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24 avril 2025
Femmes
PAR OUMOU WANE
BURQA EN MONO OU EN BIKINI ?
Dans sa volonté de combattre le terrorisme, Macky Sall annonce, lors du sommet de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, l’interdiction du voile intégral. C’est une décision de bon sens dans le contexte sécuritaire que l’on connaît
Puisqu’interdire la Burqa est une atteinte à la liberté, serait-il permis de la porter à sa façon ? En mini ou maxi ? En mono ou en bikini ! Comment la voulez-vous la Burqa, chères Sénégalaises ? Avec des djal djali ? Eskey ! Restons ce que nous sommes ! Est ce que ces gens là sont seulement sérieux ?
Notre humanité a été durement touchée et je tiens d’abord à rendre hommage à nos valeurs communes, au monde de la jeunesse, de la convivialité, de la culture et de la musique. Je pense bien sûr également à toutes ces victimes tombées le vendredi 13 à Paris, à leurs familles et à leurs proches.
J’ai une pensée fraternelle pour toi, Halima, fauchée là par hasard, le temps de dire au revoir, la veille de rejoindre Dakar, pour y vivre définitivement, à bon port, avec ton mari sénégalais et tes deux garçons : "Elle était Sénégalaise de cœur et aimait ce pays", soupire son frère Béchir.
"Ceux qui ont fait ça ne sont pas des hommes..." Non mais ont-ils seulement un cerveau, ces pantins tueurs sortis de derrière les barreaux ? Des tenanciers de bars, d’ailleurs de bars fermés pour trafic de drogue, qui se "kamikazent" et canardent à tout va, la République, ses enfants et ses valeurs. Dans un appartement qu’ils ont fréquenté à Paris, il y a été retrouvé des seringues, pour vous dire qu’ils n’étaient pas qu’à l’eau, que la poudre blanche ils s’y connaissent.
Ils disent vouloir détruire la perversité et s’en sont pris à des cibles faciles parce qu’innocentes. Des salles de spectacle, des restaurants, lieux de perversion leur a-t-on bourré le crâne fêlé. Ce serait drôle si ce n’était pas tragique mais ce n’est pas drôle, c’est tragique et c’est dégueulasse !
Notre monde est pris d’assaut par des bandits ignorants, une secte sans nom qui se réclame de l’islam et dont les armées sataniques ne mettent jamais le genou à terre pour prier mais pour exploser de pauvres innocents avec leur charge de haine, aux antipodes des enseignements du Coran, dont ils ne sont pas capables de réciter un seul verset ou alors en verlan !
Encore sous le choc et dans le deuil, alors que la planète entière se drape de bleu-blanc-rouge, la Seine-Saint-Denis est assaillie ce matin par les forces de l’ordre, le Raid, la BRI, les militaires, ambulances et pompiers… Ville en guerre, scènes effrayantes, lumières rasantes, lasers, explosions, balles qui fusent, l’on assiste en direct à l’assaut pour la capture semble t’il du cerveau des terroristes, Abdel Hamid Abaoud, organisateur présumé des attentats de Paris. Est-ce que ces gens là sont seulement sérieux ?
Ce bilan des attentats de Paris, qui n’est pas encore définitif, 129 morts et 350 blessés, s’il assombrit nos esprits, nous éclaire sur la nature de la menace qui nous guette et nous interroge, quant aux forces stratégiques des pays et à leur capacité à organiser sans angélisme leur sécurité.
Nos dirigeants mesurent-ils le danger ou regardent-ils trop la télé où des messieurs en costume de fumisterie viennent raconter des conneries en relativisant et en expliquant l’indéfendable par des hors sujets ? Que l’on aime la France ou pas n’est pas le problème ! Que l’on aime ou n’aime pas Macky Sall n’est pas le problème non plus ! Que l’on soit musulman et pieux n’est pas pertinent non plus à ce stade, puisque ce n’est pas un problème d’Islam… Nous sommes devant la sauvagerie et il s’agit d’y apporter des réponses fermes pour ne pas être détruits ! Nos états devront apprendre à se battre contre des poupées aux cerveaux vides et programmés pour tuer et pour mourir, qui se moquent de leur vie et veulent en bousiller d’autres.
Ces questions de défense intérieure concernent toutes les démocraties, y compris chez nous, au Sénégal. Même si l’on n’y rencontre ni conflits de religion ni mésentente entre les populations, et même si nous n’occupons pas une position de premier plan dans les conflits internationaux, notre pays est pourtant bien concerné par le risque et la menace d’attentats, et ce sans aucune psychose, ne serait-ce que par sa seule volonté de se moderniser, de se développer et d’émerger.
Le Mali n’a rien fait, aucun tort, ni provoqué les terroristes ni pris des mesures anti Burqa et s’est vu disloqué. Le Nigeria encore moins… Alors si le fait que le Sénégal prévienne le mal et s’en prémunisse est une invite ou une provocation aux terroristes, je dis bien que nos intellectuels sont lâches ou victimes de couardise.
Car le combat est bien celui-là, celui de l’Humanité contre la barbarie, de la civilisation contre le chaos, de la vie contre la mort. Et qu’on ne vienne pas me parler de religion ! Non, pas en mon nom ! Car qui peut croire que ces abominations et ces perversions aient à voir de près ou de loin avec l'Islam ? Personne sérieusement, hormis ces fanatiques illuminés, assassins de la démocratie, auxquels il faut opposer des combattants de la liberté.
Dans sa volonté de combattre le terrorisme, l’Etat du Sénégal a décidé de durcir les mesures de sécurité. Ainsi, le président de la République, Macky Sall, annonce, lors du sommet sur la paix et la sécurité en Afrique, tenu à Dakar, l’interdiction du voile intégral. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision de bon sens dans le contexte sécuritaire que l’on connait, a mis Sidy Lamine Niasse dans tous ses états. Le patron du groupe Wal fadjri estime que c’est une déclaration de guerre à l’islam. "Le voile intégral est une recommandation divine, par voie de conséquence, interdire le port du voile intégral, c’est déclarer la guerre à Dieu".
Non mais, il y a des jours, l’on préférerait être sourd !
En même temps, son frère Hamed Khalifa, Niasse encore, nous dit tout le contraire. Auquel des deux saints se vouer ? Même père et même mère, mêmes éducation coranique et même science de l’islam, nous dire deux choses complètement différentes en quelques heures, non mais, pincez-moi ! Il me semble qu’ils doivent d’urgence accorder leurs violons.
L’autre urgence, c’est de cesser de se mêler de choses dont on ignore tout. Que tous ceux qui parlent dans le vent, motivés par des arrières pensées inavouables y réfléchissent à deux fois car au-delà de la politique politicienne demeure l’intégrité de notre pays… Si ces terroristes déboulent chez nous, comme disait si bien Abou Abel Thiam, ils ne feront pas la différence entre Tivaouane, Touba, etc. Ils passent tout le monde à la kalachnikov.
Que ceux qui nous gouvernent et qui ont en charge notre sécurité, continuent de prendre les mesures adaptées pour nous protéger et pour prévenir le terrorisme quel qu’en soit le prix social à payer et n’en déplaise les thuriféraires éditorialistes et leaders d’opinion qui pensent que leur haine de la France doit justifier la défense de l’innommable.
L’angélisme n’est pas une option à ce stade car en face c’est des tueurs froids, déterminés et aveugles et notre gouvernement devra y faire face sans faiblesse. Les identifier avant qu’ils n’agissent et les mettre hors d’état de nuire car lorsque je lis qu’un imam, dans notre Sénégal, apprenait à des gens comment égorger sans souffrance un individu, j’ai été saisie d’effroi.
À toi Halima et à toutes les autres victimes des attentats de Paris, de Tunisie, de Turquie, du Maroc… je dis ceci : votre souffrance c’est la nôtre et il nous faut survivre au terrorisme. Ceux qui volent la vie et veulent mettre le monde à feu et à sang n’ont rien à voir avec l’Islam, ce sont des voyous sans foi ni loi, qu’il faut combattre avec force et sans ambiguïté.
Ce qui n’est pas l’Islam, non plus, en tout cas pas celui de la pratique sénégalaise, ce sont les discours ridicules concernant notamment le voile intégral, ou la place de la femme dans la société moderne. Quant à la burqa, que ceux qui la prônent, l’appliquent d’abord à leurs femmes ou à leur filles. Et que les autres femmes aient le droit de respirer, de rire et d’écouter de la musique si ça leur chante.
Oumou Wane est Présidente d’Africa 7
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LA VOIX DES PATRONNES
VIDÉO SENEPLUS – Entretien avec Nicole Gackou, présidente des femmes chefs d’entreprise du Sénégal
FRÉDÉRIC ATAYODI ET FODE MANGA |
Publication 22/11/2015
(SenePlus.Com, Dakar) – Près de 600 femmes, dont la plus jeune est âgée de 24 ans, sont membres de l’Union des femmes chefs d’entreprise du Sénégal (UCS). Elles sont à la tête d’entreprises qu’elles ont mises au monde de leurs propres mains. Elles évoluent dans divers domaines, mais la plupart s’activent dans les services.
Dans cet entretien avec SenePlus, leur présidente, Nicole Gackou, évoque les conditions de la création de l’UCS et les objectifs visés. Elles listent également leurs contraintes et les apports espérés, notamment des pouvoirs publics, pour l’essor des entreprises dirigées par des femmes.
Membre de l’Union des forces centristes du Sénégal d’Abdoulaye Baldé, Nicole Gackou a profité de cet entretien pour donner son point de vue «personnel» sur le projet de retrouvailles de la famille libérale et sur les chances de succès de son leader à la prochaine présidentielle.
"NOUS ALLONS EN PARLER", UNE ÉMISSION DE SALIOU GUEYE
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LES VÉRITÉS DE PENDA MBOW
EXCLUSIF SENEPLUS - Entretien avec la professeure d'histoire
SALIOU GUEYE ET FODÉ MANGA DE SENEPLUS |
Publication 18/11/2015
(SenePlus.Com, Dakar) - Penda Mbow, ministre conseillère chargée de la Francophonie, est professeur d'université, spécialiste de l'histoire médiévale. Elle est également la fondatrice du "Mouvement citoyen".
Dans ce numéro de l'émission "Nous allons en parler" de www.SenePlus.Com, elle évoque la réception de son doctorat Honoris Causa à l'Université Cluj de Roumanie le 30 octobre dernier.
Elle s'est également prononcée sur le terrorisme mondial, la démocratie torpillée dans certains pays africains où les chefs d'Etat veulent s'offrir anticonstitutionnellement un troisième mandat. En sus de déplorer la situation délétère à l'Assemblée nationale, elle a tenu à rendre hommage à son collègue Oumar Sankharé qui a tiré sa révérence le 26 octobre dernier.
KAOLACK : 52 VILLAGES S’ENGAGENT À ABANDONNER L’EXCISION
Médina Sabakh, 16 nov (APS) - Les populations de 52 villages des communes de Médina Sabakh, Ngayéne Sabakh, Kaymor, Paoskoto, Taïba Niasséne, Porokhane, Darou Salam, Dabaly et Nioro, dans la région de Kaolack, ont déclaré dimanche publiquement, avoir abandonné l’excision et les mariages précoces, a constaté l’APS.
Elles ont fait cette déclaration lors d’une cérémonie organisée par l’ONG Tostan et le projet ORCHID, sous la présidence de l’adjoint au gouverneur de Kaolack, Abdoul Aziz Diagne.
"Nous, populations de cinquante-deux (52) villages et quartiers des communes de Médina Sabakh, Paoskoto, Taïba Niassène, etc. prenons l’engagement solennel, en ce jour, en toute connaissance de cause, d’abandonner définitivement les pratiques de l’excision et les mariages des enfants au sein de nos communautés", a déclaré Fatoumata Bâ, porte-parole des 52 villages.
"A travers la diffusion organisée par le comité de gestion communautaire et les équipes de mobilisation sociale, nous rejoignons ainsi le mouvement historique initié depuis le 31 juillet 1997 à Malicounda Bambara (département de Mbour)", a-t-elle ajouté.
Selon elle, ce mouvement n’a cessé de rayonner au Sénégal tout comme dans la sous-région.
"Ce mouvement historique lancé à Malicounda Bambara, a enregistré aujourd’hui cinq mille neuf cent quatre-vingt-sept (5.987) villages ayant renoncé définitivement aux pratiques de l’excision et des mariages des enfants", a indiqué Mme Bâ.
La représentante de l’UNFPA/ Sénégal, Andréa Wojnar Diagne, a soutenu que cette déclaration n’est que le fruit du partenariat avec le gouvernement, la société civile, les ONG et de l’engagement des communautés, soutenu par le programme conjoint UNFPA-UNICEF pour l’abandon de l’excision.
Elle a souligné que l’excision et les mariages précoces des enfants bien qu’étant considérés comme une norme sociale, violent les droits humains.
L’adjoint au gouverneur de Kaolack Abdoul Aziz Diagne a, de son côté, magnifié l’engagement des communautés déclarantes, avant de réaffirmer, la politique du gouvernement à promouvoir les droits de la femme.
Les hôtes de marque danois dont la princesse Mary de la couronne de la royauté du Danemark ont pris part à cette cérémonie de déclaration d’abandon de l’excision.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, SALIOU GUÈYE
APAISER SANS APEURER
En se prononçant contre le voile intégral, le Président Macky Sall empêche des musulmans d’exprimer leur choix vestimentaire. Une telle attitude discriminante peut faire le lit du terrorisme
Saliou Guèye, Éditorialiste de SenePlus |
Publication 15/11/2015
Le 28 juillet dernier, le Sénégal par le biais du programme «Initiative de Médina Baye pour la Paix», à travers l'association «Jamhiyatu Ansaarud-Dîn du Sénégal» (JAD), a organisé une conférence internationale dont la thématique était «Islam et paix». Il était question de parler du dialogue interreligieux relatif aux questions sur l'extrémisme et le terrorisme qui constituent une menace à la paix. Le 9 novembre, la seconde édiction Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique s’est penchée sur les questions de paix et de sécurité sur le continent. Le 12, un symposium sur la sécurité s’est tenu dans la capitale sénégalaise. En l’espace de quatre mois, le Sénégal a organisé une triple rencontre sur les questions sécuritaires. C’est donc la preuve que plus que jamais, les autorités sont conscientes que notre pays n’est point à l’abri d’une attaque terroriste.
Ces rencontres interviennent à un moment où les services de sécurité ont arrêté et incarcéré deux imams et des individus proches des milieux islamistes pour apologie du terrorisme, blanchiment d’argent provenant de réseaux occultes et collusions avec des organisations djihadistes. Mais le point d’attraction de ce forum reste l’intervention du président Macky Sall qui a martelé : «Il faut développer un discours philosophique et théologique. C’est-à-dire la formation des imams dans le sens d’un islam tolérant, puisque c’est le modèle d’islam que nous avons adopté. Nous ne saurions accepter chez nous qu’on vienne nous imposer une autre forme de religion.»
Et d’enfoncer le clou : «Lorsqu’on voit des formes nouvelles, par exemple le port du voile intégral, dans nos sociétés, alors que ça ne correspond ni à notre culture, ni à nos traditions, ni même à notre conception de l’islam, nous devons avoir le courage de combattre cette forme excessive de nous imposer une manière d’être.»
Rassembler et non ostraciser
Ces propos qui ont reçu l’approbation de plusieurs Sénégalais très pointilleux sur les questions sécuritaires, n’ont pas manqué de provoquer concomitamment l’ire de certains qui ont perçu à travers le discours présidentiel une attaque voilée contre leur code vestimentaire, expression d’une certaine liberté cultuelle. Celles qui se couvrent du voile intégral (niqab ou burqa) sont des musulmanes dont le code de conduite est déterminé par l’idéologie salafiste.
Il est vrai que l’Islam soufi d’essence confrérique (pratiqué par les mouride, tidiane, layène, qadrya) qui prône la tolérance est le plus répandu sur l’ensemble du territoire national. Mais il y a une catégorie minoritaire (Ibadou Rahmane) qui a émergé à la fin des années 1970 et qui s’oppose à l’Islam confrérique et a adopté un code vestimentaire notamment le port du voile islamique chez la femme précisément le hijab.
Mais aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’autres groupes plus réformistes, plus rigoristes qui prônent un retour à l'islam des origines par une interprétation à la lettre des versets coraniques. Cette approche ultra-rigoriste de l’Islam incarnée par les mouvements salafistes et wahhabites tend à se rapprocher de la façon de vivre du prophète Mahomet et de ses compagnons (les Salaf). Les femmes salafistes ou wahhabites se reconnaissent avec leur burqa ou niqab, ce fameux voile intégral qui laisse apparaitre simplement les yeux ou qui les couvre d’un grillage.
Le port de la burqa ou du niqab, qui ne laisse transparaitre aucun trait identificatoire, a été l’expédient utilisé par le groupe terroriste Boko Haram pour procéder à des attentats-suicide au Nigeria, au Tchad, au Cameroun et au Niger. Et c’est ce qui explique subséquemment les interdictions de ces ports vestimentaires dans ces pays.
Au Sénégal, il n’est pas rare maintenant de rencontrer dans les rues des femmes vêtues de niqab ou de burqa. Ainsi, il n’est pas à exclure que les méthodes utilisées dans les pays précités pour procéder à des attentats meurtriers ne fassent recette au Sénégal un jour où l’autre. Mais cette paranoïa sécuritaire que développe le terrorisme doit-elle pousser le Président Macky Sall à tenir ex abrupto un discours radical aux allures martiales contre un groupe de compatriotes qui ont opté, telle que la Constitution le garantit à l’article 8, de jouir de leur liberté de croyance ?
Certes le président de la République, garant de la sécurité nationale, a le devoir de prendre toute initiative allant dans le sens de préserver le Sénégal d’une éventuelle attaque terroriste mais pas en violant la liberté de croyants qui est un principe constitutionnel. Déjà, le gouverneur Cheikh Niane va vite en besogne en déclarant, lors la journée des Forces armées, que la volonté présidentielle sur le port du voile intégral sera appliquée dans la région de Tambacounda. Sa précipitation est incompréhensible. Une telle application constituerait une violation d’une liberté constitutionnelle, encore qu’aucune législation n’interdise le port du voile intégral. Et toute atteinte à la liberté d’un groupe peut faire le lit d’une résistance pouvant déboucher sur des réactions terroristes.
Forcer les femmes qui se couvrent de la burqa ou du niqab à s’en débarrasser ne revient-il pas à les priver de la liberté de pratiquer leur foi garantie par la loi sur la laïcité ? La question est tellement sensible et délicate qu’il ne faut pas, par maladresses, que la peur et la crainte du terrorisme poussent nos gouvernants à un radicalisme anti-terroriste qui, in fine, charrie malheureusement des torrents de sang et de larmes.
Au lieu de rassembler le Sénégal qui souffre à chaque fête religieuse musulmane des barrières étanches entre les groupes confrériques et les adeptes de l’islam non confrérique, le chef de l’Etat organise déjà, avec son discours stigmatisant sur le voile intégral, un communautarisme ségrégatif dans les esprits, en attendant sans doute une chasse à la femme emmitouflée dans sa burqa ou son niqab.
Le président de la République, garant de la sécurité nationale, apaise mais n’apeure pas. Il rassemble mais n’ostracise pas. Car tout ostracisme débouche sur une diabolisation, voire une déshumanisation mortifère. Ainsi en prononçant un laïus radical contre le port du voile intégral, le Président Sall exerce sur un groupuscule de musulmans compatriotes ce terrorisme qu’il tente d’exorciser. Il les intimide pour les empêcher de formuler leurs idées et exprimer leur choix vestimentaire pudique qu’il considère comme dangereux. Une telle attitude discriminante favorise la division, la création de tabous, la répulsion qui peuvent faire le lit d’un terrorisme naissant.
Loi anti-burqa inefficace
La lutte contre le terrorisme ne se situe pas sous le voile intégral. Et vouloir le ramener, sous un angle réducteur, à l’usage d’un simple code vestimentaire n’est que diversion ou politique de l’autruche. La France qui nous sert de paradigme dans tous les domaines éprouve plusieurs difficultés pour interdire le port du voile intégral dans certains endroits publics malgré la législation y afférent. Vendredi, malgré sa loi anti-burqa, Marianne a été frappée, avec d’autres expédients, par sept attentats meurtriers qui ont fait 129 morts provisoirement.
En Europe, nonobstant tout le tintamarre autour du voile intégral, il n’y a que la France et la Belgique qui ont prohibé le port du niqab et de la burqa dans des endroits spécifiés de l’espace public. L’Allemagne ne l’applique que dans quelques Land (Etat). En Espagne, quand certaines localités ont voulu proscrire le port du voile intégral, la Cour suprême d’Espagne a déclaré les ordonnances afférentes comme non conformes au texte constitutionnel. L’Angleterre, au nom de la liberté, bannit toute initiative législative allant dans le sens d’interdire la burqa ou le niqab. D’ailleurs, Hilary Clinton, alors secrétaire d’Etat, a vivement flétri la France qui remet en cause une liberté d’expression en votant une loi anti-burqa et anti-niqab.
Dès lors, faut-il interdire ce port vestimentaire prisé par un groupe qui s’arrime à sa conviction religieuse profonde dans ce Sénégal qui est loin d’être inondé par une marée de burqa et de niqab ? La réponse fait plutôt appel à la réflexion plutôt qu’à la réaction spontanée. Alors il faut que nos autorités évitent de légiférer sur des fantasmes au risque de créer un problème qui, en réalité, n’existe pas.
Effet boomerang
Une législation interdisant le port du voile peut produire l’effet boomerang. En France, la loi anti-burqa a augmenté le nombre de femmes voilées intégralement et créé des confrontations multiples entre ces dernières et les policiers en charge de faire respecter la loi dans les endroits concernés par l’interdiction. Tout cela fait qu’il faille éviter toute précipitation pour légiférer sur la burqa ou le niqab. Il ne sert à rien de voter une loi dont l’application serait problématique, voire difficultueuse.
La loi sur le gaspillage dans les cérémonies familiales en tombé en désuétude dès son adoption. Une loi anti-burqa poserait les mêmes difficultés d’application. Si quelqu’un souhaite se couvrir le visage parce que cela correspond à ses convictions cultuelles ou culturelles, il faut le respecter.
Il faut éviter d’interdire parce qu’interdire c’est stigmatiser, c’est discriminer un groupe de croyants. Et en voulant légiférer pour un groupuscule, l’Etat sénégalais ne fera qu’exacerber un climat de peur, de méfiance mais aussi de ressentiment. Il faut éviter de tenir certains discours discriminants et suprématistes qui installent un schisme entre les confréries majoritaires et les associations musulmanes qui ont opté librement pour un islam inspiré du salafisme ou du wahhabisme. Et c’est la laïcité, pourtant toujours remise en cause par bon nombre de Sénégalais se réclamant du salafisme et même des confréries, qui demeure le meilleur rempart pour protéger les minorités musulmanes à la merci de l’hégémonie des confréries dominantes dans notre République.
Au Sénégal dans le cadre de la Foire internationale du livre et du matériel didactique (Fildak), l’écrivaine franco-sénégalaise Fatou Diome a accepté d’échanger avec des élèves sur son œuvre “Le ventre de l’Atlantique”. Trouvée au lycée Thierno Seydou Nourou Tall de Dakar, celle qui se définit comme une Franco-sénégalaise a accepté d’aborder avec EnQuête d’autres sujets d’actualité tels que la montée du terrorisme en Afrique, l’éventuelle interdiction de la Burqa au Sénégal ainsi que de l’émigration clandestine. Elle n’a pas non plus manqué de répondre dans cet entretien à ceux qui l’avaient traitée “d’ingrate” après sa sortie dans l’émission “ce soir ou jamais” diffusée sur France 2 en avril passé.
Comment vivez-vous la montée du terrorisme en Afrique ?
Je la vis mal. Moi, mes grands-parents étaient des “ceddo”. Nous les Africains devons toujours nous souvenir de notre histoire. D’accord aujourd’hui en Afrique, il y a des chrétiens et il y a des musulmans. Mais l’Afrique christianisée ou musulmane est une Afrique colonisée. Il faut toujours se souvenir de ça. Souvent tous les peuples du monde croient en ce dont avaient cru leurs aïeux. Il n’y a que les Africains qui ont des dieux qui ne sont pas ceux de leurs ancêtres. On a été islamisé ou christianisé. C’est quoi la culture de nos ancêtres ? Le Sénégal ne connaît que la culture pacifiste. Pour les animistes, toux ceux qui étaient vivants avaient le droit d’exister, étaient légitimes et respectés.
Donc, moi je ne peux pas croire en quelqu’un qui dit qu’il croit en Dieu et qui peut terroriser quelqu’un d’autre ou s’attaquer à la vie de quelqu’un d’autre. Cet islam-là, moi je ne peux pas le comprendre. Peut-être que ce sont des gens qui ont des histoires politiques à défendre. Dans ce cas, il faudrait qu’ils le fassent sans mettre la religion dedans.
Parce qu’il y a beaucoup de gens qui croient en Dieu et qui n’ont aucune envie de faire du mal à personne. Ces gens-là devraient pouvoir pratiquer leur religion en paix sans qu’on ne les regarde avec des soupçons, que cela soit en Afrique ou à l’étranger. Mais souvent, les gens ont des revendications politiques à faire et à un moment donné. Il faut qu’ils puissent juste revendiquer sur le terrain des idées et de la politique et ne pas mettre la religion à toutes les sauces.
Qu’est-ce que cela vous fait que l’islam soit souvent associé à la violence ?
Vous savez moi, si quelqu’un prend un bout de bois et crois en cela c’est son problème. Je n’ai aucun problème avec ces histoires de religion. Ce que je veux, c’est que personne ne s’occupe de ma relation entre Dieu et moi. Je pense que la religion est une conviction intime. Chacun est libre de croire en ce qu’il veut. Ce n’est pas quelqu’un qui va décider de ce qui va se passer dans ma tombe. Quand quelqu’un parle mal d’une religion, pourquoi se lever et dire que je vais défendre cette religion comme si on était la sentinelle de Dieu. C’est arrogant. Est-ce que Dieu a élu quelqu’un mieux que les autres pour défendre la religion ? Nous sommes tous des créatures de Dieu.
Le Sénégal pourrait aller vers l’interdiction de la Burqa, selon le Président Sall. En tant que femme et intellectuelle, qu’est-ce que vous en pensez ?
Je n’en pense rien du tout. Il suffit de me regarder. Si j’étais d’accord avec ça, j’en porterais une. Ce n’est pas le cas. Il suffit de me regarder pour voir en quoi je crois. Moi, je me bats pour une femme sous la lumière, au soleil, pour la liberté d’exister. Si le corps de la femme était absolument vilain et insupportable, Dieu l’aurait caché. Ce n’est pas par hasard que Dieu nous a donné des cheveux.
Alors, s’Il avait pensé que le corps des femmes était insupportable, Il aurait fait pousser des cheveux sur tout notre corps de femme. Il ne l’a pas fait. Moi, je suis une créature de Dieu. Je ne vois pas pourquoi l’être humain va décider de cacher ce que Dieu Lui-même a dévoilé. Je ne peux pas accepter qu’on cache les femmes.
Mon corps n’est pas plus indécent que le corps de quelqu’un d’autre. Je n’ai aucune raison de cacher mon corps. Et si mes cheveux posent un problème à un homme, c’est que cet homme a des problèmes de gestion de sa propre libido. Dans ce cas, qu’il prenne un psychologue. Je ne peux rien pour lui.
Sur un plateau de télé en France, vous disiez : “nous serons riches ensemble ou nous allons nous noyer ensemble”, vos propos ne sont-ils pas trop radicaux ?
Non, ce ne sont pas des propos radicaux. Nous serons riches ensemble ou nous allons tous nous noyer ensemble. Quand je dis nous serons riches, je fais référence aux richesses qui appartiennent à ce monde. Il y a des pays qui ont des ressources, des matières premières. Il y a des pays qui ont la science et la technique pour les transformer. Ils ont des outils technologiques qui permettent une industrialisation. Il y a des pays qui ont le savoir et l’argent pour investir. Il y a d’autres pays qui ont les ressources et qui n’ont pas l’argent pour investir.
C’est la combinaison de tout ça qui peut aider l’humanité à aller bien. Pendant très longtemps, les communautés humaines ont organisé leur existence les unes au détriment des autres. Cela ne peut plus continuer comme ça. Parce que l’état d’évolution des connaissances aujourd’hui et l’état de développement intellectuel de tous les peuples du monde sont arrivés à un niveau tel qu’on ne peut plus exploiter un peuple sans trouver des gens en leur sein qui vont se soulever pour réclamer plus de dignité, plus de respect.
Donc, on ne peut plus exploiter quelqu’un et faire semblant de l’aider. Ce n’est plus acceptable. Exploiter ne sera plus du tout un mode de survie pour aucune communauté. Il faut partager et entretenir un partenariat absolument équilibré, réciproque et responsable. Il ne faut pas me donner tes restes et vouloir me faire croire que tu m’aides. Moi, je suis entre l’Europe et l’Afrique, j’aime les deux. J’avais déjà dit dans un entretien avec vous que je ne suis pas une immigrée complexée. Je suis vraiment de nationalité franco-sénégalaise. Je respecte ces pays, je les aime. J’en ai besoin. C’est comme les enfants avec leurs père et mère. J’ai vécu la moitié de ma vie en France.
Il y a des choses en Europe que j’adore, je les revendique. Il y a des choses aussi que je critique exactement comme au Sénégal. Il y a des choses que j’aime ici. Il y a des choses que je voudrais changer. Maintenant, au milieu de tout ça, on a la relation entre l’Europe et l’Afrique. Pendant très longtemps, l’Afrique a été dans son statut de dominé. Alors, se plaindre pendant des siècles ne peut plus durer. Il faut arrêter de se plaindre pour jouer dans un rapport absolument plus équilibré et sans complexe. Si j’ai quelque chose à vendre, je veux le juste prix.
Si on payait à l’Afrique le juste prix de ses matières premières, elle n’aurait plus besoin d’aide humanitaire. A un moment donné, il faut que l’Afrique trouve l’aide humanitaire absolument infamante et réclame le prix de ses propres biens.
Pour vous, l’Afrique est exempte de tous reproches dans cette histoire d’émigration clandestine ?
Non, non pas du tout. En Afrique, le problème, c’est souvent quand vous allez dans un pays, tous les intellectuels du pays veulent être Président. Dans la jungle, même quand il y a une meute, il y a un dirigeant. Tout le monde ne peut pas être chef. A un moment donné, il faut la bonne personne à la bonne place et que les autres acceptent de travailler avec elle, la soutenir et avancer.
Mais malheureusement, à chaque fois que quelqu’un prend le pouvoir quelque part en Afrique, d’autres se battent pour le destituer, pour mettre quelqu’un d’autre. L’instabilité politique ne favorise pas le développement quel que soit le pays, en Europe comme en Afrique. Tant que l’Afrique sera incapable de maintenir sa stabilité politique, elle sera toujours dans les difficultés.
La critique des autres n’est valable que si on est capable de faire son autocritique. Il faut que nous soyons aussi exigeants. Il faut que l’Afrique puisse donner un espoir à sa propre jeunesse. Il faut que l’Afrique accentue la formation. Il faut que l’Afrique développe l’éducation. Il faut que l’Afrique lutte contre la déscolarisation précoce par exemple des filles. Il faut aussi franchement trouver du travail aux jeunes qui risquent leurs vies pour l’Europe.
C’est difficile bien sûr. Quand il y a une crise politique ou une guerre, on peut comprendre que les gens partent. Mais quand on est dans un pays pacifiste ou pacifié et que les gens éprouvent quand même le désir de partir pour trouver un rêve possible quelque part, cela veut dire qu’il y a intrinsèquement quelque chose qui fonctionne mal chez nous. Donc, des dizaines d’années après l’indépendance, on ne peut pas toujours dire que c’est la faute de l’Europe.
Ça, ce serait dire que nous sommes des moutons. Ou nous sommes indépendants et dans ce cas nous sommes responsables aussi, ou nous disons que c’est la faute des autres et cela veut dire que nous sommes comme des moutons et nous sommes complètement dépendants. A un moment donné, il faut choisir. On ne peut pas parler d’indépendance et dire que tout ce qui nous arrive, c’est la faute des autres. Ce n’est pas vrai.
La réaction de l’Europe face aux flux migratoires n’est-elle pas un réflexe normal ?
La Syrie est en guerre. Si votre maison prend feu, vous allez vous enfuir peut-être chez votre voisin. C’est juste une nécessité de survie. Quand il y a une guerre dans un pays, c’est normal que les gens partent. L’Europe aussi a connu ça. Vous savez, à la fin de la deuxième guerre mondiale, il y a des gens qui sont partis d’Europe pour aller en Argentine, en Afrique du Sud, aux USA.
C’est la paix qu’ils allaient chercher là-bas que d’autres viennent chercher chez eux. Quelque part, c’est une logique qu’on peut aussi comprendre. Là, les gens sont en paix au Sénégal parce que tout va bien. Mais s’il y avait des problèmes, ils iraient chercher la survie quelque part.
Le Sénégal est un pays stable ; malgré tout les gens partent à bord d’embarcations de fortune vers l’Europe. N’est-ce pas normal que l’Europe se barricade face à de tels migrants ?
Les gens qui partent en Europe pour des histoires économiques sont différents de ceux-là dont je parle. Eux sont des migrants économiques. Ils sont différents des réfugiés. Ces derniers sont protégés par la convention de Genève relative au droit d’asile. Ce n’est pas la même catégorie de voyageurs ou de migrants. Moi, je ne suis pas une députée ni une ministre. Je suis entre ces deux pôles. Je pense que c’est légitime de réclamer plus d’accueil quelle que soit la couleur de la peau, quel que soit le pays d’accueil.
Si des Gambiens venaient ici, je demanderais qu’on les accueille. Et si j’étais en Gambie et que des Sénégalais demandaient asile, j’aurais la même réaction, tout simplement au nom d’un principe de respect des droits de l’être humain. Ce respect des droits de l’être humain, je le réclamerai pour n’importe qui sur cette planète. Si vous êtes dans l’insécurité chez vous, qu’il y a un drame politique ou une guerre et que vous voulez être accueilli quelque part, je trouve qu’en tant qu’être humain, c’est un devoir pour ce pays de vous accueillir. Maintenant, il faut questionner la situation de l’Europe. Dans les années 1960 ou 1970, c’était plus facile pour les Africains de trouver du travail là-bas.
La situation économique pouvait le permettre. Mais aujourd’hui, en Europe aussi, il y a la crise. Je comprends la détresse des gens qui veulent aller trouver du travail là-bas mais je dois être suffisamment honnête pour dire qu’il y a des gens qui partent, pensant qu’ils vont trouver une solution mais qui ne trouveront aucune solution. Parce que déjà là-bas, il y a des gens qui sont au chômage et qui ne trouvent pas du travail à cause de la crise économique. Il faut juste que les gens qui partent comprennent qu’aujourd’hui, aller en Europe en pensant qu’on va y trouver toutes les solutions n’est pas possible.
Ce n’est pas comme ça. L’argent que certains peuvent payer à des personnes pour aller en Europe, si elles l’investissent dans leurs propres pays, elles pourraient créer des choses. Sinon c’est une mafia qui exploite la misère des gens.
La mort d’un réfugié syrien a beaucoup ému l’Europe, plus que d’ailleurs la tragédie de Lampedusa avec plus de 1 500 morts. Comment expliquez-vous cela ?
Là, c’est un enfant. Je crois que ce n’est pas une histoire de couleur ou de pays. Vous savez un enfant, c’est quelqu’un qui va vers la vie. Ce n’est pas quelqu’un qui est en fin de vie. Toute mort est choquante, c’est vrai. Tous les décès sont douloureux. Mais un enfant, c’est quelque chose qui touche l’innocence, qui interroge tous les peuples. Un enfant noir, chinois ou blanc, ça toucherait les gens de la même manière. Un enfant, c’est l’ange et l’innocence qui meurent.
Quand cet enfant meurt, il y a quelque chose de nous qui est bouleversé. On peut être sensible à ça parce qu’on est une mère, une grandmère ou qu’on a déjà perdu quelqu’un de sa famille. On peut être aussi sensible à ça parce que tout simplement on se dit : je suis un être humain, j’ai un certain âge, je rêve de vivre encore d’autres années, et ce malheureux enfant n’a pas eu la chance de découvrir la vie avant de la quitter. Je pense que c’est cela qui a bouleversé les gens.
D’autre part, il y a le fait que la victime est connue. Elle a une identité. Alors que Lampedusa, c’est 1 700 morts. Vous avez un chiffre. C’est terrible à dire mais l’horreur devient habituelle. C’est-à-dire que quand les gens ont l’habitude de mourir en masse, par centaines, par milliers comme ça, à un moment donné, peut-être que les gens regardent ça aux infos et continuent de dîner. Mais quand on vous dit que c’est un petit, on vous donne son nom, on voit une photo de famille, etc. cela bouleverse les gens. C’est parce que la victime est identifiée.
Après votre sortie médiatique en avril, certains de vos collègues français vous ont traitée “d’ingrate” parce que la France vous a tout donné et vous vous retournez pour l’insulter. Que leur répondez-vous ?
C’est leur problème. Je paie mes impôts. Socrate parlait de l’art d’accoucher les esprits. Si on les accouche, c’est qu’il y avait déjà quelque chose dedans. Moi, je suis une Africaine. Je suis venue en France et j’ai appris énormément de la France. C’est aussi mon pays. Et c’est aussi un pays qui est dans mon cœur. Je le dis partout. Je suis de nationalité franco-sénégalaise. J’aurais pu quitter la France et aller vivre ailleurs. J’ai décidé d’y rester parce que j’aime ce pays. Cette culture-là est dans mon cœur. S’il y a des gens qui pensent que je suis ingrate vis-à-vis de la France parce que j’ai critiqué la France, c’est leur problème.
Encore que dans cette émission, on n’a même pas parlé de la France. On a parlé de l’Europe d’une manière générale avec l’accueil des réfugiés. Je leur dirai tout simplement que quand on regarde la devise de la France qui est “liberté égalité – fraternité”, elle est suffisamment généreuse pour nous autoriser de l’interroger et lui demander en permanence sa mise en application. La France ne m’a pas adoptée pour que je sois la moins libre de ses enfants.
La France m’a adoptée pour que je sois une Française comme n’importe quelle autre, c’est-à-dire avec les mêmes droits et avec les mêmes devoirs. J’utilise mon droit et en tant qu’artiste, j’utilise ma liberté d’expression comme je l’entends. C’est aussi ça la liberté que la France promeut dans le monde, offre à ses enfants et partage entre tous ceux qu’elle a décidé d’accueillir.
Vous avez échangé avec des élèves du lycée Seydou Nourou Tall, comment trouvez-vous leur niveau scolaire ?
J’ai trouvé qu’ils étaient bien. J’ai d’ailleurs complimenté l’une des élèves qui parlait très bien avec des mots très bien choisis. Et ça, c’est une remarque qu’on entend souvent par rapport à l’Afrique. On dit que les étudiants africains parlent comme des livres. On me le disait quand je venais d’arriver en France. Les étudiants s’appliquent parce que ce n’est pas leur langue maternelle. On veut être dans un bon niveau. On a plus d’exigence. On veut réviser. On veut maîtriser la langue. On veut la dompter quelque part. On veut l’assouplir.
Tout ça, c’est un rapport que nous avons à la langue française. Je leur ai dit : “regardez le français comme une de vos langues d’Afrique.” Parce que ce français vous a devancé dans votre propre pays. Vous êtes né dans ce pays. Vous utilisez les richesses que vous y avez trouvées.
Le français, c’est une de ces richesses-là. Moi, je n’ai pas du tout ce complexe colonial. Je sais juste que si mes livres sont lus aujourd’hui au Japon ou en Suède, c’est parce qu’ils ont été écrits en français et traduits dans ces langues. Ce qui n’est pas du tout antinomique avec le fait de parler parfaitement sérère et parfaitement wolof. On peut enseigner le wolof, le sérère mais aussi le français. Faire du populisme, dresser les gens contre le français soi-disant pour défendre les langues nationales, c’est mettre le Sénégal en retard. Je vais vous dire une chose : si vous vous enfermez dans vos langues locales, au niveau international personne ne sait qui vous êtes.
Et si vous voulez porter la voix de votre peuple à l’international, vous avez intérêt à ouvrir une plus grande porte. C’est-à-dire une langue qui nous permet d’avoir un lien avec le reste du monde. Même si on dit langue coloniale, en Afrique, on a besoin du français, de l’anglais et de l’espagnol pour communiquer avec le reste du monde. Dire cela ne signifie pas que notre culture est moins importante. Elle est importante et on peut l’utiliser. Moi, parler français ne m’empêche pas de parler sérère et wolof.
Enseigner le français n’empêche pas les ex-colonies de décider d’enseigner leurs langues locales exactement comme au Sénégal où on peut étudier le sérère, le wolof, le diola ou le halpular à l’université. On n’a pas besoin de taper sur les autres pour mieux nous défendre. Au lieu de se battre contre, il faut se battre pour. Quand on se bat pour quelque chose, quand on trouve un obstacle, on va essayer d’affronter cet obstacle. Moi je ne me bats pas contre le français. J’adore cette langue. Je n’ai pas le complexe victimaire comme le français me domine. Non, le français ne me domine pas. C’est une de mes langues africaines.
Aujourd’hui comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique ?
L’avenir de l’Afrique, il faut qu’on puisse se dire que ça dépend des Africains. Quand vous êtes dans votre maison, l’état de votre maison, ce n’est pas le voisin qui doit en décider. C’est vous-même. L’avenir de l’Afrique, c’est la jeunesse africaine qui doit la régler, ce ne sont pas des leçons venues d’ailleurs. L’avenir de l’Afrique, c’est un partenariat avec les autres. Parce qu’on a aussi des choses à apprendre des autres. Moi, je ne crois pas à une fierté africaine renfermée sur elle-même. Je crois à une fierté africaine très consciente de ce qu’elle a comme richesse, qu’elle possède.
D’une Afrique prête à échanger et à prendre les échanges partout où elle se trouve et se dire : nous aussi on peut se développer sans être dans un rejet de l’autre, en restant dans la culture. Vous savez, le Sénégal, c’est le pays de la teranga. Moi, je suis fière quand des gens me disent : j’ai été au Sénégal, j’ai été très bien accueilli. Moi, c’est cette Afrique-là qui me plaît. On peut être solidaire, généreux sans être naïf ou dupe. Il est temps que l’Afrique se réveille pour dire : je suis fière mais je ne suis pas égocentrique.
Oui pour l’Afrique fière et debout. Je suis contre l’afro-centrisme parce que toutes les fois où des peuples ont été ethno-centrés, ça a toujours donné de mauvais résultats dans l’histoire. J’estime que l’Afrique a une grande histoire derrière elle pour savoir ce qu’elle doit cultiver et ce qu’elle doit éviter. Je pense que l’Afrique doit lutter pour la paix, une paix durable et dans tous les pays africains. Il lui faut aussi cultiver un peu un esprit panafricain.
Parce que tant qu’on ira toujours sur le champ de la mondialisation en bataillon dispersé comme cela se fait actuellement, nous ne gagnerons aucune bataille. Qu’elle soit économique, diplomatique ou scientifique. A un moment donné, il faut que les Africains fassent de leur multitude une force unie. Elle sera ainsi plus efficace.
Après la sortie de votre ouvrage “Impossible de grandir”, comment a réagi votre entourage ?
Ce n’est pas l’entourage qui est important, c’est ce que le texte dit qui l’est. Mon entourage, c’est vous, ce sont tous mes lecteurs, tous les Sénégalais. Pour moi, “Impossible de grandir”, c’est une façon de regarder les tares de notre propre société et proposer la discussion.
Par l’écho médiatique qu’il y a eu, les réactions, les lettres que j’ai reçues, j’ai compris que la société sénégalaise était vraiment mûre pour interroger son passé mais aussi son présent afin d’améliorer la situation des enfants d’une manière générale. Donc, ça m’a touchée que les gens réagissent d’une manière positive.
Le rapport 2015 de l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la Population) et du Groupement d’étude de l’enseignement de la population (GEEP), sur le Sénégal risque de donner des sueurs froides aux parents d’élèves. Selon cette publication officielle, 1971 cas de grossesses ont été constatés en milieu scolaire au cours des trois dernières années. Mais ce qui est grave, c’est que parmi les auteurs de ces grossesses, les élèves entre eux, constituent 49 %, suivis des étudiants pour 11 %, alors que les enseignants sont au bas de l’échelle avec 2,2 % d’entre eux.
C’est un accablant rapport que celui de juin 2015 rendu public par l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la Population) et le Groupement d’étude de l’enseignement de la population (GEEP) sur les grossesses en milieu scolaire. En s’exprimant sur cette question hier, mercredi 11 novembre, lors d’une rencontre organisée par les intervenants du projet d’éradication des grossesses en milieu scolaire, Abdou Salam Dem, président de la Commission scolaire de la Commune de Sicap Mbao et ancien proviseur du lycée de Thiaroye d’alerter que ledit rapport révèle que les élèves du premier cycle, de la 6ème à la 3ème, constituent 71,9 % des cas de grossesse dans le milieu scolaire alors que les élèves de la seconde à la terminale font 28,1 % des cas.
Sur l’âge des élèves mises en état de grossesse, 45 % d’entre elles, ont entre 15 et 17 ans, 31 % entre 15 et 16 ans et 24 % entre 18 et 19 ans. Le tollé général soulevé par ce rapport, c’est quand il met en exergue les auteurs de ces grossesses inopportunes. Les élèves entre eux sont désignés comme les plus grands responsables avec 49% des cas. Talonnés de près par les étudiants qui sont à 11 % alors que les jeunes en général font 8,10 % des cas. Les enseignants sont au bas de l’échelle avec 2 % des responsabilités.
Poursuivant ces récriminations, le président de la Commission éducation de la commune de Sicap Mbao, rapporte aussi que le rapport a révélé que parmi les motifs des déviances qui ont causé la perte des jeunes filles enceintées, les besoins d’argent et l’environnement scolaire sont les causes de leurs grossesses. Il se trouve aussi que les cours sur l’éducation à la vie sexuelle ne sont pas développés à l’école. Pis, à la maison également, les parents abordent à peine ce sujet qui demeure tabou, avec leurs enfants vivement exposés aux méfaits des nouvelles technologies outils de télécommunication tels qu’Internet, les téléphones portables et les films télévisés trop souvent portés sur le sexe.
Analysant ce phénomène, l’ancien proviseur du lycée de Thiaroye déplore la part réservée à l’éducation sexuelle jugée faible dans le programme scolaire. Tout comme l’abandon des leçons des morales dans les cours avec des thèmes à discuter entre l’enseignant et chaque élève des classes. Des bases qu’on aurait dû continuer jusqu’à présent–a–t-il ajouté avant d’inciter ses collègues à se battre pour qu’il y ait 0% des enseignants impliqués sur les cas de grossesses. Un sujet qui interpelle les syndicats d’enseignants et les autorités.
LE NIVEAU DES SOCIÉTÉS SE JAUGE AU TRAITEMENT RÉSERVÉ AUX PLUS FAIBLES
Dakar, 11 nov (APS) – L’écrivaine franco-sénégalaise, Fatou Diome, a affirmé mercredi que le niveau d’une société dépend de la manière dont celle-ci "traite ses enfants, ses femmes et ses malades".
"Je ne crois pas au machisme et c’est très africain. Le machisme est d’ailleurs plus africain qu’européen", a soutenu l’auteure de "La préférence nationale " (recueil de poèmes, 2001) et du roman "Le
Ventre de l’Atlantique (2003), lors d’une rencontre littéraire avec des lycéens à Dakar.
Elle animait une rencontre littéraire avec des élèves du lycée Saïdou Nourou Tall de Dakar dans le cadre de la 15e édition de la Foire internationale du livre et du matériel didactique de Dakar (FILDAK) qui va s’ouvrir jeudi.
Appelant à la tolérance et à la justice sociale, Fatou Diome a dit à la centaine de lycéens que "la douceur que vous donnez n’est pas une faiblesse, c’est une tendresse que vous recevrez en retour".
"Mon objectif en ce moment est de continuer à semer la paix et la fraternité", a-t-elle confié aux élèves, ajoutant qu’elle "rêve de construire des bibliothèques partout dans le monde en commençant par Niodior", dans les Îles du Saloum, où elle est née en 1968.
Docteur en philosophie et littérature, Fatou Diome a fait comprendre à son jeune auditoire que "la meilleure manière d’aider l’Afrique à progresser, c’est d’aider l’école, donc le savoir".
Dakar, 5 nov (APS) - Des responsables de groupements de femmes transformatrices de produits halieutiques se sont félicitées jeudi de l’initiative du ministère de tutelle consistant à les doter de claies de séchage, un matériel qui devrait contribuer à l’amélioration de l’hygiène et de la qualité des produits halieutiques.
"Avec ce matériel de séchage, les femmes transformatrices vont renforcer l’hygiène et la qualité des produits. Nous allons pouvoir faire des produits de qualité que nous pourrons exporter vers l’Europe et l’Afrique", a assuré le secrétaire général du Réseau des femmes transformatrices de la pêche artisanale, Adja Ndiaba Diop.
Elle s’exprimait lors de la cérémonie de remise d’un lot de 700 claies séchage à des groupements des femmes de Dakar, Thiés, Louga, Fatick, Ziguinchor et de St-Louis, sous la présidence du ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, Omar Guèye.
"Le problème du séchage était un grand souci pour nous, parce que les claies de séchage coûtent chères. Nous remercions le gouvernement de ce matériel qui participe de la qualité de nos produits", a pour sa part salué Adja Fatou Sarr, parlant au nom des femmes transformatrices.
"Nous pourrons exporter nos produits qui vont respecter les normes d’hygiène et de qualité", a-t-elle relevé, avant de demander au ministre de la Pêche et de l’Economie maritime de leur trouver des débouchées pour l’écoulement de leurs produits.
Mme Sarr a par ailleurs invité Omar Guèye à veiller à la "protection du label Sénégal", dans le domaine de la transformation des produits halieutiques.
Elle a de même sollicité du ministre un appui pour faciliter un accès au crédit à des taux préférentiels, au profit des transformatrices du secteur.
Le ministre de la Pêche et de l’Economie maritime a annoncé, en réponse, que le gouvernement avait déjà accordé une ligne 150 millions de francs CFA pour les femmes du marché au poisson de Pikine et de la région de Dakar, pour les "débarrasser des usuriers".
Revenant sur l’importance économique de la pêche, M. Guèye a souligné que ce secteur participait à hauteur de 2% au Produit intérieur brut (PIB), avec près de 43% des captures destinées à l’exportation.
Selon lui, environ 600 mille personnes travaillent dans le secteur, avec 60% de femmes qui s’activent dans la transformation des produits issus de la mer.
Selon lui, cela justifie l’option des autorités de donner à la pêche "un rôle moteur de croissance" dans le Plan Sénégal émergent (PSE), pour le "renforcement de la sécurité alimentaire ainsi que pour la création de richesses et d’emplois
Les femmes peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme. C’est l’avis de la directrice régionale d’Onu-Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Diana Ofwona. «Les femmes sont appelées à jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme sur le continent africain, qui doit casser les chaînes qui alimentent ce phénomène», a-t-elle dit. Mieux, a-t-elle ajouté, «il nous faut arriver à casser les chaînes qui alimentent le terrorisme en prenant notamment en compte les aspirations de nos jeunes qui sont désespérés, faute d’emploi».
Parlant de la sous région ouest africaine, Diana Ofwona a salué les efforts déployés pour lutter contre la violence. «Je vois vraiment ce qui se passe dans la sous-région. Nous avons fait des efforts», a-t-elle affirmé. Toutefois, Diana Ofwona reconnait que «nous avons encore beaucoup à faire». Ainsi a-t-elle plaidé pour une forte implication des femmes dans la promotion de la paix.
La directrice régionale d’Onu-Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, Diana Ofwona s’exprimait hier, mardi 3 novembre, en marge de la célébration de la 6ème édition des (journées) portes ouvertes sur la Résolution 13-25 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Celle-ci, fait appelle à une plus grande implication des femmes dans la prévention des conflits, le maintien et la consolidation de la paix. Aussi accorde-t-elle une attention particulière au rôle des femmes, en temps de conflit. Hier, mardi, la rencontre a réuni à Dakar des femmes leaders de l’Afrique de l’Ouest, des universitaires, des représentants des organisations de la société civile, des organisations régionales et des agences du système des Nations Unies.