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19 février 2025
Développement
Par Hamidou SALL
DE L’ABROGATION
L’abrogation était une promesse de campagne, et majorité acquise on veut passer à l’action. Soit ! Abroger oui, mais aller jusqu’au bout. Qu’est-ce à dire ? Notre pays n’est pas forcément enfermé dans l’unique choix de réveiller les démons
J’aime lire. J’aime lire dans le silence, le soir, au cœur de la nuit, moment propice pour une lecture idéale. La littérature, en son expression la plus haute, m’apparaît, par excellence, comme une instance qui pense le monde et dit aussi son histoire. J’aime lire les classiques et les relire. J’utilise à dessein le préfixe de réitération car convaincu que les classiques sont toujours à relire. Il y a quelques jours, souvenirs de mes joies livresques, j’ai repensé au sort de ces jeunes enfants livrés à eux-mêmes sur une île déserte, cherchant en vain à fonder une société. Handicap majeur, ils n’avaient pas avec eux, en eux, la connaissance du passé pour les aider dans leur noble tâche. Voici résumé le thème du livre «Sa majesté des Mouches» du grand écrivain britannique William Golding.
Oui, qui n’a pas de mémoire n’aura pas d’avenir, et il est bon de toujours rappeler aux jeunes générations que tout avenir se construit en fonction d’un passé où l’on trouve des références pour se projeter plus loin. Et d’ailleurs, Le Coran, notre Saint-Livre, en sa Sourate «Le Très Haut», ne nous dit-il pas qu’il faut sonner le rappel car il est bon de se souvenir ?
Et passant du sacré au profane, je puis dire que parmi les œuvres qui ont défini l’alphabet de mes connaissances et de mes émotions, il y a certes L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, des écrits de Léopold Sédar Senghor, de Aimé Césaire, de Jacqueline de Romilly, la plus grande helléniste de France et référence mondiale dans sa discipline, dont j’ai recueilli, au soir de sa vie, les ultima verba, objet de mon livre d’entretien avec elle, mais aussi quelques écrits de Fiodor Dostoïevski.
Dans Les Frères Karama-zov, l’auteur russe a mis dans la bouche d’un de ses héros : «Nous sommes tous coupables de tout, et de tous devant tous et moi plus que les autres.» S’entremêlent dans ce récit questions existentielles, libre arbitre, responsabilité, culpabilité, violence et vulgarité.
L’être vivant murit et vieillit, sa voix, un jour, entrera fatalement dans le silence. Mais au-delà de cette voix qui s’éteint, la parole demeure. Voilà pourquoi la sagesse nous recommande de tourner sept fois la langue avant de parler. La parole est fondatrice. La parole de paix crée les conditions de la paix et entretient l’entente, la cohésion sociale, la concorde nationale. La parole violente génère la violence, et dans nombre de cas, malheureusement, elle est continuée par d’autres qui la relaient, qui vont plus loin et la traduisent en actes. La parole première, si elle n’est pas entièrement responsable, est, à tout le moins, indiscutablement, co-responsable.
L’année dernière, sur proposition du président de la République, l’Assemblée nationale avait voté une loi d’amnistie motivée, nous a-t-on dit, par le souci d’apaiser le climat politique et social, et celui de renforcer la cohésion nationale et consolider le dialogue national. L’amnistie, dans notre pays et ailleurs dans le monde, hier, aujourd’hui et demain, a été, est et restera, parmi d’autres, par-delà adversités, tensions et déchirures politiques, une voie responsable pour apaiser, aplanir et réconcilier afin de permettre aux sociétés désireuses d’aller de l’avant d’ouvrir une nouvelle page vers des lendemains adultes. C’est par cette voie de lucidité et de réalisme, de générosité et de pardon que beaucoup de peuples ont surmonté leurs épreuves majeures, leurs troubles et convulsions pénibles pour s’éviter les affres de la division et d’une catastrophique descente aux enfers.
Comprendre, faire comprendre en servant humblement mais fidèlement l’idéal indestructible de la construction d’une mémoire collective au service de notre pays, c’est ce qui m’anime en écrivant ces lignes, je n’ai aucune autre motivation que celle-là.
Or donc, je suis, avec mon ami et «Gamou» le juriste Benoît Ngom, le premier Sénégalais à avoir rencontré Nelson Mandela après sa sortie de prison au terme de ses vingt-sept pénibles années de captivité. Quelques semaines après sa libération, au cours de nos échanges à Johannesburg, nous l’avons invité au Sénégal, ce qu’il a tout de suite accepté. De retour au pays, nous avions rendu compte au président de la République de l’époque. Nelson Mandela, qui n’avait pas encore rédigé ses mémoires, nous avait longuement parlé du Sénégal, de Senghor, de la première rencontre entre libéraux blancs et militants de l’Anc tenue à Dakar et de réconciliation. Il avait un sens extraordinaire de l’histoire et une claire conscience de sa responsabilité dans la construction d’une nouvelle Afrique du Sud post-apartheid. Homme d’exception, porteur des stigmates d’une longue série d’épreuves accumulées tout au long de son noble combat héroïque et douloureux contre un abominable et éhonté système raciste et violent, il m’était apparu comme la sérénité incarnée. Il était doté d’une mémoire phénoménale. Il nous avait restitué jusque dans le détail, ses échanges avec le président Senghor, la crise d’asthme aiguë qui avait terrassé son compagnon Olivier Tambo au palais de la République et sa prise en charge par le médecin personnel du chef de l’Etat.
Evoquant des discussions avec Senghor, il nous avait dit leurs désaccords sur Umkoto we sizwe, la lutte armée que l’Anc allait déclencher et pour laquelle il effectuait une tournée africaine pour lever les fonds destinés à la financer. Il se souvenait de Gabriel d’Arboussier et m’avait demandé s’il était encore en vie. Senghor l’avait fait venir un moment pour l’impliquer et lui confier le suivi d’un point important sur lequel ils avaient trouvé un accord. En présence de Benoît Ngom et de Barbara Masekela, futur ambassadrice de l’Afrique du Sud en France et aux Etats-Unis, et sœur du grand trompettiste Hugh Masekela qui fut un moment le mari de ma regrettée amie Miriam Makeba, Mandela évoqua des échanges avec Senghor qui l’interrogeait sur Chaka Zulu pour enrichir ses connaissances et étoffer son écriture poétique. Jeune lycéen, j’ai été très lié à Makeba et à son mari Stokely Carmichael, ancien leader des Black Panthers. Ils m’écrivaient régulièrement pour me dire leur affectueuse amitié et pour m’encourager et me pousser dans mes études. S’en souviennent encore mes amis le Colonel Ismaël Pascal Thiam -condisciples, nos baccalauréats sont de la même fournée-, le grand cinéaste Ousmane William Mbaye -nos adolescences s’étaient confondues dans le creuset du Club Africa avec Aziz Dieng, la culture toujours chevillée au corps, ma sœur Daba Fall, avant ses années Gembloux, Dr Cheikh Ly et tant d’autres dont certains aujourd’hui disparus. Je m’incline pieusement devant leur mémoire.
A Dakar, dernière étape de sa tournée avant son retour et son arrestation, Mandela n’obtint pas de l’argent, mais un solide et puissant soutien politique, des passeports diplomatiques et l’ouverture à Dakar d’un Bureau régional de l’Anc entièrement pris en charge par le Sénégal. Le président Senghor, en talentueux chef d’orchestre, battait déjà la mesure vers l’âge d’or de notre diplomatie longtemps portée au niveau ministériel par des hommes et une femme qui, avec nos brillants ambassadeurs et leurs remarquables et dévoués collaborateurs, dans une belle et dynamique synergie, ont donné à la voix d’un petit pays sans grandes ressources un écho planétaire. Et les années ont passé, et aujourd’hui, malheureusement, nous en sommes à laudator temporis acti, nostalgie et éloge des tempos anciens.
J’ai bien connu le Dr Alexander Boraine qui, avec Frederik Van Zyl Slabbert, lui aussi mon ami, fut l’un des architectes-clés de la transition de l’Afrique du Sud. Les deux m’ont fait l’amitié de venir chez moi, à Dakar, à ma table, partager mes repas avec Benoît Ngom et quelques de mes proches. Alex Boraine, aux côtés de Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, a co-présidé la commission Vérité-Réconciliation. Je ne remercierai jamais assez Le Seigneur pour ces rencontres, ces inoubliables moments d’échanges enrichissants, ces amitiés nouées avec de si grandes figures de l’Histoire dont je ne parle pas souvent. Aujourd’hui, avec le recul qu’offre le temps qui s’écoule, je ne saurais vraiment penser sans angoisse à la confiance et à l’amitié qu’ont eues pour moi ces êtres de qualité. Des expériences précoces de la vie qui m’ont aidé à mieux comprendre la vie et aussi à surmonter quelques généreuses illusions sur elle.
Je reste convaincu que ce qu’elles m’ont donné, ce que ces hommes et femmes m’ont offert ne m’appartient pas. Les souvenirs attachés à cette émouvante prodigalité sont encore dans la fraîcheur d’une mémoire qui faillira un jour. Alors, pendant que je le peux et pour ne point être indigne d’eux, il me faut faire ce que je peux et donner le plus généreusement possible, partager le plus fidèlement possible pour faire du passé, non point table rase, mais la racine du futur et une source d’enrichissement. Des largesses du destin qui m’ont édifié sur des femmes et des hommes de haute altitude, des êtres de grande et profonde sagesse, avec un sens émouvant du devoir et du dépassement, et tous dévoués à l’intérêt collectif dans un amour sans bornes pour leurs pays.
En pensant à eux, comment ne pas penser à quelques hautes et attachantes figures, des hommes de grande valeur, de vaste culture, de vrais patriotes irréductibles construits sur un socle de vertus et habités par un amour viscéral pour leur patrie à laquelle ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont noms Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye, Cheikh Anta Diop, Aboubakry Kane, Mody Niane, Abdoul Aziz Wane (ingénieur Centrale Paris), Kéba Mbaye, Amadou Mahtar Mbow, pour ne citer que ceux-là parmi tant d’autres. Leurs sacrifices, le don de leur personne, leur engagement au service du pays et de sa construction ont puissamment contribué, à divers moments de la vie de notre pays et notamment à des heures sombres, troubles et douloureuses de son histoire, à passer le pont fragile et étroit des batailles et antagonismes aigus de la politique, lui évitant ainsi de sombrer dans les abîmes de ces crises sans fin qui ont plongé bien des pays mille fois plus lotis que le nôtre dans l’effroi d’un interminable chapelet de misère chronique.
Dans un passé très récent, le Sénégal a traversé des moments très difficiles. La violence éruptive a détruit, brûlé, pillé, saccagé, ruiné et tué dans une ardeur et une rage sans précédent. Quelques mois auparavant, sans abus de langage et sans risque d’être contredit par un esprit juste, force était de constater que notre pays n’était plus dans une logique de maintien de l’ordre, mais plutôt dans celle de l’impérieuse et salvatrice urgence du rétablissement de l’ordre. Il ne faut jamais se lasser de rappeler que la paix, ainsi de la santé, seul celui qui la perd en connaît le prix et la beauté. La Paix, par des actes posés, relève d’une construction au quotidien.
Qui n’a pas de mémoire n’aura pas d’avenir. Il est un temps pour tout. Il est un temps pour jeter les pierres, il est un temps pour ramasser les pierres ; il est un temps pour faire la guerre, il est un temps pour faire la paix, nous enseigne L’Ecclésiaste, de la Sainte Bible. Toutes les sociétés ont besoin de paix pour se construire et aller de l’avant. La paix ne se réduit pas seulement à une absence de belligérance, de conflit et de guerre. Fruit d’un équilibre fragile et toujours précaire des forces, la paix se construit jour après jour dans la poursuite d’un ordre voulu. Le développement et la prospérité des peuples sont les garants de la paix, et la paix est une condition sine qua non du développement.
Dans la vie en général, et surtout dans l’espace politique, il n’y a pas seulement que les principes qui comptent, il y a aussi la manière de les servir. Il ne suffit pas de se proclamer juste pour être un juste. Ma conviction est profonde que pour mériter le nom de juste, il ne suffit pas seulement d’avoir une fois servi une cause juste, il faut plus et beaucoup plus. Et ce qui frappe le plus en ces temps encore incertains, c’est l’effroyable perversion de l’idée de justice chez des hommes qui continuent de vouloir s’en croire les champions parce qu’ils sont disposés à exterminer toute forme d’injustice, mais qui sont toujours oublieux de la leur propre. Pour un esprit libre qui s’efforce de voir les choses dans une optique autre que celle de la rage politicienne, il est évident que notre pays est aujourd’hui dans une urgence autre que celle d’interminables querelles politiciennes et de règlements de comptes qui ne feront que l’enfoncer dans un cycle de crises sans précédent, de déchirures douloureuses et regrettables, avec à la clé un mortifère surplace existentiel.
Hier, conquête du pouvoir, aujourd’hui, il est acquis. Et on doit l’exercer pleinement et en toute responsabilité, et son bon exercice passe indubitablement par le maintien des acquis positifs, la correction des erreurs du passé, l’obligation de punir ce qui doit l’être sans cruauté inutile ni faiblesse coupable, réparer les injustices en se tenant dans la posture du réparateur juste et surtout se mettre au travail pour améliorer, et comme promis, transformer radicalement le sort de l’ensemble du peuple sénégalais. Et il est donc question, et surtout il est temps, d’arrêter l’énorme inflation des débats aporétiques.
Le Sénégal est notre bien suprême ; il est à un tournant décisif de sa marche dans l’histoire et dans le temps du monde. Il vient d’entrer dans le cercle très surveillé des pays producteurs de denrées hautement stratégiques et fera donc l’objet de mille attentions, pour ne pas dire de mille et une convoitises. Les froids spécialistes du chaos, féroces félins ingénieux dans l’art de la turbulence à leurs intérêts profitables, par l’odeur de nos biens alléchés, rôdent déjà autour de nous. Mais si nous savons «rester un peuple uni sans couture», comme nous y invite notre chant national, vaines seront toutes leurs tentatives, car «concordia civium murus urium» : la concorde entre citoyens, voilà la muraille des villes, et j’ajouterai que cette concorde est la forteresse protectrice de notre pays.
Notre cher Sénégal est, «nolens volens», bien au-dessus de tous ces mots et formules par lesquels nous aimons passer pour légitimer nos stériles agissements. Le Sénégal d’abord et seulement ensuite tous ces concepts que sont : liberté d’opinion et d’expression, équité, reddition des comptes, très importants, disons-le haut et fort, qui toutefois, osons aussi le dire, haut et fort, ne vaudront rien, absolument rien, si le pays n’est pas en paix, stable et solidement uni dans le respect et la pluralité des idées, opinions et orientations politiques de ses différentes composantes. Il n’est point besoin de rappeler que le Sénégal, notre cher pays, est une donnée transcendante qui ne saurait être traitée ou gérée à l’aune d’intérêts claniques. Il est la seule donnée permanente ancrée dans la vocation de donner un abri paisible à tous ses enfants, orgueilleux d’être différents mais heureux d’être ensemble dans une maison pour tous parce que construite avec la pierre de chacun. Le Sénégal se subordonne absolument tout, il prime sur tout et vaut donc tous les sacrifices, tous les consensus et sursauts en vue de raffermir son pacte d’éternité avec l’avenir. Je le crois profondément, et c’est avec cet horizon de l’intérêt national supérieur que j’ai lu la pertinence de la loi d’amnistie.
Or donc, on veut l’abroger. Soit ! On veut abroger une loi qui, au Sénégal, dans un pays déchiré après un cycle infernal de violences, de troubles, de dégâts terribles, avait contribué à pacifier un espace agité et à organiser une consultation électorale alors porteuse de tous les dangers, mais finalement apaisée.
En son temps, bien que soit rare ma parole publique sur ces questions, usant de mon droit d’avoir une opinion et un avis sur ce qui concerne un pays dont je suis citoyen, j’avais écrit un texte intitulé : Eviter le vicieux piège de l’Occident. Un proche me l’avait reproché, estimant que ma plume ne devrait point sortir de la sphère littéraire, quand un autre, de moi inconnu, y était allé avec son «Hamidou Sall qui se croit malin». Peut-être, aurait-il préféré que je me crusse idiot ? Dans ce texte, je m’en étais pris à des médias et pouvoirs occidentaux qui, oubliant de balayer devant leurs portes, et faisant aussi plaisir à certains, s’étaient octroyé le droit de déverser un déluge de feu sur notre pays. J’avais rappelé à cet Occident prédateur, si prompt à la flagellation, qu’il a longtemps versé le sang des humanités pour se frayer un chemin chaotique dans la marche de l’histoire du monde, enfermant ainsi dans une nasse dont ils ont encore du mal à sortir, bien des peuples dont le seul tort est celui de vouloir prendre leur destin en main. J’avais montré que l’Occident et ses médias de service n’étaient nullement qualifiés pour nous donner des leçons et qu’ils n’avaient pas le droit de dresser des Sénégalais contre d’autres Sénégalais.
J’avais décrit un Occident qui indique le droit chemin mais qui serpente par des voies et des voix obliques, sinueuses et tortueuses, au gré de ses seuls intérêts. Et d’ailleurs, depuis leurs exigences, leurs leçons de démocratie et de respect de normes, de calendriers et autres diktats, que s’est-il passé chez eux et ailleurs, notamment dans certaines parties du monde où ils ont de gros intérêts ? Actualité brûlante, comment se comporte cet Occident dans ce qui se passe dans la partie-Est d’un grand pays de l’Afrique centrale. Contracter, se ravitailler et commercer avec un pays subitement passé premier producteur d’un produit qu’il ne produit pas et dont on sait pertinemment comment il se le procure, et vouloir tranquillement s’obstiner à nous donner des leçons de rectitude morale et de bonne gouvernance… Quel magnifique exploit !
Et retentit en nous la voix de Aimé Césaire, l’enfant d’une violence indicible de l’histoire, mais lumineux fruit de la terrible vomissure des bateaux négriers, quatre siècles durant, qui, dans son Discours sur le colonialisme, nous dit qu’une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. Et Sénèque, philosophe romain, de nous dire que «ce que tu veux enflammer chez les autres doit d’abord brûler en toi».
Mais revenons à l’abrogation, non sans rappeler d’abord qu’un sage adage, bien de chez nous, enseigne qu’en Afrique rien ne se gâte si à son sujet il y a eu suffisamment de paroles.
Parlons donc !
L’abrogation était une promesse de campagne, et majorité acquise on veut passer à l’action. Soit ! Abroger oui, mais aller jusqu’au bout. Qu’est-ce à dire ? Il est donc question de retirer la loi votée par une Assemblée souveraine et accepter de revenir à la situation antérieure. Comme on le sait, la loi d’amnistie est sans préjudice des droits des tiers, mais si elle est abrogée, que fera-t-on des droits acquis par certaines personnes à la suite de sa promulgation ? Question importante et centrale qui ne peut, en aucun cas, justice oblige, être occultée.
Aller jusqu’au bout de l’abrogation, c’est remettre tout sur la table, dire le Droit, rien que le Droit, aller au bout des enquêtes jadis ouvertes, déterminer les coupables et les punir selon la loi.
Abroger, à mon humble avis d’humble citoyen, c’est accepter tout d’abord la mise en place d’une commission d’enquête indépendante composée de Sénégalais compétents et connus pour leur hauteur, leur vertu et leur attachement viscéral à la défense et à la sauvegarde de l’intérêt général. Oui pour la mise en place d’une équipe indépendante et pluridisciplinaire qui comprendra des compétences issues de la Société civile, de la Magistrature, du Barreau, des organisations syndicales, du secteur privé, des chefs religieux et coutumiers…
Pour mener à bien sa mission, cette commission devra disposer d’éléments fiables issus du renseignement et de la surveillance du territoire, et comprendre des gendarmes, des militaires, des policiers qui ne sont plus en activité et dont l’expertise est avérée et les états de service reconnus. Pour des raisons évidentes, et dans le seul but de renforcer son indépendance, cette commission devra être hors du contrôle et de l’autorité des actuels ministres de l’Intérieur, des Forces armées et de la Justice, qui ne peuvent être juges et parties. Mais, et c’est encore ma conviction, notre pays n’est pas forcément enfermé dans l’unique choix de réveiller les démons et d’endurer des ténèbres. Il peut aussi, j’en suis persuadé, faire le pari de nouveaux soleils et, dans le silence des passions et la mise en avant de la raison, tendre résolument la main à un avenir meilleur de la Nation, pour la Nation.
UN PAS DE PLUS VERS LA SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE
La Société Africaine de Raffinage (SAR), première entreprise du Sénégal en termes de chiffre d’affaires, franchit une nouvelle étape majeure dans son développement avec le raffinage du brut extrait du champ pétrolier de Sangomar.
La Société Africaine de Raffinage (SAR), première entreprise du Sénégal en termes de chiffre d’affaires, franchit une nouvelle étape majeure dans son développement avec le raffinage du brut extrait du champ pétrolier de Sangomar. Ce tournant stratégique marque un jalon important dans l’industrialisation du secteur pétrolier national et dans la quête du pays pour une souveraineté énergétique durable.
La direction générale de la SAR a félicité l’ensemble de son personnel pour le travail accompli, soulignant les efforts consentis pour assurer un déchargement sécurisé du brut sous la supervision du Loading Master de la société. Cette opération, menée avec professionnalisme, témoigne de l’engagement et du savoir-faire des employés, qui conjuguent expertise technique et patriotisme pour hisser le Sénégal vers une plus grande autonomie énergétique.
Dans les prochains jours, le raffinage du brut de Sangomar permettra d’obtenir plusieurs produits essentiels tels que l’essence, le gasoil, le kérosène et le fioul BTS. Cette diversification de la production contribue à renforcer l’indépendance énergétique du pays en réduisant sa dépendance aux importations de produits pétroliers raffinés.
Dans une perspective de long terme, la SAR ambitionne d’ouvrir un deuxième site de raffinage d’ici 2028. Ce projet vise à répondre aux besoins croissants du marché national et sous-régional tout en respectant les normes environnementales Afri 6. Une fois opérationnel, ce nouvel outil industriel permettra au Sénégal de renforcer son positionnement en tant que hub énergétique en Afrique de l’Ouest.
La direction générale de la SAR a tenu à exprimer sa profonde gratitude envers les autorités étatiques, notamment le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines ainsi que l’ensemble du gouvernement, pour leur engagement dans le développement du secteur pétrolier et leur soutien à la SAR dans sa mission stratégique.
Avec cette avancée, le Sénégal se rapproche un peu plus de son objectif de souveraineté énergétique, tout en consolidant l’expertise locale dans l’exploitation et le raffinage de ses ressources naturelles.
Par Fatou Warkha SAMBE
POUR LE CODE DE LA FAMILLE, UN COMPROMIS ANTI-FÉMINISTE OU UNE RÉFORME ?
La députée Marème Mbacké interroge l'article 277 qui prive les mères de l'autorité parentale, mais choisit étrangement de se distancer du féminisme, ignorant ainsi une discrimination qui affecte toutes les Sénégalaises
La question de l’autorité parentale, soulevée par la députée Marème Mbacké dans une question écrite adressée au ministre de la Justice, remet en lumière un débat central pour les organisations féminines et féministes : les inégalités structurelles du Code de la famille.
Depuis des décennies, ces organisations dénoncent un cadre juridique qui institutionnalise la domination masculine et limite drastiquement les droits des femmes, notamment en matière de parentalité.
Dans le Code de la famille sénégalais, c’est l’article 277 qui traite précisément la problématique soulevée par Mme Mbacké. Cet article reconnaît l’autorité parentale aux deux parents, mais en confie l’exercice exclusif au père, tant que le mariage subsiste. En posant un regard restrictif sur cette question, uniquement comme une préoccupation des femmes de la diaspora, la députée semble ignorer que ce problème touche toutes les Sénégalaises.
Curieusement, l’honorable précise que sa requête «ne s’inscrit pas dans une perspective féministe». Pourquoi cette mise à distance d’un combat qui, par essence, concerne les droits fondamentaux des femmes ? Pourquoi cette prudence sémantique qui évite soigneusement de nommer l’inégalité flagrante inscrite dans la loi ? Une réforme qui se contente d’amender un article sans toucher aux fondements mêmes du Code de la famille risque de ne produire qu’un effet cosmétique.
Ce choix politique interroge : s’agit-il d’une stratégie pour éviter d’affronter une résistance conservatrice ou d’une véritable conviction que la réforme doit se limiter à des ajustements mineurs ? Or, cette posture fragilise toute tentative de transformation réelle du cadre juridique. Il est essentiel de comprendre que l’autorité parentale ne peut être dissociée des autres injustices systémiques présentes dans le Code de la famille. L’inégalité dans la gestion des biens, l’obligation de résidence imposée aux femmes et la marginalisation juridique des mères divorcées ne sont pas des anomalies isolées : elles reflètent une vision dépassée de la famille, où la subordination des femmes est normalisée. Réformer uniquement l’autorité parentale, sans s’attaquer à ces injustices structurelles, reviendrait à ignorer la réalité des discriminations vécues au quotidien.
La réforme risque d’être un simple pansement sur une blessure profonde plutôt qu’une refonte structurelle qui garantirait une égalité réelle entre les parents. Pourtant, il faut reconnaître à Mme Mbacké le mérite d’avoir soulevé cette problématique et de l’avoir portée sur la scène politique. Remettre en question l’article 277 est une étape essentielle, mais elle ne saurait suffire si elle ne s’accompagne pas d’une remise en cause plus large des mécanismes discriminatoires qui sous-tendent le Code de la famille.
Loin d’être une menace, une approche féministe renforcerait cette réforme en lui donnant une cohérence et une portée véritablement transformative. A moins de vouloir préserver des inégalités systémiques, pourquoi craindre un cadre féministe qui ne fait que revendiquer l’égalité des droits pour tous ? Il est essentiel de rappeler que cette demande, quelle que soit la perspective dans laquelle elle s’inscrit, ne peut pas faire l’impasse sur les principes fondamentaux de justice et d’inclusion. Elle vise à rétablir une justice, non à favoriser un camp contre un autre. La refonte du Code de la famille doit être pensée de manière globale et structurelle, au-delà des considérations politiques et des résistances idéologiques. Il ne suffit pas d’interpeller sur un article en particulier sans questionner les fondements mêmes de l’organisation familiale telle que définie par la loi. C’est tout le cadre normatif qui doit être repensé pour sortir d’un modèle où l’autorité et la responsabilité parentales sont encore largement dictées par des présupposés sexistes et dépassés.
L’article 277 s’inscrit dans une architecture juridique plus vaste qui repose sur la puissance maritale consacrée par l’article 152 : «Le mari est le chef de la famille.» Une affirmation qui n’a rien d’anodin, puisqu’elle justifie à elle seule l’ensemble des dispositions légales discriminatoires à l’égard des femmes.
• Article 153, alinéa 2 : Le mari choisit le domicile conjugal sans que la femme puisse s’y opposer.
• Article 196 : Interdiction de la recherche de paternité pour les enfants nés hors mariage, les privant ainsi de droits fondamentaux.
• Article 381 : Les biens du foyer sont présumés appartenir au mari, renforçant une inégalité économique et successorale.
Toutes ces dispositions sont imbriquées : elles ne relèvent pas d’une anomalie isolée, mais bien d’un système de domination ancré dans la législation. Revoir l’article 277 sans questionner les autres textes qui en découlent, revient à rafistoler une structure dont le fondement même est inégalitaire.
Cette situation n’a pourtant rien de nouveau, et n’a pas toujours été portée uniquement par la volonté de la Société civile. En 2016, par arrêté du Garde des sceaux, un comité technique de révision des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes a été mis en place. Ce comité, appuyé par le Pasneeg, était composé de représentants des ministères de la Santé, de la Femme et de la Justice. Cependant, au sein de ce comité, seule l’Ajs a été incluse pour représenter la Société civile. Malgré ce travail minutieux et des propositions claires et applicables, le document soumis est resté enfoui dans les tiroirs du bureau du président de la République, Macky Sall à l’époque, et depuis sans suite, démontrant ainsi une volonté manifeste d’éviter toute réforme profonde qui remettrait en question les privilèges masculins ancrés dans la législation.
Le Code de la famille, conçu dans les années 1960 comme un compromis entre droits coutumier, religieux et napoléonien, est aujourd’hui dépassé. Il ne reflète ni les réalités actuelles ni les engagements du Sénégal en matière de droits humains et d’égalité des sexes. Cette inaction illustre-t-elle un refus d’émanciper véritablement les femmes de l’emprise légale des hommes ?
Ces propositions ne se limitent pas à une simple modification de l’article 277, mais visent une refonte en profondeur du Code de la famille :
• Aligner l’âge légal du mariage à 18 ans pour tous, sans exception.
• Abolir la puissance maritale et garantir une co-responsabilité parentale effective.
• Permettre l’établissement de la filiation paternelle par différents moyens de preuve, y compris l’Adn.
• Garantir une protection juridique et financière équitable aux femmes dans le mariage et en cas de divorce.
La précision de Mme Mbacké sur l’absence d’une approche féministe dans sa démarche en dit long. Si cette interpellation parlementaire avait véritablement pour but d’améliorer la situation des mères et des enfants, elle aurait nécessairement impliqué une critique globale et structurelle du Code de la famille.
Ce que nous demandons, ce n’est pas une mesure isolée, mais une transformation structurelle qui garantisse enfin aux femmes une place égale dans la famille et dans la société. Il est temps de poser des actions concrètes qui mettent fin à l’injustice, pour le bénéfice des femmes, des enfants et de l’ensemble de la société. Que la réforme soit perçue ou non comme féministe, elle demeure essentielle pour instaurer une véritable égalité juridique.
Par Vieux SAVANE
SOYONS LES ARCHITECTES DE NOTRE FUTUR
Convaincre de la survenue d’une aube nouvelle suppose de rompre avec le mauvais signal que sont ces hordes de jeunes que l’on encourage à s’exfiltrer sur des terres lointaines pour s’y retrouver à cueillir des fruits et légumes
Exprimant la conviction selon laquelle « notre développement est d’abord interne », le Premier ministre Ousmane Sonko a plaidé ces derniers jours pour une « mobilisation des ressources locales », « l’industrialisation du pays et le renforcement des capacités nationales afin de réduire la dépendance aux financements étrangers ». On ne peut que souscrire à une telle approche, en attendant de la voir s’amorcer avec foi et détermination, car une telle voie ne se construit pas d’un coup de baguette magique.
Au chef de l’Etat et à son gouvernement de sonner d’ores et déjà la mobilisation générale et de convaincre de la survenue d’une aube nouvelle. Ce qui suppose de rompre avec le mauvais signal que sont ces hordes de jeunes que l’on encourage à s’exfiltrer sur des terres lointaines pour s’y retrouver à cueillir des fruits et légumes. Ou pire encore, répondre à la demande d’envois de médecins, ingénieurs, au moment où l’on est soi-même confronté à des déserts sanitaires et à un déficit criant de compétences professionnelles et techniques.
Pour autant, feu Ki-Zerbo avait déjà prévenu de l’irresponsabilité à vouloir se « coucher sur la natte des autres ». Aussi, pour peu qu’on veuille être les architectes de notre futur, nous revient-il plutôt de construire des agropoles, des unités de santé, des infrastructures économiques, dans le but de semer les graines d’une future cueillette des fruits d’un savoir-faire endogène.
Considérons l’huile alimentaire ! On nous en vend de toutes sortes, sans qu’on ne sache pour certaines, leurs provenances ni leurs compositions, alors que l’huile d’arachide, plus adaptée à la cuisine locale, coûte affreusement cher, du fait de la graine éponyme massivement exportée. Comment par ailleurs comprendre qu’en Casamance, les fruits de saison, mangue, mandarine, orange, pourrissent au sol, alors qu’on pourrait les conserver ou les transformer. De même, comment comprendre l’exportation à grande quantité de noix de cajou sans aucune valeur ajoutée.
Parce qu’il est impérieux de « compter sur ses propres forces » comme l’indique le Premier ministre, en clin d’œil à un slogan maoïste, se pose alors l’urgence de l’incarner véritablement.
Avant d’extirper la Chine de la pauvreté et d’en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui, à savoir la deuxième puissance économique du monde, ses habitants se sont donnés sans compter, travaillant jour et nuit dans des conditions difficiles. Au regard de la précarité et de la rareté des moyens disponibles, ils roulaient à bicyclette, disposaient de bataillons de médecins aux pieds nus sillonnant les campagnes les plus reculées, traquaient la corruption. Loin des défilés de mode et des paillettes, hommes et femmes, jeunes et vieux, dirigeants, intellectuels, paysans, portaient avec simplicité la sommaire tenue de travail dite « Mao ».
Responsabilité générationnelle
Certes, notre époque est autre mais demeure le fait qu’aucun grand dessein ne peut s’accomplir sans effort, sans sacrifice, sans humilité, sans conviction. C’est pourquoi, pour rompre avec la désespérance qui travaille de nombreux segments de la société, revient-il au gouvernement que dirige le Premier ministre Ousmane Sonko d’administrer une thérapie de choc. A lui de dérouler une autre perception du pouvoir, comme une formidable opportunité pour mettre le destin national sur les rails de trajectoires susceptibles de modifier par l’exemple les manières d’être et de faire. Ce qui suppose une rupture radicale qui ne saurait souffrir de certaines pratiques consistant à vouloir récompenser des compagnons de lutte au détriment de la compétence, encore moins tolérer la « transhumance » sur fond de sordides calculs de politique politicienne. Au demeurant, les complaintes complétement décalées de ministres de la République qui se morfondent sur la petitesse de leurs salaires vont à rebours de cela. A eux, il convient de rétorquer que l’on n’entre pas dans un gouvernement pour gagner de l’argent mais pour se mettre au service de l’Etat. Leur mission sacerdotale est donc de sublimer par l’exemple l’élan patriotique en promouvant la valeur travail et la probité.
Dans notre histoire récente on peut relever que le monde du football a bien dessiné ce chemin, avec l’érection d’écoles dédiées, la détection précoce de talents qui, à l’issue d’un bon encadrement et d’une bonne formation, sont susceptibles d’aller à l’assaut du marché national et international. Et nos entraîneurs ne sont pas en reste puisqu’ils ont montré à force de travail, d’audace et sans aucun complexe, qu’il n’était point « de sorciers blancs » mais de confiance en soi et de refus de la facilité. Avec Sadio Mané, Ismaëla Sarr, Lamine Camara et tant d’autres issus de nos centres de formation, on comprend désormais que l’excellence peut se conjuguer à partir d’un ancrage local.
Au plan musical et de la danse, il est important de célébrer le rôle pionnier de Germaine Acogny, d’un artiste comme Youssou Ndour, pour avoir complètement déconstruit ce qui les avait précédés, et qui consistait à croire que l’on ne pouvait réussir dans la musique et la danse, qu’en s’exilant ou à défaut, faire le lit de la dépravation des mœurs. Germaine Acogny, Youssou Ndour, Ismaëla Lô, Omar Pene, Didier Awadi, Coumba Gawlo Seck, pour ne citer que ceux-là, sont aujourd’hui la preuve vivante et vibrante de ce possible qui épouse la réalité.
Comment comprendre alors, près de 3 générations après l’indépendance que le Sénégal soit encore confronté dans certains secteurs à un archaïsme qui dénote un terrible déficit d’ambitions ? Globalement, l’agriculture plombée par une technologie désuète vit au rythme des saisons, l’élevage n’arrive pas à produire une réserve fourragère pour sédentariser le bétail.
Et pourtant, l’un des piliers de la souveraineté alimentaire repose sur le développement d’une agriculture locale résiliente et durable. Aussi, un gouvernement soucieux de renforcer son indépendance alimentaire doit-il investir massivement dans les infrastructures agricoles, soutenir la formation des agriculteurs et favoriser les circuits courts. Des politiques de subvention aux exploitations locales et de protection contre la concurrence déloyale des produits importés deviennent alors essentielles.
Le développement de la recherche en agroécologie et en technologies agricoles est également un levier d’importance. En adaptant les cultures aux conditions climatiques locales et en limitant la dépendance aux intrants importés (semences, pesticides, engrais), un pays peutrenforcer sa sécurité alimentaire tout en réduisant son impact écologique.
Comment comprendre par ailleurs que bénéficiant presque toute l’année d’un soleil généreux, on ne mette point les bouchées doubles sur cette énergie renouvelable, un autre domaine clé de la souveraineté. Réduire la dépendance aux énergies fossiles (jusqu’ici importées) passe en effet par une transition vers des sources d’énergie renouvelables locales, et le solaire en est une. Et nous l’avons gratuitement. L’Etat doit par conséquent encourager ces développements à travers des incitations fiscales, des investissements dans les infrastructures et un soutien aux entreprises innovantes du secteur.
Surtout que dans ce pays sourd une formidable énergie. Sur tous les plans, des jeunes notamment, filles et garçons, exhibent leurs capacités à rivaliser avec n’importe qui et dans tous les secteurs. La pandémie de la Covid a ainsi été un moment extraordinaire de créativité avec nos médecins et chercheurs, nos tailleurs, nos inventeurs. Les compétences sont là. Et le rôle du gouvernement, c’est précisément de créer les conditions pour que puissent s’exprimer et s’’épanouir les talents, dans un environnement approprié.
Nous sommes nos propres ennemis
Les générations précédentes ont faire leur part. Elles ont construit un pays autour de l’idée de Nation, de République démocratique et laïque à la mode d’un pays ouvert sur la diversité et le sentiment de commune appartenance. Elles ont lutté contre l’hyper présidentialisme, pour les libertés, pour l’égalité hommes/femmes, et rendu possibles les alternances politiques.
A la nouvelle génération de faire sa part en approfondissant cet héritage, au service d’un pays préoccupé du mieux-être des populations, notamment les plus démunies.
Si les annonces du Premier ministre vont dans le bon sens, cela voudrait signifier qu’on en finisse avec les discours qui se défaussent sur le passé colonial et sur l’arrogance hégémonique des puissances occidentales ou l’incompétence des régimes précédents. Il est question aujourd’hui, tout en oublient rien de tout cela, de ne plus subir mais d’être les sujets de notre histoire. Au gouvernement de montrer la voie et d’être concentré sur les changements à promouvoir et non sur le fait de vouloir s’éterniser au pouvoir. Une perspective qui, si elle s’avérait, serait synonyme de compromissions, de renoncements et surtout grosse de toutes les désillusions.
L’équation est pourtant simple, à l’image du choix qui s’est posé à Lee Kuan Yew, premier Premier ministre de Singapour, et décliné en cette alternative : « Voler l’argent de l’Etat, enrichir mes amis et mes parents, appauvrir mon pays, et en conséquence mettre mon peuple dans la misère » ou alors « Servir mon peuple et faire rentrer mon pays dans le rang des 10 meilleurs Nations ». Ayant opté pour le deuxième terme, les résultats n’ont pas tardé, à force de rigueur et d’engagement, puisqu’en moins d’une génération, Singapour est passé du statut de pays-sous développé et corrompu à celui de géant économique. Tout est donc possible pour peu que cela s’articule autour de choix ayant le Sénégal à cœur.
Le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko doit s’inscrire dans cette dynamique de transformation. Il ne s’agit plus d’un simple changement d’équipe, mais d’un changement de paradigme. L’exercice du pouvoir doit être perçu comme une opportunité unique de mettre le pays sur une trajectoire nouvelle, où l’exemplarité des dirigeants inspire l’ensemble de la société. Cette exigence de rigueur et d’intégrité impose un refus catégorique de certaines pratiques anciennes, motivées par des intérêts personnels, familiaux et claniques.
En cela il est question de respect du serment constitutionnel, de refus de se laisser enivrer par les effluves du pouvoir. Ce sont là des conditions impérieuses pour qui veut opérer des conquêtes, avancer et conquérir le monde. Elles supposent en effet humilité, volonté d’aller de l’avant et aident surtout à rester être sourd aux vociférations insoutenables des courtisans. On commence déjà à les entendre, à les voir s’agiter de plus en plus, à l’image de ces gens-là qui appellent à ériger une stèle pour commémorer on ne sait quoi, dans la rue qui abrite le domicile privé de Ousmane Sonko. Des broutilles sans intérêt, mais dangereux, puisque installant insidieusement dans un culte de la personnalité, genre « Maréchal nous voilà », façon Bokassa, Mobutu, Deby, à l’origine de tant de dérives sur le continent. Nous sommes décidément nos propres ennemis.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
MARIAMA BÂ, L’ŒUVRE MAJEURE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers son récit, c’est l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre caste et liberté, cet entre-deux monde de la culture nègre
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le récit de Mariama Bâ, Une si longue lettre, appartient assurément au patrimoine culturel africain, comme une œuvre intemporelle et universelle qui résonne au panthéon de la littérature avec précision et émotion. C’est que cette longue confession épistolaire d’une femme, Ramatoulaye, qui relate à sa meilleure amie les étapes de sa vie avec ses joies et ses douleurs, contient une vérité puissante, à la fois de manière littéraire et de manière profondément humaine.
Mariama Bâ, à travers des problématiques qui semblent au départ très personnelles, ouvre le débat sur les contradictions de la société sénégalaise contemporaine. Elle y évoque tour à tour le mariage, la mort, la maternité, la polygamie, l’hypocrisie qui entoure les rituels sociaux, la pauvreté des esprits parfois et la cruauté éblouissante de la vie.
Célébrant la force des femmes, leur courage, leur abnégation, Mariama Bâ, par cette longue lettre, dénonce toutes les injustices dont elles sont trop souvent victimes. Ces vies brisées sont le résultat de la société des hommes qui ne regarde pas assez l’incroyable créativité et l’intelligence féconde des femmes.
Femme de tête et appartenant à l’élite sénégalaise, Ramatoulaye traverse une période douloureuse, celle de la retraite traditionnelle liée à son veuvage, réclusion amère qui devient le récit du livre, celui de sa vie qui, si elle fut lumineuse en certains aspects, contient aussi des ombres indissociables qui alourdissent son regard.
À travers ce récit, c’est aussi l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre tradition et modernité, entre caste et liberté, entre chien et loup, cet entre-deux monde de la culture nègre et celle dévastatrice et imposante de l’univers occidental qui brouille les cartes et chasse les identités profondes tout en révélant un malaise culturel, héritage de la colonisation et de l’autonomie des Indépendances à reconquérir. Formidable époque d’espérance toutefois où l’unité est clamée comme une évidence. Quelques lignes du livre servent aussi à dénoncer déjà le gaspillage républicain, la corruption vermine prête à se lever pour tout dévaster.
L’importance de l’éducation et du savoir est également une des pierres angulaires du livre, le sacerdoce de Mariama Bâ qui se pose comme une auteure engagée, une philosophe inspirée d’une esthétique littéraire marquée par le bouleversement, par la réflexion faite de lumières, par la compréhension humaine et par l’efficacité.
Femme de lettres, intellectuelle et ayant reçu une éducation traditionnelle et religieuse, Mariama Bâ était aussi une militante de la cause des femmes, dénonçant ardemment la polygamie et le cloisonnement des castes. En deux livres seulement, elle a su dire, de manière sensible et talentueuse, l’essentiel des controverses de notre société. Comment ne pas voir, de façon assez troublante d’ailleurs, à travers les traits de Ramatoulaye, au moyen de sa voix, le combat de Mariama Bâ. En dévoilant ses sentiments intimes, pourtant jamais déplacés, Mariama Bâ touche tous les cœurs et engage une réflexion profonde de la condition des femmes, tout en dessinant la dureté de certains hommes veules.
Il y a aussi dans ce livre des fulgurances poétiques, des métaphores savamment construites qui expliquent sans lourdeur les complexités humaines. La plume de Mariama Bâ est à la fois assurée, pleine et fragile, comme la mère soucieuse qu’incarne Ramatoulaye : « On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin. » Veuve et refusant une nouvelle union, elle doit assumer toute la charge de son foyer. Ou encore quand elle installe une réflexion ample et vaste de la condition des hommes, de tous les êtres : « Les mêmes remèdes soignent les mêmes maux sous tous les cieux, que l’individu soit noir ou blanc : tout unit les hommes. »
Cette si longue lettre est aussi une parole qui vibre puissamment à travers un verbe immensément beau : « j’aurai autour de moi l’iode et le bleu de la mer. Seront miens l’étoile et le nuage blanc. Le souffle du vent rafraîchira encore mon front. Je m’étendrai, je me retournerai, je vibrerai. »
Voyant approcher la dernière page en refermant le livre, on a un sentiment de tristesse car on a partagé ce destin littéraire et Ramatoulaye est devenue une alliée, comme une sorte de confidente. Ainsi les femmes, toutes les femmes, à travers le regard de Mariama Bâ, incarnent le discernement, la tendresse, la grandeur et portent en elles une lumière incandescente, immortelle qui nous berce comme un chant sacré.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Un chant écarlate, Les Nouvelles éditions Africaines, Dakar, 1981
Une si longue lettre, éditions Le Serpent à Plumes, collection Motifs, Paris, 2001
Cette nouvelle alliance, qui se veut un rempart contre les "politiques néfastes" du pouvoir, pointe une détérioration de la démocratie. Leur déclaration constitutive dénonce notamment une gestion hasardeuse, plongeant la population dans la précarité
Face à ce qu'ils qualifient de "gestion aventureuse et médiocre" du Pastef, les opposants s'unissent au sein du Front pour la Défense de la Démocratie et de la République. Leur déclaration générale dresse un réquisitoire implacable contre les méthodes de gouvernance du nouveau pouvoir, accusé de s'écarter des traditions démocratiques du pays. Le texte révèle une situation préoccupante où s'entremêlent crise politique, sociale et économique, avec des conséquences directes sur les populations les plus vulnérables. Cette alliance entend mobiliser les forces vives de la nation autour de trois axes majeurs : la défense des libertés démocratiques, la gestion transparente du processus électoral et le soutien aux populations en difficulté.
"Déclaration générale
L'accession au pouvoir de Pastef se singularise par une nette rupture du processus de consolidation de la démocratie sénégalaise qui s'est toujours inscrit autour de règles du jeu politique élaborées de manière consensuelle par tous les acteurs. En effet, les élections législatives de novembre 2024 ont été caractérisées par une opacité notable allant de la dissimulation de la date du scrutin pour surprendre l'opposition jusqu'à l'utilisation massive de la violence et des arrestations arbitraires, notamment à Dakar, le tout pour s'octroyer une majorité parlementaire mécanique. Ces manœuvres, s'ajoutant à une gestion unilatérale et non concertée du processus électoral, ont artificiellement amplifié une victoire qui était prévisible au vu de la tradition de donner au pouvoir entrant les moyens législatifs de gouverner.
Cependant, en dépit de ces manœuvres et de la transhumance massive des maires, 3.721.932 Sénégalais, soit plus de la moitié des électeurs, n'ont pas jugé utile d'aller voter et, parmi les votants, plus de 45% ont choisi les listes de l'opposition. Tout le monde comprend dès lors que la composition de l'Assemblée nationale, avec plus des deux tiers de députés affiliés à Pastef, ne reflète aucunement la réalité du rapport des forces politiques de notre pays.
La démocratie supposent une expression plurielle des opinions, ces Sénégalais qui se sont exprimés massivement contre le pouvoir Pastef ont droit à la parole et à une représentation efficace. Tel est la première raison de notre décision de rassembler toutes les forces vives de la nation.
Il s'y ajoute que le pouvoir Pastef s'enlise dans une logique de règlement de comptes et une volonté de liquidation des libertés démocratiques si chèrement conquises par des décennies de lutte de notre peuple. Plusieurs journalistes et opposants ont été injustement emprisonnés ou poursuivis en justice en raison de leurs opinions. Certains détenus sont maintenus en prison pour des raisons opaques malgré que des conclusions des enquêtes leur soient totalement favorables. Le poste de Vice-président de l'Assemblée nationale, dévolu à l'opposition, a été illégalement confisqué par la majorité mécanique Pastef. Le maire de Dakar a été démis de ses fonctions dans des conditions indignes d'un pays démocratique, par une administration aux ordres.
L'immunité parlementaire d'un député a été scandaleusement levée, sans que le pouvoir n'ait présenté un quelconque dossier l'incriminant et des demandes de lever des immunités parlementaires pour des gestions relevant, au mieux des cas, de la Haute Cour de Justice ont été actées démontrant aux yeux de tous un dérèglement de la justice de notre pays. Comme si l'administration ne devait plus reposer sur le principe de neutralité, pendant de l'impartialité de l'État.
Les manifestations pacifiques des populations sont systématiquement interdites. Une campagne insidieuse est orchestrée contre les partis politiques et, par conséquent, l'esprit d'une compétition démocratique plurielle de plus en plus remis en question.
Et, pour la première fois de notre histoire, une révision ordinaire des listes électorales est engagée sans y associer les partis d'opposition. En effet, aucune rencontre avec les partis n'a été organisée à ce jour, ce qui constitue une trahison de nos traditions de concertation politique sur les opérations électorales et la mise à jour du Code électoral. Ce qui augure de nouveaux coups de force antidémocratiques, en relation notamment avec les prochaines élections territoriales.
Par ailleurs, les dirigeants de Pastef, manifestement peu préparés à gérer le pouvoir, ont, en l'espace de quelques mois et à coups de tâtonnements, de populisme et de promesses sans lendemain, fini d'entraîner de larges secteurs de la population dans la paupérisation et le désarroi.
La quasi-faillite de l'État, après 10 mois de gestion aventureuse et médiocre de nos finances publiques, vient d'être officiellement avouée par le pouvoir. Et ce sont les populations déjà pressurisées qui en paient le prix. A l'exemple des victimes des inondations dans la vallée du Fleuve Sénégal qui se plaignent de l'absence de soutien effectif du gouvernement, malgré les importants moyens qui avaient été annoncés ou des paysans confrontés à l'échec de la campagne agricole, notamment arachidière, sans que le gouvernement ne songe un seul instant à des mesures de solidarité. Dans le même temps, les étudiants se mobilisent contre le non-paiement de leurs bourses et le blocage des chantiers d'infrastructures universitaires. Plus globalement, le désespoir de la jeunesse s'exprime dans la recrudescence préoccupante des départs en pirogue vers l'Europe et les images insoutenables des rassemblements consécutifs aux promesses intempestives de départ vers l'Espagne pour deux mois de cueillette dans les champs. C'est donc peu dire que d'indiquer que la désillusion a commencé à s'installer partout !
Ces raisons majeures fondent notre engagement à nous mobiliser pour défendre notre République dont les valeurs fondamentales se trouvent gravement menacées par les agissements du pouvoir Pastef. C'est pourquoi nous décidons de constituer une alliance dénommée Front Pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR).
La vocation du FDR est de rassembler l'ensemble des forces vives de la nation en vue de donner forme et contenu à la résistance du peuple sénégalais contre les politiques néfastes du pouvoir Pastef.
Le FDR engagera, dans les prochaines semaines, des actions décisives autour des exigences suivantes :
1-Défense des libertés et droits démocratiques, et notamment
La libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et la fin des persécutions contre les opposants, les journalistes et les voix critiques ;
Le respect effectif des droits constitutionnels, en particulier la liberté de manifestation pacifique et la liberté d'expression.
2-Gestion démocratique du processus électoral, et notamment
L'ouverture immédiate de concertations politiques autour de l'évaluation des élections présidentielle et législatives et la révision du Code électoral ;
La révision concertée de la législation sur les partis politiques respectant le pluralisme et l'ensemble des garanties offertes par la Constitution.
3-Solidarité avec les populations en lutte.
Le FDR apportera un soutien actif à l'ensemble des luttes engagées par les forces vives pour défendre leurs droits sociaux et économiques contre les agressions du pouvoir Pastef.
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FAUX DÉBAT AUTOUR DE LA RÉSIDENCE DE LA PREMIÈRE DAME
Contrairement aux affirmations relayées sur les réseaux sociaux et par certains chroniqueurs, aucune villa n’est officiellement affectée au président de l’Assemblée nationale
Contrairement aux affirmations relayées sur les réseaux sociaux et par certains chroniqueurs, aucune villa n’est officiellement affectée au président de l’Assemblée nationale. Selon la Société de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine Bâti de l’État (SOGEPA), la résidence où loge l’une des Premières Dames n’appartient pas à l’Assemblée nationale. L’origine de cette infox remonte à une déclaration du chroniqueur Bachir Fofana, qui a affirmé que cette villa de fonction était occupée par l’une des épouses du chef de l’État. Or, les documents officiels consultés par Soleil Check attestent que le terrain concerné est une propriété de l’État sénégalais, sans lien avec l’Assemblée nationale.
Quelle est la situation actuelle de la villa de Fann ?
L’échange entre l’État du Sénégal et la société Ding Ding est toujours au cœur d’une controverse. Selon la SOGEPA, cette transaction est entachée d’irrégularités. L’État, souhaitant disposer d’un terrain à Yoff, avait accepté en contrepartie une parcelle de plus de 5 000 m², estimée à un peu plus de 300 millions de FCFA.
En échange, il a cédé la villa de Fann, autrefois occupée par les présidents de l’Assemblée nationale. Cette villa, d’une superficie supérieure de 400 m² par rapport au terrain obtenu, avait été évaluée à 740 millions de FCFA.
Toutefois, la SOGEPA précise que la cession d’un bien public nécessite une approbation législative, première chose ayant fait défaut dans cette affaire. Entre-temps, le promoteur a saisi la justice en vue de récupérer les clés de la villa après une première décision de justice en sa faveur. Face à cette situation, une procédure de récupération a été engagée par l’État.
POUR QUE LE TATA DE CHASSELAY DEVIENNE SANCTUAIRE NATIONAL
Pascal Blanchard, Julien Fargettas, Achille Mbembe et Erik Orsenna estiment que la profanation de cette nécropole rappelle le sacrifice des tirailleurs morts pour la France. Ce site sacré abrite leurs corps, dont 48 tués par les Allemands en 1940
(SenePlus) - Dans une tribune poignante publiée dans Le Monde, quatre éminents intellectuels - Pascal Blanchard et Julien Fargettas, historiens, Achille Mbembe, historien et politologue, et Erik Orsenna, écrivain - élèvent leurs voix pour transformer un acte de profanation odieux en une opportunité de réaffirmation mémorielle nationale.
L'événement qui déclenche leur intervention est la dégradation du tata sénégalais de Chasselay, dans le Rhône, un lieu de mémoire unique en France. Le texte rapporte des actes d'une violence symbolique extrême : souillure de 48 stèles sur 198, maculage de peinture noire sur l'ocre rouge caractéristique du site, inscriptions offensantes et vol du drapeau national. Mais au-delà de la condamnation de ces actes, les auteurs développent une réflexion approfondie sur la signification historique et contemporaine de ce lieu sacré.
Le tata, expliquent-ils, n'est pas une simple nécropole nationale. C'est un témoignage vivant d'une tragédie historique : l'exécution raciste de 48 soldats africains par les troupes allemandes le 20 juin 1940. Les auteurs rappellent que ces hommes avaient choisi de poursuivre le combat alors même que Pétain capitulait. La découverte en 2019 de photographies prises par un soldat allemand, retrouvées par le collectionneur Baptiste Garin, a permis de documenter précisément cette tragédie, renforçant encore la valeur testimoniale du site.
Les signataires de la tribune développent une analyse éclairante de la dimension symbolique du tata. Conçu par Jean-Baptiste Marchiani comme une "enceinte de terre sacrée", ce lieu devait servir de trait d'union entre la France et l'Afrique. Plus qu'un simple cimetière militaire, il incarne la reconnaissance perpétuelle de la nation envers tous ses enfants, quelle que soit leur origine. Cette dimension prend une résonance particulière dans le contexte actuel de distension des liens entre la France et l'Afrique.
Les auteurs établissent un parallèle saisissant entre les profanateurs d'aujourd'hui et les bourreaux de 1940. En s'acharnant sur les noms des "inconnus" inhumés dans la nécropole, les vandales reproduisent, consciemment ou non, la volonté nazie d'effacer l'identité et l'humanité de ces combattants. Cette mise en perspective historique donne à leur plaidoyer une force particulière.
Face à cette situation, les intellectuels proposent une réponse ambitieuse : faire du tata sénégalais de Chasselay un haut lieu de la mémoire nationale en France. Ils soulignent le rôle éducatif crucial du site, déjà visité chaque année par des centaines d'élèves qui y découvrent cette page tragique de notre histoire commune. Cette mission pédagogique représente, selon eux, la meilleure réponse à la haine et à l'ignorance.
Leur tribune se conclut par un appel solennel au président de la République Emmanuel Macron, l'invitant à venir prononcer un grand discours à Chasselay. Cette visite présidentielle symboliserait, selon eux, l'engagement de la République française contre le racisme et sa reconnaissance envers ces héros venus d'Afrique. À travers cet appel, les auteurs cherchent à transformer un acte de haine en une opportunité de réaffirmer les valeurs fondamentales de la République et de renforcer les liens historiques entre la France et l'Afrique.
LE PUTSCH NUMÉRIQUE D'ELON MUSK
L'historien Timothy Snyder révèle comment le milliardaire orchestre un coup d'État d'un genre nouveau. Armés de simples clés USB, ses hommes s'infiltrent dans les administrations pour prendre le contrôle des systèmes informatiques gouvernementaux
(SenePlus) - Dans un texte publié le 5 février 2025, l'historien Timothy Snyder tire la sonnette d'alarme sur ce qu'il qualifie sans détour de coup d'État en cours aux États-Unis. Un putsch d'un genre nouveau, qui ne s'appuie pas sur la force militaire traditionnelle, mais sur le contrôle des systèmes informatiques gouvernementaux.
Oubliez les images traditionnelles du coup d'État, nous dit Snyder. Plus besoin de "Cybertrucks Tesla camouflés avec un X géant sur le toit" ni de "jeunes hommes en costumes Devil's Champion rouge et noir faisant des saluts nazis". Dans le monde numérique du XXIe siècle, la prise de pouvoir s'effectue différemment : quelques dizaines d'hommes en civil, armés de simples clés USB, s'introduisent dans les bureaux gouvernementaux en utilisant "un jargon technique et de vagues références à des ordres venus d'en haut".
L'objectif est clair : prendre le contrôle des systèmes informatiques fédéraux pour donner à leur "leader suprême" - en l'occurrence Elon Musk - "l'accès aux informations et le pouvoir de démarrer et d'arrêter tous les paiements gouvernementaux". Une stratégie qui, selon l'historien, est déjà en cours d'exécution.
"Au cours de la troisième décennie du XXIe siècle, le pouvoir est plus numérique que physique", explique Snyder. Les bâtiments et les fonctionnaires ne sont plus que les gardiens des systèmes informatiques qui font fonctionner l'État démocratique. En prenant le contrôle de ces systèmes, Musk et ses partisans mènent ce que l'historien qualifie sans ambiguïté de coup d'État, "car les individus qui s'emparent du pouvoir n'y ont aucun droit".
"Elon Musk n'a été élu à aucun poste et il n'existe aucun poste qui lui donnerait l'autorité de faire ce qu'il fait. Tout cela est illégal", souligne Snyder. Les conséquences sont potentiellement dévastatrices : en accédant aux données personnelles des citoyens, Musk "a piétiné toute notion de vie privée et de dignité", ouvrant la porte au chantage et à d'autres crimes.
Plus inquiétant encore, le contrôle des paiements du Trésor américain par Musk rendrait "la démocratie sans signification". Comme l'explique Snyder : "Nous votons pour des représentants au Congrès, qui adoptent des lois déterminant comment notre argent est dépensé. Si Musk a le pouvoir d'arrêter ce processus au niveau du paiement, il peut rendre les lois insignifiantes."
Cette prise de contrôle numérique affecterait tous les élus, républicains comme démocrates. Même le président Trump serait à la merci de Musk, car "il ne peut pas faire grand-chose sans l'utilisation des ordinateurs du gouvernement fédéral", note l'historien.
Face à cette menace, Snyder appelle à une "résistance au coup d'État" qui représente "la défense de l'humain contre le numérique et du démocratique contre l'oligarchique". Le temps presse : "Chaque heure où cela n'est pas reconnu rend le succès du coup d'État plus probable."
L'historien conclut sur un avertissement solennel : un coup d'État est en cours "contre les Américains en tant que détenteurs de droits et de dignités humaines, et contre les Américains en tant que citoyens d'une république démocratique".
L'AXE TRUMP-MUSK MENACE LE MONDE
Derrière les déclarations fracassantes du président américain sur Gaza se cache un projet bien plus vaste : l'instauration d'un apartheid mondial soutenu par la puissance numérique, selon une analyse du fondateur de Medipart, Edwy Plenel
(SenePlus) - Dans une analyse alarmante publiée sur Mediapart, Edwy Plenel décrypte l'émergence d'un nouvel ordre mondial marqué par l'alliance entre le pouvoir politique de Donald Trump et l'oligarchie technologique incarnée par Elon Musk. Cette convergence dessine les contours d'une gouvernance mondiale inédite, où la technologie se met au service d'une idéologie séparatiste et suprémaciste.
Le 4 février dernier, lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche, Donald Trump a dévoilé sans ambages sa vision pour Gaza, aux côtés de Benyamin Nétanyahou, lui-même visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. "Nous la posséderons" et "nous ferons tout simplement le ménage", a déclaré le président américain, évoquant sans détour un projet de transformation radicale du territoire palestinien en une "Riviera du Moyen-Orient", après l'expulsion de sa population vers l'Égypte et la Jordanie.
Selon l'analyse de Mediapart, cette vision pour Gaza n'est pas qu'un simple projet régional, mais le prototype d'une nouvelle conception des relations internationales. Loin de la destruction du Hamas initialement revendiquée après le 7 octobre, l'objectif apparaît désormais clairement : "la disparition de la Palestine, la destruction de son idée même, l'effacement de son peuple du territoire conquis par Israël."
Cette nouvelle administration Trump incarne ce que Plenel nomme "l'empire d'un mal politique radical", caractérisé par "la négation assumée de toute humanité commune" et "l'affirmation internationale de la loi du plus fort". Le slogan "Make America Great Again" prend ici tout son sens : rien ne doit résister à la volonté de puissance américaine, qu'il s'agisse des nations souveraines, des migrants ou des marchandises étrangères.
Cette doctrine de l'illimitisme trouve un écho particulier dans l'oligarchie technologique qui soutient Trump. Comme le souligne Mediapart, cette "oligarchie technophile portée par la révolution numérique" a atteint "un niveau de richesse incommensurable qui l'ancre dans la certitude de l'absolu et de l'impunité de son pouvoir."
L'analyse révèle qu'un véritable coup d'État est en marche aux États-Unis, orchestré notamment par Elon Musk depuis sa position non élue au département de l'efficacité gouvernementale. Le 28 janvier, rapporte Plenel, une action sans précédent a été menée : "deux millions d'employés fédéraux ont reçu un e-mail les invitant à démissionner", tandis que les bases de données du Trésor américain passaient sous le contrôle de l'équipe de Musk.
Le texte de Plenel établit un parallèle historique édifiant avec l'apartheid sud-africain, système de ségrégation raciale instauré en 1948. Ce n'est pas un hasard si les principales figures de ce "techno-féodalisme oligarchique" - Elon Musk, Peter Thiel et David Sacks - sont issues de l'Afrique du Sud de l'apartheid. Selon le fondateur de Mediapart, ils portent en eux cette vision d'un monde fondé sur "la séparation et la ségrégation, le rejet de l'humanité et le tri des êtres."
Cette nouvelle alliance représente, selon l'analyse de Mediapart, un "défi de civilisation" majeur. Elle incarne la résistance d'un "vieux monde de prédation qui ne veut pas mourir" et qui, pour survivre, "enfante des monstres dans l'espoir d'éradiquer définitivement l'espérance d'un monde meilleur."
Ce programme politique, qualifié de "foncièrement séparatiste" par Plenel, rompt avec l'idéal d'un monde commun. Il cible non seulement les peuples, mais aussi "les droits des femmes, les questions de genre, les luttes des LGBTQI+ et, plus largement, toutes les supposées minorités dont les prises de conscience bousculent les conservatismes."
Face à cette menace globale, le journaliste appelle à une prise de conscience urgente qui transcende "des querelles secondaires et des divergences momentanées." L'enjeu n'est plus simplement politique ou économique, mais civilisationnel : il s'agit de la survie même des valeurs humanistes et démocratiques face à l'émergence d'un système technologique d'apartheid mondial.