SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
20 avril 2025
Diaspora
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
DIOMAYE FACE À LA DEMANDE DE RÉPARATIONS DE L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les initiatives du mouvement pour les 'réparations' de 1991 à 2009 peuvent inspirer la résolution que l'UA devrait adopter pour le compte de l’Afrique-monde. Il s’agit d’une occasion historique pour le président sénégalais
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 14/02/2025
La 38ème session ordinaire de l'Assemblée de l'UA (session des chefs d'État et de gouvernement) se tiendra à Addis Abeba du 15 au 16 février. L’ordre du jour comprend le lancement officiel du thème de l'année 2025 : "Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine par le biais des réparations".
C’est une nouvelle occasion pour l’Union Africaine d’interpeller les pays européens et américains qui ont colonisé l’Afrique, l’ont exploité et ont esclavagisé ses populations pendant plusieurs siècles, se rendant ainsi coupables de crimes contre l’humanité et de génocides, de procéder à des réparations à son égard comme ils l’ont fait à l’endroit du peuple juif.
Bien que l'ordre du jour de cette session comprenne de nombreux sujets brulants, l’avancée de l'agenda 1963, le renforcement de la zone de libre-échange, l’accélération du développement économique et les guerres en RDC et au Soudan, il est impératif que la question des réparations soit discutée par les chefs d’Etat et qu’un plan d’action soit établi.
L’urgence de la question
Cette question vient en effet à son heure avec la montée du racisme contre les Africains dans le monde entier, l’adoption de politiques anti-immigration en Europe et aux Etats-Unis et la fin de l’aide au développement annoncée par le nouveau gouvernement américain de M. Trump.
Il y a en même temps la résurgence de la question et l’extraordinaire mobilisation de la communauté noire africaine-américaine et des mouvements progressistes à l’intérieur des Etats-Unis et des communautés afrodescendantes à travers le monde entier.
Dans ce contexte, l’Union Africaine doit adopter sur cette question une résolution forte, non pas au nom de ses seuls 55 Etats membres mais au nom et pour le compte de « l’Afrique-monde » (Global Africa), selon le concept du panafricaniste tanzanien Ali Mazrui, c’est-à-dire de l’Afrique continentale et de toutes ses diasporas, aussi bien celles issues de la traite négrière que celles crées par les mouvements de migrations hors du continent survenues pendant la période coloniale puis néocoloniale .
Cette résolution sera ensuite présentée aux Nations Unies à l’adresse non des seuls Etats-Unis, mais de l’ensemble des États européens. Elle devra prendre en compte la longue histoire du mouvement de réparations et la dépasser.
Une brève histoire du mouvement de la réparation pour l’esclavage, le colonialisme et le néocolonialisme
L’idée de réparations à l’endroit des Africains-Américains et autres Afrodescendants et des Etats africains pour l’esclavage, la colonisation et le néocolonialisme est en effet ancienne et instructive. Elle a été formulée aux Etats-Unis dès le lendemain de la proclamation de l’Emancipation des esclaves en 1863, avec l’engagement du gouvernement américain d’alors, jamais réalisée, de concéder à chaque famille d’esclave libre « 40 acres de terre et une mule ».
En Afrique, elle n’a été mise sur la table de l’Organisation de l’Unité Africaine (O.U.A) qu’en 1991 quand elle a fait l’objet de la « résolution 1339 », approuvée par le Conseil des ministres tenue du 27 mai au 1 juin 1991.
Puis à l’issue d’une réunion tenue à Abuja le 28 juin 1992, l’OUA a mis en place un « groupe d’éminentes personnalités » présidée par le milliardaire et homme politique nigérian chief M.K.O Abiola avec pour mission de mettre en œuvre le projet de réparations convenu.
Notons que le groupe d’éminentes personnalités comprenait l’historien nigerian J.F.Ade Ajayi, le Professeur Samir Amin, le Congresman Africain-américain Ron Dellums, le Professeur Joseph Ki-Zerbo, Graca Machel, Miriam Makeba, le Professeur Ali Mazrui, l’ancien président du Cap-Vert Aristide Perreira, Amadou Mactar Mbow, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Ghana sous Kwame Nkrumah, Alex Quaison Sackey et le diplomate jamaicain Dudley Thompson.
C’est à initiative de ce groupe que se tint la première conférence panafricaine sur les « dédommagements pour les descendant-e-s des victimes de la mise en esclavage des Africains, la colonisation et le néocolonialisme », organisée du 27 au 29 avril 1993 à Abuja au Nigeria.
La Déclaration de cette conférence indiquait que les pays qui se sont livrés à l’esclavage puis au colonialisme et au néocolonialisme avaient contracté une « dette morale » et une « dette à payer ». Elle demandait aussi le retour des « effets volés, biens culturels et autres trésors pillés ».
Elle indiquait que les réparations pouvaient prendre la forme de « transferts financiers » et d’annulations de dettes et devaient attribuer à l’Afrique une meilleure représentation dans les organes de décision des organisations internationales en particulier un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Mais la « première conférence panafricaine » eut finalement peu de résultats. Et ce n’est qu’en 1999 que la demande de « réparations » de l’Afrique et des diasporas africaines pour l’esclavage, le colonialisme et le néocolonialisme fut relancée par la Conférence de la Commission Vérité (Truth Commission Conference) qui s’est réunie à Accra, avec des délégués de neuf États africains, des Etats-Unis, des Antilles et de la Grande Bretagne.
Cet argument et ce montant seront repris par Mouammar Qadhafi en sa qualité de président de l’Union Africaine le 23 septembre 2009 à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Il demande alors que la colonisation soit déclarée crime contre l’humanité.
Auparavant, la « Conférence mondiale contre le racisme » organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud, 31 Aout au 7 septembre 2001), a abordé la question des « réparations » mais n’a pu adopter de résolution contraignante du fait de l’opposition de certains Etats dont le Sénégal, par la voix de son président Abdoulaye Wade. Mais la Conférence a tout de même reconnu aux peuples africains et afro descendants « le droit de réclamer des réparations ».
Reprendre le mouvement et aller plus loin
Les différentes initiatives que le mouvement en faveur des « réparations » qui ont été mises en œuvre de 1991 à 2009 sont riches d’enseignements pour fonder la résolution forte que la présente session de l’UA devrait adopter pour le compte de l’Afrique-monde.
L’Union Africaine sur la base d’une telle résolution pertinente pourrait ensuite mettre en place un nouveau « groupe d’éminentes personnalités » qui à l’image de celui de 1992 intégrerait des représentants patentés de la Diaspora africaine américaine et un plus grand nombre encore de représentants des autres diasporas notamment des Antilles « françaises » et « britanniques », d’Amérique du Sud, et de toutes les communautés Afropeans.
La mission de ce groupe sera d’organiser une seconde conférence panafricaine sur les « dédommagements pour les descendant-e-s des victimes de la mise en esclavage des Africains, la colonisation et le néocolonialisme » afin de formuler un texte pour le compte de l’Union Africaine qui l’adoptera formellement avant de le présenter aux Nations Unies.
Ce texte fera référence à la loi française du 21 mai 2001 de la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité dite loi Taubira, défendue alors par Christiane Taubira députée française de Guyane.
Le texte s’appuiera sur les conclusions et recommandations de la première conférence, sur les observations de la Truth Commission d’Accra, sur les arguments présentés par le président Mouamar Kadhafi à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations Unies le 23 septembre 2009 ainsi que sur la reconnaissance de la « Conférence mondiale contre le racisme » de l’ONU de Durban du « droit des peuples de « réclamer des réparations ».
De même que les réparations allemandes à l’Etat d’Israël pour la Seconde Guerre mondiale ont été garanties par la communauté internationale (en fait les vainqueurs de la deuxième guerre mondiale : les USA, la Grande Bretagne, l’Union Soviétique et la France), de même les Nations Unies devront garantir les réparations pour les peuples africains et afrodescendants qui auront été adoptées.
Outre la compensation morale que les réparations apporteront aux milliards d’Africains et d’Afrodescendants à travers le monde, ces réparations se traduiront sous forme d’investissements déterminants en Afrique et dans les différentes communautés africaines à travers le monde.
On voit dès lors comment les réparations pourraient impulser le développement de l’Afrique.
Mais est-il possible d’obtenir effectivement cette « réparation » ? Cela ne se fera assurément pas sans une lutte politique déterminée. Tout dépendra d’abord de la détermination des chefs d’État africains à mener le combat au niveau des Nations Unies à travers l’Union Africaine. Ils doivent se convaincre que c’est là, le seul combat qui vaille et que l’annulation de la dette et la mise en place d’un Plan Marshall pour l’Afrique ne sont que des leurres.
Ils savent en outre, au moins depuis que Donald Trump a été réélu à la présidence des Etats-Unis, que l’aide publique au développement est condamnée à très court terme.
Le rôle historique du président Bassirou Diomaye Faye
Fort du prestige que lui a conféré le combat victorieux du Pastef pour la conquête de la souveraineté du Sénégal, pour le panafricanisme et pour la restitution de la mémoire historique des Africains, Bassirou Diomaye Faye est légitime pour s’ériger en leader du combat pour la « réparation ».
Il s’agit d’une occasion historique pour lui de se signaler à l’attention de l’Afrique et du monde et de mettre à jour l’héritage des leaders historiques du panafricanisme.
VIDEO
LA GRANDE RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES
"Chaque franc dépensé devra être justifié". Le gouvernement a dévoilé ce jeudi, un plan de transformation radicale de sa gouvernance financière, allant de la digitalisation au contrôle renforcé, en passant par la responsabilisation individuelle
(SenePlus) - Suite à la publication d'un rapport critique de la Cour des comptes sur la gestion de la dette et du déficit budgétaire pendant la présidence de Macky Sall (2019-2024), le ministre des Finances sénégalais Cheikh Diba a présenté ce jeudi 13 février 2025 un vaste programme de réformes visant à redresser la gouvernance financière du pays.
Dans une déclaration qui marque un tournant dans la gestion des finances publiques sénégalaises, le ministre a dévoilé un plan structuré autour de trois axes majeurs, témoignant d'une volonté de transformation profonde du système.
Le premier axe concerne le renforcement du contrôle budgétaire et la modernisation des processus. "Cette modernisation permettra d'améliorer la qualité et la fiabilité des données financières, de faciliter leur accessibilité et d'assurer la sincérité des comptes publics", a souligné le ministre Diba. Une innovation majeure sera l'introduction d'un système d'information intégré pour la gestion des finances publiques, accompagné par la nomination d'un agent comptable dédié au suivi des projets financés sur ressources extérieures.
Le deuxième volet de la réforme s'attaque à la gestion de la dette publique, un point particulièrement sensible relevé dans le rapport de la Cour des comptes. "Le retour à l'orthodoxie en matière de gestion de la dette par une centralisation des fonctions de négociation, d'utilisation et de gestion de la dette publique" constituera le pilier de cette transformation, selon les termes du ministre. Cette centralisation vise à résoudre les problèmes liés à la dispersion actuelle des compétences dans l'administration de la dette.
Le troisième axe met l'accent sur la transparence et l'efficacité. Une innovation significative sera "l'instauration d'une déclaration de responsabilité personnelle de tous les agents impliqués dans la production de l'information financière", a précisé le ministre.
Dans un discours empreint de gravité, le ministre Diba a insisté sur l'importance historique de ces réformes : "Il ne s'agit pas d'un simple exercice de constatation, mais du début d'une transformation profonde et irréversible de la gouvernance financière au Sénégal". Il a notamment souligné que "chaque franc dépensé doit désormais être justifié" et que "chaque engagement budgétaire doit être optimisé".
"Nous devons cette rigueur aux Sénégalais. Nous devons cette transparence à nos partenaires. Nous devons cette exemplarité à l'histoire", a-t-il conclu.
LE MALAISE CHEIKH DIBA
Son silence prolongé sur l'audit des finances publiques, alors même qu'il en a été l'interlocuteur principal auprès de la Cour des comptes, soulève des interrogations. Le ministère des Finances voit son pouvoir décisionnel se réduire
Le ministre des finances et du Budget a été le principal interlocuteur de l’équipe de la mission d’audit de la Cour des comptes sur les finances publiques sur la gestion 2019-2024. Malgré les révélations du Premier ministre, Cheikh Diba s’est jusque-là gardé de commenter en tout cas publiquement la gestion du régime précédent avec qui il a collaboré.
Silence radio! Jamais un ministre des Finances au Sénégal n’a été en retrait sur un dossier qui concerne les finances publiques. Malgré cette polémique qui tient le Sénégal en haleine depuis le 26 septembre 2024 avec l’annonce du Premier ministre qui, lors d’une conférence du Gouvernement, avait révélé des « maquillages de chiffres » par le pouvoir sortant, Cheikh Diba a brillé par son silence. Il s’est jusque-là gardé d’évoquer le sujet. En tout cas, pas en public. Pourtant le Sénégal l’attendait sur l’état des lieux des finances publiques commandité par le régime en place qui venait juste d’égrener 5 mois au pouvoir. Car, il a eu à occuper sous le régime de Macky Sall, l’influente direction de la Programmation budgétaire au ministère des Finances. Mais, en lieu et place de l’argentier de l’Etat, c’est le chef du gouvernement qui s’y est collé. Cheikh Diba n’était même pas à la table du gouvernement qui se livrait, selon les termes du Premier ministre, à un exercice de vérité. Ousmane Sonko était accompagné de « l’alter égo » du ministre des Finances et du Budget en l’occurrence le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr.
Ousmane Sonko était aussi entouré des ministres de la Justice et de l’Enseignement supérieur. Cette absence qui ne cesse de soulever de questions traduit-elle un malaise ? La prééminence du ministère des Finances au sein du gouvernement semble se rétrécir de plus en plus. En effet, le Premier ministre l’a dépouillé d’une de ses missions. Ousmane Sonko a décidé de centraliser toutes les dépenses d’investissements. Désormais, toutes les dépenses de l’Etat doivent être validées par le locataire du petit Palais.
Vers un isolement progressif de Cheikh Diba
Toujours est qu’il a été le principal interlocuteur de la Cour des comptes pour l’élaboration de l’audit. D’ailleurs, c’est Cheikh Diba, par ses services, qui a préparé le rapport qui a été envoyé, le 18 septembre 2024, à la Cour pour certification. C’est pourquoi, après la publication du rapport d’audit, le ministre des Finances et du Budget sera encore attendu. Va-t-il briser le silence aujourd’hui lors de la conférence de presse annoncée par le gouvernement ?
En tout cas, cité par le chroniqueur de Walfadjri, Pape Sané dans un scandale portant sur 8 milliards de Fcfa, il a, devant l’Assemblée nationale, tenue une sortie qui s’apparente à des adieux. En tout cas, en attendant qu’il soit blanchi par la Justice, les révélations portées contre lui jurent d'avec les principes sur lesquels le régime en place s’est engagé. D’ailleurs, lors d’une sortie, quelques jours après son installation, le chef de l’Etat avait appelé les membres du Gouvernement à « être irréprochables ».
« Si l’un d’entre nous, en toute responsabilité et en toute connaissance de cause, décide, dans l’intimité de son bureau, de transgresser, il ne peut entraîner personne dans une solidarité gouvernementale. Ce n’est pas notre rôle et nous devons tous le comprendre. Ce sont des choix et ils doivent être assumés par leurs auteurs», avait fait valoir le Président Bassirou Diomaye Faye. En tout état de cause, le ministre des Finance semble être à l'étroit dans ce gouvernement où il est plus perçu comme un résidus de l'ancien régime.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
CHEIKH ANTA DIOP, UN BATISSEUR
EXCLUSIF SENEPLUS - La constitution d’un État africain continental permettra de mettre à terre la mascarade des indépendances. C’est une proposition concrète pour faire de l’Afrique le continent majeur du 21ème siècle
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 13/02/2025
Un État fédéral, un des leviers de la renaissance africaine
Les travaux de recherche de Cheikh Anta Diop présentent toujours une réflexion d’une étonnante actualité pour notre monde contemporain. L’unité africaine reste au cœur de nos interrogations pour bâtir l’épanouissement de notre continent.
Dès 1952, Cheikh Anta Diop posait la question de la création d’un État fédéral d’Afrique noire qu’il associait étroitement au panafricanisme dans une démarche scientifique, politique, historique et culturelle.
Compte tenu des enjeux planétaires et en nous appuyant sur les écrits et la pensée de Cheikh Anta Diop, nous exposerons les raisons de bâtir un État fédéral d’Afrique noire constituant ainsi un des axes de la renaissance africaine.
Pour cela, il est important dans un premier temps de dresser un schéma historique de la formation du monde noir pour ensuite décliner les ressources stratégiques et politiques du continent africain.
Origine et histoire du monde noir
L’expérience scientifique a démontré que l’Afrique est le berceau de l’humanité et que les peuples africains, partis de la région des grands lacs, se sont glissés dans le bassin du Nil. « Aux temps proto-historiques, ils créèrent la civilisation soudanaise nilotique et la civilisation égyptienne. »
Ainsi, les peuples africains ne sont pas issus d’autres peuples mais représentent bien la première civilisation du monde. La puissance des empires d’Afrique est à cette époque éclatante, l’opulence des cités commerçantes révèle un luxe incroyable. Les habitants étaient des « africains authentiques noirs » et la culture négro-africaine a rayonné dans le monde avec une vitalité insufflant des visions religieuses et philosophiques issues de l’Égypte pharaonique.
L’éclatement de ces empires s’opère d’abord au 16ème siècle par l’arrivée des Portugais puis au 19ème siècle avec l’occupation de l’Afrique par l’Europe entière.
Il est aujourd’hui possible, par les travaux des chercheurs, de relire l’histoire de l’Afrique, d’exhumer l’organisation sociale, administrative, judiciaire, les conditions d’enseignement, la technologie, les mœurs, les coutumes pour restaurer la conscience historique.
L’unité de l’histoire ainsi reconstituée peut mener le peuple africain à une unité géographique, économique, philosophique, sociale et culturelle.
L’unité linguistique
Un autre aspect important à souligner est l’unité que représentent les langues africaines par leur système linguistique.
Au moment des grands empires, les langues africaines constituaient le corpus d’échange de l’administration au commerce, l’arabe étant, même après l’islamisation, une langue religieuse et intellectuelle. Avec l’arrivée de l’Europe au 19ème siècle, les langues africaines ont été marginalisées.
Pour parvenir à construire un État fédéral africain, sur la base d’une unité historique, économique et géographique, il faudra reconstituer notre unité linguistique, en faisant le choix de langues africaines appropriées tournées vers la modernité et les piliers de notre culture.
Prenons l’exemple du Sénégal, nous avons pu démontrer la parenté qui existe entre le wolof, le sérère, le peulh et le diola. L’étude des lois linguistiques démontre que l’unité est plus récurrente que les particularismes de chaque langue. Cela repousse tout micro-nationalisme et rassemble au lieu de diviser.
Un autre argument qui a son importance, et les dirigeants doivent s’en préoccuper de manière urgente, la majorité des populations ne maîtrisent pas les langues européennes, considérées comme les langues officielles des États. Ainsi, les populations sont injustement marginalisées sur les questionnements d’ordre institutionnel, politique et démocratique. C’est en cela qu’il est urgent de faire émerger les langues nationales.
Le moment venu et une fois fait le choix d’une langue africaine adaptée, celle-ci devra être enseignée dans le secondaire, dans le supérieur, les manuels rédigés dans cette même langue, devenant ainsi un support fondamental de notre culture moderne.
Pour parvenir à cette unité linguistique, les chercheurs africains, appuyés par les États et leurs dirigeants, doivent mener des activités de recherche efficientes, refusant la facilité intellectuelle et œuvrer pour la renaissance culturelle et linguistique du continent noir.
Unité politique et fédéralisme
Pour en finir avec les micros-États dictatoriaux, éphémères, affaiblis par les intérêts personnels des dirigeants, le continent africain doit entamer « son destin fédéral ». Construire des liens fédéraux, c’est abandonner les liens artificiels des anciennes colonies. Le cas de l’Afrique de l’Ouest représente un potentiel économique majeur, supérieur à la France et à l’Angleterre réunies. Proposons une voie concrète pour mener à une fédération des États africains en réponse à la souveraineté locale qui est une constitution déséquilibrée issue de la colonisation.
Choisir une gouvernance fédérale permettrait de sauvegarder les intérêts particuliers des régions et l’unité africaine.
Bien que l’Occident dise le contraire, l’Afrique est un continent de vide démographique. Le continent doit se repeupler car il possède des sources d’énergie naturelles, des matières premières et des vivres suffisants pour nourrir et entretenir sa population.
Pour délimiter les frontières de cet État fédéral noir, on peut naturellement s’inspirer des frontières historiques des anciens empires africains et en particulier de la situation géostratégique de l’Afrique de l’Ouest.
La nouvelle stratégie
La constitution d’un État africain continental moderne permettra de mettre à terre la mascarade des indépendances qui n’a créé que de la division entre les régions.
Les responsables politiques et les intellectuels doivent être en mesure de dégager des perspectives pour l’Afrique et ce de manière désintéressée et sincère. Être honnête intellectuellement, moralement et animé d’un idéal dégagé de sa propre réussite sont les conditions nécessaires à la réalisation d’un État fédéral d’Afrique noire.
Bicaméralisme
S’appuyant sur notre histoire et celle de l’Égypte pharaonique en particulier, il faut redonner à la femme « une place de choix » et l’associer à la direction des affaires sociales et politiques. Restaurer le bicaméralisme ancestral sur une base moderne, c’est redonner à notre patrimoine culturel un mode efficace de l’élément féminin au service des nations.
Les sources d’énergie
Celles-ci sont nombreuses et présentes un peu partout sur le continent. S’appuyant à la fois sur les mines naturelles et les technologies, elles placent l’Afrique noire au centre énergétique du monde : l’énergie hydraulique, l’énergie solaire, l’énergie atomique avec la présence de gisements importants d’uranium, l’énergie éolienne et l’énergie marémotrice.
Telles sont les ressources énergétiques de l’Afrique noire. Leur utilisation par les africains eux-mêmes et en transformant les matières premières que possède le continent, « permettrait de faire de l’Afrique noire un paradis terrestre. »
La concentration des sources d’énergie permet de dégager huit zones naturelles à vocation industrielle : le Congo, le Gabon, le Nigeria et le Cameroun, le Ghana et la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia, la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), le Soudan nilotique, les Grands lacs, l’Éthiopie, le bassin du Zambèze et l’Afrique du sud
Pour mener à bien l’exploitation de ces ressources et les échanges intercontinentaux, il est également capital de construire et de développer des axes de communication solides (routes, réseaux autoroutiers, voies de chemin de fer, liaisons aériennes, équipements importants pour les transports maritimes : cargos, pétroliers, bananiers).
Un dernier point essentiel pour la renaissance du continent est la formation exigeante des cadres techniques. Il est indispensable de placer les cadres africains dans des conditions de réussite et de responsabilités. De même qu’il faut s’attacher à l’entretien durable de nos constructions et de nos infrastructures, dans un environnement dynamique de développement et d’investissements fiables.
Nous appuyant sur les données historiques, sociales, culturelles et politiques du continent, il est important de comprendre que cette construction du développement continental doit être envisagée dans un esprit d’unité fédérale des États. Les avancées momentanées des micros-États ne constituent pas une force suffisante face aux enjeux stratégiques, économiques et politiques mondiaux.
Cette analyse de la situation du continent africain représente le cœur du développement pour une meilleure connaissance de notre patrimoine, de nos ressources, de nos potentiels, pour le moment toujours assiégés par les puissances occidentales.
Ce n’est pas une utopie de croire à la construction d’un État fédéral d’Afrique noire dans le cadre de la renaissance africaine, c’est une proposition concrète pour faire de l’Afrique le continent majeur du 21ème siècle.
Bibliographie :
Diop, Cheikh Anta, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, éditions Présence Africaine, Paris, 1974 (réédition).
par Abdoulaye Sène
LA PÊCHE ARTISANALE FACE AU MIRAGE PÉTROLIER SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - GTA-Ahmeyim et Sangomar caractérisés par des études d'impact lacunaires. L’exploitation des hydrocarbures, présentée comme levier de croissance, reste une chimère pour les communautés locales, sans garanties pour la pêche
Pêche artisanale en mer, pétrole et gaz offshore au Sénégal : illusions et perspectives de développement
L’Afrique de l’Ouest est favorisée par des conditions climatiques et écologiques exceptionnelles dotée de zones marines et côtières les plus poissonneuses du monde. Les eaux maritimes y ont une grande productivité biologique du fait de phénomènes de remontée des eaux profondes riches en nutriments à la base de la chaîne alimentaire marine. L’abondance de ressources halieutiques est ainsi une des caractéristiques majeures de la région.
L’espace couvert par les sept (7) États membres de la Commission sous-régionale des pêches[1] (CSRP) est de 1,6 millions de km2 et le littoral s’étend sur près de 3500 kms. La population totale de ces États avoisine 32 millions d’habitants dont 70% vivent près de la côte. La pêche dans ces pays est un secteur de la plus grande importance, en constituant le quart de l’activité économique. Elle pourvoit à la création d’emplois, à l’alimentation et aux exportations des pays de la sous- région.
Selon l'ONU et la FAO, la plupart des grandes ressources halieutiques sont déjà largement surexploitées. Les spécialistes prédisent, qu’au rythme actuel, il n’y aura plus de poisson dans le monde en 2048. Il faut exercer la pleine souveraineté et prendre des initiatives hardies au niveau des Etats de la sous-région et dans les organisations régionales de gestion des pêches.
La situation de la pêche maritime artisanale
Un ensemble de pratiques de pêche remettent en cause la survie de la pêche maritime artisanale : chalutage, pêche des petits poissons pélagiques (pêche minotière), pêche INN et la surexploitation des ressources halieutiques démersales et hauturières.
Le poisson au Sénégal constitue plus de 70 % des apports en protéines animales. Cependant, la pêche artisanale, qui joue un rôle crucial dans la sécurité alimentaire du pays, est menacée par de multiples facteurs : les ressources sont mises à mal par la prolifération des pirogues, l’augmentation de l’effort de pêche et l’insuffisance des moyens de contrôle de l’État notamment l’installation croissante d’usines de fabrication de farines et d’huiles de poisson. Ce contexte met en péril les moyens de subsistance des communautés côtières. De Saint-Louis à Kafountine, en passant par Dakar et Kayar. De ce fait, les communautés locales se mobilisent.
A la faveur de l’industrie gazière et pétrolière, les pêcheurs artisanaux réclament l’érection d’une zone tampon transfrontalière avec la Mauritanie. Si les pêcheurs artisanaux à Sangomar et Jatara font des incursions dans les zones des plateformes pétrolière et gazière, ce n’est pas pour pêcher des petits poissons pélagiques.
La pêche INN
La pêche sénégalaise voit ses ressources halieutiques s’épuiser rapidement. Cette raréfaction s’explique par plusieurs facteurs : l’augmentation de la demande mondiale de poisson, des accords de pêche avec des pays tiers, une surexploitation et une pêche non réglementée (INN).
La pêche est en crise depuis 1990 dans la sous-région en raison de la surpêche, une exploitation abusive par les pêcheurs artisans, les pêcheurs industriels mais surtout la présence très inquiétante de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (Pêche INN). « En Afrique de l’Ouest, la pratique de la pêche INN est désastreuse et destructive pour l’économie maritime et l’écosystème de la région. Il faut le voir pour le croire. Les bateaux restent en mer durant des années et ne vont jamais dans les ports de la sous-région. Ils effectuent des transbordements illégaux de leur pêche à d’autres bateaux, bénéficient de l’avitaillement et des rotations d’équipages en mer. (Tafsir Malick NDIAYE, 2010) ».
La pêche INN est très organisée et ne respecte aucune législation des Etats côtiers. Les bateaux pirates développent impunément leurs activités, ils échappent toujours au contrôle. Les Etats n’ont pas les moyens d’asseoir une véritable police des pêches et que les eaux sous leur juridiction ne sont pas surveillées.
« Les chalutiers attrapent tous les poissons disponibles sans considération d’espèces protégées ou de normes de sécurité. Ils détruisent les filets des pêcheurs artisans locaux, cassent leurs pirogues et mettent leur vie en danger. Ils détiennent des filets lourds qui vont draguer l’océan détruisant l’habitat marin mais surtout les nurseries pour les juvéniles ; ce qui empêche les poissons de se reproduire. (T. M. Ndiaye, 2010) »
En matière de la loi sénégalaise, les ressources halieutiques des eaux sous juridiction constituent un patrimoine national. Le droit de pêche dans les eaux maritimes sous juridiction sénégalaise appartient à l’Etat qui peut en autoriser l’exercice par des personnes physiques ou morales de nationalité sénégalaise ou étrangère. La gestion des ressources halieutiques est une prérogative de l’Etat.
L’obligation de débarquement s’avère être une arme redoutable dans la lutte contre la pêche illicite.
L’aquaculture et les usines de farine de poisson
Les petits poissons pélagiques qui constituent l’essentiel de l’alimentation des Sénégalais, sont massivement transformés en farine de poisson, ce qui aggrave la surexploitation des ressources. En effet, entre 3 et 5 kg de poisson produisent 1 kg de farine de poisson. Ainsi, les ressources halieutiques, au lieu d’être destinées à l’alimentation humaine locale, partent vers les élevages de poissons carnivores et d’autres animaux comme les volailles ou les porcs dans des fermes d’élevage à l’étranger. Il y a un véritable boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale (Chine, Norvège et Turquie), qui entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.
L'aquaculture constitue une réponse aux besoins croissants de poisson et à la surpêche. En 2022, 94,4 millions de tonnes de poissons et animaux de mer sont issus de l'aquaculture, un chiffre en augmentation régulière alors que les chiffres de la pêche de capture restent globalement stables autour de 92 millions de tonnes. Les trois principaux exportateurs sont la Chine continentale (12 %), la Norvège (8 %) et le Vietnam (6 %)22.
L'aquaculture reste dépendante de la pêche dans la mesure où 11 % de la masse des poissons sauvages pêchés dans le monde servent de nourriture aux poissons d'élevage.
L'aquaculture est présentée comme une réponse aux besoins croissants de poisson et pour mettre fin à la surpêche. Le boom de l’aquaculture à l’échelle mondiale, notamment en Chine, en Norvège et en Turquie, entraîne une demande accrue de farines de poisson, issues principalement de petits poissons pélagiques comme les sardinelles.
En augmentation constante depuis le début des années 2000, la production aquacole a dépassé la production halieutique pour la première fois en 2022, représentant près de 51 % de la production totale de produits de la mer, selon les chiffres de l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) figurant dans le rapport sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (2024).
La part de l'aquaculture dans la production totale d'animaux aquatiques a augmenté de 4% en 1970 à 51% en 2022. L'Asie concentre 70% de la production en 2016. Un peu plus de la moitié (57,7 %) des fermes sont en eau douce et élèvent des carpes et des tilapias. L’aquaculture fait aussi de l’élevage marin (saumon, thon, daurade, mollusques et crevettes) et la production de plantes aquatiques.
L'aquaculture, qui est préconisée par l’industrie et les pouvoirs publics, est une solution illusoire et une fausse promesse. D’abord, elle a besoin des ressources halieutiques comme aliment pour nourrir sa production, ensuite son coût économique, social et environnemental n’est pas viable pour se substituer à la pêche maritime artisanale. C’est une illusion de voir l’aquaculture nourrir les populations sénégalaises. C’est seulement un complément à la pêche maritime artisanale devant la surpêche et la surexploitation des ressources halieutiques. C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.
Les qualités nutritionnelles du poisson d'élevage sont parfois inférieures à celles du poisson sauvage, comme c'est le cas du saumon d'élevage, qui contient souvent moins d'oméga-3 que le saumon sauvage.
L'aquaculture a contribué au développement ou à la circulation de maladies qui sont redoutées des aquaculteurs en raison des pertes qu'elles peuvent occasionner.
La pêche minotière
Il faut signaler la présence de la pêche minotière dans nos côtes ; la pêche minotière est une pêche industrielle et artisanale intensive destinée à alimenter les filières industrielles par des petits poissons pélagiques (alevins et juvéniles) de faible valeur commerciale, que l'on transformera en farines et huiles de poisson principalement pour l'aquaculture. La pêche minotière se pratique avec des filets à petites mailles qui capturent de grandes quantités de poissons, principalement de petits pélagiques ; elle n'est pas sélective. Sa zone de prédilection est le Chili, Pérou, Chine, Japon, États-Unis, Danemark. Elle compense l'effondrement des stocks de poissons sauvages d'intérêt commercial.
La pêche minotière, par opposition à la pêche alimentaire, est spécialisée dans la capture d’espèces transformées en farines, en huiles par les usines de réduction. On l’appelle aussi « pêche à finalité industrielle » (Carré, 2006). Elle est pratiquée artisanalement sous la forme de « pêche migrante » entre le Sénégal et la Mauritanie.
Cette « pêche migrante » est le fait de la pêche minotière artisanale et industrielle que les accords de pêche bilatérale entre le Sénégal et ses voisins favorisent. Après le chalutage qui a dévasté les habitats et les fonds marins, c’est autour de la demande minotière de ravager les petits poissons pélagiques. Ces espèces sont capturées par la senne tournante de la pêche migrante et de la pêche industrielle étrangère.
Il faut arriver à la réduction drastique de l’effort de pêche des sennes tournantes ; il faut réviser les accords de pêche Mauritanie-Sénégal jusqu’alors réservés exclusivement aux sennes tournantes.
Quant au Sénégal, les captures des petits pélagiques fluctuent selon les années et avoisinent les 300 000 tonnes en moyenne sur la période 2009 – 2018 avec une tendance linéaire à la hausse. La production la plus faible a été enregistrée en 2010 avec 266 900 tonnes alors que la plus élevée fut en 2016 avec 339 900 tonnes.
« Les gouvernements mauritanien, sénégalais et gambien doivent soutenir l’élimination de la capture de poissons sauvages à des fins d’alimentation aquacole et animale. Toute aquaculture dépendante de poisson sauvage ne devrait plus recevoir aucune subvention ou autre mesure de soutien gouvernementale » CCFD, Terre solidaire, 2024.
Les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire et mettent en danger la pêche maritime artisanale (pêcheurs, transformateurs-trices, mareyeurs). Elles sont une cinquantaine en Mauritanie et moins d’une dizaine au Sénégal.
La pêche minotière est une forme d’activité qui contribue au phénomène de surpêche. La lutte contre la surpêche et la pêche illicite vont à l’encontre du développement de l’aquaculture. Il faut comprendre que l’aquaculture est fortement dépendante de la surpêche, de la production de farine de poisson et de la pêche INN.
Au Sénégal, les organisations de la société civile (Adepa, Apapram, Conipas, etc.) autour de de la pêche artisanale luttent contre l'utilisation de poissons sauvages dans les chaines d'approvisionnement de l'aquaculture car les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire.
La pêche maritime artisanale est en danger face aux usines de farine de poisson mais également elle subit la menace née de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières récemment découvertes au Sénégal et en Mauritanie.
Pétrole et gaz offshore
Au moment où le monde s’éloigne d’une économie à forte intensité de carbone, l’Afrique est en passe de devenir un géant des hydrocarbures.
Les transitions vers les énergies propres progressent et la structure de l’économie chinoise évolue, la croissance de la demande mondiale de pétrole ralentit.
C’est dans cette écorégion ouest-africaine que sont concentrées les flottilles de pêche industrielle qui défient au quotidien la pêche artisanale jusque dans ses derniers retranchements. Avec la poursuite de l’exploitation pétro-gazière, la survie de la pêche artisanale se pose à terme et les conflits iront crescendo. Il est inacceptable que la pêche artisanale soit délogée de nos mers puisque des communautés entières en vivent.
Depuis 2001, pratiquement toutes les zones côtières et marines, y compris des zones primordiales de biodiversité, des zones de pêche clés et des sites de tourisme importants ont été divisés en blocs ouverts aux activités d’exploration pétrolières et gazières.
La découverte au Sénégal du gisement pétrolier de Sangomar (ex SNE) en 2014 puis celui du gaz naturel de Grand Tortue/Ahmeyin (GTA) en 2016 suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir certes, mais mérite d’attirer une attention particulière quant à sa mise en valeur.
Si les développements de Sangomar (pétrole) et de GTA-Ahmeyim (gaz) se poursuivent, les communautés locales et nationales ne recevront probablement pas les avantages économiques promis, mais devront subir les dommages environnementaux et économiques. L’exploitation des hydrocarbures, prétendument source de croissance et de développement pour les nations, ne sont que de fausses promesses d’amélioration économique pour les communautés locales et nationales si on ne tient pas compte des conditions d’exercice des activités de la pêche. Les communautés locales font beaucoup de sacrifices pour recevoir le développement pétro-gazier et doivent également faire face à la réparation des dommages causés aux écosystèmes et aux populations. Le développement pétrolier/gazier proposé ne produira pas les avantages économiques promis si nous n’exerçons pas la plénitude de notre souveraineté énergétique et maritime.
Le pétrole de Sangomar
Le pétrole de Sangomar est exploité dans une région maritime qui présente les caractéristiques suivantes: (i) la zone est écologiquement sensible du fait des caractéristiques de ses écosystèmes très riches en biodiversité ; (ii) la dépendance socioéconomique des populations par rapport au milieu naturel est très forte et (iii) les populations sont très inquiètes de l’exploitation pétrolière et gazière au vu de ses potentielles répercussions sur le milieu marin et les écosystèmes du delta de Saloum qui sont déjà très éprouvés du fait du changement climatique et de la pression anthropique. Zone érigée en site Ramsar, le delta du Saloum est une nurserie de classe exceptionnelle ; sa préservation est de mise.
C’est un projet national qui a un impact transfrontalier avec la Gambie et dont les répercussions s’étendent jusqu’en Guinée Bissau.
L’exploitation pétrolière en cours va naturellement avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement et qui sont de nature à menacer la cohésion et la stabilité sociale des communautés du delta du Saloum et au-delà.
De surcroît, le delta du Saloum subissait déjà une dégradation sensible, liée aux actions de l’homme, qui impactent la mangrove, la pêche et leurs activités connexes, ressenties par les communautés locales.
L’exploitation pétrolière est source de dégradation des écosystèmes du delta du Saloum. Elle entraîne aussi la détérioration de l’environnement marin par les pollutions dues au trafic des navires, des rejets d’hydrocarbure etc., qui impliquent la baisse de la production halieutique. Les conséquences seront constatées non seulement sur les activités socio-économiques et les activités connexes mais également sur la dégradation de la santé des populations et la valeur monétaire de perte de la biodiversité et des habitats naturels.
L’exploitation du champ Sangomar offshore se fait à près de 90 km des côtes sénégalaises. Cette localisation du site dans la zone économique exclusive du Sénégal peut amener à présager que l’impact le plus probable s’avère être une pollution localisée en haute mer, suite à un déversement de pétrole en tête de puits. En réalité, une opération de production pétrolière implique un processus long et complexe susceptible de générer de la pollution à chaque étape.
C’est le trafic maritime qui est la principale cause de pollution liée au pétrole au niveau mondial (413.100 tonnes). La deuxième source la plus polluante est constituée des activités terrestres (140.000 tonnes) et c'est la production offshore qui représente la plus petite source de pollution.
L’exploitation des hydrocarbures comporte des risques sécuritaires énormes et une série de coûts sociaux et environnementaux présents et futurs, directs et indirects, qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent. Le risque le plus redouté dans l’industrie pétrolière est la marée noire du fait de son ampleur et de ses conséquences socio-économiques et environnementales.
En cas de pollution suite à un incident ou accident d’exploitation, les écosystèmes aquatiques et terrestres pourraient être affectés, ce qui causerait des dommages sur les espèces. Les coûts liés aux marées noires pourraient être bien pires que les attentes actuelles et les messages de l’industrie. L’émission des gaz à effet de serre, méthane (gaz très dangereux) et gaz carbonique, peut survenir à tout moment (éruption de puits, explosion de plateforme, déchets des eaux de production).
L'exploitation pétrolière offshore du champ de Sangomar pose un risque significatif pour la pêche artisanale.
Le gaz GTA-Ahmeyim
Projet transfrontalier, GTA-Ahmeyim se situe sur une zone de pêche Jatara ; elle est un récif corallien traditionnellement fréquenté par les pêcheurs de Saint Louis. C’est un projet d’intégration économique entre la Mauritanie et le Sénégal. Jatara fait partie d’une dizaine de sites de pêche qui a survécu à la dévastation du chalutage de fonds marins par la pêche industrielle.
Le champ gazier qui présente des réserves estimées à 450 milliards de m³ est situé dans des formations rocheuses sous le fond marin situé à 125 km des côtes et couvre une surface totale réputée égale à 9 463 km².
Elle abrite une installation flottante appelée FPSO (unité flottante de production, de stockage et de déchargement) et une plateforme à environ 35-40 km de la côte pour le prétraitement du gaz et l’élimination des liquides du gaz.
Le risque de collision entre les pirogues des pêcheurs et les navires de soutien qui sortent des zones d'exclusion de sécurité est présent en permanence. Il y a aussi l’impact qui porte sur la perte d’équipement de pêche pour les pêcheurs artisanaux et l’interférence entre les mouvements des navires avec les filets de pêche artisanale.
La superposition des zones de pêche et des sites d’exploitation gazière met en relief les menaces qui pèsent sur l’activité de pêche. Les zones de pêches sont occupées par l’industrie gazière avec l’érection d’une zone d’exclusion de 500 m de rayon. La perte des pêcheries au profit du développement des activités d’exploitation gazière accompagne les conflits d’usage de l’espace et des ressources halieutiques.
Il faut également noter le rétrécissement de la zone de pêche ; ce qui ne préserve pas l’Aire Marine Protégée (AMP) du fait des incursions fréquentes des pêcheurs.
La perturbation de l’environnement marin et côtier, l’altération des écosystèmes marins et côtiers et la perte de la biodiversité marine constituent des impacts négatifs.
Le gaz et le pétrole constituent un facteur d’insécurité maritime.
Expériences négatives d’ailleurs et faiblesses dans la gestion environnementale et sociale
La littérature foisonne d'exemples malheureux des dégâts causés par l'industrie pétro-gazière en Afrique et dans le monde développé : États-Unis, Gabon, Ouganda, Nigéria, etc. La promesse de bénéfices économiques est une fausse promesse : les arguments de l’industrie et de ses partisans que l’exploration et le développement des hydrocarbures sont porteurs d’amélioration en apportant plus d’emplois et de revenus plus élevés pour les populations, des investissements dans les soins de santé, les écoles et autres services sociaux et publics ; elle est chimérique.
Les bénéfices du développement pétrolier/gazier proposé iront aux riches (au Sénégal mais principalement dans d’autres pays), laissant les membres des communautés locales, et en particulier les pauvres, faire face aux dégâts laissés derrière eux.
La littérature mentionne que l’exploitation des hydrocarbures génère une série de coûts économiques, sociaux, environnementaux et culturels présents et futurs, directs et indirects, négatifs qui doivent être comparés aux bénéfices qu'ils apportent.
Dans la sous-région, le Nigeria, premier producteur de pétrole africain, est aussi le pire pays en termes de pollution pétrolière. La région la plus touchée est le delta du Niger.
Après plus d’une décennie de mise en valeur de Gadiaga (Forteza Corporation), le constat laisse penser que les ressources naturelles qui devaient être exploitées pour l’amélioration des conditions de vie des populations dont elles appartiennent selon la constitution du Sénégal, sont devenues source d'aggravation de leur précarité.
Les études d’impact réalisées pour GTA-Ahmeyim et Sangomar comportent des insuffisances notoires au plan de gestion environnemental et social ; il faut déplorer l’absence d’études des coûts environnementaux, sociaux, économiques et culturels dans les études de faisabilité.
Compte tenu de ces manquements, il est diligent d’empécher la poursuite de l’exploitation du pétrole sur les autres sites pressentis dans l’écorégion ouest-africaine tant que les effets environnementaux ne soient pas bien circonscrits et maitrisés dans une optique de la préservation des intérêts des communautés des pêcheurs.
Au demeurant, il n'est pas trop tard pour prendre les devants en renforçant la résilience des populations face aux effets du changement climatique et en favorisant une gestion plus durable des écosystèmes et de la biodiversité du delta du Saloum.
La demande mondiale de pétrole ralentit. La pollution climatique a des impacts négatifs partout dans le monde, en particulier dans les pays tropicaux, sur le PIB, les revenus et l’emploi. Ces impacts négatifs s’intensifient avec la poursuite des émissions de gaz à effet de serre. Quels que soient les impacts immédiats et directs du développement pétro-gazier sur les travailleurs, les entreprises et l’économie du pays, les impacts négatifs des changements climatiques les annuleront.
Le coût des énergies renouvelables, y compris l’énergie solaire, a chuté si rapidement qu’elles constituent déjà aujourd’hui la forme d’énergie la moins chère. Cette tendance ne fera que consolider la transition vers l’abandon des combustibles fossiles au cours de la prochaine décennie. Il n’existe aucun argument économique valable contre le passage rapide des combustibles fossiles polluants à des sources d’énergie plus propres.
L'exploitation pétrolière, tout en étant potentiellement lucrative, peut avoir des conséquences négatives substantielles sur l'économie locale, l'environnement, et la société. Il comporte également des risques budgétaires.
En effet, opérer une exploitation de gisements d’hydrocarbures ou d’autres ressources minérales qui soit économiquement rentable, socialement équitable et écologiquement tolérable est quasi impossible. De ce fait, les pouvoirs publics, quand ils décident de valoriser ces ressources, doivent renforcer leur vigilance dans la gestion environnementale et réviser leurs modes de gouvernance de manière à garantir aux populations une vie décente dans un environnement sain, pour éviter les tensions sociales.
Les pêcheurs artisans constituent la force des communautés côtières et l’aquaculture artisanale (même industrielle) ne saurait tenir lieu et place des pêcheurs artisans. La défense de la pêche maritime artisanale est un impératif pour sauvegarder les droits humains, sociaux et culturels, environnementaux et économiques des communautés locales et nationales. L’aquaculture une illusoire promesse de reconversion des pêcheurs artisans. Il faut doter les pêcheurs d’un armement moderne pour éviter les conflits avec l’industrie pétrolière, stopper l’émigration clandestine, la perte de la biodiversité, l’insécurité et la piraterie.
Toute catastrophe, qui découlerait de la production du gaz ou du pétrole, aura ainsi un impact transfrontalier considérable sur les écosystèmes et les communautés dans cette région. Aucune plateforme pétrolière n’est à l’abri de marée noire causant des dégâts environnementaux, économiques et sociaux considérables.
Il faut renforcer le cadre de gestion de l’exploitation pétrolière et gazière en impliquant davantage les populations et en leur tenant un langage de vérité.
C’est la pleine souveraineté sur nos mers qui peut permettre à la pêche maritime nationale (artisanale et industrielle) de remplir sa fonction d’alimentation des populations sénégalaises.
La renégociation des contrats d’hydrocarbures est souhaitable pour notre souveraineté énergétique et l’exigence d’une pêche maritime durable pour défendre les communautés côtières, les pêcheurs artisanaux et l’environnement.
El hadj Bara Deme et Pierre Failler, « La pêche migrante au Sénégal, en Mauritanie et Gambie : un mécanisme d’approvisionnement des industries de farine de poisson », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], 23-1 | Avril 2023, mis en ligne le 03 avril 2023, consulté le 31 décembre 2024.
Tafsir Malick Ndiaye (2010), la pêche illicite non déclarée et non réglementée en Afrique de l’Ouest
[1] Il s’agit du Cap Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone. La CSRP est une organisation intergouvernementale ayant pour mandat la règlementation des Pêches des États membres.
Par Aliou Gabou Cissé, Ma Serigne Dièye & El Hadji Farba Diop
HABITER ET PANSER LE SINE
Il faut s’inspirer d’un New Deal Citoyen où le Sine sera au carrefour d’initiatives audacieuses et porteuses de progrès, avec un accent mis sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ; un retour à la source par l’appropriation culturelle
Aliou Gabou Cissé, Ma Serigne Dièye & El Hadji Farba Diop |
Publication 13/02/2025
« La conscience de soi est en soi et pour soi quand et parce qu’elle est en soi ; c’est-à-dire qu’elle n’est qu’en tant qu’être reconnu. » - Hegel, Phénoménologie de l’esprit, 1941.
Le développement ne se rêve pas, il se crée ! Cette assertion devrait être inscrite au fronton de toutes les villes sénégalaises, comme pour rappeler aux citoyens, leur rôle fondamental dans le progrès du Sénégal. Cette compréhension des enjeux de l’heure conforte l’idée d’une dynamique sociopolitique qui devra être centrée sur la conscientisation, la formation, l’éducation et la résilience de la jeunesse sénégalaise.
Le véritable défi politique qui a parfois résisté à l’ambition ferme des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays, a été de résorber la lancinante question du chômage chronique des jeunes, de leur formation et de susciter l’espoir en eux. Dès lors, cette bombe sociale inquiète de plus en plus malgré les alternances consommées, s'appuyant sur les idées et réformes brandies lors les professions de foi, puis consumées, au temps des joutes électorales. La cadence des actions politiques s’est vue freinée par la célérité du progrès démographique qui place le Sénégal parmi les pays ayant une forte population juvénile avec 75% de citoyens âgés de moins de 35 ans, soit un âge médian de 19 ans. De telles statistiques peuvent être perçues autant, comme une opportunité qu’un obstacle, surtout quand on mesure la position socio-économique du pays, qui nous confine parmi les moins avancés avec des indices de développement humain encore très faibles. Ce fait a résisté aux efforts des gouvernements et à la dynamique populaire d’où les tares notées dans la territorialisation des politiques publiques qui devaient servir à polariser des actions de développement appréciables en termes d’impacts socio-économiques, de lutte contre la pauvreté endémique, d’amortissement de la régression de l’économie rurale, et enfin, d’autonomisation des secteurs porteurs de croissance.
Aujourd’hui, pratiquement toutes les villes du Sénégal en pâtissent et tentent de subsister face à la ségrégation spatiale qui privilégie la région de Dakar au détriment de l’interland sénégalais. Ainsi, des zones comme Fatick, longtemps soumis à une léthargie soutenue sur tous les plans malgré le choix populaire fait en 2012, sur l’un de ses illustres fils, Macky Sall, ancien Premier ministre, devenu président de la République du Sénégal. Cette haute distinction n’a pas servi à assouvir la soif d’espérance nourrie par les fatickois en voyant leur édile porté au pinacle de la gouvernance suprême de la République.
Dès lors, après 12 ans de magistère, à la chute de l’ancien régime du fils du terroir, on assiste à une grande désillusion. Celle d’une ville toujours en manque d’infrastructures aux normes, d’une économie chancelante, d’une municipalité aux moyens résolument limités et symptomatique d’un déficit de schéma de gouvernance efficace. S’y ajoutent à cela, les relents de la pression sociale que subit la jeunesse locale, souvent en proie aux débits de boissons alcoolisées florissants, à la drogue circulante, aux infections sexuellement transmissibles (IST) drainées par la prostitution déguisée, et à l’insécurité grandissante. Tout récemment, un rapport du ministère de l’Éducation nationale fait état de plusieurs cas de grossesses précoces notées dans les écoles…
Cependant, ce cocktail nocif dans le Sine cohabite paradoxalement avec un éveil citoyen, un renouvellement de la classe politique et une floraison d’organisations de jeunesses enclines à contribuer à l’effort de développement local dans le continuum des ambitions ratées par les anciens barons locaux sous Macky Sall. Faut-il croire à une réappropriation de l’espace sociopolitique fatickois par la jeunesse intellectuelle ?
« Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirais quel pays tu auras », ces propos attribués le plus souvent au président Abdoulaye Wade, consacrent une vision claire du rôle fondamental des jeunes dans la construction d’un pays surtout, quand ces derniers sont bien formés et ivres des valeurs de Jom, de Ngor, de Fula et de Fayda.
D’ailleurs, ce mindset (état d’esprit), sine qua non au progrès personnel et collectif, rappelle éloquemment le discours du président Américain John F. Kennedy qui affirmait par excellence : « Ne demander pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais préoccupez-vous de ce que vous pouvez apporter à votre Nation ». Fort de cette idée, et conscient de la réalité tangible à Fatick, l’intellectuel Sine-Sine se doit d’être un citoyen engagé par et pour le changement, à travers la proposition de plans de ruptures et de réformes systémiques. Il ne doit ni prêcher la résignation, ni l’abandon de l’espoir ardent, encore moins adopter une politique de l’autruche face à ses responsabilités. Il doit plutôt pousser à la réflexion, à l’action, à la prospective. La véritable rupture serait donc de poser les jalons à l’aune d’une citoyenneté proactive soucieuse de l’éducation, de l’économie numérique, de l’environnement, de la salubrité publique, de l’entrepreneuriat, du chômage des jeunes, de la sécurité des personnes et des biens, des problèmes de mœurs, etc. C’est clairement une invite à créer les conditions d’un espace scientifique et intellectuel de qualité.
Dans un contexte mondial ponctué de guerres technologiques et /ou politiques, de repli économique et commercial, conjugué à un inconfort au plan national, dû à des marges de manœuvres budgétaires et financières limitées - sous asphyxie des institutions de domination néolibérale - il faut s’inspirer d’un New Deal Citoyen (NDC) où le Sine sera au carrefour d’initiatives audacieuses et porteuses de progrès. Ce sera un progrès endogène avec un accent mis sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ; un retour à la source par l’appropriation culturelle et historique, et des actions d’envergure économiques, sociales et citoyennes. Cela consiste à convier les acteurs autour du New deal citoyen pour résorber les velléités sociopolitiques et bouter définitivement les raisons majeures du retard ou du moins, de l’appauvrissement de la ville. En effet, les tensions sociales et les blocages politiques souvent observés dans les villes en difficultés sont les reflets d'un manque de dialogue et de coordination entre les différents acteurs (citoyens, élus, entreprises, associations, etc.). Il s’agit donc d’une approche inclusive et participative, en plus d’une invite à la résolution des problèmes structurels qui freinent le développement de Fatick. Les préceptes hérités de la culture africaine particulièrement chez les sérères dont la fonction du Ngel ou Pènc (Agora) en wolof, prédisposent au dialogue, à la concertation sur les choses hautement importantes pour le devenir de la société. Joseph Kizerbo, en brillant historien, affirme à ce propos : « A tous les niveaux, l’Africain était avant tout un être social. Toutes les étapes de la vie étaient marquées par des réunions. C’est pour cela qu’on a parlé du débat permanent africain qui était instauré sous les arbres – la palabre – où chacun avait non seulement la liberté d’expression, mais l’obligation de s’exprimer. »
Ce réflexe culturel s’accommode de l’appel vers un N.D.C permettant d’identifier les priorités et de coconstruire des solutions adaptées aux réalités locales. Qu’en sera-t-il de ce Pèncoo citoyen ?
Allons vers des fora citoyens, des ateliers de réflexion ou les plateformes numériques pourraient servir de tribune d’expression des idées ! Pourquoi ne pas instaurer les Assises du Sine ?
Autant d’approches systémiques qui convoquent une volonté collective forte et un engagement citoyen dont l’objectif serait de bâtir une ville plus juste, prospère et plus résiliente.
Des jalons importants sont posés à travers des initiatives portées par une bonne partie de la jeunesse fatickoise qui œuvre incessamment et de façon désintéressée à la promotion, à la réhabilitation et à la vivification des valeurs citoyennes. La formation, le culte de l'excellence, la solidarité, la promotion du vécu associatif sont les principaux objectifs pour lesquels ils s'investissent. Les actions menées par la plateforme Sine Du Futur ou l'association I'm Talibé sont édifiantes à ce sujet. Elles sont avant-gardistes et agissent pour le futur. L'exaucement de leurs vœux, se reflètera d'ici quelques années, par une jeunesse bien formée, consciente des défis et enjeux de leur époque, redevable à leur terroir et capable de décider pour eux, notamment de choisir - surtout de bien le faire pour ne pas le regretter - leurs dirigeants.
Vivement pour un New Deal Citoyen au Sine !
par Arame Gueye Sène
AIDE AU DÉVELOPPEMENT, LEVIER OU ILLUSION ?
Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
À la fin de mes études en économie et sociologie du développement, avec une spécialisation sur les enjeux et pratiques du développement dans les pays du Sud, je ne voulais plus travailler dans ce domaine. Trop de contradictions, trop d’enjeux géopolitiques dissimulés derrière des discours altruistes. Je voyais un écosystème dominé par des logiques d’assistance plutôt que de transformation structurelle, avec des interventions souvent déconnectées des réalités locales et des projets qui disparaissent une fois les financements épuisés.
Je constatais aussi un déséquilibre profond dans la prise de décision : les priorités du développement étaient souvent définies à l’extérieur, par des bailleurs dont les intérêts ne coïncidaient pas toujours avec ceux des populations locales. Loin d’être un levier d’autonomisation, l’aide publique au développement semblait parfois entretenir une forme de dépendance, freinant l’émergence de solutions locales et le renforcement des institutions nationales.
J’étais convaincue que les pays du Sud ne se développeraient pas grâce à l’aide publique au développement, mais plutôt en misant sur leurs propres ressources, en définissant leurs propres stratégies et en repensant leurs modèles de gouvernance.
Pourtant, plus de 10 ans plus tard, j’évolue toujours dans cet univers, au plus près des réalités du terrain. J’ai commencé comme bénévole dans des initiatives locales et des associations, avant de co-fonder Social Change Factory, une organisation engagée pour une jeunesse actrice du changement. Entre-temps, j’ai également travaillé au sein d’ONG internationales et d’agences des Nations unies sur les migrations mixtes et la redevabilité humanitaire découvrant différentes approches et logiques d’intervention.
Et une chose est claire : ce n’est ni blanc ni noir. Et il est impossible de nier que l'aide apporte des solutions. Il est impossible de nier ce que cette aide a permis en terme de vies qui ont été sauvées, d'emplois et d'opportunités qui ont été créés, d'infrastructures permettant un accès à l’eau potable et aux sources d’énergie qui ont été construites et de nouvelles technologies qui ont pu être partagées.
Le développement est une mécanique complexe, où se mêlent besoins réels, stratégies politiques et intérêts parfois contradictoires – qu’ils soient institutionnels ou personnels. Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
Quand nous disions récemment dans une tribune collective publiée par Le Monde : « Ne coupez pas l’aide publique au développement, repensez-la » nous ne nous doutions pas que quelques mois plus tard, le gouvernement américain allait décider de suspendre USAID.
Tout cela pose une question essentielle : qui définit les priorités du développement, et dans quel intérêt ? Car, comme le Général De Gaulle le rappelait : "Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts."
Alors, quels devraient être ceux des Africains et Africaines ?
par Juliette Ba
LETTRE À FEU MATAR DIAGNE
Je le vois tous les jours en coaching. Des gens brisés, à terre, complètement vidés, épuisés mais qui sortent de chez eux, "sangssé". Le soutien moral, mental et psychologique ne devrait être ni tabou, ni un luxe
Deukk ak Société bo khamni paraître Moy la norme :
Tu te sens seul.e ?
"Sa yeufou toubabi yi nak ?"
Tu es découragé et déprimé ?
"Yow li nga rewée !"
Tu as des envies suicidaires eh tu t'isoles ?
"Ki da nu koy ligueey khana !"
Et quand au fond du trou tu oses enfin en parler ...
"Mo yow khana da nga guemoul yalla nak !!!"
Li dale Matar moome bettouma tey, bettouma euleuk...
Je le vois tous les jours en coaching. Des gens brisés, à terre, complètement vidés, épuisés mais qui sortent de chez eux, sangssé, tirés à quatre épingles, coiffés, parfumés et qui sourient toute la journée comme si tout allait à la perfection. Paraître di neu rey nitt nak !
Voilà le résultat d'une société ou paraître et faire semblant sont tellement devenus la norme que lorsque tu traverse une zone de turbulences tu n'as pas d'autres choix que de lécher tes plaies dans la solitude et en silence, tel un animal blessé...
Je ne connais que trop bien l'isolement et la solitude ressentis lorsque, au bout du rouleau et sans aucune solution, tu ne peux que t'en remettre à la toute puissance. Seulement voilà, parfois même une connexion avec la religion ou la spiritualité ne suffit pas.
Dans le brouillard de la détresse et la boue d'un quotidien qui te paraît de plus en plus sombre, en finir te semble le seul moyen d'arrêter la souffrance.
Car il faut toujours s'en rappeler. Ceux qui décident de partir avant l'heure veulent en finir avec la souffrance. Et cette impression de gouffre sans fin ...
Seule la capacité à dépasser les "futilités terrestres" libère l'Homme.
Sénégal ak Aduna sakh, kou fi amoul détachement ak lâcher prise do dem.
Do meussa Dem.
Cher Matar, di la Massa wou
Ak di massa wou sa njaboot ak sey mbokk.
Di la baalou akh nak !
De n'avoir pas vu
Ou pas voulu voir
De n'avoir pas su
Ou pas voulu savoir
De n'avoir pas pu
Ou pas voulu pouvoir
J'espère que ton départ et ton livre serviront la cause de toutes les personnes dont la santé mentale nécessite un accompagnement, un soutien, et surtout de la bienveillance ...
Pour avoir fait plusieurs dépression et plusieurs tentatives de suicide, je sais combien un psychologue, un psychiatre, un prêtre, un imam, une meilleure amie, un parent compréhensif peuvent changer la donne...
Pouvoir libérér la parole, vider son sac et son coeur et recevoir de l'amour, de la compassion et de l'empathie en échange.
On me dit toujours : pourquoi tu racontes ta vie et tes souffrances dans tes vidéos : la réponse est là : c'est avant tout une thérapie !!!
Le soutien moral, mental et psychologique ne devrait être ni tabou, ni un luxe. Surtout à l'Université où tout peut basculer si tu n'es pas solide dans ta tête ou si l'épuisement te ronge à petit feu...
Il devrait exister des unité d’accueil et de soutien dans toutes les universités...
Ta lettre est un cri dont le silence est assourdissant...
Cher Matar, massa et bon voyage là où tu ne souffriras plus.
Juliette Ba est journaliste et coach en mieux-être et harmonie du couple.
par Adama Dieng
MARIE JOSÉ CRESPIN, L'INTÉGRITÉ PLUTÔT QUE LES HONNEURS
Elle ne courait pas derrière les honneurs. Une perle rare dont l'éclat continuera à briller sur la terre du Sénégal. Une perle qui était passionnée par les perles. Elle n'était pas attirée par l'or
Depuis Abu Dhabi, alors qu'il était 4 h du matin à Dakar, j'ai été effondré en ouvrant le journal. Marie José était une amie intime. Récemment, à mon retour de Nouakchott, je disais à Dior Fall que je ne cessais de penser à Marie José et qu'à mon retour des Émirats arabes unis, je me rendrais à l'île de Gorée pour la revoir.
Allah, Le Tout Puissant, en a décidé autrement. Marie José s'en est allée sans que je la revoie ici-bas. Que les jardins du Paradis soient sa demeure éternelle. Mon cher Cherif Salif, je confirme ton témoignage. Elle était une femme merveilleuse, une juge d'une intégrité sans faille. Je l'avais associée aux travaux du Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats (CIMA) en qualité de membre du Conseil consultatif. Le CIMA était une structure créée au sein de la Commission internationale de juristes à Genève à l'époque où j'en étais le Secrétaire général.
Je me souviens de lui avoir demandé d'accepter d'être présidente de la Cour de cassation et Wade était disposé. Mais cela n'intéressait pas Marie-José. Elle me dira que même l'ambassadeur de France avait aussi tenté de la convaincre, mais en vain. Elle avait fait son choix. Elle ne courait pas derrière les honneurs. Une perle rare dont l'éclat continuera à briller sur la terre du Sénégal. Une perle qui était passionnée par les perles. Elle n'était pas attirée par l'or, ce métal qu'elle associait avec les pires horreurs qui ont marqué l'histoire de l'humanité.
Que Dieu lui accorde une place au Paradis.
ADAMA DIENG SALUE L'HÉRITAGE DE SAM NUJOMA
Pour l'ancien Sous-Secrétaire général des Nations Unies le premier président namibien incarne à lui seul la résistance et la détermination d’un continent aspirant à sa liberté et à son émancipation
C’est avec une profonde tristesse qu’Adama Dieng, ancien Sous-Secrétaire général des Nations Unies et ex-Conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide, a réagi à l’annonce du décès de Son Excellence Samuel Shafiishuna Daniel Nujoma, premier président de la République de Namibie.
Dans un message empreint d’émotion et de reconnaissance, M. Dieng a salué la mémoire d’un homme dont l’héritage dépasse largement les frontières de son pays. Figure emblématique de la lutte pour l’indépendance, Sam Nujoma fut à la tête de la South West Africa People’s Organization (SWAPO), jouant un rôle clé dans la lutte contre le colonialisme et l’oppression de son peuple.
Pour Adama Dieng, le premier président namibien incarne à lui seul la résistance et la détermination d’un continent aspirant à sa liberté et à son émancipation.
« Le président Nujoma était un combattant infatigable de la liberté et un visionnaire dont le sacrifice et l’engagement ont marqué l’histoire de la Namibie et de l’Afrique », a déclaré M. Dieng. Il a rappelé que l’accession de la Namibie à l’indépendance en 1990 sous la présidence de Sam Nujoma représentait l’aboutissement de décennies de lutte contre la domination étrangère et le début d’une nouvelle ère de souveraineté nationale. En tant que chef d’État, Sam Nujoma a œuvré à la consolidation de l’État namibien, à l’édification d’institutions démocratiques solides et à la promotion de la paix et de la cohésion nationale. Son leadership a permis d’établir l’État de droit, d’unifier la nation et de préserver les valeurs culturelles et traditionnelles de la Namibie.
« Son engagement en faveur de la paix et de la justice a laissé une empreinte indélébile non seulement en Namibie, mais aussi à travers l’Afrique et le monde. Son courage et sa vision resteront une source d’inspiration pour les générations futures », a souligné Adama Dieng.
Un hommage solennel au nom de PATROL–Africa
S’exprimant en sa qualité de fondateur et président d’honneur de l’Alliance Panafricaine pour la Transparence et l’État de Droit (PATROL–Africa), Adama Dieng a adressé ses sincères condoléances à la famille du défunt, à Nangolo Mbumba, président de la Namibie, ainsi qu’au peuple namibien tout entier. « Nous perdons un homme d’État d’exception, mais son héritage de sagesse, de sacrifice et de leadership continuera de guider l’Afrique et le monde », a conclu M. Dieng.
Alors que le monde rend hommage à Sam Nujoma, son nom restera gravé dans l’histoire comme l’un des grands artisans de la liberté en Afrique. Sa disparition constitue une immense perte, mais son combat et sa vision demeureront un héritage précieux pour les générations à venir.