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26 novembre 2024
International
UN DUEL SUR LE FIL DU RASOIR
"Personne ne peut prédire qui va l'emporter". À quatre jours du scrutin présidentiel américain opposant Kamala Harris et Donald Trump, René Lake livre sur le plateau de VOA Afrique ce vendredi, les clés d'un sprint final à couper le souffle
Dans un entretien accordé ce vendredi 1er novembre à VOA Afrique, René Lake, journaliste et analyste politique basé à Washington, décrypte les dernières heures d'une campagne présidentielle américaine plus serrée que jamais. À quatre jours du scrutin, le duel Harris-Trump reste indécis.
"La course est extrêmement serrée", souligne-t-il, pointant le rôle crucial des sept "états charnières" capables de basculer dans un camp comme dans l'autre. Si les dernières compilations suggèrent un léger avantage pour Donald Trump, l'analyste rappelle le précédent de 2016, où Hillary Clinton dominait les sondages avant sa défaite finale.
Interrogé sur l'impact du dernier rapport sur l'emploi (seulement 12 000 créations en octobre), René Lake relativise : "65 millions d'Américains ont déjà voté par anticipation". Il met en avant la bonne santé globale de l'économie américaine, citant un Dow Jones à son record historique de 42 000 points ce matin même et rappelant que selon le quotidien The Economist, "l'économie américaine fait aujourd'hui l'envie du monde".
Sur les thèmes sensibles des droits des femmes et de l'immigration, l'invité de Jacques Aristide observe une dynamique intéressante : les femmes représentent 54% des votes anticipés contre 44% pour les hommes, un écart qui pourrait favoriser Harris. Concernant l'immigration, si Trump conserve un avantage dans l'opinion, la vice-présidente sortante tente de retourner le sujet en rappelant l'obstruction républicaine à une réforme bipartisane.
L'intervention de René Lake est à suivre en début du journal.
LA DÉMOCRATIE COMME HÉRITAGE ET COMME HORIZON
D'Abdou Diouf à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade, aucun président de la République n'a pu résister à la volonté populaire au Sénégal. Un avertissement que le nouveau duo au pouvoir aurait tort d'ignorer
(SenePlus) - Selon un éditorial de Marwane Ben Yahmed, directeur de publication de Jeune Afrique (JA), le Sénégal continue d'affirmer sa singularité démocratique en Afrique de l'Ouest, particulièrement à l'heure où les coups d'État militaires se multiplient dans la région.
D'après l'éditorialiste de JA, l'élection de Bassirou Diomaye Faye en mars dernier, avec 57% des suffrages et une participation massive, constitue "une troisième alternance politique" historique, démontrant la maturité démocratique du pays.
La spécificité sénégalaise, souligne le directeur de publication, réside dans la solidité de ses institutions : "Au pays de la Teranga, impossible de faire dire aux urnes autre chose que ce que les citoyens ont exprimé. Les institutions, à commencer par le Conseil constitutionnel, jouent pleinement leur rôle."
Cette culture démocratique, rappelle Jeune Afrique, s'est notamment manifestée lors des départs d'Abdou Diouf et d'Abdoulaye Wade. "Si les électeurs ne veulent plus de vous ou de vos dauphins désignés, malgré votre puissance financière et institutionnelle [...] la seule issue est... la sortie", écrit Ben Yahmed.
Concernant le nouveau pouvoir, l'éditorialiste observe que le tandem Faye-Sonko adopte une position ambivalente, entre "rupture nette et sens des responsabilités". Les premiers mois sont marqués par un "serrage de vis" caractérisé par une forte pression fiscale et des audits multiples.
L'opposition, note Jeune Afrique, commence à se réorganiser. Macky Sall, à la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal, cherche à "brider l'action réformiste de ses anciens opposants", tandis qu'Amadou Ba tente d'incarner une "troisième voie".
Ben Yahmed conclut son analyse en rappelant que si le duo au pouvoir venait à décevoir, les Sénégalais sauront, comme ils l'ont toujours fait, exercer leur droit démocratique. "L'expérience mérite d'être vécue, c'est l'essence même de la démocratie", affirme-t-il.
L'ÉCOLE POUR TOUS RESTE UN MIRAGE
Un bond historique dans la scolarisation mondiale ne suffit pas à masquer les inégalités persistantes. Alors que seuls 3% des enfants des pays riches sont privés d'école, ce chiffre grimpe à 33% dans les nations les plus pauvres
(SenePlus) - L'UNESCO vient de publier jeudi son rapport annuel sur l'éducation mondiale, présenté à Fortaleza au Brésil, dressant un bilan en demi-teinte de la scolarisation dans le monde.
D'après les informations rapportées par l'AFP, le nombre d'enfants scolarisés a atteint un niveau historique avec une augmentation spectaculaire de 110 millions d'élèves entre 2015 et 2023, portant le total à 1,412 milliards d'écoliers.
Les taux d'achèvement des études montrent également une progression encourageante. Au niveau primaire, ils sont passés de 85% à 88%, tandis que le secondaire enregistre une hausse de 53% à 59%, représentant 40 millions de diplômés supplémentaires en huit ans.
Cependant, rapporte l'agence de presse, ces avancées sont assombries par un chiffre préoccupant : 251 millions d'enfants demeurent privés d'éducation, une diminution quasi insignifiante de 1% depuis 2015.
Les inégalités entre pays riches et pauvres restent criantes, souligne l'AFP. Dans les nations les plus défavorisées, un tiers des enfants et adolescents n'a pas accès à l'école, contre seulement 3% dans les pays les plus prospères.
L'AFP met en lumière des situations particulièrement alarmantes dans certains pays. En Afghanistan, où les normes sociales et la pauvreté aggravent l'exclusion scolaire, au moins 1,4 million d'adolescentes sont privées d'enseignement secondaire depuis le retour des talibans en 2021. Le Niger fait également partie des pays les plus touchés par ce phénomène.
Ce rapport, précise l'AFP, a été dévoilé lors de la réunion mondiale de l'UNESCO sur l'éducation, organisée dans le cadre de la présidence brésilienne du G20. L'objectif affiché est de "promouvoir le dialogue multilatéral" en réaffirmant le rôle de l'éducation comme "facteur d'égalité sociale et moteur du développement durable".
L'IMPUNITÉ DES MEURTRES DE JOURNALISTES ATTEINT DES SOMMETS ALARMANTS
En deux ans, 162 journalistes ont été assassinés dans le monde. L'équivalent d'une mort tous les quatre jours. Plus inquiétant encore, 85% des meurtres de journalistes depuis 2006 restent non élucidés
(SenePlus) - Selon une information de l'AFP, l'UNESCO publie ce samedi un rapport accablant à l'occasion de la Journée Internationale de la fin de l'impunité pour les crimes contre les journalistes. Le constat est sans appel : 85% des meurtres de journalistes recensés depuis 2006 restent non élucidés, rapporte l'agence de presse.
D'après l'AFP, la directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, dresse un bilan dramatique : "En 2022 et 2023, un journaliste a été tué tous les quatre jours simplement pour avoir fait son travail essentiel de quête de la vérité." Elle ajoute que "dans la majorité des cas, personne ne sera jamais tenu responsable de ces meurtres."
Le bilan des deux dernières années est particulièrement lourd, indique l'AFP : 162 journalistes ont perdu la vie dans l'exercice de leur fonction. La moitié d'entre eux travaillaient dans des zones de conflit armé, où les journalistes locaux représentent 86% des victimes.
Toujours selon l'AFP, le Mexique arrive en tête des pays les plus meurtriers en 2022 avec 19 cas, suivi par l'Ukraine qui a enregistré 11 décès de journalistes. En 2023, l'État de Palestine a connu le plus grand nombre de victimes avec 24 journalistes tués.
L'agence de presse souligne que les femmes journalistes ont été particulièrement ciblées en 2022, avec dix assassinats. Parmi ces victimes, Maria Guadalupe Lourdes Maldonado López, abattue à la frontière américano-mexicaine, et Shirine Abu Akleh, tuée lors d'un raid israélien en Cisjordanie occupée.
L'AFP rapporte également que de nombreux journalistes sont assassinés à leur domicile ou à proximité, exposant leurs familles à des risques considérables. Hors zones de conflit, les victimes couvraient principalement des sujets sensibles comme le crime organisé et la corruption, ou trouvaient la mort en couvrant des manifestations.
Face à ce taux d'impunité préoccupant, conclut l'AFP, l'UNESCO appelle les États membres à intensifier significativement leurs efforts pour traduire en justice les responsables de ces crimes.
LA CHINE PRESSE SES FEMMES DE PROCRÉER
Des agents de l'État contactent systématiquement les femmes en âge de procréer pour les pousser à la maternité. Cette campagne nationale, lancée le 28 octobre 2023, mobilise des dizaines de milliers de fonctionnaires à travers le pays
(SenePlus) - En Chine, les autorités ont lancé une campagne téléphonique massive pour inciter les femmes à la maternité, un revirement spectaculaire après des décennies de politique de l'enfant unique.
Le contraste est saisissant. D'après RFI, les mêmes fonctionnaires qui, pendant des années, surveillaient les naissances pour les limiter, appellent désormais quotidiennement les femmes en âge de procréer pour les pousser à avoir des enfants. La question est directe et sans détour : "Êtes-vous enceinte ? Si vous ne l'êtes pas, pensez-y", rapporte la radio internationale.
Cette campagne d'une ampleur inédite mobilise des dizaines de milliers d'agents administratifs à travers le pays. Lancée le 28 octobre 2023, elle s'inscrit dans un contexte d'urgence démographique : la Chine a enregistré deux années consécutives de baisse de sa population et son taux de natalité a atteint un niveau historiquement bas en 2023.
La pression exercée sur les femmes provoque des réactions virulentes. RFI cite le cas de Wang, 36 ans, habitante de Guangxi, qui témoigne de l'insistance croissante des autorités locales : "Le fait d'avoir des enfants est une responsabilité sociale, il faut alors s'acquitter de l'obligation de bien les élever. S'il s'agit d'une responsabilité personnelle, alors respectez mes choix personnels. Arrêtez de m'exhorter tous les jours."
Face à ces pressions, certaines femmes n'hésitent plus à répliquer. Toujours selon RFI, Wang a ainsi interpellé le dernier agent qui l'a contactée : "Allez-vous payer pour m'aider ? Allez-vous accoucher à ma place ? Allez-vous m'aider à supporter les douleurs de l'accouchement et les séquelles, comme la prise de poids et la perte de cheveux ?" Une réponse qui illustre le fossé entre les objectifs démographiques de l'État et les réalités quotidiennes des femmes chinoises.
RFI souligne que cette campagne s'inscrit dans une série de mesures prises par Pékin pour tenter d'enrayer le déclin démographique. Mais jusqu'à présent, note la radio, ces initiatives ont eu "un succès limité". Le vieillissement de la population et la baisse continue du taux de natalité constituent un défi majeur pour les autorités chinoises.
Cette situation, rapporte RFI, représente un renversement historique pour un pays qui, pendant des décennies, a strictement contrôlé les naissances à travers sa politique de l'enfant unique.
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
LA THÉORIE DES « PASSAGERS CLANDESTINS », DU BALLON D’OR AU PASTEF
EXCLUSIF SENEPLUS - Plein de « Rodri » ayant profité des indicateurs collectifs positifs du parti présidentiel se sont grassement installés comme maires et députés. La peur de l’indicateur individuel les pousse dans des coalitions contre nature
Dans les trophées remportés par l’Espagne, était-il meilleur que Carvajal* ? Certains diront que oui, arguant qu’il a été désigné meilleur joueur de l’Euro, sa seule distinction individuelle. Dans les trophées remportés pas Manchester City, était-il meilleur que Foden* ? Sûrement pas. Tout se passe comme si on ramenait alors l’exploit collectif de l’équipe d’Espagne et du club Manchester City à un exploit individuel de Rodri. L’exploit dit individuel serait dès lors une conséquence de la réussite collective. Rodri n’est pas meilleur joueur de Premier League, le championnat où il évolue. Pire, il n’est même pas le meilleur joueur de Manchester City, club dans lequel il joue.
Rodri est donc élu sur la base d’indicateurs collectifs qui ne sont pas, comme bien souvent, la solution aux divers problèmes que l’on se pose, notamment celui de l’octroi du Ballon d’or.
La fragilité des indicateurs collectifs repose sur le phénomène « du passager clandestin » bien connu des économistes et des politiques. Il consiste à ne rien faire et profiter de l’effort d’autrui. Sans aller jusqu’à dire que Rodri n’a rien fait, on dira qu’il a largement profité des bonnes performances de l’équipe d’Espagne et de celles de son club Manchester City. D’où la controverse de sa nomination.
Évidemment, si tout le monde tenait ce raisonnement fort rationnel au demeurant, (je fais le minimum, je profite des efforts des autres), la conséquence collective pourrait être désastreuse. Par exemple, j’étais frappé de voir les quartiers huppés de Sandton à Johannesburg dans le noir complet, faute d’éclairage public. Personne ne voulant « cotiser » pour des lampadaires publics, chacun se contentait d’éclairer sa maison et de poser des barbelés électrifiés pour se prémunir de toute intrusion. Chacun jouait en quelque sorte au « passager clandestin », ce qui expliquait l’absence de l’éclairage public. On observe le même phénomène en ce qui concerne les ordures publiques dans nos cités. Ce n’est le problème de personne. Chacun pense que c’est quelqu’un d’autre qui doit en prendre soin. Les solutions préconisées par la théorie économique pour résoudre ce problème de « passager clandestin » seraient alors, de faire intervenir l’État, ou des sociétés privées pour prendre en charge l’éclairage public ou pour mettre des camions de ramassage d’ordures à la disposition des ménages. En contrepartie, ils obligeraient les citoyens à en payer le prix sous forme de taxes.
Prenons notre environnement politique. Le Pastef refuse les « passagers clandestins » dans cette élection législative. Il a décidé de ne pas s’embarquer dans une coalition souvent encombrante où il jouerait tout seul le rôle de la locomotive et les autres, de wagons. De son expérience avec la coalition « Yeewi Askaan Wi », le Pastef a tiré la leçon des « passagers clandestins » ayant profité de sa notoriété, de son envergure et de l’aura de son chef. Cette fois, il livrera la bataille sous sa bannière. Cela est nouveau dans le paysage politique sénégalais. Plein de « Rodri » ayant profité des indicateurs collectifs positifs du Pastef se sont grassement installés comme maires et députés. C’est le cas notamment du plus turbulent d’entre eux, le maire de Dakar.
La peur de l’indicateur individuel les hante, au point de les pousser à s’allier dans des coalitions contre nature, dans le seul but de se réfugier dans des indicateurs collectifs. Le peuple sénégalais n’est toutefois pas dupe, il a tôt fait de repérer ces partis « yobalé ma » *, car leurs jeux répétés de se mettre tout le temps en coalition et de ne jamais « se peser », c’est-à-dire profiter de l’éclairage public sans payer sa contribution, finit par les perdre.
Dr Tidiane Sow est Coach en Communication politique.
Notes :
-Palmarès de Rodri : Eueor 2024 ; meilleur joueur de l'Euro ; Premier League ; Coupe du monde des clubs ; Supercoupe de l’UEFA ; Community Shield
-*Rodri, Carvajal et Foden : joueurs de football
-*Yobalé ma : « emmènes-moi avec toi »
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
UN TEMPS POUR LA DÉCOLONISATION CULTURELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est la capacité de « réappropriation » de son patrimoine historique, culturel, social, politique et économique. Il s’agit, en d’autres termes, d’opérer une rupture épistémologique avec tous les méfaits de la colonisation
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 31/10/2024
L’homme qui exerce des responsabilités politiques est un citoyen engagé auprès de son peuple et qui développe son combat à toutes les échelles fondatrices de la société. Ses exigences politiques et économiques doivent s’accompagner d’un engagement intellectuel, social et culturel.
En ces termes, on peut dire que l’homme politique est un être social, intègre, bâtisseur et convaincu qui défend des valeurs morales, culturelles, politiques et économiques dont son peuple se réclame.
C’est en ce sens que les dirigeants africains, face aux enjeux majeurs du 21ème siècle, doivent aujourd’hui œuvrer pour construire efficacement et durablement le socle de la renaissance africaine.
C’est à partir de ce postulat que nous développerons les conditions nécessaires à la bonne gestion d’un État, à sa cohérence démocratique, intellectuelle, culturelle et unitaire.
Après les indépendances et le processus de décolonisation, les dirigeants africains ont, pour la majorité, exercé leur pouvoir sur les décombres du colonisateur avec ses effets de dépendance économique, bureaucratique, sociale et culturelle. Ce long travail de désintégration de la culture africaine a eu, comme nous le savons, des conséquences désastreuses sur le continent et sur le peuple africain. Toutes ces forces de « dépersonnalisation » ont conduit certains États et leurs dirigeants à continuer de nier l’existence des valeurs africaines, d’un fonctionnement social singulier et d’une culture riche adaptée à son environnement, poursuivant ainsi le travail de division coloniale et dépossédant encore les peuples de leur patrimoine culturel et de leur estime identitaire.
L’impérialisme colonial a fait son œuvre pour pouvoir maintenir le continent africain dans un état de dépendance économique, sociale et culturelle, à telle enseigne que celui-ci ne puisse faire régner sa souveraineté continentale et assurer ses capacités d’autonomie économique, sociale et culturelle.
Les sciences, les avancées technologiques, les valeurs culturelles, la pensée sont un patrimoine universel. En aucun cas, elles ne sont le monopole des puissances colonisatrices. La culture africaine a autant de force et de richesse que la pensée européenne ou chinoise. Elles se nourrissent les unes des autres pour aboutir à ce que l’on nomme les croyances universelles qui puisent leur fondement dans la singularité de l’une pour enrichir l’autre.
Autrement dit, les États d’Europe qui ont colonisé les États d’Afrique, ne sont pas les détenteurs intellectuels, culturels et économiques du développement véritable et durable du continent africain.
Durant longtemps et en maintenant cette oppression mensongère visant à installer un sentiment d’infériorité intellectuelle, scientifique et administrative en Afrique, les puissances coloniales n’ont fait qu’exploiter les richesses du continent africain, au détriment des peuples et de leurs capacités à s’autogérer.
« La culture, c’est la façon dont une société donnée dirige et utilise les ressources de la pensée ». C’est de cette faculté culturelle ancestrale et moderne dont doit se doter l’Afrique pour recouvrir sa véritable identité.
C’est en cette « reconstruction » identitaire et en cette « renaissance » historique et culturelle que reposent les responsabilités des dirigeants politiques africains, associés aux hommes de culture, de sciences et aux intellectuels.
Aimé Césaire disait, lors du deuxième congrès des écrivains et artistes noirs en 1959, que « au jour du recul on dira, pour caractériser notre époque, que comme le 19ème siècle a été le siècle de la colonisation, le 20ème siècle a été le siècle de la décolonisation ».
Pour appuyer notre propos, qu’entend-on par le sens du mot « décolonisation » ?
Ce n’est pas seulement le retrait des forces coloniales, c’est la capacité de « réappropriation » de son patrimoine historique, culturel, social, politique et économique. Il s’agit, en d’autres termes, d’opérer une rupture épistémologique avec tous les méfaits de la colonisation et du désordre mental qu’elle a causé.
Cette conception de reconquête culturelle est liée à la volonté politique mais cela ne saurait suffire. Intellectuels, hommes de culture, hommes de sciences et de technologies nouvelles et bien sûr l’ensemble des acteurs sociaux doivent s’unir pour faire émerger cette conscience historique et culturelle.
Comme le précise encore Aimé Césaire : « Dans la société coloniale, il n’y a pas seulement une hiérarchie maître et serviteur. Il y a aussi, implicite, une hiérarchie créatrice et consommateur.
Le créateur des valeurs culturelles, en bonne colonisation, c’est le colonisateur. Et le consommateur, c’est le colonisé. Et tout va bien tant que rien ne vient déranger la hiérarchie. Il y a une loi de confort dans toute colonisation. Si prega di non disturbare. On est prié de ne pas déranger.
Or la création culturelle, précisément parce qu’elle est création, dérange. Elle bouleverse. Et d’abord la hiérarchie coloniale, car du colonisé consommateur, elle fait le créateur. Bref à l’intérieur même le régime colonial, elle rend l’initiative historique à celui à qui le régime colonial s’est donné pour mission de ravir toute initiative historique. »
Le continent africain uni doit retrouver ses élans de créativité et non plus choisir la facilité de l’assimilation. C’est en ces conditions que le bouleversement peut s’opérer, en refusant tout intellectualisme paresseux, en renonçant aux États féodaux, nationalistes, balkanisés pour s’engager honnêtement, sans népotisme, sans gabegie, sans détournement des deniers publics, avec respect total de la chose publique, pour bâtir l’Afrique de demain.
C’est dans ces perspectives fondamentales que j’ajoute ici que le 21ème siècle est celui de la « renaissance africaine ».
Amadou Elimane Kane est poète, écrivain.
ACHILLE MBEMBÉ SALUE L'EXCEPTION SÉNÉGALAISE
Pour le directeur de la Fondation de l'innovation pour la démocratie, ce pays représente bien plus qu'un simple laboratoire politique : il incarne une "cité ouverte pour l'intelligence africaine". Un statut unique qui s'accompagne de nouveaux défis
(SenePlus) - Le philosophe et historien camerounais Achille Mbembé a livré une analyse approfondie de la démocratie sénégalaise lors de la signature ce jeudi 31 octobre, d'une convention entre l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et la Fondation de l'innovation pour la démocratie, dont il est le directeur.
"Le Sénégal a été et reste une cité ouverte pour l'intelligence africaine", a déclaré Mbembé, soulignant la singularité démocratique du pays. Pour l'intellectuel, l'histoire démocratique sénégalaise, enracinée "bien avant les indépendances", s'inscrit dans une trajectoire unique qui fait du pays un "exemple symbolique" dans le débat politique africain.
Le récent changement à la tête de l'État sénégalais renforce selon lui cette position particulière. Toutefois, Mbembé insiste sur la nécessité de "traduire cette promesse dans des actes, des institutions et toute une série de réformes qui permettront d'aller de l'avant".
L'universitaire identifie deux priorités majeures pour l'avenir démocratique du pays : l'inclusion des femmes et des jeunes, qu'il qualifie de "catégories subordonnées de nos sociétés". "Une partie de notre avenir dépend effectivement de la libération de ces deux catégories et de l'exploitation des potentialités immenses et riches dont elles sont déposées", affirme-t-il.
Cette vision s'inscrit dans un projet plus large porté par sa Fondation, qui vise à développer un enseignement de haut niveau sur la démocratie en Afrique. "L'enseignement, l'apprentissage et la formation sont des leviers importants de réinvention de la démocratie en Afrique", soutient Mbembé, déplorant le manque actuel de "formations intégrant la construction de savoir-faire et savoir-être démocratiques" dans les institutions africaines.
Le programme, actuellement en phase pilote, implique quatre universités dont l'Ucad. Il ambitionne de créer une "communauté continentale d'enseignants chercheurs" capable de développer une pensée endogène sur la démocratie africaine, contrant ainsi l'idée qu'elle serait "un pur objet d'importation, extérieur à l'histoire africaine".
par Xaadim Njaay
MITTERRAND, L'AUTRE VISAGE COLONIAL
Le soutien de Mitterrand à la répression coloniale et ses menaces envers les indépendantistes du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), Houphouët Boigny en particulier, révèlent un engagement pour le maintien de l'influence française
Dans "l’Afrique d’abord ! Quand François Mitterrand voulait sauver l'empire français", Éditions La Découverte, l’auteur, Thomas Deltombe, journaliste et chercheur en histoire, a exhumé un pan entier de la vie de ce membre de la droite nationaliste devenu président de la France.
L’ouvrage offre un éclairage fascinant et critique sur une facette méconnue de François Mitterrand, présenté comme une figure de gauche, mais dont les positions et les actions concernant l'Afrique coloniale révèlent une vision plus complexe et controversée.
Deltombe déconstruit l'image idéalisée de Mitterrand pour montrer comment, ignorant du monde colonial à ses débuts, il a été un fervent défenseur de l'Empire français, notamment en Afrique, où il s'opposait aux mouvements d'indépendance. "Je suis un partisan passionné de la présence et de la grandeur de la France en Afrique", disait-il en 1952.
Le livre paraît d'autant plus pertinent qu'il nous replonge dans une période où les contradictions de la politique française envers ses colonies, et particulièrement en Afrique, sont mises en lumière. Le soutien de Mitterrand à la répression coloniale et ses menaces envers les indépendantistes du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), Houphouët Boigny en particulier, révèlent un engagement pour le maintien de l'influence française, contrastant avec l'image d'un dirigeant progressiste sur d'autres fronts.
L'étude de Deltombe, bien que s’inscrivant dans le prolongement d’autres recherches sur François Mitterrand couvrant la période de sa présidence entre 1981 et 1995, notamment ses manœuvres dans les événements au Rwanda pour maintenir le pays dans le giron de la France, se distingue par son objectif spécifique : elle cherche à élucider des faits passés sous silence ou minorés concernant son rôle et ses actions durant la période coloniale. Donc, à combler certaines lacunes historiques dans les récits existants sur l’homme politique.
Un ouvrage absolument à lire et à faire lire.
LA RELÈVE CONFISQUÉE
Dans un pays où la moyenne d'âge est de 19 ans, les leaders historiques continuent de monopoliser les postes clés. Même la victoire de Diomaye, 44 ans, n'a pas suffi à provoquer le grand chambardement attendu dans les états-majors des partis
(SenePlus) - Si l'élection de Bassirou Diomaye Faye à 44 ans comme plus jeune président de l'histoire du Sénégal en mars 2024 semblait augurer d'un renouveau politique, la réalité est plus nuancée. L'ancien président Macky Sall, qu'on pensait en retrait après douze années à la tête de l'État, fait un retour remarqué sur la scène politique. À 62 ans, il prend la tête de la coalition Takku Wallu Sénégal pour les législatives du 17 novembre.
Un paradoxe tenace s'observe au Sénégal, souligne Jeune Afrique (JA) : "l'électorat se renouvelle, pas les dirigeants". Dans les états-majors des partis comme sur les listes électorales, les figures dominantes, majoritairement masculines, restent les mêmes depuis des décennies. Une situation d'autant plus frappante que la moitié de la population n'a pas 19 ans, et que trois Sénégalais sur quatre ont moins de 35 ans.
La défaite du camp présidentiel en mars n'aura pas suffi à bousculer les hiérarchies établies. Jeune Afrique rapporte les inquiétudes qui se manifestaient déjà avant le scrutin : "Notre erreur, c'est d'avoir laissé Ousmane Sonko se positionner sur les questions liées à la souveraineté, à notre rapport avec la France, à notre indépendance. Il occupe désormais tout ce terrain, et nous ne parviendrons pas à le récupérer", confiait un membre de l'ancienne majorité.
Le magazine dresse un tableau édifiant des figures historiques qui s'accrochent au pouvoir : Abdoulaye Wade préside toujours le PDS à 98 ans, Moustapha Niasse dirige encore l'AFP à près de 85 ans malgré une promesse de retraite en 2021, et Idrissa Seck, 64 ans, maintient son emprise sur Rewmi malgré trois échecs présidentiels.
"Une fois une certaine maturité atteinte, on va vers le déclin, par la force des choses", confie à JA un candidat aux législatives ayant quitté sa formation. Il ajoute avec amertume : "Ils vont te répéter que tu peux prendre leur place jusqu'à ce que tu sois vieux comme eux."
La création d'organisations de jeunesse au sein des partis - comme la Convergence des jeunes républicains (APR) ou le Mouvement national des jeunesses socialistes (PS) - ne change pas fondamentalement la donne. Selon un spécialiste cité par le magazine, "les jeunes ont souvent un rôle d'appendice [...]. Ils sont instrumentalisés, mais pas représentés de manière équitable au regard de leur poids électoral et de leur engagement politique."
Quelques figures nouvelles tentent néanmoins d'émerger. Jeune Afrique évoque notamment Anta Babacar Ngom, 40 ans, directrice générale de Sedima, qui a réalisé le meilleur score jamais obtenu par une femme à une présidentielle (0,34%), bien que modeste. Ou encore Pape Djibril Fall, journaliste de 38 ans, qui avait créé la surprise en 2022 en remportant un siège de député comme indépendant.
Ces jeunes leaders tentent désormais de créer une "troisième voie" à travers l'alliance Sàmm Sa Kàddu. "Nous avons tous moins de 50 ans, et nous avons tous refusé d'avoir des postes de sinécure", explique Thierno Bocoum dans les colonnes du magazine. "Le Sénégal est dans une phase de transition, avec une page à fermer et une autre qui s'est ouverte, qui doit être alimentée par une autre génération."
Le défi est de taille face à l'abstention massive des jeunes. Selon l'Agence nationale de la statistique citée par Jeune Afrique, en mai 2021, seule la moitié des 18-25 ans et à peine 10% des 18-20 ans étaient inscrits sur les listes électorales. Un million d'électeurs potentiels attendent ainsi d'être convaincus, alors que le pays fait face à des défis majeurs : migration irrégulière, pauvreté endémique et chômage massif des jeunes.
Dans ce contexte, la victoire historique de Bassirou Diomaye Faye apparaît moins comme une révolution générationnelle que comme une première brèche dans un système politique encore largement dominé par ses figures historiques. L'avenir dira si cette élection marque véritablement le début d'un renouvellement en profondeur de la classe politique sénégalaise.