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22 avril 2025
International
PAR Abdoulaye Ndiaye
À LA CROISÉE DES CHEMINS POLITIQUES : UNE PERSPECTIVE ÉCONOMIQUE
L'incertitude politique mine l'environnement des affaires, conduisant à des investissements retardés, à des marchés perturbés et à une approche prudente de la part des partenaires internationaux
Face aux récents événements politiques au Sénégal, l'essence même de la démocratie et du droit est mise à l'épreuve. L'abrogation du décret présidentiel annulant les élections, suivie de la décision du parlement de reporter les élections au 15 décembre, a plongé la nation dans un état d'incertitude politique. Si cette incertitude est laissée sans réponse immédiate, elle menace non seulement le tissu démocratique du Sénégal mais aussi sa stabilité économique et sa croissance future.
À ce moment critique, il est impératif que le président Macky Sall se conforme à la décision du Conseil constitutionnel, qui a agi pour annuler les tentatives du président et de son parlement majoritaire de retarder les élections. Cette adhésion n'est pas simplement une question de conformité légale mais un pas vers la restauration de la foi dans les institutions démocratiques du Sénégal et son engagement envers l'État de droit. La décision du Conseil constitutionnel, soutenue par nos partenaires de développement — incluant la CEDEAO, les États-Unis et l'Union Européenne — reflète un consensus sur l'importance de maintenir les normes et processus démocratiques.
D'un point de vue économique, le coût de l'incertitude politique ne peut être sous-estimé. Les tendances récentes des prix des Eurobonds sénégalais témoignent de l'anxiété qui saisit les investisseurs. Ces obligations, autrefois symbole de la confiance des investisseurs dans l'économie du Sénégal, sont en chute, signalant une perte de foi dans la stabilité politique et la gestion économique du pays. Si cette tendance n'est pas inversée, elle pourrait conduire à un déclin de l'investissement étranger, une pierre angulaire sur laquelle reposent les perspectives de croissance économique du Sénégal.
En outre, l'incertitude politique mine l'environnement des affaires, conduisant à des investissements retardés, à des marchés perturbés et à une approche prudente de la part des partenaires internationaux. Le coût économique de cette crise — allant d'une augmentation potentielle des coûts d'emprunt à un ralentissement des activités économiques — peut annuler des années de progrès et de développement.
Il est donc crucial que le président Macky Sall se conforme à la décision du conseil constitutionnel. Ce geste n'est pas seulement question de corriger une erreur politique mais est une étape pivot vers la réaffirmation de l'engagement du Sénégal envers les principes démocratiques et la stabilité économique.
Abdoulaye Ndiaye est Enseignant-Chercheur à l'Université de New York et Chercheur au Centre for Economic Policy Research.
RUSSIE, MORT DE L’OPPOSANT ALEXEÏ NAVALNY
L’opposant de Vladimir Poutine purgeait une peine de dix-neuf ans de prison pour extrémisme. Il avait été transféré en décembre vers une colonie pénitentiaire du Grand Nord russe.
Charismatique militant anticorruption et ennemi numéro un de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, 47 ans, est mort, a annoncé l’administration pénitentiaire russe, vendredi 16 février. Il purgeait une peine de dix-neuf ans de prison pour extrémisme. Il avait été arrêté en janvier 2021 à son retour en Russie après une convalescence en Allemagne pour un empoisonnement qu’il imputait au Kremlin.
« Le 16 février 2024, dans le centre pénitentiaire numéro 3, le prisonnier A. A. Navalny s’est senti mal après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance. Le personnel médical de l’établissement est arrivé immédiatement et une équipe de secours d’urgence a été appelée. Toutes les mesures de réanimation nécessaires ont été prises, sans résultats. Les urgentistes ont constaté le décès du condamné, les causes de la mort sont en train d’être établies », a déclaré, dans un communiqué, le service fédéral de l’exécution des peines (FSIN) du district autonome Iamalo-Nenets, dans le Grand Nord russe. Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, en a été informé, selon son porte-parole, Dmitri Peskov.
Le militant âgé de 47 ans avait disparu, au début de décembre, de la colonie pénitentiaire de l’oblast de Vladimir, à 250 kilomètres à l’est de Moscou, où il était jusqu’alors détenu. Ses proches étaient restés sans nouvelles de lui pendant plusieurs jours, avant que l’administration révèle son transfert vers une colonie pénitentiaire reculée de l’extrême-nord de la Russie. Il purgerait sa peine dans des conditions très difficiles.
Les dernières nouvelles de lui avaient été données par les membres de son équipe en exil, au cours de la semaine écoulée. Alexeï Navalny était sorti du mitard le 11 février, où il avait été envoyé pour la vingt-sixième fois de sa détention, et renvoyé à l’isolement trois jours plus tard, le 14 février, sans que les raisons de cette nouvelle punition soient données. Avec Le Monde
LA CEDEAO APPELLE AU RESPECT DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) a exhorté jeudi les parties prenantes à la crise politique au Sénégal à respecter la décision du Conseil constitutionnel d’annuler le report de l’élection présidentielle.
Dakar, 16 fev (APS) – La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) a exhorté jeudi les parties prenantes à la crise politique au Sénégal à respecter la décision du Conseil constitutionnel d’annuler le report de l’élection présidentielle.
”La commission de la Cedeao exhorte toutes les parties prenantes à respecter la décision prise par le Conseil constitutionnel du Sénégal relative au report de l’élection présidentielle”, indique l’organisation communautaire dans un communiqué rendu public jeudi.
La veille au soir, le Conseil constitutionnel du Sénégal, a notamment jugé ”contraire à la Constitution” la loi reportant au 15 décembre prochain l’élection présidentielle sénégalaise.
Il a annulé en même temps le décret avec lequel Macky Sall a renoncé à la convocation des électeurs aux urnes pour l’élection d’un nouveau président de la République, le 25 février.
”La Commission de la Cedeao prend acte de la décision prise par le Conseil constitutionnel du Sénégal le 15 février 2024 relative au report de l’élection présidentielle au Sénégal et demande aux autorités compétentes de fixer la date pour la tenue de l’élection présidentielle conformément à cette décision’’, a-t-on appris par la même source.
Déclarant suivre l’évolution de la situation, le Cedeao invite toutes les parties prenantes au respect de l’Etat de droit afin de garantir la tenue d’une élection libre, inclusive et transparente.
Le Sénégal fait face à une crise politique depuis que Macky Sall a annoncé avoir annulé le décret appelant les Sénégalais à élire son successeur.
En prenant cette décision, le 3 février, il a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats parmi ceux qui ont procédé à l’examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d’entre eux.
S’adressant à la nation, le chef de l’État a appelé à “un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé”.
L’Assemblée nationale a voté, deux jours plus tard, une proposition parlementaire reportant le scrutin présidentiel au 15 décembre prochain.
Lors du vote, des députés protestant contre cette proposition et le report du scrutin ont été expulsés de l’hémicycle par la Gendarmerie nationale.
Au moins trois personnes ont perdu la vie à Dakar et Ziguinchor en marge de heurts entre les forces de l’ordre et des manifestants opposés au report de l’élection présidentielle.
Jeudi, un grand nombre d’activistes et de militants en détention depuis des mois pour plusieurs chefs d’accusation ont bénéficié d’une liberté provisoire.
2 SOLDATS SUD-AFRICAINS DE LA SADC TUÉS PAR UN TIR AU MORTIER EN RDC
Deux soldats sud-africains ont été tués et trois autres blessés lorsqu’un mortier a atterri sur leur base dans l’est de la République démocratique du Congo, dans un contexte de troubles croissants dans la région, ont annoncé jeudi les forces armées sud-af
Deux soldats sud-africains ont été tués et trois autres blessés lorsqu’un mortier a atterri sur leur base dans l’est de la République démocratique du Congo, dans un contexte de troubles croissants dans la région, ont annoncé jeudi les forces armées sud-africaines.
La South African National Defense Force, qui supervise l’ensemble des forces armées du pays, a déclaré qu’elle pensait que l’explosion du mortier mercredi était le résultat d’un « tir indirect » et qu’une enquête était en cours pour déterminer les responsables.
L’Afrique du Sud a envoyé des soldats au Congo dans le cadre de la mission de la Communauté de développement de l’Afrique australe visant à lutter contre les groupes rebelles armés dans l’est du pays.
L’Afrique du Sud a annoncé cette semaine l’envoi d’un nouveau contingent de 2 900 soldats dans l’est du Congo. Il n’a pas été possible de déterminer immédiatement si les personnes tuées ou blessées faisaient partie de ce nouveau déploiement.
La base touchée se trouvait dans la province du Nord-Kivu, a déclaré Siphiwe Dlamini, porte-parole de la Force de défense nationale sud-africaine. Les blessés ont été transportés dans un hôpital de la ville de Goma.
La violence dans la région touchée par le conflit s’est accrue ces dernières semaines, de nombreuses personnes attribuant les attaques au groupe rebelle M23 qui combat les soldats congolais dans la région depuis des années.
Le gouvernement congolais affirme que le M23 reçoit un soutien militaire du Rwanda voisin, ce que le Rwanda nie.
Mais le M23 a indiqué dans des déclarations récentes qu’il était en train de réaliser une nouvelle avancée dans l’est du Congo, ce qui fait craindre que le groupe ne vise à nouveau Goma, dont il s’est emparé il y a dix ans.
Selon les organisations humanitaires, plus d’un million de personnes ont été déplacées par le conflit depuis novembre. Ce chiffre s’ajoute aux 6,9 millions de personnes qui ont déjà fui leur foyer dans le cadre de l’une des plus graves crises humanitaires au monde.
Jeudi, le Conseil norvégien pour les réfugiés a déclaré que la récente avancée des groupes armés vers la ville clé de Sake, près de Goma, « constitue une menace imminente pour l’ensemble du système d’aide » dans l’est de la RDC.
« L’isolement de Goma, où vivent plus de 2 millions de personnes et qui accueille des centaines de milliers de personnes déplacées ayant fui les affrontements avec les groupes armés, aurait des conséquences désastreuses pour la région », a déclaré le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DIT NON AU REPORT
Selon les sages, "la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques" et "le mandat du président de la République ne peut être prorogé"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/02/2024
Le Conseil constitutionnel du Sénégal a rendu, ce 15 février 2024, une importante décision concernant le report de l'élection présidentielle initialement prévue le 25 février. Saisi par plusieurs députés de l'opposition et candidats à la présidentielle, le juge constitutionnel a invalidé la loi et le décret ayant entériné ce report.
Dans sa décision n°1/C/2024, le Conseil constitutionnel rappelle d'abord le contexte des saisines. Plusieurs requêtes avaient été déposées, contestant d'une part la loi n°4/2024 adoptée par l'Assemblée nationale le 5 février et portant dérogation à l'article 31 de la Constitution sur la durée du mandat présidentiel, et d'autre part le décret n°2024-106 du 3 février abrogeant le décret de convocation des électeurs.
S'agissant de la loi, le Conseil constitutionnel cite différents attendus de sa jurisprudence. Il rappelle notamment que "la durée du mandat du Président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques" et que "le mandat du Président de la République ne peut être prorogé". Or, selon l'article premier de la loi attaquée, "le scrutin pour l'élection présidentielle (...) est décalé au 15 décembre 2024".
De même, l'article 2 dispose que "le Président de la République en exercice poursuit ses fonctions jusqu'à l'installation de son successeur", ce qui a pour effet de "proroger la durée du mandat du Président de la République au-delà des 5 ans" fixés aux articles 27 et 103 de la Constitution. La loi est donc contraire à la norme suprême.
S'agissant du décret, le Conseil relève qu'il est fondé sur la proposition de loi déclarée inconstitutionnelle. Il en découle que le décret "manque de base légale" et doit être annulé.
Par cette décision très motivée, citant abondamment les textes en cause et sa propre jurisprudence, le Conseil constitutionnel invalide fermement le report de l'élection présidentielle et confirme son statut de garant du respect de la Constitution.
LES JEUNES DÉTERMINÉS À VOTER MALGRÉ LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE
La déception reste vive chez les jeunes Sénégalais qui rêvaient de voter pour la première fois le 25 février. Le report du scrutin a attisé leur impatience démocratique
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/02/2024
Reportée au 15 décembre, l'élection présidentielle prévue initialement le 25 février reste une grande déception pour de nombreux jeunes impatients de prendre part à leur devoir civique. À l'image de Mohamed Al Amine Touré, marchand ambulant de 23 ans rencontré sur le marché populaire de Colobane à Dakar par un journaliste de l'AFP. "Le 25 février était un rendez-vous important pour nous, le Sénégal est une démocratie et jamais une élection présidentielle n’a été reportée auparavant", déplore-t-il, en référence aux présidences successives de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Comme Mohamed Al Amine Touré, nombre de jeunes Sénégalais faisaient partie des primo-votants devant se rendre aux urnes pour la première fois, conformément à leur droit de citoyen. Or, ils représentent plus de la moitié de la population, particulièrement touchée par les problématiques socio-économiques, à l'instar du chômage des jeunes qui atteint 19% selon l'Agence Nationale de la Statistique. Pris en étau entre ces difficultés et l'envolée du coût de la vie, "une majorité de la jeunesse était acquise à la cause d'Ousmane Sonko, en qui elle plaçait toutes ses espérances de changement", rapporte l'AFP.
Le report de l'élection et l'extension controversée du mandat de Macky Sall ont enflammé la crise politique au Sénégal. Vendredi dernier, des affrontements ont éclaté sur le marché de Colobane entre manifestants et forces de l'ordre, faisant trois morts. Sur place, tous les jeunes interrogés réclamaient de pouvoir exercer leur droit de vote. Pourtant, certains comme Serigne Faye, 23 ans, plaident désormais pour "l'arrivée des militaires au pouvoir" dans l'espoir d'apporter "stabilité". Un scénario que refuse catégoriquement son camarade Ameth, craignant des répercussions sur le processus démocratique à l'image des pays voisins secoués par des coups d'État récents. Malgré la tension ambiante, la majorité des jeunes espèrent encore la tenue d'élections libres et transparentes d'ici fin mars.
MACKY SALL RECULE SUR LE PROJET D'AMNISTIE
Entre pressions internes et externes, le président a finalement dû abandonner. Ses plus proches collaborateurs s'y étaient fermement opposés, prévenant le chef de l'État des conséquences politiques négatives d'une telle décision
Il n’y aura pas de loi d’amnistie des crimes liés aux manifestations de mars 2021 jusqu’à février 2024. Les sorties de Alioune Tine et Pierre Goudiaby Atepa, entre autres pressions, ont eu une conséquence négative sur la perception de la situation par la majorité des soutiens du chef de l’Etat. Le projet de loi, qui devait être présenté hier en Conseil des ministres, a été rangé aux oubliettes. Le président de la République Macky Sall a été obligé de laisser tomber.
«Sonko va être libéré dans les prochains jours.» Si Alioune Tine d’Afrikajom avait basé ses propos sur le projet de loi d’amnistie qui devait être présenté hier en Conseil des ministres avant d’atterrir à l’Assemblée nationale, il devrait revenir sur ses propos. Le projet est mort-né ! En effet, les réactions en public comme en privé, des membres de la majorité, ont eu raison de la volonté du président de la République. Macky Sall a été contraint d’abandonner l’idée. Le chef de la Coalition Benno bokk yaakaar a été convaincu par les membres de son camp, de «l’erreur» qu’il allait commettre.
Il faut rappeler, comme Le Quotidien l’avait dit auparavant, que le projet était passé le mercredi de la semaine dernière en Conseil des ministres. Mais plusieurs membres du gouvernement ne l’ont pas approuvé, et y ont même opposé un niet ferme. Le chef de l’Etat s’est accordé une semaine de réflexion, avec la secrète volonté de pouvoir surmonter les réticences de son camp. Mais la publication de l’information par Le Quotidien du lundi 12 février dernier, ainsi que la bronca qu’elle a soulevée à travers le pays, a achevé de montrer à Macky Sall la difficile haie qu’il allait devoir franchir en persistant dans son projet.
Des collaborateurs parmi les plus proches lui ont fait connaître leur nette opposition à l’idée d’amnistier certains crimes. Et au cas où il se serait obstiné, des ministres s’étaient même faits à l’idée de mettre leur démission en balance pour lui faire changer d’avis. Ayant subodoré tout cela, le Président Macky Sall n’a même pas évoqué le projet en Conseil des ministres d’hier.
Il semble aussi que les dernières sorties de Pierre Goudiaby Atepa et Alioune Tine, annonçant respectivement la volonté de concertation des deux parties et la sortie de prison de Ousmane Sonko, n’ont pas été du goût de certains membres de Benno bokk yaakaar. Qui n’ont pas compris que l’on puisse «sacrifier ceux qui ont été au front contre Ousmane Sonko, en plus de conforter les défenseurs de la thèse des détenus politiques». Moustapha Diakhaté fait partie de ceux qui étaient les plus virulents contre le projet. Il est monté au créneau pour le faire savoir. «Si le Président Macky continue, je vais m’y opposer farouchement», avait il déclaré.
On peut imaginer que ce revirement ne va certainement pas plaire aux «Patriotes». Eux qui, sans l’avouer publiquement, voyaient d’un bon œil la sortie prochaine de Ousmane Sonko. En effet, avec cette tension provoquée par le report de la Présidentielle, avoir Ousmane Sonko libre de ses mouvements aurait eu pour eux un avantage considérable. Le maire de Ziguinchor va devoir trouver d’autres moyens pour sortir de prison, à défaut de purger sa peine.
L’abandon de ce projet de loi d’amnistie aura forcément des conséquences sur le dialogue souhaité par Macky Sall. En effet, alors qu’officiellement les «Patriotes» sont contre l’idée, comment les convaincre de rejoindre la table des concertations sans certaines concessions ? C’est l’équation que devra résoudre son instigateur. Et ceux qui espéraient s’ouvrir les portes du Palais à l’occasion de cette nouvelle tension, devront continuer à chercher d’autres os à ronger.
Texte Collectif
DE QUEL DIALOGUE PARLE-T-ON ?
Ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes. Se diviser en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky pour justifier son décret d’abrogation
Dans le combat contre le coup d’État de Macky Sall intervient un débat : les forces qui luttent contre cette forfaiture doivent-elles répondre ou non à l’appel au dialogue du président Sall ? Rappelons qu’une telle question a déjà servi à casser dans un passé récent un large et dynamique front de lutte contre le pouvoir En sera-t-il de même cette fois-ci encore ou les forces en lutte auront-elles l’intelligence de tirer les enseignements des erreurs commises afin de les éviter ?
Bien poser les termes du débat
Si la question posée est d’être pour ou contre le dialogue en principe, elle est abstraite et vide de sens, donc mal posée. Nous ne sommes ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes disposés à dialoguer quelles que soient les conditions. Se diviser sur cette base en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky Sall pour justifier son décret d’abrogation. Le vrai débat est de savoir de quel dialogue sommes-nous partisans ou adversaires dans le contexte actuel.
La stratégie de Macky Sall
Macky Sall et ses complices ont annoncé et déroulé une stratégie dont la feuille de route est limpide : i) accusations de corruption du PDS contre deux juges du Conseil Constitutionnel, ii) appui de la majorité présidentielle à la demande du PDS pour la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire, iii) signature du décret n° 2024-106 du 3 février 2024 abrogeant le décret n° 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral par le président Sall sous le prétexte d’une crise institutionnelle, iv) vote par la majorité présidentielle et les députés du PDS de la loi constitutionnelle reportant les élections présidentielles du 25 février au 15 décembre 2024 et prolongeant du même coup le mandat présidentiel jusqu’en début 2025.
La réponse du peuple sénégalais
Face à ce coup d’État constitutionnel de Macky Sall, tous les secteurs du peuple sénégalais sensibles à la démocratie, mouvements citoyens, syndicats de travailleurs, organisations patronales, universitaires, juristes, artistes, … se sont levés pour dire non, jusques et y compris dans les propres rangs du pouvoir en place. Autant donc le président Sall a terni l’image d’un Sénégal démocratique, autant la mobilisation exemplaire de notre peuple rejetant massivement l’atteinte portée contre sa souveraineté suscite fierté et espoir. Nous sommes ainsi présentement engagés dans une lutte dont l’enjeu majeur et l’objectif fondamental consistent à sauver notre système démocratique et notre État de droit, plus spécifiquement la souveraineté de notre peuple dont l’expression libre pour le choix à date échue de ses dirigeants vient d’être confisquée.
Alors de quel dialogue est-il question dans un tel contexte ?
Ce dialogue a été annoncé par le président Sall en même temps que la signature du décret suspendant le processus électoral. Il fait donc partie du package conçu et mis en œuvre pour réaliser le coup d’État constitutionnel. Il est à son service et sa fonction est manifeste : briser l’élan actuel de lutte notamment en divisant le front démocratique, créer un rapport de forces plus favorable à la forfaiture que présentement, faire entériner de fait le coup d’État dans un processus dit de dialogue mais dont seuls Macky et ses complices sont maîtres des objectifs, de l’ordre du jour, du calendrier et de la prise de décision finale.
Du dialogue pour la démocratie, l’État de droit et la souveraineté du peuple…
Tout d’abord, tout dialogue sérieux avec Macky Sall exige dans la situation actuelle de nécessaires préalables : libération de tous les détenus politiques, arrêt de toutes les restrictions et violations contre l’exercice des libertés publiques, retour à l’ordre démocratique. Ensuite, ce dialogue ne peut se dérouler que dans le respect strict de la Constitution qui doit se traduire par le retrait des mesures constitutives du coup d’État constitutionnel (le décret et la loi en cause) et la pleine reconnaissance des attributions du Conseil constitutionnel dans son rôle d’arbitre du processus électoral. Une fois que celui-ci aura fixé la nouvelle date de l’élection présidentielle tenant compte de la date-limite du mandat actuel (2 avril 2024), l’objectif du dialogue national sera alors de discuter des modalités de la poursuite du processus électoral et, éventuellement, des mesures à prendre pour rassurer les différentes parties prenantes.
…Ou alors vers un dialogue alternatif ?
Si Macky Sall ne veut pas s’engager dans ce dernier dialogue, tous les secteurs essentiels du peuple actuellement engagés dans la lutte pour la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit pourront et devront promouvoir ensemble un dialogue alternatif. L’objectif sera, dans une première étape, de soutenir le Conseil Constitutionnel afin qu’il puisse dire le droit. Si pour une raison ou pour une autre, celui-ci refuse de dire le droit ou que Macky refuse d’appliquer la décision de droit prise, alors l’objectif sera de préparer et de conduire la transition à la fin du mandat du président Sall, c’est-à-dire à partir du 2 avril 2024. Il s’agira notamment de mettre en place une assemblée constituante dont les membres seront les représentants de ces différents secteurs. Elle tiendra lieu de Parlement national et sera chargée de définir le cadre légal de la transition, d’élire la direction qui gouvernera le pays durant la période de transition et d’organiser les élections présidentielles.
Malado Agne, juriste, UCAD, Dakar
Félix Atchadé, médecin, Paris
Hawa Ba, sociologue et journaliste, Dakar
Elhadji Alioune Badara Ba, journaliste, Dakar
Mame Penda Ba, professeur de science politique, UGB, Saint-Louis
Selly Ba, sociologue, universitaire, Dakar
Cheikh Badiane, haut fonctionnaire international, Genève
Abdoulaye Barry; linguiste, maître de conférences titulaire, Université de Gambie.
Samba Barry, juriste, membre fondateur d’Aar Sunu Election, Dakar
Abdoulaye Bathily, professeur des universités à la retraite, UCAD, Dakar
Alymana Bathily, écrivain, sociologue des médias, Dakar
Kader Boye, juriste, ancien recteur de l’UCAD, ancien ambassadeur à l’Unesco, Dakar
Thiaba Camara Sy, administrateur de société, Dakar
Youssouf Cissé, conseil stratégie et développement, Dakar
Alioune Diatta, journaliste, Dakar
Oulimata Diatta Tricon, docteur en chirurgie buco-dentaire, La Cadière d’Azur
Sékouna Diatta, enseignant-chercheur à la faculté des Sciences et Techniques, UCAD, Dakar
Paul Dominique Corréa, sociologue, Dakar
Demba Moussa Dembélé, économiste, Dakar
Mamadou Diallo, historien, doctorant, Columbia University, New York
Abdoulaye Dieye, juriste, professeur à l’UCAD
Abdoulaye Dieng, sociologue, enseignant-chercheur à la retraite, Fastef, UCAD, Dakar
Babacar Buuba Diop, chercheur, professeur des universités, Dakar
Bachir Diop, agronome, Saint-Louis
Moustapha Diop, informaticien, Dakar
Massamba Diouf, enseignant chercheur à la faculté de médecine de l’UCAD, Dakar
Thierno Diouf, géographe, Bruxelles
Amadou Fall, historien, professeur à la retraite, UCAD, Dakar
Babacar Fall, haut fonctionnaire à la retraite, Dakar
Rokhaya Daba Fall, agropédologue, New York
Dior Fall Sow, ancienne avocate générale, TPI pour le Rwanda, Dakar
Diomaye Ndongo Faye, consultant en stratégie développement politique, Princeton, New Jersey
Makhily Gassama, écrivain, ancien ministre
Mansour Gueye, informaticien, Paris
Thierno Gueye, expert en droit international et en gestion des conflits, Dakar
Annie Jouga, architecte, Dakar
Falilou Kane, consultant en finances, Dakar
René Lake, journaliste, Washington
Mohamed Nabi Lo, informaticien, Paris
Mohamed Ly, médecin, spécialiste de santé publique, Grand Mbao
Pierre Thiam, chef et expert en gastronomie, auteur et chef d'entreprises, New York
Samba Traore, professeur des universités, ancien Directeur UFR SJP, UGB, Saint-Louis
LES DESSOUS DE LA SIGNATURE DU TEXTE CONTROVERSÉ PAR DIOUF
Macky a proposé à Diouf de cosigner avec son successeurWade un texte appelant au dialogue et au respect des grands principes républicains. Le texte validant implicitement le 15 décembre pour la présidentielle aurait été signé sans le consulter
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 14/02/2024
Inquiet de la montée des tensions dans le pays suite au report de l'élection présidentielle, Abdou Diouf aurait tenté, la semaine dernière, de joindre le président Macky Sall, qu'il considère comme le mentor, pour discuter de la situation. Cependant, ses appels sont restés sans réponse, selon des informations rapportées par Le Témoin ce mercredi 14 janvier 2024.
Ce n'est que lundi matin que la présidence sénégalaise, et non Macky Sall lui-même, a proposé à Abdou Diouf de cosigner avec son successeur Abdoulaye Wade un texte appelant au dialogue et au respect des grands principes républicains. Abdou Diouf a donné son accord.
Quelques heures plus tard, Hamidou Sall, ancien conseiller d'Abdou Diouf devenu conseiller de Macky Sall, lui a fait parvenir un texte que l'ancien président a signé "les yeux fermés" et sans en référer à son entourage, rapporte Le Témoin. Il ne s'est aperçu qu'après coup que ce texte validait implicitement la date du 15 décembre pour la présidentielle.
Alertés par les nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, les enfants d'Abdou Diouf l'ont interpellé. C'est ce qui l'a poussé à publier un communiqué rectificatif, mardi 13 février.
UN CONSEIL DES MINISTRES SOUS HAUTE TENSION
Alors que la rue gronde contre le report, Macky Sall réunit ses ministres ce mercredi dans un conseil scruté comme jamais. En jeu : déminer la situation en adoptant des mesures d'apaisement, ou au contraire enfoncer le pays dans l'impasse
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 14/02/2024
Le Sénégal retient son souffle avant un conseil des ministres qui pourrait décider de l'avenir du pays, plongé dans une grave crise politique depuis le report controversé de l'élection présidentielle.
Selon plusieurs sources proches de la présidence contactées par l'AFP, ce conseil des ministres prévu mercredi s'annonce comme "l'un des rendez-vous les plus cruciaux de l'histoire récente du Sénégal". En jeu : déminer la situation en adoptant des mesures d'apaisement, ou au contraire enfoncer le pays dans une impasse aux conséquences imprévisibles.
Car le chef de l'État Macky Sall fait face à une pression croissante. Ses plus importants partenaires internationaux, dont les États-Unis et la France, l'ont appelé à tenir l'élection le plus rapidement possible. Défenseurs des droits et société civile critiquent également la répression des manifestations et le manque de dialogue avec l'opposition.
Celle-ci dénonce un "coup d'État constitutionnel" et refuse de valider le nouveau calendrier électoral fixant le scrutin au 15 décembre. Principal opposant, Ousmane Sonko est en détention préventive depuis plusieurs mois, suscitant les craintes de ses partisans d'un règlement de compte politique.
Selon Alioune Tine, figure respectée de la société civile cité par l'AFP, M. Sonko pourrait être libéré dans les prochains jours. Mais le gouvernement ne confirme rien. L'annonce d'une amnistie concernant également les autres opposants arrêtés lors des manifestations de 2021 serait un signe d'ouverture.
Serigne Babacar Sy Mansour, influent khalife religieux, a fait rarement entendre sa voix pour inciter le pouvoir et l'opposition au dialogue. Les organisations patronales redoutent aussi les "conséquences désastreuses" d'un embrasement.
Dans ce contexte explosif, nombre d'observateurs craignent qu’un faux pas du gouvernement lors du conseil des ministres ne fasse basculer le pays dans la violence.
Le mandat de Macky Sall arrive officiellement à expiration le 2 avril prochain. Il faudra désormais qu'il réussisse à convaincre les Sénégalais, réputés pour leur attachement à la démocratie, qu'il oeuvre réellement à organiser des élections libres et transparentes. Autrement, c'est l'avenir du modèle démocratique sénégalais qui pourrait vaciller.