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4 décembre 2024
Développement
LE PREMIER MINISTRE EXIGE LA DÉMISSION DES MINISTRES CUMULARDS
Ultimatum d'un mois aux ministres élus. Ousmane Sonko souhaite que ces derniers se consacrent exclusivement à leurs tâches gouvernementales, préférant l'efficacité à la polyvalence des fonctions
Les membres de la nouvelle équipe gouvernementale exerçant un mandat électif devront se démettre dans un mois, a indiqué le Premier ministre.
”Il a été donné instruction à tous ceux qui ont été retenus dans cette équipe gouvernementale et qui exercent par ailleurs un autre mandat électif, un délai d’un mois (1) pour se démettre de toute autre responsabilité élective qu’elle soit au niveau des Collectivités locales ou de l’Assemblée nationale”, a annoncé Ousmane Sonko juste après la publication de la liste du nouveau gouvernement.
Selon lui, cette décision permettra aux ministres de se consacrer exclusivement à la lourde responsabilité gouvernementale afin de mieux faire face aux enjeux et de répondre efficacement aux attentes des populations.
SONKO DÉVOILE SON GOUVERNEMENT
25 ministres, 5 secrétaires d'État : la nouvelle équipe gouvernementale est désormais connue. Elle introduit des visages issus du monde militaire à des positions stratégiques comme la Défense ou l'Intérieur
Un gouvernement composé de 25 ministres et 5 secrétaire d’Etat a été formé vendredi, a annoncé le Secrétaire général de la Présidence de la République, Oumar Samba Ba.
Le gouvernement est marqué par la présence d’officiers supérieurs dans des postes clés à l’image de l’ancien chef d’Etat major général des armées, le général Birame Diop au poste de ministre des Forces armées et de l’ancien haut commandant de la gendarmerie et directeur de la justice militaire, Jean Baptiste Tine, qui va occuper le poste de ministre de l’Intérieur.
Le magistrat Ousmane Diane, jusque-là procureur général à la Cour Suprême hérite du poste de Garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Ci-dessous la liste complète
Madame Yassine Fall : ministre de l’intégration africaine et des affaires étrangères
Général Birame Diop : ministre des forces armées
Monsieur Ousmane Diagne : ministre de la justice, garde des Sceaux
Général Jean-Baptiste Tin : ministre de l’intérieur et de la sécurité publique
Monsieur Birame Souleil Diop : ministre de l’énergie, du pétrole et des mines
Monsieur Abdourahmane Saad : ministre de l’économie, du plan et de la coopération
Monsieur Cheikh Diba : ministre des finances et du budget
Monsieur Malik Ndiaye : ministre des infrastructures et des transports terrestres et aériens
Monsieur Daoud Ngom : ministre de l’environnement et de la transition écologique
Monsieur Amadou Moustapha Ndiak Saré : ministre de la formation professionnelle, porte-parole du gouvernement
Monsieur Cheikh Tizian Ndiaye : ministre de l’hydraulique et de l’assainissement
Monsieur Alioun Sal : ministre de la communication, des télécommunications et du numérique
Monsieur Elhaj Abdourahmane Diouf : ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Monsieur Serigne Gueye Diop : ministre de l’industrie et du commerce
Madame Fatou Diouf : ministre des pêches, des infrastructures maritimes et portuaires
Madame Maïmouna Diaye : ministre de la famille et des solidarités
Monsieur Yankoba Diemi : ministre du travail, de l’emploi et des relations avec les institutions
Monsieur Balla Moussa Fofana : ministre de l’urbanisme, des collectivités territoriales et de l’aménagement des territoires
Monsieur Moustapha Mambagirasi : ministre de l’éducation nationale
Monsieur Ibrahim Sy : ministre de la santé et de l’action sociale
Monsieur Olivier Boukal : ministre de la fonction publique et de la réforme du service public
Madame Fadi Diengay : ministre de la jeunesse, d’espoir et de la culture
Monsieur Mahbouba Diagne : ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage
Monsieur Alioun Djon : ministre de la micro-finance et de l’économie sociale et solidaire
Monsieur Montaga Djaou : ministre du tourisme et de l’artisanat.
En vertu de l’article 2, sont nommés secrétaires d’État :
Monsieur Ahmadou Cherif Djouf : secrétaire d’État au Sénégalais de l’extérieur
Monsieur Ibrahim Tchab : secrétaire d’État au développement des petites et moyennes industries
Monsieur Mohamed Talandaou : secrétaire d’État à l’urbanisme et au logement
Monsieur Alpha Ba : secrétaire d’État au coopératif et à l’encadrement paysan
Monsieur Bakarissa : secrétaire d’État à la culture, aux industries créatives et au patrimoine historique.Le présent décret sera publié au journal officiel de la République du Sénégal.2
LE SÉNÉGAL ORPHELIN DE DIONNE, LE BRILLANT HOMME D'ÉTAT
Du président de la République à ses anciens rivaux politiques, des voix s'élèvent pour saluer la mémoire de l'ex-Premier ministre, rappelé par Dieu ce vendredi. Ses qualités humaines et son dévouement au service du pays sont largement soulignés
Des acteurs politiques ont fait part de leur tristesse à la suite de l’annonce du rappel à Dieu, vendredi, de l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.
M. Dionne, candidat l’élection présidentielle du 24 mars, est décédé ce vendredi en France où il avait été évacué à la veille du scrutin pour des soins.
”Avec le décès de Mahammed Boun Abdallah Dionne, la Nation perd l’un de ses plus éminents serviteurs, un homme dévoué et précieux. À sa famille, je présente mes plus sincères condoléances. Mes pensées les accompagnent dans cette période de tristesse. Puisse Le Bon Dieu l’accueillir dans son Paradis par la Bénédiction de ce vendredi saint du mois béni de Ramadan où les musulmans s’apprêtent à célébrer la nuit du destin”, a écrit le président de la République Bassirou Diomaye Faye sur le réseau social X.
L’ancien Premier ministre Aminata Touré déclare avoir appris avec ‘’une grande tristesse’’ le rappel à Dieu de Mahammad Boun Abdallah Dione”, son successeur à la Primature. Elle a rendu hommage à ”un homme d’Etat accompli et un gentleman de grande valeur”, priant que ”Dieu l’accueille au Paradis parmi les Valeureux’’.
Le candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle du 24 mars, l’ancien chef du gouvernement, Amadou Ba a salué la mémoire d’un ‘’fidèle serviteur de l’Etat’’ qui ‘’aura marqué notre pays par son amabilité et son sens du devoir’’.
‘’J’ai appris avec beaucoup de tristesse le rappel à Dieu du Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne. Fidèle serviteur de l’Etat, il aura marqué notre pays par son amabilité et son sens du devoir. Sa disparition constitue une grosse perte pour le Sénégal. Je présente à sa famille et au peuple tout entier mes sincères condoléances’’, a dit le candidat à la dernière élection présidentielle sur la même plateforme.
Le président du parti Awalé, Abdourahmane Diouf, a lui aussi exprimé sa ”tristesse”. Il a présenté ses ‘’condoléances émues à sa famille, ses proches et à toute la Nation Sénégalaise’’ et prié pour que Dieu l’accueille dans ‘’Son Paradis céleste en cette fin de mois béni de ramadan’’.
La responsable de la coalition “Alternative pour la relève citoyenne” (ARC), Anta Babacar Ngom se dit attristée par cette nouvelle et présenté ses ‘’plus sincères condoléances à sa famille, ses proches et à tout le peuple sénégalais’’.
Selon elle, ‘’M. Dionne était un homme d’État dévoué et un leader visionnaire qui a servi son pays avec passion et intégrité. Sa contribution significative au développement du Sénégal restera gravée dans l’histoire. En ces moments difficiles, que le souvenir de son engagement et de sa sagesse apporte un peu de réconfort’’.
”C’est avec tristesse que j’ai appris le décès de l’ancien Premier Ministre Mohammed Boun Abdallah Dione. Je rends hommage à son dévouement et son service à l’État. En ces moments difficiles, mes pensées vont à sa famille et à ses proches. Que son âme repose en paix”, a dit Khalifa Sall de Taxawu Sénégal.
Pour l’ancien candidat à la présidentielle, El Hadji Mamadou Diao dit Mame Boye Diao, la ‘’contribution’’ de Mahammad Boun Abdallah Dionne’’ à la nation restera gravée dans nos cœurs’’.
Le Candidat de la Coalition ”Diao 2024” a rappelé la ‘’relation particulière’’ qu’il entretenait avec ce ‘’grand homme d’État, serviteur de la République, brillant, pragmatique, humble et l’impact qu’il a eu sur (sa) vie’’.
Le leader du mouvement politique Tekki, Mamadou Lamine Diallo a rendu hommage à son ‘’ami de 55 ans’’ qu’il a présenté comme ‘’un brillant sujet’’.
Boubacar Camara, président du Parti de Construction et de la Solidarité PCS/JENGU-TABAX a salué la mémoire d’un ‘’homme courtois et cultivé’’ qui ‘’s’en est allé après un dernier combat pour le Sénégal’’.
”Le destin a voulu qu’il n’ait pas pu voter pour lui-même pour des raisons de santé. Aujourd’hui, il est arraché à notre affection, quelques jours après l’installation d’un nouveau Président de la République. Jusqu’au bout, il nous a laissé le souvenir d’un homme dont la vaste culture est le trait frappant et qui aura mené un combat sans répit pour le Sénégal, avec courtoisie et détermination’’, a-t-il dit.
Le Directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama, a relevé que l’engagement du défunt avait permis de faire avancer plusieurs questions relatives aux droits humains.
”Nous sommes peinés par le décès de l’ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdalah Dionne survenu ce jour à Paris. A la primature, il s’était entouré d’un groupe de conseillers particulièrement efficaces avec qui nous avons fait avancer plusieurs questions relatives aux droits humains’’, a-t-il témoigné.
par Jean-Louis Corréa
DE LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le lanceur d’alerte est-il cette « balance » des temps modernes adepte de « la vindicte à portée de clics » ou est-ce plutôt ce citoyen épris de justice et de vérité que sa conscience martyrise à ne pas dénoncer les abus ?
Le président de la République, dans son adresse à la Nation du 3 avril 2024, a indiqué la nature des réformes institutionnelles qu’il souhaitait, dans les temps proches, entreprendre. Parmi ces différentes mesures, une en particulier a, plus que les autres, retenu mon attention. L’idée d’une loi visant la protection des lanceurs d’alerte.
Plus connu sous la dénomination anglaise de whistleblower, le lanceur d’alerte est un individu qui adopte une posture en raison de sa conscience heurtée par des faits contraires à la loi au sens large. Un tel vœu, s’il venait à se concrétiser, ferait entrer le Sénégal dans une ère de gouvernance ouverte et citoyenne, rarement promue sous nos latitudes. Toutefois, cet outil de renforcement de la redevabilité et de la transparence sera plus efficace si accompagné par une loi consacrant les libertés publiques en général et l’espace civique en particulier.
Dans un contexte de production de pétrole et de gaz, la protection des lanceurs d’alerte participe d’un contrôle citoyen accru, afin de veiller à ce que les ressources nationales soient gérées de façon orthodoxe. On pourra entendre la volonté d’élaborer une loi sur la protection des lanceurs d’alerte en contemplation de la directive n°1/2009/CM/UEMAO portant Code de la transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA.
L’annonce présidentielle a donné lieu à une grande joie sur les réseaux sociaux, les justiciers numériques et autres détectives digitaux à la petite semaine se pensant découvrir un nouveau créneau : lanceur d’alerte. On pouvait lire sur X d’aucuns dire qu’avec la loi à venir sur la protection des lanceurs d’alerte, le métier de « balance » avait un avenir au Sénégal et d’autres d’ergoter sur la possibilité de filmer et divulguer les sempiternelles scènes quotidiennes de civils corrupteurs encanaillés avec les corrompus à habits imposés.
Mais le lanceur d’alerte est-il cette « balance » des temps modernes, adepte de « la vindicte à portée de clics » ou est-ce plutôt ce citoyen épris de justice et de vérité que sa conscience martyrise à ne pas dénoncer les abus et autres violations qu’il constate ?
Que nos justiciers des réseaux se calment. Le lanceur d’alerte est une réalité autre, bien comprise sous d’autres cieux que nous allons passer en revue, sans prétention à l’exhaustivité.
Contexte d’émergence
Plaçons l’apparition des lanceurs d’alerte dans un contexte global marqué par un besoin accru de transparence, remède principal contre les théories du complot qui ont la vie dure et dont certains « professeurs » médiatiques sont les prophètes au Sénégal. Contre les théories du complot favorisées par l’époque à laquelle nous sommes rendus, le meilleur remède est la transparence d’autant plus que « nos contemporains se sentent coupés du passé, incertains face à l’avenir, méfiants et désorientés à l’égard du présent ». Entre experts officiels, contre-experts et alter-experts, pour s’éviter que l’on puisse valider ce type d’assertion conspirationniste « ce n’est pas le gouvernement qui gouverne le Sénégal, on ne sait pas qui tire les ficelles », il est important de faire la promotion de l’open governance.
L’ouverture (open) et la transparence (transparency) sont devenues de critères de mesure des politiques publiques et de leur aptitude à servir utilement les populations. La lutte contre la corruption a trouvé dans les lanceurs d’alerte un puissant allié.
Pratiques comparées du lanceur d’alerte
On ne saurait parler de lanceur d’alerte sans commencer par les États-Unis d’Amérique, terre de naissance et lieu de la pratique la plus aboutie du whistleblowing. Dans le système américain, le whistleblowing permet de lutter contre toute sorte d’abus, les gaspillages, les actes illégaux, les mauvais comportements et autres traitement inadéquats.
Dans ce pays, il existe plus d’une dizaine de lois au niveau fédéral et bien plus au niveau des États fédérés visant la protection des lanceurs d’alerte, entre garantie de confidentialité, récompenses financières et protection contre les mesures de rétorsion. L’objectif visé est d’encourager les citoyens à dénoncer les fraudes et autres pratiques illicites ou illégales.
Ce sont les lanceurs d’alerte qui ont exposé le Watergate, l’échec de la guerre du Vietnam, dénoncé les fraudes comptables massives qui conduit à la chute de Enron et WorldCom au début des années 2000 ; qui ont exposé les comptes bancaires suisses secrets et les dangers de la nicotine, entre autres scandales.
En Europe, l’Union européenne a adopté la directive 2019/1937 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne. Cette directive a été transposée par plusieurs États membres de l’UE. Pour le Conseil de l’Europe : « le cadre national devrait favoriser un environnement qui encourage à faire ouvertement tout signalement ou toute révélation d'informations. Nul ne devrait éprouver de crainte de soulever librement des préoccupations d'intérêt général »
Mais en France, déjà en 2016, la loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, transposant la quatrième directive européenne de lutte contre le blanchiment et la corruption, assurait la protection des lanceurs d’alerte. Selon ladite loi « Un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. »
En Afrique, rares sont les pays à s’être doté d’une loi de protection des lanceurs d’alerte. Ce mécanisme de promotion de la bonne gouvernance semble perturber la quiétude de nos dirigeants. À notre connaissance, le Ghana a été l’un des premiers pays en Afrique de l’Ouest à se doter, dès 2006, d’un Whistleblowers Act (Act 270). Le Liberia (Whistle-blowers and witness protection bill of 2017) et l’Afrique du Sud (Protected disclosures Act n° 26 of 2000) sont aussi à identifier comme terre d’accueil du whistleblowing en Afrique. Dans ces trois pays, il y a la loi mais aussi un organe spécialement dédié à sa mise en œuvre. Dans un pays comme le Kenya, il n’existe pas de loi spécifique mais des dispositions législatives sont applicables aux lanceurs d’alerte.
Comme on peut le constater, jusqu’à plus ample informé, il n’y a pas, en Afrique noire francophone, d’État ayant une loi ou un dispositif de protection des lanceurs d’alerte, ce que des recherches approfondies pourraient infirmer ou confirmer.
Portrait-robot du lanceur d’alerte
La qualification de lanceur d’alerte est réservée à une catégorie de personnes. Entre les personnes physiques et les personnes morales, seules les premières sont concernées. Ce qui exclut les associations, les syndicats, a fortiori les dénonciations anonymes.
Dans certaines législations, comme au Liberia, en Afrique du Sud, le lanceur d’alerte doit être un employé (ou ex-employé) d’un service public ou privé. Dès lors, avant de dénoncer en public, il doit saisir sa hiérarchie afin de trouver des solutions aux faits constatés. En cas d’inaction de l’autorité publique, la divulgation publique est légitime.
En outre, le lanceur d’alerte ne peut révéler ou dénoncer que des faits dont il a une connaissance personnelle, ce qui exclut les faits portés à sa connaissance par un tiers dont il se fait le porte-parole.
De même, les révélations ou les dénonciations faites par le lanceur d’alerte sont généralement désintéressées, ce qui exclut toute forme de rémunération (dans le modèle américain, une récompense est envisageable), et faites de bonne foi, sans intention de nuire. Ce qui se comprend aisément, le lanceur d’alerte dénonce des faits portant gravement atteinte à l'intérêt général.
Afin de garantir sa protection, la qualité de lanceur d’alerte est une cause d'irresponsabilité pénale. Sa qualité le rend irresponsable pénalement de l'atteinte qu'il porterait à un secret protégé par la loi, à l’exclusion du secret de la défense nationale, du secret médical ou du secret des relations entre un avocat et son client, en divulguant son information.
Pour vivre heureux, il faut vivre caché
Assertion ne saurait être plus fausse dans la gestion de la chose publique. Pour vivre heureux, il ne faut plus vivre caché. A l’ère de l’ouverture, se traduisant par l’anglicisme « open » préfixe à la mode et prétexte à de nombreuses politiques publiques, open access, open data, open science, l’action non révélée équivaut à une action suspecte voire non réalisée.
Le désir de transparence à partie liée avec l’idéal déclaré d’un monde où le soupçon serait déclaré impossible, « l’apparence étant parfaitement conforme à la réalité ». Mais comme le révèle P.-A Taguieff, « l’impératif de transparence est porteur d’équivocité…dans le monde de la transparence…les authentiques vertueux et les naïfs de bonne volonté côtoient les Tartuffe, les manipulateurs, les menteurs, les démagogues ».
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DIATOU CISSE ÉTRILLE LES PRIVILÈGES DES ÉLITES
La journaliste dénonce les dérives d'un système rongé par une caste au sommet de l'État. Fonds politiques indécents, retraites présidentielles faramineuses, avantages matériels injustifiés... Son plaidoyer pour l'équité fait des vagues
Le débat sur les privilèges accordés aux anciens responsables politiques sénégalais est à nouveau relancé. Lors d'une émission télévisée sur la TFM, la journaliste Diatou Cissé a souligné qu'il était nécessaire de "revoir ces points-là".
Selon elle, "rien ne justifie que vous soyez président du conseil économique, vous partez, on vous donne trois millions par mois. Un ancien président de la République, on lui donne si je ne m'abuse, cinq millions. C'est du détournement légalisé."
Diatou Cissé fait ici référence aux larges privilèges financiers attribués aux anciens présidents de la République et présidents d'institutions au Sénégal. Elle dénonce des sommes "excessives" et "au non de quoi" ces personnalités perçoivent de tels montants.
"Il y a des agences, les gens, certains ont sept millions, d'autres ont cinq millions. Les hausses salariales par-ci et par-là ont déstabilisé la grille de salaire de la fonction publique. Comment on peut être ancien président et ne pas avoir une maison ?", s'interroge-t-elle, pointant le caractère "gabégique" de l'État sénégalais depuis les libéraux.
Selon la journaliste, ces privilèges "induits ou excessifs" contribuent à "vampiriser" l'État sénégalais et mobilisent des ressources qui pourraient être allouées à des politiques publiques prioritaires comme l'emploi des jeunes.
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LA FIN DE LA PROCRASTINATION MONÉTAIRE AU SÉNÉGAL ?
Martial Ze Belinga déconstruit le mythe de la "pérennité" du franc CFA. Pour le chercheur camerounais, l'argument de la continuité défendu par les partisans du statu quo monétaire ne tient plus face aux aspirations de souveraineté des nations africaines
Pendant des décennies, les autorités africaines ont repoussé l'échéance d'une réforme des systèmes monétaires hérités de la colonisation. Selon Martial Ze Belinga, chercheur indépendant en économie et en sciences sociales, cette attitude relève de la « procrastination », un report permanent d'une décision pourtant nécessaire.
"On est habitué à fonctionner dans un système dont on sait qu'il n'est pas optimal, dont on sait qu'à terme on devra changer, mais on diffère en permanence le moment de décider et de faire un choix", analyse- t-il à propos du franc CFA.
Le chercheur camerounais considère que malgré les discours rassurants sur la stabilité apportée par cette monnaie, les faits sont têtus : en près de 80 ans d'existence, le franc CFA n'a pas permis l'émergence économique des pays qui l'utilisent. Un constat cuisant pour les défenseurs d'un outil vendu comme protecteur des économies africaines.
Désormais, l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal pourrait marquer la fin de cette longue tergiversation. Portée par un vent de souveraineté, la nouvelle équipe dirigeante affiche sa ferme intention de tourner la page du franc CFA, perçue comme un vestige néocolonial.
Deux options sont sur la table selon Ze Belinga : une sortie collective au sein de la CEDEAO vers l'éco, la future monnaie commune, ou une sortie en solitaire pour doter le Sénégal de sa propre invention. Une perspective qui effraie certains observateurs, redoutant d'éventuelles représailles à l'instar de celles subies par des dirigeants récalcitrants par le passé.
Mais pour le chercheur, le Sénégal, de par son poids démographique, économique et sa légitimité démocratique, à tous les atours pour être le pays pionnier qui entraînera d'autres nations africaines sur la voie de la souveraineté monétaire.
DÉCÈS DE BOUN DIONNE
L'évacuation précipitée de l'ex-Premier ministre en France pour raisons médicales avait alimenté les spéculations. Premier ministre de 2014 à 2019, le candidat à la présidentielle avait dû interrompre sa campagne, frappé par la maladie
(SenePlus) - L'ancien Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne est décédé vendredi 5 avril 2024 en France à l'âge de 65 ans, des suites d'une maladie. Candidat à l'élection présidentielle du 24 mars dernier, sa mort plonge le Sénégal dans le deuil.
Tombé malade durant la campagne électorale, il avait été évacué en France dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 mars 2024 pour des soins. De quoi le contraidre notamment à interrompre sa campagne électorale. La dégradation de son état de santé avait alors alimenté diverses rumeurs.
Acteur de la vie politique sénégalaise, Mahammad Boun Abdallah Dionne aura notamment occupé le poste stratégique de Premier ministre pendant plus de 5 ans, soit de juillet 2014 à mai 2019 auprès de l'ex-président Macky Sall. L'ingénieur informaticien et auditeur libre a dernièrement pris ses distances avec Macky Sall, en décidant de briguer la magistrature suprême après le choix par ce dernier d'Amadou Ba comme candidat de la majorité présidentielle.
LES NOUVEAUX VISAGES DU FÉMINISME SE DÉVOILENT
Né dans le sillage du mouvement ‘’Yeewu Yeewi’’ pour la libération des femmes, fondé en 1984, et dont il s’inscrit dans la continuité quarante ans après, le Collectif des féministes du Sénégal (CFS) est porté par des femmes âgées entre 25 et 40 ans.
Né dans le sillage du mouvement ‘’Yeewu Yeewi’’ pour la libération des femmes, fondé en 1984, et dont il s’inscrit dans la continuité quarante ans après, le Collectif des féministes du Sénégal (CFS) est porté par des femmes âgées entre 25 et 40 ans. Celles qui incarnent aujourd’hui le féminisme ont raconté à l’APS leur parcours et leur engagement pour la cause féminine.
De la réalisatrice à la juriste consultante en passant par la bibliothécaire archiviste, l’écrivaine scénariste et la communicante, toutes s’affichent pour prendre la parole et faire entendre leur voix sur la lutte pour les droits des femmes. La toile, l’écran et les réseaux sociaux sont les outils les plus investis.
Adama Pouye : la lutte contre les agressions sexuelles dans les transports a débuté pour elle sur Facebook et d’autre réseaux sociaux. A vingt-sept ans, la diplômée de l’Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Ebad) s’est fait remarquer par ses post virulents sur les réseaux sociaux pour dénoncer les agressions sexuelles dans les transports en commun.
Un engagement qui sonne comme un déclic dans le parcours féministe et évolutif de Adama Pouye, débuté en 2019. C’est l’année où elle créa le mouvement ‘’Boulma rissou’’ (Ne te frottes pas à moi en wolof). Un mouvement né de cette lutte sans merci qu’elle mène avec des féministes telles que Aminata Liben Mbengue, Maïmouna Astou Yade, Amy Sakho.
Documentaliste à l’Institut français de Saint-Louis, elle s’associe lors d’une campagne de sensibilisation avec des transporteurs des bus tata Aftu (mini bus de Dakar) et de Dakar Dem Dikk (DDD), l’entreprise de transport public.
Elle met ensuite sur pied l’Association féministe ‘’Awas’’ (‘’la voix’’ en farsi iranien), avec sa sœur jumelle Marième Pouye et d’autres féministes dans le but d’élargir le champ de lutte pour les droits des femmes.
Adama a été éduquée dans un cocon familial ‘’sécurisé’’ où il y a qu’un seul homme à la maison, son père, et où on fait comprendre à toutes les possibilités qu’une fille peut avoir dans la vie.
Mais le choc eut lieu lorsqu’elle sortit du cocon familial avec des messages d’un autre son de cloche. Par exemple, il y a l’école où on demande aux filles de balayer les classes et pas les garçons. Et pour ne rien arranger, ces derniers ‘’sont mis en avant dans les gouvernements scolaires et autre instantes dirigeants’’, dénonce Adama Pouye qui assume son féminisme une fois à l’université de Dakar, à l’Ebad.
Aujourd’hui, la co-coordinatrice du collectif des féministes du Sénégal, la plus jeune d’ailleurs du bureau de douze membres de cette organisation, a lancé en 2021 un forum exclusivement féminin à Saint-Louis. Le but : promouvoir les initiatives des femmes dans la littérature, l’entreprenariat, le numérique où elles doivent s’investir et la nécessité d’avoir un cadre d’échange pour les droits des femmes.
La réalisatrice sénégalaise Mamyto Nakamura, pour qui le cinéma est un outil de plaidoyer pour parler aux femmes, est engagée dans le mouvement féministe du Sénégal, depuis 2012. Elle se sert de sa caméra pour “réparer certaines injustices faites aux femmes et plaider en leur faveur”.
En témoignent les multiples podcasts réalisés sur les articles discriminatoires du Code de la famille à l’endroit des femmes et diffusés en zone rurale de façon gratuite pour ouvrir le débat et donner aux femmes le courage de se raconter et de s’exprimer sans être jugées.
Son dernier film documentaire ‘’Au nom du sang’’ (sorti en janvier), sélectionné au prochain Festival film femme Afrique, prévu du 26 avril au 4 mai, traite du viol dans l’espace familial. Autant dire qu’il en dit long pour celle qui, aujourd’hui, suit les pas de sa mère, Fatou Diop, ”bajenu gox” (marraine de quartier), très réputée à Louga, sa ville natale.
C’est d’ailleurs là que Mamyto Nakamura officie pour faire passer ses messages. Elle qui a pris le nom de ‘’Hiros Nakamura’’, personnage de fiction de télévision américaine qui a le pouvoir de fermer les yeux et de voyager dans le temps. ‘’J’aurais aimé voyager dans le temps pour réparer certaines injustices faites aux femmes et filles’’, lance Mamyto Nakamura, qui se définit comme ‘’une féministe communautaire’’.
‘’On est toute féministe, il s’agit de s’engager ou de ne pas le faire’’, souligne celle qui s’est engagée dans cette voie pour être au service de sa communauté et faire tout pour que les femmes occupent les devants.
L’épanouissement des femmes, leur sécurité, le travail, l’autonomie financièrement, l’indépendante à travers les idées et les envies restent le fil rouge de son combat.
Même chose pour Maïmouna Astou Yade dite ‘’Maya’’, à qui le surnom de féministe radicale irait bien. Elle est la fondatrice exécutive de ‘’JGen Sénégal’’ (JGEN women global entrepreneurship), une structure créée en 2016 et qui regroupe de jeunes féministes.
Elle se classe parmi les ‘’féministes hyper radicales’’, surtout face au patriarcat, dit-elle. Son engagement pour la cause des femmes est partie d’une privation de parole en public dont elle a été victime. Mais pour Maya, ‘’on est tous féministe dans l’âme’’, même s’il faut un déclic pour l’affirmer.
Depuis 2020, la consultante, juriste de formation, s’active dans la construction du mouvement féministe au Sénégal et dans l’Afrique francophone. Elle se bat, dit-elle surtout, ‘’ pour éliminer toutes sortes de violences basées sur le genre au Sénégal’’.
La mission des femmes réunies autour de JGen Sénégal est de ‘’décoder les codes sociaux’’, et dans une approche innovante avec le collectif des féministes du Sénégal, d’aller à la rencontre des communautés pour déconstruire le mythe construit autour du féminisme.
Son modèle reste aujourd’hui la sociologue Fatou Sow, ‘‘une figure emblématique du féminisme’’ dont elle admire la posture, mais surtout la préservation de sa culture et des valeurs sénégalaises. ”A chaque fin de rencontre entre féministes, elle se précipite pour rentrer et quand on l’interpelle pour savoir pourquoi, elle répond : +Je vais aller m’occuper de ma famille+. En bonne sénégalaise et malgré son engagement, elle garde sa culture et c’est ce qui est admirable”, magnifie Maya.
Elle se donne comme ambition d’accompagner les plus jeunes pour qu’elles puissent grandir avec l’opportunité d’en apprendre plus sur le féminisme africain.
Car pour Maïmouna Astou Yade, même s’il y existe un féminisme universel, il en existe aussi qui spécifique à l’Afrique parce que les Africaines ont des priorités spécifiques.
Et ce n’est pas Amina Seck qui dira le contraire, elle qui se bat pour l’égalité femme-homme à travers l’écriture. La romancière et scénariste sénégalaise ne saurait dire comment elle est devenue féministe, mais est convaincu des raisons pour lesquelles elle est féministe. ‘’J’ai toujours défendu les droits humains depuis mon enfance. En grandissant, j’observais les femmes, les filles et plus particulièrement ma mère. J’ai donc compris qu’il y avait une inégalité qu’il fallait combattre’’, confie-t-elle à l’APS.
La fondatrice de “Les Cultur’elles” (une agence pour la promotion des arts et cultures au féminin) et organisatrice du Salon du livre féminin de Dakar fait un travail de ‘’déconstruction’’ à travers son art. ‘’Je mets en lumière toutes les femmes qui évoluent dans le milieu des arts et de la culture. Mes projets personnels (livres et scénarios) racontent les femmes aux femmes et hommes. Je forme et encadre beaucoup de personnes dans le domaine de la création (l’écriture)’’, déclare-t-elle.
Celle qui est devenue une militante pour les droits des femmes grâce à son parcours, son vécu et aux circonstances, fonde son engagement sur la paix et le respect de tous, plus particulièrement des femmes.
‘’Je n’ai pas de limite. J’évolue dans le milieu des arts, nous avons donc deux statuts dans la société, celui d’être une femme et aussi d’être artiste qui n’a que son art pour s’exprimer et vivre dans la dignité. Et nous savons tous qu’il existe toutes les formes de violence dans le milieu artistique’’, dénonce-t-elle. Amina Seck estime que le féminisme a du chemin à faire, que ce soit au Sénégal ou dans d’autres pays africains.
‘’En ce qui concerne le Sénégal, tant que le code de la famille n’est pas revu, beaucoup de combats seront vains. Ce qui serait vraiment dommage pour tout le chemin parcouru jusqu’à là sur les luttes pour les droits des femmes. Le code de la famille constitue un mur que seules les autorités peuvent briser pour donner aux femmes ce qui les sont dus’’, estime-t-elle.
Une autre féministe qui partage les mêmes conviction est Eva Rassoul Ngo Bakenekhe, pour qui le combat pour la déconstruction passe par l’éducation. La militante féministe qui se défit comme quelqu’un qui refuse de rentrer dans une moule, plaide pour une déconstruction dans l’éducation. ‘’Apprendre aux enfants à être humain’’, lance-t-elle.
La Camerounaise qui vit au Sénégal depuis une quinzaine d’années, précise que son combat se résume à voir comment faire pour que l’éducation féministe qui renvoie à l’éducation des enfants, puisse atteindre tous les enfants, aussi bien les garçons comme filles. La journaliste s’active davantage aujourd’hui dans la communication et rêve d’un monde plus ‘’humaniste’’ où l’on apprendra ‘’au garçon à être un homme accompli et à la fille de même pour arriver à un monde juste’’.
Eva Rassoul estime que le féminisme n’est différent en rien des autres combats menés dans nos sociétés. Celle qui se réclame féministe est entrée dans le mouvement pendant l’Affaire ”Adji Sarr”, l’ex-employée d’un salon de beauté qui avait accusé de viol le leader de l’ex-PASTEF, Ousmane Sonko.
‘’Féministe, je le suis depuis longtemps, parce que lorsqu’on est journaliste, il faut s’imposer dans les rédactions, et pour aller sur le terrain, toujours défendre ses positions, briser les codes’’, souligne-t-elle.
Elle regrette toutefois que parfois dans les combats des féministes, ‘’les plus grands pourfendeurs soient des femmes’’.
par Yoro Dia
MONSIEUR LE PRÉSIDENT, GARDONS-NOUS DE PERDRE DU TEMPS
Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont dans la croissance, l’emploi des jeunes, la création de richesses, la quête de la prospérité. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon
Dans une précédente contribution, je soulignais que le seul risque politique que le Sénégal court est une perte de temps parce que l’Etat est debout, la République forte et la démocratie en marche. L’immense chantier de réformes institutionnelles qu’annonce le président Faye confirme qu’on va perdre du temps. Le Sénégal qui a organisé une présidentielle en moins de trois semaines, une transition entre les Présidents Sall et Faye en moins de dix jours et dont l’alternance est devenue la respiration démocratique n’a pas de problèmes institutionnels sauf si nous sommes à la quête d’institutions parfaites qui n’ont jamais existé nulle part sur terre. Les institutions deviennent « parfaites » avec le temps que nous ne leur donnons jamais au Sénégal car après chaque élection on ouvre un chantier de réformes.
Notre pays n’a pas aussi un problème électoral et l’élection du président Faye en est la parfaite illustration sans parler de celle de Barthelemy Dias à la tête de la capitale et de Serigne Mboup (société civile) à Kaolack. Lors de la dernière présidentielle aux Etats Unis, le pays de Google, de Facebook et de Twitter, c’est le vote postal qui était au cœur des débats parce que les institutions américaines remontent à la Constitution de 1789 et on en est toujours à la première République. L’histoire montre qu’il n’y a pas de lien entre reforme, « modernité » des institutions et efficacité économique sinon la révolution industrielle n’aurait pas eu lieu en Angleterre et le Japon ne serait pas à la pointe de la révolution industrielle et technologique. La création d’une CENI (Commission électorale nationale indépendante) serait un grand bond en arrière car elle est souvent l’apanage des pays en transition démocratique ou pour les nouvelles démocraties.
Face aux urgences économiques et sociales, ce grand chantier de la reforme institutionnelle s’apparente à une arme de distraction massive qui ne fera que l’affaire des rentiers de la tension électorale permanente qui doivent leur survie qu’à cette démocratie du Sisyphe ( éternel retour sur les règles du jeu). Dans un pays où le pouvoir par le biais d’un ministre de l’Intérieur (partisan ou pas) peut organiser des élections présidentielles et les perdre comme en 2000, 2012 et 2024, c’est un anachronisme politique que de vouloir faire un bond en arrière que de vouloir créer une CENI. J’ai toujours pensé que c’était une tragédie que le cerveau de notre classe politique avec des hommes si brillants soit tout le temps piraté par la question électorale.
L’émergence est dans l’inversion de la courbe du débat comme l’a fait le Premier ministre Abdou Mbaye sur la question de la monnaie. Les urgences ne sont ni électorales ni institutionnelles. Elles sont ailleurs, notamment dans la croissance, dans l’emploi des jeunes, dans la création de richesses, dans la quête de la prospérité. Et quand un pays se mobilise pour la prospérité ou l’émergence, il n’a pas le temps et l’énergie à perdre sur le débat sans fin sur les institutions car la Grande Bretagne, le Japon et les Etats Unis montrent tous les jours qu’on peut avoir des institutions archaïques qui remontent au Roi Jean sans terre pour la Grande Bretagne ( 1166-1216), à l’ère du Meji pour le Japon ( 1868) et à la révolution américaine de 1776 et avoir une grande efficacité économique et industrielle. Le Sénégal va avoir son premier baril de pétrole cette année, le nouvel horizon est économique et l’exception démocratique doit avoir l’ambition de devenir l’exception économique. Si le fameux « Projet » de Pastef existe, il doit être orienté vers ce nouvel horizon. Quand le Président Macky Sall lançait le PSE, le Sénégal n’avait que de l’arachide et des phosphates mais les résultats du PSE sont concrets. Le « Projet » a la chance d’avoir le carburant mais un contexte favorable pour accélérer la marche vers l’émergence si et seulement le Président Faye ne se trompe pas de priorité en tombant dans le piège des rentiers de la tension et avec une claire conscience de sa mission historique qui est tout sauf dans la réforme institutionnelle.
En tout cas, les vents sont favorables mais « il n’y pas de vents favorables pour celui qui ne sait pas naviguer », disait Sénèque. Espérons pour le Sénégal que le « Projet » est une bonne feuille de route pour nous mener à bon port mais il faudrait au préalable ne pas se tromper de port, d’objectifs et des priorités. La priorité étant à mon avis l’économie et la croissance. La démocratie est la compétition des réponses que les citoyens se posent. Les jeunes qui sont l’essentiel de la population ne posent pas des questions sur les réformes institutionnelles mais sur l’emploi qui ne peut être réglé par l’Etat dont la mission doit se limiter à créer les conditions favorables à la création de richesses. « Les Sénégalais sont fatigués et la vie est chère » dit le président. La solution n’est pas les réformes institutionnelles mais de mettre la question économique au centre en chassant les juristes du temple pour les remplacer par les « marchands » avec les assises de l’économie. Les marchands créateurs de richesses qui ont permis à tous les pays émergents de passer de l’indigence à l’émergence, « du tiers monde à Premier monde » comme Singapour ou la Chine.
Nous avons un Etat de droit et des institutions solides comme l’a prouvé la dernière présidentielle. C’est pourquoi, je pense aussi qu’il n’est ni nécessaire et encore moins convenable pour le pouvoir exécutif de prendre l’initiative d’organiser des « assises de la justice » pour « redorer le blason » de la justice. On ne saurait se baser sur des décisions de justice qui n’ont pas été favorables à Pastef dans l’opposition pour dire que le blason de la justice a été terni car beaucoup d’autres lui ont été favorables. Les dernières décisions du Conseil Constitutionnel où le président Badio Camara a été aussi loin que le juge Marshall qui a imposé le contrôle de la constitutionalité des lois aux Etats Unis en 1803 dans l’affaire Marbury vs Madison et la longue guérilla judicaire des affaires Sonko ont fini de prouver l’indépendance des juges qui selon que vous soyez Etat ou opposant vous donnent raison ou vous déboutent confirmant ainsi que la justice, le seul service de l’Etat qui porte le nom d’une vertu n’a pas point qu’on redore son blason qui n’a jamais été aussi étincelant.
par Elgas
GAMBIE : SPECTRE ET SCEPTRE DE L’EXCISION
Face au tollé soulevé par une proposition de loi autorisant l’excision, le Parlement gambien a décidé de suspendre les discussions. Une victoire en trompe-l’œil, qui illustre l’impuissance des dispositifs législatifs et politiques à contrer certains cons
En octobre 2023, plusieurs chercheurs planchaient, à Genève, sur les « révolutions conservatrices ». J’en fus, à l’initiative du politiste français Jean-François Bayart, avec des chercheurs et des universitaires venus de tous les coins du globe – tous témoins de cette énergie amère qui traverse le monde sans épargner aucun acquis civilisationnel.
De Bolsonaro à Poutine
La formule de « révolutions conservatrices » s’est ainsi imposée. Elle est devenue quasi générique tant elle dépeint, non sans quelques faiblesses, la propension de nombre de séquences politiques actuelles à mettre à mal des pactes ou des progrès sociaux durement acquis. Ce qui achève ainsi de montrer que le progressisme n’est pas un horizon naturel béni par le temps, et qui démontre que toute turbulence politique, géopolitique, sociale ou sociétale peut détricoter des avancées majeures des droits humains, partout dans le monde, et grever tout particulièrement ceux des minorités.
Le mésusage le plus commun en la matière est de considérer que l’Europe est épargnée par ce fléau, que le reste du monde reste le fief de barbaries toujours à l’affût pour damer le pion aux fragiles acquis de la démocratie. C’est oublier, qu’il s’agisse de la question LGBT, de l’arrivée (ou du retour) des pouvoirs conservateurs (Trump, Bolsonaro, Orban, Meloni), ou encore de la place grandissante qu’occupe la Russie de Poutine – lequel fournit une matrice à l’idée d’un nécessaire retour à certaines « valeurs » – que l’Europe reste l’épicentre de la théorisation d’un conservatisme de bon aloi.
Féministes et connectés
Loin de ces fractures inter-occidentales et dans une Gambie en butte à une précarité sociale et institutionnelle, la funeste énergie du monde a fait escale à Banjul. Une proposition de loi autorisant l’excision a été présentée au Parlement. Si l’indignation a été immédiate et si le projet a été finalement mis en sourdine, la discussion acharnée à laquelle il a donné lieu laisse un goût d’inachevé.
Face à un rejet massif et bruyant dans les sphères féministes et connectées s’est aussi manifesté, en contrepoint, un soutien sans complexe, de moins en moins souterrain et de plus en plus assumé sur la place publique nationale. Une loi pénalisant l’excision avait été votée en 2015 ; c’est elle l’ennemie attaquée par ce projet de révocation. Face au tollé, le projet n’a pas été enterré, juste mis en suspens. Victoire partielle, minimale, et presque en trompe-l’œil, tant elle fait l’impasse sur une réalité qui montre l’impuissance de nos dispositifs législatifs et politiques à contrer certains ancrages traditionnels.
Trompe-l’œil, parce que ce projet de loi est une outrance tant il veut institutionnaliser une pratique déjà répandue en obtenant une bénédiction parlementaire. L’excision – c’est un fait établi – est largement pratiquée en Gambie, au mépris de la loi. Par des circuits clandestins, avec l’assentiment des populations au nom de traditions pluriséculaires, nombreuses sont les filles mutilées et qui continuent de l’être. Elles rejoignent de nombreuses Africaines, des millions, victimes de cette violence.
Ingérences occidentales
Ce constat est doublement inquiétant tant il semblait acquis, pour beaucoup, que les luttes féministes, l’arsenal législatif, les caravanes de sensibilisation n’avaient pas mis fin à cette réalité. Qu’elle s’est même rebiffée, portée par la dynamique des révolutions conservatrices et par la popularité d’un discours qui s’élève contre les ingérences et les injonctions occidentales en redonnant une vitalité à la contre-offensive. Portée, aussi, par l’exploitation habile des canaux institutionnels pour réaliser des coups de force au service d’idées rétrogrades. Cette défaite condamne de nombreuses femmes à être confrontées à des dispositifs informels (et potentiellement formels) de négation de leurs droits les plus élémentaires.
L’excision, son spectre et son sceptre en Gambie vont au-delà de la séquence qui se joue. Nous prenons l’ombre pour la proie. Signe d’une démission collective presque consentie, à enfourcher le cheval d’un combat qu’on ne pourra pas toujours différer : gagner les cœurs et les consciences des Gambiens et pas seulement les leurs, pour que s’impose l’évidence du combat contre l’excision.