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2 décembre 2024
Développement
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
LE SYNDROME DES TRANSITIONS POLITIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous avons besoin de rétablir le Pencúúm Sénégal à travers la constituante indépendante, souveraine et inclusive. Il s’agit d’une piste majeure pour la reconfiguration de notre modèle démocratique tropical ressourcé
Entre les aspirations profondes des populations à voir soit s’instaurer un puissant changement de gouvernance ou s’opérer une révolution vraiment démocratique, et une gestion innovante de la transition politique, il y a tout un fossé à franchir ou à combler, mais dont tout dérapage serait fatal aux espérances de « faire du Sénégal une nation juste, prospère et souveraine, ancrée dans des valeurs fortes ».
La typologie des transitions distingue les transitions par le haut notamment sous l’impulsion des élites comme c’était le cas en 2012 avec Macky Sall sorti des flancs du PDS, et des transitions par le bas à travers un mouvement social populaire enclenché en 2021 et concrétisé favorablement lors du vote de 2024. La transition par le bas est très exigeante et se décline en deux modalités, notamment à travers la réforme des institutions ou à travers la révolution où les masses seront impliquées dans la définition des politiques publiques.
La gestion de la transition reste un grand chantier à la mesure des aspirations des populations et du niveau de délabrement politique, économique et sociétal. Il nous faut comprendre que le carnage économique, politique et social depuis les indépendances, subi par les populations est la base de l’exigence de rupture exprimée lors des élections.
Le nouveau président a été plébiscité pour la réparation des injustices subies par le candidat porteur d’un projet qui a fait fort écho auprès de la jeunesse. Sa présidence semble inaugurer un programme en droite ligne directrice avec le projet initial du Pastef dont bien des points de gouvernance sont totalement la marque de fabrique de ce parti. Le livre « Solutions pour un Sénégal nouveau » édité en 2018 (format show télévisé devant un public) est ainsi l’expression structurée de l’offre politique. Le projet affiché est une promesse marketing qui a nourri l’adhésion subliminale de la jeunesse. Il a singulièrement pris une forme associée au sacré, fédérant également tous les segments des couches les plus vulnérables de la société aspirant à un meilleur possible.
Le Premier ministre vient de fixer le cap autour de cinq orientations stratégiques suivantes : jeunesse, éducation, formation, entreprenariat et l’emploi des jeunes et des femmes - lutte contre la vie chère et l’amélioration des pouvoirs d’achat des populations - La justice, la protection des droits humains, la bonne gouvernance et la reddition des comptes et l’amélioration du système démocratique et électoral - La souveraineté économique, l’exploitation optimale des ressources économiques, la prospérité et le développement endogène et la consolidation de l’unité nationale, de la cohésion sociale et territoriale ainsi que le renforcement de la sécurité, de la paix et de la stabilité du pays.
Un ticket symbolique Diomaye-Sonko va diriger déjà pour cinq ans le Sénégal, pays vivant sur le régime de l’aide et de la dette abyssale (passage de 52% à 73% en 2021 et 76% du PIB en 2023).
Il est primordial de saisir la phase de transition comme une opportunité pour poser un acte fort pour la transformation sociale à travers un front populaire citoyen. Quels sont peut-être les modèles de progrès, de solidarité et d’unité à explorer ? À rapidement appliquer ?
Modèle de gouvernance
Une remise à plat de toute l’architecture constitutionnelle et administrative s’impose au regard de l’évolution de l’état moderne et de la société sénégalaise. Revisiter les relations entre l’État, ses institutions et les populations sous le prisme de la concertation et non de la manipulation politicienne. Il s’agit à la fois réparer les souffrances et définir un nouveau contrat de confiance basé sur les résultats et la reddition des comptes. La première ressource reste le pacte de gouvernance des Assises à actualiser bien sûr.
Modèle économique
Pays regorgeant de nouvelles ressources du sous-sol, le Sénégal doit repenser son modèle économique dominé par le secteur informel et la mise sous coupe des stratégies des multinationales au détriment d’une souveraineté économique. Transformer le capital humain non productif avec la pression démographique en citoyens engagés pour la transformation et le bien-être des populations par un nouveau contrat de développement des terroirs à partir d’une cartographie des besoins et des capacités locales.
Modèle politique
La démocratie représentative formelle est en crise partout dans le monde avec des institutions légales illégitimes pour la société. La faillite des partis politiques traditionnels au profit de Groupements d’Intérêt Politique Unipersonnels, le dévoiement de l’Assemblée nationale l’instrumentalisation de la justice par les pouvoirs sont autant de facteurs avilissant notre modèle démocratique. Nous avons besoin de rétablir le Pencúúm Sénégal à travers la constituante indépendante, souveraine et inclusive. Il s’agit d’une piste majeure pour la reconfiguration de notre modèle démocratique tropical ressourcé. Il nous faut recourir à des referendums citoyens sur toutes les questions d’intérêt national et africain au lieu de se limiter à une cosmétique du calendrier républicain.
Modèle sociétal
Le modèle sociétal sénégalais est un modèle islamo wolof pour parler comme le Professeur Mamadou Diouf dans Histoire du Sénégal dont le trait dominant reste la rapine, la prédation et le vampirisme social. Tout réside dans l’évitement, la ruse, la gabegie, la violence symbolique et la spoliation sociale. Nous devons repenser notre relation avec le pouvoir, avec le sacré et le religieux, avec le travail et l’argent, avec l’alimentation dans la perspective de la souveraineté alimentaire, la place de la femme et de l’enfant, la place des seniors, notre relation avec l’Afrique et le monde et notre relation avec notre propre histoire.
Heureusement qu’il y’a une petite embellie liée à la cohésion sociale, au dialogue islamo - chrétien et la sécurité sociale comme des soupapes de sécurité.
Le modèle pays de la Teranga doit être repensé à partir d’une vision de développement endogène dans un contexte social dominé par des acteurs internationaux et leur implication dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques.
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LE GOUVERNEMENT DÉCRÈTE LA FIN DU SÉNÉGAL ENDETTEMENT
Pour le ministre Moustapha Sarr, le controversé Plan Sénégal Émergent aura laissé un lourd tribut au nouveau pouvoir. Le porte-parole du gouvernement promet une reconquête par la formation professionnelle et un rééquilibrage au profit des régions
C'est un réquisitoire cinglant contre les années d'endettement effréné que Moustapha Sarr, ministre de la Formation professionnelle et porte-parole du gouvernement, a dressé ce dimanche dans l'émission "Point de vue" de la RTS. Le poids de la dette publique, flirtant avec les 70% du PIB, est insoutenable selon le membre du cabinet présidé par Bassirou Diomaye Faye.
Pour Sarr, le controversé Plan Sénégal Émergent aura laissé un lourd tribut au nouveau pouvoir, au point d'être surnommé à demi-mot le "Plan Sénégal Endettement". Une rupture radicale est donc engagée avec le lancement d'un "Projet de transformation systémique" devant réendogénéiser l'économie nationale.
"Nous ne privilégions pas l'endettement à tout bout de champ", a martelé le ministre, rappelant que le recours aux emprunts ne doit intervenir qu'en dernier ressort. La priorité sera de remettre les Sénégalais aux commandes, en faisant notamment la part belle aux secteurs stratégiques comme l'agriculture et l'industrialisation.
Moustapha Sarr a également déploré les investissements massifs concentrés à 80% sur Dakar ces dernières années, créant encore les inégalités territoriales. Un rééquilibrage en faveur des autres régions est à l'ordre du jour, tout comme la relance du pouvoir d'achat des ménages.
Mais ces ambitions ne pourront se concrétiser sans l'implication de l'ensemble des Sénégalais, a insisté le porte-parole gouvernementale, lançant un appel solennel à "l'unité nationale" et à une "nouvelle citoyenneté" de rigueur et d'abnégation. . "Le gouvernement à lui seul ne peut pas tout faire", at-il prévenu.
Sur la Formation professionnelle, fer de lance du projet de développement, Sarr promet de "mailler le territoire national", au-delà du seul périmètre de Dakar. L'objectif : former en masse les jeunes aux métiers porteurs de l'agriculture, de l'élevage et de l'industrie.
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L'AJS EN CROISADE POUR LES DROITS DES FEMMES
Révision du Code de la famille, amélioration de la protection sociale, accès aux soins... Zeynab Kane, vice-présidente de l'Association des Juristes Sénégalaises, lance un appel persistant pour des réformes ambitieuses en faveur de ses paires
Dans une société sénégalaise en pleine mutation, la voix de Zeynab Kane, enseignante-chercheuse et vice-présidente de l'Association des Juristes Sénégalaises (AJS), s'élève avec force. Invitée lors de l'émission "Objection" sur les ondes de Sud FM, elle a lancé un appel persistant pour des réformes ambitieuses en faveur des droits des femmes.
Sous le nouveau régime, l'AJS attend des actes concrets. Zeynab Kane déplore la faible représentativité féminine au sein du gouvernement, contredisant les engagements constitutionnels et internationaux du Sénégal. "L'argument de l'incompétence des femmes est non fondé. Il existe d'innombrables femmes compétentes dans tous les domaines", martèle-t-elle, balayant d'un revers de main les justifications avancées.
Pour cette farouche militante, une gouvernance véritablement inclusive passe inévitablement par l'intégration des femmes à tous les niveaux décisionnels. "Gouverner sans les femmes relève de l'impossible. Nous exigeons à être parties participent dans l'élaboration des politiques publiques", clame-t-elle avec conviction.
Au cœur des réformes exigées par l'AJS figure la révision en profondeur du Code de la famille, un texte vieillissant encore teinté de dispositions discriminatoires. Zeynab Kane insiste également sur la nécessité d'améliorer la protection sociale, l'accès aux soins et à l'éducation pour les femmes et les jeunes filles.
L'un des autres défis majeurs réside dans l'autonomisation économique des Sénégalaises. Avec un taux de chômage élevé chez les jeunes diplômés, des mesures ciblées doivent favoriser leur employabilité et leur insertion professionnelle.
Pour atteindre ces objectifs, l'AJS prône une approche collaborative, associant étroitement les organisations féminines de la société civile. "Nos associations disposant d'une expertise terrain forgée durant des décennies. Ignorer cet atout serait un non-sens", plaide Zeynab Kane.
Le changement de paradigme tant promis ne pourra advenir sans les femmes, en première ligne pour défendre leurs droits légitimes. A l'heure de la refondation démocratique, l'AJS assiste du gouvernement à un engagement réel en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes.
UN BLOGUEUR GUINÉEN EN EXIL FACE AU RISQUE D'EXPULSION
Figure critique du régime guinéen exilée au Sénégal, le jeune activiste Djibril Agi Sylla croupit désormais en prison à Dakar. Ses défenseurs alertent sur les périls d'un refoulement vers Conakry
(SenePlus) - Placé en détention provisoire pour séjour irrégulier, le blogueur guinéen Djibril Agi Sylla risque l'expulsion du Sénégal, affirme RFI. Figure critique du régime guinéen, cette décision judiciaire suscite l'inquiétude de son avocat et des ONG.
Selon la radio, le jeune activiste était convoqué par la justice sénégalaise suite à une plainte pour diffamation et injure publique émanant de l'homme d'affaires KPC. Mais lors de l'audience jeudi, le procureur s'aperçoit que M. Sylla, entré au Sénégal le 9 février 2021, n'a pas de titre de séjour.
Bien que le blogueur affirme avoir déposé une demande d'asile politique, il ne peut le prouver. Placé en détention provisoire, il risque une expulsion vers la Guinée. Son avocat, Maître Amadou Kane, s'inquiète auprès de RFI.
"Étant donné qu'il a fui son pays d'origine par crainte, le droit interdit de le refouler. (...) Nous souhaitons alerter les autorités sénégalaises pour exclure tout refoulement vers son pays d'origine", plaide-t-il, évoquant les risques sécuritaires encourus.
L'affaire doit être examinée mardi par le tribunal de grande instance de Dakar. L'issue judiciaire est suivie de près par les organisations de défense des droits humains, inquiètes du sort réservé à ce critique du régime guinéen au Sénégal.
VIVES TENSIONS ENTRE TÉHÉRAN ET TEL-AVIV
L'Iran a lancé une attaque de drones contre Israël, franchissant un nouveau palier dans l'escalade des tensions avec son ennemi juré. Cette riposte aux frappes israéliennes en Syrie plonge la région dans l'incertitude quant aux risques d'un embrasement
(SenePlus) - Téhéran a lancé une attaque de drones contre Israël samedi soir depuis son territoire, a annoncé le porte-parole de l'armée israélienne Daniel Hagari dans une allocution télévisée, comme l'ont confirmé des médias d'Etat iraniens. Cette opération intervient après que l'Iran a promis de "punir" Israël pour une attaque meurtrière sur son consulat à Damas le 1er avril, rapporte l'AFP.
"Nous surveillons la menace dans l'espace aérien", a déclaré M. Hagari, précisant collaborer avec les Etats-Unis et des partenaires régionaux pour intercepter les drones. Israël a dans la foulée fermé son espace aérien par précaution. Le Premier ministre Benyamin Netanyahu a assuré le pays était "prêt à faire face à n'importe quel scénario".
Cet accès de tensions a incité plusieurs pays comme la Jordanie et l'Irak à fermer également leur espace aérien, rapporte Le Monde. La France a enjoint ses ressortissants à ne pas se rendre en Iran, Israël et au Liban.
D'après ce même article, la saisie samedi par l'Iran d'un porte-conteneurs israélien dans le Golfe avait déjà fait craindre une riposte imminente de Téhéran. Signe de l'état d'alerte, l'armée israélienne a fermé les écoles pour deux jours et limité les rassemblements.
Les Etats-Unis ont "fermement" condamné l'acte de "piraterie" iranien et réaffirmé leur "engagement inébranlable" envers Israël, a écrit sur Twitter le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan. Le président Biden a écourté son week-end pour des consultations d'urgence, révèle ce média. Une escalade semble se profiler entre l'Iran et Israël dans ce contexte de vives tensions.
LA DANGEREUSE HUBRIS DES MILITAIRES MALIENS
Depuis presque 4 ans, le Mali est privé de dirigeants élus, tandis que les maux ayant motivé le premier coup d'Etat "n'ont cessé d'empirer". Il y a toujours un risque à vouloir abréger les mandats réguliers, pour se faire la courte-échelle vers le pouvoir
(SenePlus) - La junte au pouvoir au Mali a franchi un cap cette semaine en suspendant les activités des partis politiques et de certaines associations, et en interdisant aux médias de les relayer. Une réaction, selon certains, à l'appel lancé début avril par plus de 80 partis et organisations de la société civile pour la tenue d'une élection présidentielle et la fin de la transition militaire.
"À bien des égards, ces mesures trahissent une certaine fébrilité, au moment où l'on attend de la junte qu'elle fédère, dans le dialogue, les Maliens autour de valeurs", analyse Jean-Baptiste Placca dans un éditorial pour RFI. Depuis presque 4 ans, le Mali est privé de dirigeants élus, tandis que les maux ayant motivé le premier coup d'Etat "n'ont cessé d'empirer".
Une situation qui interroge de nombreux Maliens sur "le sens même de cette transition". L'argument d'un membre du Conseil national de transition selon lequel "la raison d'État prime sur les libertés" sonne comme un aveu accablant. "La plupart réalisent à quel point, au nom des miettes qu'ils recueillent de la mangeoire d'État, certains peuvent renoncer à toute éthique, à tout principe."
Une transition née d'ambitions personnelles ?
Comment en est-on arrivé là ? L'éditorialiste rappelle que la junte d'Assimi Goïta "n'était qu'un troisième larron, venu cueillir un pouvoir déstabilisé" par les manifestations contre IBK. Des acteurs qui les avaient alors soutenus "étaient persuadés que cela leur profiterait personnellement".
"Nombre des acteurs politiques qui avaient alimenté la fronde contre Ibrahim Boubacar Keïta étaient persuadés que cela leur profiterait personnellement. Tous avaient applaudi Assimi Goïta, avant d'en devenir les détracteurs."
Une mise en garde : "Il y a toujours un risque à vouloir abréger les mandats réguliers, pour se faire la courte-échelle vers le pouvoir." Tandis que d'autres, "conscients de ne jamais pouvoir sortir vainqueurs d'élections régulières, préfèrent miser sur des révolutions opportunes".
Répression ou chaos : quel avenir ?
Face à l'intransigeance des militaires, quelle issue ? "À moins d'avoir le courage des Sénégalais, quelques-uns seront arrêtés, et les autres se tiendront plus ou moins cois", prédit J-B Placca. Mais "les troubles peuvent aussi bien reprendre, avec le risque que cela inspire d'autres troisièmes larrons".
La perspective d'élections semble s'éloigner chaque jour davantage. "Il faut du courage, pour, comme le Premier ministre du Mali, annoncer à ses concitoyens qu'il n'y aura d'élection qu'une fois le pays stabilisé. Car, lui-même ne sait pas quand."
Bref, au Mali, "la transition est à durée indéterminée. Les privations diverses le sont déjà, les journées sans électricité aussi, comme certaines libertés. L'heure est donc vraiment propice aux illusions à durée indéterminée !"
DES CLASSES INCLUSIVES POUR LES ÉLÈVES SOURDS ET MALENTENDANTS AU SÉNÉGAL
Dans quelques établissements scolaires du Sénégal, on teste avec succès de nouvelles classes mixtes accueillant élèves sourds et entendants. Une innovation porteuse d'espoir pour la scolarisation de tous
(SenePlus)- Dans certaines classes du Sénégal, les élèves sourds et malentendants étudient désormais aux côtés des autres. C'est le cas à l'école Apix Guinaw Rails Sud, dans la banlieue de Dakar, où Mouhamed Sall suit sa scolarité avec le soutien d'une assistance. Lors d'un cours observé par l'agence Associated Press, ce dernier s'est avancé au tableau noir et a posé rapidement une question en langage des signes à l'assistante. Il a ensuite résolu l'exercice, sous les applaudissements silencieux de ses camarades qui agitaient leurs mains en signe d'appréciation.
Certains élèves de la classe se sont familiarisés avec la langue des signes ces derniers mois pour communiquer avec Mouhamed Sall, qu'ils connaissaient déjà de l'école primaire. "On a appris le langage des signes car on est amis depuis longtemps, ça a été facile", témoigne l'un d'eux, Salane Senghor. Les nouveaux camarades sont curieux et regardent souvent vers l'assistante pour comprendre ce que dit Mouhamed Sall.
Pourtant, l'inclusion scolaire des enfants handicapés reste un défi au Sénégal. Selon l'UNICEF, 60% d'entre eux ne vont pas à l'école, faute notamment de données statistiques fiables. Le pays manque en effet d'une stratégie nationale en la matière, malgré quelques initiatives pionnières comme celle de l'école Apix, soutenue depuis l'an dernier par l'ONG Humanité & Inclusion. Celle-ci finance le recrutement d'assistances maîtrisant la langue des signes dans quatre établissements scolaires pilotes.
"Nous voulons des progrès du gouvernement pour garantir à chaque enfant, quelles que soient ses capacités, l'accès à l'éducation", souligne Sara Poehlman de l'UNICEF. Car dans une région où les frais scolaires pèsent lourd, le programme permet à Mouhamed Sall de suivre sa scolarité gratuitement, après que sa mère a longtemps payé des activités spécialisées coûteuses.
Des initiatives volontaristes émergent pourtant, comme les récentes formations électorales en langue des signes ou le succès de l'équipe nationale sourde de football. Mais la route est encore longue pour une véritable inclusion. Les difficultés persistent pour les familles éloignées des établissements pilotes. Et le niveau élevé en langue des signes des élèves sourds pose problème aux enseignants peu formés.
Pour Jandira Monteiro d'Humanité & Inclusion, une collaboration renforcée entre les ministères de la Santé et de l'Éducation est nécessaire. Afin que chaque enfant puisse, comme Mouhamed Sall, développer pleinement ses talents à l'école, au sein d'une société solidaire.
par Bassirou Dieng
CHAPEAU À BIRAME SOULEYE
Certains parrainages sont une opportunité de capter des ressources. On parraine Massamba ou Mademba et on attend qu’il finance toute votre activité ou vous appuie de manière conséquente pour assurer les charges de votre festivité
Les propos du nouveau ministre des Energies du pétrole et des mines sont sur toutes les lèvres depuis sa déclaration d’après prière de Korité à Thiès. Voilà entre autres ce qu’il a dit : « Nous allons travailler pour le Sénégal, c’est notre priorité. Je le dis ici, dans ce gouvernement, on n’y verra pas quelqu’un parrainer des combats de lutte, baptême ou football. Moi, quiconque me fait parrainer pour un combat de lutte ou un baptême, gâche sa fête ». Quel mal y a-t-il dans ces propos ? Absolument rien ! C’est mon avis !
Monsieur le ministre Birame Souleye Diop n’a fait que dire la vérité. Une vérité crue qui pourrait déranger. Mais une vérité tout de même.
Le grand mal du Sénégal, c’est aussi ça. Se voiler les yeux pour ne pas oser regarder en face la vérité. Quand vous osez mettre les points sur les i et dire publiquement ce qui se dit tout bas, certains viennent vous faire la morale et vous taper dessus.
Birame Souleye Diop a bien raison. Ce Sénégal nouveau que nous voulons tous bâtir doit s’accompagner d’un changement de paradigmes à tous les niveaux notamment au niveau comportemental, de la gestion des deniers publics, du comportement de nos dirigeants envers les populations, du comportement des populations vis-à-vis des autorités, etc. Et les points parmi tant d’autres soulevés par le ministre Birame Souleye Diop font partie des maux qui gangrènent notre société depuis des années. Qu’on le dise ou pas, certains parrainages sont une opportunité de capter des ressources. On parraine Massamba ou Mademba et on attend qu’il finance toute votre activité ou vous appuie de manière conséquente pour assurer les charges de votre festivité. Ça, vous le savez et je le sais.
C’est pourquoi je félicite personnellement le ministre Birame Souleye Diop d’avoir bien osé mettre les points sur les i. Et également d’avoir fait savoir à qui veut l’entendre que nous préférons parrainer le Sénégal que de parrainer un combat de lutte, un match de football ou un baptême. Ceux qui réclament un changement de paradigme à tous les niveaux vont sans doute le féliciter. Car, ceux-là savent bien que faire parrainer un ministre, un DG ou autre, qui n’a que son maigre salaire, et attendre qu’il vous donne des centaines ou milliers de billets de banque, c’est entre autres le pousser à aller puiser dans les caisses de l’Etat. Cette pratique doit cesser. On doit mettre fin à ce business qui enrichit une personne.
Birame Souleye a également bien raison de dire que nous allons parrainer le Sénégal en lieu et place des combats de lutte, baptême ou match de football. Car, en le disant, le nouveau ministre de l’Energie, du Pétrole et des Mines, a inclus la finalité de notre projet de gouvernement qui est de changer le Sénégal à tous les niveaux et de manière systémique. Il faut que ce business, qui a enrichi beaucoup des personnes qui s’accommodent de tous les pouvoirs, prenne fin. Parrainons l'Éducation et la Santé au profit de tous plutôt que d’enrichir des gens qui ont fait leur business de ce réseau pour capter de façon indue des ressources du pays. Et ce sont toujours les mêmes aux basques des DG, ministres, députés de tous les pouvoirs qu’ils tournent le dos dès qu’un changement s’opère.
L'ÉRE DU TOUT-ÉCRAN
Le face-à-face disparaît, englouti par la déferlante numérique. Nos smartphones sont devenus les prothèses d'une société où l'on ne se regarde plus en face
(SenePlus) - Selon le sociologue David Le Breton, professeur à l'Université de Strasbourg, nos sociétés connaissent une profonde mutation dans les modes de communication interpersonnelle. Dans une tribune au journal Le Monde, il déplore la disparition progressive du "face-à-face" au profit d'interactions dématérialisées, vidées de leur substance charnelle.
"Le visage est le centre de gravité de toute conversation", souligne-t-il. Plus qu'un simple échange de paroles, le face-à-face instaure "un principe de considération mutuelle" basé sur la réciprocité des regards et de l'attention portée à l'autre. "On supporte mal celui qui ne nous regarde pas en face en s'adressant à nous", rappelle le sociologue.
Pourtant, ce lien charnel tend à se distendre. "Aujourd'hui, dans maintes interactions ou sur les trottoirs des villes, les visages deviennent rares, le plus souvent absorbés par l'écran du smartphone". Une "hypnose sans fin" qui rend aveugle à son environnement immédiat et indifférent à l'autre. "Une société spectrale où, même devant les autres ou dans les rues, les yeux sont souvent baissés sur l'écran".
Des "communications sans visage"
M. Le Breton déplore cette omniprésence des écrans qui engendre des "communications sans visage, sans présence". Un monde "sans chair" où la parole se vide de sa substance, une "humanité assise" coupée de sa sensorialité.
"Les réseaux sociaux sont sans visage, contrairement à la parole du quotidien", affirme-t-il. Ils deviennent des "mondes de masques" où l'anonymat "autorise le harcèlement, les insultes, les menaces". Des "paroles sans visage, sans possibilité de vérification" dans un vaste "carnaval" fait de multiples identités factices.
La fragmentation du lien social
Cette désincarnation de la parole entraîne une profonde fragmentation du lien social selon le chercheur. "Chacun devient une monade, centré sur lui-même et son éventuelle communauté d'intérêt. La chose publique disparaît."
Plus gravement encore, ces nouveaux modes de communication favorisent l'indifférence à autrui. "Nous sommes de moins en moins ensemble, mais de plus en plus côte à côte, dans la fragmentation, les yeux rivés sur nos écrans, sans plus nous regarder", déplore David Le Breton.
Dans ce contexte, le visage humain connaît une véritable mutation, passant du "lieu sacré du rapport à l'autre" à un simple "élément parmi d'autres d'un corps qui a de moins en moins d'importance dans la relation à autrui". Une évolution préoccupante selon le sociologue, qui voit dans cette disparition progressive des visages le signe d'un délitement du lien social et de "la disparition de la chose publique".
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RÉINVENTER LA DIFFUSION DES SAVOIRS
L'enseignement public sénégalais se dégrade au profit du privé, miné par un système déconnecté des réalités culturelles africaines. L'école reproduit un "roman national" orienté, gommant les voix dissidentes et le rôle des femmes dans l'histoire
Dans le cadre de la série "Où va le Sénégal ?", animée par Florian Bobin, chercheur en Histoire à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, un riche échange à eu lieu autour de l'éducation populaire, du rôle des intellectuels et artistes dans la démocratisation des espaces culturels. Zoubida Fall, auteure et animatrice de podcast, l'artiste-graffeur Madzoo TRK et l'universitaire Saliou Diop ont apporté leurs éclairages.
Le constat est sans appel : l'enseignement public sénégalais se dégrade au profit du privé, miné par un système déconnecté des réalités culturelles africaines. L'école reproduit un "roman national" orienté, gommant les voix dissidentes et le rôle des femmes dans l'histoire. Face à cette vision convenue, les intervenants impliquent un regard décapant.
En réinscrivant dans l'espace public, via différents médias, des figures et récits historiques marginalisés, ils œuvrent pour une « éducation populaire ». Les fresques monumentales de Madzoo TRK rendent visibles des personnalités comme Frantz Fanon ou Amílcar Cabral. Le podcast "Conversations féminines" de Zoubida Fall amplifie les voix féminines trop souvent inaudibles. Saliou Diop, par ses recherches, désinstitutionnalise la pensée du philosophe Cheikh Anta Diop.
Leurs pratiques créent ainsi de nouveaux espaces culturels décentralisés, ancrés dans le quotidien populaire. Mais le combat est de taille face au manque de soutien étatique aux voix alternatives, contraignant à l'auto-organisation et aux financements étrangers.
Dans une société où la culture officielle reproduit les schémas jacobins en concentrant les ressources dans la capitale, ces artistes et intellectuels engagés inventent d'autres modalités de transmission. Une renaissance culturelle et politique par le bas, qui se jouera peut-être de la capacité à "se raconter librement".