L’Assemblée nationale à voté ce lundi à l’unanimité et par acclamation le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie, a constaté l’APS.
Ce projet de loi avait d’abord été adopté en Conseil des ministres le 27 novembre dernier. Il s’agit d’une loi modifiant celle du 21 juillet 1965, portant sur le Code pénal, relative notamment aux chapitres visant à durcir la répression du viol et de la pédophilie avec des peines pouvant aller jusqu’à la reclusion criminelle à perpétuité.
Jusque-là, le viol était considéré comme un délit, passible de cinq à dix ans de prison.
La criminalisation du viol était une demande des associations de défense des droits des femmes à la suite d’une série d’agressions sexuelles relevée ces derniers mois.
En mai par exemple, le corps de Bineta Camara, 23 ans, a été par exemple retrouvé à son domicile de Tambacounda (Est). La jeune femme avait péri lors d’une tentative de viol.
Au lendemain de ce drame, une manifestation avait rassemblé à Dakar 300 personnes pour dire ‘’stop aux violences faites aux femmes’’.
Le président Macky Sall avait alors demandé au ministre de la Justice de préparer un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie prévoit un durcissement des condamnations, lesquelles pourront aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité à l’encontre d’éventuels coupables, a expliqué, vendredi à Dakar, le ministre de la Justice, Malick Sall.
’’Ce projet de loi a prévu de renforcer les sanctions. Il a décidé de criminaliser les viols et la pédophilie. Cela signifie que certains auteurs de ces actes horribles pourront être condamnés à perpétuité’’, a dit le Garde des Sceaux à un atelier consacré audit projet de loi avec le Collectif des femmes parlementaires.
’’Cela signifie que vous resterez enfermer dans une prison toute votre vie. Nous pensons qu’une perspective pareille serait de nature à faire réfléchir les gens dotés d’un esprit de discernement avant de commettre de tels actes’’, a ajouté Sall.
La loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie devrait permettre au Sénégal de garantir aux femmes et aux enfants ’’une plus grande protection’’, a salué, la présidente du Collectif des femmes parlementaires, Awa Guèye
La député Awa Guèye (majorité) a plaidé pour une application effective de cette loi, qui espère-t-elle ne sera pas une de plus.
Selon le député Mamadou Diop Decroix, ‘’le viol porte atteinte à la vie de l’être humain’’. L’Assemblée a rejeté son amendement portant sur une remise de peine.
’’Nous devons tous veiller à l’application de cette loi’’, a plaidé le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niass sous les regards des responsables des associations de lutte contre les violences faites aux femmes qui avaient pris place dans les box réservés au public.
HAÏDAR EL ALI, L'HOMME QUI ENRICHIT LA TERRE DU SÉNÉGAL
Autodidacte, celui qui vient d’être nommé à la tête de la nouvelle agence de reforestation est l’un des écologistes les plus respectés d’Afrique de l’Ouest - Sa mission : reboiser un pays dont la nature est victime de maux pluriels
Le Monde |
Matteo Maillard |
Publication 30/12/2019
« Sembe ! Sembe ! », le cri se perd dans le sillon poussiéreux de la voiture. Haïdar El Ali jette à peine un regard dans le rétroviseur où s’agite un jeune homme. En Casamance, région au sud du Sénégal, il a l’habitude que les populations l’appellent Sembe (« la force », en diola), que les enfants lui courent après et que les vieilles dames tirent leur révérence à « Adiakene Etame », « l’homme qui enrichit la terre ».
Qu’elle soit meuble, craquelée par l’harmattan, latérite rouge des pistes ou limon des mangroves, Haïdar El Ali aime plonger ses mains dans cette terre qu’il connaît mieux que quiconque. Plus d’un demi-siècle qu’il l’ensemence avec la passion d’un autodidacte qui a fait de lui l’un des écologistes les plus respectés d’Afrique de l’Ouest.
La mission qu’il s’est fixée : reboiser un pays dont la nature est victime de maux pluriels. Réchauffement climatique, trafic de bois, pollution atmosphérique, salinisation des sols, érosion côtière, surpêche et avancée du désert. Pour cela, il utilise tous les moyens, de la fronde à graines au largage aérien de semences.
Le Sénégal, sentinelle sahélienne bordée par le Sahara et l’Atlantique, est devenu en vingt ans un symbole de la violence de l’impact des hommes sur leur environnement. Chaque année, le pays perd 40 000 hectares de forêt, soit l’équivalent de 157 terrains de foot par jour, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). L’érosion côtière progresse de deux mètres par année et la mangrove a perdu 25 % de sa superficie depuis les années 1970.
Reboiser 300 hectares de mangrove par an
Au volant de son tout-terrain, Haïdar El Ali zigzague entre les nids-de-poule. Barbe blanche de trois jours, lunettes à écailles autour de deux billes noires rivées sur l’horizon, chapeau en cuir gondolé par le temps et sacoche d’aventurier en bandoulière, l’homme cultive un style éloigné des « bureaucrates »d’ONG « qui produisent des analyses mais pas de résultats ».
La route nationale s’engouffre dans une mangrove qui s’étend à perte de vue : « 65 000 pieds », pré cisetil, plantés en 2006 avec 200 jeunes d’un village. C’était sa première expérience de reboise ment à grande échelle: 60 % des plants ont tenu. Ce qui n’était qu’un marécage salé est devenu une forêt de palétuviers noirs (avi cennia) et rouges (rhizophora) qui offre un refuge aux animaux et ré gule la salinité de l’eau, permettant aux rizières du delta d’être à nou veau fertiles. Depuis, il a multiplié les actions mettant la population à contribution pour planter 300 hectares de mangrove par an. « Cet été, on a eu des températures jamais atteintes, plus de 43 degrés, des centaines de plants sont morts », s’exaspère Haïdar.
Aux études, il préfère la mer
Né en 1953 dans une famille liba naise installée dans le quartier populaire de la médina à Dakar, il grandit avec les Noirs, ce que le préfet français interdisait aux Blancs. Peu lui importe, il est sé négalais et non descendant de Gaulois, comme on lui apprend à l’école. Aux études, il préfère la mer. « Je suis tombé dedans à 11 ans et je ne me suis jamais arrêté de nager. » Douze mille plongées au compteur, d’innombrables épaves fouillées, il a eu le temps de voir les dégâts de la pêche in dustrielle. « J’ai alors laissé les poissons pour revenir sur terre parler aux hommes. »
A l’Oceanium de Dakar, club de plongée qu’il transforme en asso ciation de défense de la vie ma rine lorsqu’il le reprend en 1988, il développe ses activités envi ronnementalistes, crée des sanc tuaires marins afin de protéger des lamantins. A la fin des années 1990, l’OrientFlower, navire pou belle qui a déversé des tonnes d’acide au large du Brésil, accoste à Dakar chargé de produits chi miques qui rongent la coque : ce sera le combat de Haïdar ElAli. Il organise des manifestations, le ministre de la pêche le fait arrê ter. « Vous vous fichez de l’environnement mais le pouvoir vous est donné, lui lancetil. Alors je ferai de la politique pour vous rem placer. » En 2000, il s’engage dans le Rassemblement des écologis tes du Sénégal, l’un des premiers partis verts d’Afrique de l’Ouest. « On est appelé par la nature pour être son avocat », assure-t-il. Pas de révélation mystique mais une passion qui « se construit doucement de l’intérieur ».
La piste s’ouvre sur sa maison au bout d’un tunnel de verdure. Dans son jardin laboratoire, Haïdar El Ali mène diverses expérimentations écologiques et bâtit une banque de semences. Là, une technique indonésienne de bouture, ici, un nouveau système aspersoir de son cru pour arroser son potager, plus loin, un verger international : goyavier du Brésil, cocotier de Côte d’Ivoire, corosso lier de Guinée, anacardier de Bissau ; un jardin d’Eden qu’il souhaite étendre au Sénégal, voire à la sous-région, si on lui en donne les moyens.
Cela tombe bien, le président Macky Sall l’a nommé début octobre à la tête de la toute nouvelle Agence sénégalaise de reforestation. Inefficace, la structure chargée de la grande muraille verte a été dissoute au mois d’août. Haïdar doit accélérer le projet, censé freiner l’avancée du désert sur 500 kilomètres au nord du pays. Le président sait qu’il peut compter sur son an cien ministre de l’environnement (20122013). « Macky Sall a une grande confiance en Haïdar, c’est pourquoi il lui a donné la direction de l’agence, avance son frère et conseiller, Yahya El Ali. Mais il n’aura pas la liberté de sanctionner, comme il le faisait quand il était ministre. »
De son passage au gouvernement, son bilan ministériel affiche une loi contre la vente de sacs plastiques, le renforcement du code forestier, la fermeture de scieries illégales et la réduction du trafic de bois de vène en direction de la Chine. Il estime que son in corruptibilité lui a coûté sa place : « L’activiste qui gueule dans les radios», comme il se décrit, a été condamné, en 2018, à trois mois de prison avec sursis pour avoir qualifié le président de l’Union des forestiers de « trafiquant ».
Ses ennemis sont d’abord les braconniers et « coupeurs de bois» qui vident la nature de ses ressources, mais aussi certains politiciens qui s’opposent à la protection de l’environnement ou la jugent dispensable. « Haïdar est d’abord écologiste. S’il est venu à la politique, c’était pour combattre l’ancien président Abdoulaye Wade [2000-2012] qui lui a refusé l’autorisation de créer un parc marin dans la région du Sine Saloum, poursuit son frère. Ça l’a énervé qu’on utilise la politique contre l’écologie. Selon lui, la politique est un moyen pour servir l’écologie, rien de plus. »
Pour l’agence, son plan d’action est prêt : dresser un état des lieux du couvert forestier, définir les zones prioritaires à reboiser et en gager un contrôle strict. « Si un chef d’équipe me dit qu’il a planté 2 000 arbres dans son rapport mais que l’on n’en trouve que 1 900, il saute ! » Une vingtaine d’opérations de reboisement sont prévues chaque jour des deux ans de son mandat. « Je suis un emmer deur mais un efficace », sourit Haïdar. Il projette aussi de créer des écovillages, énergétiquement indépendants, où l’on cultive dans le respect du développement durable. « Puis cent pépinières qui produiront un million d’arbres chacune », bouillonne-t-il, sautant dans sa voiture. Il est at tendu dans un village pour en inaugurer une.
« Je suis un Cro-Magnon »
A 66 ans, malgré son énergie dé vorante, il est conscient qu’il ne pourra pas renverser la tendance. «Les gens de mon âge ont volé l’avenir de la jeunesse », répète-t-il. A celui qui s’enquiert de sa santé, il a pris l’habitude de répondre : « Je vais mal, comme le monde. » « Les gens qui, comme moi, ne sont pas optimistes sont mal perçus. » Pour tant il exècre les cyniques qui ne s’engagent pas. « Je ne pense pas que la solution émergera de moi ou d’une Greta [Thunberg]. Il faudra une baffe écolo pour remettre les équilibres en jeu. » Au bord de la route, un homme le hèle : « M. Haïdar, ça fait deux ans qu’on ne vous a pas vu planter ici.
– Ça fait combien de temps que tu crois en Dieu ?
– Depuis toujours.
– Et pourtant tu ne l’as jamais vu. Moi, au moins, tu me vois de temps en temps. »
Haïdar El Ali savoure sa célébrité. « Tu sais qu’une centaine d’enfants portent mon nom ? » Avant d’être le héros vert du Sénégal, il était celui du Joola. En 2002, il fut le premier secouriste à plonger sous la coque de ce ferry chaviré, pour sauver des vies. Il a extrait 368 des 2000 victimes de la plus grande catastrophe maritime de l’ère moderne, devant le Titanic. Un souvenir qu’il évite d’aborder. Trop proche d’une autre blessure, ce jour de juin 1993 où il ne put sauver son fils de 17 ans d’une mer déchaînée.
Haïdar El Ali est adulé des populations locales. «Aujourd’hui, les politiques ont besoin de son image. Il est populaire, les gens le soutiennent car il est en prise de terrain », affirme son frère. Mais il se méfie des hommes. « Je suis un Cro-Magnon qui aime les plantes et les animaux », glisse-t-il. Difficile d’y croire complètement lorsque, arrivé au village, il est accueilli par des centaines de jeunes dansant au son d’une fanfare. Il se jette dans la foule. Bientôt, de la marée humaine, n’est visible que son chapeau qu’il agite en rythme audessus des têtes scan dant son nom. Ils en sont con vaincus, « Sembe le planteur » est venu les sauver.
CONTROVERSE EN ALLEMAGNE AUTOUR DE L'ENGAGEMENT MILITAIRE AU SAHEL
Le gouvernement a déjà refusé deux fois de participer à l’envoi de FS européennes comme prôné par Paris
L'Allemagne a réaffirmé lundi sa volonté d'assumer plus de responsabilité militaire dans la région du Sahel face à la menace djihadiste, comme la France l'y invite, mais le sujet divise profondément le gouvernement d'Angela Merkel.
«La stabilité de cette région constitue un facteur essentiel de notre propre sécurité en Europe et nous observons avec inquiétude la détérioration continue de la situation sur place», a déclaré une porte-parole de la chancelière allemande, Ulrike Demmer, lors d'un point de presse à Berlin. Elle a rappelé qu'aux yeux d'Angela Merkel l'Allemagne «voulait et devait assumer davantage de responsabilité sur place».
Concrètement, la ministre de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente du parti conservateur d'Angela Merkel, a plaidé au cours du week-end en faveur d'un mandat renforcé de l'armée allemande dans la partie sud du Sahara. Elle a pris l'exemple de la France «qui est impliquée sur place avec un mandat beaucoup plus robuste» que celui de l'armée allemande, cantonnée pour l'heure essentiellement au Mali à des missions de formation et de surveillance, et sous contrôle étroit des parlementaires allemands.
Dans le même temps, Angela Merkel et son camp conservateurs doivent composer avec le pacifisme traditionnel de l'opinion nationale, fortement ancré depuis la Seconde guerre mondiale, et celui de leur partenaire social-démocrate au sein de la coalition. «Nous n'accepterons aucune offensive militaire mal préparée et pas de redéfinition par le ministère de la Défense de la politique étrangère allemande», a ainsi prévenu la nouvelle présidente du parti social-démocrate (SPD), qui prône un virage à gauche du mouvement, Saskia Esken, dans une interview dimanche.
Résultat de ces frictions : le gouvernement allemand vient d'indiquer avoir déjà refusé à deux reprises des demandes françaises d'envoi de forces spéciales dans le cadre d'un projet de renforts européens pour encadrer la fragile armée malienne. Ce refus a été confirmé dans une réponse écrite confidentielle à une question parlementaire du parti libéral allemand FDP, a indiqué lundi un porte-parole de ce mouvement à l'AFP. Paris a appelé de ses voeux l'envoi de telles forces spéciales européennes au Sahel dans le cadre d'une unité baptisée Combined joint special operations task force (CJSOTF), pour épauler les efforts des 4500 militaires français de l'opération Barkhane. Pour Paris, dont l'armée est présente au Sahel depuis 2013, l'enjeu est d'aider à une montée en puissance des armées malienne, nigérienne et burkinabé face aux attaques djihadistes.
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DIAOBÉ, ENTRE ILLUSIONS ÉCONOMIQUES ET DÉSILLUSION SOCIALE
Le "Louma" de Diaobé est un haut lieu de commerce sous-régional. Ce marché hebdomadaire génère un important flux financier qui passe pourtant sous le nez de la collectivité locale
Maison des Reporters |
Amy Keita |
Publication 30/12/2019
Jouissant de sa position géographique stratégique, le "Louma" de Diaobé est un haut lieu de commerce sous-régional.
Ce marché hebdomadaire génère un important flux financier qui passe pourtant sous le nez de la collectivité locale de Diaobé-Kabendou.
Diaobé : entre illusion économique et désillusions sociales, une enquête de Amy Keita qui revient sur l'importance du louma pour la population de Diaobé. L'occasion également d'interroger les acteurs sur les moyens de tirer davantage profit des opportunités financières qu'offre ce carrefour commercial.
LES DIX "LOOSERS" AFRICAINS DE L'ANNÉE
En attendant les bonnes résolutions de janvier 2020, décembre 2019 offre son lot de bilans plus ou moins glorieux. Côté déprime, voici le palmarès de ceux qui ont trébuché pendant l’année
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 30/12/2019
Au moment où les médias décernent les trophées des « winners » de 2019, certaines personnalités garderont de cette année un goût amer. N’évoquons pas les « déçus en bien » – selon l’expression suisse – , ceux pour qui la déception effective fut bien moindre que la déculottée prévue.
Décagnottées, conspuées ou condamnées, d’autres sommités ont plus franchement chuté en 2019. Tentons, par ordre décroissant, un « hit-parade » des plus gros « losers » de ces douze derniers mois.
10- Martin Fayulu
Dès le début de 2019, Félix Tshisekedi lui a coupé l’herbe sous le pied. Martin Fayulu, qui se présentait comme le plus radical des adversaires au régime sortant en RDC, a vu un « Fatshi » élu composer avec Joseph Kabila.
L’image du prince héritier du trône d’Arabie saoudite n’a cessé de se faner en 2019. S’il n’a pas reconnu avoir commandité le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, « MBS » a dû en assumer « toute la responsabilité », en septembre, à l’occasion d’un documentaire diffusé à la veille du premier anniversaire de la mort du dissident.
Embourbé dans la « sale guerre » yéménite, MBS n’a pas su enrayer la menace terroriste qui s’est manifestée, en septembre, à Abqaiq et Khurais.
Même Henri Konan Bédié a négligé l’affranchi pour se tourner vers Laurent Gbagbo, l’ancien président qui a repris du poil de la bête à la suite de son acquittement par la Cour pénale internationale, en janvier.
L’ancien mentor a même fragilisé directement Affi N’Guessan en soumettant leur rencontre, programmée en mars, à un préalable jugé « méprisant » par l’ancien aficionado, présenté aujourd’hui comme un « Brutus ».
7- Lambert Mende
Même si son camp politique est largement resté aux manettes après l’élection à la présidence de Félix Tshisekedi, l’ex-porte-parole intarissable du régime Kabila connaît une difficile reconversion.
Mauvaise année pour Nidaa Tounes. C’est dans un dossier libyen que l’ancien secrétaire général de la formation politique tunisienne a été condamné, le 12 décembre, à onze ans de prison ferme pour « blanchiment d’argent ».
En février, il avait écopé de cinq ans assortis d’une amende de 180 000 dinars pour chèque sans provision. Hafedh Caïd Essebsi, lui, représentant légal de Nidaa Tounes et fils du défunt président Béji Caïd Essebsi, a trouvé refuge en France…
Cité dans une affaire de détournement de fonds publics et de blanchiment, il est déféré – un vendredi 13 – devant le juge d’instruction spécialisé de Libreville et placé en détention préventive.
Commence pour lui un long tunnel judiciaire, loin tout de même de la CPI qui le réclame pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour. Il était le premier chef d’État en exercice à être inculpé par cette juridiction.
3- Gilbert Diendéré
Quatre ans après la tentative de putsch qualifiée de « coup d’État le plus bête du monde », l’ancien chef d’état-major particulier de la présidence de Blaise Compaoré est condamné, en septembre, à vingt ans d’emprisonnement. L’autre général inculpé, Djibrill Bassolé, écope, lui, de dix ans de prison.
Verdicts plus cléments que la perpétuité requise par le parquet, après 19 mois de procès, mais conclusion bienvenue pour le Burkinabè lambda qui lorgne désormais du côté des affaires « Thomas Sankara » et « Norbert Zongo ».
En juillet, il avait été reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour des faits commis en 2002 et 2003 en Ituri, alors qu’il était à la tête du groupe rebelle des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).
2020 pourrait rimer avec félicité pour certains. Pour les autres, rendez-vous dans douze mois…
par Abdoulaye Cissé
AUDIO
L'AUTORITÉ DE L'ÉTAT MALMENÉE
L’État c’est notre bien commun, il nous appartient de le préserver et de l’honorer, mais on parle d’abord d’un État juste à l’endroit de tous et non une autorité de l’État faible avec les forts, et très fort avec les faibles
Ca tombe bien, nous en avons quelques-unes pour l'État.
L'État dont l'autorité a été mise à rude épreuve en cette fin d'année.
Vivement que 2020 soit l'année de la restauration de l'Autorité de l'état.
D’un État juste pour tous !
Cahier d'inventaire des bonnes résolutions pour l'année nouvelle,
Chronique signée Abdoulaye Cissé
Il est des séquences dans la vie, quand on y entre on en arrive à regretter que le soleil ne se couche pas plus tôt pour tourner la page de ce genre de jour sombre. Et peu importe la manière d’en sortir, pourvu seulement qu’on tourne la page !
Le sénégal a traversé dernièrement des évènements qui ont mis par terre le mythe de l’autorité de l’État et qu’on a tous intérêt à restaurer et le plus rapidement, car quand tout s’effondre c’est l’État qui doit demeurer debout, stoïque et avec fière allure.
C’est au Sénégal qu’un individu, il parait que c’est un marabout ou chef religieux dans la localité de Mpal dans le Nord du pays, s’est permis de refuser les obsèques et l’inhumation d’un individu dans le périmètre de son petit village. Au seul motif que le défunt est un malfaiteur, un agresseur. L’État s’est bouché les oreilles et détourné le regard comme si on pouvait refuser d’honorer la dignité humaine, fut-elle pour quelqu’un de la pire espèce de son vivant.
Le même soir j’ai regardé un très beau document à la télé sur les dures conditions de vie à la prison de haute sécurité de Anamosa dans l’état de l’IOWA aux États-Unis. Ici, c’est la perpétuité pour tous quand ce n’est pas la peine de mort.
Les familles des prisonniers lâchent prise au fil du temps et ne visitent plus les détenus qui le plus souvent meurent sans possibilité, pour l’administration pénitentiaire, de retrouver un membre de leur famille.
Mais quand la société a tout retiré à ces individus, auteur des crimes les plus odieux tels des délinquants sexuels ou du crime organisé, c’est la mort qui leur rend leur dignité.
L’administration pénitentiaire se fait le devoir de réserver des sépultures dignes. Le protocole et l’office funéraire sont le même pour tout le monde avec toute la solennité, la gravité du moment pour respecter jusqu’à la dernière volonté des détenus. Même l’urne contenant les cendres de ceux qui ont choisi d’être incinérés est traité avec égard et dignité avant l’inhumation.
On fait sonner le clairon au mort, des gradés au petit personnel, tout le monde est là pour honorer le mort. Même en tant qu’inconnus pour le défunt, ils arrivent à pleurer de compassion pour le mort tellement ils sont en union de prières. C’est beau à voir finalement !
L’État n’aurait jamais dû laisser prospérer la sentence de ce marabout, dont on ne sait pas finalement où il a appris ce qu’il récite à ses fidèles.
L’autorité de l’État a été saccagée dernièrement à Mbour dans une scène dont on devrait tous s’indigner où des policiers sont chassés et pourchassés à coup de pierres et de projectiles.
Ça ne doit pas arriver mais ça ne veut pas dire que les policiers n’ont pas eu raison de battre en retraite pour sauver leur peau.
On a tous voulu être solidaire de la justice, quand l’autorité de la justice a été rudoyée par le saccage du tribunal de Louga.
L’État ne doit en aucun cas faiblir, mais quand on a dit ça, ça ne veut pas dire bander des muscles et « mater » de pauvres de manifestants pacifiques comme préconisé par l’autre dont la tête est en sursis. Il s’était trompé quand il recommandait de fusiller les individus de son acabit, c’est la langue qu’il faut leur couper pour leur éviter de sortir des sornettes.
Cette fin d’année, n’a épargné personne. Moins encore l’autorité de l’État en proie à toute sorte de défiance. Et nous devons en prendre garde.
L’État c’est notre bien commun, il nous appartient de le préserver et de l’honorer, mais on parle d’abord d’un État juste à l’endroit de tous et non une autorité de l’État faible avec les forts, et très fort avec les faibles.
Dieu nous en préserve.
Il était temps que cette année se termine. Prenons les bonnes résolutions pour l’année 20-20 qui s’annonce on l’espère, sous de biens meilleurs auspices.
Très belles fêtes de fin d’année à tous et à l’année prochaine !
par Madiambal Diagne
SAUVER L'ÉTAT DE L'HUMILIATION !
Si les vandales du Tribunal de Louga étaient punis à la hauteur de leur forfait, les pêcheurs de Mbour auraient réfléchi à deux fois avant de pourchasser les policiers et de filmer à cœur joie leurs «exploits»
Le 2 décembre 2019, nous mettions en garde contre «la défiance sans fin à l’autorité publique». Nous ne savions pas si bien dire. La preuve nous a été à nouveau apportée le 23 décembre 2019, avec la débandade des Forces de police pourchassées par une foule en furie de pêcheurs de Mbour, opposés à l’érection d’un nouveau quai de pêche. Si une telle situation a été possible, il faut dire qu’il y a une chaîne de responsabilités qui a failli. Et cela devient récurrent ces derniers mois. L’Etat ne pouvait ignorer les risques de débordement des tensions à Mbour dans le cadre de ce conflit opposant les autorités locales et des pêcheurs. Les médias avaient beaucoup parlé de cette tension et tout le monde savait que la situation allait fatalement dégénérer. Mieux, les autorités de la police devaient pouvoir évaluer les risques avant de savoir quelles forces engager. L’humiliation dont la police a été l’objet affaiblit l’Etat et on ne le dira jamais assez, il aurait été préférable de ne pas engager une opération de maintien de l’ordre si on ne pouvait pas s’entourer de toutes les garanties de réussite. Les images, qui ont circulé dans le monde, de ces policiers pourchassés par des manifestants, se sont révélé une grosse déconvenue. Cette situation est encore d’autant plus regrettable qu’elle ne constitue guère une première. Qui a déjà oublié d’autres faits tout aussi graves, comme par exemple l’envahissement du Commissariat urbain de Kolda, le 17 mars 2017, par des conducteurs de motos Jakarta qui avaient saccagé les locaux de ce haut lieu de sécurité et mis à sac les bureaux ? La foule en furie, dans une expédition punitive contre la police, avait saccagé le domicile du commissaire de police. Cette scène de guérilla urbaine avait paralysé la ville de Kolda pendant quelques jours. Le 15 juin 2019, la gendarmerie de Koungheul avait à son tour été saccagée par d’autres conducteurs de motos Jakarta. Le 13 novembre 2016, des populations du quartier Guet-Ndar à Saint-Louis avaient saccagé une école et un poste de gendarmerie. Les forces de sécurité de l’Etat ont subi les mêmes affronts à Podor et à Kédougou où des installations de la gendarmerie nationale avaient été attaquées. En mai 2018, les gendarmes de Saint-Louis ont dû dégainer en laissant un étudiant sur le carreau pour se sortir de l’étau des étudiants grévistes de l’Université Gaston Berger. Toute cette énumération de faits on ne peut plus graves est loin d’être exhaustive.
Le fort souffle des vents de la rue
A chaque fois, l’Etat perd la face et l’émoi passé, les auteurs de ces forfaits restent impunis ou absous ou tout au plus sanctionnés à de légères peines. Qui n’a pas vu l’auteur de la destruction de biens publics sur le stade de Mbacké revendiquer son geste à travers les médias et défier la police pour en fin de compte être relâché après quelques petits moments d’incarcération ? Les autorités politiques ont toujours fait montre de laxisme coupable dans la gestion de telles affaires et n’ont pas été aidées par les magistrats qui ont eux aussi manqué de prendre leurs responsabilités. Il n’est donc pas étonnant que les institutions judiciaires subissent aussi le même affront avec le saccage du Tribunal de Louga. Cet incident aura été celui qui aura été le plus désastreux pour l’image de l’Etat. Malheureusement, au niveau le plus élevé de l’Etat, on a cherché à le banaliser, sans doute dans la perspective d’absoudre les auteurs d’un tel forfait. Des voix autorisées au sein du gouvernement et de l’appareil d’Etat expliquaient que les dégâts subis pas le Palais de justice de Louga étaient consécutifs à une bousculade du fait de la forte affluence de personnes dans les locaux, alors que la mise à sac des locaux avait fini d’être étalée sur tous les écrans de télévision. Ainsi, nul n’a été surpris de voir que les personnes impliquées dans ces fâcheux événements de Louga demeurent impunis, en dépit des menaces du ministre de la Justice Me Malick Sall. Il est certes difficile de rendre la justice quand les fenêtres du Palais de justice sont ouvertes aux vents de la rue et parfois ces vents soufflent très fort. Cela donne sens à nos mots quand nous disions notamment que : «La chose qui est le plus à regretter dans toute cette situation est la mise à sac du Tribunal de Louga. C’est effroyable. Nous n’avons cessé d’alerter dans ces colonnes sur la défiance répétée à l’autorité publique et sur le manque de respect à la chose commune. Le Sénégal se mue lentement en un Etat où le désordre et la désobéissance sont les voies privilégiées pour se faire entendre. Le respect dû aux institutions se perd et chaque citoyen pense pouvoir faire justice ou rétablir ses droits par la force des insultes, de la violence et d’une pression quelconque. Il revient à l’Etat républicain, pour le bien de tous, de se montrer maître du jeu. Il y a un ordre et une stabilité à garder. L’onction accordée au pouvoir est de veiller à la sécurité et au respect de tous. Quel message est renvoyé à des magistrats dont les audiences peuvent être sabotées par des groupes mécontents ? Quelle image peut-on donner aux forces de sécurité si toute personne mécontente ou insatisfaite se mettait à casser du tout et impunément ? Quelle image renvoie-t-on à un pays majoritairement jeune en sabotant et en troublant l’ordre, même dans la faute ? (…) L’autorité de l’Etat se trouve bafouée à chaque instant et cet Etat est orphelin de défenseur et protecteur.»
Le triste précédent du massacre des policiers un certain 16 février 1994
Nous restons persuadé que si les vandales du Tribunal de Louga étaient punis à la hauteur de leur forfait, comme l’a été Guy Marius Sagna qui a agressé un gendarme en faction devant le Palais présidentiel, les pêcheurs de Mbour auraient réfléchi à deux fois avant de pourchasser les policiers et de filmer à cœur joie leurs «exploits». Tous ceux qui ont pu rire et s’amuser de telles images viles doivent avoir peur pour leur propre sécurité et pour le devenir de ce pays. Il risque d’arriver un moment où les policiers et les gendarmes, devant une certaine déliquescence de l’Etat et de son autorité, chercheront à sauver leur propre peau plutôt qu’à assurer l’ordre public et notre sécurité collective. On en est arrivé à des situations pareilles dans des pays voisins comme le Mali ou le Burkina Faso, pour que les forces de sécurité se trouvent des cachettes, abandonnent ainsi leurs positions à des hordes de terroristes pour avoir la vie sauve. On a encore en mémoire la débandade des rangs de policiers le 19 février 2012 à Rufisque. Les policiers avaient préféré abandonner leurs positions face à des manifestants politiques. Les policiers disaient à qui voulait les entendre qu’ils avaient à cet instant en mémoire le sort de leurs collègues massacrés le 16 février 1994 à Dakar par des manifestants politiques. L’histoire retiendra que la mort de ces policiers a fini par être passée par pertes et profits à l’autel des «combinazzione» politiques, tout comme l’assassinat du juge du Conseil constitutionnel Me Babacar Sèye le 15 mai 1993. Il est à craindre une démotivation, un désengagement des Forces de police si les éléments ne sentent pas le soutien et la protection de l’Etat.
La grande responsabilité de Macky Sall
Il est sans doute exagéré de dire que le moral des troupes est dans les chaussettes, mais on sent un besoin profond des éléments des forces de sécurité d’être davantage rassurés sur l’importance de leurs missions au service de la Nation. Ce rôle pour les regonfler à bloc incombe au premier plan au chef de l’Etat. Le Président Macky Sall a le devoir et l’obligation de parler aux troupes, de leur délivrer un message qui pourrait les réarmer moralement et chasser tout sentiment de lassitude et de découragement qui s’étendrait davantage dans les rangs. La confiance doit ainsi être restaurée. Il reste que le discours est une chose, mais des actes forts sont attendus. L’Etat doit reconnaître mieux la place et le rôle des forces de défense et de sécurité dans la préservation de la paix collective et de la sécurité nationale. L’Etat du Sénégal a consenti ces dernières années d’importants efforts pour renforcer les effectifs de la police et de la gendarmerie et pour leur fournir des équipements pour rendre leurs moyens d’action plus efficaces, mais il va falloir améliorer les conditions de travail, de rémunération et d’évolution des carrières. Les forces de défense et de sécurité doivent sentir le soutien et la présence des plus hautes autorités de l’Etat à leurs côtés durant les moments difficiles comme de joie. La présence du Chef suprême galvanise toujours les troupes et «booste» leur moral. Les troupes ont également besoin d’avoir des chefs qui les représentent dignement et à travers lesquels ils se reconnaîtront. Tout un chacun a besoin d’éprouver du respect et de l’estime pour son chef, mais cette règle est encore plus exigeante et dirimante au sein des forces de commandement. Il apparaît également nécessaire que l’Etat du Sénégal travaille pour une meilleure intégration des forces de police et de gendarmerie. A défaut de placer ces deux corps sous un même commandement institutionnel, la mise en place d’unités de commandement opérationnel dans certaines zones d’intervention et à des occasions ponctuelles semble nécessaire. Les éléments de la police et de la gendarmerie ne sauraient s’ignorer les uns les autres dans leur travail de tous les jours. Sur cette question, il s’agit simplement de s’inspirer des expériences qui donnent des résultats tangibles dans de nombreux pays dont l’organisation des forces de sécurité et de défense est similaire ou identique à celle du Sénégal. Mais le plus urgent demeure d’imposer la discipline aux Sénégalais. Un climat de désordre, de laisser-aller, une situation de licence à tout faire, une impunité totale auront forcément les conséquences les plus dommageables pour la sécurité collective. Il y a quelques jours, un interlocuteur en Gambie confiait une certaine nostalgie pour le régime de terreur de Yahya Jammeh. En effet, pour lui, la répression du régime féroce de ce dictateur sanguinaire ne faisait pas plus de 3 ou 5 victimes par an, alors que l’indiscipline qui a cours en Gambie depuis son départ fait des dizaines de morts par mois avec les accidents de la circulation et de pirogues causés par des excès de vitesse et des surcharges. Il est évident que notre interlocuteur ne pensait pas le moins du monde ce qu’il disait, mais la caricature est assez parlante.
DAKAR-BAMAKO FERROVIAIRE ACQUIERT SIX LOCOMOTIVES
La société Dakar-Bamako Ferroviaire (DBF) va recevoir six locomotives d’une entreprise sud-africaine, dans le cadre de son "plan de sauvegarde d’urgence"
Dakar, 30 déc (APS) - La société Dakar-Bamako Ferroviaire (DBF) va recevoir six locomotives d’une entreprise sud-africaine, dans le cadre de son "plan de sauvegarde d’urgence", annonce le quotidien Le Soleil dans son édition de lundi.
"La réception prochaine de ces locomotives a été annoncée le 28 décembre par le nouvel administrateur général, Kibili Touré", écrit le journal.
Le "plan de sauvegarde" de Dakar-Bamako Ferroviaire a été élaboré par le nouvel administrateur de la société, en collaboration avec les autorités sénégalaises et maliennes, rappelle Le Soleil.
Kibili Touré a annoncé l’acquisition de ces six locomotives à l’occasion d’un panel organisé samedi dernier sur la relance des chemins de fer.
Cette rencontre a été organisée à l’initiative d’une association dénommée "Allô présidence", selon Le Soleil.
Il précise qu’il s’agit d’une offre de location avec maintenance et entretien assortie de rachat.
L’administrateur général de DBF avait reçu en février dernier, les responsables de l’entreprise sud-africaine spécialisée dans la gestion de locomotives, a rappelé le quotidien.
LE GHANA APPROUVE L'ABANDON DU FCFA
La deuxième économie de la sous-région y voit l'opportunité d'accélérer l'adoption de la monnaie commune, mais rejette l'idée d'une parité fixe à l'euro
Près d'une semaine après l'annonce officielle de l'abandon du franc CFA pour l'éco, par les huit pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), le gouvernement du Ghana a tenu à clarifier sa position. Il faut souligner que la réaction du pays était très attendue autant que celle du géant nigérian. Car le Ghana ne fait pas partie de l'Uemoa, composée principalement d'anciennes colonies françaises, qui utilisent le franc CFA. Le pays possède sa propre monnaie, le cedi. « Il s'agit d'une décision bienvenue, que le Ghana applaudit chaleureusement. C'est un bon témoignage de l'importance qui est attachée non seulement à la mise en place d'une union monétaire, mais aussi au programme plus large de l'intégration ouest-africaine », peut-on lire dans un communiqué rendu public dimanche 29 décembre. « Au Ghana, nous sommes déterminés à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous permettre de rejoindre les États membres de l'Uemoa, bientôt, dans l'utilisation de l'éco, car, selon nous, cela contribuera à éliminer les barrières commerciales et monétaires, à réduire les coûts de transaction, à stimuler l'activité économique et élever le niveau de vie de nos populations », poursuit le texte.
Cependant les autorités ghanéennes ont exhorté les membres de l'union monétaire à abandonner la parité fixe à l'euro pour « l'adoption d'un régime de change flexible ». « Nous avons une opportunité historique de créer une nouvelle réalité pour les peuples de la Cedeao, une réalité de prospérité générale et de progrès. Alors, saisissons-le », écrit encore le gouvernement ghanéen.
En route vers l'éco
Le 21 décembre dernier, le président français Emmanuel Macron en visite en Côte d'Ivoire a annoncé avec le dirigeant ivoirien Alassane Ouattara que les huit pays de l'Uemoa cesseraient d'utiliser le franc CFA au profit d'une nouvelle monnaie commune, l'éco, en cours d'adoption par l'ensemble des 15 pays de la Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest. Il est prévu que la nouvelle monnaie soit dans un temps arrimée à l'euro, la monnaie commune des pays de l'Union européenne, tandis que les réserves de change actuellement en Franceseront déplacées. L'ancienne puissance coloniale n'aura plus de siège au conseil d'administration de la banque centrale, la Beceao.
Comment le Ghana s'est débarrassé de la monnaie coloniale
Depuis cette annonce, les réactions se multiplient, notamment dans les pays qui n'utilisent pas le CFA. Car l'abandon du CFA signifie que les sept autres pays de la Cedeao devront eux aussi abandonner leurs monnaies respectives et adopter « l'éco », comme convenu par les dirigeants au début de l'année. Aucune date n'a été fixée pour l'instant même si le mois de juillet 2020 est régulièrement évoqué. L'histoire monétaire du Ghana va donc encore évoluer. En 1957, la Gold Coast (Côte de l'Or) est le premier pays d'Afrique noire à accéder à l'indépendance. Le pays prend le nom de Ghana sous l'autorité de Kwame Nkrumah. Celui qui a pensé le panafricanisme et a été le précurseur de l'Unité africaine coupe le cordon avec le système monétaire colonial britannique. Son gouvernement choisit la livre ghanéenne, utilisée de 1958 à 1965.
L'introduction du nom « cedi », qui signifie « coquillage de cauris » en langue akan, est intervenue entre 1965 et 1967. Les coquilles de cauris étaient autrefois utilisées comme monnaie dans l'ancienne Gold Coast. Mais après le coup d'État militaire de février 1966, la vague anti-Nkrumah a introduit le « nouveau cedi », qui a circulé de 1967 à 2007. Entre-temps, le pays a expérimenté les sikas, qui veut dire or toujours en langue akan, mais l'expérience s'est arrêtée en 2003. En 2007, sous la direction de l'ancien président Kufuor, il a fallu six mois pour que les nouveaux billets et pièces remplacent les existants. Il faut dire aussi que le « nouveau cedi » a été mis à mal par des décennies d'inflation. Même s'il était facilement reconnaissable dans la sous-région à cause de ses multiples zéros et ces coupures de 1 000, 2 000, 5 000, 10 000 et 20 000 cedis – cette monnaie devenait risquée pour des transactions commerciales et financières. Ces dernières années, le cedi a été sous pression, il est même tombé à un niveau record ce mois-ci (1 cedi est égal à 0,16 euro). Pour la banque Renaissance Capital, cité par Bloomberg, le cedi est désormais l'une des devises les plus sous-évaluées d'Afrique. La faute à un dépassement du déficit budgétaire et au creusement de la dette. Sans compter que la banque centrale est dans l'incapacité à constituer rapidement des réserves de change en raison d'un déficit du compte courant. Pourtant, il y a bien une constante dans l'histoire monétaire du pays qui fait sa fierté : depuis 1958, la Banque du Ghana est la seule chargée d'émettre toutes les devises ghanéennes.
par Mamadou Sene
DU FCFA VERS L’ECO, EN QUELQUES QUESTIONS
Pourquoi ne pas imaginer une union entre deux zones monétaires, le Nigeria et une UEMOA à quatorze (35% du PIB de la CEDEAO et 48% de la population) ? Elle apparaitrait moins déséquilibrée et aurait meilleure allure
Le 27 janvier 2016, je faisais paraître dans mon blog et dans le quotidien dakarois Le Soleil, un article à propos du franc CFA, que je concluais comme suit : " La réforme est possible, elle est inévitable. Les pays de la Zone franc ont globalement des structures économiques saines, qui leur permettent de gérer en toute indépendance leurs monnaies tout en étant parmi les pays d’Afrique les plus performants et les plus attractifs. Une UEMOA réformée, une CEMAC réformée seront des unions économiques et monétaires ouvertes à d’autres pays, sans distinction d’histoire coloniale ; elles auront vocation à être les matrices d’éventuelles futures monnaies uniques régionales. Osons les réformes ! "
Comme s’il faisait écho à mon propos, - bien sûr, ce n’était pas le cas -, le président Ouattara, président de la Conférence des chefs d’Etat de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), a annoncé le samedi 21 décembre 2019, la réforme du franc CFA, au nom des huit chefs d’Etats des pays membres de l’Union et en présence du chef de l’Etat du pays garant de la convertibilité illimitée du franc CFA. Cette déclaration a été suivie, le 23 décembre 2019, d’un communiqué de presse de la BCEAO signé par son Gouverneur.
En quoi consiste la réforme annoncée ?
La réforme, telle qu’elle a été annoncée, porte sur trois changements majeurs :
Le changement du nom de la monnaie Franc CFA en ECO ; toutefois, le communiqué de la BCEAO précise que le changement de nom se fera qu’au moment où les pays de l'UEMOA intégreront la nouvelle zone ECO de la CEDEAO ;
L’arrêt de la centralisation des réserves de change au Trésor français, la fermeture du compte d’opérations et le transfert à la BCEAO des ressources disponibles dans le compte ;
Le retrait de tous les représentants français siégeant dans les organes de décision et de gestion de l’UMOA (Conseil d’Administration de la BCEAO, Commission bancaire et Comité de Politique Monétaire).
Cependant, le communiqué de presse de la BCEAO précise que les plus hautes autorités de l'UEMOA ont souhaité conserver deux piliers clefs de la stabilité monétaire de la zone :
Le maintien du taux de change fixe par rapport à l’euro, qui assure la parité actuelle (1 EUR = 655,957 F CFA) ;
La garantie de convertibilité illimitée de la monnaie par la France.
Le changement de dénomination du franc CFA, l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change des pays de l’UEMOA au Trésor français et la fin de la présence des représentants français dans les organes de décision et de gestion de l’Union Monétaire (Conseil d’Administration de la BCEAO, Commission bancaire et Comité de Politique Monétaire) étaient devenues des demandes politiques fortes d’une bonne partie de l’opinion publique des pays de l’UEMOA.
Quelle est la portée du changement de nom ?
Pour bon nombre de personnes dans les pays de l’UEMOA, le terme "franc CFA" porte le poids d’un péché originel, celui de sa naissance en 1945, au sortir de la seconde guerre mondiale. En ce moment-là, la dénomination Franc CFA signifiait " Franc des Colonies françaises d'Afrique" ; puis en 1958, à la faveur de la création de la Communauté Française, elle est devenue "Franc de la Communauté Française d'Afrique" et ensuite en 1960, après les indépendances africaines "Franc de la Communauté Financière Africaine" en Afrique de l’Ouest et "Franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale" en Afrique Centrale. Malgré ces changements et malgré les années passées, la dénomination "Franc CFA" rappelle toujours la période coloniale. Aussi, même s’il est de pure forme, même s’il est de l’ordre du symbole, et même si, pour les monnaies, comme pour les humains, l’homonymie n’implique pas forcément une relation de dépendance, comme l’attestent les dizaines de monnaies dans le monde, pourtant indépendantes les unes des autres, qui portent les noms de dollar, livre ou franc, le changement de nom était devenu nécessaire et inévitable ; nécessaire, compte tenu de la charge négative pour certains, que charrie le nom de franc CFA, du fait du relent de néocolonialisme qu’il dégage ; inévitable, parce que les pays de l'UEMOA devront intégrer prochainement la nouvelle zone ECO qui regroupera les quinze pays de la CEDEAO. L’UEMOA a même vocation, à mon avis, à en être la matrice, compte tenu de sa remarquable organisation et de sa réussite avérée, même si certains la contestent, plus pour des raisons politiques qu’économiques.
A la suite de l’annonce du président Ouattara, il avait été compris que le changement de nom se ferait en 2020, sans tenir compte du calendrier de l’ECO par la CEDEAO ; ç’aurait été le choix de la politique. Le communiqué de presse de la BCEAO indique clairement que le changement de nom se fera lorsque les pays de l'UEMOA intégreront la nouvelle zone ECO de la CEDEAO ; c’est le choix de la raison, parce que ç’aurait été un défi à la raison et au bon sens que d’engager en 2020 une opération de retrait des billets et pièces de franc CFA, pour les remplacer par des billets et pièces d’ECO fabriqués par l’UEMOA et les retirer, quelques mois ou années plus tard, pour les remplacer par des billets et pièces d’ECO fabriqués par la CEDEAO. Quel gâchis, ç’aurait été !
Quelle est la portéede l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change au Trésorpublic français et, subséquemment, la fermeture du compte d'opération ?
La centralisation d’une partie des réserves de change (50% pour la BCEAO et la BEAC) auprès du Trésor français dans des comptes dénommés "comptes d’opérations" était jusqu’ici une des contreparties de la garantie de convertibilité illimitée accordée par le Trésor français. On peut estimer que c’était un des moyens voulus par la France, pour pouvoir apprécier l’évolution des réserves de change de l’UEMOA et le risque éventuel d‘appel de sa garantie. Comme une police d’assurance ordinaire, la garantie de la France est mise en place, mais aucune des parties prenantes (le garant et le demandeur de la garantie) ne souhaitent que les conditions de sa mise en œuvre se présentent. Dans la pratique, sur les soixante dernières années, elle n’a, semble-t-il, été mise en œuvre qu’une seule fois. En réalité, ce changement fortement demandée par une partie des opinions publiques africaines et finalement convenu entre le garant et les pays de l’UEMOA, n’a pas été le plus difficile à opérer compte tenu de :
La faible probabilité de la mise en œuvre de la garantie, si on se fie à ce qui s’est passé au cours des soixante dernières années ;
L’existence de nombreuses autres possibilités pour le garant de suivre la situation des réserves de change de l’UEMOA, en contrepartie de sa garantie illimitée, sans avoir besoin de leur domiciliation partielle au Trésor Public français ;
A mon sens, l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves de change de l’UEMOA au Trésor public français est une bonne décision, parce que significative politiquement. Toutefois, elle est presque neutre économiquement. L’UEMOA, qui place déjà où bon lui semble la moitié de ses réserves de change, pourra le faire dorénavant pour la totalité. Mais, dans le contexte économique actuel, elle ne peut pas espérer obtenir la rémunération que lui donnait le Trésor Français (0,75% l’an), les banques centrales européennes payant aux banques déposantes des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs.
Quelle est la portéedu retraitdes représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l'UEMOA ?
La France, en tant que garant de la convertibilité du franc CFA, participait jusqu’ici aux instances de décision et de gestion de la BCEAO : elle disposait d’un siège au Conseil d’Administration, d’un au Comité de Politique Monétaire et d’un autre à la Commission bancaire au même titre que les Etats-membres.
Une partie des opinions publiques comprenaient de plus en plus mal la présence de la France dans les instances de décision et de gestion de l’UEOMA, pour quelque raison que ce soit. Cette présence était une des contreparties de la garantie donnée par la France, qui estimait nécessaire d’être là où se prennent les décisions pouvant mettre en jeu sa garantie. On ne peut pas le lui reprocher. Mais on ne peut pas non plus ne pas noter l’incongruité des sièges de la France dans les instances de décisions de l’UEMOA, en matière de banque et de finance.
Même si, à ma connaissance, les accords signés entre Romuald Wadagni, président du Conseil des Ministres de l’UEMOA, et Bruno Lemaire, ministre français de l'Économie et des Finances, ne sont pas encore publiés, on peut sans peine, imaginer que des dispositions d’information complète du garant y sont prévues. Aucun Etat ou aucune personne morale ne donnent une garantie sans être informés des décisions et de la gestion du demandeur de la garantie.
Selon moi, le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l'UEMOA est bon à tout point de vue, surtout politiquement.
Quelle est la portée du maintien de la parité avec l’euro et de la garantie de la France ?
Les autorités de l’UEMOA ont adopté momentanément la continuité à propos du maintien de la parité avec l’euro et de la garantie de la France ; ils l’ont aussi fait à propos de la liberté totale des transferts au sein de la Zone Franc et la détermination des règles communes de discipline macroéconomique ou critères de convergence. Au stade actuel, le choix de la continuité peut se comprendre, étant donné que la présente réforme n’a pas pour objet de refonder l’UEMOA, mais de préparer son intégration dans la nouvelle zone monétaire ECO et de répondre à des demandes politiques des opinions publiques africaines. Mais la réforme ne doit pas inquiéter les milieux économiques, les investisseurs et les épargnants et elle ne doit pas donner lieu à des anticipations qui pourrait nuire à la stabilité de la monnaie, entrainer une fuite des capitaux et provoquer une poussée inflationniste et une dégradation de l’activité économique.
Il semble évident que la question de la parité de la monnaie et celle de la garantie de la France, seront résolues au plus tard au moment de la création de l’ECO à quinze. A ce moment-là, prendra inévitablement fin la garantie de la France, parce que les pays de la future zone ECO ne voudront pas la demander et la France ne voudra pas la donner. La CEDEAO aura les moyens de défendre seule efficacement sa monnaie. Il faudra uniquement à ses membres de la rigueur dans la gestion de leurs économies nationales et de la discipline dans la gestion de leur monnaie unique.
Pour ce qui est du taux de change aussi, il reste fixe par rapport à l’euro, le temps de l’arrivée de l’ECO à quinze. L’ECO à quinze ne sera sans doute pas arrimé à l’euro comme l’est le franc CFA, ni à une autre seule monnaie. Le choix sera fait entre :
Un taux fixe arrimé à un panier de monnaies ;
Un taux partiellement flexible, fluctuant à l’intérieur d’un couloir de fluctuation, au maximum d’un pourcentage donné au-dessus ou en dessous d’un cours pivot fixé vis-à-vis d’un panier de devises ; si le cours a tendance à sortir de ce couloir par le haut ou par le bas, la banque centrale intervient pour le défendre en achetant ou en vendant sa devise, ce qui implique qu’elle dispose des réserves de change suffisantes ;
Un taux flexible, c’est-à-dire un taux déterminé librement par les mécanismes de l’offre et de la demande de l’ECO sur le marché des changes.
Dans tous les cas, avec l’ECO à quinze, les pays de l’UEMOA feront l’apprentissage de la gestion du taux de change d’une monnaie. Si la rigueur dans la gestion, la discipline monétaire et les performances économiques sont au rendez-vous, les cours iront là où veulent les amener les politiques monétaires de la Zone. S’ils ne sont pas au rendez-vous, les cours de la monnaie dégringoleront et les prix des biens importés grimperont jour après jour, mois après mois, scénario que connaissent l’immense majorité des pays voisins des pays de l’UEMOA ; scénario que connaissent beaucoup moins les pays de l’UEMOA. La valeur de la monnaie est un des meilleurs baromètres de l’état d’une économie. Elle n’a que faire de l’idéologie, des incantations et des imprécations.
Selon moi, le maintien momentané de la parité avec l’euro et celui de la garantie de la France sont de bonnes mesures, dans l’attente des décisions que prendront ensemble formellement les pays membres de la future zone ECO en matière de régime de change et, plus généralement, de politique monétaire.
La réforme de l’UEMOA est-elle une étape significative dans le processus de création de l’union monétaire à quinze ?
La réforme de l’UEMOA est en effet une étape significative dans le processus de création de l’union monétaire à quinze parce qu’elle a entamé la déconstruction des relations monétaires historiques entre la France et les pays de l’UEMOA, tout en rassurant les investisseurs et les épargnants. L’arrêt de la centralisation des réserves de change au Trésor français, la fermeture du compte d’opérations et le retrait de tous les représentants français des organes de décision et de gestion de l’UMOA (Conseil d’Administration de la BCEAO, Commission bancaire et Comité de Politique Monétaire) sont des étapes importantes de cette déconstruction. C’est aussi l’avis des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO exprimé lors de leur 56ème Conférence tenu le 21 décembre 2019 : "S’agissant du dossier de la monnaie unique de la CEDEAO, après avoir entendu l’exposé de son SEM Alassane Ouattara, président de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO a pris acte des transformations importantes en cours au niveau de la zone monétaire de l’UMOA. Cette réforme de la zone monétaire de l’UMOA facilitera son intégration dans la future zone monétaire de la CEDEAO (ECO). Les chefs d’Etat et de Gouvernement se sont félicités des évolutions de la zone monétaire de l’UMOA."
La prochaine et dernière étape dans la déconstruction des relations monétaires historiques entre la France et les pays de l’UEMOA est l’arrêt de la garantie de convertibilité illimitée du franc CFA par la France, au plus tard à la création de la future zone monétaire de la CEDEAO. A mon avis, cette prochaine et dernière étape n’a pas été franchie immédiatement pour deux raisons :
Le sens des responsabilités amène les autorités de l’UEMOA à engager une déconstruction méthodique, organisée et consensuelle, qui ne brise pas soixante années d’intégration économique et régionale ; l’UEMOA, avec ou sans l’ECO à quinze, devra mettre en place le dispositif de substitution à la garantie de la France susceptible de rassurer les investisseurs et les épargnants, de ne pas entraîner la fuite des capitaux étrangers et locaux et le retour de l’inflation, car l’UEMOA n’a pas vocation à avoir, avec ou sans la France, une monnaie qui rapidement rejoint, dans l’échelle de valeur des monnaies, la cohorte de devises africaines qui ne brillent que par la dégradation continue de leurs taux de change. La monnaie de l’UEMOA, quelle qu’elle soit, à huit ou à quinze, doit rester une monnaie qui inspire confiance aux investisseurs étrangers et locaux et aux épargnants et qui protège le pouvoir d’achat des populations.
Le franchissement de cette dernière étape doit se faire au moment le plus opportun c’est-à-dire coordonné avec l’avancement des travaux de mise en place de la nouvelle monnaie régionale, l’ECO à quinze.
La réforme de l’UEMOA, allant dans le sens de l’abolition des liens monétaires entre la France et l’UEMOA peut faciliter que d’autres pays de la CEDEAO la rejoigne, si l’entrée en vigueur de l’ECO à quinze tardait à se concrétiser, d’autant que la Zone Monétaire Ouest-Africaine, fondée en 2000, regroupant la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigeria et la Sierra Leone et qui avait vocation à converger avec l’UEMOA, n’a pas pu avancer d’un pouce. Cette approche n’est pas seulement une vue de l’esprit. En effet, une zone ECO regroupant un géant, le Nigeria, et une UEMOA de taille respectable serait plus équilibrée et plus facile à gérer dans l’intérêt de tous les pays. En revanche, une union monétaire entre le Nigeria puissant (65% du PIB de la CEDEAO et 52% de la population), l’UEMOA (21% du PIB de la CEDEAO et 33% de la population) et six autres Etats lilliputiens, ferait de l’ECO, un "Naira new look", comme il a été reproché à l’euro d’être un "deutsch mark new look". La différence importante est que l’Allemagne était moins hégémonique en Europe que ne l’est le Nigéria en Afrique de l’ouest et elle avait, de surcroit, une des gestions économiques et monétaires les plus vertueuses d’Europe, ce qui est loin d’être le cas du Nigeria en Afrique. En matière monétaire, comme dans la vie de tous les jours, les vertus du grand-frère sont contagieuses, ses vices aussi. Alors, pourquoi ne pas imaginer une union entre deux zones monétaires, le Nigeria et une UEMOA à quatorze (35% du PIB de la CEDEAO et 48% de la population) ? elle apparaitrait moins déséquilibrée et aurait meilleure allure.
A quand la création de l’union monétaire à quinze et, donc, de l’ECO ?
Les chefs d’Etat de la CEDEAO ont fixé un objectif ambitieux et probablement irréaliste de création de l’ECO à quinze : 2020. Aujourd’hui l’espace CEDEAO compte huit monnaies et huit zones monétaires. Les huit monnaies sont l'escudo cap-verdien (CVE), le dalasi gambien (GMD), le cedi ghanéen (GHS), le franc guinéen (GNF), le dollar libérien (LRD), le naira nigérian, le leone Sierra-Léonais (SLL) et le franc CFA des huit pays de l’UEMOA (XOF). Créer une monnaie unique pour les 15 pays de la CEDEAO qui se substitue aux huit monnaies existantes demande un certain nombre de préalables et d’étapes, dont les plus importants sont :
La mise en place des traités et conventions régissant la nouvelle union monétaire et ses institutions, principalement la banque centrale et l’organe chargé de définir et de mettre en œuvre la politique monétaire ;
Le respect par les quinze pays des règles et mécanismes communs de discipline macroéconomique ;
L’uniformisation des textes régissant le secteur bancaire et le marché financier régional ;
Les pays membres de l’union monétaire devront dans les prochains mois ou prochaines années rédiger et signer le traité de l’union monétaire, dont les objectifs devront être clairement définis. Quels qu’ils soient, ils devront intégrer l’atteinte d’une croissance durable porteuse d’emplois, la maitrise de l’inflation, le soutien à l’intégration des différentes économies nationales, etc.
Ils devront également s’entendre sur des règles et mécanismes communs de discipline macroéconomique dont les critères de convergence constituent l’élément essentiel. Ces critères de convergence sont un ensemble de règles de discipline relatifs à des éléments essentiels de la politique économique tels que le déficit budgétaire, le taux d’inflation, le niveau d’endettement, le niveau des réserves de change. Ces règles sont arrêtées collectivement et sont destinées à promouvoir les bonnes pratiques en matière de gestion financière, à assurer la cohérence entre les politiques budgétaires nationales et à faciliter l’intégration économique entre les pays de l’union monétaire. Elles sont en général des valeurs minimales ou maximales que les pays membres de l’union monétaire s’obligent à ne pas dépasser car une union monétaire ne peut être efficace et viable que si les pays qu’elle réunit ont des politiques budgétaires et fiscales cohérentes entre elles et atteignent des performances économiques synchrones. Si ce n’est pas, l’union court sans aucun doute le risque de ne pas profiter à tous et de voler rapidement en éclats. La crise de la dette publique grecque en 2010 a montré de façon parlante à la fois les effets dévastateurs de performances économiques asynchrones, mais aussi les effets salvateurs de la forte solidarité dont une union économique et monétaire peut faire montre.
Ils devront aussi s’entendre sur le type de banque centrale qu’ils veulent avoir. Pour moi, la future banque centrale, une fois et mise en route, devra être indépendante à tous égards des pouvoirs politiques, comme le sont les banques centrales les plus performantes. Si la future banque centrale est assujettie aux pouvoirs politiques, comme c’est souvent le cas en Afrique, notamment à ceux des pays les plus puissants de l’union monétaire, alors elle n’ira pas loin. Il n’est pas inutile de rappeler les principales formes d’indépendance dont jouissent aujourd’hui les banques centrales sont l’indépendance institutionnelle, l’indépendance de son personnel, l’indépendance fonctionnelle et opérationnelle, l’indépendance financière et organisationnelle et l’indépendance juridique.
Les pays membres de l’union monétaire devront aussi tendre vers l’uniformisation ou au moins la mise en cohérence, entre les différents pays, des législations fiscales, des lois bancaires et des mécanismes de fonctionnement des marchés financiers. Construire une union monétaire est un exercice exigeant, au cours duquel la rigueur, l’expertise et la discipline doivent rester les lignes directrices.
Mamadou Sene est ancien Directeur Général de banques