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2 décembre 2024
Développement
30 minutes avec
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REMETTRE LES PAYSANS AU COEUR DU DÉVELOPPEMENT
"Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances." C'est le cri d'alarme de Mariam Sow, présidente d'Enda Tiers-Monde. L'experte en agroécologie révèle les dérives d'une politique agricole coupée des réalités locales
Dans un entretien pour "30 minutes avec" animé par Rama Salla Dieng, Mariam Sow, figure de proue de l'agroécologie au Sénégal, a lancé un vibrant plaidoyer pour la souveraineté alimentaire. Du haut de son parcours allant des Maisons Familiales Rurales à la tête d'un réseau international prônant des alternatives au développement, la présidente de l'ONG ENDA Tiers-Monde, a dressé un constat sans appel : "Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances au profit de modèles importés prônant l 'utilisation d'intrants chimiques au détriment des savoirs locaux."
Pourfendant les dérives d'une politique agricole oublieuse de ses racines, elle appelle les nouveaux décideurs à opérer un virage crucial : "Il faut d'abord que l'État arrive à croire en notre foncier, notre première richesse. Les terres doivent servir à "Nourrir les Sénégalais, pas à enrichir les multinationales avides de spéculation."
Quand à l'interrogation sur les trois priorités à assigner au nouveau régime, Mariam Sow est cinglante : "Premièrement, accepter et croire que l'agriculture paysanne, l'élevage et les produits forestiers sont des leviers incontournables de création d'emplois, notamment pour la jeunesse."
"Deuxièmement, revoir en profondeur notre système éducatif pour réconcilier l'enfant avec son terroir, ancien dès le bas âge aux réalités du monde rural et inculquer le respect de ces métiers."
"Troisièmement, décentraliser réellement le développement vers les communes, leur donner les moyens d'impulser des dynamiques locales en s'appuyant sur les communautés paysannes et la société civile", martèle-t-elle avec conviction.
Mariam Sow est formelle : pour faire face aux défis des changements climatiques, "l'agroécologie est une obligation pour les pays africains". Une dynamique nationale rassemblant tous les acteurs prend d'ores et déjà corps au Sénégal.
"Il faut que l'État nous écoute et intègre ces alternatives éprouvées dans sa vision politique, intime-t-elle. Les paysans étaient les premiers écologistes naturels, cessons de les délaisser au profit de fausses solutions toutes importées."
Mariam Sow rappelle avec force que bâtir la souveraineté alimentaire, c'est d'abord se réapproprier son destin alimentaire en puisant dans les immenses capacités encore trop souvent ignorées du monde paysan.
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L'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE À PORTÉE DE MAIN
L'ingénieur géologue Fary Ndao dresse un panorama des ressources pétrolières et gazières sénégalaises. Le véritable enjeu réside dans les projets de valorisation locale, seuls à même d'apporter indépendance énergétique et développement durable
Dimanche 14 avril 2024, le groupe Teranga Perspectives, réunissant de jeunes diplômés et étudiants sénégalais basés à Paris, a organisé une conférence passionnante sur les enjeux du pétrole et du gaz au Sénégal. La séance était animée par Fary Ndao, ingénieur géologue à Petrosen Trading and Services, la société nationale des hydrocarbures.
Ndao a dressé un état des lieux complet des découvertes gazières et pétrolières majeures réalisées au large des côtes sénégalaises entre 2014 et 2017, telles que les gisements GTA, Sangomar et Yakaar-Teranga. Grâce à ces réserves considérables, le Sénégal s'impose désormais comme l'un des principaux détenteurs de gaz en Afrique.
L'expert a ensuite démystifié les contrats de partage de production, soulignant que l'État sénégalais en tire la part du lion, avec 52% à 64% des revenus pétroliers par le biais de sa part directe, des impôts et de la participation de Petrosen. Des revenus s'élèvent à environ 700 milliards de francs CFA par an en moyenne sur 30 ans, soit 10% du budget national actuel.
Mais au-delà des simples revenus, Ndao a mis l'accent sur l'impératif de valorisation locale des ressources. Des projets ambitieux sont en cours, comme le raffinage du pétrole de Sangomar, l'augmentation des capacités de la raffinerie SAR, ainsi que la production d'électricité et d'engrais à partir du gaz naturel.
L'exploitation gazière offre en effet des perspectives prometteuses : indépendance énergétique, réduction des coûts de l'électricité de 30 à 40%, accès universel à l'énergie pour les populations rurales et transition vers les énergies renouvelables en accord avec les engagements internationaux du Sénégal.
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LE FRANC CFA, UNE MONNAIE TOUJOURS SOUS TUTELLE FRANÇAISE
Pour l'économiste Ndongo Samba Sylla, le statu quo perdure tant que Paris conserve un rôle de "garant". "Son image en prend un coup, mais elle n'a aucune raison de lâcher prise sur ce système aujourd'hui"
C'était censé être une réforme historique, mettant fin à des décennies de domination française. Mais dans un entretien avec Le Media, l'économiste Ndongo Samba Sylla démontre que la refonte du franc CFA en 2019 n'était qu'un leurre de plus.
Pour Sylla, spécialiste de la Françafrique, la fermeture des comptes d'opérations auprès du Trésor public français n'est qu'une mascarade. "Dans les faits, une bonne partie de ces réserves n'a jamais quitté les caisses de Paris", assène-t-il, dénonçant le manque de transparence criant.
L'économiste va plus loin en qualifiant la réforme de simple "opération de communication". Rebaptisé l'Eco, le franc CFA devait changer de nom pour tourner la page du passé colonial. Une promesse qui s'est enrayée face aux réticences de pays non-francophones comme le Nigeria.
Pour Ndongo Samba Sylla, le statu quo perdure tant que la France conserve un rôle de "garant" sur la nouvelle monnaie ouest-africaine, avec une parité fixe inchangée face à l'euro. "C'est toujours la tutelle de Paris qui prévaut", tranche-t-il.
Ces faux-semblants peinent à convaincre une partie de la jeunesse africaine, qui voit dans le "nouveau" CFA un symbole néocolonial à abattre. Une fronde s'organise d'ailleurs au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Niger pour l'avènement de véritables monnaies nationales ou régionales affranchies de l'influence française.
Face à ces vents de révolte monétaire, Sylla met en garde : "La France n'a économiquement rien à perdre à maintenir le système actuel". Et d'appeler les dirigeants africains à concevoir dès à présent des modèles économiques souverains, seule condition pour qu'une future réforme monétaire ait un sens.
par Nioxor Tine
CONJURER LES PIÈGES CONTRE LA TRANSFORMATION SYSTÉMIQUE
Mettre le bilan immatériel au premier plan, en instaurant une nouvelle gouvernance vertueuse, en assainissant les mœurs politiques, en conquérant toutes nos souverainetés confisquées, reste le plus sûr garant du succès du projet
Le peuple sénégalais n’a pas encore fini d'exulter après la brillante victoire électorale du Pastef, qui aura donné tant de fil à retordre aux faucons de Benno Bokk Yakaar. C’est dire qu’il est du devoir de tous les patriotes et démocrates sincères de notre pays d’accompagner ce mouvement, qui se veut de transformation systémique, tout en gardant un esprit critique.
Passage de témoin dans une ambiance « bon enfant »
Ainsi, il n’a pas échappé, même aux observateurs les plus proches de la nouvelle « mouvance patriotique », l’excès de civilités entre les équipes entrante et sortante, surtout entre le nouveau président, Bassirou Diomaye et l’ancien président, maître-d’œuvre du projet autocratique avorté.
Déjà, l’opinion s’était émue, lors de la conférence de presse tenue au lendemain de leur libération, de ce qui semblait être, sinon une absolution prématurée, tout au moins une indulgence exagérée à l’endroit de l’apprenti-autocrate, contrastant avec un acharnement féroce – quoiqu’amplement mérité – contre le candidat-kleptomane, mal-aimé de Benno Bokk Yakaar.
Il y a eu, ensuite, les discours mielleux lors des passations de pouvoirs entre anciens et nouveaux ministres de la République, qui cadraient mal avec la longue liste de contentieux du régime de Benno Bokk Yakaar avec, d’une part l’opposition sénégalaise, de l’autre avec l’ensemble du peuple sénégalais.
Nous restons convaincus qu’il ne s’agit là que de gestes d’élégance républicaine auxquels, nous ne sommes plus habitués après douze longues années de « barbarie institutionnelle ». Néanmoins, le président nouvellement élu, dont tout le monde salue la politesse exquise doit garder en mémoire ce qu’il est advenu, plus de soixante ans après, de notre prétendue indépendance obtenue à l’issue de négociations très policées d’une petite demi-heure entre le président Senghor et le Général de Gaulle.
Le lourd héritage d’une gouvernance calamiteuse
Contrairement à Me Abdoulaye Wade, après la première alternance de 2000, tout heureux d’avoir hérité d’une importante manne financière du gouvernement socialiste, fruit amer de plus d’une décennie d’un simulacre d’ajustement structurel, responsable d’une paupérisation dramatique des couches populaires, le duo Ousmane-Diomaye, lui, a plutôt eu droit à un endettement colossal. Et encore, s’il ne s’agissait que de ressources financières !
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Pastef dissous et ses fidèles alliés stigmatisés de Yewwi Askan Wi ont pâti d’une déliquescence notoire des institutions de la République, qui aura lourdement handicapé les préparatifs en vue d’une véritable alternative sociopolitique.
Si le monde entier retient surtout le report aussi arbitraire que spectaculaire de l’élection présidentielle le 3 février dernier, le peuple, les démocrates et patriotes de notre pays n’ont pas oublié toutes les autres forfaitures (opacité de la sélection par le parrainage, refus de remettre des fiches de parrainage au mandataire d’Ousmane Sonko, candidats de l’opposition interdits de campagne, procès irréguliers, arrestations arbitraires…).
Tant et si bien que, si notre réputation de vitrine démocratique en Afrique a été préservée et les apparences finalement sauves, notamment concernant le nombre et la durée des mandats présidentiels, ainsi que la victoire électorale attendue du Pastef, beaucoup d’entorses aux normes démocratiques ont été constatées. A titre d’exemple, l’incarcération de la quasi-totalité du staff dirigeant du Pastef a pu impacter négativement sur la cohésion organisationnelle et surtout programmatique de la Coalition Yewwi Askan Wi.
Par ailleurs, en réussissant la prouesse de terrasser, dès le premier tour, le mastodonte que constitue le Parti-Etat apériste, héritier de ses homologues socialiste et libéral, les jeunes cadres politiques du Pastef se sont, de fait, affranchi de toute pression venant de leurs alliés politiques, une situation pleine d’opportunités mais aussi de risques.
Quelle démarche pour écarter les dangers pesant sur la transformation systémique ?
Malgré sa victoire électorale éclatante, le Pastef créé par des cadres de la haute administration, a le devoir impérieux, d’élargir et de consolider sa base sociale focalisée dans les couches moyennes et les grandes agglomérations urbaines, en vue de convertir le vote protestataire en vote d’adhésion au fameux projet patriotique, souverainiste et anti-impérialiste, lors des prochaines législatives.
Il faudra aussi transformer les préjugés favorables dont ce parti et le président Diomaye (lui-même très attaché à sa ville natale, Ndiaganiao) bénéficient dans le monde rural en de solides positions politiques. Il s’agira ensuite de s’ouvrir davantage au monde du travail, notamment aux syndicats et à leurs centrales, sans oublier certains partis de gauche traditionnellement liés à certains secteurs de la classe ouvrière, même ceux d’entre eux qui étaient hostiles au camp patriotique ravalé au rang d’agrégat de sectes populistes.
Pour écarter les menaces, qui pointent à l’horizon, la cooptation dans l’Exécutif, de personnalités neutres, ayant fait la preuve de leur indépendance d’esprit et de leur courage est une excellente chose. Dans le même ordre d’idées, le pays a grandement besoin d’experts, dont les compétences ne font l’objet d’aucun doute, car ayant été concrètement matérialisées et mises en œuvre.
Mais évidemment, les critères de choix les plus déterminants devraient être l’option résolue pour le renforcement de la souveraineté nationale et une véritable transformation sociale de notre pays vers plus de justice sociale, d’équité et de liberté.
On observe déjà quelques embûches dressées sur le chemin des nouvelles autorités allant des décrets de dernière minute sur la nomination de magistrats véreux, les passeports diplomatiques au profit de politiciens affairistes, venant après la fragilisation budgétaire conjuguée au contexte inflationniste.
Il y a aussi cette maladresse avérée et regrettable sur la représentation féminine dans le gouvernement, qui commence à prendre une ampleur disproportionnée, rappelant les éternelles tentatives déjà utilisées par les précédents régimes libéraux, d’instrumentaliser la cause féminine à des fins politiciennes, surtout électoralistes d’ailleurs.
La question est de savoir, si le nouveau régime sera capable de contourner tous ces pièges, pour mener à bien sa tâche de « transformation systémique ».
Dans son allocution du 3 avril, le président Bassirou Diomaye Faye, bien que signataire du pacte national de bonne gouvernance initié par des organisations de la société civile, dont le Sursaut citoyen, a omis de mentionner les Assises nationales, mais a plutôt préconisé des concertations isolées sur le processus électoral et le système judiciaire et d’autres mesures de lutte contre la corruption, la fraude fiscale et de protection des prête-noms repentis et autres lanceurs d’alerte…
Tout en saluant ces mesures courageuses, de rupture par rapport à la gabegie des précédents régimes, nous n’en pensons pas moins, qu’il ne sert à rien de réinventer la roue, avec des mesures disparates, qu’il faudrait plutôt fédérer dans un cadre harmonisé. C’est ce qui nous fait militer pour une approche holistique, telle qu’elle ressort des travaux des Assises nationales et du projet de constitution de la C.N.R.I, qui, à notre humble avis, devrait, après réactualisation, être soumis à référendum, avant la fin de l’année.
Mettre le bilan immatériel au premier plan, en instaurant une nouvelle gouvernance vertueuse, en assainissant les mœurs politiques, en conquérant toutes nos souverainetés confisquées, reste le plus sûr garant du succès du projet qui sera suivi de plusieurs autres victoires du camp du patriotisme et du progrès social.
Par Ababacar FALL
CENA – CENI : QUELLE ALTERNATIVE POUR LE SENEGAL
En annonçant sa volonté de substituer la CENA par une CENI, Diomaye Faye relance le vieux débat sur la meilleure structure pour organiser des élections. Un choix lourd de conséquences au regard des expériences contrastées de ces deux modèles en Afrique
La décision annoncée par le président nouvellement élu Bassirou Diomaye Faye de remplacer la CENA par une CENI, m’offre encore une fois l’occasion de revenir sur un tel sujet qui du reste n’est pas nouveau. A la suite des dysfonctionnements intervenus lors des élections locales de 1996 à Dakar, l’opposition d’alors avait réclamé la mise en place d’une CENI dans le cadre de la commission cellulaire dirigée par le Professeur DiaÏté pour conduire les concertations entre les partis politiques afin d’évaluer les élections locales entachées d’irrégularités et de faire des propositions au Président Diouf pour l’amélioration du système électoral sénégalais.
Ces concertations malheureusement, prendront fin dans la confusion avec un désaccord entre l’opposition regroupé au sein du Collectif des 19 qui voulait une CENI et le parti socialiste qui était pour le maintien du statut quo. Suite à une demande d’arbitrage que lui avait adressé le Collectif des 19, le Président Abdou DIOUF avait tranché la question en optant pour un Observatoire national des élections- ONEL et en créant au sein du ministère de l’intérieur une Direction générale des élections – DGE. Après quelques années d’existence, on s’est rendu compte des limites objectives de l’ONEL bien qu’il constitua quand même une avancée majeure dans le dispositif électoral pour avoir contribué à crédibiliser le processus électoral et à rendre les élections transparentes. Cependant son caractère temporaire, son manque d’autonomie financière, l’absence d’une véritable personnalité juridique et d’un pouvoir de sanction immédiatement exécutoire ont constitué des limites objectives qui rendaient l’ONEL inapproprié dans le cadre d’un processus continu d’approfondissement de la démocratie.
Ainsi en2003, le débat resurgit sur l’opportunité de renforcer les pouvoirs de l’ONEL ou de mettre en place une autre structure, CENA ou CENI à la suite des élections de 2001 et 2002 où la nouvelle opposition qui avait perdu le pouvoir en 2000, convaincue que ces élections n’étaient pas transparentes, fit du renforcement des pouvoirs de l’ONEL une revendication principale.
C’est alors que le président Abdoulaye Wade, par décret n° 2004-673 en date du 02 juin 2004, institua une commission cellulaire chargée de réfléchir sur le cadre juridique, la mission et les attributs de la CENA. La commission cellulaire, dans laquelle j’ai siégé, sous la direction du Professeur Babacar Gueye nommé par décret n° 2004-1379 du 29 octobre 2004 démarra ses travaux à l’école nationale de police le 29 novembre 2004 ; travaux qui s’achèveront le 27 janvier 2005. Le président Wade par décret n° du ……. Mit en place la CENA avec des pouvoirs renforcés avec comme premier Président le Magistrat à la retraite Moustapha Touré. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les points avec les différentes péripéties vécues depuis le limogeage/démission de son président ci-dessus cité et la nomination d’un autre magistrat pour le remplacer, en l’occurrence Doudou Ndir. Je suis largement revenu sur ces différentes péripéties dans mon ouvrage sur l’histoire politique et électorale du Sénégal. La suite, on la connait avec le remplacement brutal de tous les membres de la CENA par le président Macy Sall avec le feuilleton des fiches de parrainage refusées au candidat Ousmane Sonko suite à une décision de justice et l’application parla CENA de son pouvoir d’injonction à l’endroit de l’administration électorale.
La proposition du président de la République dans son adresse à la nation le 3 avril relance Le débat sur l’opportunité de mettre en place une CENI à la place de la CENA probablement à cause de la perception de beaucoup d’acteurs du jeu politique et nombre d’observateurs de la scène politique de l’inefficacité d’une telle institution au cœur du processus électoral. Depuis les élections législatives de 2017 jusqu’à la récente élection de 2024, en passant par celle de 2019, de nombreux faits et actes se sont produits qui pourraient conforter l’idée d’une fragilisation de l’organe de contrôle ou de son inutilité malgré les pouvoirs qui lui sont dévolus.
En 2017, lors de la refonte partielle du fichier, beaucoup de couacs et de dysfonctionnement ont été relevés qui ont traduit une attitude certaine des autorités en charge de l’organisation des élections à mettre la CENA soit sur le fait accompli, soit à agir de manière unilatérale sans l’en informer.
Ainsi que cela ressort du rapport de l’organe de contrôle sur les élections législatives de 2017, à la page 34 on peut noter certains points présentés par cette dernière lors d’une visite d’une délégation conduite par le Ministre de l’Intérieur.
• La CENA n’a pas été associée à l’envoi du matériel électoral et des documents électoraux aux autorités administratives ; cependant au niveau local, aucune récrimination n’a été enregistrée
• Pour la remise des listes électorales aux plénipotentiaires des entités en compétition, la CENA n’a enregistré que deux réclamations, qui ont été satisfaites dès qu’elles ont été portées à la connaissance du DGE
• Un récent communiqué du ministère de l’Intérieur laisse entendre que les bureaux de vote pourraient changer de lieu de localisation pour diverses raisons, amenant la CENA à rappeler que le Code électoral ne permet pas un tel déplacement au stade actuel
• Au sujet de la distribution des cartes d’électeur, la CENA est particulièrement préoccupée par le faible taux de retrait enregistré à la date du 24 juillet 2017.
• Sur l’organisation du retrait des cartes, des communiqués émanant des autorités administratives de Dakar ont été diffusés pour en changer l’organisation et ce, sans l’avis de la CENA
• Enfin, sur l’édition des cartes d’électeur, toujours en cours, la CENA exprime sa vive inquiétude ; au 24 juillet 2017, en effet, un nombre très important de cartes d’électeurs restent à produire et à mettre à la disposition de leurs ayants droits.
Malgré les réponses et les assurances données par le Ministre de l’Intérieur de l’époque Abdoulaye Daouda Diallo quant à sa volonté de respecter la loi, il n’en demeure pas moins que la CENA à bien des égards a été tenue à l’écart de beaucoup d’activités notamment dans la phase de production et de distribution des cartes où une volonté nette de désorganiser le scrutin a été murie et planifiée de façon délibérée.
A la page 46 du rapport, la CENA note pour le déplorer qu’à côté des retards dans l’installation du matériel et des documents électoraux, l’on a noté le manque, voire l’absence totale de bulletins de certaines coalitions dans des bureaux de vote tant au plan national qu’à l’extérieur.
A la page 51 du rapport, le cas de Touba est évoqué, même si la forte pluie de la veille a pu retarder le démarrage du vote, nombre de bureaux de vote n’ont pu démarrer à temps faute de matériel mais surtout de l’absence des bulletins du PDS, ce qui aura été à l’origine du saccage de 220 bureaux de vote. Quid du cas de la Côte-d’Ivoire ou dix-neuf bureaux n’ont pas fonctionné en l’absence de bulletins.
Concernant l’élection présidentielle, environ plus d’un million de cartes d’électeurs ont été distribués sans la présence de la CENA du fait de la modification de l’article L.54 qui permet aux autorités administratives de procéder à la distribution des cartes après le scrutin et d’en tenir seulement informés le comité électoral et la CENA qui a été ainsi privée légalement d’exercer un droit de contrôle que lui confère ses attributs, car elle doit être présente à tous les stades du processus électoral.
Par ailleurs, un des éléments qui fondent l’indépendance de l’organe de contrôle est son autonomie financière ; or dans le cas d’espèces, les moyens nécessaires au fonctionnement de la CENA ont été logés dans le budget du ministère de l’Intérieur exposant l’organe de contrôle à des difficultés financières préjudiciables au bon fonctionnement de ses démembrements départementaux – téléphones suspendues, parc automobile vétuste ou non opérationnel pour cause de panne, mise en congés du personnel après les élections… etc.
Pour rappel, dans une étude comparative des CENI et des CENA en Afrique présentée dans le cadre de la commission cellulaire pour l’institution d’une CENA en 2004, le Professeur Sémou Ndiaye, professeur de droit à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’UCAD en analysant les missions dévolues à ces deux types d’organes, parle de missions variables à savoir :
- L’organisation et la supervision de l’ensemble du processus électoral, d’une part,
- Le contrôle et la supervision du processus électoral, d’autre part.
Dans le premier cas, la commission électorale (CENI) a la maitrise de l’ensemble du processus électoral qui va de l’inscription sur les listes électorales à la proclamation provisoire des résultats en passant par leur organisation. Dans cette hypothèse, l’administration ne dispose plus de prérogatives propres dans le processus électoral. Elle est souvent réduite à assister la Commission qui peut la solliciter pour l’accomplissement d’une tache bien définie à laquelle elle est tenue de s’exécuter. C’est le cas du Niger et du Burkina Faso. Ce dernier pays va plus loin en prévoyant dans son code électoral que la CENI a pour mission la constitution, la gestion et la conservation du fichier électoral national ainsi que l’organisation et la supervision des opérations électorales et référendaires.
Dans le cas du Bénin, la Commission électorale (CENA) est chargée de la préparation, de l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation des résultats. A cette fin, elle dispose de tout pouvoir d’investigation pour garantir la sincérité du vote. Elle proclame les résultats définitifs des élections locales alors que pour les élections législatives et l’élection présidentielle, elle n’a pour prérogatives que la centralisation des résultats et leur transmission à la Cour Constitutionnelle pour vérification de la régularité, l’examen des réclamations et la proclamation des résultats définitifs. Nous sommes là en présence d’une structure vraiment hybride !
Dans le deuxième cas, on a des CENI qui n’ont comme prérogatives que le contrôle et la supervision du processus électoral, l’administration étant chargée de l’organisation des élections. C’est le cas des CENI de Djibouti, du Togo et du Mali. Pour le CENI de Djibouti, elle contrôle la gestion du fichier électoral, l’établissement et la révision des listes électorales, l’impression et la distribution des cartes d’électeurs, la mise en place des matériels et documents électoraux.
Elle veille également à la publication des listes électorales et des membres des bureaux de vote. Le Mali et le Togo présentent les mêmes similitudes avec pour missions uniquement la supervision, le suivi de la régularité du déroulement des opérations électorales référendaires, législatives, présidentielles et locales. (extraits du rapport du Professeur Sémou Ndiaye cité dans mon ouvrage sur l’histoire politique et électorale du Sénégal – P.186).
A cela s’ajoute des exemples de CENI politisées comme c’est le cas de certains pays comme le Niger et le Togo. Pour le Niger, tout parti légalement constitué est représenté à la CENI. De même, les candidats indépendants à chaque élection bénéficient d’une représentation même si c’est commun à l’ensemble de ces candidats. La politisation de cette CENI tient davantage au fait que seuls participent au vote, les représentants de partis politiques légalement constitués, les représentants des candidats indépendants et celui de l’Etat, les autres membres, en particulier, ceux de la société civile étant exclus du vote.
S’agissant du cas du Togo, la CENI comprend neuf membres, quatre de la majorité présidentielle, quatre de l’opposition en plus du président de la Cour d’Appel qui préside es qualité la CENI. On remarquera dans ce dernier cas que la société civile n’est même pas représentée. Cf. étude du Professeur Sémou Ndiaye)
Dans d’autres états, de par leur composition, les commissions électorales sont « dépolitisées ». La première forme de dépolitisation résulte de l’absence de représentation formelle des partis politiques dans les commissions. Ils sont certes habilités à désigner des membres dans ces commissions mais leur choix doit porter sur des personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité ainsi que leur sens patriotique. La CENA béninoise est représentative de cette forme de dépolitisation.
A un degré moindre, le souci de dépolitisation est présent dans la composition des CENI du Mali et du Burkina. Dans ces deux pays, les dix membres de la CENI sont désignés par les partis politiques suivant une répartition équitable entre les partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition. La société civile cependant y est suffisamment représentée pour constituer un tampon entre les deux camps et ainsi s’opposer à une politisation de ces CENI.
La commission électorale de la Tanzanie peut être citée comme autre exemple de dépolitisation en ce que tous les membres de cette commission ne doivent appartenir à aucun parti politique. C’est le Cap vert qui offre l’exemple achevé d’une commission électorale dépolitisée. En effet, si les partis politiques peuvent désigner des représentants à la commission électorale, ces derniers n’ont ni droit à la parole ni droit de vote. (cf. étude du Pofesseur Sémou Ndiaye)
L’auteur souligne également les fortunes diverses des CENA et CENI à l’épreuve des élections. Beaucoup de blocages et de difficultés survenues ont conduit à leur réforme.
Ainsi les crises n’ont pas manqué avec soit des difficultés d’organisation matérielle ou le refus de l’administration de collaborer loyalement.
Si j’ai tenu à faire mention de larges extraits du rapport présenté par le professeur Sémou Ndiaye, et qui ont été pris en compte dans le rapport final soumis aux autorités de l’époque qui avaient mis en place la commission cellulaire dirigé par le professeur Babacar Gueye, c’est pour montrer qu’il a fortement inspiré la décision du pouvoir de mettre en place au Sénégal une Commission Electorale Nationale Autonome – CENA
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L'AUBE D'UNE ÈRE DE SOUVERAINETÉ AFRICAINE
Selon Achille Mbembe, la tutelle des anciennes puissances coloniales est révolue. Il décrit une dynamique portée par l'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants souverainistes. Et dont l'élection de Diomaye Faye constitue l'acte fondateur
Dans un entretien exclusif sur iTV, l'illustre penseur camerounais Achille Mbembe a sonné la charge pour un véritable renouveau des relations Afrique-Occident. Selon lui, une nouvelle vague de jeunes dirigeants insuffle un vent de changement majeur sur le continent.
« Le continent est rentré dans un nouveau cycle historique », a martelé Mbembe, évoquant la fin du compromis postcolonial désormais caduc. Cette mouvance souverainiste, portée par des pressions démographiques et l'influence des idées panafricanistes, remet en cause la tutelle des anciennes puissances coloniales.
Le philosophe n'y est pas allé de main morte, appelant au démantèlement des « chiffons rouges » hérités comme le Franc CFA, jugé trop dispendieux. « Il faut s'en débarrasser, et en bon ordre » a-t-il insisté.
L'exemple sénégalais, un modèle à suivre ?
C'est l'élection de Bassirou Diomaye Faye qui a véritablement cristallisé ces espoirs de rupture. Pour Mbembe, l'accession démocratique au pouvoir du jeune président et de son parti Pastef « est sans doute l'événement le plus marquant des dernières décennies ».
Un événement d'autant plus significatif que la France, après ses déboires au Sahel, « commence à comprendre qu'une page est tournée ». La pression de la société civile lors de cette élection « montre que notre sort est entre nos mains », s'est-il félicité.
Intégration continentale et renaissance culturelle
Mais le défi ne fait que commencer selon le Camerounais. Pour franchir un cap décisif, « l'Afrique doit investir dans ses organisations sous-régionales » plaide-t-il, citant l'exemple du nouveau portefeuille " de l'Intégration africaine " au Sénégal.
L'universitaire appelle également à un "rapatriement de l'imaginaire" par la redécouverte des cultures, des savoirs et de l'art africains trop longtemps délaissés. Un prérequis pour "s'ouvrir à elle-même" et dépasser le morcellement actuel.
Si la tâche s'annonce ardue, la brèche est désormais ouverte selon Mbembe : « Une partie de l'élite comprend qu'il faut se positionner autrement ».
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LA TYRANNIE DU YEBBI
La contre-dot, supposée témoigner de la reconnaissance d'une mariée à sa belle-famille, vire à la ruine financière pour nombre de femmes. Une coutume dévoyée qui confisque leur liberté au nom des "valeurs culturelles"
Au Sénégal, une tradition ancestrale se mue petit à petit en fardeau économique pour les femmes. Le "yebbi", également appelé contre-dot, est censé symboliser la reconnaissance de la mariée envers sa nouvelle belle-famille par des présents offerts lors des cérémonies nuptiales. Mais cette coutume, autrefois sobre, a pris une tournure démesurée de nos jours.
Dans une course effrénée à l'apparat et au paraître, de nombreuses familles s'endettent lourdement pour offrir des cadeaux toujours plus luxueux et coûteux à la belle-famille : tissus de grand prix, bijoux somptueux, électroménager dernier cri... Les femmes, principales actrices de cette compétition dispendieuse, en sont souvent les premières victimes.
JACKSON HINKLE, L'INFLUENCEUR AMÉRICAIN SEMEUR DE DÉSINFORMATION SUR LE SÉNÉGAL
Depuis son élection, le chef de l'Etat essuie les attaques d'un propagandiste américain suivie par des millions de personnes, prétendant à tort que le Sénégal a rompu avec la France et se rapproche de Moscou
(SenePlus) - Depuis l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal, l'influenceur américain Jackson Hinkle multiplie les publications trompeuses sur les réseaux sociaux. Comme le détaille Samba Dialimpa Badji dans une enquête pour Africa Check, un site de fact-checking africain, Hinkle a prétendu mensongèrement que "le nouveau président sénégalais rompt les relations avec la France et établit des relations plus étroites avec la Russie".
"Sur X (ex-Twitter), le compte @jacksonhinklle a fait une publication indiquant : 'Le nouveau président sénégalais rompt les relations avec la France et établit des relations plus étroites avec la Russie'. Le post est illustré de photos de Bassirou Diomaye Faye et de Vladimir Poutine", rapporte l'enquête.
Mais rien ne vient étayer ces allégations dans les déclarations du nouveau chef d'Etat sénégalais. "De l'annonce de sa victoire à la publication de cet article, le président élu n'a fait aucune mention de la France ou de la Russie" dans ses prises de parole, souligne le fact-checker.
Un désinformateur notoire
L'article revient sur le profil de cet influenceur de 25 ans, qui compterait 2,5 millions d'abonnés sur X. "Jackson Hinkle est un commentateur politique américain. Une caractéristique de son compte est sa propension à propager de façon délibérée et assumée du faux contenu."
Il est ainsi régulièrement épinglé pour désinformation, comme lorsqu'il "avait illustré la guerre à Gaza avec une photo prise en Syrie en 2016". Le média israélien Haaretz "l'avait interpelé sur X l'accusant de mentir en déformant les conclusions d'une de ses enquêtes".
L'influenceur s'est rallié au "trumpisme" et est devenu un férvent soutien de la Russie dans la guerre en Ukraine, après s'être présenté dans sa jeunesse comme un militant écologiste.
"Il utilise toujours la même technique : un mélange de sensationnalisme, de complotisme et de fausses informations tout en profitant pour gagner de l'argent. Sur X, il demande à ses 2,5 millions de followers de s'abonner à son compte Premium pour 3 dollars par mois afin de l'aider, dit-il, à 'combattre les propagandistes'. Ironique."
L'enquête conclut qu'avec ses allégations sur le Sénégal, Hinkle pratique une fois de plus sa stratégie de désinformation pour attirer les foules et les inciter à s'abonner contre rémunération à son contenu trompeur.
PAR Aliou Gori Diouf
RÉUSSIR LA TERRITORIALISATION DU PROGRAMME DE DIOMAYE PRESIDENT
Pour une déclinaison réussie de son ambition au niveau local, la nouvelle équipe doit s'attacher à adapter les objectifs et leur mise en œuvre aux réalités de chaque territoire
La territorialisation du Programme de la « Coalition Diomaye Président », un enjeu majeur pour sa pleine réussite. La coalition « Diomaye Président », victorieuse de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, compte mettre en œuvre un programme dont la vision est « Un Sénégal souverain, juste, et prospère dans une Afrique en progrès ». Ce programme se veut un programme de rupture et de refondation pour un Sénégal souverain, juste et durablement prospère.
Comme pour tout programme de développement destiné à un pays, la question de l’adaptation du programme aux réalités locales du Sénégal se dresse toujours comme un défi de taille pour la réussite de sa mise en œuvre. Ce défi tient au fait que le Sénégal, à l’image de tout pays, est une variété de caractéristiques sociales, culturelles, économiques et écologiques. Ces caractéristiques diverses et variées impliquent des opportunités et des menaces, des forces et des faiblesses pour le développement du pays. Tenir compte de ces spécificités culturelles, sociales, économiques et écologiques locales est une condition fondamentale pour gagner la mise en œuvre du programme de ladite coalition. Ce qui démontre le caractère stratégique de l’enjeu de la territorialisation du programme de la coalition gagnante.
La territorialisation du programme de rupture et de refondation sociale, culturelle, économique, politique, et environnementale pour un Sénégal souverain, juste et prospère désigne le processus d'adaptation des priorités, objectifs et de la mise en œuvre dudit programme aux particularités des contextes des territoires. Qu’est-ce qu’un territoire ?
Le territoire, qu’est-ce que ça veut dire ? Ce concept est polysémique puisque revêtant plusieurs sens selon les disciplines telles que la géographie, la science politique, le droit, la sociologie, l’écologie, l’économie, l’aménagement du territoire, la philosophie etc. Si en sciences juridiques, en sciences politiques le concept est étroitement associé à la notion d’Etat, en géographie, en sociologie, en écologie, en économie, en aménagement du territoire et en philosophie, la dimension étatique n’est pas essentielle ; elle ne figure même pas dans les critères définissant un territoire. Ces disciplines mettent davantage en avant, dans la définition du territoire, la vie de relations. L’intensité des relations sociales d’une part et des relations entre les humains et l’espace physique d’autre part est déterminante. C‘est ainsi que pour l’économiste, le territoire est défini par la puissance des relations ou activités économiques, l’abondance des ressources, et l’existence d’infrastructures. Le territoire de l’économiste peut renvoyer aux zones de marché, de réseaux de production, et de flux économiques. En écologie, le concept de territoire désigne l’espace peuplé par des espèces végétales ou des groupes spécifiques d’espèces végétales pour assurer leur reproduction et leur développement. Le territoire du sociologue est généralement défini par la perception et le sens qu’accordent les humains à l’espace physique. Le territoire est éminemment social ; il n’a de sens que par rapport à l’humain. Le territoire est un produit des relations sociales et culturelles. Cette conception est assez proche de celle du philosophe qui met l’accent, dans la définition du territoire, sur les dimensions psychologiques et symboliques ; le territoire est un espace vécu, un espace d’émotions, un lieu de mémoire, un lieu d’identité. En aménagement du territoire, l’accent est mis sur l'organisation et de la gestion de l'espace afin d’assurer un certain équilibre dans la répartition spatiale des activités, une cohérence des activités et flux, et le progrès social et économique durable sur l’ensemble du territoire. En géographie, le territoire est défini en s’appuyant à la fois sur les éléments naturels de l’espace terrestre mais aussi sur les relations de la sphère sociale y compris politique. La définition du territoire du géographe intègre des dimensions naturelles, politiques et sociales. Elle synthétise toutes les autres définitions.
Donc, au regard des définitions des différentes disciplines, il ressort que le territoire est un espace terrestre, réceptacle d’interactions des éléments composant les systèmes écologiques et des éléments constituant les systèmes humains mais aussi les interactions entre systèmes humains et systèmes écologiques. Les interactions du milieu écologique, du milieu social, et les relations entre les deux milieux socio-écologiques y sont si fortes, si intenses que le territoire finit par s’individualiser, se démarquer comme une entité, un ensemble cohérent. A coté de cette dimension fonctionnelle, relationnelle du territoire, il faut compter naturellement la dimension structurelle, à savoir le territoire en tant que cadre physique ou contenant de la vie de relations. Ce sont ces deux éléments structurels et relationnels qui définissent un territoire. Pour qu’un territoire soit viable, il doit respecter ces deux éléments.
Cinq principes pour réussir la territorialisation du Programme de la « Coalition Diomaye Président ». La concrétisation de la territorialisation du programme « Rupture et refondation pour un Sénégal souverain, juste et prospère » de la « Coalition Diomaye Président », exige les conditions suivantes :
Définir les limites des territoires. Un préalable obligatoire à la réussite de la territorialisation du programme est la définition consensuelle des limites des territoires qui doivent permettre un développement viable. Le processus d’adaptation du projet, celui permettant aux territoires d’adapter le contenu des objectifs et leur mise en œuvre aux spécificités, aspirations, besoins et priorités locales requiert de connaître les espaces géographiques mais aussi économiques, culturels et politiques de mise en œuvre du projet. Cette délimitation doit se faire sur la base de critères consensuels mais objectifs tels que l’homogénéité ou la cohérence écologique, la cohérence historique voire culturelle, la cohérence économique (il faut que chaque territoire se distingue par l’entretien de rapports économiques forts entre villes et villages qui le composent), portée géographique qui permette sa viabilité etc.
Sensibilisation des parties prenantes. Il faut, dans un premier temps, identifier de façon exhaustive les catégories de parties prenantes nécessaires/indispensables à la conception et à la mise en œuvre du projet dans les territoires. Il faut définir leurs rôles et enfin les informer des objectifs de la territorialisation du projet.
Faire en sorte que les objectifs, les solutions et la mise en œuvre du Programme épouse les spécificités, besoins, priorités et aspirations des territoires. Cela permet garantit que les programmes sont pertinents et efficaces dans des contextes spécifiques. Cela permet d’enraciner le Programme « Diomaye Président » dans la réalité locale de répondre plus précisément aux besoins et aux défis spécifiques des communautés et des territoires concernés.
Assurer la participation des parties prenantes tels que les gouvernements locaux, les organisations communautaires, les entreprises, et les citoyens, pour que le Programme ait une déclinaison territoriale et soit mis en œuvre de manière inclusive.
Autonomiser les parties prenantes locales en matière de conception, d’élaboration et de conduite de et autonomisation. Ce processus offre aux communautés les moyens de piloter leur propre développement et de participer activement à la transformation de leur territoire.
Dr Aliou Gori Diouf est Géographe, spécialiste en recherche, planification, financement et gestion de projets climatiques.
Les visages qui incarnent la gouvernance publique du Sénégal ont changé, mais les politiques ne sont pas en passe de l’être. Pour mieux s’en convaincre, il faut réécouter le Président Bassirou Diomaye Faye, qui a la responsabilité de définir la politique de la Nation, successivement à l’occasion de son allocution d’investiture, le 2 avril 2024, de son adresse à la Nation du 3 avril 2024, en prélude à la fête de l’Indépendance nationale, et surtout sa première communication au Conseil des ministres du 9 avril 2024. C’est comme si la même personne qui tenait la plume pour le Président Macky Sall, continue d’officier sous l’ère du tandem DiomayeSonko. Relisez les «cinq» nouvelles orientations des politiques publiques contenues dans le «Projet de transformation systémique du Sénégal» et comparez-les aux cinq axes principaux fixés à travers l’allocution de Macky Sall, prononcée, le 2 avril 2019, jour de son investiture après sa réélection ! C’est pour constater que les engagements phares de «servir l’Etat et non de se servir», ou de définir des politiques pour la prise en charge des préoccupations en matière d’emploi et de progrès économique et social des jeunes et des femmes ou pour une meilleure inclusion sociale et une équité territoriale, sont déclamés. On notera également la nécessité de moderniser l’Administration publique et l’engagement à développer une politique de bonne gouvernance. La politique de reddition des comptes est annoncée par tous les gouvernements précédents et les textes pertinents pris. Par exemple, les dernières lois votées par l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2024 sur l’Office national contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le Parquet financier, avaient déjà pris en considération les idées de Bassirou Diomaye Faye relatives à la protection des lanceurs d’alerte et la répression des flux financiers illicites. Le dernier mémorandum du gouvernement du Sénégal au Fonds monétaire international (Fmi) l’année dernière, en est une belle illustration. Il ne fera donc pas l’objet de changement de paradigmes ou de règles mais peut-être d’une meilleure volonté politique. De même, le chantier de réforme de la Justice reste encore flou et Bassirou Diomaye Faye ne semble pas avoir de solution prête. Il a emprunté à son malheureux challenger de la Présidentielle, Amadou Ba, son idée d’organiser les Assises de la Justice. Sur cette question, comme sur celle relative à la vie chère, il laisse le soin à des dialogues et concertations pour en définir le contenu et les modalités, dans un contexte de levée des subventions sur les produits de base.
Les matrices restent alors les mêmes. S’il y a quelque chose qui a pu changer, ce serait l’appellation du référentiel des politiques économiques et sociales. Macky Sall inscrivait son action dans le cadre du Programme Sénégal émergent (Pse) et Bassirou Diomaye Faye brandit son «Projet» qui, il faut le dire, reste une grande idée assez abstraite. Mais le plus étonnant est que le nouveau chef de l’Etat n’a pas encore ficelé son «Projet». Il a demandé à son Premier ministre Ousmane Sonko, «sur la base du Projet et des orientations présidentielles, de finaliser, avant la fin du mois d’avril 2024, le Plan d’actions du gouvernement, avec un agenda précis de réalisation des objectifs fixés». Tout porte à croire que le gouvernement ne pourra que réchauffer le Plan d’actions prioritaires (Pap) déjà fixées dans la phase 3 du Pse. En effet, un gouvernement à peine installé, que les ministres n’ont pas encore pris possession de leurs départements respectifs, encore moins constitué leurs cabinets, ne peut élaborer une nouvelle politique publique, avec des objectifs, des moyens d’action et un échéancier en quinze jours. Les ressources humaines des différents ministères techniques, qui avaient travaillé pour l’élaboration et le suivi du Pse, vont demeurer à leurs postes ; encore que certains de ces hauts fonctionnaires ont gagné du galon avec la nouvelle équipe gouvernementale. En outre, comment définir une politique publique sans y associer les partenaires techniques et financiers qui seront sollicités pour son financement ? Ces derniers s’imposeront l’exigence d’examiner ce qui serait nouveau dans ce qui leur sera proposé et ainsi se mettre à évaluer leur faisabilité et surtout voir si cela resterait en adéquation ou en corrélation avec les engagements déjà pris avec le Sénégal. Le Fmi, par exemple, a effectué du 27 avril au 11 mai 2023, une mission de négociation portant sur un nouveau programme économique et financier avec décaissement de trois ans, couvrant la période juin 2023-juin 2026, qui permettra de mobiliser 1150 milliards de francs Cfa. On peut dire de même pour ce qui concerne bien d’autres partenaires. Assurément, le gouvernement du Sénégal ne saurait décider de l’agenda ou du rythme de travail de ses partenaires étrangers ou de leur faire changer de perspective de coopération. En revanche, les nouvelles autorités pourraient sortir de leurs chapeaux des sources de financement, en dehors des cadres et circuits traditionnels. Le cas échéant, se couperaient-elles automatiquement des circuits financiers réguliers. On retiendra sur ce point qu’il y a une urgence pour le nouveau pouvoir au Sénégal de se connecter aux bailleurs de fonds pour trouver des ressources financières ! (Voir notre dernière chronique du 8 avril 2024). Une bouffée d’oxygène leur est donnée avec le décaissement annoncé cette semaine, de près de 325 milliards de francs Cfa que le régime de Macky Sall avait fini de négocier. Il reste à savoir si une bonne partie de ces crédits n’avait pas été déjà consommée en anticipation. Le Premier ministre Ousmane Sonko préparait un déplacement sur Washington, pour prendre contact avec la communauté des partenaires techniques et financiers. Il y aurait finalement renoncé, semble-t-il, préférant envoyer ses ministres de l’Economie (Sarr), des Finances (Diba) et le Secrétaire général du gouvernement (Lô). Quels fruits pourrait-il escompter d’un tel déplacement s’il n’a pas encore un «Projet» déjà ficelé et adoubé par les partenaires ? Il risquait le discrédit s’il se présentait devant les partenaires, sans leur proposer un référentiel de politiques publiques qui aura satisfait aux exigences essentielles et fondamentales. L’adoption par les bailleurs de fonds du Pse avait nécessité de longs mois de travail et de discussions, et surtout la tenue de deux groupes consultatifs à Paris en 2014 et 2018. On ne voit pas ces partenaires changer de procédures ou de méthodes pour adouber les nouvelles autorités du Sénégal. En allant précipitamment à Washington pour rencontrer les institutions de Bretton Woods, le gouvernement pourra faire dans la communication institutionnelle mais ne rentrera nullement avec des chèques. Le Premier ministre Sonko a déjà indiqué au Fmi qu’il va poursuivre le programme conclu avec le Sénégal. Le prochain décaissement est prévu pour le mois de juillet 2024, à condition de satisfaire à certaines exigences spécifiques. La rupture tant annoncée attendra sur cette question, comme sur celle de battre une nouvelle monnaie. Les bailleurs attendent le Sénégal sur cette question cruciale de l’idée de se retirer de la monnaie communautaire. Le fait de nommer un ministre de l’Economie qui prône une monnaie nationale ne serait pas de nature à faciliter les choses.
Par ailleurs, quelle sera la capacité d’endettement du pays en attendant les nouveaux ratios qui seront tributaires de l’opération de «re-basing» du Produit intérieur brut (Pib) dont la finalisation est annoncée pour le mois de juillet 2024 alors que le Président Macky Sall n’a eu de cesse, depuis le 30 août 2023, d’exiger les résultats ?
Les premières volontés que le Président Bassirou Diomaye Faye a confiées au président Amadou Mame Diop !
Bassirou Diomaye Faye, candidat à l’élection présidentielle, avait promis de supprimer certaines institutions publiques pour faire des économies budgétaires. Il s’agit en l’occurrence du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct). Les économies budgétaires ne seront véritablement pas très significatives car chacune de ces deux institutions ne se voit allouer qu’un budget annuel autour de 7,5 milliards de francs Cfa, soit quelque 0, 10% du budget total de l’Etat. Economies de bouts de chandelles ? Peutêtre pas tant que cela ! Aussi ces mesures pourraient permettre de brandir quelques trophées symboliques pour donner des gages de réduction du train de vie de l’Etat. Abdoulaye Wade avait usé de ce stratagème en 2001, pour supprimer le Conseil économique et social (Ces), qui existait depuis toujours, et le Sénat, institué en 1999 par le Président Abdou Diouf. Le Président Wade remplacera en 2004, le Ces par le Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (Craes) ; qu’il fera à nouveau remplacer par le Conseil économique et social (Ces) en 2008. En mai 2007, il recréa le Sénat. A l’arrivée au pouvoir de Macky Sall en 2012, le Craes sera remplacé par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). La même année, Macky Sall supprima le Sénat pour, disait-il, affecter les ressources budgétaires à aider les victimes des inondations. La leçon de l’Histoire est que les réformes constitutionnelles permettaient à chaque fois aux autorités politiques de trouver le prétexte pour changer l’appellation d’une institution et y nommer leur propre clientèle politique. Le Président Macky Sall usera du procédé et en abusera, peut-être jusqu’à instituer le Hcct (5 avril 2016) ou la Commission nationale du dialogue des territoires (21 décembre 2015).
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a saisi, verbalement, le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, de sa volonté de procéder à des réformes institutionnelles qui devront avoir raison du Cese, du Hcct et qui permettront l’accroissement des attributions du Premier ministre. On ne sait pas encore sur quelle majorité parlementaire pourra s’appuyer le nouveau régime politique pour les faire passer ou bien recourra-t-il à la voie référendaire ? D’ailleurs, divers milieux avaient pensé (finalement à tort), que cette question devait être inscrite à l’ordre du jour de la première réunion du Conseil des ministres, sous l’ère Bassirou Diomaye Faye, le 9 avril 2024. Les discussions ou appréhensions vont bon train, particulièrement sur la question de donner davantage de pouvoirs au Premier ministre. D’aucuns voudraient y voir un souci d’équilibrage des pouvoirs entre le Président Faye et son Premier ministre Sonko. Va-t-on aller jusqu’à un changement de régime politique qui reste, au titre de l’actuelle Constitution du Sénégal, un régime présidentialiste ? Le projet de texte est encore tenu secret mais il faut reconnaître qu’il y aurait une nécessité, à tout le moins, à retoucher l’architecture ou le cadre des rapports fonctionnels entre la présidence de la République et la Primature.
Corriger des oukazes de Macky Sall pour donner le plein rôle à Ousmane Sonko
Le Président Macky Sall, en supprimant le poste de Premier ministre, au lendemain de l’élection présidentielle de février 2019, avait fait transférer toutes les compétences de gestion du Premier ministre au Secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr). L’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne, à sa nouvelle «station» de Sgpr, continuait alors à assurer l’approbation des contrats et autres projets d’investissements signés par l’Etat du Sénégal. Il quittera ses fonctions pour des raisons de santé, et sera remplacé, le 1er novembre 2020, par son adjoint Oumar Samba Ba. La réhabilitation du poste de Premier ministre n’a pas pour autant décidé le Président Macky Sall à restituer au titulaire ses attributions en matière de gestion ; le Sgpr continuant de siphonner les compétences traditionnelles du Premier ministre en continuant d’assurer la tutelle de l’Autorité de régulation de la commande publique. Amadou Ba, nommé le 17 septembre 2022, pouvait être frustré de cette situation mais n’a jamais estimé devoir réclamer à être rétabli dans la plénitude de ses attributions de Premier ministre. Il n’avait donc pas la latitude de signer des marchés. Cette situation peut se révéler commode, au moment où on parle de travers de gestion du régime défunt. C’est de cette situation réductrice que Ousmane Sonko a hérité. Ce ne sera, indubitablement, que justice ou équité si la réforme préconisée lui donne toutes les mensurations de son costume de Premier ministre ! Le décret de répartition des services de l’Etat, que l’on continue d’attendre, devra apporter une première réponse à cette question. Par contre, les pouvoirs supplémentaires à octroyer par la voie législative seront sujets à caution