SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
24 novembre 2024
Développement
par Mahamadou Lamine Sagna
ENTRE L’AUBE ET LE CRÉPUSCULE D’AMADOU ÉLIMANE KANE OU UNE EXPLORATION EN PROFONDEUR DE LA CONDITION HUMAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque page de cette œuvre nous transporte dans un univers dense et complexe. C'est un vibrant hommage à l’intelligence humaine, à sa capacité à ne pas se confondre avec le totalitarisme
Pour le sociologue que je suis, il y a des moments où la lecture de romans permet d’explorer des dimensions complexes de l’existence et de déchiffrer certains codes sociaux implicites. En d’autres termes, il y a des romans qui nous aident à mieux comprendre les sociétés humaines en dévoilant les nuances de la vie sociale, les dynamiques sociales ayant lieu parfois dans des structures invisibles aux chercheurs en science sociale. Certaines œuvres littéraires deviennent ainsi des miroirs subtils des réalités sociales. Elles offrent des perspectives nouvelles dans la compréhension des interactions sociales dans les systèmes de pouvoir. Il en est ainsi de l’excellent livre d’Amadou Elimane Kane.
Chères lectrices et chers lecteurs, c'est avec un immense plaisir que je vous présente cette critique d'un magnifique roman. Entre l'aube et le crépuscule, la nouvelle œuvre d'Amadou Elimane Kane, nous emporte dans un voyage initiatique en deux parties, où un univers imaginaire se mêle habilement à une réalité transformée pour les besoins de la fiction.
Dans la première partie, l'histoire se concentre sur Salamata, une jeune femme passionnée par les récits de son père, qu'elle perpétue en fondant sa propre famille. En parallèle de son quotidien et de son histoire familiale, les récits des reines d’Afrique, qu'elle transmet à ses enfants, offrent des moments privilégiés d'éducation, reflétant ainsi les enseignements qu'elle-même a reçus. Ces récits constituent des fils conducteurs entre les générations, témoignant de la transmission culturelle et de l'importance des racines dans la construction de l'identité et du lien familial.
Dans ce premier épisode, Salamata occupe une place singulière, nous plongeant au cœur des émotions les plus profondes de la nature humaine. À travers son regard, nous partageons ses douleurs, ses joies, ses espoirs et ses craintes. Avec émerveillement, nous découvrons la richesse de la culture africaine et la profondeur de ses traditions. Nous sommes transportés dans un univers où le passé et le présent s'entrelacent pour tisser la trame même de l’existence. Cette immersion dans l'intimité de Salamata nous permet de saisir la vitalité de son héritage culturel et la puissance de sa connexion avec les traditions ancestrales, offrant ainsi une exploration captivante de l'humanité et de son rapport au monde qui l'entoure.
Ainsi, je retiens ce passage saisissant du prologue, le moment où Salamata est en train d'accoucher, celle-ci ressent une diminution progressive de la douleur physique et se plonge dans ses pensées et ses souvenirs. Elle se remémore les histoires que son père lui racontait dans son enfance, notamment celles des princesses Yannega, Zingha, Pokou, Ndatté Yalla, et Ndjombött Mbodj, des femmes puissantes de l'histoire africaine. Ces récits lui procurent du réconfort et de la force alors qu'elle endure les douleurs de l’enfantement.
Au fil du travail, Salamata puise en elle-même et dans les paroles de son père pour sublimer le déchirement de la naissance de son enfant. Le récit de Salamata nous emmène dans un voyage à travers les émotions humaines les plus profondes, des moments de détresse insoutenable à ceux de joie indicible. La nuit est tombée sur Dagana, et Salamata entreprend de raconter des histoires à ses fils. Elle leur parle cette fois-ci de la reine Kassa du Mali.
Ce passage, qui évoque les empreintes historiques qui nous constituent, nous invite à réfléchir sur l'importance de préserver et de transmettre nos histoires, nos traditions et notre héritage culturel, tout en reconnaissant la valeur inestimable de ces récits dans la construction de notre identité et de notre compréhension du monde qui nous entoure.
De même, par le truchement du personnage de Salamata, l’auteur fait danser la ronde des ancêtres, comme sauvegarde de la mémoire, une sagesse contenue dans l'héritage culturel et historique africain et qui demeure un axe fondateur de la quête de la justice et de la liberté.
Ainsi, en écoutant les récits de Salamata, avec une mise en abîme de sa propre trajectoire, on emporte avec soi une expérience qui transcende les limites des pages imprimées, nous incitant à nous approprier les épisodes d’un monde antérieur, qui a été oublié, mais qui est un ancrage à notre propre réalité, à nos valeurs et à notre destinée.
Mais l’auteur opère ici une subtile articulation littéraire car Pathé, le fis de la Salamata, qui démontre une grande aptitude à l’appropriation des récits, devient le maillon de l’histoire, en prenant le relais de sa mère et en devenant le narrateur principal de la suite du récit.
Dans la deuxième partie du roman, un saut temporel et spatial nous transporte soudainement vers l'émergence de la République des Samba Kounkandé, une construction fictive qui évoque néanmoins, par certains aspects, la réalité contemporaine du Sénégal. Le temps a évolué, et Pathé est devenu écrivain et professeur, ayant également fondé sa propre famille. Nous le découvrons à un moment crucial pour la stabilité morale et sociale du pays. Cette ellipse romanesque place Pathé au premier plan du récit, tout en laissant en toile de fond la voix persistante de Salamata. C'est à travers ses yeux que nous explorons les défis et les enjeux de cette nouvelle ère, alors que le passé et le présent se mêlent pour façonner l'avenir incertain de la nation et de ses habitants.
La mission de Pathé est celle de la recherche de la vérité, au nom d’une justice dénuée de tout intérêt personnel. Il s’agit ici de mener une enquête de manière objective, en déjouant tous les pièges, toutes les menaces et toutes les manipulations pour rétablir une loyauté devenue folle.
Le récit est conduit avec les techniques du roman à enquête, avec des zones d’ombre et des rebondissements, dans une ambiance inquiétante et qui très souvent se dérobe à la raison.
Dans ce passage, l'auteur/narrateur dépeint de manière incisive un pan de la société sénégalaise, exposant le népotisme, la corruption, les déclarations mensongères, et dénonçant l’hérésie d’une justice dévoyée. Cette critique sociale féroce met en lumière la cupidité des dirigeants politiques et la souffrance indignée du peuple qui en découle. Elle s'élève contre la complaisance face à l'oppression et à l'exploitation, ainsi que contre la propension de certains à sacrifier leur dignité pour un gain personnel. C’est également un appel à l’action pour toutes et tous ! Ne pas céder à l'oppression et à l'injustice, en exhortant les individus à ne pas rester silencieux face à une autorité malfaisante qui ne cherche que le bâillonnement des consciences. Amadou Elimane Kane nous propose un réveil littéraire et citoyen qui consiste à lutter, encore et toujours, pour un retour à la mesure gouvernementale et à l’intégrité qui sont synonymes de liberté.
Tel un éclair illuminant soudainement l'obscurité, à la conclusion de l'histoire, la voix de Salamata résonne à nouveau, relatant les siècles de dictatures à travers le monde pour mettre en lumière la décadence humaine qui en découle. Cette narration résonne comme une illustration frappante, soulignant la persistance de l'oppression et de l'injustice à travers les âges, et offrant ainsi une réflexion poignante sur la condition humaine.
À travers les riches références à la culture africaine et à la mémoire collective, Amadou Elimane Kane, profondément ancré dans le panafricanisme par conviction, renforce le sentiment d'identité et de dignité des opprimés. Il affirme avec vigueur que leur histoire et leur héritage sont des sources d’efficacité, d’unité et de résilience. En mettant en valeur ces éléments, il éclaire la voie vers la reconnaissance et la célébration de la richesse culturelle et de la force collective des peuples africains.
Plonger dans les profondeurs du roman Entre l’aube et le crépuscule d'Amadou Elimane Kane est une expérience captivante, une plongée dans les abysses de l'existence humaine. Chaque page de cette œuvre nous transporte dans un univers dense et complexe où les personnages naviguent entre leurs luttes intérieures et les défis extérieurs qui toujours se dressent sur le chemin. Bien plus qu'une simple narration, ce roman nous convie à une exploration profonde de l'âme humaine, nous invitant à sonder les tréfonds de nos émotions et de nos pensées.
Au cœur de cette épopée, les personnages se dévoilent dans toute leur humanité, partageant leurs luttes, leurs espoirs, leurs peurs et leurs victoires, résonnant ainsi avec une universalité frappante. L'un des aspects les plus saisissants de Entre l'aube et crépuscule réside dans son exploration profonde et captivante de la quête humaine pour la vérité, la justice et la liberté. Dans un monde où la corruption, l'injustice et la tyrannie sont la norme, les personnages se dressent courageusement pour défendre leurs convictions. Leurs voix résonnent avec force à travers les pages, puisant dans l'héritage de leurs ancêtres pour nourrir leur combat et inspirer les générations futures.
À travers ces pages, nous sommes transportés dans un univers où la tradition et la modernité se rencontrent, où le passé et le présent s'entrelacent pour former le tissu même de l'existence. Nous découvrons avec émerveillement la richesse de la culture africaine et la profondeur de ses traditions, tout en contemplant les défis contemporains auxquels sont confrontés ses protagonistes.
Chaque mot, chaque phrase de ce roman exprime avec une intensité palpable la recherche incessante de la vérité et de la justice pour mettre à terre toutes les formes de répression mentale. Les passe-droits et la pollution morale qui gangrènent la société sont dépeints avec une évidence déconcertante, mettant en lumière la souffrance du peuple et la voracité des dirigeants politiques. Mais au cœur de cette obscurité persiste une lueur d'espoir, car les personnages refusent de se soumettre à leur sort, appelant à l'action, à la résistance, à la lutte pour un monde meilleur.
Quant à l’écriture, elle se présente ici comme une voix puissante et émouvante, une narration hydrique entre les récits de Salamata, issus du tissu mémoriel africain et un narrateur qui refuse de rester silencieux face à l’infamie et à l’asphyxie d’une société décadente, invoquant la mémoire et l'héritage des ancêtres pour nourrir une quête collective de vérité, de justice et de liberté. Tout comme la parole de Salamata qui revient à la toute fin du récit et qui dénonce les barbaries historiques qui ne sont que graines de violence et de haine de soi.
Entre l’aube et le crépuscule ne se contente pas d'être un simple roman ; c'est un vibrant hommage à l’intelligence humaine, à sa capacité à ne pas se confondre avec le totalitarisme, à opposer sa résistance pour faire jaillir l’équité collective. Il nous exhorte à embrasser nos histoires, nos traditions, nos héritages, et à les défendre avec témérité et détermination.
En refermant ce livre, nous emportons bien plus qu'une simple histoire littéraire ; nous vivons une expérience profondément émouvante et révélatrice qui résonnera en nous bien après avoir tourné la dernière page. Entre l’Aube et le Crépuscule transcende les frontières et les époques, nous invitant à réfléchir sur notre place dans le monde et sur le pouvoir de la résilience humaine, même dans les heures les plus sombres.
Mahamadou Lamine Sagna est Professeur de Sociologie, Directeur d’Africana Studies, WPI, (Worcester Polytechnic Institute), USA.
Amadou Elimane Kane, Entre l’aube et le crépuscule, roman, éditions Africamoude et éditions Lettres de Renaissance ; septembre 2024
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
L’AES, ENTRE DÉFIANCE ET STRATÉGIES GÉOPOLITIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir de la région et au-delà
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 03/09/2024
L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’Ouest est jalonnée de tentatives de regroupements d’États dépassant le statut d’organisation internationale ou de coopération. Les premiers d’entre eux sont nés en plein processus de décolonisation. Ils ont été construits le plus souvent autour de trois États pivots à savoir le Sénégal, le Ghana et la Côte d’Ivoire. De la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan français devenu République du Mali) à la Confédération de la Sénégambie en passant par le Conseil de l’Entente, ces entités ont connu des fortunes diverses mais n’ont jamais pu atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés : mieux intégrer les économies des pays les composant et pesés davantage sur l’ordre du monde.
Le 6 juillet 2024 à Niamey, la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Burkina, le Mali et le Niger est née. En rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que les trois pays ont décidés de quitter. Une nouvelle entité, au sort destiné à être ressemblant à celui des ligues qui l’ont précédé ? Les sceptiques répondront par l’affirmative. Cet article n’a pas vocation à se lancer dans de telles spéculations. Il vise à comprendre les dynamiques en jeu et les processus de remodelage de la géopolitique sous-régionale qui vont en découler.
Dans quelle mesure la naissance de l’AES va influencer les relations avec les organisations régionales, CEDEAO et Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Quid des équilibres régionaux ? Quelles seront les implications économiques, stratégiques et politiques en Afrique de l'Ouest, surtout en considérant les contraintes géographiques ?
Nous commencerons par une analyse historique du sujet, puis nous développerons les enjeux contemporains, avant d’esquisser des perspectives. Pour guider notre analyse nous allons nous allons nous appuyer sur deux théories des relations internationales : celle de l’école du néoréalisme et celle des systèmes mondiaux.
La première postule que les États agissent principalement pour maximiser leur sécurité et leur pouvoir dans un système international anarchique, c’est-à-dire dépourvu d’une autorité suprême reconnu par tous. La théorie des systèmes mondiaux d’Immanuel Wallerstein, quant à elle met en exergue le fait que le système mondial est dominé par une économie capitaliste qui divise les pays en centre, semi-périphérie et périphérie. Partant de cela, les relations internationales sont caractérisées par des dynamiques d'exploitation et de dépendance.
Une brève histoire ouest-africaine des alliances
L'Afrique de l'Ouest a connu de nombreuses alliances pour contrer l’impérialisme et mieux associées les forces des États nouvellement indépendant afin de faire face à violence d’un monde injuste caractérisé par des échanges inégaux et la guerre froide.
Le premier de ces regroupements nous reste en souvenir sous la forme du tube Ghana-Guinea-Mali de la star de la musique highlife E.T.Mensah. Le 23 novembre 1958, un an après l’indépendance du Ghana et moins de deux mois après celle de le Guinée, l’union est scellée. Elle prend le nom d’Union Ghana-Guinée. Le 1er mai 1959, pour marquer son ouverture, l'Union est renommée Union des États africains. Quelques mois plus tard, après sa rupture d’avec le Sénégal, le Mali joignit l'Union. L'Union éclata en 1962, lorsque la Guinée s’est rapproché des États-Unis, contre la ligne marxiste de ses partenaires, qui étaient plutôt orientés vers l'Union soviétique. La Fédération du Mali, créée en 1959, a été une union entre le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali) visant à former un État fédéral au moment de l'indépendance. Elle s'est dissoute en 1960 en raison de divergences politiques et administratives entre ses principaux dirigeants (Modibo Keïta, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia) et des manœuvres de l’État colonial français. Pour faire contrepoids à la Fédération du Mali, toujours en 1959, le Conseil de l'Entente à l’initiative de Félix Houphouët Boigny était fondé. Outre la Côte d'Ivoire, le Niger, le Burkina Faso (anciennement Haute-Volta), le Bénin (anciennement Dahomey) et le Togo. Ce regroupement a pour but de à renforcer la coopération économique et politique entre ses membres. S’il est tombé en léthargie, le Conseil de l’Entende n’a jamais été dissous. La Confédération de la Sénégambie, formée en 1982 entre le Sénégal et la Gambie, avait pour objectif d'unifier les politiques économiques et de défense. Cependant, elle a été dissoute en 1989 en raison de tensions politiques, d'un manque de cohésion administrative et surtout des difficultés économiques de l’État sénégalais, qui finançait les institutions confédérales.
La CEDEAO un formidable instrument d’intégration mais miné par les influences extérieures
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée en 1975 pour promouvoir la coopération et l'intégration économique et monétaire. Son acte fondateur a été entériné par 16 États membres. En 2000, la Mauritanie a quitté l’organisation. Depuis sa création, la CEDEAO a mis en place une zone de libre-échange, un tarif extérieur commun et travaille vers une union douanière complète et une monnaie commune.
Elle a également entrepris des projets d'infrastructure pour améliorer la connectivité régionale, intégrer les réseaux énergétiques et de télécommunications, et garantir la libre circulation des personnes. La CEDEAO a également mis en place des structures pour la prévention et la gestion des conflits, la lutte contre le terrorisme, et le développement socio-économique, notamment dans les domaines de l'agriculture, de la santé et de l'éducation. Elle collabore également avec des organisations internationales pour renforcer la coopération régionale et attirer des investissements étrangers. La CEDEAO joue un rôle crucial dans l'architecture de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), s'inscrivant pleinement dans le cadre de l'Agenda 2063 de l'UA, qui vise à transformer le continent en une puissance mondiale de l'avenir.
Le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de 2001, vise à renforcer les principes de gouvernance démocratique dans les États membres. Il réaffirme l'importance de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, et de la nécessité d'élections libres et transparentes pour toute accession au pouvoir. Le protocole met également l'accent sur la neutralité de l'État en matière religieuse et garantit la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, il établit des mesures contre la corruption et promeut la lutte contre la pauvreté, tout en encourageant la participation active des femmes et des jeunes dans les processus politiques et sociaux.
Depuis quelques années la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est confrontée à plusieurs défis et tensions internes qui minent son efficacité et sa cohésion. La région est en proie à des crises dues à divers groupes d’insurgés. Certains d’entre eux revendiquent des affiliations à des groupes djihadistes notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et l'État islamique au Grand Sahara (EIGS). L'insécurité chronique dans le Sahel et les attaques fréquentes déstabilisent les États membres et compliquent les efforts de coopération régionale. Les coups d'État militaires récents au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ont profondément perturbé la région. Ces événements ont mis à l'épreuve la capacité de la CEDEAO à maintenir la stabilité, la démocratie et à proposer des solutions politiques de sortie de crise. La réponse de l'organisation à ces coups d'État a été variée, allant de la suspension de membres aux sanctions économiques. Elle a été à la base de la crise de l’organisation avec la sortie dans les prochains mois des trois pays formant l’AES.
L'Alliance des États du Sahel (AES)
L'Alliance des États du Sahel (AES) est un projet politique d'intégration régionale qui a vu le jour dans un contexte de crises multiples au Sahel, notamment l'instabilité politique, les défis sécuritaires et les pressions économiques. L'AES regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des États confrontés à des coups d'État militaires récents et à des menaces terroristes persistantes. L'initiative est née de la volonté de ces pays de renforcer leur coopération pour faire face aux défis communs et affirmer leur souveraineté face aux influences extérieures, notamment de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des puissances internationales en particulier la France, l’Union européenne et les États-Unis.
L'AES se présente comme un projet confédéraliste, visant à renforcer l'autonomie et la coopération entre ses membres. Les principaux objectifs déclinés dans la charte de création : la sécurité collective (la lutte contre le terrorisme et l'insécurité) par la coordination et la mutualisation des efforts militaires et sécuritaires ; la souveraineté renforcée et l’intégration économique. L'AES aspire à créer un espace économique commun, favorisant la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses membres. Cela inclut la mise en place de projets d'infrastructure transnationaux et le renforcement des échanges commerciaux intrarégionaux. Ces objectifs ne sont pas en réalité différents que ceux que poursuivent la CEDEAO.
Pour envisager l'avenir de l'Alliance des États du Sahel (AES), il est utile d'analyser cette initiative à travers deux grandes théories des relations internationales : la théorie des systèmes mondiaux d'Immanuel Wallerstein et celle de l'école néoréaliste. Ces deux cadres permettent de comprendre les dynamiques structurelles et les rapports de force qui pourraient influencer le devenir de l'AES.
Selon Wallerstein, le monde est divisé en trois zones : le centre, la semi-périphérie et la périphérie. Les pays du centre dominent l'économie mondiale, tandis que les pays de la périphérie sont exploités pour leurs ressources, subissant les effets de la domination économique et politique des pays du centre. Les pays de la semi-périphérie occupent une position intermédiaire, profitant de certaines marges de manœuvre tout en restant sous l'influence des puissances centrales.
Les États membres de l'AES (Mali, Burkina Faso, Niger) se situent clairement dans la périphérie du système mondial, caractérisés par des économies dépendantes des exportations de matières premières et une dépendance vis-à-vis de l'aide internationale. Cette position périphérique limite leur capacité à influencer les dynamiques globales et les rend vulnérables aux pressions extérieures.
Dans le cadre de la théorie des systèmes mondiaux, l'AES pourrait être vue comme une tentative de ces États périphériques de résister à l'exploitation par les centres de pouvoir mondiaux (notamment les anciennes puissances coloniales comme la France et les institutions financières internationales). En se regroupant, les membres de l'AES cherchent à renforcer leur autonomie et à réduire leur dépendance par rapport au système mondial dominé par les pays occidentaux.
Toutefois ces efforts sont souvent limités par les structures rigides du système mondial qui maintiennent les inégalités entre le centre et la périphérie. Il est donc possible que, malgré leurs efforts, les membres de l'AES continuent de subir les contraintes du système mondial, notamment à travers des sanctions économiques, des pressions politiques internationales, ou l'influence continue des puissances extérieures dans la région.
L'école néoréaliste, notamment incarnée par des théoriciens comme Kenneth Waltz, part du principe que le système international est anarchique, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'autorité supérieure aux États pour réguler leurs interactions. Dans ce contexte, chaque État cherche à maximiser sa sécurité et sa survie, souvent en formant des alliances stratégiques.
L'AES peut être interprétée comme une réponse rationnelle des États membres à un environnement régional marqué par l'insécurité et l'instabilité. En se regroupant, ces États espèrent renforcer leur sécurité collective face aux menaces terroristes, aux ingérences étrangères et aux pressions des organisations régionales comme la CEDEAO. Pour les néoréalistes, cette alliance est donc une tentative de balance of power (équilibre des pouvoirs) visant à contrer l'influence des acteurs plus puissants de la région.
Dans une perspective néoréaliste, la viabilité de l'AES dépendra de la capacité des États membres à maintenir un équilibre interne et à prévenir l'émergence de tensions entre eux. L'alliance pourrait renforcer leur position collective dans un environnement international, mais seulement si les États membres parviennent à coopérer efficacement et à éviter les divisions internes. Cependant, les alliances de ce type sont souvent temporaires et motivées par des intérêts pragmatiques. Si les circonstances changent (par exemple, si l'un des membres de l'AES améliore ses relations avec une puissance extérieure ou si les menaces sécuritaires diminuent), l'alliance pourrait se désagréger. En outre, les États extérieurs à l'AES, percevant cette alliance comme une menace potentielle, pourraient chercher à la diviser ou à la neutraliser par des moyens diplomatiques ou économiques.
L'Alliance des États du Sahel : entre défiance et stratégies politiques
La formation de l'AES représente une réponse collective face aux sanctions imposées par la CEDEAO. Toutefois, derrière la rhétorique de défiance affichée par ces pays à l'égard de la CEDEAO, se cachent des dynamiques complexes et des enjeux stratégiques profonds. Dans leur communication, les membres de l'AES annoncent tourner le dos à la CEDEAO, affirmant ainsi leur volonté de rompre avec une organisation perçue comme un instrument d'influence étrangère, notamment française. Cependant, cette posture semble quelque peu paradoxale. En effet, si la CEDEAO a effectivement prononcé des sanctions à l'encontre de ces pays, les mesures les plus sévères ont été imposées par l'UEMOA, une organisation régionale économique et monétaire à laquelle ils sont également affiliés. Pour le Niger, des sanctions inédites ont été prises. En contradiction avec les textes fondateurs de l'UEMOA, le gel des avoirs du pays à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a été ordonné.
En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA et, par extension, leur utilisation du franc CFA. Cette monnaie, symbole de l'influence persistante de la France en Afrique de l'Ouest, est au cœur des critiques de ceux qui appellent à une émancipation économique. La question se pose donc : les États membres de l'AES envisagent-ils de quitter l'UEMOA et de créer une nouvelle monnaie pour affirmer davantage leur indépendance ? Une telle décision serait lourde de conséquences économiques, mais pourrait également marquer un tournant dans les relations de ces pays avec la France et les autres puissances régionales notamment la Côte d’Ivoire.
Une stratégie à double tranchant
Quitter la CEDEAO n'est pas sans précédent. La Mauritanie, par exemple, a quitté l'organisation en 2000, marquant ainsi son désaccord avec certaines de ses orientations. Toutefois, les membres de l'AES doivent se méfier des répercussions régionales d'une telle démarche. Depuis 2017, le Maroc, une puissance régionale ambitieuse, cherche à intégrer la CEDEAO. Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso pourrait ouvrir la voie à l'adhésion du Maroc, modifiant ainsi les équilibres géopolitiques de la région. Dans un tel scénario, quelle serait la stratégie de l'AES ? Pourrait-elle envisager de se rapprocher de l'Algérie, une autre puissance régionale ?
Un rapprochement avec l'Algérie, un acteur économique, démographique et militaire majeur, pourrait renforcer l'AES. Cependant, les relations entre le Mali et l'Algérie sont historiquement ambivalentes, marquées par une méfiance réciproque. Si l'Algérie rejoignait l'alliance, elle exercerait inévitablement un leadership en raison de sa puissance relative, ce qui pourrait créer des tensions au sein de l'AES. Le Mali, en particulier, pourrait hésiter à accepter un partenaire aussi influent, craignant une dilution de son propre pouvoir dans une alliance dominée par un voisin puissant.
Opportunités régionales : changement de régime au Sénégal et neutralité du Togo
La configuration actuelle au sein de la CEDEAO offre cependant de nouvelles opportunités aux membres de l'AES. Le changement de régime au Sénégal, un acteur clé de la CEDEAO, pourrait redéfinir les équilibres politiques au sein de l'organisation. Le nouveau gouvernement sénégalais a déjà annoncé qu’il aura une posture moins alignée sur les positions traditionnelles de la CEDEAO. Cela offre un espace de manœuvre aux pays sahéliens pour influencer les décisions au sein de l'organisation. De plus, la neutralité bienveillante affichée par le Togo dans les récents conflits au sein de la CEDEAO pourrait être un levier stratégique pour l'AES. Le Ghana et le Nigeria n’ont aucun intérêt à un affaiblissement de la CEDEAO. En s'alliant à des États qui partagent une vision plus flexible et moins interventionniste, le Mali, le Niger et le Burkina Faso pourraient changer la donne au sein de la CEDEAO, en favorisant une approche plus respectueuse de la souveraineté des États et en limitant l'influence des puissances extérieures.
Les implications géopolitiques de l'AES : quels scénarios pour l'avenir ?
La création de l'AES a des implications géopolitiques importantes, tant au niveau régional qu'international. Elle modifie les rapports de force, les alliances et les rivalités entre les acteurs. Elle ouvre également des opportunités et des risques pour le développement, la sécurité et la coopération. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir :
Un scénario optimiste, dans lequel l'AES réussit à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle parvient à vaincre le terrorisme, à réduire la pauvreté, à diversifier son économie et à renforcer sa démocratie. Elle entretient des relations pacifiques et constructives avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle contribue à la stabilité et au développement du continent africain.
Un scénario pessimiste, dans lequel l'AES échoue à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle est confrontée à des tensions internes, à des crises politiques, à des conflits et à des coups d'État. Elle est également victime de la pression et de la concurrence des autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi que des ingérences et des manipulations des partenaires internationaux, notamment la France, l’Union européenne et les États-Unis. Elle devient un facteur d'instabilité et de sous-développement du continent africain.
Un scénario intermédiaire, dans lequel l'AES connaît des succès et des échecs, des avancées et des reculs, des opportunités et des risques. Elle réalise des progrès dans certains domaines, tels que la sécurité, le commerce ou la culture, mais elle rencontre des difficultés dans d'autres, tels que le social ou l'environnement. Elle entretient des relations ambivalentes et fluctuantes avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle a un impact mitigé sur la stabilité et le développement du continent africain.
Ces scénarios ne sont pas exclusifs, ni exhaustifs, ni prédictifs. Ils sont simplement des outils d'analyse et de réflexion, qui permettent d'explorer les différentes hypothèses et les différents enjeux liés à la création de l'AES. Ils invitent également à se poser des questions et à proposer des solutions, pour que l'AES soit un projet porteur d'espoir et de progrès, non seulement pour les pays du Sahel, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et du continent africain.
Si elle se concrétise, la formation de l'Alliance des États du Sahel (AES) marquera une rupture significative avec l'ordre régional établi par la CEDEAO et représentera une tentative de réinventer la géopolitique en Afrique de l'Ouest. Née d'un contexte de crises sécuritaires, politiques et économiques, cette alliance reflète le désir des États membres de renforcer leur souveraineté face aux influences extérieures et de trouver des solutions régionales à des problèmes complexes. Cependant, l'AES se heurte à des défis considérables, notamment les pressions internationales, leur enclavement, les risques d'isolement économique, et les tensions internes qui pourraient émerger entre ses membres.
La sortie des pays membres de l'AES de la CEDEAO entraînera des répercussions profondes sur les plans politique, économique et sécuritaire. Politiquement, elle redéfinira les alliances dans la région et ouvrira la voie à une influence accrue des puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine. De même, elle marquera le déclin de l’influence française. Économiquement, cette décision pourrait perturber les échanges commerciaux intrarégionaux et compromettre l'accès aux programmes de développement et aux aides internationales, essentiels pour ces pays.
Sur le plan sécuritaire, la sortie de la CEDEAO pourrait modifier les dynamiques migratoires et affecter la lutte contre le terrorisme. Les États membres de l'AES devront trouver de nouveaux moyens de coopérer sur ces questions, en dehors des cadres traditionnels offerts par la CEDEAO. L'AES pourrait ainsi se retrouver à devoir assumer des responsabilités supplémentaires en matière de sécurité régionale, tout en gérant les défis économiques et politiques associés à leur nouvel isolement relatif.
Bibliographie
1. Wallerstein, I. (1974). Le système du monde moderne I : L'agriculture capitaliste et les origines de l'économie-monde européenne au XVIe siècle. New York : Academic Press.
2. Waltz, K. N. (1979). Théorie de la politique internationale. Reading, MA: Addison-Wesley.
3. Mensah, E. T. (1958). Ghana-Guinée-Mali [Enregistrement musical]. Musique Highlife.
4. Union des États africains. (1959). Constitution de l'Union des États africains. Accra : Gouvernement du Ghana.
5. CEDEAO. (1975). Traité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Lagos, Nigeria.
6. CEDEAO (2001). Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance. Abuja, Nigeria.
7. Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). (2024). Sanctions contre le Niger. Dakar : BCEAO.
8. Médard, J. F. (1982). État et bourgeoisie en Côte d'Ivoire. Y. A. Fauré (Ed.). Éditions Karthala.
9. Fanchette, S. (2001). Désengagement de l’État et recomposition d’un espace d’échange transfrontalier : la Haute-Casamance et ses voisins. Autrepart, (3), 91-113.
10. Candidature du Maroc à la CEDEAO. (2017). Documents de candidature. Rabat : Royaume du Maroc.
11. Alliance des États du Sahel (AES). (2024). Charte de l'Alliance des États du Sahel. Niamey, Niger.
12. CEDEAO. (1975). Acte de Création de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Lagos, Nigeria.
DIOMAYE TACLE L'OPPOSITION
Pour le président de la République, les députés de la majorité ont tourné le dos aux aspirations populaires clairement exprimées lors de la présidentielle, avec le rejet du projet de loi constitutionnelle pour la suppression du HCCT et du CESE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de la présidence de la République au lendemain du rejet du projet de suppression du HCCT et du CESE par l'Assemblée nationale. Un acte qui, selon le chef de l'État, révèle la rupture entre l'opposotion et la population quant aux aspirations populaires exprimées lors de l'élection présidentielle de mars 2024.
"COMMUNIQUÉ
Lors de l'élection présidentielle du 24 mars 2024, des engagements fermes, validés souverainement par le peuple, ont été pris par le président de la République, S.E.M.
Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il en ressort un Pacte social de gouvernance publique adossé à une réorganisation institutionnelle des organes de l'État, qui engage nécessairement une rationalisation systématique des charges de celui-ci.
La suppression, déjà effective, de la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT), ainsi que celle du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), soumise à l'appréciation de l'Assemblée nationale à travers le projet de loi N°11/2024, portant révision de la Constitution, s'ajoutent aux différentes directives présidentielles sur la rationalisation des dépenses publiques, que le gouvernement entend mettre en œuvre dans le cadre de la doctrine de transformation de la gouvernance publique inscrite dans le Projet.
Le rejet du projet de loi portant révision de la Constitution, visant la dissolution du HCCT et du CESE, renseigne à suffisance, s'il en est besoin, sur la rupture profonde entre les députés de la majorité et les aspirations populaires qui se sont massivement exprimées lors de l'élection présidentielle du 24 mars 2024.
Le président de la République prend acte de la décision des députés de la majorité et réaffirme son engagement à œuvrer pour l'expression des positions politiques plurielles, essentielle au jeu démocratique et à l'équilibre des pouvoirs."
Par Hamidou ANNE
LA DIPLOMATIE SOUS MACKY SALL
Après avoir parcouru «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», je confirme ce que j’ai souvent rappelé, relativement aux succès diplomatiques accumulés durant ces douze dernières années
Gouverner c’est faire sienne l’assertion de Edouard Glissant : «Agis dans ton lieu, pense avec le monde.» C’est ainsi avoir la finesse et la présence d’esprit de ne pas soliloquer et assumer la responsabilité de l’action transformatrice de son pays tout en logeant sa trajectoire dans le temps du monde. Mieux que les discours creux, l’agir est fécond et permet de bâtir une œuvre censée nous survivre en tant qu’homme. Après le silence qu’impose l’action créatrice, les résultats surgissent et disent tout du temps passé au labeur. Le temps de l’action est suivi de celui de la reddition des comptes aux mandants qui, en démocratie, restent, en dernier lieu, les souverains.
La semaine dernière, les anciens collaborateurs du Président Macky Sall ont présenté son ouvrage bilan, qui retrace une action durant plus d’une décennie. Toute œuvre humaine est perfectible, mais incontestablement le Sénégal de 2024 est largement meilleur que celui légué en 2012. L’ouvrage présenté rend compte aux citoyens de la gestion publique, en vue de mettre à leur disposition une information juste, loin de la confusion, de la manipulation et des anathèmes. Il est possible d’apprécier positivement ou négativement l’action publique sous la houlette du Plan Sénégal émergent, mais il n’est guère aisé de contester ce que tous les chiffres des agences nationales et des organismes internationaux démontrent. Le Sénégal, sous le magistère du Président Sall, a effectué un grand bond en avant sur le plan économique. Les piliers sont solides, les infrastructures transforment le visage du pays, des villes aux campagnes, et la politique sociale touche directement les ménages. La politique de la Nation définie par le Président Sall et rappelée à chaque Déclaration de politique générale par ses Premiers ministres qui se sont succédé devant la Représentation nationale a porté ses fruits.
Après avoir parcouru «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», je confirme ce que j’ai souvent rappelé, relativement aux succès diplomatiques accumulés durant ces douze dernières années. Le Président Sall s’est inscrit dans la continuation de notre trajectoire diplomatique inaugurée par le Président Senghor et entretenue depuis, en dépit des changements de majorité. Nous sommes une voix respectée et estimée sur la scène internationale malgré la modestie de notre poids économique.
La politique étrangère du Président Macky Sall s’est incarnée dans la conservation des acquis de ses prédécesseurs tout en labourant de nouveaux territoires d’opportunités. Ainsi, nous avons réitéré le vieux principe d’une diplomatie de la souveraineté «sans exclusivité ni exclusion» tout en nouant de nouveaux partenariats stratégiques, conformément à notre agenda pour l’émergence économique.
Dakar est restée une place forte de la diplomatie internationale ; et malgré la rationalisation de notre carte diplomatique et le redéploiement de nos ressources humaines et financières en 2012, notre capacité de projection à l’international s’est accrue. Sous le Président Sall, la diplomatie sénégalaise a obtenu des résultats majeurs ayant trait notamment à la poursuite des objectifs stratégiques liés à la paix et la sécurité internationales, à la promotion de la démocratie, à l’intégration africaine et à la traduction concrète des Objectifs des Nations unies pour le développement durable.
Au plan régional, c’est le Président Macky Sall en personne qui a pesé de tout son poids pour le respect du verdict des urnes en Gambie, avant d’être suivi par la Cedeao. Les efforts régionaux coordonnés ont ramené la démocratie dans ce pays plus que voisin mais frère siamois. L’érection du pont sur le fleuve Gambie, après des décennies de danse du tango, a rapproché les deux capitales et les deux versants d’un même peuple.
S’agissant de nos relations avec la Mauritanie, le pont de Rosso et l’exploitation conjointe du gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim constituent la preuve matérielle que l’ère des conflits de voisinage est révolue au profit d’un partenariat gagnant-gagnant.
Loin des saillies panafricanistes sans acte concret, durant la pandémie du Covid-19, le Sénégal a acquis 200 000 doses de vaccin, et a choisi de mettre 10% du stock à la disposition de la GuinéeBissau et de la Gambie.
Pour la préservation de la paix et la promotion de la démocratie, la diplomatie sénégalaise a envoyé des troupes au Mali dans le cadre de la Minusma. Nos soldats sont morts pour la souveraineté et l’intégrité du territoire du Mali.
Après le putsch du chef du Rsp au Burkina, la médiation du Président Sall a permis le retour à une transition, qui a conduit le pays à une élection libre et transparente.
En sa qualité de président en exercice de l’Union africaine, le Président Macky Sall a facilité le choix de l’Afrique d’adopter une position de neutralité après l’éclatement du conflit russo-ukrainien. Aussi, ses appels à un cessez-le-feu et au retour de la paix définitive ainsi que ses déplacements à Sotchi et à Kiev ont placé le Sénégal au centre de l’agenda géopolitique mondial.
Sous le Président Sall, nous avons toujours condamné les coups d’Etat dans la sous-région et avons montré notre disponibilité à accompagner les transitions en vue d’un retour à un ordre constitutionnel. Conformément à notre tradition républicaine, et en cohérence avec les choix de nos Pères fondateurs, une autorité sénégalaise doit toujours promouvoir la démocratie et l’Etat de Droit partout où ceux-ci sont menacés.
C’est avec une immense fierté, un jour de septembre 2023, que j’ai appris l’entrée de l’Afrique au G20, grâce au talent des diplomates sénégalais, à leur finesse et à leur capacité à fédérer les énergies en Afrique et auprès des pays industrialisés afin d’obtenir l’unanimité sur le sujet.
La politique étrangère d’un pays a deux incarnations concrètes : le diplomate et le soldat. C’est parce que nous avons toujours eu une armée républicaine, une diplomatie sobre et efficace au service d’un leadership ambitieux, que le Sénégal est une grande nation. C’est sur ces acquis solides que le Président Sall a bâti une diplomatie économique ayant permis au Sénégal de se hisser parmi les 10 nations qui attirent le plus d’investissements directs étrangers.
Un homme d’Etat pense le long terme et agit pour laisser une trace dans l’histoire. Ce bilan présenté par le précédent régime est éloquent. Il contredit les rodomontades des partisans du nihilisme et les adeptes de la rhétorique fumeuse d’un Etat en ruine. Ce bilan doit être montré partout afin que la vérité, que certains esprits chagrins tentent de cacher, soit étalée sur la place publique pour débusquer et combattre les populismes et les oppositions à la République.
Enfin, cet ouvrage rappelle l’attachement du Président Sall au multilatéralisme inclusif. Il a en effet décidé d’ériger Dakar comme la 4ème capitale des Nations unies, après New York, Genève et Nairobi. C’est cette vision qui a sous-tendu l’édification en décembre 2023 de la Maison des Nations unies à Diamniadio.
Au soir du 2 avril 2024, le Président Macky Sall a laissé un pays aux fondements économiques solides et à la démocratie performante. Aussi, notre pays rayonne grâce à une politique étrangère ambitieuse, intelligente et efficace.
Macky Sall laisse une diplomatie à la hauteur de l’histoire de notre pays et de la grandeur de son peuple. Le Sénégal, démocratie solide, économie croissante, est désormais une puissance diplomatique qui compte et pèse sur la scène internationale. C’est un héritage lourd et précieux dont il faut se montrer digne quand on a l’insigne honneur de porter sur la scène internationale la voix du Sénégal.
Par Yakhya DIOUF
LA CONSANGUINITÉ ENTRE JOURNALISTES ET POLITIQUES FRAGILISE LA DÉMOCRATIE
Le crédit des journalistes n’a jamais été aussi bas. Alors que leur utilité, incontestablement, n’a jamais été aussi grande. La salubrité même de la démocratie est en jeu
Voici bientôt six mois que le nouveau régime est en place. On n’a rien oublié de leurs discours sur les rapports tumultueux que leurs prédécesseurs entretenaient avec la presse. La « normalité » qu’ils avaient promise est déjà contestée et mise à rudes épreuves.
Le crédit des journalistes n’a jamais été aussi bas. Alors que leur utilité, incontestablement, n’a jamais été aussi grande. La salubrité même de la démocratie est en jeu.
Le Président de la République et son premier ministre avaient promis une rupture dans la manière d’exercer, d’une manière générale ces responsabilités, d’appliquer la gouvernance, mais aussi de manière particulière, de communiquer, d’assainir les relations traditionnellement tumultueuses avec la presse. Aujourd’hui que constate-t-on ? La rupture avec celle-ci a bien eu lieu.
C’est un constat : Dans le système politique sénégalais et même au-delà, disons dans la société moderne, les concepts, les rhétoriques, les postures s’usent très vite, trop vite. En l’occurrence, l’« assainissement » que l’actuel régime avait promis est remis en cause, notamment , de manière disproportionnée par une persécution fiscale, difficile à supporter par les organes de presse.
Pour autant, et c’est justement l’opinion la mieux partagée, le pouvoir en place et plus globalement la coalition, ne sont pas exempts de reproches, d’erreurs et de responsabilités car, ils peinent à communiquer, à convaincre au sens fort du terme. Oui communiquer, c’est -à-dire construire un lien avec le pays.
Le « silence » gouvernemental est relativement apaisant mais il perturbe une opinion publique qui, particulièrement dans un contexte de crise et de grandes incertitudes – le premier ministre qui parle de « pays en ruine », « difficultés de la presse » - a besoin de connaitre et de comprendre les changements en cours. Y compris pour se les approprier et accorder sa confiance à ceux qui les pilotent. La politique, c’est toujours un exercice d’explication, de mise en perspective – Déclaration de politique générale (DPG) – et nous attendons de nos nouveaux gouvernants qu’ils en façonnent une forme inédite, sinon où est la rupture ? En tout cas par rapport à la presse, il n’y a aucun changement, au contraire les difficultés avec le pouvoir se sont exacerbées. Toutefois, peut-on décemment juger l’action d’un gouvernement en place depuis quelques mois lorsqu’on lui laisse douze (12) années d’un bilan discutable ?
Il y a crise du pouvoir avec la presse. Une certaine presse. C’est incontestable ! En situation de crise, « on » veut un grand capitaine. Pour l’heure le tandem au pouvoir n’en porte pas les habits. Mais peut-être le sera-t-il un jour, peut-être se révélera-t-il un style performant…
Méfions-nous des jugements hâtifs, ils font partie de cette « idéologie » de la vitesse qui d’ailleurs permettra, avec la même certitude, de dire le contraire de ce qui a été prononcé. En ce qui concerne le tandem, son parcours appelle à la prudence. Aucun des deux qui le compose n’a jamais été ministre ; c’est cela, peut-être qui explique certains atermoiements, mais c’est eux aujourd’hui les dirigeants de ce pays.
C’est ce « statut de bleu » en matière d’exercice du pouvoir qui peut-être explique les vives critiques de la presse de « gauche », d’opposition, je veux dire, contre la politique du gouvernement actuel.
Contrairement à ce que certains éditorialistes expriment, parfois de manière incisive, ce déferlement ne traduit pas une maturité. Tous les journalistes ne se valent pas. Cela est valable dans toutes les catégories socio-professionnelles. Les cabris se promènent ensemble, mais ils n’ont pas le même prix.
L’analyse, à mon sens, est plus triviale : le pouvoir médiatique ne sait plus s’arrêter, ne connait plus ses limites, se croit légitime à tout juger, tout examiner, tout critiquer, tout revendiquer. Or franchir cette ligne pourrait lui être fatal – c’est le cas actuellement avec le fisc – car le public, même s’il est parfois voyeur ou en accord idéologique ou partisan, ne souscrit pas à cette outrance dans l’anathème qui décrédibilise l’information et discrédite la posture.
Oui à l’information, la critique, et au contre-pouvoir de la presse. Non au mythe de l’auto-institution de la presse en quatrième (4ième) pouvoir. Seuls les politiques ont la redoutable responsabilité de l’action ! D’ailleurs, il faut nuancer. Cette dérive, ici au Sénégal, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias comme je l’ai insinué plus haut, mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste.
A l’heure d’une crise de confiance sans précédent à l’égard des journalistes et des producteurs d’informations mesure-t-on réellement les dégâts sur les crédits journalistiques et politiques que cette porosité et ces collusions provoquent dans l’opinion publique ?
On ne le mesure pas parce que ce n’est pas visible – taux d’analphabétisme élevé – C’est comme la question très compliquée de l’opinion publique, à savoir les mutations lentes et invisibles avec les sondages dans les pays développés – France et USA par exemple.
Dans un passé relativement récent, le contre-pouvoir médiatique – dans les démocraties évidemment et non dans les régimes autoritaires – a tendance à ne plus savoir où sont ses limites. Il exagère ! Et c’est cela qui provoque l’ire du pouvoir en place.
D’ailleurs, on observe trop ce glissement dangereux : Faire croire que partout la liberté de la presse est menacée et que dictatures ou démocraties ce sont finalement les mèmes enjeux. Non ! les immenses difficultés de la presse dans les dictatures ne peuvent pas cautionner les dérives de celle-ci dans les démocraties.
D’autant que le pouvoir politique, avec la visibilité justifiée critique les médias – le premier Ministre qui, du haut de sa tribune profère des menaces à l’endroit de la presse – la rigidité de nos sociétés et les difficultés de la mondialisation, devient de plus en plus fragile.
La baisse de prestige de la politique ne doit pas faire oublier sa spécificité : La grandeur et les risques de l’action. Mais comme la collusion presse-politique, est dans son comble dans notre pays, trop forte, en tout cas, cela ne donne plus confiance aux citoyens. Surtout en ces temps de crise.
Aussi, en tant qu’acteur du système éducatif sénégalais depuis plusieurs décennies, je m’inquiète que survienne le pire danger pour l’éducation dont les notions de liberté, la capacité critique qu’elle enseigne pourraient en souffrir par la tentation à l’autocensure.
Dans une démocratie digne de ce nom, le syndrome de la pensée, de la parole et de la plume uniques doit être banni « ñep menuñu bok xalat ». Evitons à tout prix ceci : « Tout le monde dit la même chose, donc personne n’ose dire autre chose » ; alors que la diversité exceptionnelle des canaux aurait dû assurer une extrême diversité de l’information, des points de vue, des idées, des prises de position.
Et donc renforcer la légitimité des journalistes comme empêcheurs de tourner en rond. C’est hélas tout le contraire : Tout se ressemble, l’information souffre de son uniformité et du sentiment de connivence avec les politiques – Consanguinité – son champ se rétrécit par rapport au nombre de supports. Et les journalistes, parce que l’enquête coute cher, font le tour de l’ordinateur là ou autrefois ils faisaient le tour du monde.
Enfin, peut-on bien y croire ? Nombre de médias n’ont-ils pas « oublié » que leur vocation est d’éveiller et d’éduquer les consciences, de faire grandir la capacité critique, l’autonomie, la contribution citoyenne de chacun et non de se livrer à de la politique partisane.
Par Fadel DIA
MULTIPLE PHOTOS
QUAND LES VAINCUS ÉCRIRONT L’HISTOIRE
La commémoration de Thiaroye 44 doit être l’occasion d’une prise de parole pour bien signifier que « le temps de nous-mêmes » est arrivé, celui de nous réapproprier notre passé colonial, sans en occulter les zones d’ombre
«L’Histoire est écrite par les vainqueurs », aurait dit Winston Churchill, et quand le vainqueur a le monopole de ses sources, le risque est énorme qu’elle ne soit pas écrite par les faits. Les hommes et les femmes de ma génération avaient appris à l’école coloniale plus de choses sur le passé de ce qu’on appelait alors la Métropole que sur celui de leur propre pays et ce qu’ils savaient de celui-ci n’avait rien de glorieux.
Samory Touré était un bandit des grands chemins, El hadj Omar un fanatique et l’empreinte de cet enseignement était si prégnante que bien après notre indépendance, il y avait des Sénégalais pour encenser Faidherbe, l’affubler affectueusement du patronyme Ndiaye ou s’offusquer qu’Iba Der Thiam ait décidé de débaptiser le lycée qui portait son nom. Je ne crois pas pourtant qu’il y ait un « Lycée Bismarck » en France et la Place Waterloo est, à ma connaissance, sise au quartier Saint James à Londres et non au cœur des Champs Elysées à Paris.
C’est pour ces raisons que la décision des autorités sénégalaises de rendre hommage aux victimes de Thiaroye, sans solliciter l’aval, le soutien ou l’appui logistique de l’ancienne métropole, marque un tournant dans nos relations. La dernière fois qu’une cérémonie s’était tenue sur les mêmes lieux et à ce niveau de représentation c’était il y a dix ans, et comme c’était la règle, le représentant de la France était commis aux discours et aux grandes annonces, tandis que le rôle de la partie sénégalaise s’était limité à « potemkiniser » le site pour qu’il ne donne pas l’impression d’inaugurer un champ de pommes de terre. Nous avons toujours été les spectateurs de notre histoire coloniale, c’est l’ancien colonisateur qui donnait le ton, fixait le calendrier, proclamait les vérités, choisissait les héros et distribuait les hommages. Nous l’avons vu « cristalliser » les pensions qu’elle devait aux soldats africains qui avaient combattu dans ses armées, puis décider de les dégeler, avec une pointe de mesquinerie, sans jamais lui demander quel usage elle avait fait des retenues opérées sur les salaires et les primes des mutins de Thiaroye. Elle décerne à une poignée de Tirailleurs le titre glorieux de « mort pour la France », sans se donner la peine de nous dire pour qui étaient morts les dizaines de milliers de nos compatriotes qui gisent, dans des sépultures souvent anonymes, sur son sol ou en Syrie, en Lybie ou dans les Dardanelles. Elle vient seulement de décider d’accorder à ceux d’entre eux qui avaient servi sous son drapeau et qui sont encore en vie, tous plus qu’octogénaires, ce qu’elle présente comme un suprême privilège : ils pourront finir leurs jours près de leurs familles, alors qu’ils étaient jusque-là contraints de séjourner sur son territoire une partie de l’année, dans la solitude et l’ennui, sous peine de perdre le bénéfice de leurs pensions. C’est elle qui décide à quel évènement de notre histoire commune peuvent prendre part nos dirigeants et quelle y sera leur place. Ils ont été exclus de la commémoration du débarquement en Normandie et sont surreprésentés à celle, presque confidentielle, du débarquement en Provence. Si l’argument est que les soldats originaires d’Afrique subsaharienne et du Maghreb étaient absents en Normandie alors qu’ils constituaient plus de la moitié des forces françaises débarquées en Provence, qu’on nous explique la présence à Omaha Beach de tous ces chefs d’Etat, rois et reines de pays européens qui n’avaient pas non plus participé au débarquement du 6 juin1944 et celle de l’Allemagne, invitée de marque à la cérémonie, alors qu’elle était de l’autre bord puisque l’ennemi c’était elle !
Cet impérialisme du troisième type n’est évidemment pas une marque française, il est dans la nature de toutes les anciennes puissances coloniales européennes. C’est sur la base de critères et de dates arrêtés par leurs soins qu’elles soldent leur passé colonial, en décidant de se contenter de « reconnaitre » les crimes et les horreurs qu’elles ont commis (François Hollande, en 2012, pour les « souffrances » subies par le peuple algérien ), ou de se résoudre à les « regretter » ( le roi des Belges, en 2022, pour « le rôle » de son pays dans la colonisation du Congo ), ou de concéder des « excuses » en bonne et due forme (le gouvernement des Pays-Bas, en 2018, pour leur « siècle d’or » de colonisation et d’esclavage, ou le Premier ministre belge, en 2022, pour l’assassinat de Lumumba etc.) On aura remarqué que ce sont encore elles qui, une fois déterminé le degré de leur compassion, choisissent l’autorité à laquelle incombe cette insupportable mission : le gouvernement (par une simple et anonyme déclaration), le Parlement, un ministre ou le chef du gouvernement, ou plus rarement, le président ou le roi. Il est en revanche totalement exclu de se prêter à une humiliante repentance, tout comme il est exclu - (à une exception près : l’Allemagne pour le génocide des Hereros) - de promettre des réparations…
Ce qui s’est passé à Thiaroye, il y a 80 ans, n’est pas qu’une banale insurrection de soldats floués, c’est l’acte fondateur de toutes les révoltes qui devaient nous conduire à nous libérer du joug colonial. Sa célébration par ses victimes doit être l’occasion d’une prise de parole pour bien signifier que « le temps de nous-mêmes » est arrivé, celui de nous réapproprier notre passé colonial, sans en occulter les zones d’ombre. On notera au passage que c’est déjà perceptible dans la sémantique : Il y a dix ans François Hollande parlait de « répression sanglante » alors que le communiqué du gouvernement sénégalais évoque un « massacre », ce qui implique un grand nombre de victimes dans l’impossibilité de se défendre.
Cette célébration ne peut pas, ne doit pas, être une commémoration à l’échelle d’un seul Etat, mais en communion avec tous les pays d’où étaient issus les Tirailleurs, qui étaient loin d’être majoritairement Sénégalais et dont même, disait-on, « la langue officielle » était le bambara !
On nous annonce la présence d’Emmanuel Macron ? Chiche ! Mais seulement s’il a la courtoisie d’attendre qu’on l’y invite, au lieu de forcer notre porte comme le font tous les présidents français chaque fois qu’ils sont élus. S’il ne cherche pas à faire de la com et à dénaturer la cérémonie en tirant la couverture sur lui. S’il a du nouveau à apporter, qui soit grand, désintéressé et généreux. S’il est prêt, éventuellement, à y côtoyer les chefs des juntes qui gouvernent le Mali ou le Burkina, sans distribuer des leçons, en spectateur repentant et respectueux des autres, et non plus en maître des cérémonies…
Mais qu’il soit présent ou non la cérémonie nous laisserait sur notre faim si elle n’était pas l’occasion d’affirmer, solennellement, notre volonté de ne plus laisser aux anciens colonisateurs le monopole de nous apprendre notre passé partagé en recourant à des experts et à des commissions dont ils déterminent les objectifs et dont les travaux sont soumis à leur seule appréciation. Ce serait une belle occasion d’affirmer que nous mettrons désormais en place nos propres instances d’investigation, avec le concours de spécialistes reconnus du monde entier, mais surtout avec nos propres experts, et pas seulement des historiens, qui s’appuieraient sur le vécu de nos populations et sur les archives qu’ils devront bien nous ouvrir ou nous restituer.
Alors l’histoire sera aussi écrite par les vaincus…
LE HCCT ET LE CESE MAINTENUS
Les députés ont rejeté le projet de loi visant à supprimer les deux institutions, par 83 voix contre 80. Cette décision maintient le statu quo institutionnel, malgré les appels à la rationalisation du nouveau pouvoir
Le projet de loi visant à réviser la Constitution pour supprimer le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été rejeté par les députés. Ce rejet, initialement acté par la commission des lois, a été confirmé lors de la séance plénière avec un vote final de 83 voix pour le rejet contre 80 voix contre.
Cette décision signifie que le HCCT et le CESE, deux institutions du paysage institutionnel sénégalais, continueront d’exister pour le moment. Le débat sur leur suppression avait suscité des discussions intenses au sein de l’Assemblée, la proposition étant perçue par certains comme un moyen de rationaliser les institutions et de réduire les coûts, tandis que d’autres y voyaient un risque pour la représentation des collectivités locales et des divers secteurs socio-économiques.
VIDEO
ABDOU MBOW VEUT FAIRE TOMBER LE GOUVERNEMENT
Le député de l'opposition promet de déposer dès demain une motion de censure contre le gouvernement accusé d'être "empêtré dans des scandales". Il pointe également le "refus" du Premier ministre de présenter sa déclaration de politique générale
Le député Abdou Mbow a fait une annonce retentissante ce lundi 2 septembre 2024, déclarant qu’une motion de censure sera déposée dès demain contre le gouvernement en place. Cette initiative vise à provoquer une chute du gouvernement et à remettre en question la gestion actuelle du pays.
Abdou Mbow, figure de l’opposition, a précisé que cette motion de censure est une réponse au refus du premier ministre de venir faire sa déclaration de politique générale. Selon lui, la situation actuelle ne permet plus de faire confiance à l’équipe en place, d’où la nécessité de ce geste fort.
« Je voudrai insister sur la violation de la constitution par le premier ministre qui n’a pas voulu faire sa déclaration de politique générale, qui n’a pas voulu que les institutions que nous incarnons soient respecter. Un gouvernement qui est aujourd’hui dans des scandales. Après tout ce constat dès demain à la première heure avec mon groupe, je vais déposer une motion de censure pour faire tomber le gouvernement » déclare-t-il
La motion de censure, qui sera déposée demain, devra être soutenue par une majorité des députés pour que le gouvernement soit effectivement renversé. Abdou Mbow a toutefois exprimé sa confiance en la capacité de l’opposition à rallier suffisamment de parlementaires pour faire aboutir cette démarche.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL APPELÉ À LA TRANSPARENCE
La République des Valeurs réclame la divulgation de l'avis crucial sur la dissolution de l'Assemblée. Selon Thierno Alassane Sall, l'accès exclusif à ces informations par le pouvoir en place viole le principe constitutionnel d'égalité entre partis
(SenePlus) - Le parti La République des Valeurs "Réewum Ngor" a adressé ce lundi 2 septembre 2024, une lettre au Conseil constitutionnel, demandant la publication d'une récente décision concernant la possible dissolution de l'Assemblée nationale. Cette démarche intervient suite aux déclarations d'Ousseynou Ly, porte-parole de la présidence, qui a révélé que le président de la République avait saisi et obtenu l'avis du Conseil constitutionnel sur cette question cruciale.
Pour Thierno Alassane Sall, président du parti, le fait que seuls le président de la République, son Premier ministre, ainsi que d'autres acteurs politiques liés au parti Pastef détiennent les réponses à ces questions "constitue une rupture fondamentale de l'égalité entre les partis politiques, consacrée par la Constitution."
Le député à l'Assemblée nationale estime qu'"au-delà des partis politiques, les citoyens, au nom de qui l'ensemble des institutions prennent leurs décisions, doivent connaître l'interprétation exacte des dispositions en vigueur de la Constitution."
La lettre adressée au Conseil constitutionnel met en avant plusieurs arguments juridiques. Elle rappelle notamment la décision n°60/E/2024 du 5 mars 2024, dans laquelle les Sages ont précisé qu'il rendait des décisions en toutes matières. La République des Valeurs souligne ainsi que ces décisions s'imposent erga omnes, c'est-à-dire à l'égard de tous, et devraient donc être accessibles au public.
Le parti insiste sur l'importance de cette transparence, particulièrement lorsqu'il s'agit de l'interprétation des dispositions constitutionnelles. "La situation aurait été différente si la saisine portait sur un projet de révision, c'est-à-dire sur des intentions du président de la République qui ne sont pas encore inscrites dans notre Constitution," précise Thierno Alassane Sall.
Cette démarche s'inscrit dans un contexte politique plus large, où la question de la dissolution de l'Assemblée nationale est au cœur des débats. Elle soulève des interrogations sur l'équilibre des pouvoirs et le respect des principes démocratiques au Sénégal.
La Présidence de la République a informé avoir saisi le Conseil constitutionnel sur la date, à partir de laquelle, l’Assemblée nationale pourra être dissoute, ainsi que probablement sur d’autres sujets tout aussi importants.
Ce n’est pas avec les économies d’épicier faites sur les machines à café qu’on va se développer. Les législatives sont une bonne occasion pour faire demi-tour et limiter les dégâts des conséquences économiques de Pastef qui se trompe de route
Quand on se rend compte qu’on a pris la mauvaise route, il faut avoir le courage de faire demi-tour. Il est évident que ce n’est pas un Premier ministre qui a tous les pouvoirs mais aucune vision, qui ne sait pas où il va, qui se cherche au point de s’occuper de détails comme des imprimantes, des machines à café ou des micro-ondes, qui va accélérer notre marche vers l’émergence. « Christophe Colomb fut le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait... et il faisait tout ça aux frais du contribuable. », disait Churchill. Le Premier ministre Sonko est dans la même situation que Colomb. Par chance Colomb découvrit l’Amérique mais l’émergence ne se joue pas sur un coup de chance mais sur une vision, une stratégie et une méthode mais surtout sur une grande ambition pour son pays qui est l’antithèse de la gouvernance Walakaana.
C’est parce que Sonko est dans la même situation que Colomb qu’il ruse avec les institutions pour ne pas faire sa DPG. L’émergence c’est le culte de la grandeur qui est consubstantiel à la création de richesses. Le culte de la grandeur fait les grandes nations mais pas le misérabilisme. Donc concomitamment à l’inquisition fiscale, le duo Diomaye-Sonko doit s’atteler à la création de richesse ou au moins l’encourager. Ce n’est pas avec les économies d’épicier faites sur les imprimantes et les machines à café qu’on va construire les plus grandes tours ou les plus grands mall d’Afrique de l’Ouest.
Wade qui avait le sens de la grandeur a lancé la marche vers l’émergence en ouvrant la boite de pandore de l’hubris. Wade a posé les jalons de l’Emergence et Macky Sall a accéléré la cadence mais cette gouvernance Walakaana, au lieu de nous faire gagner 5 ans dans notre marche vers l’Emergence grâce au pétrole et au gaz va nous faire perdre 5 ans sauf si on fait demi-tour aux législatives qui va être un « mortal combat » démocratique entre des experts qui ont accéléré en 12 ans la marche vers l’émergence et les stagiaires qui en 5 mois ont montré toutes leurs limites.
Quand les Egyptiens ont commis l’erreur de confier démocratiquement leur pays aux stagiaires « frères musulmans », ils ont payé le prix en acceptant de faire demi-tour avec le bonapartisme du Maréchal Sissi. Le Sénégal étant une vielle democratie, le demi-tour ne peut être que démocratique et les prochaines législatives en seront l’occasion. Les législatives sont une bonne occasion pour faire demi-tour et limiter les dégâts des conséquences économiques de Pastef qui se trompe de route.
On voulait aller à Dubai et Sonko avec sa gouvernance Walakaana nous achemine vers le Venezuela immensément pauvre malgré son immense potentiel pétrolier. A la grande différence de l’Egypte, les conséquences du règne des stagiaires de Pastef seront plus économiques que politiques car Pastef est soluble dans nos institutions comme Trump l’a été aux Etats Unis. C’est pourquoi le patriotisme doit aussi être institutionnel. Nous devons être fiers de la solidité de nos institutions qui sont le fondement de l’exception sénégalaise.
Nous sommes le seul pays d’Afrique de l’ouest à n’avoir jamais connu de rupture anticonstitutionnelle. Donc notre Premier ministre doit d’arrêter de donner l’impression qu’il regrette que l’insurrection n’ait pas réussi avec cette instrumentalisation de la question des martyrs qui rappelle le culte nazi du drapeau de sang, le fameux drapeau taché du sang d’un nazi mort lors de la tentative de coup d’Etat de Munich. Les nazis ont toujours gardé le drapeau taché de sang au siège de leur parti jamais à la chancellerie du Reich.
Qui est plus martyres que les deux filles calcinées dans le bus Tata ? Si les grecs qui ont inventé la democratie, ont aussi inventé l’amnistie, c’est pour éviter la comptabilité et la concurrence entre martyrs. N’est pas Mandela qui veut. Dieu aime bien le Sénégal.
Tout le monde constate que c’est Sonko qui gouverne et qu’il est donc comptable de cet échec flagrant. Le mythe s’effondre, la bulle se dégonfle et son ambition présidentielle devient chaque jour un peu plus une « illusion au passé » pour le plus grand intérêt du Sénégal.