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21 avril 2025
Diaspora
BOUBACAR BORIS DIOP, HÉRITIER DE L'ÉCOLE DE GRENOBLE
En s’inspirant des travaux de Cheikh Anta Diop, il a contribué à enrichir la littérature wolof, tout en défendant l’idée d’une unité linguistique africaine. Son œuvre, à la fois politique et poétique, est un hommage à l’identité culturelle du continent
Il est sans doute l'un des héritiers les plus connus et les plus intransigeants du savant sénégalais Cheikh Anta Diop. Brillant intellectuel, Boubacar Boris Diop a su surtout imprimer sa marque dans la traduction de la vision de l'égyptologue concernant les langues nationales, emboitant le pas ainsi à ses aînés de l'école de Grenoble comme Cheikh Aliou Ndao, Assane Sylla ou encore Saliou Kandji, qui a créé le premier syllabaire wolof.
On serait tenté de dire qu'avec son français fluent, empreint de maîtrise et son élocution savante et quasi musicale, Boubacar Boris Diop est un fanatique francophile à loger à la même enseigne que le président poète Léopold Sédar Senghor. Et pourtant pour cet écrivain, ce compliment serait une provocation insupportable, voire un crime de lèse-majesté.
En cause, dans la grande et classique querelle idéologique et intellectuelle qui a traversé ces 60 dernières années entre Senghor et Cheikh Anta Diop, Boubacar Boris Diop a été sans appel par rapport à son choix. Cheikh Anta Diop est celui d'après l'écrivain que les africains doivent suivre et écouter.
Lui l'a suivi et écouté. Et si le savant multidimensionnel a eu plusieurs héritiers sur plusieurs disciplines différentes, Boris a été plus visible surtout dans la traduction de la vision de Cheikh Anta Diop par rapport à la promotion des langues africaines dans l'éducation. Dans un article de Taxaw, organe de sa formation politique, Cheikh Anta Diop soutenait ceci : «Le développement par le gouvernement dans une langue étrangère est impossible, à moins que le processus d’acculturation ne soit achevé, c’est là que le culturel rejoint l'économie. Le socialisme par le gouvernement dans une langue étrangère est une supercherie, c’est là que le culturel rejoint le social. La démocratie par le gouvernement dans une langue étrangère est un leurre, c’est là que le culturel rejoint le politique».
C'est fort probablement de ce constat que Boubacar Boris Diop, qui est pourtant l'un des derniers mohicans de la littérature française africaine a orienté ses recherches et ses publications vers la promotion des langues nationales, surtout la langue wolof, continuant ainsi les travaux de ses aînés de l'école de Grenoble. En effet, tout commence en 1954, avec la sortie de Nations nègres et culture, ouvrage dans lequel Cheikh Anta Diop cite les grands poètes du wolofal.
Et en 1958, le groupe de Grenoble composé de personnalités emblématiques comme Assane Sylla, Saliou Kandji et le brillantissime Cheikh Alioune Ndao, qui s'est inspiré du livre de Cheikh Anta Diop va produire Ijjib wolof, le tout premier syllabaire dans cette langue. Plus tard, d’autres vont poursuivre le travail avec la revue Kàddu, autour de Samba Dione, Pathé Diagne et Ousmane Sembène. Il y a eu aussi, dans la même période, l’importante contribution du mathématicien Sakhir Thiam.
Et en 1996 Aawo bi est le premier roman qui a jamais été publié en wolof. Et Boubacar Boris Diop est manifestement dans ce sillage. Né en 1946, l'intellectuel sénégalais, lauréat Grand prix littéraire d'Afrique noire en 2000, a fait de la promotion des langues nationales, le soubassement de ses œuvres littéraires ces dernières années. Il a écrit deux ouvrages dans la langue Wolof. Son premier roman en wolof s'intitule Doomi Golo publié en 2003 et traduit en français en 2009 sous le titre Les petits de la Guenon. «Si je n'avais pas été au Rwanda, je n'aurais sûrement jamais écrit en wolof. Ça ne veut pas dire que je n'en aurais pas eu envie. Je n’en aurais pas eu la force», avoua-t-il.
À l'en croire, en effet, c'est son séjour au Rwanda en 1998, au cours duquel il s'est rendu compte du poids des implications étrangères dans le génocide des Tutsis survenu dans ce pays en 1994, qui l'a poussé à écrire en wolof. Celui qui a enseigné le wolof à l'UGB de Saint-Louis publiera en 2017, toujours en wolof, Bàmmeelu Kocc Barma. Il va ensuite paraître en 2024 sous le titre Un tombeau pour Kinne Gaajo. Défenseur acharné des langues nationales et disciple assumé de Cheikh Anta Diop, il a indiqué dans une de ses nombreuses interviews que Cheikh Anta Diop a traduites dans Nations nègres et culture, des concepts scientifiques et une synthèse par Paul Painlevé de la théorie de la relativité généralisée d’Einstein.
Et à ce titre, le journaliste, fondateur du site de Dafuwaxu.com est le digne continuateur des travaux de Cheikh Anta Diop, ce dernier qui croyait fortement à une unité linguistique en Afrique. Ce que fait Boubacar Boris Diop sonne vraiment comme un préalable nécessaire.
LEVÉE DE BOUCLIERS CONTRE LE PATRIARCAT
Le combat pour l'égalité parentale s'intensifie au Sénégal, où un simple refus de signature paternelle peut briser l'avenir d'un enfant. En 2025, le Code de la famille continue de reléguer les femmes en citoyennes de seconde zone
Au Sénégal, seul un homme est reconnu comme chef de famille, selon le code de la famille. Cette prérogative lui donne le pouvoir de contrôler presque tous les aspects de la vie familiale, à savoir le lieu de résidence, l'autorisation de délivrance de documents administratifs pour leurs enfants. Ainsi, l'autorité parentale revient uniquement au père pendant le mariage. Ce cadre juridique laisse les femmes, en particulier les mères divorcées et célibataires, dans une situation de vulnérabilité et d'impuissance, car elles sont incapables de prendre les décisions les plus élémentaires pour leurs enfants sans l'accord du père.
Nafi, une mère divorcée, incarne les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes sénégalaises à cause d'un code de la famille obsolète. Après son divorce, elle s'est retrouvée seule responsable de l'éducation de son enfant. Lorsqu'elle a voulu renouveler le passeport de son fils, son ex-mari a refusé de lui accorder l'autorisation parentale nécessaire. «Il n'a jamais respecté les décisions du tribunal : pas de pension alimentaire, pas de visites, rien. J'ai tout fait pour mon enfant, mais lorsque son passeport a expiré, j'ai dû courir après mon ex-mari pendant six mois pour obtenir l'autorisation d'en faire un nouveau», se souvient Nafi, la voix teintée de frustrations. Cette épreuve n'est que trop fréquente pour les femmes divorcées au Sénégal qui se retrouvent souvent impuissantes face à un système juridique qui favorise les hommes. Le système juridique, qui est censé protéger les enfants, est souvent utilisé comme une arme contre leurs mères.
Aminata partage une histoire similaire, qui fait écho à l'expérience de nombreuses femmes divorcées au Sénégal. Frustrée par le refus de son ex-mari de coopérer, elle a demandé conseil à l'association des juristes sénégalaises (AJS) et a pu obtenir une délégation de l'autorité parentale. «Je ne pouvais pas obtenir des documents de base pour mon enfant sans le consentement du père. J'ai finalement demandé de l'aide à l'AJS (Association des Juristes Sénégalaises), qui m'a guidée pour obtenir la délégation de l'autorité parentale. Maintenant, je peux prendre des décisions pour mon enfant sans être à la merci de mon ex-mari», explique-t-elle. Ces batailles mettent en lumière les obstacles systémiques auxquels les femmes sont confrontées dans le cadre du code de la famille actuel.
Les femmes divorcées, les véritables victimes de l’article 277 duCode de la famille
Aissatou, comme beaucoup d'autres femmes, se demande pourquoi la loi dit qu'une mère qui porte son enfant pendant neuf mois et l'allaite pendant près de deux ans doit avoir l'autorisation du père pour l'emmener dans les procédures administratives. En effet, l'article 277 du code de la famille sénégalais est au cœur du problème. Il accorde au père l'autorité parentale exclusive pendant le mariage, exigeant sa signature sur toute autorisation parentale, écartant de fait les mères de la participation aux décisions cruciales concernant la vie de leurs enfants. La loi permet non seulement aux pères de refuser la reconnaissance de paternité, mais elle interdit également les tests de paternité, ce qui renforce encore la domination masculine dans les affaires familiales. Cette structure juridique perpétue un système dans lequel les hommes détiennent tout le pouvoir de décision, laissant aux femmes des droits et des recours limités. Cette disposition persiste malgré l'évolution du rôle des femmes dans la société sénégalaise, où elles occupent désormais des postes de responsabilité professionnelle importants. Les activistes et les organisations féministes appellent à une révision de cette loi pour refléter les réalités de la vie familiale moderne où les femmes sont souvent les principales pourvoyeuses de soins.
Le poids émotionnel du pouvoir patriarcal
L'impact de ce cadre juridique patriarcal va au-delà des obstacles administratifs. Des femmes comme Nafi éprouvent une grande détresse émotionnelle en raison de leur manque d'autonomie. «J'ai évité de parler de la situation à mon fils pour qu'il n'ait pas une mauvaise image de son père. Personnellement, j'étais furieuse d'être aussi impuissante. J'étais furieuse. Comment pouvais-je m'occuper de tout et me faire dire que j'avais besoin d'un papier d'un père qui nous avait abandonnés pour voyager ?» explique-t-elle de sa profonde frustration et sa colère face à l'injustice imposée par la loi. Ce sentiment d'impuissance s'étend à d'autres aspects de leur vie, qu'il s'agisse des rendez-vous manqués ou de l'anxiété constante de naviguer dans un système qui leur est défavorable.
Comment les obstacles juridiques affectent la vie des enfants
Les effets de ces obstacles juridiques ne se limitent pas aux mères. Ils ont également un impact profond sur les enfants. Dans des cas comme celui de Nafi, où le père est absent, les enfants peuvent passer des années sans voir leur parent, ce qui entraîne des relations tendues et une détresse émotionnelle. Le fils de Nafi n'a pas vu son père depuis huit ans, celui-ci vivant à l'étranger et ne le contactant que sporadiquement via WhatsApp. Cette absence a laissé de profondes cicatrices émotionnelles. «Le refus de son père de coopérer a affecté nos vies : rendez-vous manqués, projets gâchés et troubles émotionnels. Il ne s'agit pas seulement de paperasse ; il s'agit du lien entre un père et son enfant, qui est en train d'être érodé par une loi qui donne la priorité à l'autorité paternelle sur la responsabilité parentale», se désole Nafi.
Aïssatou : « Mon fils a perdu une bourse d’étude à cause du refus de son père de signer l’autorité parentale»
L'histoire de Nafi n'est qu'une des nombreuses illustrations de l'impact psychologique du code familial patriarcal sénégalais sur les femmes et les enfants. Le fils d’Aïssatou a voulu étudier à l’étranger mais son papa n’a pas signé l’autorité parentale. «Nous avions des problèmes et pour me coincer, lorsque je lui ai demandé de signer l’autorité parentale pour notre fils, il a refusé. Et ce dernier a perdu sa bourse d’étude depuis lors, il s’isole et cela me fend le cœur de le voir ainsi. Tout cela à cause d’un père aigri et égoïste», se désole Aissatou. En effet, l'obligation légale d'obtenir l'autorisation du père pour des tâches administratives de base perturbe la vie quotidienne et empêche l'enfant de voyager, d'accéder à l'éducation et de recevoir des soins médicaux. Cette situation est exacerbée par la capacité du père à refuser son consentement par dépit ou par négligence, ce qui complique encore l'éducation de l'enfant.
Les réformes du Maroc peuvent inspirer le Sénégal
La structure patriarcale du Sénégal n'est pas unique sur le continent africain. Alors que le Sénégal est confronté à ces défis, d'autres pays africains, comme le Maroc, ont réalisé des progrès significatifs dans la réforme de leur droit de la famille. Le Maroc, par exemple, a réformé son code de la famille, la Moudawana, en 2004 afin d'accorder l'autorité parentale partagée et d'améliorer les droits de garde pour les femmes. Ces réformes ont été motivées par un mouvement croissant en faveur des droits des femmes et visaient à aligner le cadre juridique sur les normes internationales en matière de droits de l'homme. Avant 2004, les pères marocains avaient l'autorité parentale exclusive, comme c'est le cas au Sénégal. Toutefois, les réformes reconnaissent désormais le rôle des deux parents dans l'éducation des enfants et la prise de décision. Cette évolution a permis aux mères marocaines d'avoir davantage leur mot à dire dans la vie de leurs enfants, même en cas de divorce. Contrairement au Sénégal, où les femmes ont toujours besoin de l'autorisation de leur père pour ouvrir un compte bancaire pour leur enfant ou pour voyager à l'étranger, les textes marocains donnent autant de pouvoir aux mères qu'aux pères. Ce contraste souligne l'urgence de réformes juridiques similaires au Sénégal pour promouvoir l'égalité des sexes et protéger les droits des femmes.
Montee d’un mouvement en faveur du partage des droits parentaux
Au Sénégal, le mouvement en faveur de réformes similaires prend de l'ampleur. En mars dernier, une coalition de féministes, d'activistes, d'organisations de la société civile et de groupes de défense des droits de l'Homme a lancé une campagne en faveur de l'autorisation parentale partagée. L’objectif de la campagne est de plaider pour une révision de la loi sur le partage des droits et des responsabilités parentales. Il s’agit de permettre aux femmes d'effectuer des démarches administratives au nom de leurs enfants sans avoir besoin de l'autorisation du père. Cependant, malgré ces efforts, la situation reste inchangée, ce qui souligne la nécessité de poursuivre les actions de plaidoyer et de sensibilisation du public.
La militante féministe, Jaly Badiane, souligne l'importance de l'éducation du public parallèlement à la réforme juridique. « Nous devons d'abord demander aux autorités de réviser la loi, mais aussi à la population de comprendre l'importance de cette révision et les raisons pour lesquelles ces changements sont nécessaires. Le partage de l'autorité parentale ne signifie pas que l'on supprime les droits des pères ; il s'agit de faire en sorte que les deux parents puissent prendre des décisions dans l'intérêt supérieur de leurs enfants», explique-t-elle. Elle souligne la nécessité d'adopter des lois qui reflètent les expériences vécues par les familles sénégalaises et protègent les droits des femmes et des enfants. Ses efforts sont essentiels pour combler le fossé entre les réformes juridiques et l'acceptation par la société, en veillant à ce que les changements soient durables et largement soutenus. «Nous devons réviser le code de la famille pour qu'il reflète la réalité des familles sénégalaises modernes. La loi devrait reconnaître que les deux parents, quel que soit leur statut matrimonial, ont le droit et la responsabilité de s'occuper de leurs enfants», affirme Mme Sarr.
Entre 2021 et 2023, les boutiques de l’AJS ont reçu 665 demandes de garde d'enfants
Madjiguène Bakhoum Sarr, responsable de la communication à l'association des juristes sénégalaises (AJS) et membre fondateur de la campagne pour le partage de l'autorité parentale, joue un rôle central dans ce combat. Elle décrit les difficultés quotidiennes des femmes qui s'adressent à l'AJS pour obtenir de l'aide en matière de garde d'enfants et d'administration juridique. Grâce à leurs boutiques juridiques réparties dans tout le pays, elles aident les femmes à naviguer dans le système juridique, qu'il s'agisse d'obtenir la garde des enfants, de garantir la pension alimentaire ou de se battre pour obtenir l'autorisation parentale. «Entre 2021 et 2023, nous avons reçu 665 demandes de garde d'enfants dans l'ensemble de nos boutiques juridiques.
Il ne s'agit pas de cas isolés : ces femmes se battent pour obtenir le droit fondamental de prendre des décisions pour leurs enfants sans avoir besoin du consentement du père», explique Mme Sarr. Les efforts d'AJS sont essentiels dans la lutte plus large pour l'égalité des sexes au Sénégal, car ils fournissent un soutien juridique et un plaidoyer pour les femmes qui luttent contre les dispositions discriminatoires et servent de plateforme pour que les voix des femmes soient entendues.
Les histoires personnelles de femmes comme Nafi et Aminata sont le moteur de la réforme juridique au Sénégal, car elles mettent en évidence les implications réelles des dispositions discriminatoires du code de la famille. Ces récits personnels mettent en lumière les conséquences concrètes de lois obsolètes et le besoin urgent de changement. Ils humanisent les questions juridiques mais démontrent également la résilience des femmes sénégalaises, qui continuent à se battre pour leurs droits en dépit d'obstacles importants.
L'urgence d’un changement juridique auSénégal
Le code de la famille sénégalais a désespérément besoin d'être réformé pour refléter les réalités de la vie moderne. Le cadre juridique actuel, ancré dans les traditions patriarcales, ne protège pas les droits des femmes et des enfants, ce qui les rend vulnérables et les prive de leurs droits. Pour aller de l'avant, le Sénégal doit donner la priorité à la révision des lois discriminatoires telles que l'article 277, afin de garantir à tous les citoyens, quels que soient leur sexe, l'égalité des droits et des chances. Les femmes sénégalaises revendiquent le droit de prendre des décisions pour leurs enfants indépendamment des caprices du père. Cet effort collectif souligne la nécessité absolue de faire évoluer le code de la famille pour l'aligner sur les normes contemporaines en matière d'égalité des sexes.
Une nouvelle vision des droits parentaux au Sénégal
La campagne pour le partage de l'autorité parentale est plus qu'une simple bataille juridique ; c'est un mouvement vers une société plus juste et plus équitable. Il s'agit de faire en sorte que les femmes et les enfants du Sénégal puissent vivre dans la dignité, la sécurité et l'égalité. Le plaidoyer et l'activisme continus de l’AJS et d'autres organisations offrent l'espoir que les structures juridiques patriarcales peuvent être transformées, ouvrant la voie à un avenir plus équitable pour tous les Sénégalais. En révisant le code de la famille et en reconnaissant les rôles égaux des mères et des pères dans l'éducation de leurs enfants, le Sénégal peut faire un pas important vers l'égalité des sexes.
Par Ibou FALL
MÊME PAS MAL
Quand Trump coupe les vivres de l'aide américaine, notre Premier ministre y voit une victoire du souverainisme. Sa recette de l'autonomie nationale ? Envoyer la main-d'œuvre sénégalaise en Espagne et au Qatar
Décidément, on n’a pas fini de s’ennuyer avec les porteurs du «Projet». D’abord, au chapitre du carnet rose, la bonne nouvelle que le Sénégal attend depuis soixante-cinq ans : enfin, le Palais présidentiel accueille un nourrisson dont les cris ramèneront un peu d’humanité derrière les tentures solennelles du pied-à-terre de l’Avenue Senghor.
Son actuel locataire, qui a désormais mieux à faire que de nettoyer les avenues repoussantes, vient de poser son balai en mettant fin à la campagne de propreté lancée dès le début de son mandat.
La République peut au moins se rassurer : les couacs au sommet de l’Etat sont repoussés aux calendes grecques… Le président de la République, dans sa suprême sagesse et un surcroît de reconnaissance éperdue envers son ex-mentor devenu son employé, aurait fait de la mère du Premier ministre la marraine de sa fille.
Sortez les mouchoirs…
Quant à ceux qui se féliciteraient d’avance d’une guéguerre sans merci entre les deux palais de la République, j’imagine d’ici leur déception… C’est dans ce genre de conflit sous les lambris de la République, que l’économie de la zizanie bat des records de prospérité.
Imaginez un peu, avec les «fonds politiques» des deux camps, les fortunes qui passent sous le nez des charlatans, intrigants, conseillers occultes et médiateurs en tous genres… Les missions grassement payées dans les recoins du pays, où la civilisation n’ose toujours pas s’aventurer et où règne la fruste superstition, les troupeaux de bêtes à cornes à immoler, les bassines de bouillie de mil, les tonneaux de lait caillé, les conteneurs de colas striées…
Rien que le budget de la bataille mystique pourrait forcer les Douanes et les Impôts à réviser à la hausse les objectifs pour 2025. On n’en arrivera pas à ces extrémités : une nouvelle naissance vient de sauver le pays.
Passons aux nouvelles qui fâchent : Farba Ngom, le tonitruant «griot de Macky Sall», est dans le viseur des nouveaux maîtres du pays. Il serait trop riche pour être honnête manifestement. On aurait pisté pas moins de cent vingt-cinq milliards de nos misérables Cfa qui auraient transité par chez lui. Problème : on ne sait pas encore d’où ça vient, ni où ça va, encore moins à quoi ça a servi. Mais les «indices concordants» suffisent largement pour lever son immunité parlementaire et le conduire à l’abattoir…
Il sera toujours temps, en cas d’erreur judiciaire, d’exprimer des regrets sincères, faire voter des amnisties et prêcher le pardon dans les cœurs musulmans.
Farba Ngom ne risque pas de s’ennuyer sur la paille humide de son cachot : Amadou Ba, l’ancien prof de Sonko, devenu par la suite ministre des Finances, des Affaires étrangères, Premier ministre et présidentiable, risque de l’y rejoindre incessamment, en compagnie de Birima Mangara, qui fut dans une autre vie, ministre du Budget.
Ce qu’on leur reproche ?
Apparemment, pour Amadou Ba, s’il n’a pas eu la mauvaise idée de coller des mauvaises notes à son ancien étudiant de l’Ena, le délit pourrait être constitué par une peau trop lisse et une silhouette un peu grassouillette dans un pays où majoritairement ça crève la dalle. C’est éminemment suspect…
On ne peut en dire autant de Birima Mangara, mais ça ne doit pas être loin de sa bonne mine qui afficherait un air trop rassasié pour être irréprochable.
En attendant que Sa Bonhomie Macky Sall, en villégiature prolongée au Maroc, auquel l’on tente de coller désespérément près de quatre-vingts homicides, ait la bonne idée de ramener sa frimousse épanouie pour prendre le pouls de l’électorat. C’est à la coupée de l’avion que des policiers harnachés le cueilleraient pour le conduire vers une destination inconnue.
Les icônes du régime sanguinaire précédent n’y retrouveront pas le sourcilleux Moustapha Diakhaté qui vient de purger sa peine et se remet aussitôt au taquet : moins d’une semaine après son élargissement, il est face à la presse pour remettre ça…
Tout ça ne ressuscitera pas l’ancien ministre des Finances, Amadou Moustapha Bâ, mort dans des circonstances que ses proches n’ont pas envie d’évoquer. Les chiffres «falsifiés» de notre économie, selon l’actuel Premier ministre, n’y seraient pas étrangers. Ben, ceux de l’Agence nationale des statistiques, s’ils étaient sortis plus tôt, auraient épargné à notre pays bien des émotions inutiles.
Le pire est que ça ne fait même plus mal.
De l’autre côté de l’Atlantique, c’est devenu «la loi à l’ouest du Pecos». Donald Trump, qui ne semble pas blaguer avec l’argent du contribuable américain, décide donc de suspendre l’aide au développement quelque temps. Il va prendre le temps de farfouiller dans la comptabilité de la négraille, tout comme dans leurs certificats de bonne vie et mœurs. Il annonce déjà la couleur à propos de nos voisins de l’Aes : il ne fréquente pas des «voyous» qui ont braqué des républiques comme on braquerait une banque dans le Far-West.
Grand bien lui fasse !
Notre «meilleur Premier ministre de tous les temps» qui prêche le souverainisme, applaudit pratiquement des deux mains à cette mesure qui confirme ce qu’il nous répète depuis dix ans : il ne faut compter que sur nos propres forces. La preuve, son gouvernement exporte les muscles locaux en Espagne et au Qatar…
C’est dans ce même esprit qu’il prend sur lui il y a quelque temps, de porter la réplique à Emmanuel Macron, le président français, sur la question du retrait des troupes françaises du Sénégal. C’est vrai, il empiète sur les domaines réservés du président de la République, la diplomatie et les questions militaires. Mais puisque le président est un taiseux qui ne sort que rarement de sa réserve, et que tout le monde prie pour que le gros calibre qui nous sert de chef de la diplomatie l’ouvre le moins possible, notre omniprésent Premier ministre prend sur lui pour aller au charbon. Son sens patriotique du sacrifice est touchant.
Et puis, comme le disent les 54 % des électeurs, «Diomaye môy Sonko»…
DAKAR CÉLÈBRE FANON EN DÉCEMBRE PROCHAIN
Durant trois jours (du 18 et 20), les plus grands spécialistes de la pensée fanonienne se pencheront sur ses contributions à la philosophie, à la psychiatrie et aux luttes politiques, Musée des Civilisations noires
(SenePlus) - Le Musée des Civilisations noires organisera un colloque international majeur dédié à Frantz Fanon les 18 et 20 décembre 2025, selon un communiqué de presse publié le 5 février par son directeur général.
Intitulé "Fanon et l'Afrique", cet événement scientifique vient clôturer le cycle de manifestations internationales commémorant le centenaire de cette figure emblématique de la pensée anticoloniale du XXe siècle.
Organisé en partenariat avec la Fondation Frantz Fanon, ce colloque réunira la communauté universitaire et les milieux militants pour explorer l'héritage intellectuel de Fanon, dont les idées ont profondément marqué les luttes politiques ainsi que plusieurs champs académiques, notamment la philosophie, la psychiatrie et la pensée décoloniale.
Cette rencontre internationale s'annonce comme un moment fort de réflexion sur l'œuvre et la pensée de cet intellectuel majeur du XXe siècle.
PAR Djibril Ndiogou Mbaye
SORRY DONALD, ON NE VOUS LAISSERA PAS DÉPORTER LE PEUPLE DE PALESTINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le monde n’est pas le dernier niveau de la Trump tower. Le souverainisme à outrance n’est pas la panacéee, c’est de l’intégrisme appliquée à la gestion de l’État. Il vous laisse à l’entrée du concert des nations « civilisées »
Le président américain, vient d’annoncer vouloir faire de Gaza « la Côte d’Azur du moyen Orient ». Depuis quelques semaines, le président américain nouvellement élu, son slogan « America first » en fusil d’épaule, son hyperactivité et son arrogance économique en bandoulière, avec une tête grosse comme ça, et avant même sa prestation de serment, a commencé à tirer sur tout ce qui bougeait et même ce qui ne bougeait pas .
Trump-tout-puissant se prend pour le « deus ex machina* » à l’échelle planétaire, capable de gouverner le monde, d’influer sur la destinée de tous les peuples, d’éteindre tous les foyers de conflits, quoi qu’il en coûte.
Gesticulant à tout-va, il veut le Canada comme 51e État, annexer le Groenland et le canal de Panama, agresser économiquement ses partenaires commerciaux les plus importants, avant d’annoncer se concerter avec le roi Abdallah II de Jordanie et le général Al Sissi d’Égypte dans le but de déporter sur leur territoire la population de Gaza. En terme plus simple, il veut déporter la civilisation multi-séculaire palestinienne dans des camps de fortune. Des camps qui rappellent d’autres camps où furent déportés et concentrés les ancêtres de leurs bourreaux actuels et dont nous condamnons l’ignominie encore aujourd’hui. Mais cette fois-ci, il serait inadmissible de laisser l’histoire bégayer. Monsieur Trump ignore que tout n’est pas à vendre et que le monde n’est pas le dernier niveau de la « Trump tower ».
Il est notoire que Trump et ses électeurs n’ont que faire du reste du monde et de leur culture. Aussi, sont-ils imperméables à l’histoire, l’identité culturelle, le lien entre la nation palestinienne et le territoire sur lequel elle vit depuis des siècles, avant même l’existence des États-Unis d’Amérique.
Ils ne comprennent pas que la dignité, la fierté de ce peuple qui préfère rester sur la terre de ses aïeux que les bombes ont presque totalement détruite, est hors du commerce juridique. Gaza ne sera jamais « la Côte d’Azur du moyen Orient », comme vient de le suggérer M. Trump !
Ce peuple meurtri, quotidiennement torturé, qui vient de perdre plus de 45 000 de ses enfants non-combattants, illustres innocents, qui n’ont comme seul tort que d’être nés sur un lopin de terre, objet de la convoitise de son voisin. Son voisin Israël dont le peuple fut autrefois recherché, déporté et massacré dans des camps de concentration comme Auchswitz. Israël qui est aujourd’hui sujet à une amnésie sélective mais qui semble avoir bien assimilé le chant et la danse lugubre de son bourreau.
Décidément, le ridicule ne tue pas celui qui veut rajouter de la détresse à la détresse d’un peuple déjà à genoux. Quelqu’un devrait-il faire un dessin à Trump afin qu’il comprenne qu’il fonce tout droit sur le mur du crime contre l’humanité ?
Ce qu’il vient de déclarer sur la déportation de la population pour faire de Gaza une station balnéaire n’est rien d’autre qu’une apologie d’un crime.
Car au delà d’autres droits inaliénables comme le droit des peuples a l’autodétermination, ou à disposer d’eux-mêmes, le droit international et les conventions dont certains ont été inspirés par le massacre injuste et révoltant des juifs, condamnent sans équivoque ce que préconise Monsieur Trump.
En effet, « la déportation de population ou d’individus est interdite quel qu’en soit le motif par la quatrième Convention de Genève (art. 49 et règle 130 de l’étude sur les règles du DIH coutumier publiée par le CICR en 2005).
• La puissance occupante ne pourra pas procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans les territoires occupés par elle.
• Ces pratiques constituent des crimes de guerre (GIV art. 147). Elles participent aussi de crimes tels que la purification ethnique ou le génocide.
• La déportation et le transfert sont également qualifiés de crime de guerre et de crime contre l’humanité par le statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome en juillet 1998 (art. 8.2.a.vii , 8.2.b.viii , et art. 7.1.d). Le transfert par la puissance occupante de sa propre population civile dans le territoire occupé est aussi considéré comme un crime de guerre (art. 8.2.b.viii). Les auteurs de ces crimes peuvent donc être jugés, sous certaines conditions par la Cour pénale internationale.
Il faut dire que même B. Netanyahu, malgré son impertinence légendaire a toujours pris la précaution de ne déplacer les populations palestiniennes qu’à l’intérieur de leur propre territoire, même si c’est à chaque fois pour permettre à Tsahal de procéder à sa basse besogne sur des civils innocents restés sur place.
Donald candidat ne craignait déjà pas la justice des États-Unis. Il a pourtant été définitivement condamné par cette même justice à payer 5 millions de dollars (4,8 millions d’euros) à une autrice qu’il avait agressée sexuellement dans les années 1990.
Donald devenu président ne craint pas la Cour pénale internationale. Il se croit au-dessus de la justice internationale, n’écoute personne, mais personne n’est dupe. C’est un stratège politique qui applique une ruse déjà décodée.
Les politiques sont comme des joueurs de poker, ils usent et abusent de l’art du bluff pour déstabiliser et décontenancer leurs adversaires.
Personne ne le laissera déporter « le petit million et demi » de palestiniens dont il parle. D’ailleurs à ce propos, il n’a pas les bons chiffres car il faut dégrever les dizaines de milliers de morts depuis le 7 octobre, à cette population palestinienne qui diminue progressivement au fil des raids de son « coalisé ».
Si Trump prônait la déportation de la population israélienne, le monde se serait dressé contre lui de la même vigueur.
"L'héritage dont je serai le plus fier sera celui d'avoir été un faiseur de paix et un rassembleur", a promis ce lundi 20 janvier Donald Trump, investi 47e président américain, dans son discours d'investiture.
Si pour l’Ukraine, le président Donald Trump préconise des négociations avec la Russie, même sans le président Zelinski (ce qui est injuste), pour Gaza, il prétend vouloir user de la force en déplaçant les populations.
Mais peut-on vraiment construire une paix juste et durable par la guerre l’oppression ou l’injustice ? La réponse est évidemment non !
C’est la raison pour laquelle, il faut cesser de le prendre par les sentiments en lui faisant miroiter le Nobel de la paix. Cette distinction doit se mériter. Déjà que l’erreur avait été faite en le décernant à Barack Obama par anticipation, sans que le compte y soit à l’arrivée. Il n’est pas question de récidiver en violant une fois de plus, avec un autre président américain, les principes fondateurs, de ce prestigieux prix, si chers à Alfred Nobel.
Trump a le choix entre une reconnaissance américano-américaine et le Nobel avec une entrée mémorable dans la grande Histoire de l’humanité toute entière, en réalisant les conditions de sont succès : réussir « l’exploit » de faire accepter à son poulain sioniste les trames d’une solution à deux États, seule solution acceptable et viable et dans la foulée la reconnaissance de l’Etat de Palestine.
Le président Trump gagnerait à profiter des trois ans et 11 mois qui lui restent pour redorer son blason et celui de son pays et se faire une stature de grand homme d’État à l’international, en plongeant dans les flots de l’Hudson, la flamme de l’injustice qu’il a remplacé avec la belle flamme de l’indépendance et de la liberté, que la miss liberty brandit, à l’embouchure de ce fleuve, depuis 1876 , le centenaire de l’indépendance des USA .
La statue de la Liberté est empreinte de symbolisme. Offerte par la France son nom initial était « La liberté éclairant le monde ». La torche qu'elle tient dans la main droite représente la lumière de la liberté qui, malheureusement n’a jamais éclairé la Palestine. Elle s’est arrêtée juste à sa frontière avec Israel. Quel dommage.
Ces symboles devraient inspirer le locataire de la Maison Blanche en lui rappelant ce qui fait la grandeur de l’Amerique. Une Amérique qui n’est pas reconnue par ses pairs n’est pas une grande Amérique. Seule la reconnaissance consacre la grandeur.
On ne respectera les USA que par son comportement de modèle, de référence. Or une référence doit être juste et ce que le monde entend en ce moment, par la voix de son premier représentant, n’est pas juste.
Personne ne laissera le président Trump déporter les palestiniens.
Il est heureux de constater le refus, même timide de la Jordanie et de l’Égypte et le front que semble enfin constituer le monde arabe, avec cette fois si une intransigeance affichée par l’Arabie Saoudite, le géant de la région. Ce monde arabe si puissant lorsqu’il est uni, qu’il aurait pu imposer un Etat palestinien depuis longtemps.
La France vient également de condamner ce projet funeste de déportation qui prône la négation du peuple et de la souveraineté palestinienne et aussi l’incontournable solution à deux États.
Mais la paix n’arrange pas tout le monde et parfois, même pas ceux qui prétendent travailler exclusivement pour sa réalisation.
« America first » ? Ok ! Car le souverainisme est dans l’air du temps. Mais le souverainisme à outrance n’est pas la panacéee, car c’est de l’intégrisme appliquée à la gestion de l’État.
Le souverainisme avec arrogance et mépris ne paie pas non plus, il vous laisse à l’entrée du concert des nations « civilisées », au ban de la société économique. Si Monsieur Donald Trump, pense tenir entre ses mains le destin du peuple palestinien et d’un monde qui existe depuis cinq milliards d’années sans lui, il se trompe. Aujourd’hui, il ne maîtrise que son propre destin et celui des USA et encore …
La meilleure façon de régler le conflit, d’assurer la sécurité d’Israël, est moins la déportation des Palestiniens que l’émergence d’un État palestinien voisin et frère d’un État légitime d’Israël. C’est bien le moment car le Hamas est fatigué et ses chefs exterminés, Israël est épuisé et ses opérations militaires inefficaces. Tuer n’est pas une solution.
MACRON ET L'AFRIQUE, L'ILLUSION D'UN RENOUVEAU
Décisions unilatérales, communication perçue comme arrogante, absence de concertation... Malgré sa volonté de séduire la jeunesse africaine, le président français n'a fait qu'accélérer le déclin de son pays sur le continent, d'après un nouveau rapport
(SenePlus) - Un rapport sénatorial adopté le mercredi 29 janvier par la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées dresse un constat sans concession de la politique africaine d'Emmanuel Macron. Selon les informations obtenues par La Croix, trois sénateurs - Ronan Le Gleut (LR), Marie-Arlette Carlotti (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) et François Bonneau (Union Centriste) - mettent en lumière l'échec manifeste de la stratégie de rénovation des relations franco-africaines initiée depuis 2017.
Paradoxalement, Emmanuel Macron semblait disposer d'atouts considérables pour renouveler cette relation. Premier président né après la décolonisation, il bénéficiait initialement d'une image favorable sur le continent. Pourtant, sept ans plus tard, le bilan s'avère désastreux, avec un recul spectaculaire de l'influence française en Afrique.
Le rapport pointe notamment les revers diplomatiques récents au Sénégal et au Tchad, où les forces françaises, présentes depuis des décennies, ont été sommées de partir. Ces échecs s'ajoutent au retrait forcé du Sahel, après l'échec de l'opération Barkhane qui, malgré son coût élevé, n'a pas su contenir l'expansion djihadiste. Comme le soulignent les sénateurs : "Finalement, rien ne s'est passé comme prévu."
Les auteurs critiquent particulièrement la méthode employée : "Cette déflation anticipée semble avoir été décidée dans un premier temps sans concertation avec les pays concernés, à qui il était affirmé en même temps, de manière contradictoire, que la France répondrait désormais mieux à leurs demandes en matière de coopération militaire." Le rapport va plus loin en dénonçant "plusieurs décisions et déclarations officielles considérées comme arrogantes et condescendantes envers les dirigeants ou les peuples africains."
Malgré les efforts présidentiels pour séduire la jeunesse africaine et diversifier les partenariats vers les pays non francophones, les résultats tardent à se manifester. Les sénateurs mettent en garde contre l'illusion d'un "nouvel eldorado" hors de l'espace francophone traditionnel, soulignant les niveaux préoccupants de corruption et d'endettement dans ces pays.
Le rapport identifie également un décalage générationnel crucial : "La dégradation de l'image de la France en Afrique traduit avant tout un éloignement par rapport aux sociétés civiles et aux populations : le tournant générationnel n'a pas été suffisamment perçu par notre pays, qui a continué à s'adresser principalement à des élites aujourd'hui très minoritaires ou écartées du pouvoir."
Pour redresser la situation, les sénateurs formulent plusieurs recommandations concrètes, notamment le renforcement de la diplomatie française face à la prééminence de l'Élysée et du ministère des Armées, ainsi qu'un assouplissement de la politique des visas, qualifiée d'"irritant majeur."
Le rapport conclut sur un défi majeur : la montée en puissance sur le continent de "valeurs se voulant opposées à celles de l'Occident (patriarcat, valeurs viriles, autoritarisme)." Face à ce constat, les auteurs plaident pour une approche renouvelée : plus cohérente, moins arrogante, et plus proche des sociétés civiles africaines en mutation.
L'ODYSSÉE NOIRE DE JOSEPH GAÏ RAMAKA
Son court-métrage "Wamè", tourné en noir et blanc, fait résonner les corps et les voix pour raconter l'indicible. Un voyage intense où la danse et le chant deviennent les vecteurs d'une histoire universelle
(SenePlus) - Dans un entretien accordé à RFI, le réalisateur Joseph Gaï Ramaka, Lion d'argent à la Mostra de Venise 1997, dévoile les contours de son nouveau court-métrage « Wamè », présenté au Festival de Clermont-Ferrand. Une œuvre en noir et blanc qui plonge dans les profondeurs de la mémoire collective africaine, entre tragédie et espoir.
Le titre du film, comme l'explique le cinéaste de 72 ans, puise ses racines dans la culture des Lébous, peuple de pêcheurs sénégalais : « Wamè est la force qui donne sa force à la tempête, ce qui fait mouvoir et bouleverser l'océan, ce qui provoque les grandes tempêtes », confie-t-il à RFI.
Le réalisateur construit son récit comme une véritable odyssée africaine, partant de la plage symbolique de Gorée. Les premières images sont saisissantes : des hommes au sol, torses nus, ramant jusqu'à l'épuisement, incarnent cette mémoire douloureuse. « Ces hommes-là sont le travail que je tente de faire sur les mémoires. Elles viennent du profond de l'océan, comme le wamè », explique Ramaka.
L'inspiration du film trouve son origine dans un classique du cinéma : « Cette histoire est née dans les cales d'un bateau, en 1914, dans les cales de E la nave va de Fellini », révèle le réalisateur. Un point de départ qui résonne tragiquement avec l'actualité : « Paradoxalement, les choses n'ont pas tellement changé. Aujourd'hui encore, des hommes meurent en mer, très souvent pas très loin des côtes. »
Le film traverse le temps et l'espace, évoquant aussi bien la Côte d'Ivoire et la Libye contemporaines que le massacre des tirailleurs de Thiaroye en 1944. Les témoignages rapportés sont bruts, sans artifices : « Ce ne sont pas des histoires que j'ai inventées. Ce sont des choses qui se sont réellement passées. Je n'ai pas changé un mot », insiste le cinéaste.
Pour porter cette histoire, Ramaka a fait appel au chanteur Mamadou Goo Ba, figure du Front culturel sénégalais. Le réalisateur voit dans la culture une force salvatrice : « Nous sommes convaincus que si l'humanité a des chances d'être sauvée, ça sera grâce à la culture partagée », conclut-il dans son entretien avec RFI.
À travers le chant et la danse, véritables « cris du corps » selon les mots du réalisateur, « Wamè » transcende le simple récit pour devenir une œuvre universelle sur la mémoire, l'espoir et la nécessité de la paix.
CRISE MAJEURE À L'USAID
Les chefs de la sécurité ont été écartés après leur confrontation avec l'équipe d'Elon Musk, dans une purge touchant des centaines d'employés. Cette agence aux 38 milliards de budget consacré à l'aide internationale risque maintenant la dissolution
(SenePlus) - L'Agence américaine pour le développement international (USAID) traverse la plus grave crise de son histoire. Les chefs de la sécurité ont été écartés après leur confrontation avec l'équipe du milliardaire proche du nouveau président américain Elon Musk, dans une purge touchant des centaines d'employés. Cette agence aux 38 milliards de budget risque maintenant la dissolution pure et simple.
Le site internet de l'USAID s'est brutalement éteint samedi après-midi, alors qu'une version réduite de ses activités apparaissait sur le site du Département d'État, signalant une possible absorption de l'agence. Selon le New York Times, les signes physiques de l'USAID ont commencé à être retirés de son siège à Washington, tandis que des rumeurs circulent sur le rappel des directeurs de mission à travers le monde.
Deux employés du siège, s'exprimant sous couvert d'anonymat en raison d'une directive interdisant toute discussion sur les changements en cours, décrivent un climat de "peur et de chaos". La moitié du personnel aurait été éliminée en une semaine. Plus inquiétant encore, trois autres employés ont signalé l'installation présumée d'un programme d'intelligence artificielle nommé Gemini sur leurs comptes de messagerie.
Pete Marocco, un responsable du Département d'État ayant occupé plusieurs postes sous la première administration Trump, semble orchestrer ce démantèlement de l'USAID. Il apparaît comme une figure centrale dans la confrontation avec les responsables de la sécurité et dans les efforts de l'équipe Musk pour accéder aux documents classifiés.
Le sénateur Chris Coons, démocrate du Delaware et membre des commissions sénatoriales des relations étrangères et des crédits, s'alarme : "Tous les signaux, de la mise en congé administratif des hauts responsables à l'ordre de silence imposé au personnel, suggèrent davantage les prémices d'une fermeture qu'une simple restructuration."
Créée en 1961, l'USAID est l'agence gouvernementale principale pour l'aide humanitaire et l'assistance au développement. Bien que recevant ses orientations de politique étrangère du Département d'État, elle a toujours fonctionné de manière autonome. Les législateurs démocrates soulignent que sa fermeture unilatérale serait illégale, l'agence ayant été créée par le Congrès et recevant des crédits spécifiques.
Les conséquences géopolitiques d'un tel démantèlement inquiètent. La sénatrice Amy Klobuchar avertit : "Éliminer l'USAID - qui prévient les famines, combat l'extrémisme et crée des marchés pour les exportations américaines - rendrait le monde plus dangereux pour les Américains et serait un cadeau à la Chine et à la Russie."
Cette crise survient alors que l'administration Trump a déjà ordonné en janvier le gel de presque tous les programmes d'aide étrangère, n'accordant qu'une dérogation limitée pour l'aide humanitaire vitale. Le président Trump n'a jamais caché son mépris pour l'ampleur de l'aide étrangère américaine, arguant que l'envoi de dollars des contribuables à l'étranger va à l'encontre de son agenda "America First".
L'avenir de millions de bénéficiaires de l'aide américaine reste désormais en suspens, tandis que le Congrès, qui finance l'agence jusqu'au 14 mars, se prépare à une possible bataille constitutionnelle sur le sort de cette institution cruciale pour l'aide internationale.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
LANDING SAVANE OU LA POÉSIE EN LETTRES RÉVOLUTIONNAIRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Ces mots sont puissants des souffrances traversées, forgés de dignité humaine. Ainsi l’homme peut « renaître » sans être affaibli par son histoire mais armé de « feu du soleil »
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
C’est à un beau voyage que nous convie Landing Savané.
Si l’on s’en tient à la prose poétique, ce sont les vents qui ont semé les graines « ébènes » de la terre africaine de par le monde. Mais l’histoire du peuple noir, et Landing Savané nous le rappelle avec justesse et avec grandeur, a été arrachée, déchirée, écartelée par l’esclavage et soumise au colonialisme. Traversant l’Atlantique, les enfants africains ont échoué aux Caraïbes, en Amérique, tels des oiseaux morts, espèce décimée par le pouvoir occidental.
Pourtant, la poésie de Landing Savané n’est pas tournée vers elle-même, elle est ouverte sur les terres, les océans, sur l’humanité et sur l’espoir à reconquérir.
Les mots de Landing Savané ne sont pas des gémissements, ils sont puissants des souffrances traversées, forgés de dignité humaine. Ainsi l’homme peut « renaître » sans être affaibli par son histoire mais armé de « feu du soleil ».
Premier hommage que le poète rend à l’astre flamboyant comme à un être vivant, « le nègre est homme de feu ». Il rappelle sa vitalité, « le feu follet de nos nuits indigènes », ses ténèbres aussi :
« Par le feu et le sang
L’homme réduit par l’homme
En bête de somme servile »
Mais il n’oublie pas son rôle de combattant pour aller vers la lumière.
« Par le feu et le sang
La justice et la vérité
Rétablies »
La volonté de Landing Savané parcourt le recueil comme
« Les rafales de vent
Claquent, claquent à l’infini, claquent… »
Hommage aux grands hommes de l’Afrique, Cheikh Anta Diop « Pharaon du savoir », Patrice Lumumba, « Rawlings le pionner », « Sankara le rebelle », Steve Bantu Biko « L’homme du renouveau noir », Mangaliso Sobukwe « L’homme de la rupture radicale » et encore :
« Mandela, le plus illustre
Mais aussi d’autres symboles vivants
Nkosi, et Masemola
Et le vieux Mothopeng »
Tendre réminiscence pour les peuples et ses courageux combattants :
« Hier aujourd’hui et demain
Le peuple créole d’Amilcar
Magnifique de courage
Domestiquant la nature » Cabo Verde
« Guevara abattu
Au cœur des montagnes
Judas-Pinochet
Crucifiant Allende » Latinos
Landing Savané, panafricain engagé, est encore et surtout un poète qui célèbre le courage, la lutte « des militants du refus » et « des passions écartelées ».
« Guevara et Allende
Héritiers de Sandino
Ressuscités sous nos yeux
Dans l’air frémissant
Le chant poignant
Des fusillés
Le verbe tranchant
Et la foi triomphante
Des fils du soleil » Latinos
La force poétique vient de cette alliance universelle qui réconcilie combat, rupture, délivrance, dignité, puissance et espérances. C’est une poésie du renouveau, avec le tissage coloré d’un passé historique réhabilité, le métissage indispensable d’une inspiration ancestrale tournée vers la modernité, celle de la réconciliation des peuples africains redevenus confiants.
En intellectuel et militant, Landing Savané précise dans son avant-propos que « le rêve d’une Afrique terre de liberté et d’opportunités pour ses enfants » fera du continent africain, le continent du 21ème siècle. C’est la force de cette conviction qu’il place ici en poésie avec une grande harmonie esthétique.
Puis, tel un enfant du pays, il célèbre la terre ancestrale :
« Terre africaine
Berceau de l’homme
Terre des pharaons
Et des grands empires »
En homme conscient de l’importance de la mémoire et de la vérité, il dialogue avec l’Afrique, « mère nourricière », telle un être vivant :
« Je te salue Afrique
Pour tes miracles
Inscrits en lettres d’ébène
Sur tous les continents »
En créateur, il chante la solitude « du lutteur dans l’arène », « du penseur rebelle », « du chercheur hérétique ».
Landing Savané est un poète, un « Homme dans l’Univers », aux côtés des condamnés, des martyrs, des sages, des faibles.
« Je chante la solitude
Prélude aux communions
Restituant à l’homme
Dignité et puissance »
Enfin, il nous entraîne vers les lumières, les ombres de la ville de Ndar au Sénégal :
« Citadelle séculaire
De Mame Coumba Bang
Ville fantôme
A l’ombre du Delta
Ndar-Guedj, Ndar-Ndar
Les eaux glauques
Et la ville de sable
Bercent ta silhouette alanguie »
Ainsi, la poésie de Landing Savané est mémoire, elle est savoir et elle traverse notre siècle, avec sa seule force ensoleillée. Elle vise toujours juste avec une esthétique sobre mais profonde, comme un souffle de nos paroles africaines qui repoussent toutes les appartenances et toutes les frontières. La poésie de Landing Savané est aussi une ode à la liberté et aux combats que les hommes ont livrés pour conduire l’avenir vers l’insoumission. Afin de repousser les soubresauts, les chaos perpétrés par les hommes, on recompose encore et encore car l’histoire est un sable mouvant qu’il faut toujours rebattre pour voir poindre de nouvelles aurores. Cette histoire est ainsi magnifiée par la poésie intense de Landing Savané tandis que notre récit trouve sa place dans la chronologie de l’Humanité.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Errances et Espérances, Landing Savané, éditions Panafrika / Silex / Nouvelles du Sud, Dakar, 2006
Thom Hartmann démonte les rouages d'une machination qui a vidé la classe moyenne américaine de sa substance. De la peur du communisme à l'émergence du trumpisme, il révèle comment les ultra-riches ont méthodiquement démantelé l'État social américain
(SenePlus) - Dans une analyse publiée dans le Hartmann Report, le journaliste Thom Hartmann dévoile les mécanismes d'une vaste entreprise de déstabilisation démocratique orchestrée par l'élite conservatrice américaine depuis les années 1960, dont les répercussions façonnent encore aujourd'hui le paysage politique des États-Unis.
L'histoire commence en 1964, lorsque le livre de John Stormer "None Dare Call It Treason" enflamme les cercles républicains avec ses théories sur une prétendue infiltration communiste du Département d'État. Mais les racines idéologiques remontent plus loin encore, jusqu'à Russell Kirk, théoricien conservateur qui, dès 1951, développait dans "The Conservative Mind" une vision alarmiste de l'ascension de la classe moyenne.
Kirk, s'inspirant du penseur Edmund Burke, considérait qu'une société sans hiérarchies strictes était vouée au chaos. Comme le rapporte Hartmann, Kirk prédisait que si "les étudiants, les femmes, la classe ouvrière et les personnes de couleur" accédaient au même niveau de pouvoir que les hommes blancs fortunés, une révolution communiste deviendrait inévitable.
Cette vision marginale a gagné en influence dans les années 1960, période de profonds bouleversements sociaux. "Les jeunes brûlaient leurs cartes de conscription, les femmes brûlaient leurs soutiens-gorge, Martin Luther King Jr. menait un mouvement pour la justice raciale", écrit Hartmann, décrivant une époque où les mouvements progressistes semblaient confirmer les pires craintes des conservateurs.
La réponse politique est venue avec Ronald Reagan, dont la présidence a marqué un tournant décisif. Selon Hartmann, "le but explicite des hommes blancs richissimes finançant la soi-disant Révolution Reagan était d'affaiblir la classe moyenne pour mettre fin aux protestations des années 60 et 70, restaurer la 'stabilité sociale' et augmenter la rentabilité des entreprises."
Le programme reaganien s'est traduit par une offensive systématique contre les acquis sociaux : guerre contre les syndicats, fin de la gratuité universitaire, durcissement pénal ciblé. Les conséquences ont été dévastatrices : "Sans la destruction des syndicats par Reagan, le revenu médian américain aujourd'hui dépasserait largement les 100 000 dollars par an", souligne Hartmann.
La stratégie s'est appuyée sur une rhétorique anti-communiste sophistiquée, incarnée par la célèbre formule de Reagan : "Les neuf mots les plus effrayants en anglais sont : 'Je viens du gouvernement et je suis là pour aider'". Cette approche a conduit à un transfert massif de richesses, que Hartmann chiffre à "plus de 50 000 milliards de dollars des travailleurs vers les coffres des ultra-riches".
L'influence de cette idéologie perdure aujourd'hui à travers un vaste réseau de think tanks et de médias conservateurs, financés par les milliardaires républicains suivant les recommandations du mémo Powell de 1971. Cette machine de propagande a si bien fonctionné que même le président démocrate Bill Clinton en est venu à déclarer : "L'ère du grand gouvernement est terminée."
Pour Hartmann, l'émergence du trumpisme représente l'aboutissement logique de cette longue entreprise de sape démocratique. Ironie de l'histoire, c'est précisément le type de menace autoritaire que Stormer dénonçait en 1964 qui se matérialise aujourd'hui, non pas sous la forme d'une infiltration communiste, mais d'une dérive fasciste orchestrée par les héritiers politiques de ceux qui prétendaient défendre la démocratie.