉNÉGAL A RACHETÉ LA BIBLIOTHÈQUE PERSONNELLE DU PRÉSIDENT SENGHOR
Elle est composée de trois cartons de livres, soit près de 1200 unités, avec des volumes variés, mais de très grande valeur. Il s’agit d’ouvrages dédicacés offerts à Senghor, sur lesquels il a personnellement travaillé (…)
La bibliothèque personnelle de l’ancien président de la République Léopold Sédar Senghor (1906-2001), récemment mise à la vente aux enchères en France, a été complètement rachetée par l’Etat du Sénégal, a révélé, à l’APS, le directeur du Livre et de la Lecture, Ibrahima Lo, se félicitant de “volumes variés et de très grande valeur”.
L’annonce de la vente aux enchères de la bibliothèque du président-poète Léopold Sédar Senghor avait été faite le 16 février dernier.
Le gouvernement du Sénégal, craignant une dispersion de la collection de livres de l’ancien chef de l’État, avait demandé la suspension de cette opération.
L’État sénégalais a ensuite entamé des négociations avec la maison de ventes pour acquérir la bibliothèque personnelle du président Senghor qui a passé les dernières années de sa vie à Verson, en France.
Suite aux instructions du chef de l’Etat, une mission du ministère de la Culture conduite par le secrétaire d’Etat en charge du patrimoine et des Industries créatives s’est rendue à Caen, en France.
Dans cette ville, elle a rencontré le commissaire-priseur avec lequel elle a conclu le rachat de cette bibliothèque par l’Etat du Sénégal, a rappelé Ibrahima Lo dans un entretien accordé à l’APS.
“Cette bibliothèque personnelle du président Senghor, déjà convoyée à l’ambassade du Sénégal à Paris, devrait venir à Dakar incessamment”, a annoncé M. Lo, sans donner de détails sur le montant de la transaction.
Des volumes variés et de très grande valeur
“Elle est composée de trois cartons de livres, soit près de 1200 unités, avec des volumes variés, mais de très grande valeur. Il s’agit d’ouvrages dédicacés offerts à Senghor, sur lesquels il a personnellement travaillé (…)”, a-t-il précisé.
Cette bibliothèque comprend aussi des ouvrages qui n’ont pas été dédicacés, que “le poète-président a acquis lui-même par rapport à l’attention qu’il accordait à certaines problématiques”, a-t-il ajouté.
Il a annoncé que “la destination finale de ces ouvrages” devrait être la future bibliothèque nationale. “Cette dernière n’étant pas encore sortie de terre, il y a un certain nombre d’infrastructures appartenant au ministère de la Culture qui peuvent valablement recevoir ces fonds documentaires en attendant qu’ils soient fléchés vers la destination finale”, a indiqué M. Lo.
A l’en croire, la construction de cette bibliothèque est placée par les nouvelles autorités parmi les priorités de l’Etat sénégalais, pour en faire “un espace de documentation, de recherche, d’information”.
“La bibliothèque nationale sera aussi un espace mémoriel, qui aura cette mission-là de réorganiser les patrimoines de l’Etat et de les rendre disponibles et accessibles, principalement aux citoyens d’abord et à tout ceux qui, pour une raison ou une autre, peuvent vouloir travailler sur nos collections documentaires”, a encore fait valoir le directeur du Livre et de la Lecture.
Ibrahima Lo a aussi rappelé que “c’est la troisième fois qu’une vente aux enchères du patrimoine de Senghor se trouve agitée, la première fois remontant à la vente, en 2021, d’un tableau de l’artiste peintre français Pierre Soulages, surnommé +Le maître du noir+”.
Ce tableau, acquis par le poète-président en 1956, avait scellé l’amitié entre Senghor et le peintre français. Il avait été vendu à 1, 5 million d’euros, soit 983 millions de francs CFA, selon des médias français.
Il y a eu ensuite la vente des bijoux et décorations militaires de l’ancien président, que le Sénégal a acquis pour 244 mille euros, soit environ 160,064 millions de francs CFA, après avoir obtenu la suspension de leur vente aux enchères.
Exercer une préemption ou convoquer la loi française
Pour que cette situation ne se reproduise plus, il propose à l’Etat sénégalais d'”exercer, soit une sorte de préemption pour l’essentiel des biens du président Senghor […], ou plus radicalement convoquer la loi française qui institue la nécessité de retourner à leurs origines les biens culturels spoliés”.
“Et si l’on parvient, dans le cadre de négociations entre Etats à mettre en avant ces dispositifs, je crois que cela aiderait à sécuriser ces patrimoines et dans le temps à les mettre à disposition du Sénégal”, a-t-il dit.
Il a rappelé que la délégation qui a séjourné en France s’était également donné pour mission, parallèlement au rachat de la bibliothèque de Senghor, de “s’intéresser à toutes ces identités remarquables qui ont contribué à la création de la nation sénégalaise”.
Il s’agit des “chefs d’Etat, et subsidiairement de tous les responsables d’institutions idéalement en vie et dont les archives et la documentation peuvent avoir un intérêt pour notre pays.”
Pour ces personnes ressources, dit-il, “nous avons rencontré le président Abdou Diouf qui […] a exprimé sa disponibilité à mettre à la disposition du Sénégal, les documents éventuellement qui lui appartiendraient et qui pourraient avoir un intérêt pour l’histoire de notre pays.”
“Nous avons discuté avec une autre personnalité intéressante pour la mission, Gérard Bosio, un collectionneur d’art qui a travaillé dans l’ombre de Senghor pendant une bonne trentaine d’années pour avoir été son attaché culturel […]”, renseigné le directeur du Livre et de la Lecture.
“Ce monsieur, qui fut très proche de Senghor et qui a continué la collaboration avec lui, de son admission à l’Académie française jusqu’à sa mort”, a selon lui “une remarquable collection d’ouvrages”, qui, de son point de vue, “mériterait d’être conservée dans un musée dédié à Senghor.”
«LA PLUS GRANDE SCENE AMERICAINE POUR PARLER DES PRODUCTIONS AFRICAINES»
New York African Film Festival - Tenues traditionnelles des quatre coins de l’Afrique, présence de plusieurs générations de la diaspora, mais aussi de curieux qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent...
Tenues traditionnelles des quatre coins de l’Afrique, présence de plusieurs générations de la diaspora, mais aussi de curieux qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent... L’atmosphère est bon enfant, et les échanges et discussions sur les films sont nombreux. «Sincèrement, je suis comblée lorsque je vois des réalisateurs, des acteurs ou actrices qui parlent, s’assoient avec les spectateurs, jeunes, ou moins jeunes, car l’échange, la discussion sont parmi les éléments les plus importants de ce festival», déclare Mahen Bonetti, la fondatrice et directrice du Nyaff. «Il faut un débat constant et amener l’Afrique sur le devant de la scène par le cinéma, mais il faut aussi que les gens se mélangent, apprennent les uns des autres, et c’est l’une des raisons qui m’a fait démarrer ce festival, il y a plus de trente ans.» Née en SierraLeone et venue à New York faire des études de communication dans les années 80, Mahen Bonetti réfléchit rapidement à la manière de rendre plus visible son continent de naissance, dans un pays souvent critiqué pour son manque d’ouverture vers l’extérieur.
Les Etats-Unis sont alors en plein débat sur la question de la visibilité des communautés afro-américaines, et la jeune étudiante veut amener l’Afrique dans la discussion. Un évènement vient donner un coup de pouce supplémentaire à son projet. «Lorsque la chanson We are the world, de Usa for Africa, portée par Michael Jackson et Lionel Richie, est sortie en 1985, on a senti qu’il y avait une montée de l’intérêt porté sur l’Afrique, car ce titre a eu un succès immense, et les gens ont commencé, ici, à s’intéresser aux thématiques de l’Afrique : la pauvreté certes, mais pas seulement. Ça a été l’élément qui a aidé à une prise de conscience», se rappelle-telle. Avec une bande d’amis, ils démarrent l’aventure du Nyaff en 1993, avec une première édition essentiellement consacrée au cinéma de la légende sénégalaise Ousmane Sembène. «Je m’en souviens comme si c’était hier, sourit la directrice du festival. On avait réussi à le faire venir, à ouvrir la porte des Etats-Unis à des réalisateurs africains, à les faire connaître ici, et les gens ont tout de suite accroché. On a senti dès le départ que le cinéma africain attirait une grande curiosité, et on a continué sur la lancée.»
Depuis plus de trois décennies, des rétrospectives de Djibril Diop Mambéty, de Abderahammane Sissako, mais aussi de Fanta Régina Nacro et Jean-Pierre Bekolo, ont été organisées, et l’édition 2024 a mis un coup de projecteur sur la légende camerounaise Jean-Pierre Dikongé Pipa, venu parler des productions de son pays avec son compatriote Jean-Marie Téno. «C’est primordial, vital pour la promotion du cinéma africain, d’avoir des festivals comme le Nyaff», souligne le réalisateur. «C’est un marché hyper compétitif, mais il y a un public pour regarder les films venus du continent, et avoir une fenêtre de visibilité à New York, c’est peut-être la meilleure porte d’entrée, la plus grande scène américaine pour parler des productions africaines.»
Apporter les œuvres cinématographiques africaines et de la diaspora sur grand écran
Pour Mahen Bonetti, le festival grandit et prend une place importante dans le panorama des événements liés au septième art dans la Grosse Pomme, malgré la concurrence énorme du Tribeca Film Festival, mais aussi du New York Film Festival, deux mastodontes qui attirent plus de 10 000 spectateurs par an. «Mais on continue de se faire une belle place au soleil, et on voit de plus en plus de personnes venir [environ 400 personnes pour la soirée d’ouverture, 80% de taux de remplissage des séances en moyenne, Ndlr], et notre programme s’allonge, année après année ! C’est plutôt bon signe.» «Lors des premières années, nous avions 7-8 films et on ne savait pas vraiment quand on aurait des salles disponibles, on était dans la débrouille la plus totale, se souvient la fondatrice. Trente ans plus tard, on projette plus de 90 films, de 30 pays différents, sur plus de trois semaines. Le festival est bien installé, mais il faut toujours continuer à se battre.» Autre objectif important, attirer les jeunes, et continuer à créer une discussion pour apporter les œuvres cinématographiques africaines et de la diaspora sur grand écran de ce côté de l’Atlantique, où la curiosité pour le sujet est croissante. «Ce festival a permis à des Sembène et autres d’être vus et connus aux Etats-Unis, mais il faut viser de plus en plus large en mixant les œuvres classiques et les nouvelles tendances, comme les films d’animation et les courts métrages par exemple, explique Mahen Bonetti. Mais aussi donner de la voix et une tribune aux jeunes talents du continent et de la diaspora.»
Rfi
GROS PLAN SUR LES PIGEONS
L’exposition qui a eu lieu dans les locaux de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Sénégal est consacrée au pigeon. Sous le titre Loft DKR, elle met en lumière la colombophilie à travers des photos de pigeons réalisés par de jeunes sénégalais...
L’exposition qui a eu lieu dans les locaux de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Sénégal est consacrée au pigeon. Sous le titre Loft DKR, elle met en lumière la colombophilie à travers des photos de pigeons réalisés par de jeunes sénégalais, des archives, entre autres.
Photos de pigeons, de soldats allemands pendant la première guerre mondiale avec des pigeons voyageurs en route pour le front ou encore de soldats belges portant l’uniforme M1915 et le képi M1915, envoyant un message par pigeon voyageur, coupures de presse, timbres…on pouvait voir partout des pigeons et découvrir leur symbolique et leur patrimoine. Il s’agit de l’exposition « Loft DKR » réalisée par de jeunes colombophiles sénégalais. Installée dans les locaux de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Sénégal, elle vous emmène au fil d’une longue et passionnante histoire du pigeon, plongeant dans les racines de la colombophilie au Sénégal et en Belgique. « Les colombophiles organisent pas mal d’activités au Sénégal mais s’il n’y a pas d’images ou de l’engouement autour, ils vont rester entre eux, en communauté. L’idée, c’est de vulgariser la discipline, de créer des photographes professionnels qui puissent les accompagner pour qu’ils puissent avoir de belles images, de bonnes vidéos quand ils organisent leurs compétions », explique l’une des organisatrices de l’exposition, Ndeye Mané Touré. L’exposition met ainsi en lumière le travail de jeunes sénégalais ainsi qu’une cartographie collaborative des colombophiles dakarois et sénégalais.
En effet, de plus en plus de jeunes sont passionnés de colombophilie au Sénégal. « Il suffit de lever le nez, non pas pour voir les pigeons, mais pour regarder les toits des maisons et voir qu’il y a beaucoup de colombiers qui sont installés dans les maisons avec les jeunes qui s’occupent de ces pigeons. Chez moi aussi, en Belgique francophone particulièrement, on aime bien les pigeons. C’est une vieille passion. Ça remonte à très longtemps mais c’est une passion pour les personnes retraités. C’est donc assez étrange de voir qu’en Belgique, ce sont plutôt les personnes âgées et qu’ici au Sénégal, ce sont des jeunes qui adorent les pigeons », a souligné le Délégué général Wallonie-Bruxelles au Sénégal, Jean-François Pakula.
Ainsi est née l’idée de réunir la colombophilie au Sénégal et en Belgique à travers l’exposition. « C’était de montrer ce qu’il y a comme glorieux passé de la colombophilie en Belgique et qui existe encore mais de manière un peu plus restreinte qu’ici au Sénégal, et à cet égard, en marge de l’exposition, nous avons organisé ici un atelier d’apprentissage à la photographie pour 20 jeunes issus de Dakar mais également des régions du Sénégal, tous colombophiles avec tous un point commun, ils n’ont jamais fait de photographies. Et donc, nous les avons invités ici pendant deux semaines, ils ont pu s’initier à la photographie avec un photographe professionnel. Ils ont produit leurs propres photos qui montrent la colombophilie », a fait savoir Jean-François Pakula. C’est donc à ces jeunes qu’on doit les photos des pigeons de l’exposition.
Au Sénégal, même si la colombophilie prend de l’ampleur, les difficultés ne manquent pas dans le secteur. Entre le « manque d’ancrage institutionnel », « des problèmes de disponibilité de l’alimentation des pigeons voyageurs » ou encore « la superstition », il y a tout un travail à faire, selon Oumar Johnson, colombophile depuis plus de 15 ans. Tout de même, à l’en croire, la Fédération colombophile sénégalaise a réussi à « implanter la colombophilie comme une activité prépondérante » dans le pays. Dans le cadre de Loft DKR, un pigeonnier est installé à l’Hôtel de ville de Dakar. A travers l’introduction d’un laboratoire expérimental, les colombophiles sont en train de travailler sur le « lien du pigeon avec l’éleveur », mais aussi « une innovation technologique qui permet au pigeon de porter une puce de suivi qui prendra les données GPS tout au long du vol ». Ces coordonnées GPS récoltées seront utilisées pour générer et créer des compositions sonores lors des performances aériennes des pigeons.
ANNIE COLY OUVRE SON JOURNAL DU CRASH
Les épreuves douloureuses de la vie servent quelquefois de catalyseur à la création artistique et littéraire. «Dans la main de Dieu», est le récit «d’une autre vie, d’une deuxième vie...».
L’auteure de l’ouvrage, « Dans la main de Dieu » revient dans le détail sur le livre journal rédigé suite à un accident d’hélicoptère, le mercredi 14 mars 2018. Il s’agit de l’appareil de l’armée sénégalaise, M1- 17/6WHTA qui a fait un crash dans les mangroves de Missira. Cet ouvrage de 169 pages paru à l’Harmattan est un récit d’amour, un hommage à un médecin et une expression de la foi en Dieu et à la famille.
Les épreuves douloureuses de la vie servent quelquefois de catalyseur à la création artistique et littéraire. «Dans la main de Dieu», est le récit «d’une autre vie, d’une deuxième vie...». Pour l’ancienne proviseur du Lycée Seydou Nourou Tall, Annie Coly Sané, cet ouvrage dont beaucoup disent que c’est un roman, parce que l’histoire est romancée, est un journal dans sa facture, la manière dont le texte est disposé parce qu’on raconte dès le début, au jour le jour, les évènements et puis après, on fait des sauts dans le temps. Et tous les chapitres ne sont pas datés, mais tous sont marqués d’un titre qui marque un moment fort dans ce passage de «l’inconscience jusqu’à la résurrection», indique l’auteure avant de trancher : «On dira, que c’est un journal».
Seulement, elle ouvre une brèche à ceux qui ont une autre lecture du texte. «Maintenant, je laisserai ceux qui parlent de roman en parler ainsi parce qu’il est possible de lire d’une manière fluide cette histoire sans passer par les titres. Je ne savais pas que c’était si compliqué que cela pour la détermination du genre mais je vois bien qu’on a franchi des frontières et je ne l’ai pas fait exprès, c’est venu tout seul», dit-elle en affichant le sourire. C’était en marge de la cérémonie de dédicace de l’ouvrage qui a refusé du monde. Des proches et amis, des collègues et simples curieux sont venus témoigner de la générosité de l’enseignante et proviseur à la retraite.
Cet ouvrage est aussi un hommage à son médecin traitant et au corps médical par extension. Pour l’auteure, il faut savoir dire merci tout simplement pour encourager les soignants, ça n’empêche pas que l’on pointe du doigt ce qui est mal fait. Son objectif, poursuit-elle, n’était pas de montrer les travers de la gestion de nos hôpitaux, même s’ils assument que ces travers existent. «Mais, il faut savoir qu’il y a partout des hommes et des femmes qui se battent pour que nos hôpitaux soient performants, que les malades y soient toujours bien accueillis et bien traités». Cela a touché l’auteure qui pense qu’on doit prendre sous cet angle notre relation avec les soignants, les hôpitaux en rappelant que «le malade doit participer à sa guérison la plus totale en aidant les soignants à accéder à leur corps, à leur esprit».
Dans cet apport du processus de guérison de l’auteure, la famille, notamment son coauteur et fils, Fiacre, ainsi que son mari Émile Coly, qui traversent le texte, ont joué un rôle important. Annie Coly née Sané clame ainsi que «la famille, c’est toute la richesse qu’on a et si on n'en prend pas soin, on se retrouvera un jour bien seul». La famille, certifie l’enseignante, «on vit avec elle, il y a des ondes qui s’échangent dans la maison et ces énergies parfois sont très négatives...mais quand on parle d’amour, de mariage entre Annie et Émile, comment cet amour ne pourrait-il pas passer de ces deux à leurs enfants et petits-enfants ? Donc, les ondes positives il nous faut les cultiver, c’est ça la force d’une famille grande et aimante», indique l’écrivaine.
Inspirée d’un événement douloureux, l’ouvrage est pour son auteure un heureux paradoxe d’autant que l’accident est un prétexte. «Pour écrire, les prétextes douloureux sont des catalyseurs pour la création littéraire, artistique car, beaucoup de personnes ont perdu un être cher et à partir de là, ont pu écrire, se sont senties investies de ce devoir d’écrire. Alors cet accident est un prétexte pour rendre grâce à Dieu de tout le bonheur dans lequel elle a toujours vécu...», souligne Annie Coly. L’auteure résume en un fin mot son ouvrage «Dans la main de Dieu» par : amour !
COUDY KANE OUVRE LA LONGUE HISTOIRE DU LIVRE
Le Festival international de littérature de Dakar (Filid) a été clôturé le samedi 1er juin. Il a réuni, depuis le 29 mai 2024 à l’Hôtel de Ville de Dakar, des écrivains, des critiques littéraires, des universitaires, des professionnels du livre, des femme
Bés Bi le Jour |
Adama Aïdara KANTE |
Publication 04/06/2024
Le Festival international de littérature de Dakar (Filid) a été clôturé le samedi 1er juin. Il a réuni, depuis le 29 mai 2024 à l’Hôtel de Ville de Dakar, des écrivains, des critiques littéraires, des universitaires, des professionnels du livre, des femmes et des hommes de culture. Pr Coudy Kane a ouvert une longue histoire du livre.
Le thème choisi pour la 3e édition du Festival international du livre de Dakar (Filid) a porté cette année sur «Le livre, mémoire des civilisations». Cette édition s’est ouverte le 29 mai et a été clôturée le 1er juin à l’hôtel de ville de Dakar devant un parterre d’invités venus d’horizons divers. Pr Coudy Kane a été désignée pour prononcer la leçon inaugurale de cette édition qui marque la confirmation de l’événement. Enseignante-chercheure au Département de Lettres modernes de l’Université Cheikh Anta de Dakar (Ucad), elle a indiqué que le livre est un «patrimoine de la civilisation africaine». La Directrice du Laboratoire de littérature africaine de langue française de l’Ecole doctorale Arts et civilisations (Arciv) de la Faculté des Lettres et Sciences humaines a également revisité l’histoire du livre en partant de sa plus simple définition et ses origines liées à l’invention de l’écriture. «Le bois, la pierre, les tablettes d’argile, les tablettes de bambous, la soie…, ont d’abord servi de supports à l’écriture avant d’être remplacés par des rouleaux de papyrus, puis de parchemins à base de peaux animales et enfin, le codex (forme actuelle du livre). Si le livre continue d’être transmis à travers le papier depuis des générations, il a aujourd’hui une nouvelle forme qui est celle du numérique, un patrimoine international commun», a dit Pr Kane.
«La réappropriation de nos archives historiques et culturelles»
L’universitaire a évoqué surtout la littérature africaine qui, dans sa tradition, est d’abord orale. Elle a cité la sage parole d’Amadou Hampathé Ba : «En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle». Et c’est pour démontrer la profonde richesse du patrimoine littéraire africain et proposer «la réappropriation de nos archives historiques et culturelles» dont les conditions passent par plusieurs facteurs. «D’abord l’éducation, qui est un élément fondateur, car enseigner à travers nos récits africains est une trace majeure de la transmission culturelle et littéraire. Ensuite, la question des langues par lesquelles nous nous exprimons au quotidien», a-telle ajouté.
Le legs littéraire
Selon la professeure Coudy Kane, un autre matériau important à la constitution de notre legs littéraire est celui de la recherche scientifique, «car explorer les témoignages littéraires de nos écrits est une phase significative de la reconquête de notre histoire». Pour illustrer son propos sur l’aspect de la réhabilitation de l’histoire africaine lavée de toute manipulation idéologique dans la littérature, elle a évoqué l’œuvre de l’écrivain sénégalais Amadou Elimane Kane dont elle est une spécialiste. En concluant sa leçon inaugurale, elle rappelle : «Le terrain de la bibliothèque patrimoniale africaine est un vaste champ d’exploration qui est une des clés de la renaissance culturelle. Par son archéologie des savoirs, ses traditions ancestrales, son histoire littéraire, sa voix singulière, le récit africain doit pouvoir s’élever sur les rampes de bois qui détiennent les mots et les symboles sous un éclairage de la permanence.»
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RWANDA : LES RÉVISIONNISTES SORTENT DU BOIS
Comme dans tous les génocides : la shoah, le génocide des Arméniens, des Cambodgiens, etc. après le crime massif, il y a toujours ceux qui se donnent pour mission, soit de réécrire l’Histoire, de tenter de nier l’évidence. Le Rwanda n’y échappe pas
Comme dans tous les génocides : shoah (extermination des juifs, des roms…), le génocide des Arméniens, des Cambodgiens ou des Ukrainiens, après le crime massif, il y a toujours ceux qui se donnent pour mission, soit de réécrire l’Histoire, de tenter de nier l’évidence, de minimiser l’ampleur ou encore de travestir les faits pour se tirer d’affaire.
Au Rwanda, le génocide perpétré contre les tutsis, trente ans après suit lui aussi le même processus pendant que les rescapés dont certains ont parfois perdu toute leur famille continuent de se reconstruire. Et c’est toujours la phase finale de tout génocide génocide. Aujourd’hui avec le relais extraordinaire qui constituent les réseaux sociaux numériques, certains Rwandais sont devenus des chantres de ce révisionnisme qui le don, sans conteste, de remuer le couteaux dans la plaie des victimes en voie de reconstruction même si leur capacité de résilience reste exemplaire.
Ce mercredi, en marge de la projection du film de deux Rwandaises de la diaspora sur la résilience à travers le profils de quelques jeunes femmes, le débat sur cet aspect du génocide a été posé et discuté lors d’un panel à la Place du Souvenir de Dakar dans le cadre des 30 ans de commémoration de ce massacre de la minorité tutsi.
Pour certains, c’est l’un des plus grand génocide du 20e siècle. Il est toujours colle au Rwanda à tel point que la réalisatrice Divine Gashugi et sa compatriote ont décidé de faire un film pour montrer qu’au-delà de cette tragédie, le Rwanda a fait du chemin, tente de se réconcilier et tient debout malgré tout. Voir le reportage.
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COLLÉ SOW ARDO, ITINÉRAIRE D’UNE ICÔNE DE LA MODE AFRICAINE
Découvrez à travers cette entrevue, comment la styliste de renom, mannequin à ses débuts, en est arrivée à fêter aujourd’hui les 4 décennies de pérennité d’une marque.
Il faut s’appeler Collé Sow Ardo pour avoir le stoïcisme de renoncer à une enveloppe de soutien de 50 millions FCFA, venant d'un Président de la République. La créatrice de mode surnommée la « Reine du pagne tissé » par le défunt Moïse Ambroise Gomis, a renoncé à une aide financière du couple présidentiel d’alors, Abdou Diouf et Elisabeth, pour pouvoir voler de ses propres ailes.
Une sage décision soufflée par son oncle par alliance, Valdiodio Ndiaye, dont les souvenirs de son arrestation et de son décès restent encore amers pour la styliste.
Malgré les péripéties de la vie et du monde de l'entrepreneuriat, elle a réussi aujourd'hui à tisser son nom en fil d’or dans le milieu de la mode africaine, voire internationale. Une réputation grâce à laquelle, pour une tenue signée « Collé Sow Ardo », les amateurs n’hésitent pas à débourser 300.000 à 450.000 FCFA pour être à la dernière mode.
COLLÉ SOW ARDO, ITINÉRAIRE D’UNE ICÔNE DE LA MODE AFRICAINE
Découvrez à travers cette entrevue, comment la styliste de renom, mannequin à ses débuts, en est arrivée à fêter aujourd’hui les 4 décennies de pérennité d’une marque.
Il faut s’appeler Collé Sow Ardo pour avoir le stoïcisme de renoncer à une enveloppe de soutien de 50 millions FCFA, venant d'un Président de la République. La créatrice de mode surnommée la « Reine du pagne tissé » par le défunt Moïse Ambroise Gomis, a renoncé à une aide financière du couple présidentiel d’alors, Abdou Diouf et Elisabeth, pour pouvoir voler de ses propres ailes.
Une sage décision soufflée par son oncle par alliance, Valdiodio Ndiaye, dont les souvenirs de son arrestation et de son décès restent encore amers pour la styliste.
Malgré les péripéties de la vie et du monde de l'entrepreneuriat, elle a réussi aujourd'hui à tisser son nom en fil d’or dans le milieu de la mode africaine, voire internationale. Une réputation grâce à laquelle, pour une tenue signée « Collé Sow Ardo », les amateurs n’hésitent pas à débourser 300.000 à 450.000 FCFA pour être à la dernière mode.
POURQUOI LA SÉNÉGALAISE GERMAINE ACOGNY EST SI INFLUENTE
Elle a cherché activement des moyens d'exprimer son identité noire, les rythmes de danse propres à l'Afrique de l'Ouest, ainsi que son parcours personnel en tant que femme pour trouver sa propre voix.
La danseuse et chorégraphe la plus célèbre d'Afrique, Germaine Acogny, a fêté ses 80 ans le 28 mai. J'ai eu le privilège de rencontrer l'artiste sénégalaise, d'apprendre d'elle et de l'interviewer dans le cadre de mes recherches en cours sur la danse contemporaine africaine.
Il s'agit d'un hymne à une femme africaine qui a inspiré non seulement les danseurs africains, mais aussi une communauté mondiale d'artistes, à penser différemment leur identité, leur corps, leur peau et, en fait, leur façon de bouger.
Sur un continent miné par l'héritage de la colonisation, du racisme et du patriarcat, Germaine Acogny s'est élevée au rang de femme artiste qui a défié les stéréotypes liés à sa couleur noire, à sa féminité et à son grand corps, pour devenir l'une des danseuses les plus vénérées au monde.
Qui est Germaine Acogny ?
Née en 1944 à Porto Novo au Bénin, Germaine Acogny déménage avec sa famille et s'installe au Sénégal alors qu'elle n'est encore qu'une jeune fille. Elle est souvent désignée comme la mère de la danse contemporaine en Afrique, en raison de sa longue carrière d'interprète, d'enseignante et de chorégraphe. Elle a créé une compagnie de danse, Jant-Bi, ainsi qu'une école et un centre de danse mondialement reconnus à Toubab Dialaw, au Sénégal, appelés École des Sables (Place in the Sand).
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Jeune fille à Dakar, Acogny a fréquenté l'école catholique. Se sentant étrangère à la langue, à la religion et aux rituels coloniaux, elle se réfugie dans le sport. C'est ainsi qu'elle entre à l'école de danse et de sport Simon Siegel à Paris en 1962. Elle se destine à devenir professeur d'éducation physique.
Rencontrant la danse occidentale pour la première fois, et étant la seule élève noire (et africaine) de sa classe, elle a été poussée à se sentir pas “bien dans sa peau” et que sa silouhette était “inappropriée”. Au lieu de se laisser abattre, Acogny a commencé à inventer des mouvements qui correspondaient à son propre corps. Elle m'a dit:
J'ai pris mes pieds plats, mon grand derrière et mes hanches de femme africaine, mon grand corps d'Africaine de l'Ouest, pour en faire un élément central.
Une rencontre avec la danseuse afro-américaine Katherine Dunham, qui essayait de créer une école de danse au Sénégal, a donné à Acogny l'impulsion finale dans sa quête d'un langage de danse qui lui convenait. La technique de Germaine Acogny est aujourd'hui reconnue comme l'un des premiers systèmes codifiés de formation des danseurs africains urbains ou contemporains.
Acogny a reçu de nombreux prix, dont un Lion d'or à la Biennale de Venise et un Bessie Award à New York. Les gouvernements sénégalais et français lui ont décerné de multiples distinctions.
Elle continue de parcourir le monde avec ses œuvres. Si la gestion de son école repose désormais en grande partie sur son fils Patrick Acogny, elle continue également d'enseigner et de partager sa sagesse en matière de danse à l'échelle mondiale.
Contribution à la danse contemporaine
Comprendre ce qu'Acogny a fait pour la formation et l'interprétation de la danse conduit à une réflexion sur la nature de la danse contemporaine. La danse contemporaine , difficile à définir, est une forme d'expression libre visant à créer de nouveaux langages de danse en résonance avec le “contemporain” (le moment présent).
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En Afrique, il existe une riche interaction entre les formes de danse traditionnelle, l'histoire et les méthodologies de la danse moderne européenne et américaine, et la recherche permanente de voix africaines contemporaines authentiques qui s'expriment sur les idées de culture, de politique, de soi et d'identité.
L'écrivain sud-africain Adrienne Sichel note que cette définition pourrait également inclure “l'invention et la réinvention de formes et de fonctions artistiques et culturelles par la danse contemporaine, ainsi que sa capacité à perturber, déplacer, relier et survivre”.
Acogny a été l'une des premières danseuses africaines à remettre en question la norme européenne du corps de la femme blanche, très mince et sans poids apparent. Elle a cherché activement des moyens d'exprimer son identité noire, les rythmes de danse propres à l'Afrique de l'Ouest, ainsi que son parcours personnel en tant que femme pour trouver sa propre voix. Son travail reflète souvent sa propre histoire et sa compréhension incarnée du fait que le corps des femmes est souvent le plus grand butins des guerres, des génocides et du patriarcat.
Deux grandes œuvres
Convaincue que nous portons notre histoire dans notre corps, Acogny s'est particulièrement distinguée par deux de ses œuvres de danse.
La première est une collaboration avec le danseur japonais Kota Yamakazi en 2004, avec une œuvre intitulée Fagaala (Génocide). Il s'agit d'un voyage dans l'horrible mémoire du génocide rwandais de 1994. Il s'agit d'un conte dansé qui établit un lien entre la forme d'art contemporain japonais Butoh (souvent appelée “la danse de la mort”) et le style unique de danse contemporaine ouest-africaine d'Acogny.
Dans Fagaala, Acogny a travaillé uniquement avec les danseurs sénégalais masculins de sa compagnie et leur a demandé d'explorer ce que cela signifiait d'être une femme et de vivre les massacres du Rwanda. Ainsi, bien que les danseurs soient des hommes, l'œuvre explore des histoires de femmes. Les danseurs masculins devaient comprendre physiquement et émotionnellement - et jouer - les conséquences du viol et de la torture, deux instruments du génocide. Il s'agit donc d'affronter l'horreur des hommes et de la guerre.
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La deuxième œuvre est le solo profondément personnel qu'Acogny a créé et interprété en 2015 à l'âge de 71 ans. Intitulé A un endroit du début, il s'agit du voyage d'Acogny dans ses propres histoires maternelles et paternelles qui s'entrecroisent avec son double héritage ouest-africain du Bénin et du Sénégal.
Elle déterre les effets viscéraux dévastateurs du christianisme colonial, tout en se connectant à la puissance réprimée de la spiritualité Yoruba de sa grand-mère. L'œuvre est un palimpseste de danse, de vidéo, de texte et de superposition d'histoires de femmes d'Afrique noire, alors qu'elle est confrontée à la perte et à la mémoire. A un endroit au début est importante non seulement pour sa narration féministe décoloniale unique, mais aussi parce qu'elle offre au public le corps glorieux et sans précédent d'une matriarche africaine âgée dansant la vérité au pouvoir.
Alors qu'Acogny fête ses 80 ans, il s'agit d'un hymne à la louange de l'héritage vivant d'une créatrice de danse qui a contribué à façonner l'importante contribution de l'Afrique à la danse en repensant les corps, les histoires et l'identité elle-même.
LES PAYS EUROPEENS ONT DU MAL, AUJOURD’HUI ENCORE, A RECONNAITRE LEUR RESPONSABILITE VIS-A-VIS DE L’EPOQUE COLONIALE
Dominique Regueme, réalisateur du film «Métis, les enfants cachés de la colonisation». Durant la colonisation belge, au Congo, au Rwanda et au Burundi, plusieurs milliers d’enfants métis furent victimes d’une ségrégation ciblée, méconnue...
Propos recueillis par Ousmane SOW |
Publication 01/06/2024
Durant la colonisation belge, au Congo, au Rwanda et au Burundi, plusieurs milliers d’enfants métis furent victimes d’une ségrégation ciblée, aujourd’hui encore méconnue. Nés d’un père belge et d’une mère africaine, ces enfants furent cachés et isolés par l’Etat, enlevés à leurs familles, puis placés dans des pensionnats spécialisés. Tel est le postulat sur lequel est construite la réalisation du film documentaire «Métis, les enfants cachés de la colonisation». Présenté en compétition internationale au Festival international du film documentaire de Saint-Louis, ce film se concentre sur les voix des témoins, permettant ainsi une réflexion intime sur les héritages douloureux du passé colonial.
Quel a été votre principal objectif en réalisant ce film, Métis, les enfants cachés de la colonisation, et comment espérez-vous qu’il contribue à la prise de conscience et au dialogue sur ce sujet délicat ?
J’ai découvert le sujet en 2018, en lisant par hasard un article de presse qui évoquait l’enlèvement, l’isolement puis l’exil des enfants métis, durant la colonisation belge. Je ne saurais pas vraiment vous expliquer pourquoi cette thématique m’a ému et troublé, sans doute parce qu’il évoque des blessures d’enfance, un thème qui me touche particulièrement. Cela m’a fait penser également aux enfants de la Réunion, qui avaient été enlevés à leurs familles pour repeupler la Creuse et les campagnes françaises, dans les années 1980. Alors j’ai d’abord eu envie d’en savoir plus, et peut-être de raconter ce drame poignant, cette violence d’Etat.
Et comment avez-vous navigué entre l’aspect historique et personnel de ce récit, en mettant en lumière à la fois les événements historiques et les parcours individuels des enfants métis de la colonisation, avec une perspective de guérison et de reconstruction ?
Mes premières rencontres à Bruxelles, avec des personnes qui avaient vécu cette ségrégation, m’ont permis de mieux comprendre le contexte historique, les enjeux etles problématiques politiques. Mais très vite, au fil de nos échanges, j’ai senti que j’étais surtout intéressé par leur parcours, leur vécu : ce drame laisse encore des traces, des failles, des blessures ouvertes, soixante ans après les faits. Et lors de l’écriture, j’ai voulu que ces témoignages soient véritablement au cœur du film. Le documentaire a donc été construit d’abord autour des récits des intervenants : chacun évoque son témoignage et ses propres souvenirs, puis le film s’intéresse effectivement à la question de la guérison, de la reconstruction. Tous les intervenants n’ont pas vécu les évènements de la même façon, mais on retrouve souvent des traces de ces blessures et traumatismes d’enfance par exemple dans la difficulté à renouer des liens avec sa famille, à parler de son passé avec ses enfants ou tout simplement à construire une vie familiale et professionnelle stable, après avoir vécu ces évènements douloureux. Ce sont toutes ces histoires humaines, à la fois différentes mais avec des points communs évidents, qui sont au centre du film et qui permettent, je l’espère, d’aborder ce sujet plus largement. J’ai donc voulu que les explications et le contexte historique soient réduits au minimum. Il était bien sûr important que le spectateur puisse comprendre le sujet, mais je ne voulais pas que les détails historiques empiètent sur les témoignages. Je crois que les questions historiques et politiques apparaissent forcément en creux, et résonnent bien sûr, pour le spectateur, avec l’Histoire ou l’actualité, mais je ne voulais pas qu’elles soient abordées frontalement. De même, il n’y a pas de voix off dans le documentaire, pour ne pas prendre le risque de raconter l’histoire à la place des intervenants.
Quels sont vos attentes ou espoirs pour l’impact futur de ce film, en particulier dans le cadre de la lutte contre le racisme dans le monde ?
Mon travail est surtout de transmettre, de raconter des histoires. Je suis très heureux que ce documentaire ait permis de relayer la parole des métis, de faire connaître leur vécu, leur témoignage, à un public plus large, dans différents pays du monde. Je ne suis pas certain que cela puisse avoir le moindre impact direct dans la lutte contre le racisme ou même sur les questions politiques, mais si cela permet de transmettre, d’émouvoir et peut-être de créer un peu d’empathie, alors c’est déjà ça !
De la France où vous êtes, en tant qu’artiste, quel écho avez-vous des relations entre les pays colonisateurs et colonisés aujourd’hui encore au 21ème siècle ? Le discours a-t-il changé ?
Ce qui me frappe, c’est surtout de voir à quel point les pays européens ont du mal, aujourd’- hui encore, à reconnaître leur responsabilité vis-à-vis de l’époque coloniale. Difficile, pour la Belgique ou la France, par exemple, d’évoquer des excuses, et encore moins des réparations ! Je n’ai pas l’impression que le discours ait beaucoup changé, mais il est, au moins, plus souvent qu’avant, sur le devant de la scène. De nombreux collectifs, historiens, association, abordent régulièrement ces sujets, et on peut espérer que le discours et les actes finiront par évoluer. Sur la question des métis plus précisément, les excuses ne suffisent pas, et les personnes concernées attendent aujourd’hui encore des réparations et des moyens concrets pour accéder aux archives personnelles ou organiser les retrouvailles familiales.