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18 avril 2025
Développement
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LA CÔTE D'IVOIRE ANNONCE LE DÉPART DES FORCES FRANÇAISES
Cette décision évoquée par le président Alassane Ouattara lors de son discours de fin d'année, s'inscrit dans un mouvement plus large de désengagement français du continent
(SenePlus) - Dans une allocution de fin d'année qui marque un tournant historique dans les relations franco-ivoiriennes, le président Alassane Ouattara a annoncé mardi le retrait prochain des forces militaires françaises de Côte d'Ivoire, poursuivant ainsi le recul de l'influence militaire de l'ancienne puissance coloniale dans la région.
"Dans ce contexte, nous avons décidé d'un retrait coordonné et organisé des forces françaises", a déclaré le chef d'État ivoirien, mettant en avant la modernisation des forces armées de son pays dont "les Ivoiriens devraient être fiers", selon les propos rapportés par Reuters.
Cette décision s'inscrit dans un contexte plus large de désengagement militaire français en Afrique. Selon des sources citées par l'agence Reuters en novembre, Paris envisageait déjà de réduire drastiquement sa présence militaire en Afrique de l'Ouest et centrale, prévoyant de passer d'environ 2.200 soldats actuellement à seulement 600 hommes.
Le retrait des forces françaises de Côte d'Ivoire fait suite à une série de revers diplomatiques et militaires pour la France dans la région. Depuis la fin de la période coloniale dans les années 1960, Paris a déjà dû retirer ses troupes du Mali, du Burkina Faso et du Niger, suite à des coups d'État dans ces pays et face à un sentiment anti-français grandissant.
Plus récemment encore, le Tchad, considéré comme un allié occidental majeur dans la lutte contre le terrorisme islamiste dans la région, a brutalement mis fin à son accord de coopération militaire avec la France en novembre dernier, illustrant l'ampleur du recul de l'influence française dans son ancien pré carré.
Cette nouvelle annonce du président Ouattara marque ainsi une étape supplémentaire dans la reconfiguration des relations entre la France et l'Afrique de l'Ouest, région où Paris maintient une présence militaire continue depuis les indépendances. Elle souligne également la volonté croissante des États africains d'affirmer leur souveraineté militaire et sécuritaire.
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L'IDENTITÉ COMME COMBAT
Ken Bugul et Diary Sow ont transformé leur marginalisation en espace de création, leur solitude en force d'écriture. Leurs voix, entrecroisées lors du Salon du livre au féminin, dessinent une cartographie nouvelle de l'émancipation féminine
Dans l'écrin prestigieux du Musée des Civilisations noires, le Salon du livre au féminin a offert une plongée saisissante dans les méandres de la construction identitaire. Au cœur de cet événement littéraire devenu incontournable dans le paysage culturel sénégalais, deux voix de la littérature africaine, Ken Bugul et Diary Sow, ont partagé leurs réflexions sur ce processus complexe et permanent qu'est la quête de soi.
Le panel, orchestré par Amina Seck, a révélé comment l'identité se forge dans la résistance et la résilience. Ken Bugul a évoqué son parcours marqué par l'absence d'héritage affectif, transformant ce vide initial en force créatrice. De son côté, Diary Sow a décrit sa lutte contre les assignations sociales traditionnelles, illustrant comment le refus des conventions peut devenir le terreau fertile d'une identité authentique.
La marginalité, thème récurrent dans leurs témoignages, s'est dessinée non pas comme une fatalité mais comme un espace de liberté paradoxal. Qualifiées parfois de "folles" pour avoir osé défier les normes établies, ces femmes ont transformé leur mise à l'écart en opportunité d'émancipation. Leurs récits démontrent comment la société utilise souvent l'étiquette de la folie pour discréditer celles qui osent s'écarter des chemins tracés.
L'exil, qu'il soit géographique ou intérieur, est apparu comme un puissant catalyseur de la quête identitaire. Les intervenantes ont souligné comment le déracinement, malgré ses défis, peut devenir une terre fertile pour la reconstruction de soi. Face aux discriminations multiples - en tant que femmes, en tant qu'Africaines - elles ont développé une résilience qui nourrit leur créativité et leur engagement.
La littérature émerge comme un vecteur essentiel de cette quête identitaire. Le parcours de Ken Bugul, dont l'œuvre "Le Baobab fou" lui vaudra un doctorat honoris causa, illustre comment l'écriture peut transformer une expérience personnelle en héritage universel. Cette reconnaissance académique témoigne de la portée d'une œuvre qui transcende les frontières culturelles et générationnelles.
Ce dialogue intergénérationnel a mis en lumière une vérité fondamentale : la quête identitaire n'est jamais achevée. Elle se poursuit à travers les âges, les expériences, les rencontres, dans un processus de déconstruction et de reconstruction permanente. Les échanges de ce Salon ont démontré que cette quête, bien que profondément personnelle, résonne collectivement, tissant des liens invisibles entre les générations de femmes qui osent réinventer leur destin.
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THIAROYE-SUR-MER ACCUEILLE LE PREMIER BÉBÉ DE L’ANNÉE
Cette petite fille, septième enfant d'une jeune mère de 32 ans, a reçu un accueil exceptionnel de la part des plus hautes autorités sanitaires et sociales du pays
À Thiaroye-sur-Mer, le premier bébé de l’année 2025 a vu le jour précisément à minuit. Ce nouveau-né, une petite fille, est le septième enfant de Ndèye Anta Kama, âgée de 32 ans.
Pour célébrer cet événement, Mme le ministre de la Famille et des Solidarités, Maimouna Dièye, accompagnée du ministre de la Santé et de l’Action sociale, Dr Ibrahima Sy, et du directeur général de la RTS, Pape Alé Niang, s’est rendue au poste de santé. Ensemble, ils ont comblé les parents de la petite fille de cadeaux : lait, couches, vêtements, produits cosmétiques et bien d’autres présents.
Mais les célébrations ne s’arrêtent pas là. Un compte d’épargne a été ouvert pour financer les études futures de l’enfant, et des projets d’autonomisation des parents sont également prévus. Le ministre de la Santé a profité de l’occasion pour annoncer des améliorations dans les services de maternité, pédiatrie et néonatalogie à travers le pays, rappelant l’importance de renforcer le plateau technique des structures sanitaires.
Marraine de l’enfant, Mme Dièye a exprimé son optimisme : « Avec une fille en premier, 2025 sera une année de paix et de prospérité. »
par Cheikh Faye
LE GOUVERNEMENT PRIS LA MAIN DANS LE SAC
EXCLUSIF SENEPLUS - Le communiqué sur les 108 millions destinés aux ex-détenus et aux victimes de la période pré-électorale dévoile des détournements de procédures inquiétants. Cette gestion met à mal le "Jub, Jubal, Jubanti"
Affaire des 108 millions : Un communiqué qui confirme et enfonce le gouvernement
Le brouhaha et la clameur publique qui ont suivi l’annonce de l’octroi d’un soutien de 108 millions au profit des ex-détenus et autres victimes de la période pré-électorale ont fini de contraindre le gouvernement à sortir de son mutisme. Il n’avait pas le choix face au tollé et à l’indignation qu’une telle mesure, décidée en catimini et au profit exclusif d’une poignée de militants du parti au pouvoir, a suscités même dans les rangs de Pastef.
À travers le communiqué, le gouvernement confirme les faits, mais aussi s’embourbe dans ses explications, lesquelles peinent à convaincre tout(e) citoyen(ne) doté(e), un tant soit peu, d’un esprit non partisan.
Confirmation d’une opération menée en totale opacité
Le communiqué confirme l’existence de l’Arrêté n°17 450 MFS/SG/CAJ du 30 juillet 2024 pris par le ministre de la Famille et des Solidarités et qui institue un Comité chargé de proposer une assistance aux ex-détenus et autres victimes de la période pré-électorale. Il confirme, en outre, l’allocation de 108 millions de francs CFA au profit de 112 dossiers médicaux pour aider à la prise en charge médicale de personnes blessées lors des manifestations politiques durant la période pré-électorale.
Toutefois, le gouvernement ne répond pas ou esquive les questions essentielles que se posent les Sénégalais notamment :
quelles ont été les actions entreprises, depuis la mise en place du Comité) pour porter l’information à toutes les personnes susceptibles d’être concernées ?
quelles sont les mesures d’accès à ces fonds et d’égalité de traitement qui ont été mises en place ?
comment les victimes ont été identifiées ?
comment peut-on déterminer qui est victime et qui ne l’est pas en dehors des procédures de justice ?
quels sont les critères de sélection qui ont permis de choisir 112 dossiers médicaux ?
Ces questions reviennent toujours dans les différentes interventions des citoyens(nes) faites à travers les réseaux sociaux et certains médias. Aucune réponse ou début de réponse de la part du gouvernement n’a été notée sur toutes ces questions et bien d’autres. Ce qui continue de jeter de légitimes suspicions sur cette opération aux relents purement partisans si l’on se réfère aux propos de plusieurs personnes indignées se réclamant de Pastef : les listes des bénéficiaires auraient été préparées dans les officines du parti. Qu’est-ce qu’on fait des autres Sénégalais(ses), qui ne sont pas militants(es) de Pastef et qui se réclament être des victimes ? Une question qui met en exergue l’impérieuse nécessité de respecter les principes d’égalité dans le traitement des citoyens(nes) et qui cantonne, à l’évidence, le « Jub, Jubal, Jubanti » au rang de simple slogan.
Des explications révélatrices de faits plus graves : des détournements d’objectifs et de procédures
« En attendant la disponiblité effective de ces fonds, le ministère de la Famille et des Solidarités a mobilisé les ressources de la Délégation générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale (OGPSN), en vertu de la Loi de Finances Initiale 2024.»
Ce passage du communiqué gouvernemental est gravissime ! Il constitue un aveu (reine des preuves) d’au moins de deux (2) « dialguati » de la part du gouvernement : un détournement d’objectif et un détournement de procédure.
En effet, aux termes du Décret n° 2024-940 du 5 avril 2024 portant répartition des services de l’État, le ministère de la Famille et des Solidarités compte en son sein plusieurs organes entrant dans sa sphère de compétences notamment la Délégation générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale (DGPSN) et le Fonds de Solidarité nationale (FSN). Ces deux entités ont des missions distinctes.
La mission du FSN est, entre autres, d’apporter une réponse immédiate et appropriée aux situations de crise et d'urgence concernant les personnes en situation de détresse, sinistrées, déplacées et de fournir un appui à la prise en charge de certaines catégories de soins médicaux. C’est à cette entité que devait relever le soutien accordé aux 112 dossiers médicaux et non à la DGPSN ! En effet, la mission de cette dernière, selon les dispositions du Décret no 2012-1311 du 16 novembre 2012 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la DGPSN), est notamment d’impulser, de mettre en œuvre et de coordonner les politiques publiques en matière de protection sociale et de solidarité nationale dans le but de réduire la pauvreté et les inégalités. Un de ses programmes phares est celui des bourses de sécurité familiale dont les paiements s’effectuent sur la base d’un ciblage au moyen du Registre national unique (RNU) qui a permis d’identifier les ménages vivant dans l’extrême pauvreté afin de leur permettre d’accéder de façon équitable et transparente à des programmes de filets sociaux. La notion de « ménage » a sa signification ici, car elle guide les intervention de la DPPSN et s’oppose à celle d’« individu ». Selon l’ANSD (2014), le ménage est défini comme un groupe de personnes, apparentées ou non, vivant ensemble sous le même toit et mettant en commun tout ou partie de leurs ressources pour subvenir à leurs besoins essentiels, notamment le logement et la nourriture.
Au regard des différences dans les missions de la DGPSN et du FSN, le gouvernement ne pouvait prendre les crédits votés dans la LFI 2024 pour la DGPSN et les utiliser pour des actions qui n’ont rien à voir avec sa mission. Procéder de la sorte, c’est se rendre coupable d’un détournement d’objectif et d’un détournement de procédures. Le détournement d’objectif empêche la DGPSN de réaliser les missions pour lesquelles elle a été mise sur pied. Le détournement de procédure, consiste à recourir à une procédure autre que celle normalement applicable pour contourner des règles établies. Le gouvernement s’est rendu fautif de ces deux manquements graves. S’il l’a fait en connaissance de cause, il a commis une grave faute de gestion. Les organes de contrôle et de vérification (IGE, Cour des comptes) devraient voir tout cela de plus près. S’il l’a fait de bonne foi, il a agi par incompétence en plus de violer son slogan « Jub, Jubal, Jubanti ».
Nous continuons à réclamer toute la lumière sur cette affaire nébuleuse qui est en train de nous montrer le véritable visage des personnes qui se sont faites des héraults de la bonne gouvernance et de la transparence lorsqu’elles étaient dans l’opposition. Nous ne lâcherons rien !
PS : Mes pensées vont, en ce jour à un otage politique maintenu injustement et arbitrairement dans les liens de la détention du fait de la seule volonté du prince actuel. Je veux nommer le vaillant Moustapha Diakhaté. De Reubeuss où il se trouve, il est loin d’être seul. Nos prières l’accompagnent pour qu’il recouvre rapidement la liberté, car un sénégalais utile comme lui n’a pas sa place en prison.
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LE NOUVEAU SÉNÉGAL DE DIOMAYE
Déclaration de patrimoine pour tous les agents publics, refonte du Cos-Petrogaz : le président de la République marque ses vœux de nouvel an du sceau de la rupture. Sa vision dessine un pays plus transparent et souverain
Dans son premier discours de vœux à la nation, prononcé ce 31 décembre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye a présenté une feuille de route ambitieuse pour transformer le Sénégal. Cette intervention, neuf mois après son élection historique et six semaines après la victoire de sa coalition aux législatives, marque un tournant dans la gouvernance du pays.
Une refondation institutionnelle en profondeur
Le chef de l'État a détaillé un vaste programme de réformes institutionnelles. La suppression annoncée du Conseil économique, social et environnemental et du Haut Conseil des collectivités territoriales n'est que la partie émergée d'une restructuration plus profonde. Le président a notamment annoncé quatre nouvelles lois majeures sur la transparence et la bonne gouvernance : la protection des lanceurs d'alerte, la réforme de l'organe de lutte contre la corruption, l'accès à l'information, et la déclaration de patrimoine.
Cette dernière mesure est particulièrement significative puisqu'elle concernera désormais tous les agents de la fonction publique sans exception, ainsi que tous les postes électifs ou nominatifs impliquant une gestion budgétaire.
Une nouvelle approche de la souveraineté
Sur le plan diplomatique, le président Faye a marqué une inflexion majeure en réitérant la fin des présences militaires étrangères au Sénégal dès 2025. Cette décision s'accompagne d'une redéfinition de la doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité. Le chef de l'État prône désormais une "coopération ouverte, diversifiée et décomplexée" avec les partenaires internationaux, tout en réaffirmant l'attachement du Sénégal aux "idéaux de paix et de justice".
Dans le secteur stratégique des hydrocarbures, la réorganisation du COS-Petrogaz pour inclure l'opposition, la société civile, les syndicats et l'ordre national des experts témoigne d'une volonté de transparence accrue dans la gestion des ressources naturelles.
Justice sociale et réconciliation nationale
Le discours présidentiel accorde une place centrale à la justice sociale et à la réconciliation nationale. Le président Faye a notamment évoqué la situation en Casamance, avec le "plan Diomaye" pour accompagner le retour des populations déplacées et soutenir le processus de paix dans cette région.
La question mémorielle occupe également une place importante, avec la première commémoration du massacre de Thiaroye et l'engagement d'établir la vérité sur les événements survenus entre mars 2021 et février 2024. Le président insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une "revanche" mais d'une "justice à rendre aux victimes et à leurs familles".
Modernisation de l'administration et participation citoyenne
Une innovation majeure a été annoncée avec le lancement prochain d'une plateforme permettant à tous les Sénégalais, y compris ceux de la diaspora, de postuler aux emplois publics et de proposer des projets d'investissement.
Le président a également mis l'accent sur la méthode, privilégiant "la concertation et la consultation" comme fil conducteur de sa gouvernance. Les assises de la justice et les États-Généraux du transport et de l'industrie déjà tenus en témoignent, tout comme les futures assises nationales des daaras et les concertations sur l'enseignement supérieur.
Appel à l'unité et attention particulière à la jeunesse
Le discours se conclut par un appel vibrant à l'unité nationale, le président mettant en garde contre "la montée du communautarisme et des discours de haine" qui se propagent notamment sur les réseaux sociaux. Il rappelle que la diversité du Sénégal constitue historiquement une force.
Une attention particulière est portée à la jeunesse, qualifiée de "véritable moteur" du pays. Le président s'engage à un soutien accru du gouvernement pour permettre aux jeunes de développer leurs talents et de se réaliser pleinement, tout en restant ancrés dans les valeurs sénégalaises.
Ce premier discours de vœux dessine ainsi les contours d'une transformation profonde du Sénégal, articulée autour des principes de souveraineté, de justice sociale et de bonne gouvernance. L'année 2025 s'annonce comme celle de la concrétisation de ces ambitions réformatrices.
NON MONSIEUR DIAGNE, LES TIRAILLEURS SENEGALAIS NE SONT PAS DES TRAÎTRES
EXCLUSIF SENEPLUS - C'est sans doute l'héritage de la lutte contre les injustices des tirailleurs qui fait de notre armée, une armée républicaine. Dans tout débat académique, le contexte historique est à prendre au sérieux
Le 24 octobre 1940, le maréchal Philipe Pétain signe l’armistice avec Adolphe Hitler à Montoire. La France est divisée en deux parties : la zone nord avec Paris occupée par les Allemands et la zone sud dite libre avec Vichy comme capitale. Dans la déclaration de capitulation de la France le 30 octobre 1940, un passage a retenu mon attention : « L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis des vainqueurs. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d’éteindre les divergences de l’opinion et surtout de réduire les dissidences des colonies." Ce qu'il faut retenir c’est que la longue présence des tirailleurs sénégalais dans les différents théâtres d’opération, guerres entreprises par la France, leur a donné une conscience politique. Deux périodes peuvent nous éclairer : la première va de 1854 à 1900 et la seconde de 1904 à 1960.
La première période voit les tirailleurs engagés loin de leur base dans les aventures extérieures du Second Empire : guerre de Crimée (1854-1856) ; intervention au Mexique (1862-1867). Quelques bataillons de tirailleurs sénégalais furent appelés au front lors de la guerre de 1870-1871 entre la Prusse et la France. Celle-ci fut battue à Sedan.
De ces différentes participations aux guerres menées par la France, les tirailleurs vont capitaliser des expériences qui se transformeront en des revendications politiques au moment voulu.
La deuxième période est celle qui va des années 1900 à 1960 : les différentes guerres menées par la France ont entraîné une chute démographique importante ; d’où un besoin de renfort colossal. Et ce besoin ne pouvait être comblé que par les colonies africaines d’ou le changement du mode de recrutement des tirailleurs sénégalais : ce mode de recrutement n'est guère éloigné de celui des esclaves de même que les tâches qui leur sont confiées.
Pour les esclaves, la prime d’engagement est en fait le rachat de l'esclave. Ensuite le groupe social le plus sollicité dans les recrutements ce sont les Bambaras qu’on retrouve en grande partie en Afrique de l'ouest : sud Mali, Ghana, Guinée, Burkina Faso, Sénégal et l'est de la Côte d'Ivoire. La cartographie du recrutement des tirailleurs englobait-il le royaume de Ségou et le royaume bambara de Kaarta ? Un dilemme se posa aux autorités coloniales. Comment mobiliser les populations des colonies pour les recruter ?
Le député Blaise Diagne est chargé de la mission. Le 12 février 1918, ceinturé de l’écharpe tricolore il débarque à Dakar et prend le train Dakar-Niger pour organiser le recrutement. Faut-il épargner les jeunes sachant lire et écrire en français pour le recrutement des échelons subalternes de l'administration locale, ou bien suivre l’avis du général Mangin qui souhaite amplifier les recrutements pour faire face aux classes creuses en métropole ? L'intensité et la brutalité des recrutements ont entrainé la fuite de certaines populations vers d'autres colonies voisines d’où la migration interne. Les recrutements ont montré la place dominante des Bambaras et c’est même la langue bambara qui fait référence dans les compagnies.
De 1900 à 1960 c’est-à-dire au moment des indépendances, ce sont des milliers de soldats noirs qui sont engagés sur tous les fronts : conquêtes coloniales, les deux guerres mondiales et contre les guerres de libération, Algérie et Indochine en particulier. Pour montrer l’importance de cette force noire à Paris en 1940 : l’armée allemande qui occupe cette zone nord va traiter de manière surprenante ces noirs vivant dans la capitale française. En période d’hiver où le froid règne en maître, leur chauffage n’est pas coupé et certains bénéficient même de rations alimentaires convenables, là où les Français étaient sans chauffage et affamés. Quel est le but recherché par Hitler ? C’est que ces tirailleurs sénégalais, ces étudiants une fois au retour dans leurs colonies africaines respectives, se soulèvent contre l'autorité coloniale.
L'assassinat de Charles N’Tchorere à Airaines le 7 juin 1940 et le massacre de Chasselay le 17 juin, masquent le fait qu’Hitler dans le même temps encourage ces mêmes tirailleurs à se soulever contre la France dans les colonies africaines. D’où l'importance de ces soldats noirs qui inspirent la peur et le racisme aux Allemands ; mais que ces derniers veulent utiliser en même temps comme pièce maîtresse dans leur lutte contre la France.
Les tirailleurs sénégalais au retour dans leurs colonies africaines exigeaient la liberté, aspiraient au changement en parfaite symbiose avec le mouvement des étudiants africains de Paris et surtout le mouvement Afro-Américain qui prône le retour en terre africaine. Ce mouvement de veille incarné par les tirailleurs sera marqué par leur implication dans la création des nouvelles armées africaines.
Pour le cas du Sénégal notre armée formée au respect des institutions reste fidèle aux politiques. C'est sans doute son héritage de la lutte contre les injustices des tirailleurs qui fait d’elle une armée républicaine.
Non Monsieur Diagne les tirailleurs ne sont pas des traîtres. Dans tout débat académique, le contexte historique est à prendre au sérieux.
Mbaye Dione est enseignant en histoire.
CHEIKH OUMAR DIAGNE EMPORTÉ PAR SES PROPRES MOTS
Le désormais ex-directeur des Moyens généraux de la présidence paie le prix de ses récentes déclarations polémiques sur les tirailleurs sénégalais. Il est remplacé par Papa Thione Dieng via un décret présidentiel ce mardi 31 décembre 2024
(SenePlus) - Dans un communiqué publié ce mardi 31 décembre 2024, la présidence de la République a annoncé le remplacement de Cheikh Oumar Diagne par Papa Thione Dieng, en qualité de directeur des Moyens généraux. Cette nomination intervient au terme d'une séquence politique particulièrement houleuse, déclenchée par les propos controversés de l'ancien directeur Oumar Digne.
Lors d'un entretien accordé à Fafa TV, celui-ci avait qualifié les tirailleurs sénégalais de "traîtres qui se sont battus contre leurs frères pour des miettes", provoquant une onde de choc dans l'opinion publique nationale et internationale.
La timing de cette déclaration n'aurait pu être plus malheureux, intervenant quelques semaines à peine après les cérémonies solennelles du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, présidées par le chef de l'État lui-même. Cette commémoration nationale, symbole fort de la réappropriation de l'histoire coloniale par le Sénégal, s'est vue ainsi brutalement éclipsée par la polémique.
Le limogeage d'Oumar Diagne apparaît ainsi comme l'épilogue d'une crise qui a mis en lumière des divergences profondes au sein même de l'appareil d'État. Le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njekk Sarré, avait d'ailleurs clairement exprimé le "total déphasage" entre les positions du ministre et la ligne officielle du gouvernement, qualifiant ses propos de "très malheureux" et rappelant avec force que les tirailleurs demeurent des "héros de la nation".
Par Henriette Niang KANDE
FASCINANTE SCÈNE POLITIQUE
Entre les rebondissements électoraux, les discours enflammés et les coups de théâtre, cette année aura réussi à faire rire, pleurer, se révolter ou grincer des dents les spectateurs que sont les citoyens
Si l’année 2024 était une pièce de théâtre, le Sénégal aurait été sa scène principale, avec des acteurs politiques rivalisant d’ingéniosité pour voler la vedette. Entre les rebondissements électoraux, les discours enflammés et les coups de théâtre, cette année aura réussi à faire rire, pleurer, se révolter ou grincer des dents les spectateurs que sont les citoyens.
Acte 1 : le suspense du troisième mandat
L’année a commencé comme un bon feuilleton, avec une intrigue qui a tenu le pays en haleine : Macky Sall allait-il ou non briguer un troisième mandat ? Pendant des mois, les rumeurs ont fait rage. On aurait dit un match de lutte sénégalaise, avec des analystes politiques jouant les arbitres dans une arène médiatique surchauffée.
Finalement, en février, coup de scène ! Initialement prévue pour le 25 février, l'élection présidentielle a connu un report décidé par le président sortant Macky Sall, invoquant des contraintes liées à des enquêtes parlementaires en cours. Macky Sall annonce que « des forces extérieures menacent le pays », donc, il lui faut encore huit mois pour passer la main. Certains ont applaudi, d’autres ont crié au « coup d’Etat constitutionnel ». Cette annonce a suscité un tollé général, avec des critiques virulentes de l'opposition et des mobilisations populaires dénonçant une tentative de manipulation du processus électoral. Le Conseil Constitutionnel saisi par des figures de l'opposition, a annulé ce report, arguant que cette décision portait atteinte aux fondements constitutionnels. Sous la pression de la rue et des instances judiciaires, une nouvelle date a été fixée au 24 mars. C’est ainsi qu’il a ramené Macky Sall à la raison, qui était obligé d’accepter à « l’insu de son plein gré » de faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Il doit quitter la scène le 2 avril au soir. On ne peut qu’imaginer le soulagement des rédacteurs de mémoires politiques qui n’ont pas eu à réviser leurs manuscrits, pour inclure une nouvelle polémique.
Acte 2 : la campagne des egos surdimensionnés
Avec Macky Sall hors course, la scène a été envahie par une vingtaine de personnages passés au tamis du parrainage et puis devant le Grand jury des 7 Sages du Conseil Constitutionnel. Parmi eux, un candidat en prison, qui fera parler de lui dans un tout autre environnement. La campagne électorale a été un véritable festival. Comme d’habitude, les promesses, les vérités et les contre-vérités, ont rempli les journées des citoyens pendant 10 jours, pour cause de durée de campagne écourtée de moitié. Si d’aucuns se sont étranglés de rage parce qu’ils perdaient des marchés, les campagnes électorales étant leurs périodes de « traite », de nouveaux types de partisans faisaient leur apparition, dont le signe distinctif était les insultes et les insanités. Quand quelques uns se sont essayés à des débats, ils ont ému certains futurs électeurs aux larmes …de rire jaune. Un sujet a été commun à tous les candidats : le pétrole et le gaz. Le rêve d’un boom économique grâce aux ressources gazières et pétrolières s’est transformé en une comédie de cafouillages. Entre les promesses de création d’emplois et les accusations de mauvaise gestion, les débats sur la transparence ont pris une allure de « Je t’aime, moi non plus ».
Acte 3 : l’élection à rebondissements
Le 24 mars, jour de scrutin, le pays et la diaspora sénégalaise ont vécu une ambiance digne d’une finale de la CAN. Les files d’attente devant les bureaux de vote ressemblaient à des stands de restauration populaire, avec des discussions enflammées sur qui serait le prochain président. Quand les résultats sont tombés, un scrutin sous haute tension, Bassirou Diomaye Faye, candidat du parti Pastef, a triomphé dès le premier tour avec une majorité absolue. Une performance qui reflète à la fois l’épuisement des électeurs face au régime précédent et l’aspiration à un changement radical. Sa victoire a mis fin à une décennie de gouvernance de Macky Sall, marquée par des controverses sur des questions de gouvernance et de libertés publiques. Le candidat de la coalition qui jusque-là était au pouvoir, arrivé 2ème a attendu le lendemain pour être sûr de connaître la « vérité des urnes », afin de féliciter le nouveau chef de l’Etat.
Acte 4 : un gouvernement comme un orchestre désaccordé
Avec Bassirou Diomaye à la barre, le nouveau gouvernement ressemble à un orchestre où chaque ministre joue la mélodie primatoriale. La première surprise à la publication de la liste des membres du premier gouvernement dirigé par Ousmane Sonko, a été le nombre de femmes devant y siéger : aussi rares que les machines à café, désormais interdites dans les ministères, par circulaire primatoriale. C’est ainsi que nous avons eu, sur la photo officielle du premier gouvernement, une image du nouveau « viril » nouveau pouvoir. Et Si le Sénégal avait un Oscar à décerner pour la meilleure performance politique, le Premier ministre est un candidat sérieux en 2024. Doté d’une énergie débordante et d’une confiance en soi qui ferait rougir un paon, il s’est parfois oublié dans ses fonctions, se comportant comme un président de la République en répétition générale.
Les promesses de campagne dont celle de baisser les prix des denrées de grande consommation s’est très vite heurtée à la réalité économique. La fameuse "décision éclair" pour réduire le coût de la vie s’est transformée en "réforme escargot". Pendant ce temps, les citoyens improvisent, jonglant entre augmentations de prix et rareté de l’argent comme s’ils participaient à un jeu de « survie réalité ».
Acte 5 : l’Assemblée nationale
Le monde entier sait maintenant que le Sénégal a organisé, pour la première fois de son histoire politique. Les Sénégalais, logiques comme tout, ont voté massivement pour le Pastef, le parti qui a porté leur président de la République. A l’assemblée nationale, les députés de la majorité donc occupent 130 sièges sur 165. L’opposition incapable de se « coaliser en intercoalitions », a eu la confiance d’une partie de l’électorat qui l’a crédité de 35 sièges. Si l’installation du Président et la présidence des commissions a été longue comme une journée sans pain, la désignation de la présidente du seul groupe parlementaire de l’opposition a été plus aisée.
Cette dame c’est un peu comme une prof de philo charismatique qui aurait troqué le barreau, puis les arènes diplomatiques, pour une salle de classe. Elle manie les mots comme un sabre laser, capable de dérouter n'importe quel interlocuteur avec une punchline bien sentie. Elle parle de la loi avec une passion qui ferait rougir un poète. Mais attention, sous ses airs élégants, elle a la ténacité d’un chameau dans le désert : elle avance, quoi qu’il arrive, et avec style.
Un autre député, élu pour la 4ème fois, (les 3 premières dans la majorité présidentielle, aujourd’hui dans l’opposition), donne l’impression d’être l’encyclopédie vivante du règlement intérieur, le genre à corriger le président de l’Assemblée avec un sourire en coin : "Article 86, cher collègue".
Dans les débats, il est redoutable : il brandit son Code de l’Assemblée comme un chevalier brandirait son épée. Il connaît chaque virgule, chaque exception, et pourrait probablement réciter le règlement en alexandrins. Ses collègues oscillent entre l’admiration et la réaction musclée : "Ne le contrariez pas il va encore nous faire un cours magistral sur les motions de censure…" Il donne l’impression d’être l’arme secrète de l’opposition, et surtout, un champion du débat… réglementé !
Et dans tout ça, le président de l’Assemblée, stoïque, du haut du perchoir, jongle entre les rappels au règlement Une démocratie vibrante ? Assurément.
Acte 6 : le marathon des poignées de mains
Si la politique intérieure du Sénégal en 2024 est un spectacle de stand-up, les relations diplomatiques, elles, ont pris des allures de sitcom internationale. Dès sa victoire électorale en mars, le président Diomaye s’est lancé dans un "world tour" des poignées de main. Les voisins du Sénégal l’ont reçu. La CEDEAO qui est en grande difficulté après le départ de trois membres qui ont fait défection pour rejoindre l’Alliance des Etats du Sahel (AES), il l’a au cœur, au point d’envisager avec « humilité et sans illusion » sa tâche de médiateur pour les convaincre de les faire revenir à la table des négociations
Son premier arrêt hors continent ? Paris, bien sûr, où la France, avec une subtilité digne d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, a tenté de rappeler ses liens "historiques" avec le Sénégal.
Le Kremlin, ne peut plus nous ignorer, malgré les œillades sceptiques de Washington et de Paris, s’est invité à notre table. Cà tombe bien. Le moment le plus commenté a concerné la ministre des Affaires étrangères qui accompagnait le président de la République en Russie, nous a appris que « nous mangeons beaucoup de pain et que le pain est fabriqué avec du blé ».
Au Sommet de l’ONU, le chef de l’Etat a délivré un « message extraordinaire », qui n’avait jamais été déclamé, par aucun prédecesseur », nous a-t-on dit .
Quid de la Chine ? toujours prête à investir dans les infrastructures en échange d’accès préférentiels ? Elle aussi a reçu notre président. On attend le gagnant-gagnant.
Malgré toutes ces péripéties, le Sénégal reste une scène politique fascinante. Les citoyens, lassés mais résilients, continuent d’espérer que les acteurs de cette grande comédie finiront par réaliser que le vrai rôle de la politique est de servir et non de divertir. Alors, que nous réserve 2025 ? Une suite encore plus ébouriffante ou un happy end ? L’avenir nous le dira. En attendant, applaudissements pour cette année 2024… et peut-être quelques sifflets aussi.
par l'éditorialiste de seneplus, Benoit Ngom
AES ET CEDEAO, UNE RUPTURE ÉVITABLE, DES ERREURS IMPARDONNABLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est temps que la CEDEAO réaffirme son rôle de médiateur. Nous appelons les dirigeants de l’AES à faciliter cette mission, à ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain
Le président de la CEDEAO et chef de l'État du Nigeria, Bola Tinubu, a le devoir et la responsabilité de prendre une initiative exceptionnelle d'apaisement à l'égard de l'AES (Alliance des États Sahéliens). Cela permettrait à la mission menée par les presidents Diomaye Faye du Sénégal et Faure Gnassingbé du Togo d’avoir de meilleures chances de succès et d’éviter ce qui pourrait être perçu comme la chronique d’un échec annoncé.
Une telle démarche, digne d’un homme de sa génération et de son expérience, serait bien accueillie par les peuples de l’AES qui, malgré tout, soutiennent majoritairement leurs dirigeants. Ce faisant, il réaffirmerait la volonté sincère de l’organisation régionale de préserver son unité et de garder tous ses membres au sein de son giron.
Le Nigeria, dont la présidence actuelle de la CEDEAO est assurée par le président Tinubu, ne saurait laisser à l’histoire le désastre de l’éclatement de cette organisation sous-régionale, unique en Afrique. En tant que successeur de Yacouba Gowon, père fondateur de la CEDEAO, Tinubu, homme d’affaires à la réputation bien établie, ne peut décevoir la jeunesse de la région, voire du continent, qui voyait en son mandat les prémices d’une réorientation de la CEDEAO vers sa mission première : le développement économique et social de l’Afrique de l’Ouest.
Pour éviter une tache indélébile sur sa présidence, il doit agir maintenant, car le temps presse.
Cette crise, qui risque d’aboutir à une autodétermination ou à une sécession des États de l’AES, est en grande partie la conséquence d’un éloignement progressif de la mission assignée à la CEDEAO en 1975 par ses pères fondateurs.
En effet, lorsque la CEDEAO se conformait aux directives réalistes et pragmatiques des premiers dirigeants post-indépendance, elle a pu, dès 1979, poser à Dakar un acte fondamental garantissant la liberté de circulation des citoyens ouest-africains sans visa, ainsi que la mise en place d’un passeport et d’une carte d’identité communs.
Ces avancées ont permis aux citoyens de voyager, de commercer et de tisser des liens entre eux, renforçant des relations enracinées dans des coutumes et traditions partagées, au-delà des frontières artificielles héritées des puissances coloniales. Ces principes coutumiers, consacrés par la majorité des peuples, traduisent une réalité que les élites africaines, souvent influencées par des agendas étrangers, ignorent parfois.
L’apport du Protocole de 2001
En 2001, la CEDEAO a adopté un Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, salué par les militants des droits humains. Ce texte interdit tout "changement anticonstitutionnel" et impose que toute accession au pouvoir s’effectue à travers des élections libres, honnêtes et transparentes. Il interdit également toute réforme substantielle de la loi électorale six mois avant les élections.
Cependant, pour une majorité de citoyens qui ne perçoivent la CEDEAO qu’à la veille des élections, ce protocole semble résumer l’ensemble des activités de l’organisation. Or, celui-ci énonce aussi des principes essentiels, notamment que l’armée est au service de la Nation et interdit l’usage des armes contre des manifestants non violents.
Une inertie coûteuse
Malgré cela, force est de constater que bon nombre d’États membres ne remplissent pas les conditions minimales pour une démocratie pluraliste. Il ne suffit pas de brandir des sanctions pour imposer la démocratie : les citoyens doivent être éduqués et formés à la pratique citoyenne, en valorisant le bien commun et l’intérêt général.
La CEDEAO, au lieu de prévenir les conflits, semble agir après coup. Par exemple, la situation en Guinée, sous Alpha Condé, aurait pu être évitée si des actions préventives avaient été entreprises. De même, les récriminations des citoyens des pays de l’AES, ignorées pendant des années, ont conduit à la situation actuelle.
Imposer des sanctions, comme la fermeture des frontières, méprise l’attachement profond des populations à la liberté de circulation, un des piliers de la CEDEAO. Par ailleurs, l’idée d’une intervention militaire pour renverser un gouvernement au Niger aurait pu déclencher une "guerre des pauvres", un scénario tragique et injustifiable.
Un appel à l’unité et à la réconciliation
La CEDEAO doit se ressaisir. Son inertie est en partie responsable de la crise actuelle. Comme l’a récemment souligné le président Diomaye Faye, cette situation expose l’organisation au risque de perdre 60 % de son territoire.
Il est temps que la CEDEAO réaffirme son rôle de médiateur. En confiant la mission de réconciliation au Sénégal et au Togo, elle a fait un choix judicieux. Les contributions historiques des présidents Léopold Sédar Senghor et Gnassingbé Eyadéma justifient cette décision.
Nous appelons les dirigeants de l’AES à faciliter cette mission, à ne pas jeter l’enfant avec l’eau du bain. Ce siècle est celui des grands ensembles. Une Afrique unie aspire à parler d’une seule voix au G20 et à obtenir deux sièges au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Enfin, aux présidents Assimi Goïta et ses pairs : les femmes et les hommes de volonté de notre région vous ont compris. Aidez à préserver notre unité en facilitant la réconciliation, car l’histoire jugera nos actions et notre capacité à bâtir un avenir commun.
Benoit S. Ngom est président Fondateur de l'académie Diplomatique Africaine (ADA).
par l'éditorialiste de seneplus, Boubacar Boris Diop
DEVOIR DE MÉMOIRE, QUÊTE DE VÉRITÉ AUTOUR DE THIAROYE 44
EXCLUSIF SENEPLUS - Dans le contexte de l'époque, la désobéissance aurait été un acte de rébellion absurde et suicidaire. La frontière entre bourreaux et victimes est si nettement tracée qu'un tel exercice ne devrait susciter aucune controverse
Boubacar Boris Diop de SenePlus |
Publication 30/12/2024
C'est une chose de critiquer d'un point de vue général l'institution militaire connue sous le nom de "Tirailleurs sénégalais" et c'en une autre de cracher sur la dépouille de chacune des centaines de victimes du massacre du 1er décembre 1944 à Thiaroye. Dans le premier cas de figure, on peut légitimement se prévaloir d'une liberté de jugement qui ne donne toutefois à personne le droit de falsifier des faits patiemment reconstitués depuis les années quarante par des spécialistes de tous horizons. Les tirailleurs insultés par Cheikh Oumar Diagne ne sont pas des êtres abstraits, chacun d'eux a un nom et une histoire mais aussi de nombreux descendants qui chérissent de génération en génération sa mémoire. Il est tout de même troublant de voir un adulte se déchaîner contre des morts avec une haine et une rage qui ne peuvent avoir un peu de sens qu'à l'égard des vivants. Cela fait penser à des vitupérations dans le silence d'un cimetière.
À Thiaroye, des combattants africains ont été trahis par leurs supérieurs, assassinés et jetés à la hâte dans des fosses communes. C'est aussi simple que cela. Cheikh Oumar Diagne veut-il nous dire que c'était bien fait pour eux ? Il ne va pas jusqu'à qualifier les tirailleurs sénégalais de sous-hommes mais le mot n'est sans doute pas loin de sa pensée puisqu'il les décrit comme des traîtres, victimes moins du racisme colonial que de leur appât du gain. Si ses propos ne sont pas passés tout à fait inaperçus c'est uniquement parce qu'il est un proche collaborateur du président Diomaye Faye. À vrai dire, il est difficile de prendre au sérieux un langage aussi excessif. On s'en est bien rendu compte lors de la "Déclaration de politique générale" du Premier ministre Ousmane Sonko. Il y a fait en passant l'éloge des martyrs de Thiaroye mais aucun député n'a cru devoir revenir sur cette polémique lors de la séance-marathon de questions-réponses qui s'en est suivie.
Cependant Cheikh Oumar Diagne aura au moins eu le mérite de susciter ces jours-ci de nombreux articles dont les auteurs se veulent heureusement bien plus rationnels et nuancés que lui. On peut cependant se demander pourquoi un tel débat sur les tirailleurs sénégalais a lieu avec un si grand retard. Pendant près d'un siècle, l'Aube de sang - titre d'une pièce rarement prise en compte de Cheikh Faty Faye - a surtout interpellé les cinéastes, écrivains et musiciens africains et la relative indifférence des historiens et des politiques a permis à l'Etat français, coupable de ce crime de masse sous l'autorité du général de Gaulle, d'en contrôler totalement le récit, faisant par là-même obstruction à tout véritable travail de mémoire. Paris s'est vu finalement obligé de passer aux aveux il y a seulement trois semaines et on aurait pu s'attendre à ce que cette victoire quasi inespérée stimule la quête de vérité sur les circonstances exactes du carnage de décembre 1944 et un surcroît de considération pour ses victimes originaires de plusieurs pays africains. C'est au contraire le moment que l'on choisit pour surfer sur une vague révisionniste un peu chic et de moins en moins pudique. Des médias dits internationaux - il est aisé de deviner lesquels - ont voulu profiter des écarts de langage d'un haut fonctionnaire sénégalais pour en rajouter à la confusion. C'est de bonne guerre. D'autres réactions, quoique sincères, mesurées et tout à fait respectables, sont moins faciles à comprendre dans la mesure où elles servent naïvement les desseins de journalistes littéralement en mission commandée et pour qui des dizaines, voire des centaines de milliers de morts hors d'Europe compteront toujours moins que les intérêts de leur pays.
On pourrait croire à la lecture de certains analystes que les tirailleurs sénégalais étaient dans leur immense majorité des engagés volontaires. Rien n'est plus faux. L’administration coloniale, avec son formidable appareil de propagande et ses capacités de coercition, ne leur laissait la plupart du temps d'autre choix que d'aller au front. Dans le contexte de l'époque, la désobéissance aurait été un acte de rébellion personnelle absurde et suicidaire puisqu'aucune organisation politique ou sociale ne s'était élevée contre les campagnes de recrutement initiées par les tout-puissants maîtres de l'heure avec l'aide de leurs relais locaux. Le corps des tirailleurs sénégalais n'a pas été une exception africaine puisque sur tous les continents et à toutes les époques les vainqueurs en ont créé de semblables pour parachever le processus de conquête. Le fait est que partout, en attendant des jours plus favorables à une résistance concertée, les colonisés n'ont eu d'autre choix que de prendre les armes aux côtés du colonisateur.
Quid des Africains qui se sont précipités avec enthousiasme sur les lieux de recrutement, prêts à verser leur sang pour la France ? Ils ne méritent pas davantage notre mépris. Sembène Ousmane et Frantz Fanon firent partie de ces adolescents qui ont presque dû faire le forcing pour offrir leur vie à la Mère-Patrie en lutte contre l'Allemagne nazie.
Samba Gadjigo rapporte à ce propos une anecdote révélatrice dans sa biographie du célèbre écrivain-cinéaste sénégalais. Au début de la guerre, Sembène, apprenti-maçon à peine âgé de seize ans, est légèrement blessé à l'œil par un de ses copains devant une salle de cinéma du Plateau et sa première réaction a été de s'écrier qu'il ne pourra hélas plus être recruté par l'armée des Tubaab car "ils n'acceptent pas les borgnes !" Finalement mobilisé en 1944 dans le 6ème Régiment d'Infanterie Coloniale stationné au Niger, il avouera un jour n'avoir jamais autant appris sur la vie et sur les êtres humains que pendant cette courte période sous les drapeaux. On connaît la suite de l'histoire : une exceptionnelle prise de conscience anticolonialiste et un film d'une rare efficacité en hommage à ceux de ses camarades tombés à Thiaroye.
Frantz Fanon, à qui l'humanité entière doit tant, n'aurait peut-être pas non plus été le même penseur fécond sans sa participation à la Deuxième Guerre mondiale au cours de laquelle il fut du reste blessé à la poitrine. N'écoutant à dix-sept ans que son précoce instinct antifasciste, il n'attend pas d'y être invité pour s'engager dans les forces gaullistes. Sa famille essaie en vain de le dissuader et puisqu'il n'a pas de quoi se payer le passage jusqu'en République dominicaine - d'où il devait rallier l'Angleterre - il vole et vend un costume de son père ! Toujours égal à lui-même, il se distancera plus tard de cette expérience qui lui avait pourtant permis, de son propre aveu, de mieux comprendre la Révolution algérienne. Dans Les damnés de la terre, son maître-livre, il reprendra intégralement Aube africaine, le célèbre poème dramatique de Keita Fodéba, consacré au drame de Thiaroye et ce n'est certainement pas par hasard.
Un traître à l'Afrique, Sembène Ousmane ? Un vulgaire chasseur de primes, Frantz Fanon, futur porte-parole du FLN algérien et selon le mot de son biographe Adam Shatz "une figure emblématique des mouvements de libération nationale en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine" ?
Est-il raisonnable d'attendre de jeunes paysans africains des années quarante - qui étaient en fait des gamins - qu'ils aient une meilleure compréhension des enjeux politiques de leur temps que des esprits aussi puissants que Frantz Fanon et Sembène Ousmane ? Poser la question c'est y répondre.
On ne peut donc que se féliciter du choix fait par le gouvernement du Sénégal de commémorer l'événement sans attendre la permission d'une quelconque puissance étrangère. Cette décision a très vite obligé Paris à reconnaître officiellement que ce qui est arrivé au camp de transit de Thiaroye était bel et bien un massacre soigneusement planifié et non la répression d'une mutinerie. Il est essentiel de noter que ce geste public de repentance est sans précédent dans l'histoire post-coloniale française.
La tragédie de Thiaroye n'a jamais été vraiment oubliée en Afrique de l'Ouest mais il a fallu attendre soixante-quatre ans d'indépendance pour qu'un de nos gouvernements ose en marquer l'anniversaire par une cérémonie du souvenir digne de ce nom. C'est en présence de plusieurs de ses pairs - y compris le président en exercice de l'Union africaine - que le chef de l'Etat sénégalais a rendu un hommage chargé d'émotion aux tirailleurs et cette communion avec nos disparus a aussi été un grand moment de fierté. Même s'il reste bien du chemin à faire pour que la commémoration de ce drame africain ne soit pas l'affaire exclusive du pays où il a eu lieu, le sursaut mémoriel du 1er décembre 2024 est un message clair des autorités quant à leur volonté de redire avec force l'humanité de nos compatriotes naguère déshumanisés par l'occupant. Cette reconnexion lucide avec un passé douloureux relève, en dépit de sa complexité, d'une simple nécessité de survie.
Dans le cas précis de Thiaroye, la frontière entre bourreaux et victimes est si nettement tracée qu'un tel exercice ne devrait susciter aucune controverse. Il se trouve qu'assez étrangement il semble embarrasser ou agacer certains petits-enfants des tirailleurs. C'est leur droit puisqu'il faut de tout pour faire un monde mais il est tout de même curieux que l'on se lâche avec tant de véhémence contre des personnes décédées depuis bientôt un siècle dans les circonstances que l'on sait. Cheikh Oumar Diagne est heureusement le seul à s'être laissé aller à une telle extravagance.