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22 avril 2025
International
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
SALE TEMPS POUR MACKY
EXCLUSIF SENEPLUS - Le report de l'exploitation pétrogazière pourrait aussi être une raison du report de l’élection. Pendant que Karim se prélasse dans son Qatar, Macky construirait son « Qatar » au Sénégal afin d’y régner
Samedi 3 février 2024, avec 2 heures de retard sans aucune excuse, le président Macky Sall s’est adressé à la Nation dans un message télévisé. Quand je l’ai vu, dans sa façon de se tenir sur le pupitre dans le petit écran, je me suis dit qu’il portait la mine sombre qu’il arborait quand il était venu nous annoncer la requalification des 5 ans promis en 7 ans.
La scène était d’une tristesse infinie et presque insoutenable. Voilà la lourde signature qu’il portait sur ses épaules affaissées dans cette allocution aux Sénégalais. En 3 minutes à peine, on a senti le regard - je ne regarde que les yeux – fuir, s’engloutir puis disparaitre. Ce fut ensuite la voix, qui avait quelque chose de pas assurée et qui, tout en se dérobant, éructa sans la nommer une annulation de décret de convocation de la date de vote au 25 février 2024.
Nous fûmes effondrés.
Et voilà comment le Parti Démocratique Sénégalais, un parti qui représente 7% des inscrits aux dernières élections, c’est-à-dire pas grand-chose, arrive à faire repousser la date électorale du pays, car leurs petits intérêts rencontrent les gros intérêts du président Sall. Voilà où on en est !
La question que tout le monde se pose est comment en est-on arrivé là ? Pourquoi diantre le président Sall a-t-il choisi d’annuler l’élection présidentielle à la veille du lancement de la campagne ?
Plusieurs réponses simples répondent à cette question.
La première réponse est que le président n’a jamais, en son for intérieur, voulu quitter le pouvoir, malgré la renonciation faite un certain 3 juillet 2023. Secrètement, il tenait à son troisième mandat et ceux qui le connaissent, ne sont guère surpris qu’il ait trouvé un moyen détourné de le prolonger. La vraie question en filigrane est : cette annulation de dernière minute, ferait-elle partie et précéderait-elle un scénario longtemps écrit à l’avance et minutieusement préparé ? Avec lui, tout est possible. Rien ne garantit qu’au 15 décembre, il ne sorte une autre entourloupe de son cabas pour repousser derechef l’échéance de l’élection. Ceux qui diront que ce n’est pas possible, resteront gros-jean comme devant, tout comme ceux qui s’étaient dit qu’il ne reporterait pas l’élection ce 3 février 2024. Même ceux qui ne le connaissent pas, mais qui l’écoutent attentivement, auront noté qu’il ne résiste pas, à chaque fois qu’il en a l’occasion, de rappeler son droit à se représenter selon la Constitution : « Bien que j’en ai le droit », ânonne-t-il régulièrement, après avoir dit « je ne me représenterai pas ». Cet art de conjuguer les contraires et d’endormir la méfiance des gens.
La deuxième réponse réside dans ce qui l’a irrité au plus haut point : la présence inattendue de Bassirou Diomaye Faye et compagnie dans la liste définitive publiée par le Conseil constitutionnel (CC). Comment avaient-ils pu passer à travers les mailles d’un piège savamment orchestré ? Il avait pensé avoir réglé le cas du Pastef en empêchant Sonko, par tous les moyens, y compris les plus illicites, de se présenter et voilà que ses services poreux « laissent passer » ses lieutenants. Il sait mieux que quiconque et ses sondages sont venus l’étayer, que le cheval de l’APR désigné par ses soins et escorté d’une escouade de lièvres se ferait déborder par n’importe quel canasson de Pastef. Il lui fallait donc créer un faux départ et changer les acteurs. Les Sénégalais ne doivent pas pouvoir choisir un membre ou un sympathisant de Pastef. Telle est la conception de la démocratie de Macky Sall.
La troisième raison est un corolaire de la raison précédente. La faiblesse du candidat qu’il a choisi ou qu’on lui a imposé. Amadou Ba n’arrive pas à décoller dans l’opinion publique. Le président ne fait pas confiance au candidat qu’il a pourtant fait investir en grand show. C’est d’ailleurs cela qui fait dire, qu’on lui aurait tordu le bras dans d’autres sphères. Il n’a eu dès lors de cesse de l’affaiblir davantage, en lui opposant des membres de son propre camp, en le marquant à la culotte, ne lui laissant aucune marge d’exister en tant que soi. Amadou Ba, affable, sans aspérité aucune, sans base politique réelle est tel que les aime Macky. Un homme à sa main, qui élu ferait ce qu’il voudrait. « AB est le candidat de MS », devrait être le slogan de campagne !
Son poulain encalminé dans les bas sondages, il lui fallait trouver un moyen de changer de voilier, trouver d’autres vents favorables pour humer le grand large.
La quatrième raison est celle dont on parle le moins peut-être parce que le lien est moins évident. Elle pourrait être économique pour ne pas dire « affairiste ». La sortie des premiers barils de pétrole n’arrêtant pas d’être repoussée, cela embêterait le président Sall de rater ce rendez-vous. Une grosse nébuleuse continue d’entourer la signature de ces contrats pétroliers. Nombre de ses desseins pourraient être contrariés si cette phase cruciale de l’exploitation pétrolière et gazière tombait sous le magistère de quelqu’un d’autre. Il lui faut impérativement assurer cette couverture de la phase de démarrage. Ce report d’exploitation pourrait aussi être une raison du report de 10 mois de la date de l’élection présidentielle. Le rêve d’être un émir d’un État gazier reste toujours vivace. Pendant que Karim se prélasse dans son Qatar, Macky construirait son « Qatar » au Sénégal afin d’y régner.
Évidemment, ces raisons sont des hypothèses toutes plausibles. Lui seul connait la principale raison ayant conduit à sa malheureuse décision. Elle est à trouver parmi les 4 exposés plus haut ou plus probablement une combinaison de ces quatre raisons. Pour mieux cerner la bonne réponse, il faudrait pouvoir répondre à une autre question :
À quoi croit le président Sall ? À rien serait la réponse triviale qu’on serait tenté de donner au vu des décisions chaotiques de son magistère. Après réflexion, on opterait pour : difficile à dire. Une grosse énigme l’entoure.
Souvent décrit comme froid, hermétique, taiseux et parfois même pleutre, il surprend toujours dans son comportement. Avec lui, c’est souvent l’inattendu. Aucun obstacle intérieur que les communs appellent conscience ne l’arrête. Son bon vouloir guide la plupart de ses décisions.
Le 25 janvier dernier, après avoir reçu le « comité des spoliés » du Conseil constitutionnel, il évoquait dans une note de compte-rendu émanant du palais, son incapacité à changer le cours des choses l’eut-il voulu, car cela révélait du CC dont les décisions, martelait-il à juste titre, sont hors de sa portée et susceptibles d’aucun recours.
Jadis, il invoqua le même CC pour justifier son incapacité à faire 5 ans comme promis et il fit ses 7 ans comme l’imposait la constitution.
Voilà Macky, légaliste !
Le voilà aujourd’hui qui remet en cause les décisions du Conseil constitutionnel, en évoquant une pseudocrise institutionnelle qu’il fabrique de toute pièce entre le CC et l'Assemblée nationale (AN) pour justifier son forfait de report de l’élection présidentielle à date échue. Cette fois, il passe par l’AN pour « proroger » son mandat, ignorant royalement le CC.
Voilà Macky, pourfendeur de la Constitution.
Jadis, il fut renvoyé de l’AN pour avoir convoqué Karim Wade pour s’y expliquer, aujourd’hui, il convoque l’éviction de Karim Wade pour repousser l’élection présidentielle.
Voilà Macky, joueur, conspirateur et adepte de politique politicienne.
Avec cette énième volte-face, la sympathie qu’il avait regagnée en partie avec son annonce d’abdication au troisième mandat, en prend un sévère coup. Décidément, la porte de l’Histoire est trop grande pour ce petit homme. Les nombreuses VAR le montrent dans des situations peu à son avantage, le propos d’aujourd’hui contredisant ceux d’hier. On a toujours à peser ses paroles et veiller à ce qu’elles soient belles car elles restent.
En annulant cette élection, il croit surement partir pour l’empire, mais dans ces circonstances le gibet n’est jamais loin et c’est ce qui le guette lui et ses acolytes. Comme le disait V. Hugo, à la rue Saint-Florentin à Paris, il y avait un palais et un égout. Dans ce palais vivait Talleyrand, tout-puissant et brillant esprit qu’il fut, à sa mort son cerveau finit dans le caniveau.
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
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LA CONTESTATION S'INTENSIFIE CONTRE LE REPORT DE L'ÉLECTION
La journée de mobilisation massive initiée par l'opposition et la société civile a donné lieu à des affrontements à Dakar. Des centaines d'étudiants et de professeurs ont débrayé dans plusieurs établissements scolaires de la ville
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 09/02/2024
La journée de mobilisation massive initiée par l'opposition et la société civile a donné lieu à des affrontements dans la capitale Dakar, révélant l'ampleur de la contestation contre la décision du président Macky Sall de reporter les élections de 10 mois.
Dès le matin, des centaines d'étudiants et de professeurs ont débrayé dans plusieurs établissements scolaires de la ville, à l'appel de collectifs citoyens et d'organisations syndicales. "C'est un problème général qui dépasse l'éducation", a estimé Assane Sène, enseignant d'histoire-géographie au lycée Blaise Diagne, haut lieu de mobilisation, cité par l'AFP. "Si le gouvernement ne revient pas sur sa décision, nous serons obligés de mener d'autres actions plus musclées", a-t-il prévenu.
Dans l'après-midi, plusieurs milliers de personnes ont tenté de se rassembler sur l'esplanade de la place de la Nation, épicentre historique des manifestations au Sénégal. Mais les forces de l'ordre ont fermement répondu à cette manifestation interdite en tirant massivement du gaz lacrymogène, selon des journalistes de l'AFP sur place. "La situation est déplorable, on est venu prier et on s’est fait gazer, ce qui est intolérable. Les Sénégalais doivent s’indigner et plus seulement sur les réseaux sociaux", a déclaré Thierno Alassane Sall, candidat à la présidentielle, alors que des affrontements avaient éclaté entre manifestants jetant des pierres et policiers répliquant avec des grenades assourdissantes.
Dans les mosquées également, des imams se sont fermement opposés au report du scrutin. "Même le président peut faire des erreurs et dans ce cas c'est à nous de lui dire la vérité", a affirmé l'imam Ahmed Dame Ndiaye dans son prêche, sous les applaudissements des fidèles. "Personne n'a le droit de regarder le pays être détruit", a-t-il ajouté, rencontrant un écho certain au sein de la population. Après cette mobilisation inédite depuis la décision du chef de l'État, l'opposition, qui crie au "coup d'État constitutionnel", semble avoir gagné la bataille de la rue face au régime.
Dans la soirée, un collectif d'opposants a déposé un recours devant la Cour suprême pour tenter de faire valoir la légalité du précédent calendrier électoral. La journée de contestation a révélé la profondeur du sentiment d'injustice au sein de la société sénégalaise, soulevant des inquiétudes quant à la stabilité future du pays, pourtant réputé pour être un îlot de démocratie en Afrique de l'Ouest.
par Fary Ndao
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DOIT DIRE LE DROIT
EXCLUSIF SENEPLUS - Honorables magistrats, votre responsabilité est historique. Le peuple vous célébrera ou continuera de se déverser dans la rue pour défendre sa Constitution et réaffirmer sa souveraineté
Il est dans l’histoire d’un peuple des moments où la Justice, en tant qu’idée mais aussi sous l’incarnation de ses institutions, peut épargner à une nation bien des convulsions. Nous sommes dans un de ces moments. Le samedi 3 février 2024, à la veille de l’ouverture de la campagne d’une élection présidentielle dont la date est encadrée par la Constitution, le président de la République, Macky Sall, a sonné le peuple sénégalais en annonçant abroger le décret qui convoquait le corps électoral, prélude à un report de l’élection. Avec comme principal argument, fallacieux au demeurant, l’existence d’une crise institutionnelle dont le point de départ est la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire remettant en cause votre intégrité, il a non seulement créé une grave crise politique mais a également foulé aux pieds votre présomption d’innocence ainsi que le caractère définitif conféré à vos décisions par la Constitution.
Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Honorables magistrats,
Les accusations du candidat parjure dont vous avez rejeté la candidature en disant le droit, lui qui devait selon les dispositions du Code civil français en son article 23-4, effectuer une demande de perte de nationalité et attendre la publication d’un décret pour que ladite demande soit effective et ainsi être exclusivement de nationalité sénégalaise, n’honorent pas la classe politique et fragilisent davantage l’image d’une justice qui a souvent été décriée, à tort et à raison, dans notre pays.
L’allocution du 3 février 2024 a été suivi du vote au forceps d’une loi de révision constitutionnelle portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de notre Constitution afin d’acter le report de la présidentielle et ainsi de prolonger, de facto, le mandat du président de la République. Ceci, comme vous le savez, en tant que spécialistes académiques et praticiens de la Constitution, est contraire aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 103 de la Constitution que vous me permettrez de reproduire in extenso :
« La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ».
En proposant l’allongement de fait de la durée du mandat du président du 2 avril au 15 décembre 2024, la loi de révision constitutionnelle votée par les députés BBY et Wallu constitue une violation de l’article 103 de notre charte fondamentale en son alinéa 7 mais aussi un coup d’Etat constitutionnel. Ni plus ni moins.
Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Honorables magistrats,
Le sort de cette loi scélérate attaquée depuis ce 8 février 2024 par le recours d’au moins 1/10e des députés de l’opposition comme le leur permet l’article 74 de notre Constitution est désormais entre vos mains. À travers vos avis et décision N° 3/C/2005 du 18 janvier 2006 et N° 1/C/2016 du 12 février 2016, vous avez rappelé votre compétence pour juger les lois constitutionnelles sous certaines conditions aujourd’hui réunies et que « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle ».
Ainsi, le respect de la Constitution, l’intangibilité de la durée du mandat en cours du président de la République, l’impossibilité au nom du jeu politique d’introduire dans notre Constitution des dispositions transitoires, le souci de cohérence juridique par rapport à vos avis et décisions antérieurs vous placent dans une position historique pour vous déclarer compétent et censurer cette loi de révision constitutionnelle. Cela permettrait d’affirmer, une bonne fois pour toutes, l’indépendance de l’Institution judiciaire vis-à-vis du pouvoir siamois exécutif et législatif, habitué aux stratégies les plus retorses pour se maintenir au pouvoir mais aussi vis-à-vis de tous ceux et celles qui s’accommodent des décisions de justice uniquement lorsqu’elles vont dans leur sens. Des juges kenyans ont fait reprendre tout un scrutin présidentiel sur la base d’un recours introduit par l’opposition, le président xénophobe américain Donald Trump a vu certaines de ses décisions rejetées par des juges américains. Vous avez l’opportunité de dire à nouveau le Droit et de défendre votre honneur souillé par un candidat parjure qui dispose du soutien de la majorité politique d’un président auteur d’un coup d'État constitutionnel et irrespectueux de la séparation des pouvoirs. Cette coalition d’intérêts particuliers permise par les alliances politiques contre-nature d’aujourd’hui et d’hier, souhaite nous priver, nous Sénégalais, d’un des droits que bien de nos frères et sœurs africains nous envient jusqu’ici : celui de pouvoir choisir librement notre président selon les règles intangibles définies par notre charte fondamentale.
Votre responsabilité est historique. Le peuple, qui vous écoute avec tout le respect qui vous est dû, vous célébrera ou continuera de se déverser dans la rue pour défendre sa Constitution et réaffirmer sa souveraineté.
AMADOU BA SE DIT SEREIN
Le Premier ministre déplore de devoir affronter des "adversaires" au sein de sa formation politique. Il se dit néanmoins en faveur du report de la présidentielle si cela permet de garantir la transparence du vote et la paix dans le pays
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 09/02/2024
Le Premier ministre sénégalais Amadou Ba vit des moments tourmentés à l'approche de l'élection présidentielle, pour laquelle il est le candidat de la majorité au pouvoir. "Difficile de vivre expérience plus pénible quand on est Premier ministre et candidat de la majorité à une élection présidentielle", souligne d'emblée Jeune Afrique dans son entretien exclusif avec le principal intéressé.
En effet, alors que le scrutin était initialement prévu fin février, Amadou Ba s'est retrouvé sous le feu des critiques. "Dauphin désigné du président sortant Macky Sall, il a vu une partie de son camp voter l’ouverture d’une enquête parlementaire contre lui et deux juges du Conseil constitutionnel", rapporte l'hebdomadaire panafricain. Pire, ces attaques ont "déjà abouti au report du scrutin et ouvert une grave crise politique".
Interrogé par Jeune Afrique, le candidat de la mouvance présidentielle se dit "serein" face aux "accusations de corruption portées par Karim Wade", qu'il juge "tout à fait infondées". S'il "comprend que chacun puisse avoir l’ambition de servir le pays à un tel niveau", Amadou Ba déplore avoir des "adversaires" au sein même de son propre parti, l'APR.
Concernant le report de l'élection, il se dit "partisan de tout ce qui concourt à la transparence du processus électoral et à la paix". S'il "tire un intérêt évident à l’intégrité des mécanismes qui encadrent le scrutin", Amadou Ba appelle surtout au "dialogue", pierre angulaire selon lui du "système démocratique".
Malgré ce climat tendu, le Premier ministre candidat assure que sa "stratégie est simple: continuer à opérer comme je le fais depuis le début, pour gagner". Car Amadou Ba en est convaincu: avec la "Benno bokk yaakaar", la coalition au pouvoir, "nous sommes une redoutable machine électorale".
Source: entretien exclusif accordé par Amadou Ba à Jeune Afrique.
LE SITE INTERNET DE L’AÉROPORT DE CONAKRY PIRATÉ PAR ANONYMOUS 224
Le site internet de l’aéroport de Conakry n’était toujours pas accessible jeudi soir 8 février. À la place de la page d’accueil s’affichait le matin un message appelant à la libération d’internet en Guinée.
Le site internet de l’aéroport de Conakry n’était toujours pas accessible jeudi soir 8 février. À la place de la page d’accueil s’affichait le matin un message appelant à la libération d’internet en Guinée. Depuis la fin du mois de novembre, certains réseaux sociaux sont inaccessibles sans VPN. Le groupe qui a revendiqué l’attaque se fait appeler « Anonymous 224 ».
« Libérez internet, internet est un droit », voici le slogan qui a commencé à s’afficher hier matin sur la page d’accueil de l’aéroport de Conakry, avant que celle-ci ne soit tout simplement plus consultable. Le site internet a été victime d’une cyberattaque qui vise à envoyer un message aux autorités du pays.
« Le peuple de Guinée subit de graves atteintes à ses droits fondamentaux », écrivent ceux qui se présentent comme les Anonymous 224, un nom inspiré du célèbre mouvement cyberactiviste très investi dans le combat pour la défense de la liberté d’expression.
« Ceci n’est qu’un avant-goût »
Ceux qui ont pris le contrôle du site de l’aéroport dénoncent les restrictions qui frappent actuellement les réseaux sociaux et touchent certains médias en Guinée. « Face à ces pratiques régressives, Anonymous a décidé de prendre ses responsabilités. Nous refusons de rester silencieux devant l’oppression », assurent les auteurs de la cyberattaque.
Est-ce l’œuvre d’un groupe de Guinéens basé en Guinée ? Est-ce que des hackers étrangers sont derrière cette opération ? En tout cas, d’autres attaques pourraient avoir lieu. Le groupe menace et termine son message par ces mots : « Ceci n’est qu’un avant-goût ».
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LE SÉNÉGAL SUR LA CORDE RAIDE
L'enjeu pour Macky Sall est moins de prolonger son mandat que de garder la main sur l'issue de l'élection. Décryptage de la situation de crise en cours depuis le report du scrutin présidentiel sur VOA avec René Lake, Samba Dialimpa Badji et Mamadou Thior
L'enjeu pour Macky Sall est moins de prolonger son mandat que de garder la main sur l'issue de l'élection. Décryptage de la situation de crise en cours depuis le report du scrutin présidentiel sur VOA avec René Lake, Samba Dialimpa Badji et Mamadou Thior. Ils sont invités de l'émission hebdomaire Washington Forum.
L'OPPOSITION SAISIT LE JUGE CONSTITUTIONNEL
Un groupe de Trente-sept députés ont saisi le Conseil constitutionnel afin de dénoncer l'inconstitutionnalité de la loi adoptée pour reporter le scrutin au 15 décembre
Un groupe de trente-sept députés de l’opposition ont déposé jeudi au greffe du Conseil constitutionnel une saisine en inconstitutionnalité contre la loi portant report au 15 décembre prochain de l’élection présidentielle du 25 février, a appris l’APS de bonne source.
Ayib Salim Daffé et Samba Dang, députés à l’Assemblée nationale, agissant à leur nom et au nom et pour le compte de trente-sept autres parlementaires ont notamment déposé une saisine en inconstitutionnalité contre la loi portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la constitution, a indiqué la source.
Cette saisine du Conseil constitutionnel survient après que l’Assemblée nationale a adopté lundi tard dans la soirée une proposition de loi reportant au 15 décembre prochain l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février.
Quarante-heures avant, le chef de l’Etat, dans une brève adresse à la nation, a annoncé l’abrogation du décret convoquant le corps électoral le 25 février.
Macky Sall, élu et réélu en 2012 et en 2019, a réaffirmé sa volonté de ne pas se présenter à cette élection, une promesse qu’il avait faite en juillet dernier.
Pour reporter l’élection, il a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats parmi ceux qui ont procédé à l’examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d’entre eux.
Une commission d’enquête parlementaire a été constituée à la demande de l’ex-parti au pouvoir, le PDS, dont le dossier de candidature a été rejeté par le Conseil constitutionnel en raison de la double nationalité de son candidat, l’ancien ministre Karim Wade.
Ce parti a demandé et a obtenu la création d’une commission d’enquête parlementaire après l’invalidation de la candidature de M. Wade.
MACKY SALL FACE À LA FRONDE
La décision de reporter l'élection présidentielle provoque un tollé sans précédent. Sous pression de la communauté internationale, le chef de l'État demande l'apaisement. Mais la contestation grandit face à ce report de dernière minute jugé illégitime
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
Le président sénégalais Macky Sall fait face à la pression après avoir ordonné le report de l'élection présidentielle prévue initialement le 25 février au 15 décembre. Cette décision controversée a suscité un tollé de l'opposition et de la société civile qui dénoncent un "coup d'Etat constitutionnel".
Sous pression internationale, M. Sall a demandé à son gouvernement de prendre des "mesures d'apaisement" suite aux protestations. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a enjoint le Sénégal à "rétablir de toute urgence" le calendrier initial lors d'une réunion de ses ministres des Affaires étrangères au Nigeria. L'Union européenne et les États-Unis ont également exprimé leurs inquiétudes quant au risque de troubles et à l'atteinte portée à la démocratie sénégalaise.
Cependant, comme l'a déclaré le ministre des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall sur France 24, "nous privilégions aujourd'hui la logique politique interne". Le report a été approuvé par l'Assemblée nationale avec les voix du camp présidentiel et d'un candidat recalé, selon l'AFP.
Cette décision constitutionnellement douteuse pourrait ramener le pays à la case départ du processus électoral et alimente les soupçons d'une manœuvre pour éviter une défaite du candidat du pouvoir ou maintenir M. Sall plus longtemps. Des tentatives de manifestations ont été matées et des interpellations ont eu lieu. Une journée ville morte est prévue vendredi dans la capitale Dakar par un collectif d'organisations de la société civile.
Face à l'une des plus graves crises politiques depuis des décennies, M. Sall a réaffirmé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba, désigné candidat malgré les critiques dans son propre camp.
MACKY SALL ACCUSÉ DE TUER LE SUFFRAGE UNIVERSEL
Le comité "Doleel PIT-Sénégal" appelle à l'union des forces vives de la nation pour empêcher "la dérive du camp libéral (APR/ PDS) et de la démission nationale". Il exhorte syndicats, partis politiques et société civile à intensifier la protestation
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
En reportant sine die la date de la prochaine présidentielle, le président Macky Sall plonge le Sénégal dans l'inconnu et brise la vitrine démocratique du pays, selon les opposants.
"Sa parole n'est plus digne de confiance" déclare le Comité pour la Plate-forme de Réflexions "Doleel PIT-Sénégal ngir defaraat reewmi" dans son communiqué du 7 février 2024. Beaucoup avaient en effet vu venir cette dérive dictatoriale, à travers les agissements du chef de l'État ces dernières années : son fameux "ni oui ni non", la dissolution de la Commission électorale nationale autonome (CENA), la répression des manifestations de mars 2021 et juin 2023, l'emprisonnement de leaders de l'opposition comme Ousmane Sonko.
En reportant l'élection, Macky Sall montre selon ses détracteurs "sa peur bleue des lendemains de l’alternative" que représentait l'opposant pressenti pour la victoire au premier tour, Ousmane Sonko. Le président sortant se substitue ainsi au peuple souverain et remet en cause les décisions du Conseil constitutionnel, devenant aux yeux de beaucoup "le fossoyeur patenté de la République".
Face à cette dérive anticonstitutionnelle, le comité "Doleel PIT-Sénégal" appelle dans son communiqué à l'union de toutes les forces vives de la nation pour empêcher "la dérive du camp libéral (APR/ PDS) et de la démission nationale". Il exhorte syndicats, partis politiques et société civile à intensifier la lutte par des mouvements de protestation. Le comité demande aussi aux organisations internationales comme l'ONU, l'UA ou la CEDEAO d'exiger fermement le respect du calendrier électoral par Macky Sall.
LA CEDEAO AU PIED DU MUR
Son impuissance jugée "évidente" après le report de l'élection au Sénégal. Ses communiqués ne suffisent plus, selon des experts. Réunie en urgence ce jeudi, l'organisation doit retrouver les moyens d'agir pour stabiliser la région
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) tient ce jeudi une réunion d'urgence à Abuja, au Nigeria, pour discuter de "la situation sécuritaire et politique actuelle dans la région", selon son Conseil de médiation et de sécurité. Cette réunion intervient dans un contexte de crises majeures au Sénégal, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, mettant à l'épreuve l'influence de l'organisation ouest-africaine.
"Le report de l'élection présidentielle sénégalaise est une 'nouvelle crise dont la Cédéao n'a pas besoin'", déclare à l'Agence France-Presse (AFP) Djidenou Steve Kpoton, consultant politique béninois indépendant. "Son impuissance face à la situation est évidente", ajoute-t-il. Au Sénégal, l'annonce samedi du report de la présidentielle du 25 février 2024 par le président Macky Sall a provoqué la pire crise politique depuis des décennies dans ce pays d'habitude stable.
Selon Rama Salla Dieng, maîtresse de conférences en études africaines à l'Université d'Edimbourg, la Cédéao "publie des communiqués, mais lorsqu'il s'agit d'agir, elle ne fait rien". "Un coup d'État est un coup d'État, il y avait des élections planifiées avec une date fixée. On a l'impression qu'ils sont vraiment impuissants", estime-t-elle. Depuis leurs coups d'État respectifs, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont officiellement retirés de la Cédéao cette semaine, compliquant encore davantage la situation.
Face à cette série de crises, certains experts appellent à une réforme de l'organisation. "On ne peut pas continuer comme si de rien n'était", affirme Mme Dieng, appelant à consulter le public sur le rôle de la Cédéao. Reste à savoir si cette dernière, créée il y a près de 50 ans, sera capable de s'adapter aux nouveaux défis sécuritaires et politiques en Afrique de l'Ouest.