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12 avril 2025
Développement
MACRON ACCUSÉ DE TENIR DES PROPOS RACISTES
Le Monde rapporte que le président français aurait déclaré : "le problème des urgences dans ce pays, c'est que c'est rempli de Mamadou". Alors que la gauche s'indigne unanimement, l'Élysée tente d'éteindre l'incendie en opposant un démenti ferme
(SenePlus) - Une vive controverse secoue la sphère politique française après la publication d'une enquête du quotidien Le Monde attribuant des propos polémiques au président de la République. L'affaire, qui met en lumière des déclarations à caractère discriminatoire, suscite de vives réactions au sein de la gauche française et un démenti formel de l'Élysée.
Selon l'enquête du Monde, Emmanuel Macron aurait, en 2023, tenu des propos controversés devant son ministre de la Santé de l'époque, Aurélien Rousseau. Le président aurait notamment déclaré que "le problème des urgences dans ce pays, c'est que c'est rempli de Mamadou". Cette déclaration, dont l'authenticité est contestée par l'Élysée, a immédiatement provoqué une onde de choc dans la classe politique.
Le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat, a été parmi les premiers à réagir sur le réseau social X, qualifiant sans détour ces propos de "racistes" et d'"accablants". Dans la même veine, le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a dénoncé "une insulte à la République" et "une honte absolue".
L'enquête du Monde ne s'arrête pas là. Elle révèle également que l'Élysée aurait surnommé Matignon "La cage aux folles" pendant le mandat de Gabriel Attal comme Premier ministre. De plus, le président aurait qualifié de "cocottes" Marine Tondelier, dirigeante des Écologistes, et Lucie Castets, proposée par le Nouveau Front populaire pour Matignon.
Ces révélations successives ont suscité de multiples réactions indignées. Le député de la Somme François Ruffin a ainsi fustigé ce qu'il considère comme une accumulation de "racisme, homophobie, sexisme", dénonçant un président "enfermé dans un palace doré, loin du regard des Français". Marine Tondelier elle-même a réagi sur X, condamnant des "propos homophobes extrêmement choquants" concernant Gabriel Attal, suivis de "propos sexistes".
Face à cette polémique grandissante, l'Élysée a publié un démenti catégorique le vendredi 20 décembre au matin, affirmant que ces propos rapportés "n'ont fait l'objet d'aucune vérification auprès de la présidence avant publication". Le quotidien Le Monde, de son côté, maintient ses affirmations.
APPLE DIT AVOIR SUSPENDU SES APPROVISIONNEMENTS EN MINERAIS EN PROVENANCE DE LA RDC ET DU RWANDA
Apple « conteste fermement » les allégations contenues dans les plaintes déposées contre ses filiales en France et en Belgique, les 16 et 17 décembre, par des avocats mandatés par la République démocratique du Congo (RDC)
Après le dépôt de plaintes en France et en Belgique contre ses filiales pour recel de crimes de guerre, blanchiment de faux et tromperie des consommateurs, la société californienne annonce avoir instruit ses fournisseurs dans ces deux pays de cesser leurs exportations.
Apple « conteste fermement » les allégations contenues dans les plaintes déposées contre ses filiales en France et en Belgique, les 16 et 17 décembre, par des avocats mandatés par la République démocratique du Congo (RDC), qui l’accusent de recel de crimes de guerre, blanchiment de faux et tromperie des consommateurs.
L’entreprise indique par ailleurs avoir pris soin d’informer ses fournisseurs qu’ils « devaient suspendre l’approvisionnement en étain, tantale, tungstène et or en provenance de la RDC et du Rwanda », mais sans préciser clairement quand ces instructions ont été données, expliquant seulement l’avoir fait « alors que le conflit dans la région s’intensifiait plus tôt cette année ». « Nous avons pris cette mesure car nous craignions qu’il ne soit plus possible pour les auditeurs indépendants ou les mécanismes de certification du secteur d’effectuer les contrôles requis pour respecter nos normes élevées », explique le communiqué de la firme de Cupertino.
Cette décision d’un des géants des nouvelles technologies pourrait avoir un effet considérable sur le secteur. La RDC et le Rwanda sont parmi les principaux producteurs de certains des minerais essentiels à la fabrication des composants électroniques des ordinateurs et téléphones portables. Mais extraits dans l’est de la RDC, frontalier du Rwanda, zone de guerre depuis près de trente ans, ceux-ci portent l’étiquette infamante de « minerais de sang » car leur commerce alimente les groupes armés.
Avant de déposer plainte, les avocats de l’Etat congolais avaient mis en demeure Apple aux Etats-Unis et en France en avril sur les mêmes faits. Le 3 juin, Apple disait déjà prendre ses « responsabilités » et des mesures « lorsque nos normes strictes ne sont pas respectées » et expliqué avoir retiré quatorze fonderies et raffineries de sa chaîne d’approvisionnement. Il n’était pas encore question de suspendre son approvisionnement dans toute cette région.
« SATISFACTION ET PRUDENCE »
Les conseils de l’Etat congolais, les cabinets Amsterdam, Bourdon et Marchand, accueillent donc la dernière déclaration d’Apple « avec satisfaction et prudence » et parlent d’un « revirement déclaré ». Ils demandent que cette annonce soit vérifiée « dans les faits, sur le terrain, chiffres à l’appui ». « Les déclarations d’Apple ne changent rien au passé et aux crimes qui auraient été commis », commentent-ils encore dans un communiqué commun.
En Belgique, la plainte a déjà réuni les conditions de recevabilité, ajoute Me Christophe Marchand. « Désormais, nous sommes sûrs qu’un juge d’instruction belge mènera une enquête à laquelle les parties civiles pourront contribuer », souligne ce dernier.
Jean-Claude Mputu, porte-parole de la coalition anticorruption « le Congo n’est pas à vendre », est aussi d’avis que cette annonce d’Apple « n’exonère pas » la société. « Cela fait des années que la société civile interpelle Apple et les autres entreprises sur leurs responsabilités dans les crimes en RDC sans qu’elles agissent », insiste-t-il, appelant l’entreprise américaine à rendre public la liste de tous ses fournisseurs.
Depuis 2021 surtout, le système de certification des minerais dits 3 T – étain, tantale, tungstène – mis en place mis en place par l’association mondiale des producteurs d’étain, l’Initiative internationale de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (Itsci), fait l’objet de nombreuses mises en cause des Nations unies et d’ONG. Global Witness l’a ainsi qualifié de « blanchisseuse ».
MENACE D’UN EMBARGO
« Apple aurait dû réagir. La leçon à tirer pour les autres entreprises est que la diligence raisonnable implique de prendre des mesures appropriées lorsque de nouvelles informations sont révélées, et non de garder le silence et d’espérer que tout ira pour le mieux », juge Gregory Mthembu Salter, un ancien du groupe d’experts de l’ONU, chargé d’enquêter sur l’exploitation illégale des ressources naturelles congolaises. Il ajoute que la décision d’Apple pourrait être suivie par d’autres sociétés, entraînant un « embargo de facto mais qui sera difficile à maintenir » sur les exportations venues de RDC et du Rwanda, du fait des richesses minérales de ces deux pays.
« Pour l’étain et le tungstène, c’est possible de s’approvisionner ailleurs, mais la contribution congolaise dans la production de tantale est plus déterminante sur le marché, même si elle reste surestimée dans le discours public », explique Christophe Vogel, un autre ancien expert de l’ONU, tout en précisant que chaque embargo « impacte les communautés de certains territoires car il y a toute une économie qui découle de cette exploitation artisanale et qui ne bénéficie pas qu’aux groupes armés ».
La menace d’un embargo inquiète de nombreux opérateurs économiques en RDC. L’un d’eux explique avoir déjà entendu parler de cette mesure conservatoire d’Apple il y a quelques mois, suite à la mise en demeure des avocats de l’Etat congolais et, plus encore, après un communiqué du département d’Etat américain en juillet exprimant ouvertement sa préoccupation au secteur privé sur la fraude entourant cette chaîne d’approvisionnement. « Il n’y a pas qu’Apple qui ne veut plus acheter. Au niveau des fonderies et raffineries, il n’y a plus d’engouement sur les minerais 3 T de notre région à cause de toutes les accusations publiques », relate la source précédemment citée.
Soucieux de préserver son image, le géant de la tech affirme que désormais « la majorité des minerais utilisés dans les produits Apple sont recyclés, y compris le tungstène recyclé à 99 % dans tous les produits et (…) du cobalt recyclé à 100 % dans les batteries conçues par Apple sur toute la gamme d’iPhone 16 ».
DAKAR, VILLE REBELLE
Alors que certains pensaient voir un calme relatif avec l’arrivée de figures comme Sonko et Diomaye, les récentes tensions liées à Barthélemy Dias rappellent que la capitale est un territoie où le pouvoir s’exprime et se conteste bruyamment
Dakar, ville capitale, bastion politique et centre économique du Sénégal, demeure un terreau fertile de contestation. Depuis l'époque coloniale jusqu’à nos jours, elle n’a cessé d’être le théâtre des luttes sociales et politiques. Alors que certains pensaient voir un calme relatif avec l’arrivée de figures comme Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, les récentes tensions liées à Barthélemy Dias rappellent que Dakar est une ville où le pouvoir s’exprime et se conteste bruyamment.
Ces derniers jours, les événements l'ont encore prouvé. Le maire sortant de Dakar, Barthélemy Dias, a vu ses activités une nouvelle fois entravées. Son point de presse prévu à la mairie de Dakar, hier mercredi, a été interdit par les forces de l’ordre, l’obligeant à chercher refuge dans un magasin voisin, avec le soutien de Bougane Guèye Dany. Ce scénario, où la police bloque un accès administratif, n’est pas nouveau. Vendredi déjà, un dispositif similaire avait empêché une autre rencontre.
Ces interdictions révèlent un climat tendu et soulignent le rôle central de Dakar comme arène de confrontations politiques et sociales. Dans un entretien accordé à ‘’Jeune Afrique’’, à la veille des élections locales de 2022, Ibrahima Kane, analyste d’Osiwa, rappelait : ‘’Dakar a toujours été une ville rebelle, depuis le temps du PS. C’est dans la capitale que se déroule l’essentiel de l’activité économique et sociale. Les problèmes y sont multipliés par dix et cela joue toujours contre le pouvoir en place.’’
Cette dynamique historique persiste : Dakar s’érige souvent contre les régimes dominants, symbolisant la contestation nationale.
Un bastion de l’opposition depuis Khalifa Sall
La rupture a eu lieu en 2009, avec l’élection de Khalifa Sall comme premier maire de l’opposition. Après des décennies d’hégémonie du Parti socialiste sous Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf – malgré des secousses majeures comme mai 1968 et février 1994 – le président Abdoulaye Wade perd cette forteresse stratégique. Les Dakarois, fatigués par une gestion marquée par l’inflation, les coupures d’électricité et la vie chère, infligent une défaite cuisante au régime du Sopi.
Cette victoire n’est pas anodine. Dakar a toujours été perçue comme un tremplin politique : être maire de la capitale, c’est souvent avoir une stature présidentielle. En 2009, Wade espérait faire de son fils, Karim Wade, un dauphin politique en remportant Dakar. Le résultat en fut tout autre.
En 2014, Macky Sall tente à son tour de reprendre la capitale en envoyant Aminata Touré, alors Première ministre, affronter Khalifa Sall. Malgré des changements dans le mode de scrutin et les moyens déployés, Mimi Touré subit une défaite humiliante. Quelques mois plus tard, elle est remerciée par Macky Sall, conséquence directe de ce revers.
Khalifa Sall consolide alors son ancrage, défiant le pouvoir central jusqu’à ce que des accusations de mauvaise gestion aboutissent à son emprisonnement. Cette manœuvre, perçue comme un moyen de l’écarter de la Présidentielle de 2019, renforce le ressentiment des Dakarois envers le régime. À son départ, les conseillers municipaux, dans un geste symbolique, choisissent Soham Wardini, proche de Khalifa Sall, pour lui succéder, rejetant ainsi le candidat proposé par le pouvoir.
La mainmise de l’opposition sur Dakar se consolide en 2022, lorsque Barthélemy Dias, candidat de la coalition Yewwi Askan Wi, humilie Abdoulaye Diouf Sarr, un des rares maires ‘’aperistes’’ victorieux aux Locales de 2014. Cette élection symbolise une sanction directe contre le régime de Macky Sall, mais aussi une reconnaissance de la longévité et du poids de l’opposition dans la capitale.
Pourtant, malgré cette victoire, Barthélemy Dias traverse aujourd’hui une zone de turbulence marquée par la perte de la mairie de Dakar et de son siège de député. Ce revers politique, doublé de tensions avec les forces de l’ordre, remet sur le devant de la scène la capacité de Dakar à se rebeller et à résister.
Une capitale stratégique et contestataire
Dakar reste unique au Sénégal. Selon l’ANSD, la capitale concentre l’essentiel du tissu économique et industriel du pays. Avec plus de 7 500 habitants au kilomètre carré, les problématiques d’infrastructures, de transport et de vie quotidienne pèsent lourdement sur les habitants, nourrissant frustrations et colère.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la particularité de cette ville cosmopolite : un poumon économique et un bastion politique où les oppositions s’organisent pour contester les régimes dominants. De Khalifa Sall à Barthélemy Dias, Dakar n’a cessé d’incarner cette résilience face aux pouvoirs successifs.
Lors de la crise préélectorale de 2024, Dakar s'est une fois de plus imposée comme le principal épicentre des manifestations, enregistrant le plus grand nombre de victimes dans un climat politique tendu. La capitale a donné le ton à la contestation nationale, réaffirmant son statut de bastion historique de la résistance sociale et politique.
La place de la Nation : un sanctuaire de la contestation
Depuis 2011, la place de la Nation (ex-Obélisque) s'est érigée en lieu symbolique des rassemblements populaires. C'est sur cette esplanade que se sont écrites certaines des pages les plus marquantes des luttes sociales et politiques du pays, notamment avec les mouvements emblématiques comme Y en a marre, le M23 et une large frange de l'opposition. La place est devenue l'épicentre des manifestations contre les abus du pouvoir, les injustices sociales et les atteintes aux libertés.
L'influence de Dakar ne s'arrête pas aux frontières nationales. Ses figures et ses combats résonnent à travers tout le pays et même au-delà, inspirant d'autres mouvements sociaux dans la sous-région.
Le mouvement Y en a marre, né à Dakar en janvier 2011, a joué un rôle prépondérant dans la mobilisation citoyenne contre les dérives politiques. Il a non seulement structuré la contestation interne, mais a également inspiré d'autres mouvements similaires en Afrique, comme le Balai citoyen au Burkina Faso. Ce dernier a été un acteur clé dans les événements ayant conduit à la chute de Blaise Compaoré en 2014.
Ainsi, Dakar s'affirme comme un véritable laboratoire de résistance populaire où les idées citoyennes et les luttes pour la démocratie prennent racine avant de se propager. Son épanouissement intellectuel et son effervescence sociale font partie de son charme unique.
Dans le passé, Dakar a joué un rôle central dans la formation de l'élite africaine, grâce notamment à ses institutions d'enseignement de renommée mondiale, comme l'université Cheikh Anta Diop ou William Ponty. La capitale a été un terreau fertile pour les intellectuels et les leaders politiques du continent, contribuant à la construction d'une Afrique consciente et engagée.
Par ailleurs, le rôle de contre-pouvoir de la presse dakaroise est un autre signe majeur de la contestation. Véritable pilier démocratique, la presse a activement participé à l'éveil des consciences et à la diffusion des idées contestataires. Les médias, par leurs reportages, éditoriaux et enquêtes, ont permis de mettre en lumière les dérives du pouvoir, tout en servant de relais aux préoccupations de la population. Cette posture critique a non seulement renforcé la transparence, mais a aussi contribué à amplifier les luttes sociales et politiques à Dakar.
Un rappel historique : la bataille de Dakar
L'histoire de Dakar est également marquée par des épisodes d'une importance internationale. La bataille de Dakar, ou l’opération Menace a eu lieu du 23 au 25 septembre 1940 pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette attaque navale, menée par la Royal Navy britannique et accompagnée du général de Gaulle et des Français libres, avait pour but de rallier l'Afrique-Occidentale française (ÀOF) à la France libre.
Toutefois, les forces armées fidèles au gouvernement de Vichy, dirigées par Pierre Boisson, ont réussi à repousser l'offensive au large de Dakar et sur la presqu'île du Cap-Vert. Cet épisode reste un symbole de la résilience militaire et stratégique de Dakar.
Dakar demeure un symbole de lutte, de résistance et de résilience. Que ce soit par son rôle historique, sa capacité à mobiliser la société civile ou son influence sur le reste de l'Afrique, la capitale joue un rôle majeur dans l'évolution politique et sociale du pays. Chaque crise, chaque manifestation et chaque contestation qui y naissent écrivent une nouvelle page de son histoire, confirmant son statut de cœur battant du Sénégal et de la sous-région.
Aujourd’hui encore, les événements récents rappellent que Dakar est une ville rebelle où la société civile et les acteurs politiques s’expriment sans détour. Barthélemy Dias, malgré les obstacles, incarne cette tradition de lutte.
Si Dakar reste le baromètre politique du Sénégal, elle montre aussi que les soubresauts de la capitale sont souvent annonciateurs de changements profonds à l’échelle nationale.
Dans les rues de Dakar, l’histoire se réécrit sans cesse, mais toujours avec le même message : la capitale ne se soumet jamais.
LE SECTEUR MINIER AU SCANNER
La Société des Mines du Sénégal lance un audit financier de toutes les sociétés opérant dans le pays. L'initiative intervient après le constat alarmant d'une sous-valorisation chronique des participations de l'État dans ces entreprises
(SenePlus) - La Société des Mines du Sénégal (SOMISEN) vient d'annoncer le lancement d'un audit financier approfondi de l'ensemble des sociétés minières opérant dans le pays, selon un communiqué de presse publié le 19 décembre 2024 à Dakar.
Cette initiative s'inscrit dans le cadre des prérogatives conférées à la SOMISEN par la loi n°2020-31 du 06 novembre 2020, qui lui confie notamment la gestion et l'évaluation des participations de l'État dans le secteur minier. Une première phase d'analyse, entamée en juin 2024, a permis d'identifier 14 sociétés minières dans lesquelles l'État détient des parts.
Le panorama révélé est particulièrement instructif : l'État sénégalais possède des participations de 10% dans la majorité des sociétés, notamment dans six sociétés aurifères, deux entreprises de phosphates, et deux cimenteries. Une exception notable est sa participation de 98% dans la Société des Mines de fer du Sénégal Oriental (MIFERSO), et de 15% dans les Industries Chimiques du Sénégal (ICS).
Le constat établi par la SOMISEN est préoccupant : malgré ces participations, l'État ne perçoit que peu ou pas de dividendes de ces exploitations minières. Face à cette situation, l'organisme a sollicité l'ensemble des documents nécessaires auprès des sociétés concernées pour mener son audit.
Cette démarche s'inscrit dans une volonté de valoriser le patrimoine minier national, conformément à l'article 25-1 de la Constitution qui stipule que "les ressources naturelles appartiennent au peuple." Un premier rapport d'évaluation, assorti de recommandations stratégiques, sera prochainement soumis aux autorités pour améliorer la gouvernance et la rentabilité du portefeuille minier de l'État.
Cette initiative marque une étape importante dans la nouvelle politique de gouvernance des ressources naturelles du Sénégal, visant à optimiser les retombées économiques du secteur minier au bénéfice de la population.
ALIOU MAMADOU DIA NOMMÉ REPRÉSENTANT RÉSIDENT DU PNUD AU LIBÉRIA
Fort de son expérience au Togo, l'ancien candidat présidentiel du PUR, est attendu pour impulser des initiatives visant à renforcer la paix et la prospérité dans ce pays en pleine réforme.
Aliou Mamadou Dia, ancien candidat présidentiel du Parti de l'Unité et du Rassemblement (PUR), a été nommé représentant résident du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Liberia. Avec une riche expérience au service du développement international, il occupe ce poste après avoir marqué son passage au Togo par des projets d'impact.
Avant ce nouveau défi, M. Dia a exercé la même fonction au Togo entre 2019 et 2023. À ce poste, il a piloté plusieurs initiatives visant à améliorer les conditions de vie des populations togolaises, notamment à travers des projets axés sur le développement durable, la gouvernance, et la résilience économique.
Sa nomination pourrait susciter beaucoup d'espoir pour le Libéria. Aliou Mamadou Dia pourrait jouer un rôle crucial dans la mise en œuvre des programmes du PNUD dans ce pays engagé dans des réformes de développement pour consolider la paix et renforcer la prospérité de ses citoyens.
Certains observateurs pensent que "cette nomination illustre une fois de plus l’importance des leaders africains dans la conduite des agendas globaux de développement".
LE SÉNÉGAL IDENTIFIE 35 MESURES POUR RÉDUIRE SES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE
La courbe des coûts marginaux de réduction (MACC), issue d’une étude nationale, a permis d’identifier ces mesures. Ces initiatives, qui touchent divers secteurs, visent à concilier développement économique et protection de l’environnement.
Dakar, 18 déc (APS) – Le Projet de construction de la courbe des coûts marginaux de réduction (MACC) a permis d’identifier au Sénégal 35 mesures d’atténuation du gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, a indiqué, mercredi, Madeleine Diouf Sarr, directrice du changement climatique, de la transition écologique et des financements verts.
‘’Nous sommes là pour valider ce projet, une étude d’évaluation du coût d’abattement des projets d’atténuation et d’émission de gaz à effet de serre’’, a-t-elle expliqué.
Elle a souligné que la courbe réalisée a ‘’permis d’identifier 35 mesures gagnant-gagnant d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre pour le Sénégal’’.
Cet outil central de hiérarchisation des émissions selon leur impact carbone et financier a également contribué à ‘’voir quel est le coût de ces mesures’’, a poursuivi Mme Sarr.
Elle intervenait à l’ouverture de l’atelier national de validation de l’étude sur la courbe des coûts marginaux de réduction (MACC-en anglais) des émissions de gaz à effet de serre du Projet Partnership for market implementation (PMI) financé par la Banque mondiale.
‘’Cet outil nous permettra réellement de mieux documenter, de mieux négocier avec nos partenaires dans le cadre du marché carbone. Nous voulons aussi mettre en avant ces mesures pour obtenir également des supports financiers et des investissements pour le Sénégal’’, a-t-elle ajouté.
Elle a précisé que ces‘’35 mesures concernent différents secteurs, notamment le secteur de l’environnement, qui traite de la reforestation, de la protection des mangroves, la lutte contre les feux de brousse, et du développement des foyers améliorés, pour réduire la pression sur les forêts.’’
Des mesures qui concernent également ‘’des projets sur l’énergie, notamment sur comment promouvoir le gaz butane dans la cuisson des ménages et les énergies renouvelables.’’
‘’Des projets sur l’assainissement’’, la manière de ‘’réduire les émissions de méthane dans le secteur de l’assainissement tout en augmentant l’accès à l’assainissement et le traitement des eaux usées sont aussi concernés par ces mesures d’atténuation’’, a-t-elle encore indiqué.
Madeleine Diouf Sarr a estimé que ces ‘’mesures d’atténuation peuvent être très optimales pour le développement du Sénégal tout en respectant notre croissance, ou encore le référentiel Sénégal Vision 2050’’.
Pour sa part, le représentant du cabinet de consultance »Carbon Limits », Stéphane Guille a souligné que ‘’le Sénégal comme tous les pays, veut continuer sa croissance économique’’.
‘’Cette croissance vient avec des émissions plus élevées de gaz à effet de serre, mais avec les technologies qui évoluent, il y a des opportunités pour avoir une croissance économique sans avoir une hausse importante d’émissions de gaz à effet de serre’’, a-t-il expliqué.
Selon lui, ‘’avoir une connaissance des coûts relatifs des différentes mesures d’atténuation d’émissions de gaz à effet de serre présente l’opportunité d’engager avec des partenaires une coopération internationale sur les marchés du carbone’’.
‘’Cette étude sur la courbe des coûts marginaux de réduction (MACC) est un des outils qui pourront aider le Sénégal dans cette coopération internationale à avoir des financements internationaux à travers les marchés carbone’’, a soutenu M. Guille.
Le projet de construction de la courbe des coûts marginaux de réduction (MACC) a été lancé en juillet 2024. Il s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 6 de l’Accord de Paris sur les marchés carbone.
Signataire de l’Accord de Paris en 2015, le Sénégal a pris des engagements clairs pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, notamment à travers la mise en œuvre de sa Contribution déterminée au niveau national (CDN), adoptée en 2020.
Dans cette optique, le Sénégal s’est engagé dans une dynamique proactive qui a permis de mettre en place un cadre opérationnel national sur le marché carbone, appuyé par des réalisations concrètes.
Aujourd’hui, la mise en place de la MACC permettra d’évaluer le potentiel d’atténuation par secteur, de définir un coût de réduction tenant compte du contexte local et d’affiner les critères d’éligibilité à appliquer aux projets de transition sur l’article 6 de l’accord de Paris.
par Abdoul Mbaye
BUDGET 2025, L’ILLUSION D’UNE PROSPÉRITÉ INTROUVABLE
Prévisions irréalistes, gestion déconnectée... Ce budget, prétendument ambitieux, n’est rien d’autre qu’une fuite en avant, dans la lignée de l'ancien régime. Le Sénégal ne peut plus se payer le luxe des illusions
Le projet de Loi de Finances Initiale (LFI) 2025 du Sénégal donne l’image d’un pays en plein essor, mais derrière cette façade brillante se cache une réalité bien différente. Les chiffres présentés semblent faits pour séduire, mais ils ne résistent pas à une analyse lucide. En continuant sur la lancée de l’ancien régime, ce budget repose sur des prévisions irréalistes, une gestion budgétaire déconnectée et une fuite en avant dangereuse pour l’économie du pays.
Sous Macky Sall, le budget 2023 s’appuyait déjà sur une imposture : une prévision de croissance nominale de 10,1 % entre 2022 et 2023. La révision en catastrophe de ce taux à 4,1 % du PIB réel n’a pas empêché de maintenir un PIB nominal largement gonflé, faussant ainsi les calculs de déficit et d’endettement. Aujourd’hui, le nouveau régime s’inscrit dans cette continuité trompeuse. En projetant une croissance de 20,35 % entre 2022 et 2024, il perpétue une vision économique déconnectée de la réalité.
Une campagne arachidière morose et une économie en repli rendent ces chiffres absurdes, voire insultants pour les Sénégalais qui peinent à joindre les deux bouts. Et pourtant, les illusions continuent. Les recettes internes prévues pour 2025 atteignent 4 348,1 milliards FCFA, mais elles suffiraient à peine à couvrir le service de la dette, qui s’élève à 3 855,52 milliards FCFA, soit 88,7 % des recettes. Malgré ce constat alarmant, aucune mesure sérieuse de réduction des dépenses publiques n’est envisagée.
Pire, certaines lignes budgétaires augmentent. La présidence s’offre 3,45 milliards FCFA supplémentaires, la Primature 1,2 milliard FCFA, et le ministère des Affaires étrangères se distingue avec une hausse de 18,84 milliards FCFA, répartis entre investissements et acquisitions de biens et services. Où est l’effort de rigueur promis ?
Pour couronner le tout, le gouvernement mise sur les « Diaspora Bonds » pour combler ses lacunes. L’idée semble brillante : mobiliser le patriotisme des Sénégalais de l’extérieur pour financer les déficits et les projets. Mais cette approche relève plus du vœu pieux que d’un plan solide. La diaspora, déjà accablée par les besoins familiaux qu’elle soutient, pourrait se montrer réticente à investir dans des obligations en monnaie locale, surtout face à l’instabilité économique.
Ce budget, prétendument ambitieux, n’est rien d’autre qu’une fuite en avant. En refusant de faire face aux réalités économiques et en évitant les réformes indispensables, le Sénégal s’enferme dans une spirale dangereuse. Ce qu’il faut, c’est un budget de vérité. Cela commence par des prévisions sincères, une réduction drastique du train de vie de l’État, et une réorientation des ressources vers les véritables priorités : les secteurs sociaux, l’agriculture en crise, et les besoins des populations les plus vulnérables.
Le Sénégal ne peut plus se payer le luxe des illusions. L’heure est à l’effort, à la rigueur et à la justice. Ce n’est qu’à ce prix qu’il regagnera la confiance de ses citoyens, de ses bailleurs, et de sa diaspora.
par Abdoul Aziz Diop
2007, L’ANNÉE OÙ S’ACCÉLÈRE LA STRANGULATION DE LA FRANÇAFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le récent changement politique à Dakar avec l'élection de Diomaye n'est que l'aboutissement d'un processus entamé il y a 17 ans, lorsque les Sénégalais ont commencé à déjouer les stratagèmes d'une Françafrique déjà moribonde
Venu rehausser de sa présence la cérémonie de dédicace du livre « De la démocratie en Françafrique, une histoire de l'impérialisme électoral » (La Découverte, 2024) de la journaliste française Fanny Pigeaud et de l'économiste Ndongo Samba Sylla, l’écrivain Boubacar Boris Diop soutient que « la Françafrique contrôle la situation [en Afrique francophone] à travers des élections qui sont truquées…»
La Françafrique des élections est irréfutable, mais l’année où s'accélère sa « strangulation » - mot emprunté à Boris - et débute la mise à mort de l’ogre montre que celui qu’on dit être le souverainiste d’exception sans qu’on ne sache d’ailleurs pourquoi, Bassirou D.D. Faye, n’y est absolument pour rien. De même n’y sont pour rien du tout les putschistes du Mali, du Niger, du Burkina Faso, de la Guinée, etc.
De la Françafrique des élections
En février 2007, Abdoulaye Wade disait s’être fait réélire par les électeurs sénégalais avec 55,90 % des suffrages valablement exprimés. Au mois de mai de la même année, le candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Nicolas Sarkozy, remporte l’élection présidentielle française devant la candidate socialiste Ségolène Royale.
La nouvelle affiche de la Francénégal surexcitée - Sarkozy et Wade - irrita l’intelligentsia africaine qui ne s’est pas fait prier pour monter au créneau et jouer la partition attendue d’elle après que Sarko a prononcé son fameux discours de Dakar le 26 juillet 2007.
À l'ouverture de la campagne électorale pour l'élection présidentielle sénégalaise du 25 février 2007, figuraient, au passif du président sortant Abdoulaye Wade, la mort d'au moins 2000 naufragés, la confusion des pouvoirs, l'amnistie des crimes politiques, la pratique à grande échelle de la corruption, le détournement de plusieurs centaines de milliards de F CFA, la disparition, dans l'océan, de plusieurs centaines de jeunes (filles et garçons lacérés), candidats à l'émigration clandestine, etc. A l'issue du scrutin, ce lourd passif est « récompensé » d'une éclatante victoire électorale, qui crédita, dès le premier tour de scrutin, Abdoulaye Wade de 55,90 % des suffrages exprimés. Un conseiller en communication du Premier ministre Macky Sall - quatrième responsable politique à occuper le poste de chef de gouvernement pendant le dernier septennat (2000-2007) s'en étonna. Son étonnement fut révélateur de la consternation des autres citoyens, très nombreux à déclarer, en privé, qu'ils n'ont pas voté pour Abdoulaye Wade. Que s'est-il donc passé ?
Plusieurs mois après l'élection, un premier effort d'investigation interprétative permet d'y voir plus claire en attendant les aveux des nombreux « faux électeurs » des 25 et 26 février 2007. Appelés aux urnes pour seulement le dimanche 25 février 2007, les partisans d'Abdoulaye Wade votèrent jusqu'au jour suivant, lundi 26 février 2007. Notamment à Fatick, chef-lieu de région et fief de l'ancien Premier ministre Macky Sall.
Abdoulaye Wade se débarrassa, comme chacun le sait, de la plupart de ses conseillers sénégalais après avoir laissé entendre qu'ils étaient les meilleurs parmi les meilleurs. La saignée concerne en particulier les conseillers en communication du maître de la rente. Mais dans ce domaine, les « sorciers blancs » français ne se font pas prier pour combler le vide. Les « marchands de conseils et d'image, de sécurité, de stratégie, de droit d'assistance juridique se pressent auprès de ces présidents en mal de reconnaissance », renchérissait déjà Le Canard Enchaîné.
Auprès du président sénégalais, les rôles semblent avoir été bien distribués entre Marc Bousquet et Jean-Pierre Pierre-Bloch. Bousquet sonde les Sénégalais avant la campagne électorale pour l'élection présidentielle du 25 février 2007, et s'occupe, en même temps, des affiches (illégales) du président sortant. Le journal Le Quotidien de Dakar, daté du 4 mars 2006, commente la supercherie qui donna Wade vainqueur de l'élection : « (...) Les personnes âgées de 18 à 25 et de 25 à 35 ont souvent cité le nom d'Idrissa Seck, le principal challenger. Le contexte d'emprisonnement d'Idrissa Seck, dans lequel le sondage a été effectué, devrait expliquer ce succès du maire de Thiès. Ousmane Tanor Dieng a réuni autour de sa personne un nombre surprenant d'intentions de vote ». En dissimulant les résultats auxquels ses « enquêteurs » sont parvenus dans les localités sénégalaises concernées, le voyou Marc Bousquet, patron de Médiatique, confirma lui-même ce que le kiosque multimédia sénégalais, « rewmi.com », révéla à ses visiteurs : « Dans les années 70, cet ancien giscardien bon teint, passionné de politique, avait participé à la création d'un institut de sondages Public SA. L'officine se fit remarquer par des enquêtes complaisantes pour la droite, voire carrément bidonnées. Ce qui lui valut de fréquentes réprimandes de la Commission des sondages jusqu'à sa liquidation ».
Dans son numéro daté du 16 juin 2004, Le Canard Enchaîné commente : « Les vendeurs d'images les plus courus dans l'Hexagone, notamment en Afrique, restent Jacques Séguéla et Stéphane Fouks, d'Euro RSCG. Les deux fils de pub' ont même réussi à vendre leurs services en Côte d'Ivoire à Henri Konan Bédié et à son adversaire Alassane Ouatara. Le Général Robert Gueï, auteur du putsch contre Bédié et assassiné lors d'un coup d'État contre Laurent Gbagbo, avait, lui, choisi un concurrent, Marc Bousquet, ancien giscardien, et son agence Médiatique. Euro RSCG a aussi officié au Togo pour le général président Eyadéma, ou au Sénégal enégal en 1999 pour Abdou Diouf ». La supercherie remonterait à Diouf. Ousmane Tanor Dieng, qui lui succéda à la tête du Parti socialiste, avait de la visite française pendant son meeting de clôture le 23 février 2007. Wade en avait aussi, lui qui donna la parole à l'ultralibéral Alain Madelin, maintenant oublié des Français.
Abdoulaye Wade fit surtout campagne 21 jours durant en s'amurant les services d'un « maître de scène », un certain Jean Pierre Pierre-Bloch. Le nom de ce monsieur nous renvoie à nos lectures politiques post-alternance. Dans le chapitre consacré au « Françafricain Abdoulaye Wade », l'auteur de l'ouvrage « Le Sénégal entre deux naufrages ? Le Joola et l'alternance » (L’Harmattan, 2003), Almamy Mamadou Wane, écrit que « dès les premières heures de son élection, au soir de sa victoire, tous les amis de Wade étaient présents parfois en famille : Alain Madelin, (...). Pierre Aïm, (...), [...], le maire adjoint de Paris, Jean-Pierre Pierre-Bloch, qui, il est vrai, avait ouvert dans son XVIIIe arrondissement une permanence pour le "candidat [Abdoulaye] Wade" ». « Jean-Pierre Pierre-Bloch, écrit M. Wane, est une vieille relation du dictateur congolais Denis Sassou Nguesso, multirécidiviste de crime contre l'humanité. Et son "frère" à la Grande Loge Nationale Française (GLNF), l'Église de toutes les chapelles françafricaines. »
Pendant toute la campagne électorale pour l'élection présidentielle du 25 février 2007, le (...)-Bloch de M. Wane demanda aux jeunes de la caravane du président sortant Abdoulaye Wade de soulever la poussière partout où l'illusion d'une mobilisation est nécessaire pour abuser l'opinion.
La bête de scène « hyperactive » Jean-Pierre Pierre-Bloch avait été mise en examen à deux reprises en France pour « recel d'abus de bien sociaux ». Dans la première affaire, « la société dirigée par sa femme aurait bénéficié de prêts de plusieurs dizaines de millions de francs [français] pour des opérations immobilières ». Dans la seconde histoire, « la justice soupçonna l'élu du XVIIIe arrondissement d'avoir perçu, entre 1994 et 1999, des rémunérations d'une société de Neuilly (Hauts-de-Seine) sans y avoir été employé ». L'emploi fictif lui aurait rapporté environ 780 000 euros. Au sein du groupe Vaturi, informe le quotidien français Libération, daté du 25 décembre 2006, « Clément Vaturi, le père, et Joël Vaturi, le fils, ont, dans les années 90, rémunéré Jean-Pierre Pierre-Bloch (90 000 francs par mois) comme "apporteur de bonnes] “affaires" et "ouvreur de portes" ».
Venu témoigner à la barre en faveur de son « ami personnel », Alain Mandelin - encore lui - tempère : « Lobbying ne veut pas dire favoritisme (...). Aujourd'hui, on parlerait de patriotisme économique. » Le prévenu écope de « deux ans avec sursis et 100 000 euros d'amende pour... emploi fictif ».
Jean-Pierre Pierre-Bloch perdit, en 1994, son mandat de député UDF, invalidé pour dépassement de frais de campagne. Le voyou, qui souleva la poussière, n'avait donc aucune raison de déconseiller le vieux lièvre sénégalais bien connu de ses concitoyens pour les « largesses » grâce auxquelles il deal avec autrui.
Abdoulaye Wade, en si mauvaise compagnie, aime néanmoins se réclamer d'une des quatre plus grandes confréries musulmanes de son pays et de son guide spirituel. Un vrai paradoxe. Mais pour Wade et ses petits hôtes français, plusieurs carapaces valent plus qu'une seule. Wade peut toujours se prévaloir des prières d'un saint auprès de ses concitoyens pour expliquer ses succès électoraux tout en faisant opérer ses vieux « sorciers blancs » dans les coulisses. Une vraie manipulation !
Jean-Pierre Pierre-Bloch sait peut-être aussi comment un président impopulaire gagne une élection. Son ami Jacques Dominati avait été « sollicité par le procès des faux électeurs du Me arrondissement de Paris ». M. Dominati est intervenu à la demande de Jean-Pierre Pierre-Bloch quand ce dernier contesta le prix de vente des boutiques des aéroports de Roissy et d'Orly aux Vaturi qui, en 1993, remportèrent la privatisation desdites boutiques avec l'aide de Jean-Pierre Pierre-Bloch. En se joignant au boycott des élections législatives du 3 juin 2007, l'ancien Premier ministre sénégalais Idrissa Seck en disgrâce, savait-il des choses qu'il n'a pas encore dites ? Jean-Pierre Pierre-Bloch se trouve être un ami commun du président Wade et de son ancien Premier ministre. Il est d'ailleurs l'un des premiers à avoir tenté de réconcilier l'ancien mentor avec l'ancien poulain. Invité Afrique », le jeudi 26 avril 2007, de Radio France internationale (RFI), l'ancien Premier ministre du président Wade, Moustapha Niasse, crédité de seulement 5,90 % des voix à l'issue de l'élection présidentielle du 25 février 2007, dit entretenir de bonnes relations avec le maire de Thiès Idrissa Seck et accusa nommément le président Wade d'avoir purement et simplement « emporté » les élections en convoyant des électeurs vers des zones plutôt défavorables au président sortant. « Wade, mettra six mois à inscrire des gens à Dakar sur les listes électorales pendant que tout le reste du pays attendait. Restés ouverts jusqu'au lendemain 26 février 2007, les bureaux de vote des zones incriminées accueillirent les personnes déplacées pour bourrer "proprement" les urnes ». Le résultat se passe de commentaire : Wade gagne partout sauf à Thiès, fief bien gardé d'Idrissa Seck, et Nioro, bastion imprenable de Moustapha Niasse.
Les « faux électeurs » des zones et bureaux de vote incriminés par le patron de l'Alliance des forces de progrès (AFP) rappellent « les faux électeurs du IIIe arrondissement de Paris » dont Jacques Dominati, ami de Jean-Pierre Pierre-Bloch, était le maire jusqu'en 1995. Le procédé employé par les amis politiques du Corse Jacques Dominati pour conserver la mairie du Ille arrondissement de Paris est le même que celui décrit par Moustapha Niasse au téléphone de Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI. De quoi s'agit-il ? C'est le quotidien Libération, daté du lundi 11 septembre 2006, qui nous renseigne : « Outre Jacques [Dominati], ses fils Laurent (ancien député) et Philippe (qui a hérité du siège sénatorial paternel) sont poursuivis pour "manoeuvres frauduleuses ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin", à l'occasion des municipales de 1989 et 1995. Aux côtés de l'ancien maire du Ille, six de ses adjoints ou conseillers, et deux fonctionnaires du bureau des élections. L'accusation leur reproche une "quête incessante d'électeurs susceptibles de soutenir Jacques Dominati (...) qu'ils résident ou pas dans l'arrondissement", via des "attestations de domicile fallacieuses" et "au mépris du code électoral", La "mouvance ou l'entourage" Dominati aurait "dragué" au sein des militants UDF, des commerçants, de la synagogue Saint Nazareth, faisant miroiter à l'occasion une place en crèche ou en HLM ». « Le patron d'une brasserie, où le député-maire avait ses habitudes, a fait inscrire quatre de ses employés qui ne réclamaient qu'une carte de stationnement, ils auront droit à une carte d'électeur, avec ce mot d'ordre : "Vote pour Dominati" ». Renaud Lecadre, le journaliste de « Libé' », qui signe l'article, renchérit en ces termes : « (...) L'équipe Dominati a poussé la "coutume" au stade industriel, quitte parfois à imiter la signature des titulaires des cartes d'électeurs, une expertise a relevé 109 "faux grossiers" ». Par « coutume », il faut comprendre ce que Jacques Dominati présenta lui-même comme « (...) une "pratique courante" permettant de voter sur son lieu "d'attache professionnelle ou religieuse", notion inconnue du code électoral ». « L'accusation recense 327 électeurs "indûment inscrits" pour les municipales de 1989, plus 290 pour le scrutin de 1995. Pas de quoi inverser les élections : Dominati, élu en 1989 au premier tour à 20 voix près, serait passé au second quoi qu'il en soit ; en 1995, il a été battu avec 234 voix de retard », précise le journaliste. L'ami Pierre-Bloch aurait-il soufflé la méthode de l'ami Dominati au président Wade ? Les certitudes de Moustapha Niasse sur RFI portent à le croire. S'y ajoute surtout qu'au Sénégal, la « coutume » invoquée par M. Dominati est consacrée par le code électoral.
L'article L.33 dudit code stipule que « sont également inscrites sur la liste électorale dans les communes, les communes d'arrondissement et les communautés rurales, les personnes qui, ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence lors de la formation de la liste, les rempliront avant la clôture définitive.
Sont aussi inscrites sur la même liste électorale, lors des révisions exceptionnelles, les personnes qui remplissent la condition d'âge au plus tard le jour du scrutin ». Les tricheurs sénégalais auraient donc inscrit à Dakar « les personnes qui, ne remplissant pas les conditions (...) de résidence [ailleurs qu'à Dakar] lors de la formation de la liste, [ne] les [auraient toujours pas rempli] avant la clôture définitive [des inscriptions] ». Ces personnes-là seraient toutes de « faux électeurs » destinés à « faire du monde » dans les bureaux de vote pour le sortant Abdoulaye Wade. Un habitant de Ziguinchor nous informa de la caravane de 60 cars bourrés d'électeurs partis de Dakar pour aller voter dans la capitale de la région sud du même nom au frais du secrétaire général de la présidence de la République Abdoulaye Baldé. L'effectif déplacé représente plus de 50 % du total des voix engrangés par le candidat indépendant Marne Adama Guèye à Dakar. Cet effectif mobile se serait substitué, au moins en partie, aux vrais électeurs dont les cartes n'ont pas été distribuées avant le scrutin. À la date du 11 janvier 2007, 42,10 % des personnes inscrites sont en attente de leur carte d'électeur. La campagne électorale, elle, démarra moins d'un mois plus tard. « C'est quoi çà ? ».
« Il faut éviter l'amalgame. Mon adversaire, ce n'est pas Abdoulaye Baldé mais Abdoulaye Wade », s'offusqua le candidat de la coalition « Takku Defaraat Sénégal » à l'élection présidentielle Robert Sagna, maire de Ziguinchor. C'est « Wade [qui] m'a battu d'une manière générale à Ziguinchor, mais je l'ai bel et bien vaincu chez moi, dans mon village ». Pouvait-il en être autrement dans les limites bien gardées des derniers retranchements de M. Sagna ? Les convois s'arrêteraient aux portes des citadelles imprenables. Ces citadelles-là totaliseraient 44,1 % des suffrages exprimés.
Le Sénégal se serait alors transformé en Ille arrondissement géant de Paris le temps d'une élection présidentielle. A Paris, M. Dominati a bien « été le bénéficiaire de manœuvres frauduleuses qui ont incontestablement existé et qui ont été démontrées (...) ». Jacques Chirac, alors maire de Paris, (...), aurait été au cœur du dispositif, souhaitant remporter le "grand chelem" des 20 arrondissements parisiens en 1989 pour effacer sa défaite à la présidentielle de l'année précédente ». Adjoint au maire de Paris de 1983 à 2001, Jean-Pierre Pierre-Bloch, lui, était bien là quand les choses se tramaient. Quel rôle a-t-il vraiment joué ? Peu im ort Auprès du président Wade, candidat à sa propre succession, Pierre-Bloch ne joua pas les seconds rôles.
Chirac, lui, congratula Abdoulaye Wade, « réélu ». « Bravo› » s'exclama le président français dans son message de félicitation à l'attention de son homologue sénégalais. Le Français sait-il des choses ? De chef d'État à chef d'État, le mot de trop (bravo) est lourd de signification. L'Histoire nous dira laquelle. Si les choses s'accéléraient, les vrais électeurs sénégalais du 25 février 2007 pourraient se constituer partie civile pour réclamer dommages et intérêts aux tricheurs et à leurs sponsors.
Aux trousses, sitôt les résultats provisoires de l'élection présidentielle du 25 février 2007 proclamés par la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), d'Amath Dansokho, de Moustapha Niasse, d'Ousmane Tanor Dieng et d'Idrissa Seck, pour des « affaires » pendantes devant la Justice, Abdoulaye Wade fixa, le samedi 3 mars 2007, en direct à la télé du service public, les termes d'un nouveau deal politique qui absoudrait ses adversaires malheureux. Mais rien qu'une communication au ras des pâquerettes, qui fit diversion au moment où tout le monde s'interrogeait sur l'issue atterrante du scrutin.
Dans les colonnes du quotidien Walfadjri, daté du samedi 3 - dimanche 4 mars 2007, le secrétaire général de la Rencontre africaine de défense des droits de l'homme (RADDHO), Alioune Tine, soutient que « (...) l'honnêteté commande de reconnaître que les irrégularités et dysfonctionnements constatés ne sont pas de nature à modifier ou à entacher les résultats du scrutin ». « Franchement, dit-il, quand nous avons vu le matin du 25 février cette masse d'électeurs avec sa détermination, sa patience, parfois sous le soleil, nous avons compris qu'ils avaient un message à délivrer. » « Il faut faire preuve de fair-play », recommande-t-il. M. Tine se pose néanmoins une question cruciale : « (...) Comment tout cela est arrivé ? » Alioune Tine accuse : « (...) Beaucoup de mesures prises dans [la} période préélectorale étaient des mesures unilatérales prises par (...) le président de la République ». D'ailleurs, précise-t-il, « que ce soit le couplage, le découplage (...), que ce soit la suppression du quart bloquant, le fichier électoral ». Si, comme le reconnaît Alioune Tine, l'unilatéralisme du président sortant concerne aussi le fichier électoral, les 1 300 observateurs, à la tête desquels il se trouvait, ne suffisent pas à démêler la « masse d'électeurs » (vrais ou faux) prêts à délivrer un message.
Sur le fichier électoral précisément, le Front d'action de la société civile sénégalaise (FACS) a émis, dans son rapport daté de mars 2007, suite à l'audit du fichier du 02 au 06 février 2007, les réservés importantes suivantes :
« - L'audit du fichier électoral par le FACS n'a pas permis de lever les doutes sur l'unicité de l'électeur dans le fichier ;
-le fichier des photos a fait ressortir plusieurs cas de ressemblances ;
-la mission sur le terrain afin de faire une confrontation avec les personnes dont les photos ont présenté une ressemblance n'a pas eu lieu du fait de la campagne électorale et de la mise en place des outils et matériaux électoraux ;
-il y a lieu de noter que la biométrie qui devait faciliter les recherches approfondies a été une pomme de discorde. »
Avec les soutiens des ambassades d'Allemagne et des Pays Bas et de l'Organisation Internationale de la Francophonie, le patron de la RADDHO « se félicita » de « la prime donnée à la mal gouvernance ». Tout le débat sur les observateurs des élections africaines repose sur cette dichotomie : la sanction positive par une observation de courte durée, et avec les yeux d'autrui, d'un processus complexe, long de plusieurs années et rarement honnête. Pour avoir tranché le débat avant même de l'avoir suscité, Alioune Tine s'est rendu coupable de précipitation dans une affaire particulièrement délicate. Sa crédibilité n'est pas en cause, mais son organisation se montra incapable de recoller les morceaux épars. L'opposition significative se refusa à participer aux législatives du 3 juin 2007 en dépit de l'incitation au dialogue à laquelle participa M. Tine.
Plus rien qu’un néologisme
Le président français Nicolas Sarkozy n'a pas prononcé son discours de Dakar controversé à l'Assemblée nationale monocolore issue des législatives du 3 juin 2007. S'est-il offusqué du retour du Sénégal au parti unique ? Bien sûr que non. L'opposition sénégalaise, elle, s'en est certainement offusquée en lui remettant une lettre d'information sur l'état piteux de notre démocratie, sept ans seulement après la première alternance démocratique de son histoire.
« La France [de Sarkozy] ne défilera pas à [notre] place. » Mais que faut-il d'autre à cette France-là pour « s'associer » à celles et à ceux qui veulent « construire », au Sénégal et ailleurs en Afrique, « la démocratie, la justice, le droit » ? La réponse exclusivement sénégalaise à cette question explique pourquoi la fin de mandat, dès juin 2011 au lieu d’avril 2012, ne fut pas de tout repos pour le président Wade obligé de faire face au Mouvement du 23 juin (M23) de défense de la Constitution dont l’intangible forme républicaine de l’État mobilisa comme jamais auparavant, de l’avis de l’historien du politique le Professeur Ibrahima Thioub, les partis politiques et les coalitions de partis, les syndicats plutôt discrets, les organisations de la société civile, un nombre impressionnant de personnalités indépendantes qui firent barrage avec succès au passage programmé de témoin entre Wade et son fils Karim. La perte du pouvoir, le 25 mars 2012, par le géniteur du Sopi (changement en ouolof) au profit de son ancien premier ministre Macky Sall sonna le glas de la Françafrique des élections qui ne se contenta que d’insignifiantes reliques.
Le moment propice à de nouvelles aventures politiques profitèrent, plus tôt que prévu, au duo gagnant de mars 2024, Diomaye et Sonko, qui ne sont objectivement pour quoi que ce soit dans l’accélération de la « strangulation », dès 2007, de la Françafrique. Plus rien qu’un néologisme dépouillé de tout ce dont il fut le condensé conceptuel bien avant les coups de force malien, burkinabé, nigérien, etc.
L’Histoire - la vraie - est souvent volée à celles et ceux qui la font par de prestigieux plagiaires et par les intellectuels tuteurs dont le tutorat (jamais désintéressé) profite aux jeunes et moins jeunes auteurs qui leur cirent les pompes. On s’en fout quand aime la liberté et les gens du pays toutes conditions confondues. Si, pour ma part, j’avais une seule raison d’être, elle serait cet amour-là pour ces gens-là. Ça me va comme ça !
Abdoul Aziz Diop est essayiste, auteur, entre autres, de « Sarkozy au Sénégal… » (L’Harmattan, Coll. Pensée Africaine, 2008) et co-auteur de « M23 : Chronique d’une révolution citoyenne » (Éditions de la Brousse, 2014)
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UN FAUX RELEVÉ BANCAIRE ATTRIBUÉ À MACKY SALL
Un milliard de dollars, c'est la somme astronomique qui s'affiche sur un prétendu relevé bancaire de l'ancien président massivement partagé sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Une falsification grossière, truffée d'incohérences
Un document présenté comme un relevé bancaire de l'ancien président Macky Sall, affichant un solde final d'un milliard de dollars à la banque HSBC de Singapour, s'est largement propagé sur les réseaux sociaux ces derniers jours. L'enquête du Soleil Check démontre qu'il s'agit d'un faux.
Contactée le 16 décembre 2024 par le service de fact-checking du journal, la banque HSBC Singapour a formellement démenti l'authenticité du document. Dans sa réponse, l'institution bancaire précise : "Ce document n'est pas légitime". La banque alerte même sur la recrudescence de ce type de fausses pièces bancaires, appelant à la vigilance face aux tentatives d'arnaque.
L'analyse approfondie du document par des experts en conformité bancaire révèle plusieurs anomalies majeures :
Tout d'abord, l'IBAN (International Bank Account Number) commence par "GB", indicatif de la Grande-Bretagne, alors que le compte est supposé être domicilié à Singapour. Cette contradiction géographique constitue une erreur majeure.
Deuxièmement, une discordance flagrante apparaît entre le numéro de compte et l'IBAN après les chiffres "345" : là où le numéro de compte indique "6 09 8 7", l'IBAN présente une séquence totalement différente. Dans un document bancaire authentique, ces informations doivent être parfaitement alignées.
Troisièmement, le code SWIFT mentionné sur le document est inexistant dans les registres bancaires internationaux.
Le document a connu une diffusion importante sur X (anciennement Twitter) et Facebook, générant de nombreux partages et commentaires. Fait notable : aucun média traditionnel n'a relayé cette information, laissant la viralité se concentrer exclusivement sur les réseaux sociaux.
L'origine première du document reste impossible à déterminer, les recherches d'images inversées n'ayant donné aucun résultat. Les utilisateurs intéressés affirment simplement l'avoir trouvé et partagé depuis les réseaux sociaux.
MAMADOU DIA ENFIN AU POUVOIR
L'homme qui fut emprisonné en 1962 pour avoir défié Senghor voit aujourd'hui ses idées triompher au sommet de l'État. Le nouveau régime assume pleinement cette filiation intellectuelle avec celui qui fut le premier président du Conseil
La crise de 1962 opposant Mamadou Dia et Senghor a été un tournant déterminant de l'histoire politique du Sénégal, voire économique. Et même si beaucoup d'eau a coulé depuis, une certaine frange de la nouvelle génération d'intellectuels, d'activistes et de politiques a "réhabilité" le président Mamadou Dia. Les nouveaux tenants du pouvoir revendiquent leur "affinité politique" avec Dia.
L'ancien président du Conseil du Sénégal a-t-il finalement pris sa revanche sur le président Léopold Sédar Senghor ? La réponse semble affirmative si l'on se fie aux bouleversements politiques de ces dernières années dans le pays et l'avènement d'une classe politique plus encline aux idéaux du président Mamadou Dia. Et 62 ans après la crise du 17 décembre 1962, l'héritage de cette personnalité emblématique de la lutte pour l'indépendance est remis au goût du jour, et on peut dire sans "risque de nous tromper" que les nouveaux tenants du pouvoir sont ses "fils spirituels".
En effet, le tandem Diomaye-Sonko arbore et assume certaines idées de Mamadou Dia depuis qu'ils étaient dans l'opposition. Dans un article du Monde datant de 2022, le directeur du parti Pastef d'alors devenu aujourd'hui le ministre de la formation professionnelle et porte-parole du gouvernement affirmait sans ambages : "La pensée de notre parti est influencée par son patriotisme et sa rigueur dans la gestion de l'État". Et le nouveau porte-parole du gouvernement ajoutait : "Dès 1957, il avait la volonté d'instaurer une souveraineté politique et économique et développer une politique de changement des structures sur le plan agricole, industriel et social. Par exemple, il avait pointé du doigt le problème du franc CFA et parlait d'indépendance monétaire pour laquelle nous militons aussi".
Il faut rappeler à ce titre que le siège du parti aujourd'hui au pouvoir porte le nom de "Kër Maodo" en hommage à Mamadou Dia. Dans le même ordre d'idées, force est de constater aussi que le nouveau gouvernement a repris les idées de Dia sur le système de coopératives, la seule voie selon Dia pour le Développement et l'émancipation des paysans. Ainsi le ministre de l'Agriculture annonce la création, dans les 5 ans, de Coopératives agricoles communales (Cac) dans chacune des 525 communes rurales pour permettre à la jeunesse de produire en quantité. Ses idées anti colonialistes sous-tendent aussi les idéaux de ce nouveau régime qui affirme ouvertement la lutte contre la Françafrique sous toutes ses formes au Sénégal.
"La nouvelle génération a choisi sans aucun doute le camp de Mamadou Dia"
C'est ce que le prospectiviste Cheikh Guèye confirme. "Il n'y a même de doute, la nouvelle génération a choisi le camp de Dia comme inspiration dans leur combat pour conquérir le pouvoir, comme une sorte de revanche due à Dia. Mais aussi en termes de modèle économique puisqu'ils font recours au modèle économique endogène et anti impérialiste", soutient Dr Cheikh Guèye dans un entretien accordé à l'AS non sans indiquer aussi que l'influence de la pensée de Dia se fait sentir sur le plan culturel. "Le complexe culturel qui était celui de la période des indépendances n'existe plus. La culture est devenue plus endogène", renchérit-il. Sur le plan religieux aussi, le chercheur à IPAR trouve aussi que la nouvelle génération de politiques a beaucoup de similitudes avec Mamadou Dia. "La posture de Dia par rapport aux autorités religieuses, on retrouve cette volonté de rentrer dans une relation plus sincère, plus transparente et plus institutionnalisée. Ça aussi, c'était la ligne de Dia", révèle Dr Cheikh Guèye. Il souligne tout de même que la seule différence, c'est que Dia avait fini par assumer cette relation avec les religieux de manière très forte. "Sans doute trop forte", précise-t-il.
Rappelons que la date du 17 décembre 1962 demeure une tache sombre dans l'histoire politique du Sénégal. Le lundi 17 décembre 1962, Mamadou Dia fait évacuer l'Assemblée et déploie un cordon de gendarmerie autour du bâtiment. Quatre députés sont arrêtés. Mais la motion est tout de même votée dans l'après-midi du 17 au domicile du président de l'Assemblée, maître Lamine Guèye. Le 18, Mamadou Dia et ses compagnons sont arrêtés par un détachement de paras-commandos. Mis en accusation, il est jugé du 9 au 13 mai 1963 par la Haute Cour. Il est condamné à la déportation perpétuelle. Il est transféré à Kédougou. Il sera libéré 12 ans après.