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2 décembre 2024
Développement
LES CHANTIERS DE LA RUPTURE
Justice, économie au service des plus démunis, politiques publiques inclusives... Felwine Sarr liste les grands défis sociétaux nécessaires pour transformer la victoire démocratique en une révolution sociale profonde, à la hauteur des attentes populaires
Felwine Sarr est convaincu qu’il y a un ethos de l’universitaire, qui est de faire profession de vérité et celle-ci est due à la société et aux puissants. Depuis les Etats-Unis où il enseigne, l’universitaire sénégalais revient, dans cet entretien, sur la « révolution démocratique » que constitue l’élection de Bassirou Diomaye Faye qui, à son avis, doit aboutir à « une révolution sociale » afin de concrétiser le désir de changement exprimé dans les urnes.
Quelle signification donnez-vous à l’élection de Bassirou Diomaye Faye comme président de la République ?
Le sentiment que j’ai, c’est que le peuple sénégalais a réussi une révolution démocratique. Je pense que les deux termes sont importants. Il y a eu un désir de changement profond dans la société sénégalaise et un refus de basculer dans un régime autocratique. Le précédent régime a tenté de violer nos droits et libertés, a exercé une violence soutenue contre le corps social sénégalais, a piétiné les institutions et nous a entrainé dans une situation inédite ces trois dernières années, jusqu’à ce moment crucial où le président de la République avait décidé d’arrêter le processus électoral. Donc, le fait que l’élection ait eu lieu d’une part, que les institutions et le peuple aient résistés et limité les dérives autocratiques, me donne le sentiment qu’une révolution démocratique s’est opérée. Deuxièmement, je trouve que le PASTEF a su résister aux assauts de l’appareil d’État avec une grande détermination et une forte résilience ; il a convaincu les Sénégalais de son projet de rupture et de sortie du pacte néocolonial ; ceci a fait échos et les gens ont voté pour cela. Tous ces changements me font penser aux prémices d’une révolution. Mais cette révolution démocratique doit aboutir à une révolution sociale, économique et politique. Je pense que la révolution frappe à la porte et celle-ci est entrouverte.
À votre avis quelle est la marge de manœuvre du nouveau gouvernement sur des sujets comme l’emploi des jeunes, le coût de la vie ou encore la réforme des institutions ?
On peut résumer ces priorités en deux points : la réforme des institutions et la vie économique et sociale. Sur le premier point, la marge de manœuvre est totale. Il revient au gouvernement en place d’examiner là où nos institutions ont été vulnérables. Si elles ont été mises en mal et secouées, c’est parce qu’il y’avait de la vulnérabilité. Le code électoral a été manipulé pour exclure des candidats, la présence du président de la République et du ministre de la Justice dans le Conseil supérieur de la magistrature pose un problème d’indépendance pour cette institution. Nous avons un sérieux chantier de refondation du système judiciaire et des institutions en règle générale. Il ne faut pas que la victoire du peuple sénégalais nous fasse oublier cette vulnérabilité. Il faut rendre la séparation des pouvoirs beaucoup plus effective avant que le temps de l’oubli n’arrive. L’autre question épineuse, c’est la vie économique qui dépend en partie de ce qui se passe en interne, de la manière dont l’économie est pilotée, mais aussi du contexte global international. Le Sénégal est une petite économie ouverte, souvent affectée et vulnérabilisée par les chocs extérieurs. Lorsque ceux-ci vont dans le bon sens, le pays en bénéficie, mais lorsque la conjoncture est moins bonne, le pays en souffre. Il faudra rapidement restaurer des marges de manœuvre budgétaire. Le pays s’est beaucoup endetté ces dernières années avec un ratio dette/Pib qui est passé d’environ 30% en 2012 à presque 80% aujourd’hui soit au-dessus de la norme communautaire qui est de 70%. Il est nécessaire de rationaliser les dépenses budgétaires et élargir la base de l’assiette fiscale afin de maintenir un niveau d’investissement public soutenu. Il faudra également tenter d’atteindre ce que les économistes appellent le niveau de production potentielle de l’économie. Et pour cela, il faut des innovations technologiques, de la formation du capital humain et de l’investissement dans les secteurs où le pays a des avantages comparatifs afin de générer des gains en compétitivité. Un diagnostic de l’économie sénégalaise est nécessaire, voir où sont ses limites, mais aussi ses forces et ses potentialités. Enfin, mettre en place des filets sociaux pour les couches les plus vulnérables. Quel que soit le niveau de notre richesse nationale, il est possible de mettre en œuvre un peu plus de solidarité envers les plus démunis en même temps que l’on travaille à rendre l’économie beaucoup plus productive. Pour cela, une économie politique de la dignité est un chantier important qui devrait engager toute la nation ; le gouvernement, le secteur privé et ainsi que ceux qui œuvre dans l’économie populaire, sociale et relationnelle.
Comment mettre fin à l’Hyperprésidentialisme ?
Sur la question du rééquilibrage du pouvoir présidentiel, il faut rappeler que l’on a connu une crise de bicéphalie au sommet de l’État entre Senghor et Mamadou Dia en 1962. Et depuis, les pouvoirs du Chef de l’État n’ont cessé de se renforcer jusqu’à ce que l’on fasse l’expérience des limites d’un tel fait. On s’est rendu compte qu’il fallait retirer des pouvoirs au président de la République et les disséminer dans d’autres pouvoirs : législatif ou judiciaire. Vue la manière dont les élections présidentielles se sont déroulées et la figure de leader incontesté du PASTEF qu’incarne Ousmane Sonko, il est un premier ministre avec un poids politique important. Je ne trouve cependant pas que cette situation de partage du pouvoir exécutif de fait, née d’une conjoncture politique singulière, soit la réponse à l’hyperprésidentialisme. Celle-ci doit être institutionnelle et s’effectuer dans l’espace de la Constitution par une distribution plus équilibrée des pouvoirs entre les différentes institutions afin d’assurer l’existence de véritables contre-pouvoirs. Nous devons faire en sorte que les institutions acquièrent force et crédibilité et qu’elles soient en capacité de modeler les comportements des individus, qu’elles s’autonomisent et échappent aux tentatives de capture par le pouvoir politique. Le fait que le Conseil constitutionnel ait retoqué par deux fois des décisions du président de la République participe au renforcement de nos institutions, à la construction d’une jurisprudence qui inscrit dans l’histoire politique du pays l’idée que l’institution judiciaire peut limiter les dérives de l’exécutif. Il faut également réfléchir à comment construire des formes de vie qui réinstituent au cœur de l’aventure sociale, la dignité et l’autonomie des individus. On a eu une victoire importante, mais elle ne doit pas nous faire oublier le chantier qui est devant nous. Nous devons renforcer les institutions pour faire en sorte de ne pas nous retrouver à l’avenir dans de pareilles situations.
Une loi d’amnistie a été votée pour « réconcilier le pays », mais certains continuent de réclamer justice. Comment concilier ces deux impératifs ?
En fait, je pense que l’œuvre de justice est fondamentale pour toute société. La loi d’amnistie qui a été votée, si nous la laissons telle quelle, consacre l’impunité. Quand il y a de l’impunité dans un corps social, celle-ci sème les graines d’une violence à venir. L’histoire nous l’a montré. Les exemples sont légion en Afrique et dans le reste du monde. L’amnistie interroge notre rapport à la justice et à l’histoire. Le problème d’une loi d’amnistie, c’est qu’elle rend difficile le travail de mémoire d’une société. Toute communauté humaine génère ses monstres, mais il faut dialoguer avec ceux-ci, leur faire face, les conjurer et les mettre à distance. La loi d’amnistie empêche d’investir le passé, de savoir ce qui s’est passé, qui a fait quoi, qui est responsable de quoi. Les forces de défense et de sécurité ont exercé une violence létale à l’encontre des Sénégalaises et Sénégalais. Comment on comprend cette violence ? D’où est ce qu’elle vient ? Je pense que son origine remonte au fait colonial et que nous avons retourné la violence coloniale contre nous-mêmes. Frantz Fanon avait prévenu, en suggérant un travail de destruction des institutions coloniales, du risque de nous ensauvager. Je pense que le rapport entre les forces de défense et de sécurité et les citoyens reproduit le rapport du colon au colonisé. Nous devons extirper de cette institution ce rapport à la citoyenneté qui est déshumanisant. Comment répare-t-on cette violence ? Comment la reconnaît-on ? Comment mettre une distance entre elle et le corps social si on n’effectue pas le travail de vérité et de justice pour les victimes ? Quelles leçons tirons-nous de la crise ? Et que faisons-nous pour que celle-ci nous aide à approfondir le fait démocratique. Il est absolument fondamental de rendre justice aux familles des victimes, de situer les responsabilités et de mettre des garde-fous. Il ne faut pas qu’on l’on négocie avec ces faits et que l’on vendent à la société l’idée d’une réconciliation sans justice. Si on indemnise seulement, on ne rend pas justice. C’est important de répondre au besoin justice des citoyennes et citoyens qui ont été victimes. Le pays leur doit ça. Et la société se le doit à elle-même.
Il y a un débat sur la faible présence des femmes dans le nouveau gouvernement. La rupture c’est aussi sur cette question de l’égalité et de l’inclusivité des femmes ?
La politique ce sont aussi des actes symboliques. Je crois qu’il y a une vraie sous-représentation des femmes dans le gouvernement (4 sur 30). Elles représentent 49,6% de la population totale et donc il était important que le gouvernement reflète cela. Sur le plan économique, elles représentent 80% de la force de travail dans le monde rural et agricole, mais ne possèdent que 2% des terres. Quand on regarde les statistiques sur la pauvreté au Sénégal, 33% des femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté (2,15 dollars par jour) et 94% des femmes travaillent dans le secteur informel et elles ont trois fois plus de chances de ne pas être employées, alors qu’elles représentent 40% de la force de travail dans le pays. Dans les ménages, les travaux démontrent que lorsque l’on accroit le bien-être et la prospérité des femmes, il y a un effet bénéfique pour toute la famille, y compris en éducation et en santé. Le ministère de la femme me semble nécessaire car elles ont des problématiques qui leur sont spécifiques ; mais également une économie féministe, c’est-à-dire qui prend en compte et améliore la condition des femmes, parce qu’on ne peut pas avoir de la prospérité dans le pays si la moitié du corps social est victime d’un certain nombre d’handicaps et d’asymétries. Dans tous les domaines on trouve des femmes qui sont très compétentes et capables de diriger des ministères, c’est une revendication tout à fait normale et légitime.
Le nouveau pouvoir place la question de la souveraineté au cœur de ses promesses. Quelle signification donneriez-vous à ce concept et comment s’articule-t-il avec les luttes précédentes ?
On peut dire que la souveraineté, c’est juste la capacité à ne pas se voir imposer la volonté des autres, c’est-à-dire d’être un État qui, sur son territoire, son espace et devant sa population, garde l’exclusivité de ses compétences juridique, exécutive et législative et œuvre pour le bénéfice de ses populations. La souveraineté est une revendication qui date des indépendances. On sortait d’une aliénation de plus d’un siècle avec l’idée de reprendre notre souveraineté politique, économique et sociale et de décider pour nous-mêmes de notre destin, de nos directions et de nos choix sociétaux. Cependant, nous avons certes accédé à la souveraineté dite internationale en 1960, mais nous sommes resté pris dans les rets de relations asymétriques dans plusieurs espaces (économique, politique, épistémologique, symbolique et ainsi que dans celui des futurités, c’est-à-dire des visions du monde). 60 ans après, les jeunesses africaines ont conscience que nous ne sommes pas pleinement maitre chez nous. Les théoriciens des relations internationales soutiennent l’idée d’une fiction de la souveraineté, c’est-à-dire d’un monde sans souveraineté absolue, qui est plutôt interdépendant et ceci du fait de la globalisation. Cependant dans la grande relation d’interdépendance (qui peut être positive ou négative) entre les états-nations, certains sont plus dépendants que d’autres, et nous subissons la dimension négative de l’interdépendance. Dans la demande de souveraineté, il y a le désir d’une relation beaucoup équilibrée avec le reste du monde. Nous savons que nous ne vivons pas dans une autarcie, et que nous sommes reliés au reste du monde, mais nous ne tirons pas de manière équitable les gains d’une relation économique, sociale et culturelle. Nos jeunes ne peuvent pas circuler comme les autres jeunes du reste du monde. Dans le rapport économique, nous ne bénéficions pas prioritairement de nos ressources. Dans les rapports symboliques et politiques, nous avons le sentiment que nous ne décidons pas vraiment de certaines questions qui nous concernent. Cette demande est donc légitime. Pour un peu complexifier la question de la souveraineté, je dirais que c’est un idéal, mais dans la réalité, les États négocient la réalité des interdépendances et essaient de tirer leur épingle du jeu.
Quand on parle de souveraineté il y a une fixation sur la monnaie. En tant qu’économiste monétariste quelle est votre position sur le débat sur le franc Cfa ?
Je suis pour la sortie du franc Cfa. Nos arguments consistent à dire que les accords de coopération monétaire avec la France nous entravent et nous empêchent d’avoir une politique monétaire proactive qui est tournée vers la satisfaction de nos besoins en termes de croissance économique et que celle-ci est trop contrainte par l’arrimage à l’euro. Une monnaie doit refléter les fondamentaux de son économie. Le fait que le franc Cfa soit arrimé à l’euro fait que quand celle-ci s’apprécie (l’euro), le Cfa s’apprécie également ; et cela entrave notre compétitivité externe. Et cette appréciation du franc Cfa vis-à-vis du dollar ou du yen ne dépend pas des dynamiques de nos économies ouest-africaines. Nous perdons donc un degré de liberté. Les études nous ont montré qu’un régime de change plus flexible, dont les marges de fluctuations sont encadrées ; un « currency board » avec un arrimage de la monnaie à un panier de devises au prorata des monnaies des pays avec lesquelles on commerce le plus, était beaucoup plus optimal en termes de bien-être et de croissance économique. Nous avons comparé les différents régimes de change et nous sommes parvenu à la conclusion que pouvoir utiliser le taux de change pour ajuster les chocs, était beaucoup plus bénéfique pour nous. Dans le débat, on a beaucoup mis en avant l’argument de la stabilité, ce qui est vrai, mais cette stabilité-là nous a énormément coûté en termes de croissance économique et de bien-être. En gros, lorsqu’on a fait le travail on a vu que retrouver la souveraineté sur notre politique monétaire pour avoir un « policy-mix » mieux articulé était indéniablement plus préférable en termes de bien-être. Deuxième argument à mettre dans la balance, c’est la dimension symbolique de la monnaie. Le franc Cfa apparaît comme un vestige du fait colonial. Même s’il y a eu des réformes dans le temps et que le nom a changé de signification, dans l’opinion il y a l’idée que c’est une monnaie coloniale, que ce n’est pas notre monnaie. Je pense que la monnaie a une dimension symbolique et imaginaire et qu’il faut répondre à ce besoin. Il ne faut donc pas sous-estimer cette dimension symbolique parce que la monnaie c’est la fiducia, la confiance que les gens ont dans ses fonctions et la complexité c’est d’articuler ces différentes dimensions : économique, symbolique et politique. Dès fois, en tant qu’économiste, j’ai regretté le fait que cette dimension symbolique ait pris le pas sur la réflexion purement économique, mais je comprends que c’est une nécessité d’articuler ces trois dimensions. Et pour toutes ces raisons, nous doit aller vers une réforme et reprendre la souveraineté entière sur la monnaie et l’utiliser au profit de notre prospérité et de notre bien-être économique.
Faut-il faire cette réforme dans le cadre communautaire ou aller vers une monnaie nationale ?
Je pense pour ma part que l’on avait entamé un projet (l’eco) dans le cadre de la Cedeao et que, si on a les moyens d’accélérer ce processus-là et de préserver les gains d’une intégration monétaire et économique, je préférerais qu’on le fasse. Si nous devons aller vers une monnaie nationale, il faudra s’assurer des conditions économiques pour bien le faire, parce que l’on voit bien que c’est à double tranchant : actuellement il y a 23 monnaies africaines qui sont dans la tourmente. Il faut donc réfléchir au bon « trade-off » pour assurer l’effectivité des fonctions de la monnaie ainsi que les avantages de l’indépendance de la politique monétaire. C’est une réflexion à mener avec soin.
Vous venez d’évoquer les difficultés de certaines monnaies africaines, un argument qu’évoquent souvent les tenants du statut quo. Comprenez-vous ceux qui ont peur du changement ?
C’est une inquiétude fondée, du fait que le Cfa nous a apporté une certaine maitrise de l’inflation et une stabilité pendant de longues années et que nous n’avons pas la culture de la fluctuation du taux de change. Donc, c’est une inquiétude que l’on peut comprendre, mais il ne faut pas que cela nous installe dans le confort du statut quo. La vraie question, c’est de savoir la situation vers laquelle nous voulons aller, quels en sont les gains et les limites potentiels. Si l’on gagne plus en termes de prospérité économique à avoir plus de flexibilité et un peu plus d’inflation avec de la fluctuation, il faudrait qu’on l’accepte. Autrement dit, échanger de la stabilité contre de la prospérité. Mais faudrait-il que nous mettions en œuvre les conditions de cette prospérité. Il y a aussi de l’apprentissage. Le jour où l’on sortira du franc Cfa on devra apprendre à raisonner et à travailler autrement. Je pense que la souveraineté c’est aussi accepter d’apprendre à emprunter des chemins inconnus dont on est convaincu qu’au bout, le résultat est préférable. Nous devons mettre en avant le scénario qui, pour nous, va répondre au mieux aux besoins économiques de nos sociétés. Les difficultés qu’éprouvent certains pays comme le Ghana ou le Zimbabwe doivent certes nous faire réfléchir, mais on peut aussi regarder d’autres pays qui ont des monnaies nationales et qui les gèrent plutôt bien et qui ont un niveau de prospérité beaucoup plus élevé que le nôtre et nous inspirer d’eux. Donc, il ne faut pas avoir une peur viscérale du changement, mais regarder où nous mènera ce changement.
35 AGENTS DES AIRES PROTEGEES ENTRE LE SENEGAL ET LA MAURITANIE FORMES SUR L’UTILISATION DES GPS ET LE PILOTAGE DES DRONES
Ces outils que sont le GPS et le drone vont beaucoup nous aider dans la gestion de nos aires protégées, la préservation de la biodiversité et la restauration de nos écosystèmes », ont-ils laissé entendre
Les responsables du Projet de Renforcement de la Coopération transfrontalière pour une meilleure gestion et restauration des écosystèmes dans le Delta du Fleuve Sénégal ont initié depuis le mardi 16 avril 2024 une formation de cinq (5) jours consacrée à l’utilisation des GPS et le pilotage des drones. Celle-ci est destinée aux agents des aires protégées et s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet qui concerne le Sénégal et la Mauritanie à travers la Réserve de Biosphère Transfrontière du Delta du Fleuve Sénégal (RBTDS).
« Une réserve de biosphère, c’est un outil de conciliation, de développement, de l’économie, de l’environnement et de l’appui logistique. Cela se fait sur la base d’un zonage », a rappelé Mme Diop Aminata Sall, Coordonnatrice dudit projet. Elle est revenue sur l’importance de l'utilisation efficace des technologies qui améliore de nos jours la surveillance, la cartographie, et la collecte de données, permettant ainsi une gestion intégrée des écosystèmes.
« Nous avons ciblé les agents qui tournent autour des aire protégées c’est-à-dire ceux qui conservent la biodiversité ou qui font de la restauration des écosystèmes. Ils sont au nombre de trente-cinq (35) répartis entre le Sénégal et la Mauritanie et la formation a porté sur l’utilisation des GPS et le pilotage des drones qui sont des outils vraiment importants de nos jours », a dit la Coordinatrice.
D’après Mme Diop Aminata Sall, l'objectif général de ces sessions est de renforcer les capacités des parties prenantes de la RBTDS sur l’utilisation des GPS et des drones. Il s’agira ainsi de former les participants sur des aspects tels que l’utilisation des Technologies de Localisation pour la Gestion des ressources naturelles ; d’effectuer une surveillance aérienne et suivi des habitats naturels par l’utilisation des drones ; d’analyse des données pour la prise de décision sur la biodiversité et les écosystèmes.
L’initiative est vivement magnifiée par Idrissa Ndiaye, agent des parcs nationaux en service au Parc National des Oiseaux du Djoudj et Sidy Mamadou Diawara, un autre agent originaire de la République de Mauritanie. Tous les deux sont revenus sur l’intérêt qu’ils portent sur cette formation. « Le monde évolue et les nouvelles technologies sont incontournables. Ces outils que sont le GPS et le drone vont beaucoup nous aider dans la gestion de nos aires protégées, la préservation de la biodiversité et la restauration de nos écosystèmes », ont-ils laissé entendre. D’autres séances de formation et des descentes sur le terrain sont au programme de la mise en œuvre de ce projet.
Désigné en 2005, la RBTDS couvre 641.768 hectares du delta du Sénégal et englobe un ensemble d'aires protégées centrales, ainsi que des zones tampons et de transition. Elle a été établie comme un moyen d'intégrer les considérations environnementales, sociales et économiques tout en conciliant la conservation de la biodiversité et l'utilisation durable des ressources naturelles sur le long terme.
QUATRE HOMMES, UN ETAT – Par Henriette Niang KANDE
MACKY SALL, DU TRIOMPHE À L’ÉGAREMENT
L’élection de Macky Sall à la tête du Sénégal en mars 2012 n’avait ressemblé à aucune autre emais personne ne le perdit aussi facilement que la dernière année de son second mandat
Avec Macky Sall, la gestion libérale du pouvoir allait prendre un autre souffle. Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Abdoulaye Wade en 2007, Macky Sall fut le vainqueur de la deuxième alternance à la tête du Sénégal : un autre espoir après la fin des 12 années de règne mouvementé du « Pape du Sopi ». Quoiqu’incarnant, à ses débuts, un nouveau style politique, celui d’un président « moral », transparent, sobre, Macky Sall n’incarna pas la rupture tant attendue. Le mode clientéliste de gestion du pouvoir poussa son parti à tout truster sur fond de patrimonialisation et de privatisation accélérées de l’appareil d’Etat. Le référendum de 2016 consacre la réalité du pouvoir par laquelle Macky Sall « vampirise » autant les institutions constitutionnelles que le processus de sélection des candidats à la présidentielle. On assiste de fait, à la reconstitution d’un Etat superpuissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte. Le point d’orgue en sera le « mortal kombat » entre Macky Sall et Ousmane Sonko, une opposition frontale et « meurtrière » qui livre, à terme, le pouvoir au cinquième président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
L’élection de Macky Sall à la tête du Sénégal en mars 2012 n’avait ressemblé à aucune autre et ne s’était réduite à aucune précédente. Cette année-là, il gagne très vite le soutien des foules, mais personne ne le perdit aussi facilement que la dernière année de son second mandat. Si l’élection relève d’un mécanisme institutionnel et d’un rituel démocratique bien rodé, il n’en demeure pas moins que celle de 2012, s’est inscrite dans le sillage d’une famille politique (les Libéraux) qui a dominé les années 2000. Ce n’est pas un hasard si le tiercé gagnant sorti de la course au premier tour appartient à cette famille : Abdoulaye Wade, Macky Sall, Idrissa Seck. Le trio partage les mêmes caractéristiques : volontaire, téméraire avec une détermination d’airain. De ces trois hommes, Macky Sall a été celui qui a le plus poussé chacun de ces trois traits. D’eux, on ne saurait pas retenir que les incompatibilités de caractères après que leurs tempéraments se sont accordés, dans une harmonie qu’ils ont célébrée maintes fois, publiquement. Pour l'un comme pour les autres, il y eut toujours ce but qu'il leur a fallu apprivoiser, et que le commun des mortels ne saurait envisager sans trembler : le palais de la République. La deuxième alternance qu’a connue le pays procède d’un vote démocratique, sur un mode référendaire (pour ou contre Abdoulaye Wade). Au lancement de la campagne électorale de 2012, Wade avait-il conscience que s'ouvrait devant lui, sur une pente de 21 jours de campagne, l'ubac de son quinquennat ? Idrissa Seck lui, a été incapable de voir dans le regard des autres, autre chose que son propre reflet. Devenu réfractaire à Wade, il a osé se gausser du « monarque républicain ». Et publiquement ! Avec l'insolence en guise d'insoumission. Quant à Macky Sall, il a profité d’une image qui prenait les couleurs d’une aurore naïve. Il est arrivé en se pressant… lentement tout en gagnant du terrain, sans avoir l’air d’y toucher, convainquant les sceptiques, les hésitants, les grincheux.
Les choix de Macky Sall
En 2008, beaucoup de ses camarades de parti et de Sénégalais, ne lui reconnaissaient une épaisseur encore moins une intelligence politique, lorsqu’il se coupait d’Abdoulaye Wade et du Pds. Sa carrière politique commence au lycée, quand il fréquente les maoïstes. Etudiant, il « milite » dans le mouvement marxiste-léniniste duquel il s’éloigne, adhère au Pds et vote Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 1983 et 1988. La même année, il est le secrétaire général de la Convention régionale du parti à Fatick, son lieu de naissance. Son ascension s’esquisse dans le Pds et dans l’administration en 2000. Cette année-là, il est nommé directeur général de Petrosen, la société des Pétroles du Sénégal où il occupait le poste de chef de la division Banque de données. Sa carrière se poursuit dans les différents gouvernements de Wade : ministre de l’Energie et des Mines, ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales (chargé de l’organisation des élections), Premier ministre et directeur de campagne pour la réélection de Wade en 2007, Président de l’Assemblée nationale. Son apprentissage des leçons politiques s’affermit, il acquiert de plus en plus d’expériences et tisse ses réseaux de clientèles politiques, économiques, religieux, dans et en dehors du pays. Il aiguise ses armes sans se faire remarquer dans les agitations fratricides qui minent et secouent dangereusement le PDS, qui le place loin derrière, dans la lignée des héritiers que sont Idrissa Seck et Karim Wade. Abdoulaye Wade en fait le principal instrument mis en action pour faire passer à la trappe, Idrissa Seck. Il s’attelle à la tâche sans état d’âme. Il accompagne la montée en puissance de Karim Wade, le fils du président dans l’appareil d’Etat et tolère ses manœuvres qui visent la création de la Génération du concret. Mais ses gages et ses accompagnements n’empêchent pas sa descente aux enfers, et la guérilla menée contre lui par Wade et par ses camarades de parti. En 2007, après les élections législatives, il devient Président sous surveillance de l’Assemblée nationale, rétif au projet de « dévolution monarchique » du pouvoir de Wade au fils Karim. Il entre ouvertement en dissidence en convoquant ce dernier devant le Parlement pour répondre de la gestion décriée de l’Agence Nationale de la Conférence Islamique (Anoci). Abdoulaye Wade invite alors ses députés à voter une loi réduisant le mandat du président et du bureau de l’Assemblée nationale de cinq à une année.
En 2008, il fait face au harcèlement politique des proches partisans et des représentants de la frange la plus belliqueuse et arrogante du Pds, qui lui reprochent ses velléités d’autonomie politique ou économique (il est convoqué et auditionné à la police pour cause de blanchiment d’argent). On lui transmet un message non équivoque : s’aligner ou se faire écraser. En lui faisant vivre ces affres, Wade et le Pds venaient de dégoupiller une grenade qui leur explosera dans les mains. En réponse à ce traitement, Macky Sall démissionne du Pds et se défait de tous ses mandats électifs. Il réussit ainsi à faire voler en éclat cette image de débonnaire qu’il renvoyait. Il n’était pas nouveau. Il devenait neuf. Il adopte une stratégie qui déborde du cadre de la succession pour celle de la conquête. Elle lui offre une démarche gagnante. Il a fallu de l’habilité, de la détermination et une grande dose de baraka. L’Alliance pour la République (Apr) qu’il crée en 2008 se démarque du Pds et des principaux partis de l’opposition (Ps, Pit, Ld, Reewmi…).
En sa qualité de Président, il prépare sa revanche, la rage au ventre, mais il n’inquiète personne. Il sillonne le pays pour présenter son offre politique basée sur une « nouveauté » : la rupture dont lui-même est un symbole, et laisse Dakar aux activités politiques des principaux leaders des autres partis. Les points les plus saillants de son discours et de son agenda politiques ont été :
- Les marabouts sont des citoyens comme les autres ;
- La patrie avant le parti ;
- La lutte contre la corruption ;
- Le rejet catégorique de la transhumance ;
- La réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
- La suppression du Sénat ;
- Le rétablissement du mandat du bureau de l’assemblée de 1 à 5 ans.
- La déflation institutionnelle et administrative.
En quittant la Place de la Nation, son « mergadou » sous l’aisselle, les cris d’orfraie fusent, mais sur lui, tout semble glisser. Il devient omniprésent sur le terrain, poursuit sa tâche de laboureur sans relâche. Coup de poker insensé.
Face à l’omniprésence brouillonne des partisans de Abdoulaye Wade, il avance d’un pas tranquille enveloppé d’une certaine rondeur. Un de ses ex intimes, dans une confession m’a révélé : « je l’ai observé pendant plusieurs années. Je ne sais pas qui il est ». Ceux qui ont tenté de le percer donnent l’impression de s’enfoncer dans un labyrinthe. Il fait un pied de nez à tous ceux qui l’avaient sous-estimé. Il n’assiste pas à la grand’messe des Assises nationales et n’occupe pas les premiers rangs des manifestations organisées par l’opposition et la société civile.
Face à la coalition de l’opposition Benno Siggil Sénégal, qui ne parvient pas à s’accorder sur une candidature unique (Moustapha Niasse- Tanor Dieng), Macky Sall creuse son sillon et cultive la différence, dans la critique tout en retenue des autres candidats. Au soir du 26 février 2012, jour du premier tour de l’élection présidentielle, il se place derrière Abdoulaye Wade, devance Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, mais surtout Idrissa Seck. Macky Sall peut commencer à préparer le second tour de l’élection présidentielle. Il bénéficie de l’engagement des candidats de l’opposition à soutenir le mieux placé parmi eux. Il commence à tisser sa toile, s’écartant de manière stratégique de certains éléments de son agenda du premier tour. Il adopte, à partir de ce moment une position d’héritier de Wade, que sa dissidence avait masquée. Il revient sur sa proclamation de la qualité de citoyen ordinaire des marabouts et sur son rejet des conclusions de Assises nationales qu’il embrasse désormais « avec réserve » dit-on. Le jeu de yoyo entre l’agenda politique du premier tour qui affiche l’autonomie vis-à-vis des appareils politiques et des associations de la société civile et promeut la rupture et celui du second tour qui s’aménage des espaces de compromis et des alliances avec certaines forces politiques et de la société civile annonce une gouvernance heurtée, sinon très opportuniste. L’héritier de Wade se dépouille déjà des oripeaux du candidat de la rupture.
L’EXERCICE DU POUVOIR
Au début de son mandat, il s’emploie à incarner un nouveau style politique, celui d’un président moral, transparent, sobre. Sa volonté d’afficher la rupture lui fait déclarer son patrimoine, engager une politique de réduction du train de vie de l’Etat en restreignant le premier gouvernement à 25 ministres. Il engage des audits réclamés à cor et à cris par les populations, sur les dignitaires de l’ancien régime, ressuscite la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, crée l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), n’intercède pas en faveur de Serigne Béthio Thioune emprisonné pour complicité de meurtre de deux de ses disciples.
Suite au réaménagement gouvernemental d’octobre 2012, il supprime le ministère chargé des élections et rend au ministère de l’Intérieur, toutes ses prérogatives dans l’organisation des élections. Il dissout le Sénat pour cause de réaffectation de son budget à la gestion des inondations de l’hivernage 2012. Ce qui lui ôte, par ailleurs la possibilité de caser ses partisans et autres alliés qui n’avaient pas trouvé de place dans le gouvernement ou à l’Assemblée nationale. Mais tout cela ne l’a pas empêché d’être pris dans le jeu des alliances politiques et n’a pas permis, on le verra plus tard de « réparer l’image de la politique ». Les élections législatives qui se tiennent trois mois après la présidentielle ne passionnent pas franchement les Sénégalais car seuls 37% des inscrits ont voté.
La coalition Benno Bokk Yakaar sort vainqueur. Dès le soir de sa victoire au deuxième tour de la présidentielle de 2012, Macky Sall, se révèle dans l’exercice du pouvoir, marqué par un seul souci, sa réélection pour un deuxième mandat. Son parti, l’APR n’est pas structurée. Le PDS, malgré son affaiblissement reste une force avec laquelle il faut compter. Les différents autres groupes qui se manifestent dans son entourage, y compris familial, revendiquent des agendas différents sinon opposés et en compétition. La rupture se fait attendre. Le mode clientéliste de gestion de pouvoir n’a pas disparu.
La nomination abusive de ministres-conseillers et l’élargissement du gouvernement, comme les audits engagés et qui tardent à aboutir sont de plus en plus dénoncés. Le parti prend le pas sur la patrie. L’APR truste toutes les positions de directions dans l’administration et les sociétés publiques et parapubliques. Les sinécures et le pillage des ressources financières dénoncés par les organes de contrôle sont sans effet, si ce n’est lui-même qui déclare « avoir mis le coude sur certains dossiers ».
Par petites touches, Macky Sall reconduit le modèle dont il a toujours revendiqué le démantèlement : il mène une politique de la fragmentation qui a des conséquences sur l’espace public, en particulier sur les partis politiques, remettant en cause, dans le même temps des stratégies de coalitions. S’installe par conséquent, une crise de leadership au sein du Parti socialiste, du PIT, de l’AFP et de la LD. Pour les réfractaires, une cavalerie administrative et judiciaire qui piétine tout sur son chemin est lancée et l’opposition est menacée d’être « réduite à sa plus simple expression ».
Les différences de traitement sont manifestes, selon que l’on membre du parti ou non, un droit qui n’est pas égal pour tous, parfois teinté d’humiliation, parfois de violence. Sans dire les pressions exercées sur les concernés par la politique dite de la « traque des biens mal acquis » il consacre publiquement la transhumance lors d’un conseil ministériel à Kaffrine en 2015 : « Un homme politique ne doit pas être rancunier, revanchard. Pourquoi ne devrais-je pas recevoir des gens du Pds ou d’un autre parti qui veulent intégrer l’Apr ? Je n’ai aucun problème à les recevoir ! La transhumance est un terme péjoratif qui ne devrait jamais être utilisé en politique parce qu’elle est réservée au bétail qui quitte des prairies moins fournies pour aller vers des prairies plus fournies. Selon les saisons, le bétail a besoin de se mouvoir. C’est vrai que c’est par analogie que les gens ont taxé les perdants qui vont vers les vainqueurs. Ça peut se concevoir mais le terme n’est pas acceptable. Nous avons tous la liberté d’aller et de venir, c’est la Constitution qui nous le garantit.
Ensuite, les acteurs politiques au Sénégal ne sont pas nombreux. Nous avons à peu près 5 millions d’électeurs sur 13 millions de Sénégalais ». Ce à quoi un observateur avait soufflé avec dépit : “Il a pour lui l’argent, la calculatrice, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte.” Peu à peu, il détricote la politique de passation des marchés. L’inclusion ou l’exclusion des prébendes aux ressources publiques deviennent dès lors, l’unique enjeu des activités politiques. On assiste à un contournement, voire un détournement des appareils de l’Etat mais elle correspond à des prises de position par rapport à ce dernier qui est concomitant à la reconstitution d’un Etat superpuissant flottant au-dessus de la société dans laquelle la parole libre devient suspecte. Il met fin aux fonctions officielles de quiconque se déclare contre son 3ème mandat. Sans en revendiquer l’héritage, il se vêt des habits de Abdoulaye Wade, relativement aux infrastructures, qu’on affichera à la fin de son mandat, sur le tableau des réalisations, que c’est l’élément le plus visible de son « bilan matériel ». Ce qui n’est pas faux. Face à l’indiscipline et au chantage au vote-sanction, le pays connait une inflation institutionnelle et administrative. La mise en place du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) est un exemple parmi d’autres, tandis que la patrimonialisation et la privatisation accélérées de l’appareil d’Etat suivent leurs cours. Aujourd’hui, il se dit que le patrimoine bâti de l’Etat, se réduit à une vingtaine de biens.
Première dame
Dans une « chronique de l’improviste » en date d’octobre 2016, le statut de l’épouse est posé. « Le texte de Monsieur Mody Niang publié (…) dans la presse pose clairement le cas du statut de ce qu’il est convenu d’appeler Première dame de la République. (…) En son temps. Madame Colette Senghor s’est distinguée par une discrétion, un mutisme, si ce n’était une mutité. Durant les années 1980-1990, (…) au plan politique (politicien), une campagne de désenghorisation est lancée. Elle n’a pas seulement pour objet, de trouver une nouvelle honnêteté à Abdou Diouf. Son épouse est également dans la propagande qui fit entendre à tous les Sénégalais que le Palais venait d’être occupé par (presque) d’authentiques Sénégalais (…) Après une décennie de silence, Madame Diouf opère sa mue, prononce un discours, est aux premiers rangs des fidèles lors de la visite du Pape Jean Paul II, sort de sous le couvert de la Fédération nationale de l’action sociale (Fnass).
L’histoire retient qu’en pleine période de préparatifs du 20ème anniversaire de cette fédération, Abdou Diouf trouve un prétexte pour le faire reporter. Deux mois après, la Fondation de son épouse était créée. Madame Diouf s’affirme alors comme actrice de la vie publique, notamment avec sa fondation Solidarité-Partage. A l’époque déjà, et plus encore après la chute du Président Diouf, des voix se sont élevées pour dire l’opacité qui entourait l’objet, son fonctionnement et sa gestion et ont rebaptisé la « Fondation Solidarité, Partage… du gâteau ». Les années 2000 seront celles de la Sénégalaise décomplexée, qui revendique sa part de légitimité dans la construction nationale, comme Viviane Wade réclame sa sienne dans le Sopi. (…). Exaltée par la victoire de son époux, elle sort du Palais, va faire son marché, participe à une marche pour protester contre les violences faites aux femmes, interpelle des soldats en partance pour le Congo en les mettant en garde contre les risques que des vendanges non protégées pourraient causer des récoltes sidéennes et précipite dans la nuit d’un tombeau, la Fondation de Madame Diouf. Elle crée l’«Association Education-Santé », fait construire un hôpital à Ninéfécha, administré par le ministère des Forces Armées.
Le ministère de la Santé de l’époque avait mis à sa disposition un personnel médical. Ce qui avait fait dire à un opposant de son présidentiel époux, non sans raison d’ailleurs : « En réalité c’est un président bis ». Maître Wade avait, quant à lui qualifié son épouse de « sa première opposition » (…). Quant à Marième Faye Sall, elle est décrite comme étant « cette femme qui s’était engagée sur le terrain politique aux côtés de son époux, participant à la mobilisation des électeurs, en pantalon jean et un T shirt à l’effigie du candidat, une casquette vissée sur la tête » Le couple qu’elle forme avec l’actuel président de la République, constitué de deux êtres nés après l’indépendance du pays, nous renvoie sa différence avec la vieille classe politique et son engagement « naturel » avec la rupture. Dès l’accession de son époux à la Présidence de la République, le ton est donné : elle, Sénégalaise bon teint, de père et mère, n’est pas venue d’ailleurs. Cette fois-ci (…), pas d’étrangère. Mais très vite, elle fait l’objet, à tort ou à raison d’alarme dynastique, entre faits de Première Dame, bon plaisir et esprit de cour. Sur son blog, il est inscrit : Marième Faye Sall, Première Dame du Sénégal- Blog officiel, mettant en exergue un lien privé qui donne un privilège public.
La Fondation elle-même, n’a ni site, ni blog. Ou s’ils existent, ils ne sont pas référencés. Quand ce n’est pas la société de Loterie nationale sénégalaise qui offre des ambulances à la « Fondation Servir le Sénégal » qu’elle a mise en place, «elle bénéficie de nombreux soutiens matériels et fi nanciers de mécènes qui cherchent peut-être le retour de l’ascenseur », selon Monsieur Baba Tandian, (…). Toutes ces Premières dames ont quelques points communs. A un moment ou à un autre du ou des mandats de leurs présidentiels époux, elles ont arbitré des querelles politiques, en faisant prévaloir leurs préférences e/ou leur détestation. Seule leur façon de faire est différente. Et c’est là où se situe le nœud du problème. Pas élues, (les électeurs votent pour un candidat et non pour un couple), elles ont plongé (hormis Madame Senghor), avec leur fondation ou association dans des domaines sociaux qui ne sont en rien liés à leurs trajectoires personnelles, mais dont une dynamique a pris forme en les faisant passer de l’effacement à une visibilité accrue grâce à leurs actions humanitaires ou sociales, leur octroyant un rôle politique manifeste.
L’objectif de leurs fondations, leur mot d’ordre est d’identifier les groupes vulnérables, de diminuer les souffrances, de dérouler une politique compassionnelle, s’arrimant ainsi dans cette niche sociale d’un Etat en ruine et d’une privatisation de la redistribution sociale. C’est là que se sont affirmées et continuent de l’être, les activités les plus symboliques et les plus politiques. Le départ du pouvoir du Président battu s’accompagne généralement d’une vague de rejet de l’épouse, qui juste avant l’élection perdue avaient subjugué par leur charme, leur générosité, leur simplicité. Dérivé du « First Lady » américain, le terme Première dame devient l’équivalent qui qualifie l’épouse du candidat sorti vainqueur de cette élection présidentielle, Macky Sall. (…). Cette évolution a contribué à façonner les frontières des sphère publique et domestique que chevauche le pouvoir politique, au point où des voix se sont élevées pour qu’une fonction politique officielle leur soit attribuée. Mais officielle ou pas pourra-t-on un jour dissoudre les humeurs d’une première dame dans une solution constitutionnelle ? ».
Marième Faye Sall a toujours nié la place centrale qu’elle a occupée dans la gouvernance de son époux. Malgré ses déclarations, elle a pesé de plus en plus lourd et son rôle s’est élargi au fil du temps. « Si nous sommes ministres, Matar Ba et moi, nous le devons à Marième Faye » avait lâché Mbagnick Ndiaye, nouvellement promu au ministère de la Culture. Elle a intéressé, elle a intrigué, elle a choqué ou impressionné, boulet pour les uns, atout charme pour les autres. Quelques mois avant la présidentielle de 2024, sa fondation est officiellement dissoute. Le couple Sall, aujourd’hui installé au Maroc, a laissé la place à un tout nouveau président de la République du Sénégal, élu et… polygame. Mais je m’égare…
Découvertes gisements de gaz et de pétrole
En 2014 surviennent les premières découvertes en hydrocarbures dans le pays. D’abord le gisement de Sangomar, qui promettait des revenus à hauteur de 24 milliards USD ensuite ceux de GTA en partage avec la Mauritanie, dont les retombées étaient évaluées à environ 15 milliards USD. Puis survient le scandale Petrotim avec le sulfureux homme d’affaires Frank Timis. Quand bien même le fin mot de cette histoire n’est toujours pas connu, le gouvernement a rendu public tous les contrats sur le pétrole et le gaz conformément à l’adhésion du Sénégal à l’ITIE. Outre les sociétés américaines et britanniques, Total jadis prudent arrive en 2017. Le major français paraphe un contrat avec l’État et se voit octroyer le bloc Rufisque Offshore profond, soulevant une grosse polémique ayant abouti au limogeage ou à la démission de Thierno Alassane Sall. Entretemps le retard de la production s’accumule. Les premiers barils qui devaient être chargés en 2022 puis en 2023 devront attendre au plus tôt, le troisième trimestre 2024.
Rapports avec l’opposition
Il n’y a pas de succès politique sans l’échec des concurrents ou des adversaires et surtout de ceux qui avaient été des amis ou mieux des « frères ». D’anciennes pratiques sont reconduites : l’utilisation politique de la CREI, à la condamnation de Karim Wade et de celle de Khalifa Sall, la défenestration de Nafi Ngom Keita de l’OFNAC qui s’est rendue coupable de se plaindre de ne pas avoir été reçue pour transmettre les rapports de son organisation. Karim Wade sera la première tête de turc de Macky Sall, dans la « traque des biens mal acquis » conduite par la Crei en mars 2013. Il disposait d’un mois pour justifier sa fortune que l’Etat estimait à 600 milliards de F Cfa. Le délai arrivé, il est écroué et condamné après deux ans, en mars 2015 à 6 ans de prison et à une amende de plus de 135 milliards. Le procès fut une véritable traversée du miroir qui finit par coiffer un prévenu impopulaire d’une couronne de martyr et de prisonnier politique victime d’un acharnement judiciaire.
Libéré en catimini en juin 2016, suite à une grâce présidentielle (alors qu’il réclamait un nouveau procès), il s’envole, avec l’obligation de ne plus venir à Dakar, en compagnie du procureur général du Qatar, envoyé par l’Emir en direction de Doha. Ce qui présageait une situation politique invalidante de sa participation à l’élection présidentielle à venir. En mars 2016, un référendum constitutionnel est organisé, comportant 15 points dont la participation de candidats indépendants à tous les types d’élections, la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens, la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale quatre points allaient s’avérer capitaux à veille de la présidentielle de 2014 : la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation , l’augmentation du nombre des membres du même conseil, la désignation par le président de l’Assemblée nationale de deux de ses sept membres, l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaitre des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel,
L'intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'État, au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République. Khalifa Ababacar Sall, maire de Dakar, appelle à voter massivement non. Quelques mois après, en 2017, il est accusé de détournement de ce qu’on a appelé « la caisse d’avance », pour une valeur de 1,8 milliard. Il est condamné à cinq ans de prison et incarcéré, après avoir été révoqué de sa fonction de maire. Auparavant, son immunité parlementaire a été levée.
En mode fast track, il devient ni électeur, ni éligible. Ces partisans et avocats ont très vite dénoncé cette décision contre l’un des principaux opposants de Macky Sall qui devait briguer un second mandat en 2019. Karim Wade et Khalifa Sall ont été les victimes d’opérations de moralisation de la vie politique sénégalaise qui dissimulait mal des sentiments moins nobles relevant davantage du règlement de compte.
Le deuxième mandat
A l’élection de 2019, Macky Sall en sort vainqueur dès le premier tour, devançant Idrissa Seck et Ousmane Sonko. Si Idrissa Seck a été étrangement muet après cette élection, Ousmane Sonko, n’a pas hésité à réserver ses critiques et railleries aux petits et grands cénacles, lapidant de lazzi Macky Sall en place publique, qu’il réduisait en dictateur et qu’il menaçait d’occire comme Samuel Doe. Ses contestations étaient permanentes et avaient trouvé écho parmi de grandes franges de la population, particulièrement chez les jeunes, toujours habile de prendre l'opinion à témoin, la ranger du côté de sa bonne foi apparente, de sa victimisation, sinon de son bon droit. Sa force, celle de son parti et de ses animateurs, a certainement résidé dans leur capacité à incarner une nouvelle figure de la politique qui replace, l’honnêteté, l’engagement, le patriotisme et la citoyenneté au cœur des récits et imaginaires d’une part importante de la jeunesse. S’il est sans doute encore trop tôt pour évaluer les effets profonds de ces manières de se dire et de se penser dans l’espace social elles semblent néanmoins renouveler, sans nécessairement les épuiser, les formes d’inscription de la jeunesse dans le champ politique et social depuis l’indépendance.
En janvier 2018, un massacre est perpétré dans la forêt de Bayotte en Casamance. Le gouvernement prend des décisions quant à l’exploitation (illicite) de bois. Le MFDC a été le premier suspect des médias et du gouvernement. Puis des soldats sénégalais ont été retenus en otage. Il n’en fallait pas plus, pour que Macky Sall, Chef suprême des Armées fasse bombarder les bases des rebelles et quand il déloge Yaya Jammeh, obligé de s’enfuir en Guinée équatoriale, cela tient plus du style de commando que d’une négociation diplomatique. L’épidémie de la Covid en février 2020 fait enregistrer une hécatombe sur le plan humain et met à nu, les fragilités système sanitaire et plus tard, au plan de la gestion des ressources financières qui avaient été affectées pour l’endiguer. Les restrictions qu’imposaient les risques sanitaires obligent les Sénégalais d’observer un couvre-feu, qui lui, un soir, n’a pas été respecté par Ousmane Sonko qui s’est vu accusé de viol par une jeune dame officiant dans le salon de beauté où il allait se faire masser pour calmer ses douleurs lombaires qu’il ressentait depuis sa tendre enfance. Un imbroglio s’ensuit. Tout le monde accuse tout le monde : viol, complot, subornation de témoins…
Sa convocation en mars 2021, au tribunal met le feu aux poudres. Ses partisans, convaincus que l’Etat de Macky Sall veut lui faire subir le même sort que celui de Karim Wade et de Khalifa Sall, parce que non formel investissent la rue et tentent de l’empêcher d’aller répondre au juge qui l’avait convoqué. La réplique des forces de l’ordre est ferme, la riposte l’est tout autant. Plus d’une soixantaine de morts que les deux camps font porter chacun à l’autre, des biens publics et privés pillés ou saccagés. Du côté de la présidence de la République, c’est le mutisme face au bilan de la violence. Macky Sall donne l’impression de compter sur la peur d’une situation chaotique et violente qui pourrait jouer dans l’essoufflement progressif des mobilisations. Il n’en a rien été.
En réaction, l’Etat prend des mesures drastiques contre un discours violent, et qualifie les manifestants et leurs chefs de terroristes, mus par des forces occultes. D’autant que les médias locaux et étrangers, les réseaux sociaux, contribuent à alimenter l’image d’un pays à feu et à sang. Les élections législatives organisées en janvier 2022, ont vu l’Assemblée nationale être configurée autrement que ce que les résultats des législatives avaient donné depuis l’indépendance : un presqu’équilibre entre le nombre de députés de la coalition de la majorité et celle de l’opposition.
A l’ouverture de cette 14ème législature, on assiste à une impression de déliquescence, un cirque dans lequel chaque acteur s’est efforcé d’enfoncer un clou de plus dans le cercueil de la démocratie. Il y a eu le spectacle offert par les nouveaux députés, les insultes, les suspensions de séances, la transformation des élus du peuple en acteurs tik tok, et une ceinture de gendarmes protégeant l’urne pour que le vote puisse se tenir. Cette opération se répètera plus tard. Le 1er juin 2023, le verdict tombe, du procès opposant Adji Sarr qui avait accusé Ousmane Sonko de viol : corruption de la jeunesse. Les manifestants réinvestissent la rue, la violence refait surface, des nervis sont utilisés de part et d’autre, les pillages reprennent. On compte des morts, dont les plus emblématiques sont deux filles brulées dans un véhicule de transport en commun.
En réaction, l’Etat emprisonne à tout va. Manifestants ou soupçonnés tels. Les prisons sont surchargées de « terroristes et d’indépendantistes », plusieurs cadres du Pastef emprisonnés ou affublés d’un bracelet électronique, Ousmane Sonko est condamné par contumace, et le Pastef dissout. Plus tard, il sera emprisonné dans le même temps son éligibilité et son droit d’électeur. Macky Sall, évasif ou muet sur son éventuelle candidature à un 3ème mandat, fait réagir l’opposition à qui on peut tout reprocher sauf de manquer d’imagination dans les choix de création de collectifs, et ce, jusqu’à la veille de l’élection et que Macky Sall, après avoir déclaré sa non-candidature le 3 juillet 2024, s’est mis en tête de se raviser et développe des stratégies spécieuses pour faire reprendre le processus électoral. Pendant trois ans, des coalitions de l’opposition se sont succédé, bâties par les mêmes hommes et femmes, et souvent avec le socle discursif. Nous avons eu droit à toutes les compositions politiciennes d’hommes et de femmes qui sensiblement ont des parcours et des partis divergents mais savent faire front au nom d’intérêts propres.
Le tout entretenant un combat entre deux hommes. Ousmane Sonko en prison, se résout à faire de Bassirou Diomaye Faye, le candidat de Pastef et de la coalition qui le soutient, après avoir porté son choix sur Habib Sy, dont la candidature avait été validée par le Conseil Constitutionnel, suite au parrainage des élus. Cheikh Tidiane Dièye lui, passé le tamis des parrainages, dont la candidature elle aussi a été validée par le Conseil constitutionnel, renonce à sa candidature. Habib Sy en a fait de même.
Décisions refusées par le Conseil Constitutionnel. Du côté de la coalition au pouvoir, « le choix de raison » porté sur Amadou Bâ, fit naître des contestations reposant sur le fait « qu’il n’avait pas une légitimité historique ». Les protestataires opèrent une intensification et une radicalisation contre ce choix, soutenus par Macky Sall aveuglé par une haine qui ne veut pas dire son nom, qui leur souffle à l’oreille, parfait connaisseur des méandres de la politique politicienne, dans une cacophonie favorable à toutes sortes de manœuvres, fait ouvrir les portes de la prison à ces centaines de manifestants « pro Pastef », et suite à ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui, le «Protocole du Cap Manuel », choisit d’amnistier Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye qui recouvrent la liberté. Comme Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, les deux mandats de Macky Sall ont été traversés par Farba Ngom, son griot, dont on dit qu’il avait le pouvoir de faire ou défaire des carrières.
Député et maire, il est nommé secrétaire national de l’Apr, chargé de l’organisation et de la mobilisation. Sa richesse, il la doit à son travail et aux transactions immobilières qu’il opère depuis plus de 20 ans, dit-il. Gent d’arme oral pour Macky Sall, il a été pendant tout le temps à ses côtés, un personnage clivant. La campagne électorale se tient en 10 jours au lieu des 21 prévus par la loi. Macky Sall organise un dialogue boudé par les candidats validés. Dans une saute d’humeur, il lance, « mon départ, du pouvoir, c’est le 2 avril. J’en ai assez ».
Au soir du 24 février, Bassirou Diomaye Faye gagne l’élection, au premier tour, avec 54% des suffrages exprimés. Aucun recours n’a été porté. C’est dans cette conjoncture qu’il faut lire le futur du Sénégal. On dit que le premier mandat d'un Président de la République lui permet d'imprimer sa marque, et que le deuxième contribue à préparer sa place dans l'Histoire. Le nouveau pouvoir est-il capable de bâtir de nouvelles formes d’interventions politiques et d’alliances pour promouvoir la rupture promise depuis 2000 ? D’autant plus que cette génération est la plus à même de trouver un langage qui lui est propre, pour enfin cesser d’être une héritière. Au passage, certains observateurs, analystes, de la scène politique, écrivent ou disent qu'il faut cent jours pour réussir. Mais que ces cent jours ne se situent pas à la fin mais au début d’un quinquennat.
par Abdoulaye Sall
LA LAÏCITÉ EST UN PILIER DE NOTRE RÉPUBLIQUE
Pourquoi créer une structure spécifique pour les diplômés en arabe ? Je m'interroge sur le placement de cette direction au sein de la présidence. La question de la neutralité de l’État face aux différentes confessions religieuses se pose
Je m'adresse à vous aujourd’hui en tant qu’inspecteur de l'enseignement à la retraite et en tant qu’activiste, pour exprimer mes préoccupations profondes concernant la récente création de la Direction des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe au sein de la Présidence de la République. Cette décision, telle qu'annoncée lors du communiqué du conseil des ministres du 17 avril 2924, soulève plusieurs interrogations importantes qui, je le crois, méritent une réflexion approfondie.
Premièrement, en tant que nation qui s’enorgueillit de son caractère laïc, il est surprenant et préoccupant de voir une direction spécifiquement dédiée aux affaires religieuses et à l'insertion d'une catégorie spécifique de diplômés être établie directement sous votre haute autorité. Cette démarche semble indiquer une préférence non seulement pour une confession particulière, mais également pour une discipline d'enseignement spécifique, ce qui peut être perçu comme une rupture du principe d'égalité qui doit prévaloir dans un État laïc.
Deuxièmement, la question de la neutralité de l’État face aux différentes confessions religieuses se pose avec acuité. Il est crucial de savoir de quelle confession sera issu le directeur de cette nouvelle direction, et comment cette nomination pourra affecter l’équilibre et la cohésion entre les différentes communautés religieuses du Sénégal.
Troisièmement, l'insertion des diplômés de l'enseignement arabe soulève la question de la pertinence et de l’équité vis-à-vis des diplômés des autres disciplines linguistiques. Pourquoi créer une structure spécifique pour les diplômés en arabe, et pas pour ceux des autres langues ( français, anglais, russe, allemand, espagnol, langues nationales...) ? Cette décision pourrait être vue comme une forme de favoritisme qui mine les principes d'équité et d'égalité des chances pour tous les citoyens, quelle que soit leur formation académique. Cela d'autant plus que le premier article de la constitution est sans équivoque : "La langue officielle de la République du Sénégal est le Français. Les langues nationales sont le Diola, le Malinké, le Pular, le Sérère, le Soninké, le Wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée". Nulle référence à l'arabe ! Alors monsieur le président de la République si vous voulez vraiment créer une rupture remodelez la constitution et érigez l'arabe comme second langue officielle pour vous mettre à l'aise.
Enfin, je m'interroge sur le placement de cette direction au sein de la présidence. Cette organisation pourrait-elle signifier une ingérence du politique dans des domaines qui devraient plutôt relever de technicités éducatives et religieuses gérées de manière plus neutre et indépendante ?
Monsieur le président, la laïcité est un pilier de notre République. En témoigne notre constitution : "La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances.”
Cette laïcité doit par conséquent être préservée et protégée.
C'est la raison pour laquelle je vous implore de reconsidérer cette initiative, en veillant à ce que l'administration publique reste un espace de neutralité et d'égalité, conformément aux principes qui ont guidé notre nation jusqu'à ce jour.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l'expression de ma très haute considération.
M. Abdoulaye Sall est Inspecteur de l'enseignement à la retraite, activiste à ses heures perdues.
par le chroniqueur de seneplus, Jean Pierre Corréa
PUISQUE L’AIR EST ENCORE SI LÉGER
EXCLUSIF SENEPLUS - L'urgence de la réforme institutionnelle requiert l'achèvement des travaux préparatoires d'ici septembre afin que les législatives et le référendum sur une nouvelle Constitution se tiennent quasiment en même temps
Jean Pierre Corréa de SenePlus |
Publication 19/04/2024
" Nous ne pouvons pas déplorer des effets dont nous avons chéri les causes". Bossuet
Bassirou Diomaye Faye a été élu président dès le premier tour, un résultat salué par la planète entière, qui a fait du Sénégal le laboratoire in vivo de ce que le continent africain est en mesure de déposer dans le panier garni de la démocratie universelle… Le Sénégal..aid est devenu par la grâce turbulente de tout un peuple, le Sénéga…beau… 18 millions de citoyens en ronronnent d’aise et de fierté… Enfin presque, disons 4 millions… non, plutôt 2 millions de Patriotes, les 2 millions restants étant souvent pointés et dépeints comme d’insupportables renégats. Des pas « triotes » quoi ! Mais ça devrait bientôt s’arranger. Que veut dire ce mot de « peuple » d’ailleurs ? “Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple. Ma confiance dans le peuple gouvernant est infinitésimale. Ma confiance dans le peuple gouverné est infinie. Quand le peuple sera intelligent, alors seulement le peuple sera souverain.” Ainsi persiflait Charles Dickens… Mais je digresse.
Cette victoire est perçue non seulement comme le fruit de la détermination du peuple sénégalais, mais aussi comme une preuve de sa volonté inébranlable de défendre sa souveraineté.
Le nouveau pouvoir doit avoir chevillé à l’esprit quasi magique du 24 mars, que l'engagement civique et citoyen a joué un rôle crucial dans la neutralisation des tentatives visant à perturber le processus électoral. Cela a également encouragé le Conseil constitutionnel à affirmer résolument les principes du Droit face à l'Exécutif, qui a parfois semblé chercher à dévier, ignorer ou même défier la législation en vigueur.
Les efforts collectifs et synergiques des organisations de la société civile ont été déterminants dans cette lutte pour la démocratie.
Les Sénégalais dans un bel ensemble, ont su féliciter le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, pour sa victoire éclatante et méritée et sont déterminés à unir leurs efforts et à poursuivre leur mobilisation pour la réalisation des objectifs de bonne gouvernance démocratique, que tout notre peuple attend et appelle de ses vœux.
Le pouvoir nouveau, voulu de manière absolue par le peuple sénégalais, doit considérer que cette victoire est aussi le fruit d’organisations progressistes et démocratiques successives, qui ont mené des combats héroïques multiformes pour conquérir l’exercice des libertés civiles et fondamentales, notamment celles d'association, de réunion, d'expression et de vote. Ces conquêtes ont permis la consécration du pluralisme politique et syndical ainsi que l’avènement d’une presse indépendante du pouvoir politique. C’est certainement sur ces acquis que repose la fameuse « exception sénégalaise » qui, surfaite ou non, explique pour une bonne part l’absence de coup d’État militaire et la réalisation de deux alternances politiques à la tête de l’État par les urnes.
Nous sommes tous patriotes et fiers de notre Histoire, qui ne débute pas le 24 mars 2024.
C’est parce que nous sommes tous des patriotes, sans prétentieuse majuscule, que nous attendons de nos nouveaux gouvernants, qu’ils respectent rapidement l'engagement de refondre en profondeur les institutions pour en finir avec l'hyper-présidentialisme, engagement scellé par la signature du Pacte, l’objectif étant d’arriver à la refonte des institutions. C’est là que se dresse l’urgence, qui commande que le travail préalable soit achevé au plus tard en septembre pour que la nouvelle Assemblée nationale puisse être élue quasiment concomitamment avec un référendum autour de la nouvelle Constitution dans le sillage de celle de la CNRI… Cette urgence peut tout à fait être prise en compte sans jurer d’avec l’exigence sociale et populaire, parfois populiste, de la rupture et de son symbole le « balai ».
Sans oublier que pour bien nettoyer un escalier, il convient de le balayer justement du haut vers le bas, à travers l’exemplarité, et en conformité avec les principes du « JUB, JUBAL, JUBANTI », de la transparence promise, le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a sonné la charge de la « reddition des comptes ». Il a d’abord ordonné la publication des rapports de la Cour des comptes, de l’Inspection générale d’Etat, et de l’OFNAC des cinq dernières années.
Le ton est donné pour la transparence dans la gestion des affaires, promise aux Sénégalais et l’opération « Goxi », rendre gorge, rien de moins, est lancée. Le président de la République, Bassirou Diomaye Diakar Faye a instruit le Garde des Sceaux de finaliser avant le 15 mai 2024, un projet de loi sur la protection des lanceurs d’alerte.
Muscles bandés et menton fier, on donne dans le cosmétique et l’imprudence, car, que tous les rapports soient publiés, n’indique nullement que ceux qui ont vu leurs noms cités dans leurs pages, sont coupables de quoi que ce soit. Il était préférable d’ôter du coude de Macky Sall les dossiers qui empestaient l’atmosphère, et d’en révéler les forfaitures à un peuple spolié par cette kleptocratie décomplexée.
Un projet de loi sur la protection des lanceurs d’alerte
Le président de la République a aussi informé le Conseil qu’il a créé à la présidence de la République une Direction des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe (composé du Bureau des affaires religieuses et du Bureau de l’insertion des diplômés de l’enseignement arabe).
C’est là que le premier « lanceur d’alerte à considérer et bien sûr à protéger s’invite dans un débat pour le moins nauséabond, et adresse au président de la République une lettre ouverte, allongé sur son pliant de retraité, en totale sincérité et biberonné aux principes de la République, une, indivisible, laïque et sociale inscrits en lettre d’Or et sur un socle d’airain dans le préambule de notre Constitution.
Adossé à un rude bon sens, et à une notion très claire de l’Histoire de son pays qui n’a pas débuté encore une fois le 24 mars 2024, Monsieur Abdoulaye Sall, Inspecteur de l'enseignement à la retraite et activiste à ses heures perdues, comme il se définit avec ironie, écrit sans colère aucune mais avec consternation, au chef de l’Etat, pour, je cite « exprimer mes préoccupations profondes concernant la récente création de la Direction des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés de l’Enseignement Arabe au sein de la présidence de la République. Cette décision, soulève plusieurs interrogations importantes qui, je le crois, méritent une réflexion approfondie.
Premièrement, en tant que nation qui s’enorgueillit de son caractère laïc, il est surprenant et préoccupant de voir une direction spécifiquement dédiée aux affaires religieuses et à l'insertion d'une catégorie spécifique de diplômés être établie directement sous votre haute autorité. Cette démarche semble indiquer une préférence non seulement pour une confession particulière, mais également pour une discipline d'enseignement spécifique, ce qui peut être perçu comme une rupture du principe d'égalité qui doit prévaloir dans un État laïc ».
Première alerte.
Semblant lui demander : Mais Diomaye avec qui vous causez avant de décider, la réponse semblant être dans la question, et depuis quand une direction peut être rattachée à la présidence ? », notre papy flingueur d’alerte, secoue son Xalima, le trempe dans le Daa, et assène sur son Alluwa que « l’insertion des diplômés de l'enseignement arabe soulève la question de la pertinence et de l’équité vis-à-vis des diplômés des autres disciplines linguistiques. Pourquoi créer une structure spécifique pour les diplômés en arabe, et pas pour ceux des autres langues (français, anglais, russe, allemand, espagnol, langues nationales...) ? Cette décision pourrait être vue comme une forme de favoritisme qui mine les principes d'équité et d'égalité des chances pour tous les citoyens, quelle que soit leur formation académique. Cela d'autant plus que le premier article de la Constitution est sans équivoque : "La langue officielle de la République du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le diola, le malinké, le pular, le sérère, le soninké, le wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée". Nulle référence à l’arabe ! Fermez le ban !!!
Un ange traverse le bureau du nouveau ministre de l’Éducation nationale, qui avale un boa sans broncher…. Cette organisation pourrait-elle signifier une ingérence du politique dans des domaines qui devraient plutôt relever de technicités éducatives et religieuses gérées de manière plus neutre et indépendante ?
SCUD final
« Monsieur le président, la laïcité est un pilier de notre République. "La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances.” C'est la raison pour laquelle je vous implore de reconsidérer cette initiative, en veillant à ce que l'administration publique reste un espace de neutralité et d'égalité, conformément aux principes qui ont guidé notre nation jusqu'à ce jour ».
Pour ma part, j’ose espérer que le reste relève juste de l’étourderie et de la confusion entre vitesse et précipitation.
Qu’un Conseil interministériel soit consacré à la préparation de la Tabaski 2024, alors qu’avant la Tabaski, 16 ou 17 juin, selon nos lunes capricieuses et récalcitrantes, il y a le pèlerinage national à Popenguine, ça ne peut relever que de l’étourderie et sera vite corrigé.
Qu’une réunion interministérielle de suivi des engagements du gouvernement dans le cadre de la préparation du pèlerinage à la Mecque, édition 2024, soit évoquée alors que les inscriptions pour le pèlerinage aux lieux saints de la chrétienté sont ouvertes depuis quelques jours, apparemment, le gouvernement n’a pas encore déniché les bons sherpas.
Mais puisque c’est juste une question de CV et que l’air est encore léger, tout cela va s’arranger. Il a l’air tellement sympathique notre président Bassirou Diomaye Faye… Il est certain qu’il a aussi la musique.
C’est à lui de rassurer celles et ceux qui redoutent d’être voilées ou « embabouchés » malgré eux et à l’insu de leur plein gré.
par Moussa Bassel
LE CRÉPUSCULE DE L’EMPIRE FRANÇAIS EN AFRIQUE DE L’OUEST
EXCLUSIF SENEPLUS - L’accession au pouvoir de Diomaye Faye sonne le glas de la stratégie française centrée sur l’influence d'une élite politique favorable à ses intérêts pour la perpétuation de relations désavantageuses aux peuples africains
Le changement de régime au Sénégal vient d’ouvrir une boite de pandore pour la France avec le basculement progressif des pays de son pré-carré vers une doctrine souverainiste aux conséquences économiques significatives. Doctrine dont l’application peut être salvatrice pour les pays de la sous-région et compromettante pour les intérêts de l’ancien colonisateur.
Les élections du 24 mars dernier au Sénégal feront date dans l’histoire des relations entre la France et un de ses piliers ouest-fricains. Les résultats favorables au Pastef (Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité) viennent de marquer une rupture de taille dans le sillage des siècles de domination politique, économique et culturelle. Sur le plan politique, le Sénégal a toujours été considéré de l’extérieur comme un laboratoire de stabilité ; image qui cache mal en réalité la longue stratégie française de mise en place et de soutien d’élites politiques sentinelles et protectrices de ses intérêts à travers trois prismes : D’abord celui des accords de coopération mis en place au sortir des indépendances (politiques de défense, politiques économiques et monétaires, gestion des matières premières). Ensuite, un historique documenté dans la mise à l’écart de toute une génération de leaders nationalistes, progressistes, panafricanistes, farouchement opposés au pillage des ressources du continent et adeptes d’une ligne radicale de l’émancipation politico-économique. Enfin, une longue tradition d’eugénisme électoral visant à faire obstruction à la participation des masses populaires au choix de leurs représentants.
Hérité de pratiques coloniales de l’ancienne métropole, cet eugénisme électoral s’est perpétué sous les régimes successifs au Sénégal depuis l’accession à l’indépendance et même bien avant. Il a eu pour noms modifications de la carte administrative, bourrages d’urnes, bureaux de vote fictifs, rétention des cartes d’électeur pour certaines catégories de population jugées hostiles aux régimes en place, emprisonnement d’opposants ou charcutage électoral à l’endroit des primo-votants.
Néanmoins, la capacité du Sénégal à réussir des alternances par la voie des urnes peut s’expliquer en partie par un déclencheur de taille : l’instauration d’un multipartisme intégral par l’adoption de la loi du 6 mai 1981 - une longueur d’avance sur les voisins de la sous-région - qui a vu l’éclosion des partis d’opposition. Les formations politiques ont mené pendant des décennies une lutte sans relâche pour l’adoption d’un code électoral inclusif, transparent, permettant l’expression réelle de la volonté populaire. De nombreux combats ont abouti à engendrer un processus électoral « relativement » robuste qui rend difficile toute possibilité de fraude ou de manipulation des suffrages. Le corollaire dans le subconscient des Sénégalais est l’intériorisation d’une conviction forte qu’aucun pouvoir ne peut résister à leur mobilisation massive dans les urnes. C’est ce qui est au fondement même d’une tradition de luttes pré-électorales émaillées de violences et de pertes en vies humaines. Contrairement donc à un narratif biaisé, les Sénégalais ont souvent payé d’un lourd tribut l’accession au libre choix de leurs dirigeants et à une absence de mainmise extérieure sur le dénouement de leurs processus électoraux.
Par conséquent, si une des cartes maitresses de la France a toujours résidé dans sa capacité d’influence sur une élite politique favorable à ses intérêts pour la perpétuation de relations désavantageuses aux peuples africains, l’accession au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye sonne le glas de cette stratégie. Élément majeur de son domino politique en Afrique subsaharienne, le Sénégal vient de prendre un tournant qui consacre une jeune génération décomplexée, ambitionnant de mettre fin aux relations économiques asymétriques avec la France.
Sur ce plan économique, le Sénégal représente avec la Cote d’Ivoire, un enjeu primordial pour la France. Cette dernière est le premier fournisseur du Sénégal avec une part de marché de 17% des importations. 38% de l’excédent commercial français avec l’UEMOA (Union Monétaire Ouest Africaine) est porté par le Sénégal. Le Sénégal représente 26% des ventes françaises au sein de l’UEMOA et concentre plus de 50% du stock d’investissements directs étrangers Français, sans compter plus d’une centaine d’entreprises françaises implantées sur son sol.
A ce désavantage structurel s’ajoute la question lancinante du franc CFA, arrangement monétaire conclu entre la France et ses anciennes colonies au sortir de la deuxième guerre mondiale, et adossé à une garantie institutionnelle du trésor Français. Les experts en pointent plusieurs éléments néfastes aux économies des zones de prévalence de cette monnaie. Arrimée à une monnaie forte (Euro) elle constitue tout d’abord une subvention pour les importations et une taxe sur les exportations des pays qui l’utilisent. En plombant la production intérieure de biens et services, elle empêche la promotion d’un socle industriel de transformation des produits primaires et confine les pays de la zone Franc dans un rôle de simples pourvoyeurs de matières premières. Par ailleurs, c’est une monnaie qui sert particulièrement les intérêts des investisseurs et entreprises étrangers, leur permettant un rapatriement facile des profits (par le biais de la parité fixe avec l’Euro) sans se soucier de la gestion des fluctuations monétaires et du réexamen des prix sur le marché international. Un autre enjeu de taille pour la France est de pouvoir effectuer l’achat de ses matières premières sans l’entremise des devises étrangères. Les arguments habituels portant sur la stabilité monétaire , la crédibilité internationale, la stabilisation de l’inflation – souvent brandis par les défenseurs du franc CFA – ne peuvent plus faire l’économie (voire la nécessité) pour le Sénégal et les pays de la zone Franc d’un recentrage radical de leurs priorités autour de l’accès au crédit des PME, la relance des productions locales, la création d’emplois pour les jeunes et la création d’une monnaie en adéquation avec ses réalités économiques propres.
La question de la dette constitue un autre écueil auquel devra faire face la nouvelle équipe. Cette dette vient de dépasser les 14 000 milliards de francs CFA (21 milliards d’euros), soit plus de 76 % du PIB en 2023, taux supérieur au seuil de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), fixé à 70 %. Ces montants ont été alourdis notamment par les investissements massifs dans les infrastructures dans le cadre du Programme Sénégal Emergent et le soutien à l’économie consécutif à la crise du covid et à la guerre en Ukraine.
S’attaquer à ces défis sur le plan économique est une tâche titanesque jamais entreprise par un gouvernement sénégalais compte tenue d’abord du niveau d’endettement abyssal hérité du régime précédent. Ensuite, il suppose de briser le paradigme de la dépendance/subordination économique qui a longtemps prévalu dans les relations avec la France. Confronté à la réalité du pouvoir, la nouvelle équipe pourra s’appuyer sur quatre leviers : une population jeune, dynamique et très réceptive au discours souverainiste porté par le duo Diomaye-Sonko, un contexte sous-régional marqué par la recrudescence d’une volonté de fédéralisme politique (exemple de l’Alliance des Etats du Sahel) dans laquelle le Sénégal peut jouer un rôle moteur - même s’il reste à en définir les contours – et en enfin l’exploitation imminente (en 2024) des ressources gazières et pétrolières qui peut être synonyme de rééquilibrage du ratio entre stock de dette extérieure et revenu des exportations.
Une partie du discours et des promesses de campagne du parti Pastef a consisté à dévoyer le paternalisme politique de la France et l’exploitation économique de son pré-carré en Afrique de l’Ouest. Fort d’un sentiment anti-Français très présent notamment chez les jeunes, il est sans nul doute que la nouvelle équipe matérialisera dans son programme des mesures phares pour l’instauration d’un partenariat « gagnant-gagnant », afin de sortir le pays de la spirale endettement/pauvreté/émigration.
LA CLÉ DE LA STABILITÉ SÉNÉGALAISE
Alors que l'insécurité gangrène le Sahel, comment le Sénégal y échappe-t-il ? Selon l'universitaire Papa Fara Diallo, son secret résiderait dans une politique de dialogue avec ses voisins immédiats
La politique de bon voisinage développée par le Sénégal depuis plusieurs années impacte sur la stabilité du pays et explique qu’il soit épargné jusque-là par les ”menaces” liées à la criminalité transfrontalière, estime l’universitaire Papa Fara Diallo.
“Le Sénégal, dans sa politique étrangère, a toujours développé une diplomatie de bon voisinage. Le Sénégal est réputé être un pays stable”, a dit cet enseignant en science politique à l’université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis.
“Si on a cette stabilité, c’est parce qu’on n’a pas de problème avec nos voisins. Donc, on peut avoir une bonne politique de gouvernance sécuritaire, transfrontalière avec nos voisins”, a déclaré Papa Fara Diallo, dans un entretien avec l’APS.
De l’avis du maître de conférences titulaire en Science politique, le Sénégal a une bonne politique avec ses voisins.
La criminalité transfrontalière et les menaces liées au terrorisme sont “très présentes dans le Sahel mais pour le moment, le Sénégal est épargné. Si on a ça, c’est parce qu’on a une bonne politique de bon voisinage”, a-t-il analysé.
Le Sénégal ne veut plus avoir de problèmes avec ses voisins immédiats, comme lors de la crise de 1989 avec la Mauritanie, qui a failli se transformer en “guerre ouverte” entre les deux pays, a souligné Papa Fara Diallo, maître conférences en science politique.
Le Sénégal doit aussi faire avec les “turbulences” dans sa partie sud, frontalière de la Gambie et de la Guinée-Bissau, avec notamment la question de la rébellion en Casamance. D’où la nécessité de faire en sorte que “les menaces transfrontalières ne puissent pas véritablement avoir un impact au Sénégal”.
Il s’y ajoute qu’avec la Mauritanie, où le président Bassirou Diomaye Faye a effectué jeudi sa première visite hors du territoire sénégalais depuis son installation, “on a un contrat d’unitisation pour l’exploitation du pétrole et du gaz, notamment le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) que nous partageons 50/50 avec la Mauritanie”.
“Donc, c’est un pays voisin contigu au Sénégal mais qui est un allié stratégique pour l’exploitation du gaz et du pétrole offshore”, a fait observer l’universitaire sénégalais, selon lequel le projet GTA est “le plus important et le plus avancé du Sénégal”, en matière d’hydrocarbures.
Un autre élément à prendre en compte dans l’analyse de cette visite concerne les accords de pêche, a relevé Papa Fara Diallo, en rappelant qu’en 2020, “plus de huit pêcheurs” de Guet-Ndar avaient été tués par les garde-côtes mauritaniens parce qu’ils avaient “violé l’espace maritime d’un pays souverain”.
La Mauritanie applique le repos biologique, qui favorise le renouvellement de la ressource halieutique, “contrairement peut-être au Sénégal”, où la surpêche fait que la ressource “devient de plus en plus rare”.
“On a donné beaucoup de licences de pêche à des bateaux étrangers qui viennent pêcher chez nous. Les pêcheurs sénégalais ont vu leurs débarquements journaliers drastiquement baisser depuis 2014. Donc, ils vont suivre le poisson jusqu’en Mauritanie parce que la Mauritanie applique le repos biologique”, dit-il.
Le Sénégal a aussi besoin de négocier avec la Mauritanie sur les accords de pêche, notamment pour les licences, poursuit-il, pour parler de l’importance de la première sortie officielle du président Faye.
DES INTOX POLLUENT LE DÉBAT FRANCE-SÉNÉGAL
Des rumeurs infondées attribuant à Diomaye Faye des propos qu'il n'a jamais tenus. Des centaines de messages anonymes affirmant à tort que des entreprises françaises contournaient l'impôt local. Africa Check a démêlé le vrai du faux
(SenePlus) - Des entreprises françaises installées au Sénégal paient-elles vraiment leurs impôts en France ?
Cette question, devenue virale ces dernières semaines sur les réseaux sociaux, a été soumise à l'analyse du site de fact-checking Africa Check. Plusieurs fausses déclarations ont en effet circulé, attribuant notamment au nouveau président Bassirou Diomaye Faye l'intention de contraindre les entreprises françaises à payer désormais leurs impôts au Sénégal.
Pour faire la lumière sur ces allégations, Africa Check a mené une enquête rigoureuse, contactant différentes sources officielles. Tout d'abord, l'organisation a cherché à vérifier le nombre souvent avancé de "250 entreprises françaises installées au Sénégal", mais n'a pu trouver de chiffres fiables et récents auprès des organismes statistiques des deux pays.
Africa Check s'est ensuite entretenu avec la Direction générale des Impôts et Domaines (DGID) sénégalaise. Celle-ci a confirmé de manière catégorique que "les entreprises françaises opérant au Sénégal paient bien leurs impôts dans le pays". Selon Mouhamedou Lamine Sy, directeur de la législation et de la coopération internationale à la DGID, "il est erroné de penser qu'une entreprise française puisse être exempte d'impôt au Sénégal".
La DGID a précisé que le Sénégal avait signé vingt conventions fiscales, dont celle avec la France en 1974, visant justement à éviter les doubles impositions. Ainsi, une entreprise française installée via une filiale au Sénégal est assimilée à une société locale et soumise aux mêmes obligations fiscales. Cette interprétation a été validée par l'ambassade de France à Dakar et des filiales comme Auchan et Sonatel, qui ont confirmé leur paiement régulier d'impôts au Sénégal.
Africa Check a pu démontrer que les allégations sur un prétendu non-paiement d'impôts par les entreprises françaises étaient dénuées de fondement. Le cadre juridique actuel garantit au contraire leur contribution aux finances publiques sénégalaises, dans le respect des conventions internationales. Le journaliste Mame Birame Wathie, à l'origine de certaines des rumeurs, a reconnu s'être exprimé "pour aider les gens à comprendre" de manière transposée, sans réelles preuves. Quant au président Bassirou Diomaye Faye, il n'a tenu aucune des déclarations qui lui ont été attribuées sur le sujet.
Ces dernières semaines, plusieurs rumeurs concernant les entreprises françaises au Sénégal ont largement circulé sur les réseaux sociaux.
Nous avons vérifié trois d’entre elles.
Dans un contexte où la protection des données devient une préoccupation mondiale, les récentes directives du président Bassirou Diomaye Faye, lors du Conseil des ministres du 17 avril 2024, soulignent l'urgence pour les nations de renforcer la sécurisation de leurs données, en particulier celles considérées comme vitales pour leur fonctionnement et leur sécurité. À l'échelle mondiale, plusieurs pays ont déjà franchi des étapes significatives dans l'élaboration de politiques de gouvernance des données vitales. La France, par exemple, a établi une liste de systèmes d'information stratégiques et critiques, protégés par des mesures spécifiques de cybersécurité. De même, les États-Unis ont adopté des lois visant à protéger les infrastructures critiques et à renforcer la résilience face aux cybermenaces.
L'Exemple de la France : Une approche proactive en matière de protection des données stratégiques
La France se distingue par son approche proactive en matière de protection des données stratégiques. À travers la Loi de Programmation Militaire et la Stratégie Nationale pour la Sécurité du Numérique, le pays a établi une liste de systèmes d'information stratégiques et critiques. Ces systèmes sont protégés par des mesures spécifiques de cybersécurité, visant à garantir leur intégrité et leur disponibilité face aux menaces émergentes.
L'Exemple des États-Unis : une législation renforcée pour protéger les infrastructures critiques
Les États-Unis ont adopté une série de lois visant à protéger les infrastructures critiques et à renforcer la résilience face aux cybermenaces. Le Federal Information Security Modernization Act (FISMA) et l'Executive Order 13636 sur l'amélioration de la cybersécurité critique en sont des exemples significatifs. Ces mesures fournissent un cadre réglementaire solide pour identifier, évaluer et protéger les données et les systèmes d'information vitaux pour la sécurité nationale.
L'exemple de la Côte d'Ivoire : Le socle d’une PSSI
En Afrique, la Côte d'Ivoire se distingue également par ses efforts en matière de protection des données vitales. Le pays a récemment mis en place une Politique de Sécurité des Systèmes d'Information (PSSI) pour l'administration publique, offrant ainsi un cadre juridique solide pour la sécurisation des informations sensibles. De plus, la Côte d'Ivoire a lancé des initiatives visant à renforcer la cybersécurité et à sensibiliser les acteurs concernés aux enjeux liés à la protection des données.
L'importance des cadres de gouvernance solides dans la protection des données
Ces exemples mettent en évidence l'importance cruciale des cadres de gouvernance solides dans la protection des données vitales. En identifiant les actifs numériques critiques et en adoptant des mesures de protection appropriées, les nations peuvent renforcer leur résilience face aux cybermenaces et assurer la continuité de leurs opérations essentielles.
Une approche holistique pour assurer la sécurité des données
Face à ces défis, il est impératif que notre nation adopte une approche holistique pour assurer la sécurité de ses données vitales. Cela inclut la mise en place de mesures techniques avancées, telles que le cryptage et la surveillance des réseaux, ainsi que des initiatives de sensibilisation pour renforcer la culture de la sécurité au sein des institutions publiques et privées.
En conclusion, la sécurisation des données vitales est un enjeu crucial pour la sécurité nationale dans un monde de plus en plus numérisé. En s'inspirant des meilleures pratiques mondiales, notre nation peut renforcer sa résilience face aux cybermenaces et protéger ses intérêts stratégiques à long terme.
par Elimane Haby Kane
LEÇONS DE LA CRISE POLITIQUE ÉLECTORALE
L’espoir d’aboutir à des réformes décisives et transformationnelles est encore permis grâce à l’engagement du nouveau président pour la mise en œuvre des différentes propositions citoyennes dont certains principes sont déjà pris en compte dans le Projet
Le 3 février 2024, le Sénégal a été secoué par une déclaration brutale du président de la République en exercice dont la teneur remettait en cause l’intégrité du processus électoral et la tenue de l’élection présidentielle préalablement fixée au 25 février 2024. Cette déclaration surprenante intervenait à dix heures seulement du démarrage de la campagne électorale précédant le scrutin. Le président qui a évoqué dans son discours des faits graves ayant émaillé l’organisation de l’élection présidentielle, remettait en cause la régularité de la validation des candidatures par le conseil constitutionnel et entérinait des accusations de corruption impliquant le premier ministre et candidat de la majorité présidentielle et deux juges du conseil constitutionnel.
En prenant la décision d’abroger le décret portant convocation du corps électoral et en annonçant la préparation d’un projet de la loi qui sera votée dès lundi 5 février, le chef de l’Etat, gardien de la constitution, venait de violer son serment et de créer une crise inédite au Sénégal en annulant l’élection du cinquième président de la République du Sénégal. Une situation bouleversante et alarmante qui a mobilisé des franges importantes de la société dont des organisations de la société civile qui se sont concertées pour mettre en place un cadre pour dénoncer cet acte et arrêter le vote de la loi. Cette réaction fut par la suite déterminante car ayant favorisé une mobilisation massive des citoyens et des médias nationaux et internationaux pour alerter l’opinion et dissuader les autorités exécutives et parlementaires. La vague d’indignation et de manifestation d’un désaccord populaire a aussi certainement eu son pesant d’or dans les décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Décisions qui ont abouti, malgré le dilatoire présidentiel, à réhabiliter le calendrier républicain et faire organiser le scrutin de l’élection présidentielle avant le terme du second mandat du président Macky Sall.
Les péripéties résumées ainsi sur ce long mois de février qui, pourtant est le mois le plus court de l’année, révèlent certes une forte capacité de résilience des citoyens sénégalais mais surtout mettent en exergue des défis majeurs en matière de gouvernance démocratique et interpellent sur la nécessité de renforcer notre système national d’intégrité.
En effet, la facilité avec laquelle le président de la République a pris une décision unilatérale avec des implications aussi graves sur la souveraineté populaire révèle l’immensité des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’organisation constitutionnelle de notre république.
L’hyperpresidentialisme
La problématique de la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République est une préoccupation récurrente dans le débat public et serait un véritable goulot dans la mise en œuvre des politiques publiques du fait de la centralisation des processus de prise de décisions à tous les niveaux, mais aussi des larges possibilités données au président de la République à agir seul sans engager sa responsabilité judiciaire et politique. Il ne rend compte à aucune institution et bénéficie de l’immunité dans l’exercice de ses fonctions. Dans ce cas, la personnalité du Président de la République ainsi que sa propension à privilégier les intérêts partisans constituent des menaces graves à la stabilité nationale comme c’est le cas avec monsieur Macky Sall. Une analyse récente de la gouvernance de la riposte nationale à la pandémie à Covid-19 a permis de démontrer que dans ces situations complexes, le Président Sall a tendance à poser des actes égoïstes qui renforcent toujours ses propres pouvoirs au détriment des libertés individuelles et collectives.[1] Le développement et l’aboutissement de la crise nous laisse croire que tout ceci a été fomenté pour permettre au Président de la République de sécuriser sa sortie de pouvoir.
L’équilibre des pouvoirs
Ce principe de l’Etat de droit qui se fonde sur la séparation des pouvoirs exécutif, parlementaire et judiciaire a été particulièrement éprouvé pendant cette crise. Les différentes institutions se sont frottées dans l’arène politique, avec au départ, la décision du président qui agresse la constitution, suivi du vote du projet de loi par lequel l’Assemblée nationale qui revendique sa souveraineté à légiférer contre la posture du Conseil constitutionnel, qui en sa qualité de gardien de la constitution, de veilleur de la sécurité juridique et de la stabilité institutionnelle et de juge électoral a fait prévaloir son autorité ultime en la matière. La posture de la plus haute institution judiciaire du pays a permis de réhabiliter la perception populaire qui a manifesté dernièrement des doutes sur ses compétences à arbitrer les litiges politiques. La crise politique électorale de février 2024 a ainsi permis de démontrer l’effectivité de l’équilibre des pouvoirs.
L’expression responsable des droits civils et libertés fondamentales
Les libertés et droits consacrés par la constitution ont été lourdement entamés ces dernières années. Des marches interdites, des regroupements dissipés jusque dans des lieux privés, des acteurs politiques et journalistes emprisonnés sur la seule base d’informations divulguées ou d’opinions politiques exprimées,…A ce propos, l’exceptionnelle mobilisation des citoyens et le leadership éclairé de la plateforme AarSunuElection a permis de reconquérir la liberté de manifester et de marcher dans la paix. La forte mobilisation de la marche silencieuse du 17 février a été un déclic décisif dans la suite des évènements.
En définitive, la crise électorale de février 2024 a permis de revenir aux fondamentaux de la stabilité institutionnelle, de l’équilibre des pouvoirs et de l’expression responsable des libertés et droits civils qui constituent les piliers de la charpente républicaine. L’aboutissement de cette crise est certes une issue heureuse mais nous interpelle sur l’impérieuse nécessité de procéder à des réformes profondes qui permettront de sortir définitivement de l'hyperprésidentialisme », d’aller au-delà de la jurisprudence créée par les décisions du Conseil constitutionnel en mettant en place une instance plus forte et totalement indépendante pour l’exercice du pouvoir judiciaire, et de sacraliser définitivement les libertés individuelles et collectives, tout en aménageant des mécanismes d’expression directe du pouvoir citoyen sur les décisions publiques. Cette tâche pourrait être aisée si l’on fait recours aux propositions de réformes déjà avancées par des organisations de la société civile en rapport avec les conclusions des Assises nationales (2009) et de la Commission nationale de réforme des Institutions (2016), mais aussi d’autres propositions récentes comme les « 64 Mesures pour un Sénégal souverain et solidaire dans la prospérité durable » de l’initiative de Mobilisation nationale pour l’engagement citoyen la Souveraineté, l’Unité et la Refondation (MESURe-2023). La refondation des institutions de la République est le concept fédérateur de ces propositions qui appellent à un véritable changement de paradigme de la gouvernance democratique au Sénégal. L’espoir d’aboutir à des réformes décisives et transformationnelles est encore permis grâce à l’engagement du président nouvellement élu pour la mise en œuvre des différentes propositions citoyennes dont certains principes sont déjà pris en compte dans le “Projet”, son programme politique proposé aux électeurs.
[1] Etude d’évaluation de la riposte de l’Etat du Sénégal. Redevabilité active de la gouvernance sanitaire, économique et sociale de la pandémie de la Covid19 au Sénégal ; LEGS-Africa, 2021. Rapport de redevabilité Covid-19 (citizenlegs.org)