(SenePlus.Com, Dakar) - Quelle conduite tenir face aux menaces sécuritaires qui hantent le quotidien des Sénégalais ? Soixante-quinze femmes et jeunes filles et garçons vont tenter de répondre à cette question lors d’un atelier de renforcement des capacités prévu ce vendredi à l’hôtel Fana de Dakar.
Selon la note de présentation parvenue à SenePlus, "cette rencontre cible principalement la famille en tant qu’entité première de discussion des sujets de société et de prise de décisions en matière d’éducation de ses membres".
Elle vise, selon la même source, à "créer (une) plateforme pour discuter et échanger des informations sur la sécurité dans (les) familles et quartiers avec les personnes indiquées". Et sera l’occasion pour ses participants de se "mettre d’accord sur la conduite à tenir devant certains signes préoccupantes que nous constatons tous les jours dans notre environnement le plus immédiat".
L’atelier vise deux principaux objectifs : "informer, sensibiliser, partager certains outils utiles pour les femmes et les jeunes, pour mieux appréhender les enjeux sécuritaires actuels au Sénégal" et "connaitre les notions de base de l’insécurité, ses différentes formes ainsi que les voies et moyens à leurs mesures, à utiliser pour combattre ce nouveau phénomène dans notre société".
Des spécialistes de la question animeront les débats, qui seront la première édition d’une série de rencontres que les organisateurs de l’atelier comptent tenir ultérieurement.
LA RSE, UNE PARTIE INTÉGRANTE DE LA STRATÉGIE DE L'ENTREPRISE
Spécialiste des enjeux organisationnels des entreprises en Afrique, Mme Sandra Happi-Tasha et son cabinet Tasha & Partners accompagnent les organisations dans la formulation de leur stratégie, l'élaboration de systèmes de gestion efficiente du capital humain et des processus organisationnels et le renforcement des capacités managériales des équipes. Basé à Douala (Cameroun), le Cabinet a effectué des missions pour le compte de multinationales et d'entreprises locales dans 8 pays d'Afrique Centrale, de l'Est et de l'Ouest. En exclusivité pour REUSSIR, Mme Tasha revient sur les enjeux de la RSE dans nos pays africains.
Qu'entendez-vous par RSE et quelle est votre approche de cette notion ?
La Commission Européenne définit la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) comme l'intégration des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans les activités d'une entreprise et dans ses interactions avec ses parties prenantes sur une base volontaire. Il s'agit de la contribution des entreprises aux exigences du développement durable.
Ainsi, toute politique RSE doit intégrer des actions visant aussi bien la protection de l'environnement, la bonne gouvernance que l'impact social et l'égalité des chances professionnelles.
Notre approche positionne la RSE, non comme une œuvre de charité, mais comme une démarche potentiellement bénéfique pour l'entreprise et la société. Il revient donc à l'entreprise, au-delà des exigences réglementaires, de dé nir les actions en ligne avec son activité et qui sont susceptibles, soit de produire le plus grand impact positif sur les parties prenantes, ou alors de mitiger, au maximum, les conséquences négatives de leurs interactions.
À la lumière de cette définition, quelle est selon vous la place des valeurs africaines traditionnelles dans la mise en application des exigences de la RSE ?
Dans la grande majorité des cultures africaines, on retrouve des valeurs telles que la primauté de la communauté sur l'individu, une conception intégrale de la personne humaine prise dans toutes ses dimensions (spirituelle, émotionnelle, physique, sociale…) ainsi qu'une recherche permanente d'un équilibre, d'une cohabitation harmonieuse avec la Nature, souvent considérée comme sacrée. La RSE se fonde sur un principe d'interdépendance entre l'entreprise en tant qu'acteur social, son environnement et ses parties prenantes. Il est donc nécessaire d'établir une relation de réciprocité.
L'entreprise, qui utilise les ressources (naturelles et autres) pour mener son activité, produit un impact sur l'environnement dont il faut gérer les effets, de manière proactive. La société achète les produits/ services de l'entreprise, permettant ainsi sa survie et sa croissance. Cette prise de conscience de l'interdépendance entre les employés et les propriétaires d'entreprises suscite parfois, chez ces derniers, le désir de "rendre à la communauté" une partie des possibilités qu'elle leur a créées.
La RSE en Afrique, est-ce une vraie exigence ou simplement un dérivatif pour se donner bonne conscience ?
Le respect des obligations légales est un précédent à toute politique RSE. La conformité à la réglementation en vigueur est un prérequis à la conduite des affaires et une condition pour des partenariats avec certaines organisations. C'est le cas d'un de nos partenaires qui accompagne plus d'une cinquantaine d'entreprises en Afrique et qui a mis en place une charte Environnement, Social et Gouvernance (ESG) à laquelle les entreprises sont appelées à se conformer. Cette exigence s'applique aussi bien aux entreprises candidates au financement, qu'à celles déjà en portefeuille, dont le suivi de l'impact social et environnemental fait l'objet d'un suivi particulier.
La RSE représente un levier de performance pour l'entreprise et pour l'économie africaine caractérisée par son dynamisme, avec des prévisions de croissance de +5% en moyenne et dépassant les 10% dans certains pays (Banque Mondiale, 2015). Avoir une politique RSE est un choix stratégique susceptible d'impacter positivement les résultats.
En effet, la bonne gouvernance favorise la mise en place de systèmes transparents permettant un fonctionnement optimal de l'entreprise. La prise en compte des salariés et l'égalité des chances sont des éléments qui stimulent la motivation des employés et les disposent à une productivité accrue. Par ailleurs, certaines actions de protection de l'environnement permettent une réduction des coûts de production (recyclage), et à moyen et/ou long terme, un accès durable aux ressources.
De plus, la RSE permet le développement d'une marque d'employeur capable d'attirer et de retenir les talents qui sont de plus en plus sensibles aux questions de réputation des entreprises.
Quelles sont les tendances de la RSE en Afrique ?
La RSE tend à redéfinir les responsabilités des entreprises vis-à-vis des composantes impliquées dans leurs activités ou affectées par ces dernières. Parmi celles-ci, on peut citer les populations locales qui, dans la majorité des pays du continent, font face au quotidien à des difficultés dont les plus criardes concernent le volet social (pauvreté, chômage des jeunes, difficultés d'accès aux soins de santé primaires, accès limité à l'éducation, absence/ insuffisance d'infrastructures, faible accès à l'eau potable…). Sans négliger les autres dimensions (gouvernance et environnement), les actions RSE des entreprises installées sur le continent ont tendance à s'orienter prioritairement vers des mesures ayant un effet plus direct sur l'amélioration des conditions de vie des populations (construction de centres de santé, de points d'eau, d'établissements scolaires, dons de fournitures scolaires, distribution de médicaments…).
Comment votre cabinet aborde-t- il la problématique RSE avec vos partenaires ? Est-ce une simple obligation légale ou un appel à la solidarité ?
Nous pensons que la RSE doit être perçue comme un élément à part entière de la stratégie de l'entreprise et à ce titre, être en ligne avec l'identité de celle-ci. Ceci justifie le choix dans notre démarche d'accompagnement des entreprises d'inclure un pilier RSE dans les priorités stratégiques de nos partenaires. Cette approche constitue un facteur d'intégration et de durabilité, qui crée une relation mutuellement bénéfique entre l'entreprise et son environnement social (populationslocales).
A titre d'illustration, parmi nos clients, nous pouvons évoquer le cas d'une entreprise de services informatiques, basée au Cameroun, qui dispose d'un laboratoire doté d'équipements de pointe. L'axe phare de sa politique RSE consiste à offrir des stages aux étudiants de l'Ecole nationale d'ingénieurs a n de les exposer aux technologies les plus avancées. En retour, les meilleurs travaillent sur des projets utiles à l'entreprise. Ils apportent un regard neuf sur ses pratiques et peuvent être retenus pour intégrer ses effectifs au terme de leur formation. Il s'agit d'un mécanisme de création d'emplois dont la société et l'entreprise ressortent mutuellement gagnants.
Dans la même logique, une entreprise de BTP que nous accompagnons a choisi, comme axe de RSE, la rénovation des aires de jeux de la municipalité gabonaise dans laquelle elle est installée. De ce fait, elle offre à la jeunesse locale un cadre de vie plus agréable tout en faisant découvrir son savoir-faire au public. Les populations locales s'identifient ainsi à l'entreprise puisqu'elle fait désormais partie de leur quotidien et permet à leurs enfants de s'amuser dans de meilleures conditions d'hygiène et de sécurité. La plaque commémorative et la cérémonie de rétrocession des aires rénovées à la municipalité ont aussi contribué à améliorer la visibilité de l'entreprise.
La nouvelle génération de patrons africains, avec qui vous travaillez, a-t-elle assimilé le concept RSE dans son style de management ?
La plupart des entrepreneurs avec lesquels nous travaillons se caractérisent par leur passion pour le continent et le désir de contribuer à son évolution. Toutefois, ils sont généralement peu sensibilisés aux possibilités de la RSE. La mise en évidence du bien-fondé de l'intégration de la RSE dans le mode de fonctionnement de l'entreprise provoque, habituellement, chez eux une prise de conscience accrue qui les reconnecte à leur volonté d'agir et d'impacter positivement leurs communautés. De ce fait, ils perçoivent mieux l'opportunité de mettre en place une politique RSE qui réponde aux besoins de l'entreprise et de ses parties prenantes. Sur ce point, notre accompagnement consiste à assurer la cohérence et l'alignement de ladite politique avec l'identité et les orientations stratégiques de l'entreprise. Cette démarche permet de s'assurer que la RSE ne soit pas perçue comme une contrainte supplémentaire, mais une façon optimale de gérer l'entreprise, de manière productive et durable.
JE VOTERAIS OUI
EXCLUSIF - L'éditorialiste de SenePlus NDIORO NDIAYE approuve les réformes institutionnelles proposées par le chef de l'État
IBRAHIMA FALL DE SENEPLUS |
Publication 05/01/2016
Même si elle aurait préféré que Macky Sall se prononce aussi sur les questions migratoires, le suivi des conseils des ministres délocalisés et le rôle des familles dans la gestion des questions sécuritaires qui interpellent le pays, Ndioro Ndiaye se montre conquise par le message de Nouvel An du chef de l'État.
"J'ai trouvé le discours direct, volontairement ciblé sur certains sujets pour lesquels il était nécessaire de fournir un certain nombre de précisions", opine l'éditorialiste de SenePlus dans cet entretien exclusif avec votre site préféré.
En outre, la présidente de l'Alliance pour la migration, le leadership et le développement (AMLD) approuve le projet de réformes constitutionnelles du Président Macky Sall. Confiant qu'elle voterait oui si les changements en question étaient aujourd'hui soumis aux Sénégalais au cours d'un référendum.
Le discours de Nouvel An du chef de l'État a-t-il répondu à vos attentes ?
J'ai eu à dire déjà, dans certains media, que le discours du chef de l'État cette année était hautement stratégique et particulièrement différent de ceux que nous avons l'habitude d'écouter à la fin de chaque année. Les objectifs étaient clairement énoncés et leur choix a été délibéré selon ma lecture du texte.
Le président de la République a non seulement sélectionné, à dessein certes, les sujets sur lesquels il fait le point de l'état d'exécution par son gouvernement (c'est ce que la population attend, en général, de ce type d'adresse), mais il a anticipé les questions critiques que chacun d'entre nous se pose : les investissements bouclés, les actes posés, les actions menées, les profits et impacts attendus, comment tirer un maximum de profits des nouvelles facilités créées par les programmes en cours…
Que cela soit pour moi ou pour le commun des Sénégalais, ce qui est attendu d'un discours-bilan est la clarté des programmes et les perspectives qu'il dessine pour chacun d'entre nous…
Justement le fait de mettre en relief certains aspects de son bilan et la durée relativement longue du discours, une trentaine de minutes, font penser davantage à un propos de campagne électorale avant l'heure qu'à une simple adresse à la Nation. Partagez-vous ce point de vue ?
Un message à la Nation n'est jamais si simple pour n'importe quel citoyen, à plus forte raison pour un chef d'État. Qu'il ait duré 30 minutes, plus ou moins, je pense que celui-ci a été éminemment politique dans le sens K du terme et non partisan parce qu'il s'agit de la construction du pays et non d'une propagande de parti, fut-il le sien. Ce qui importe en ces moments, c'est la justesse de ses orientations et directives en tant que chef d'État en vue d'améliorer la vie des populations.
J'ai trouvé le discours direct, volontairement ciblé sur certains sujets pour lesquels il était nécessaire de fournir un certain nombre de précisions (et pas sur tous) ; c'est certainement pour ces raisons que nous n'avons pas eu de bilan et de projections sur certains secteurs-clés du développement socio-économique tels que les femmes et les jeunes… Ces secteurs doivent faire l'objet de bilans constants étant les germes de changements essentiels de l'ensemble du système actuel.
Quels sont les sujets que vous auriez aimé que le chef de l'État aborde dans son discours et qui n'y figurent pas ?
L'évaluation des conseils des ministres délocalisés : les promesses de financements publics, l'état d'exécution des décisions prises dans chaque région, les obstacles, les solutions amorcées, le chronogramme et les échéanciers… Qui, chez le Premier ministre, est responsable du monitoring et des redressements nécessaires ?
Il y a ensuite les questions migratoires et le leadership attendu du Sénégal dans la région ouest-africaine, africaine et, globalement, dans le monde.
Et enfin, l'importance de la famille dans la gestion des questions sécuritaires dans notre pays : quels messages dire aux familles sénégalaises face aux nouveaux défis sécuritaires avec lesquels il faut qu'elles apprennent à vivre et à anticiper ?
Le projet de changements institutionnels a occupé une place importante du discours de Macky Sall. Dans le paquet de 15 réformes qu'il compte soumettre au peuple, lesquelles vous semblent plus urgentes ?
Les réformes 5 ("Le renforcement de la citoyenneté par la consécration de devoirs du citoyen") et 15 ("L'intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l'Etat, le mode d'élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République") sont centrales et consubstantielles avec toutes les autres réformes car leur mise en œuvre correcte les influence favorablement.
Si ce projet de réformes était soumis à référendum aujourd'hui, quelle serait votre réponse ?
Oui, bien sûr, il nous faut avancer et on ne peut le faire sans reformes volontaristes.
Dans ce contexte où le financement des partis politiques est sujet à débat, avec l'affaire Lamine Diack, le Président Macky Sall n'aurait-il pas été bien inspiré d'annoncer des mesures pour davantage de transparence dans le fonctionnement et le financement des formations politiques ?
La question du financement des partis politiques date de l'époque du Président Abdou Diouf sans qu'il n'y ait jamais eu de mesures claires et précises pour en faciliter la mise en œuvre. Cependant, à l'évidence, nous sommes tous concernés par le fonctionnement et le financement des partis politiques ; nos partis doivent se moderniser, la majorité est sclérosée et dépassée par les exigences de la vie politique actuelle autant au plan structurel que programmatique.
Je ne pense pas que le Président ait besoin d'annoncer ces types de projets sur lesquels son ministre de l'Intérieur et toutes les parties prenantes doivent plancher pour faire avancer notre démocratie, cela doit faire partie du calendrier républicain.
Si le discours du nouvel an du président de la République a été d'une forte teneur économique, il a suscité un véritable débat juridique sur les modalités du prochain référendum. Pendant que le conseiller juridique de Macky Sall, le Pr Ismaela Madior Fall suspend la décision du président de la République au seul avis du Conseil constitutionnel, le Pr Abdoulaye Dièye lui, prend son contrepied. En arbitre, le Pr Amsatou Sow Sidibé estime que l'avis du Conseil constitutionnel n'est pas contraignant. Dans cet entretien avec EnQuête, le ministre-conseiller du président de la République juge problématique que la date du prochain référendum ne soit pas jusqu'ici connue.
Le discours de nouvel an du président de la République Macky Sall a suscité un débat sur le prochain référendum. Quelle est votre appréciation de ce discours ?
Le discours de nouvel an du président de la République Macky Sall est un discours qui fixe des perspectives. C'est un discours qui dessine les contours des réformes institutionnelles au Sénégal. Donc, c'est un discours qui intéresse particulièrement le peuple sénégalais, parce que, c'est son destin qui est en jeu. Le peuple sénégalais attend depuis très longtemps ces réformes qui lui sont suggérées et donc par-là, c'est un discours qui met les Sénégalais et les Sénégalaises en situation d'attente. Il y a des propositions qui sont faites et chacun a son point de vue sur les différentes questions qui sont soulevées. Et on entend des débats par ci et par là.
Le président de la République, Macky Sall entretient toujours le flou sur la date de la tenue du prochain référendum. Comment appréciez-vous sa démarche ?
Je suis de ceux qui, de tout le temps, pensent que la démocratie mérite d'être planifiée. Et quand on parle de démocratie, les élections y occupent une place prépondérante. En matière d'élection, acte grave concernant les droits politiques des personnes, nous avons toujours été d'avis qu'il fallait des dates pas nécessairement fixes. Nous aurions préféré qu'elles soient fixes, mais au moins approximatives. Mais quand on est dans l'expectative, en matière électorale, ce n'est pas souhaitable. Nous avons une charte de la bonne gouvernance au niveau de la CEDEAO qui demande qu'il y ait des délais préfixes qui font que les citoyens savent à quoi s'en tenir. Alors, pour les élections à venir, encore une fois, nous sommes dans l'attente. Mais nous aurions souhaité être édifiés d'ores et déjà, parce que des élections, ça se prépare, ça s'organise. On ne peut pas les précipiter encore moins y aller sans préparation.
N'est-il pas problématique qu'à un an des prochaines joutes (je ne sais pas si élection il y aura), on n'est pas toujours édifié sur la date du référendum ?
Mais, c'est ce que je suis en train de vous dire. C'est très problématique en termes de respect des droits politiques des Sénégalais et Sénégalaises, droits protégés par un pacte mondial, le Pacte de 1966 sur les droits civiques et politiques auxquels le Sénégal est partie prenante. Nous avons des droits politiques qui doivent être respectés et c'est l'État qui est le principal acteur du respect de ces droits. Il doit mettre les populations en situation de connaissance de leurs droits et de mise en œuvre de leurs droits.
Le président de la République a été assez nuancé sur la réduction de son mandat en cours. Au lieu d'application, il a parlé d'applicabilité. Est-ce selon vous un subterfuge sémantique ?
Vous voulez que je scrute dans l'esprit du président sur cette question. Je ne pourrais le faire. Je sais simplement que quand on parle d'application, c'est systématique et d'applicabilité quand on scrute les conditions d'application de quelque chose. C'est tout ce que je puis vous dire sur cette question.
La réduction même du mandat présidentiel divise les acteurs politiques. Au moment où certains appellent le président Sall à respecter sa parole donnée, d'autres estiment que ce serait une violation même de la Constitution de réduire son mandat alors qu'il est élu sur la base d'un mandat de 7 ans. Qu'en pensez-vous ?
Il y a un débat autour de la réforme de la Constitution à propos du mandat. Ceux qui posent la question partent de ce que le président de la République s'était engagé à réduire le mandat à 5 ans, et s'attendent à ce que cet engagement soit une réalité. Maintenant, il y a une partie de la population qui ne souhaiterait pas qu'il y ait ce changement dans la durée du mandat du président de la République. C'est cela les termes du débat. Ce que j'en pense, c'est qu'il appartient au président de la République de prendre la décision. Il nous a fait comprendre qu'il allait consulter le Conseil constitutionnel avant de convoquer un référendum pour l'année 2016.
A ce propos, il y a aujourd'hui un débat juridique qui se pose. Pendant que le Pr Ismaëla Madior Fall suspend la décision du président de la République au seul avis du Conseil constitutionnel, le Pr Abdoulaye Diéye estime lui que Macky Sall n'a pas l'obligation de suivre l'avis du juge des élections. Où se situe la vérité, selon vous ?
En tant que juriste, je convoque deux textes de la Constitution du Sénégal : l'article 27 qui dispose que "la durée du mandat du président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire". Donc à l'exclusion de la loi parlementaire, c'est-à-dire par l'Assemblée nationale. A côté de l'article 27, il y a l'article 51 qui dit que : "Le président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnel au référendum". Et cela, il faut le préciser, deux lois qui sont en conflit, deux règles : une règle générale qui organise le référendum de manière générale et une règle spéciale qui parle du référendum, dans le cas de la révision de la durée du mandat du président de la République. Donc, conflit entre l'article 51 qui est une règle générale qui parle généralement du référendum, et l'article 27 qui parle de manière spéciale de la révision de la constitution s'agissant du mandat du président de la République. Si je comprends bien, le président de la République a pris le choix d'appliquer l'article 51 de la Constitution. Alors l'article 51 de la Constitution, à mon avis, est clair. Son interprétation n'est pas compliquée, parce qu'il dit précisément et de manière expresse : "Le président de la République, après avoir recueilli l'avis du président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, peut soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum". Donc lui, le président de la République va demander l'avis du Conseil constitutionnel qui est simplement consultatif (elle se répète). C'est-à-dire qu'on demande à cet organe de dire ce qu'il pense de la chose. Ce n'est qu'un avis. Il ne s'agit pas, c'est une précision qui peut avoir son importance, de ce qu'on appelle l'avis conforme. Ce qui signifierait un avis contraignant dont le président serait obligé de tenir compte. Ce n'est pas le cas, ici. Quand on parle d'un simple avis,il est purement consultatif. Il est dit que le président de la République peut (elle insiste sur le mot) soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum, une fois qu'il a eu l'avis du Conseil constitutionnel. L'article 51 de la Constitution donne au président une prérogative qui lui permet de choisir. Il a l'avis (du Conseil), mais c'est lui qui choisit d'en tenir compte ou d'en faire autre chose. Car il peut, c'est une faculté, une prérogative, qui lui est reconnue.
J'ai dit tout à l'heure que ce n'est qu'un avis laissé à l'appréciation du président de la République. Voilà ce qui nous a fait penser de tout temps que le Conseil constitutionnel devrait pouvoir être transformé en Cour constitutionnel et avoir le pouvoir de décision, de trancher. Mais là, il ne donne que des avis consultatifs qui ne s'imposent pas. Le président est libre. Il peut. Il a le pouvoir, c'est une prérogative qui est offerte de tenir compte de l'avis ou pas.
Dans ce cas, quelle est l'utilité pour le président de consulter le Conseil constitutionnel, puisque le dernier mot lui revient ?
C'est un avis. Il peut se dire que le Conseil constitutionnel a pensé dans un sens ou dans un autre. Il peut tenir compte de l'avis de cet organe. Mais rien n'empêche que le président dise : " Je ne tiendrai pas compte de votre avis". Ce n'est en rien une violation de la loi, puisque c'est la Constitution qui lui donne cette faculté. Il n'y a pas de contraintes. Il peut, il peut ! C'est du noir sur blanc. (Elle relit de nouveau l'article 27). Je répète que sur cette question du référendum, il y a l'article 27 qui est une règle spéciale concernant le changement de la durée et à côté l'article 51 qui une règle générale. Ce qu'on apprend aux étudiants, c'est lorsqu'il y a une règle générale et une règle spéciale, la règle spéciale déroge à la règle générale. Normalement, c'est la règle spéciale qui s'applique ; le législateur veut sur un point déterminé adopter une solution différente de ce dit la loi générale.
Le fait de vouloir adjoindre la décision du référendum à celle du Conseil constitutionnel n'est-il pas une manière pour le président de la République de se rétracter de sa promesse ?
Ce serait scruter l'esprit du président. Je suis juriste. Je dissèque les textes et je dis ce qu'ils disent.
Quelles seraient les modalités de ce référendum car beaucoup craignent que le président ne l'utilise pour appeler le peuple à rejeter la réduction du mandat présidentiel ?
Là aussi, c'est une question très politique. La difficulté c'est qu'on a trop politisé la question du référendum, alors qu'elle est juridique. J'ai dit, en termes de droit, ce qu'il faut en dire.
Il a également été question dans le discours du président de réorganiser la vie politique, au moment où, le financement des partis politiques s'invite au débat. Quel est l'état d'urgence de ce problème ?
C'est d'une importance capitale. Je reviens toujours aux textes, au Pacte de 1966 sur les droits civiques et politiques. Les populations ont besoin que leurs droits politiques soient organisés. Les partis politiques qui sont l'expression de ces droits par excellence ont besoin de fonctionner. Pour cela, il y a des activités, mais il y a aussi leur financement. Il faut que l'on sache comment le pays compte s'organiser autour de cette question. On se rend compte qu'il y a silence radio, puisqu'il y a vide juridique sur le financement. Le droit ne dit rien. Nous (Car Leneen), nous sommes inspirés de ce qui se fait à travers le monde pour le financement qui passe par quatre moyens : les cotisations des membres du parti ; la contribution de l'État qui existe partout mais qui n'est pas organisé dans notre pays. On ne sait pas quel parti est financé. L'État doit organiser pour éviter toute discrimination, la vente de gadgets, de documents, la contribution de sympathisants. Barack Obama a été élu grâce à cela. Dans le monde entier, ça se passe comme ça. Pourvu que l'on sache, au moment où la contribution des sympathisants se fait, que l'on soit sûr de l'origine éthique des fonds. Ce qui est difficile à jauger au moment précis où on reçoit un, deux, trois, quatre, ou cinq millions. Le Sénégal doit s'inspirer de ces quatre sources.
Faudra-t-il tous les financer ?
Ce n'est pas possible. Il y a des partis 'yaama neex', 'boitou allumette', 'yobaalema' (qui n'existent que de nom). Mais ceux qui vont aux élections, qui s'organisent, qui sont structurés, qui ont un siège…, sont des partis respectables qu'il faut respecter. Il faut les financer. Partout dans le monde, c'est comme ça. Le Sénégal ne saurait constituer une exception à la règle.
L'allocution du président était à forte teneur économique. Que vous inspirent les performances réalisées sur ce plan ?
Tout ce qui est économique ou social ou culturel est une quête permanente. Que ce soit l'économie, la santé, l'éducation, il faut tendre vers la réalisation des droits des personnes. Les Sénégalais ont droit au développement économique. Je crois qu'il y a des actes qui sont posés pour arriver à leurs réalisations. En tant que juriste, je convoque toujours les textes. L'article 2 du Pacte de 1966 sur les droits économiques, sociaux, et culturels dispose que : "Les États doivent utiliser tous les moyens possibles et imaginables pour arriver à la réalisation de ces droits sociaux économiques et culturels". Encore une fois, ce sont les États qui sont responsables de leurs réalisations.
PAR IDIATOU DIALLO ET FODÉ MANGA
VIDEO
MULTIPLE PHOTOS
LE BARBECUE ET LE COUSCOUSSIER QUI ÉPATENT
FIDAK 2015
Idiatou Diallo et Fodé Manga |
Publication 24/12/2015
SenePlus.Com – Dakar) – Couscoussier et barbecue, démonstration aidant, les pakistanais ont fait sensation au cours de cette 24ème Foire internationale de Dakar (FIDAK). Le barbecue permet de cuire de la viande en moins d'une demi-heure sans cholestérol.
Pour ce qui est du couscoussier, il a la propriété de cuire à la vapeur des pâtes alimentaires, vermicelles, du couscous…
Ce stand a drainé du monde au plus fort de la Foire de la FIDAK 2015. Officiellement la Foire est terminé, mais étant donné l'intérêt des visiteurs pour leurs marchandises, les commerçants pakistanais profitent de la prolongation qui a été accordée par les autorités.
Des détails dans cette vidéo. Regardez !
J'AI LE DROIT DE ME TROMPER
Amy Sarr Fall, directrice du mensuel "Intelligences Magazine"
Sur les réseaux sociaux sénégalais, il se dit que sa page Facebook est la plus visitée de ce pays. C'est dire l'intérêt que suscite le personnage de Amy Sarr Fall, la patronne d'Intelligences Magazine, l'une des revues les plus luxueuses du paysage médiatique sénégalais, et qui se distingue par ses interviews-chocs. Bien que très connue et très suivie, peu de Sénégalais connaissent au fond qui est Amy Sarr Fall. Et elle tient elle-même à préserver son jardin secret. Il y a des parties de sa vie que Amy Sarr Fall tient à préserver du regard. Il n'empêche, l'entretien qu'elle accorde au journal Le Quotidien, à la veille du lancement aujourd'hui du Club Intelligences Citoyennes, et à l'occasion de la cinquième année du magazine Intelligences, montre un personnage altruiste, totalement engagé pour le développement de son pays et de son continent, et qui, marchant sur les pas de ses aînées, veut montrer que l'on peut être jeune, femme et Africaine, et avoir une mentalité de gagnante, et vouloir transmettre la même ambition à tous les jeunes africains.
Bonjour Amy Sarr Fall. Vous êtes la patronne d'Intelligences Magazine qui fête son cinquième anniversaire et à cette occasion, vous préparez la Grande rentrée citoyenne. De quoi s'agit-il et comment cela va se décliner ?
La Grande rentrée citoyenne est un événement qu'Intelligences Magazine a initié en 2012, à un moment où l'on observait une crise dans le milieu de l'éducation qui était marquée par des grèves et qui affectait le moral des parents et des étudiants. Notre objectif était alors de fédérer davantage autour des valeurs essentielles à la construction d'une Nation forte. Il fallait montrer à ces jeunes des exemples de parcours, mettre en avant des mentors. Des leaders dans leur domaine, pour dire à ces jeunes, "nous avons vécu l'année blanche. Nous avons eu à traverser des moments bien plus difficiles et pourtant à force d'abnégation, à force de courage et surtout à force de patriotisme, nous sommes là devant vous pour être cités en exemples". C'était une belle façon de les motiver, surtout en présence du Pr Mary Teuw Niane, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, qui a été à nos côtés depuis le début.
Et la première édition a été tellement bien accueillie que nous nous sommes dit que ce serait dommage que cela ne soit pas inscrit dans le calendrier académique. Notre motivation est aussi venue de la confiance des chefs d'établissement qui ont inscrit leurs étudiants, de la confiance des parents d'élèves qui, à travers leurs associations, se sont organisés pour rendre possible la participation de leurs enfants, mais aussi et surtout de la confiance des professeurs qui sont toujours présents aux côtés de leurs élèves. Nous avons également bénéficié de celle des pouvoirs publics qui se sont toujours montrés présents à cette manifestation que nous organisons sous le parrainage d'honneur de Sem Macky Sall, président de la République. Vous comprendrez que nous n'avions pas alors le droit de manquer la grande rentrée cette année. Je remercie la presse sans qui, nous n'aurions pas eu toute cette visibilité. Je remercie aussi le Peuple sénégalais d'avoir accepté la rentrée citoyenne qui cette année va célébrer sa 4ème édition.
Quelle sera la particularité de cette 4ème édition prévue ce lundi?
Cette année marque le cinquième anniversaire d'Intelligences Magazine. Nous nous devons de redoubler d'efforts pour que cette confiance soit davantage méritée. Nous avons des mentors aux parcours très intéressants. Des mentors qui ne sont pas souvent devant la scène mais qui sont venus pour rappeler aux jeunes que nous sommes tous ensemble et que sans eux, le Sénégal ne se fera pas. Le Sénégal ne se fera pas sans sa jeunesse. C'est le message que nous allons tous lancer. En sommes, nous allons être nous-mêmes, des citoyens, conscients de leur potentiel et de la force de leur unité.
Au-delà de La Grande rentrée citoyenne, il y a aussi Intelligences Magazine, qui organise cette grande manifestation. Intelligences a un positionnement assez particulier dans le paysage médiatique sénégalais en ce sens qu'il sort de l'ordinaire. Et d'abord ce qui frappe, c'est son titre. Est-ce un appel à l'intelligence ou est-ce une façon de montrer que c'est le gisement de l'intelligence dans un nid où règne la médiocrité. Qu'est-ce qui justifie ce titre ?
(Rires) Ce n'est certainement pas votre deuxième proposition ! Intelligences, c'est d'abord une revendication. Revendiquer, dans un monde où chaque peuple cherche à mettre en avant son intégrité, l'intelligence du continent africain dans la résolution des conflits, des problèmes qui affectent le monde aujourd'hui. On parle d'environnement, d'autosuffisance alimentaire, de paix durable, d'énergies renouvelables… C'est très important qu'on écoute de façon sincère ce que les Africains ont à dire. C'est cette revendication que nous portons aujourd'hui. Pour dire que l'Afrique a la possibilité d'être à la table de toutes les décisions qui l'affecteront. On a dépassé le stade où l'on décide pour l'Afrique. Nous ne sommes plus dans l'Afrique des années 60, 70 ou 80. Nous sommes à l'époque d'une Afrique connectée, avec un profil démographique unique. Où la jeunesse qui est sa plus forte opportunité est également sa plus grande menace. Si nous ne faisons pas attention, si nous ne trouvons pas les moyens de répondre à leurs aspirations, cette opportunité peut se transformer en cauchemar. C'est pour cela qu'il est important de mobiliser cette intelligence pour lutter contre le gaspillage intellectuel. Faire en sorte que chaque personne, chaque jeune ait le droit d'aller à l'école. On ne doit pas souffrir en allant à l'école. Et souvent, malheureusement, c'est ce qui se passe aujourd'hui. On a souvent des jeunes qui souffrent et qui marchent des kilomètres sous le soleil avant d'arriver exténués et avec une concentration réduite. Alors si la pénibilité se rajoute à l'épreuve d'apprentissage qui requiert déjà beaucoup de ces jeunes, il ne faudra pas s'étonner que le culte de l'excellence devienne pour certains inatteignable et illusoire.
Intelligences Magazine a pour vocation de rappeler davantage l'importance de développer l'intelligentsia africaine, l'importance de promouvoir le savoir à travers le partage d'expériences, à travers la valorisation de notre héritage qui est très importante, parce qu'avant de prétendre régler les problèmes de demain, il faut montrer que nous avons su régler ceux d'hier. Pourquoi pas revoir le programme d'histoire, pour que la contribution d'illustres leaders comme Cheikh Hamidou Kane, auteur de L'Aventure ambiguë, Pr Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur de l'Unesco, ces bibliothèques vivantes, les anciens combattants, soit davantage mise en relief pour rappeler ce que l'Africain a fait pour son continent, et pour le monde. Nous avons tous un rôle à jouer pour éveiller la fierté panafricaniste chez nos jeunes. Qu'ils sachent qu'être Africain, c'est valeureux. Vous avez entendu quand Donald Trump a choqué tout le monde en disant d'interdire aux musulmans d'entrer aux Etats-Unis. Demain, quelqu'un peut dire la même chose sur les Africains parce que nous avons été tellement stigmatisés. On a longtemps fait croire que c'est un continent pauvre. On ne regarde même plus l'Afrique comme les grands ensembles, comme plus d'une cinquantaine de pays. On regarde l'Afrique comme un îlot. Et cela n'est plus acceptable. Notre diversité est notre plus grande richesse.
Le lancement prochain du Club Intelligences Citoyennes a été annoncé. En quoi consiste ce projet ?
Le Club Intelligences Citoyennes, c'est d'abord un club de réflexion. Pour moi, quand on parle des EtatsUnis d'Afrique, quand on parle d'unité africaine, il faut d'abord une connaissance aiguë de l'Afrique par ses citoyens. Et c'est pour cela qu'on se dit, pourquoi ne pas, à travers une série de conférences et d'activités citoyennes, prôner des réformes au sein de la communauté africaine, à savoir la mise en place d'un baccalauréat africain. Il est temps que l'on ait un baccalauréat africain ! Et je vais m'y investir personnellement, car j'estime qu'on ne peut parvenir à une unité sans connaître l'autre. Vous aurez toujours des appréhensions en vous rendant en Afrique orientale ou centrale et celle du nord, si vous ne savez pas où vous allez, si vous ne connaissez pas ces pays, ce que vous avez en commun, ce que vous avez partagé ensemble que ce soit au 15ème siècle ou aujourd'hui. Et c'est très important, car aujourd'hui, il y a cette absence de connaissance de l'autre en Afrique. Un baccalauréat africain permettrait à la jeunesse de se rapprocher, de se comprendre voire travailler demain ensemble. On nous a divisés en suscitant une peur de l'autre. On a bien trop souvent défini l'Afrique et les Africains à leur place, alors qu'aujourd'hui, il est incontestable que l'Afrique a ses experts, ses savants, capables de produire des livres, de créer de la richesse intellectuelle autour des acquis de notre continent.
Donc, si l'on veut une place dans le monde, il faut que l'Afrique soit davantage connue et que ce ne soit pas l'autre, qui n'a jamais posé les pieds sur le continent, qui définisse l'Africain. A travers le Club Intelligences, nous souhaitons promouvoir le bilinguisme. On veut aussi que les pays africains aient l'anglais comme 2ème langue. C'est important que les Africains puissent communiquer entre eux et s'il y a l'anglais et le français, on peut prétendre à des EtatsUnis d'Afrique et on aura l'Afrique orientale qui pourra communiquer avec l'Afrique occidentale. Il faut aussi que les jeunes soient conscients de leur rôle d'acteurs, plutôt que de spectateurs et qu'ils savent que l'Afrique se fera à travers leurs actions, le service communautaire,…
Les jeunes doivent également œuvrer pour leurs quartiers, leurs écoles. Le Club Intelligences Citoyennes souhaite servir les professeurs afin d'organiser des activités sociales parascolaires. Au sein des milieux défavorisés, le Cic offrira des ordinateurs, du matériel pédagogique,… On le fait déjà mais il faut demander à plus de personnes d'être là, pousser des entreprises à donner des bourses et promouvoir le coaching. Œuvrer pour la paix, la promotion de l'éducation et le développement du leadership féminin. Nous ne serons pas dans la promotion de la parité mais de la reconnaissance du talent, de la valorisation du talent, de la méritocratie.
Qui compose l'équipe du Club ?
Pour le moment c'est l'équipe d'Intelligences Magazine. Le Club sera ouvert à tous ceux qui se considèrent non pas comme des spectateurs, mais des acteurs de développement. On ne doit pas tout attendre des pouvoirs publics et on ne doit pas avoir une vision attentiste du développement. Sur les réseaux sociaux, on est suivi en Côte d'Ivoire et dans bien beaucoup d'autres pays ; d'où l'ambition de faire du club, une plateforme internationale.
Comment avez-vous fait pour atterrir dans le monde des médias ?
J'ai toujours aimé les magazines. Quand j'étais étudiante à Paris, c'était, au-delà de mon passe-temps, ce qui me tenait le plus compagnie. Je déplorais le traitement qui était fait de l'Afrique. Je voyais l'absence de l'Afrique dans les titres des magazines internationaux et en même temps j'ai cette passion pour l'actualité politique, américaine, européenne, africaine et tout ça m'a poussée à écrire. De plus, J'ai beaucoup de respect pour cette profession. Regardez un peu dans le monde les plus grands changements, les plus grandes révolutions, c'est parce que la presse a été là pour le Peuple. Moi, je veux faire partie de cette presse qui est là pour le Peuple. C'est ça intelligence, toutes les activités que nous faisons, c'est pour être là pour le Peuple. Pour moi, c'est un outil capable de changer les choses, d'émanciper les consciences.
C'est un challenge dans un environnement plein de morosité, où quasiment le support papier ne marche plus. Vous faites non seulement un journal de qualité dans le fond et dans le contenu, mais aussi dans la présentation. C'est beaucoup d'argent. Est-ce que c'est rentable financièrement ?
C'est vrai que c'est très difficile de rentabiliser un journal. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de personnes qui commencent et qui arrêtent. J'aurais aimé que nous puissions avoir davantage de magazines thématiques, mais le contexte ne s'y prête pas toujours. Je dois aussi remercier les lecteurs, parce qu'ils sont assez fidèles et aujourd'hui nous parvenons à bien vendre le journal. Le journal est très présent et nous sommes en train de travailler pour internationaliser le support. Et nous souhaitons que Intelligences soit positionné comme un magazine qui traite de l'actualité internationale et qui puisse être distribué dans le monde francophone. Nous y travaillons depuis un bout de temps maintenant et j'espère qu'avec l'aide de Dieu, très bientôt Intelligences va pouvoir être visible dans tous les pays francophones.
En parlant de visibilité, ça ne vous gêne pas que si Intelligences est connu c'est plus par la personne de sa fondatrice, que par le support lui-même ?
Je pense plutôt que c'est le contraire ! Moi, je pense que les gens se sont intéressés à la personne de Aminata Sarr Fall grâce à Intelligences Magazine. Au tout début en 20102011, les gens ne me connaissaient pas. Ils voyaient mon édito, mes entretiens, etc. Je me souviens qu'à l'époque, lorsque qu'on a interviewé le Dalai Lama, les gens voulaient en savoir plus. Nous étions allés à 5 000 m d'altitude, dans la résidence du Dalai Lama qui se trouvait dans l'Himalaya, pour interviewer quelqu'un qui n'est pratiquement jamais interviewé. Mais ça, se sont les lecteurs qui l'ont rendu possible par leur confiance. Mais je pense que c'est Intelligences Magazine qui a suscité une certaine curiosité, au regard des entretiens, des événements organisés. Vous vous souvenez peut-être des cinquante femmes sénégalaises leaders d'exception, ou de certains événements que nous avons eu à faire et les gens se sont intéressés à qui est derrière. Petit à petit des gens nous ont soutenus, notamment a travers les réseaux sociaux. Personnellement on ne s'attendait pas à avoir tout cet élan de soutien et nous en sommes vraiment très reconnaissants.
Vous avez parlé de qui est derrière le magazine. Qui est derrière le nom Amy Sarr Fall ?
Derrière le nom Amy Sarr Fall, il y a juste une jeune citoyenne qui a visionné un projet, créé un magazine et à travers celui-ci, organisé des activités citoyennes. Je peux comprendre que des gens se posent des questions. Mais c'est vraiment une aventure familiale. J'ai commencé ce journal avec le rêve de servir, l'envie de servir et c'est ce qui a continué jusqu'à aujourd'hui.
Est-ce que vous ne pouvez pas essayer de faire des médiations pour dénouer les crises qui secouent le système éducatif ?
Il m'arrive de faire des médiations mais de façon privée. Vous savez, nous avons intérêt à être tous ensemble autour de la promotion de l'éducation, car c'est un combat qui touche tout le monde. Aujourd'hui, si l'on veut avoir plus de lecteurs, on a intérêt à ce que les gens puissent lire le journal. Si l'on veut se développer, on a intérêt à former des ingénieurs. Regardons tous ces pays asiatiques qui, il y a quelques années, étaient plus pauvres que le Sénégal et qui aujourd'hui sont parvenus à un essor fulgurant. Pourquoi ? Parce qu'ils ont décidé de construire des écoles polytechniques. Ils ont parmi les meilleurs ingénieurs au monde. J'aimerais tant qu'il y ait plus d'écoles polytechniques au Sénégal. Il faut donner aux jeunes l'envie d'être des ingénieurs. Ce sont eux qui développent les pays aujourd'hui. Ce sont eux qui vont réfléchir pour savoir comment parvenir à l'autosuffisance alimentaire de façon mesurée, scientifique, logique et calculée. C'est eux qui vous diront comment faire pour avoir de l'eau, pour optimiser l'exploitation de nos ressources minières, irriguer nos champs, sinon d'autres le feront à notre place. Il faut promouvoir ce métier, sa diversité d'options et nous allons personnellement nous investir dans la promotion des matières scientifiques en 2016. Pour moi, pour développer le Sénégal, il faut diversifier les filières. Montrer aux jeunes qu'au delà de la gestion, du marketing, de la communication, il y a des belles opportunités de carrières qui peuvent s'ouvrir à eux à travers la finance et les matières scientifiques.
Vous êtes tant dans un milieu d'hommes, et vous êtes la seule femme patronne de presse. Ce qui vous donne de la visibilité et de la responsabilité, mais le message que vous lancez, ne serait-il pas plus audible si vous preniez des initiatives dans le domaine de la régulation des médias ?
Je suis peut-être la seule femme aujourd'hui. Mais, il y a eu d'autres braves femmes avant moi, qui ont permis par leur exemplarité, par leur courage à des femmes comme moi, aujourd'hui d'être là. Je pense à une femme en particulier. Je ne suivais le journal télévisé que pour la voir et c'est Madame Elisabeth Ndiaye, que je n'ai jamais rencontrée. J'espère qu'elle lira cet entretien et que j'aurai la chance de la rencontrer. Il y a eu quand même des femmes dans ce milieu. Je pense à ma Mamie Annette Mbaye D'Erneville, première femme journaliste qui m'avait donné l'opportunité, l'honneur de l'interviewer dans les premiers numéros d'Intelligences. Et qui m'a beaucoup conseillée. Les femmes ont laissé leurs traces dans ce milieu, donc mes sœurs et moi sommes héritières de leurs efforts, de leur engagement.
Alors, oui ! Le respect et l'admiration que je voue à ces grandes dames, fait que je ne veux pas les décevoir et que la meilleure façon d'honorer leur contribution est de mesurer à juste titre, cette responsabilité. Je ne prends rien pour acquis. J'estime que tout ce à quoi nous sommes parvenus à Intelligences, c'est parce que nous avons toujours refusé l'individualisme. Nous nous sommes toujours dit qu'on réussit mieux quand on est ensemble. Nous avons été soutenus par des confrères et des consœurs. Je n'ai jamais eu le sentiment d'être une concurrente. Au contraire, je me sens redevable à l'endroit de toute la presse sénégalaise car ils ont toujours été là pour nous accompagner.
Le milieu des médias demande-t-il un peu de remise en ordre ?
C'est un milieu qui demande beaucoup de remise en ordre. Et je pense que le débat serait beaucoup plus fructueux, si nous n'étions pas susceptibles face justement à certaines de ces critiques qui sont tout à fait légitimes. Je réfléchissais sur comment on peut motiver un jeune qui voit son père ou sa mère se lever chaque jour à 5h du matin pour être au bureau, travailler, s'occuper en même temps de la famille et qui est découragé parce qu'il y a cette suspicion autour de sa réussite, qui fait à la limite qu'on a peur de réussir. Et surtout, il y a ces calomnies parfois, sur les fora, où les gens sont capables et ont le droit de sacrifier la réputation d'une personne sans aucune raison, sans aucun justificatif, dans l'impunité la plus totale. Combien de familles sont détruites aujourd'hui au Sénégal à cause de ces commentaires anonymes ? C'est important de critiquer.
Tout ce que j'ai réussi, je l'ai réussi parce que j'ai accepté les critiques et je me suis améliorée. Mais, c'est important que nous aussi nous sachions que, de la même manière que nos familles comptent pour nous, les autres tiennent aussi à leurs familles. C'est très important lorsqu'on revendique, de ne pas oublier les revendications des gens pour qui nous travaillons, à savoir nos lecteurs. Je sais, pour avoir beaucoup échangé avec des dirigeants de presse, qu'eux-mêmes sont dépassés et qu'ils essaient de réguler autant qu'ils peuvent. Donc aujourd'hui, ce ne sont pas eux, les principaux responsables, ce sont des personnes qui se permettent de détruire le travail, de détruire la réputation, de détruire la famille d'autrui dans l'impunité la plus totale.
Ce serait intéressant si vous portiez ces problèmes en dirigeant le Cdeps, qui n'arrive pas à trouver de président ?
Il faut rendre hommage au président Madiambal Diagne qui a vraiment amené le Cdeps à un très bon niveau. Il a fait un très bon travail dans le Cdeps. Beaucoup de réformes ont été prises dans le secteur de la presse grâce à lui. Je pense qu'il y a d'autres personnes qui sont capables de faire ça mieux que moi et je suis prête à les soutenir dans leur travail.
Vous avez peut-être peur de vous mettre en avant. Il paraît que vous êtes assez difficile à manipuler si l'on veut être très diplomate. Il paraît que vous défendez votre position avec beaucoup d'énergie.
(Elle éclate de rire). Pourtant, je suis d'une très grande souplesse ! Vous savez, c'est important d'avoir des convictions. A mes débuts, mes parents m'ont dit quelque chose qui m'avait touchée : ils ont dit : "Ce journal que tu as entre les mains, est comme une arme à feu. Quand tu écris, il faut savoir que ta plume peut détruire de façon irréversible." Cela a été ma plus grande préoccupation dès le départ. Je me suis dit que peu importe ce que je ferai et sur quoi je m'engagerai, je ne vais pas m'associer à quelque chose capable de détruire la vie ou l'œuvre de qui que ce soit. J'ai donc concentré mon énergie à dénoncer nos vrais problèmes. Les seules choses qu'il faut absolument détruire aujourd'hui, c'est la pauvreté, la famine, la maladie et tous ces maux qui bloquent l'Afrique et menacent sa jeunesse.
Aujourd'hui, tous mes combats tournent autour de ça. Tout ce que ce je peux faire pour alléger la souffrance de certains étudiants, de certains élèves qui vont à l'école et veulent réussir mais qui se retrouvent souvent dans cette solitude parce qu'ils sont mal compris. C'est pourquoi on me voit souvent dans les écoles, échanger avec les jeunes parce que j'estime qu'on a un devoir de dialogue avec eux. Aujourd'hui, on est étonné de voir des jeunes rejoindre les mouvements extrémistes. Mais la seule chose que ces gens ont faite pour les recruter, n'est-ce pas de leur parler ? Ils ne sont pas venus au Sénégal ; ils ont juste parlé avec eux. C'est pour vous dire comment les mots ont un pouvoir. Les mots peuvent transcender les souffrances et les craintes des personnes. Moi j'ai reçu dans ce bureau tellement d'étudiants. Je suis allée rencontrer tellement d'étudiants. Je vais vous dire que je n'ai pas vu un seul étudiant chez qui j'ai constaté une absence de patriotisme ou d'engagement. Je vous assure que ces jeunes veulent réussir. Parfois, certains peuvent avoir des personnalités difficiles mais ils veulent réussir. Alors quand on a cette envie de réussir et qu'on est bloqué, on peut craquer. Il faut s'assurer d'être là-bas quand ils craquent. Alors qu'il s'agisse des parents ou des professeurs, des pouvoirs publics, des journalistes, des amis, il faut savoir leur remonter le moral à temps.
Vous êtes une femme noire, africaine, ressortissante d'un pays pauvre. Le regard que les autres posent sur vous ne constitue-t-il pas une entrave pour vos ambitions ?
(Hésitante). Bien sûr qu'il y a des obstacles, mais il faut savoir les surmonter, sinon la vie n'aurait pas de sens. Il y a quelques années, j'avais été victime de diffamation et j'en étais effondrée. Je n'étais pas préparée à ce genre de chose et cela peut vous briser le moral. Je me suis dit : "Je n'ai pas envie de vivre ça." J'ai créé une page Facebook pour voir ce que les gens pensent vraiment de moi, de la façon la plus honnête possible, parce que là il y a des gens qui assument leur identité. Dieu merci, le soutien était tel que je n'osais plus baisser les bras.
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Grâce à mes concitoyens, qui me font confiance et qui veulent m'encourager. Ce sont les jeunes files qui me touchent le plus. Certaines m'ont confié avoir songé à renoncer à leurs études mais que grâce au travail que nous faisons, elles veulent désormais retourner à l'école. Je me suis dit que si à travers ce qu'on fait, aussi modeste que ce soit, nous sommes parvenus à changer une seule vie et aider à construire un seul avenir, cela vaut la peine de continuer. C'est ce qui explique tout ce qu'on fait. Quand on est femme, c'est vrai que lorsqu'on n'a pas un soutien familial fort, on peut facilement renoncer. Et je sais que beaucoup de femmes ont peur d'être devant parce qu'elles ont vu leurs sœurs ou des amies avoir leur vie brisée parce qu'elles ont été au-devant de la scène. Vous savez, une personne seule ne pas construire le Sénégal. C'est simplement cette aisance dans l'individualisme, cette capacité à penser qu'on peut réussir seul qui donnent à certaines personnes la liberté d'attaquer autrui de façon complètement diffamatoire, injustifiée et imméritée. Je parle au nom des femmes et des hommes de ce pays qui y sont confrontés et sont victimes de cette impunité. Ils se gardent de porter plainte car ne voulant pas créer de polémiques. Il est temps que l'on mette en avant notre unité, qu'on comprenne que l'on ne peut aller l'un sans l'autre.
Quand on sait qu'aucun jour ne nous est promis, acceptons sans consensus que l'homme est le remède de l'homme. Un remède, on ne sait jamais quand on en a besoin. Personne ne peut prétendre être parfait, moi qui vous parle, j'ai énormément de défauts que j'essaie de corriger tous les jours, mais je sais que comme tout le monde, j'ai le droit d'essayer et de me tromper et j'ai le droit de compter aussi sur mes concitoyens pour m'aider à me relever et pas à me pousser en bas lorsque je trébuche. Presque tout ce qu'on fait, on le fait les uns pour les autres grâce aux autres, et c'est cette mentalité que j'aurais tant aimé voir prévaloir aujourd'hui au Sénégal. On stigmatise, on crée un climat de suspicion envers certaines personnes. On pense souvent que la réussite ne peut pas être le fruit d'un travail, d'un combat. On pense que les gens réussissent parce qu'ils ont comploté, magouillé ou été pistonnés, etc. Quand j'ai créé le magazine Intelligences, qu'est-ce que les gens n'ont pas dit ? Comment j'ai lutté contre tout ça ? Par le travail.
EXCELLENCE, TRAVAIL, CITOYENNETÉ
Édition 2015 de la Grande Rentrée Citoyenne, lundi au Grand Théâtre
(SenePlus.Com, Dakar) - Le mensuel Intelligences Magazine tient, lundi au Grand Théâtre, la quatrième édition de "La Grande Rentrée Citoyenne". Les élèves et étudiants d’une centaine d’établissements scolaires sont une fois de plus conviés à cet événement qui sera présidé, cette année, par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mary Teuw Niane.
"L’excellence", le "travail" et "la citoyenneté" seront à l’honneur. Ces valeurs seront célébrées "afin de fédérer la jeunesse autour du combat pour le développement" du Sénégal, informe la note de présentation parvenue à SenePlus.
"Après le succès des trois précédentes éditions, Intelligences Magazine s’inscrit plus que jamais dans le culte de l’excellence et du combat pour le développement. Cette quatrième édition sera, encore une fois, l’occasion de voir d’éminentes personnalités, leaders dans leurs domaines, adresser des messages d’encouragement et de motivation à plus d’une centaine d’étudiants afin de les pousser sur la voie de l’excellence", espèrent les responsables du mensuel d’information.
Pour l’édition 2015, Intelligences a choisi comme parrains des personnalités d’horizons divers : Alexandre Alcantara, directeur général de Kirène, Boubacar Camara, PCA de Sococim, Amadou Diaw, Président fondateur de l’ISM, Dr Amy Ndao Fall, Présidente de l’Association des femmes médecins du Sénégal, Kabirou Mbodj, PDG de Wari, Dr Fatou Sow Sarr, Directrice du Laboratoire Genre de l’IFAN.
L’AFRIQUE N’EST PAS LE BERCEAU DES VIOLENCES FAITES FEMMES
L’Afrique n’a pas le monopole des violences faites aux femmes. Bien au contraire, les actes les plus sauvages commis à l’endroit des femmes ne se retrouvent pas en Afrique, mais ailleurs dans le monde, a estimé Aminata Touré, ancien Premier ministre
Aminata Touré s’exprimait au centre culturel Blaise Senghor lors de la cérémonie de dédicace du livre «Les Traditions prétextes : le statut de la femme à l’épreuve du culturel» de l’activiste ivoirienne Constance Yai Tomam . Il s’agit d’un essai de 151 pages. Ce livre dénonce et déconstruit les stéréotypes qui accablent la femme et dénonce les souffrances que subit celle-ci avec le silence coupable des dirigeants. Un essai basé sur l’expérience, le témoignage de femme de terrain et de quelques recherches sur des questions des femmes.
La cérémonie de dédicace présidée par l’ancienne Premier ministre marque aussi la célébration des 20 ans du Réseau Siggil Siguen. A l’occasion que la conseillère spéciale du président Macky Sall a fait cette mise au point concernant l’activisme des femmes. «Il ne faut pas qu’on pense que l’Afrique est le berceau des violences faites aux femmes », a estimé Mimi Touré, en indiquant que le nombre de femmes tuées en Europe et en Afrique est supérieur à celui de l’Afrique.
Par ailleurs Mimi Touré précise que la question des droits des femmes est un « problème universel » et non un phénomène circonscrit à un continent comme certains seraient tentés de le penser.
Affirmant que les femmes africaines sont ancrées dans leur culture et leurs traditions, l’ancien ministre de la Justice récuse l’idée selon laquelle, les Africaines activistes des droits de la femme sont des réceptacles d’une quelconque idéologie occidentale. Elle dit : «Nous ne devons pas avoir de complexe face aux femmes occidentales. Le combat pour les droits des femmes n’est pas seulement un combat de femmes. C’est un combat social, c’est un combat pour les hommes et les femmes, c’est un combat pour le progrès. On ne peut pas nous accuser d’être occidentalisées ».
Si du point de vue biologique, il y a une différence entre homme et femme, sur le plan des aptitudes managériales et du leadership, ce n’est pas nécessairement le cas. De ce point de vue, l’ancien Premier ministre encourage vivement ses sœurs à se positionner pour occuper les fonctions auxquelles leurs capacités leur donnent droit. «Les femmes disposent de l’expertise et de l’expérience pour pouvoir occuper tous les postes qui sont mis en compétition »
Pour Safiétou Diop, la présidente du Réseau Siggil Jiguen, les femmes doivent faire preuve de solidarité les unes envers les autres. « Nous devons être solidaires entre nous. Etre solidaires de nos sœurs qui sont déjà au pouvoir.
Après 20 ans d’existence, Safiétou Diop souligne que le Réseau a obtenu beaucoup des succès, beaucoup de résultats, notamment la loi sur la transmission de la nationalité entre autres. Mais elle admet tout de même que beaucoup d’autres défis restent à être relevés. « C’est comme ça que nous allons conquérir d’autres espace, d’autres succès. Ce n’est pas du ôte toi que je me pose, le développement, c’est le seul objectif que nous poursuivons
CONSTANCE TOMA'MYAÏ DECONSTRUIT LES HABITUDES CULTURELLES
«Les Traditions-prétextes-Le Statut de la femme à l’épreuve du culturel » est un essai de l’ancienne ministre ivoirienne de la Famille et de la Promotion de la femme, Constance Toma'mYaï. Ce livre est une dénonciation du conditionnement dans lequel sont maintenues des générations d'hommes et de femmes sous le fallacieux prétexte des habitudes culturelles appelées traditions.
Publié en 2014 aux Jd Editions d’Abidjan, « Les Traditions-prétextes-Le Statut de la femme à l’épreuve du culturel » remet en cause et démystifie la tradition selon laquelle la femme doit toujours rester docile et soumise. L’auteur, Constance Toma'mYaï, ancienne ministre ivoirienne de la Famille et de la Promotion de la femme, attire l’attention sur le constat selon lequel l’attachement aux « valeurs traditionnelles », à la dimension culturelle, est évoqué pour légitimer la marginalisation des femmes et justifier les violences qui leur sont faites.
Ce livre cherche à déconditionner, déconstruire et démystifier ce condensé de préjugés et de mythes volontairement construits sur la femme et qui ruinent les programmes de développement sur le continent africain. Cela, dans l’objectif de changer le regard des femmes et de la société sur la place et le rôle de ces dernière. Pour l’auteur, « les fausses valeurs assimilées au fil du temps, alors qu’elles sont fondées sur des mensonges, finissent par devenir des vérités ». D’où l’urgence de les remettre en cause.
D’après Constance Toma'mYaï, il urge d’intégrer dans la recherche des solutions du continent, les questions liées aux bouleversements dus aux injustices créées depuis des lustres, et tolérées par l’humanité. Selon elle, l’Afrique a certes été humiliée, « mais nous devons aussi, de manière endogène, reconnaître que la femme africaine a été et continue d’être l’oubliée des indépendances, des révolutions démocratiques à particules… ».
Le livre, à travers les expériences personnelles de l’auteur, cherche à faire éclater les carcans qui empêchent aux femmes de retrouver la place qu’elles méritent dans la société. Il s’agit d’une sorte d’instrument de conscientisation de la gente féminine afin qu’elle prenne son destin en main. L’auteur, par l’entremise d’un essaim de questionnements, balise la voie pour obliger les femmes à assumer toutes les responsabilités pouvant conduire à un véritable changement.
« Chaque jour, la famille, la société s'évertuent pour faire accepter que la place qui est faite aux femmes est ce qu'il y a de mieux, parce que...cela a toujours été ainsi ! Vous conviendrez avec moi que comme argument pour discriminer négativement les femmes, on ne saurait trouver mieux ! », laisse-entendre la fondatrice de l’Association ivoirienne des droits des femmes (Aidf).
Prise en compte des aspirations légitimes de la femme
Dans « Les Traditions-prétextes-Le Statut de la femme à l’épreuve du culturel », il ne s’agit point d’un procès fait à nos traditions. Mais un rappel qu’à travers le monde et les âges, les coutumes ont toujours existé avec leurs bons et mauvais côtés. C’est ce mauvais côté cherchant à éterniser la femme dans le statut des opprimés et justifiant l'oppression par les habitudes culturelles que dénonce Toma’mYaï.
A ses yeux, « nous devons aller au-delà des clichés et autres préjugés sans fondement pour proposer des alternatives viables et acceptables, respectant les droits humains des femmes ». De l’avis de ce professeur, spécialisé dans la rééducation des troubles du langage, la femme africaine vit un paradoxe : légitimement elle a pris sa place dans toutes les luttes de revendications qui ont jalonné l'histoire de nos peuples.
Toutefois, le débat à l'ordre du jour aujourd'hui est la prise en compte des aspirations légitimes de la femme. Une alternative qui, pense-t-elle, passerait par une démocratisation de la société dans sa globalité en renforçant ou en créant une sorte de consensus sur cette problématique. « Il ne s'agit plus de ré-découvrir les femmes mais de les prendre effectivement en compte dans les statistiques.
Construire l'Etat de droit n'est pas seulement possible ; c'est un impératif. Nos dirigeants ne peuvent plus se permettre de considérer le statut de la femme comme une option. Ils ont le devoir de l'intégrer dans toutes les sphères de leurs projets », avance l’auteur, ajoutant qu’il est temps de passer des discours politiques à des actions concrètes réduisant jusqu'à faire disparaître les écarts de chances entre les citoyennes et les citoyens. Seulement pour y arriver, la consultante internationale préconise la levée des obstacles politiques. Pour elle, une volonté politique hardie manque au progrès du continent.
LE CONSENSUS MASCULIN DANS NOS PAYS
Constance Yaï, auteure et ancienne ministre ivoirienne
Constance Yaï est ancienne ministre ivoirienne et ancienne directrice générale de la Coopération francophone de la Côte d’Ivoire. Elle est aussi professeur spécialisée dans la rééducation des troubles du langage, consultante internationale et fondatrice de l’Association ivoirienne des droits des femmes (Aidf). Auteur d’un essai intitulé Les traditions-prétextes : Le statut de la femme à l’épreuve du culturel, elle était venue présenter son ouvrage à Dakar à l’occasion de la Foire internationale du livre et du matériel didactique (Fildak). Cet essai de 152 pages dénonce l’interprétation des traditions en relation avec la femme dans ses rapports avec l’homme. Très engagée dans les questions de genre, de promotion des droits de la femme, Mme Yaï rappelle aux chefs d’Etat africains que les pays qu’ils dirigent comportent autant d’hommes que de femmes. Son rêve est de voir une société égalitaire où hommes et femmes seront mis sur un pied d’égalité. Dans cet entretien accordé au journal Le Quotidien, elle parle de son livre, du conflit préélectoral de 2002 et du soutien apporté à l’époque à Ouattara.
Vous êtes à Dakar pour les besoins de la Foire internationale du livre et du matériel didactique. Vous avez même présenté un livre sur la condition de la femme en Afrique. Quelle différence y a-t-il entre la femme ivoirienne et celle sénégalaise ?
Si vous voulez, il n’y a pas une grande différence entre la condition de la femme ivoirienne et celle africaine. La différence se ferait plutôt entre la femme rurale et urbaine.Pour ce qui est des Ivoiriennes et des Sénégalaises, la chose qui me frappe c’est qu’en Côte d’Ivoire, il y a l’interdiction de la polygamie. Et au Sénégal, la polygamie est acceptée et tolérée. Mais en même temps, là où la polygamie est acceptée, il y a une discrimination de fait entre l’homme et la femme dans la cellule familiale.
En même temps, du point de vue politique, il y a une ouverture faite aux femmes. Une reconnaissance citoyenne même pleine et entière de la femme à travers les efforts faits pour la parité. Mais bon, l’Afrique est ainsi faite. C’est un condensé de paradoxes.
Il y a la non-application des lois, la réalité, le vécu. Je crois que les femmes ivoiriennes donnent l’impression d’être des femmes modernes. Elles sont peut-être modernes, mais du point de vue des processus qui accompagnent la promotion des femmes, il y a beaucoup à faire.
Juste à l’introduction de votre livre, vous vous êtes posée beaucoup de questions, notamment une série de pourquoi telle chose pourquoi, pourquoi... Est-ce que vous avez trouvé des réponses à toutes ces questions ?
Quand j’aligne les pourquoi, c’est plus pour montrer l’absurdité de la condition féminine. La femme vit une situation absurde, mais malheureusement tolérée par beaucoup, y compris par elle-même. Nous avons pris l’habitude d’accepter ce que nous vivons.
Je veux dire que rien n’est proposé pour accompagner celles qui arrivent à trouver des réponses à ces questions qu’elles se posent. Donc oui, il y a pas mal de questions qui ont des réponses, mais les réponses sont dans le titre de l’ouvrage.
La plupart des situations vécues par les femmes sont liées au fait qu’on voudrait assujettir la femme en faisant référence aux coutumes, aux habitudes culturelles. Donc, tout le monde est à l’aise pour dire : «C’est comme ça chez moi.» Ceux qui le font oublient que tous les Peuples du monde ont des coutumes et traditions. Il s’agit de dépasser ces coutumes, de prendre ce qu’il y a de positif et de se projeter dans l’avenir.
Malheureusement, beaucoup d’Africains donnent l’impression de vivre sans avoir envie de voir au-delà de leur petite personne. La perspective n’est pas leur fort. Que prévoyons-nous pour nos petits enfants ? Que deviendra l’Afrique dans 50 ans ? Ce sont des questions que, malheureusement, même les politiques qui se donnent comme destin de gérer nos vies ne se posent pas, et c’est grave.
Et les femmes dans tout cela, elles se battent ? Vous semblez dire qu’elles sont condamnées à se résigner ?
Quand on parle des femmes, on oublie qu’elles appartiennent à un contexte. Elles sont dans un espace, elles sont conditionnées. Je n’arrête pas de le rappeler dans mon livre, nous sommes conditionnées depuis notre naissance par des propos, des contes, des us et coutumes à travers le vécu de nos mères, nos grands-mères.
On nous moule et nous bassine dedans à tel point qu’on ne s’imagine pas une autre vie. Il nous est difficile de nous projeter dans un futur. Moi je suis femme, j’ai vécu des choses, j’ai eu la chance d’appartenir à un gouvernement, j’ai géré un département ministériel. J’ai vu toute la difficulté du travail. Il n’est pas facile de faire la promotion de la femme, si vous n’avez pas l’appui du gouvernement, du Président.
Il faut y ajouter la télévision à travers ces films à l’eau de rose qu’on nous projette à longueur de soirées.
Nos jeunes filles ne voient comme solution à leur vie que le mariage, rien que ça. Le mariage est une option pour les hommes, mais ce n’est pas le cas pour les femmes. Chez les femmes, travailler c’est l’option et le mariage devient quelque chose de fondamental, d’obligatoire. Ce n’est pas mauvais de se marier, il est même bon d’être accompagné dans la vie. La question n’est pas là.
Mais c’est à chacun son rythme, son mouvement, mais malheureusement ça devient obligatoire. Très peu de femmes prennent la distance pour se choisir un partenaire dans la vie. D’ailleurs, ce ne sont pas les femmes qui choisissent un partenaire, ce sont les hommes qui se choisissent une partenaire. La situation des femmes est moins agréable.
Vous en êtes à votre premier ouvrage ?
C’est la première fois que j’écris un essai.
Quel est le regard que vous portez sur la littérature des femmes africaines ?
C’est toujours avec beaucoup de bonheur que je lis les femmes. Mais je suis plus curieuse aux écrits des femmes qui questionnent la société, les questions culturelles, la littérature politique... J’aime bien les remises en question, surtout au niveau des personnalités qui ont exercé le pouvoir, une évaluation de leurs actions et aller au-delà.
Vous étiez ministre sous le régime de Laurent Gbagbo...
Elle éclate de rire (ça n’engage que votre journal). Je n’étais pas ministre de Gbagbo.
Vous semblez regretter votre choix de battre campagne pour Ouattara ?
La question n’est pas liée au choix de faire campagne pour le Président, mais plutôt : «Est-ce que j’ai bien fait de m’être engagée sur ce terrain?»
Pourquoi vous-posez-vous cette question ?
Parce que j’estime que dans une société, il faut à chaque étape de la vie de cette société des personnes qui fassent consensus, des gens objectifs. J’aurais tellement voulu parler de la Côte d’Ivoire de façon moins partisane mais là je ne peux pas, car je suis sortie de mon rôle de membre de la société civile.
Vous avez parlé de division profonde de la société ivoirienne. On sait qu’une Commission dialogue, vérité et réconciliation est mise en place. Elle n’a pas fait le job ou quoi ?
On attend toujours les résolutions de cette commission, dirigée par l’ancien Premier ministre, Charles Konan Bani. Nous sommes dans l’attente des résultats de ses travaux.
Ouattara vient d’être réélu, vous y avez joué un rôle ?
Je n'y ai pas participé car pendant un an, je m'étais retirée de toute activité publique. Je note que cette réélection s’est faite sans trop de surprises. Il n’y avait pas d’inquiétudes. Les enjeux en étaient la participation des électeurs et l’attitude de l’opposition.
Il y a des enregistrements sonores qui accusent Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, d’avoir joué un rôle dans le putsch orchestré en septembre dernier au Burkina Faso. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’attends que la vérité éclate. Je fais partie des Ivoiriens qui ont été surpris par cette information qui d'abord était véhiculée par l’opposition ivoirienne; au début on n’y croyait pas et puis après la question de l’authentification de la bande sonore s’est posée. Donc, nous sommes très curieux de savoir quelle fin cette affaire va connaître.
Certains observateurs de la scène politique ivoirienne présentent Soro comme le dauphin de Ouattara. Avez-vous la même lecture qu’eux ?
Moi, j’ai une culture démocratique. Je crois viscéralement au processus démocratique ; peut-être Ouattara dans sa botte secrète voudrait que quelqu’un lui succède. Mais j’ai envie de dire : «Pourquoi voudrait-on que ce soit Soro ?» Certains parleront de Ahmed Bakayoko. Enfin, il y a des noms qui sortent, mais rien ne me dit que le dauphin ne serait pas une dauphine.
Vous pouvez être la dauphine...
Vous savez, les élections en Afrique sont souvent basées sur la masse monétaire, malheureusement. Je n’ai pas encore vu d’élections qui se soient organisées sans ressources économiques des candidats
Mon souci, ce n’est pas d’être candidate, c’est la lassitude de voir ce pays dirigé par des gens en costume, en permanence. Et je ne comprends pas pourquoi on nous parle toujours de dauphin et pas de dauphine.
Mon livre Les traditions prétextes, aurait pu s'appeler Stop, ça suffit ! Les chefs d’Etat africains oublient qu’ils dirigent des pays où il y a autant d’hommes que de femmes. Finalement, ils dirigent des pays où il y a un consensus masculin pour promouvoir uniquement le masculin.
Je suis un peu gênée de dire ça à Dakar, parce que le Sénégal, le Rwanda ou encore l’Afrique du Sud sont des pays où on serait très mal inspiré de faire ce genre de critiques. L’Afrique compte 53 Etats et c’est vraiment dommage que même pas le tiers ne se conforme aux règles établies.
Mais est-ce que vous envisagez de vous lancer encore dans la politique ?
La politique laisse des traces indélébiles. Je vous ai parlé de traumatisme après 2002. Vivre dans un pays en se sentant angoissée par le choix d’hommes politiques, en se sentant des fois responsable sans avoir pris fait et cause directement, tout cela mérite réflexion. Ne pas s’engager nous protège de façon individualiste et égoïste, mais est-ce que je vais rester sur cette position égoïste ?
Peut-être pas. Je vais sûrement dépasser ce sentiment d’impuissance et agir avec d’autres qui pensent comme moi dans une autre dimension politique avec des valeurs plus positives et moins violentes que celles proposées par nos différentes classes politiques.
Vous parlez de violence. Que pensez-vous du terrorisme qui secoue actuellement le monde ?
Le terrorisme traduit le mal-être de notre planète. Souvent, quand il y a des incompréhensions, des injustices, cela donne naissance à des mouvements violents incontrôlés. Il est temps que la planète gère de façon durable les questions de sécurité. Peut-être, des voix plus avisées que moi feront des propositions plus adaptées.