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22 avril 2025
International
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POUR ABDOU LATIF COULIBALY, MACKY SALL A ARRÊTÉ L'HISTOIRE
Pointant du doigt l'inconstitutionnalité du report électoral, l'ancien secrétaire général du gouvernement dévoile les dessous politiciens de la manœuvre et pointe la responsabilité directe du président dans cette crise démocratique
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
Abdou Latif Coulibaly, ancien secrétaire général du gouvernement, a accordé une interview à RFI ce lundi 5 février 2024 pour expliquer les raisons de sa démission, survenue deux jours plus tôt. Selon M. Coulibaly, le report sine die du scrutin initialement prévu le 25 février dernier constitue une "entorse" et une "dérive" inacceptable.
Interrogé sur les motifs de son départ du gouvernement, le haut fonctionnaire a indiqué vouloir "retrouver [sa] liberté d'expression" et ne plus se sentir tenu par "la solidarité du gouvernement" face à une décision avec laquelle il est en profond désaccord. Pour M. Coulibaly, ni le président Macky Sall, ni l'Assemblée nationale n'avaient le pouvoir de reporter l'élection, arguant que la réforme constitutionnelle de 2016 était censée garantir l'intangibilité du calendrier électoral.
À ce sujet, il a relevé une contradiction majeure dans la position actuelle du chef de l'État, qui affirmait lui-même en 2012 qu'un président ne pouvait "augmenter d'une journée son mandat". Selon l'ex-secrétaire général, "aujourd'hui, [Macky Sall] décide de renoncer à tout ça. Il arrête l'histoire", se déjugant par rapport aux engagements passés.
Abdou Latif Coulibaly a par ailleurs estimé probable l'existence d'"un accord sur les démarches" avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade, principal bénéficiaire du report.
Pour l'ancien ministre, la décision de Macky Sall "n'est pas un avantage pour lui et en rien du tout" sur le plan politique. Elle dénoterait selon lui une tendance chez les dirigeants, "quand on est dans l’exercice du pouvoir, [à croire] que tout est possible". Plus grave encore, M. Coulibaly a affirmé avoir "alerté le président sur les risques" d'un tel report, sans être écouté.
En fin d'interview, l'opposant a déploré l’absence de préparatifs logistiques et administratifs sur le terrain en vue du scrutin, contrairement à ce qui a toujours été fait dans le cadre du processus pré-électoral. Une situation qui révèle, pour Abdou Latif Coulibaly, une volonté délibérée de reporter les élections de la part du pouvoir.
L'INTERNET MOBILE COUPÉ
Le ministre de la Communication justifie cette mesure par la nécessité de contrer la diffusion de propos subversifs en plein contexte de tensions
Les autorités sénégalaises annoncent avoir suspendu « provisoirement » l’internet des données mobiles à partir du dimanche 4 février à 22 heures.
« Le ministre de la Communication, des Télécommunications, et du Numérique informe le public qu’en raison de la diffusion de plusieurs messages haineux e subversif relayés sur les réseaux sociaux dans un contexte de menaces de troubles à l’ordre public, l’internet des données mobiles est suspendu provisoirement à partir du dimanche 4 février à 22 heures », écrit un communiqué de la tutelle rendu public le même jour.
« Les opérateurs de téléphonie sont tenus de se conformer aux réquisitions notifiées », indique la source.
Par Abdoulaye THIAM
MACKY, LE COUP DE TONNERRE
Le président porte une atteinte grave à la démocratie sénégalaise qui était une petite embellie dans la grisaille ouest africaine
Coup de tonnerre au Sénégal ! Le président de la République, Macky Sall dont le second mandat prend fin le 2 avril prochain, a pris un décret ce samedi 3 février, à moins de 24 heures du démarrage de la campagne électorale, pour reporter sine-die l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024
Le chef de l’Etat estime qu’ily a des soupçons de corruption qui pèsent sur des juges du Conseil constitutionnel et qu’une candidate (Rose Wardini) a été arrêtée et poursuivie pour parjure suite à la découverte de sa double nationalité, pendant qu’un autre, Karim Meissa Wade a été écarté à cause de sa deuxième nationalité française dénoncée par Thierno Alassane Sall, également candidat à la Présidentielle.
Des prétextes plus que fallacieux qui apportent de l’eau au moulin des détracteurs de Macky Sall qui l’ont toujours suspecté de vouloir s’offrir un «mandat cadeau», à l’image de Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire. Un scénario ubuesque digne d’un film hollywoodien.
Pis, Macky Sall porte une atteinte grave à la démocratie sénégalaise qui était une petite embellie dans la grisaille ouest africaine. Pathétique ! Inacceptable ! Inconcevable dans un pays qui, depuis son accession à l’indépendance n’a jamais reporté, pas une seule fois, son élection présidentielle. Et pourtant ce ne sont pas des alibis et des arguments qui manquaient pour les prédécesseurs de Macky Sall. Un juge constitutionnel a été froidement assassiné, des policiers ont été pris dans un guetapens et lâchement liquidés sous le régime socialiste. Mais, Abdou Diouf président de la République d’alors n’a jamais songé à reporter la présidentielle. Plus récemment, quand le Conseil Constitutionnel, a validé la candidature de Abdoulaye Wade pour un troisième mandat, 11 sénégalais ont trouvé la mort. Mais jamais le pape du SOPI n’a envisagé de repousser la présidentielle pour s’offrir un «bonus», comme du reste le théorisait d’ailleurs Idrissa Seck, alors chef de l’opposition sénégalaise (il était deuxième à la présidentielle de 2007).
L’opprobre sur les institutions
C’est Ousmane Sonko et ses partisans qui vont rire sous cape. Sans occulter Alpha Condé, voire Yaya Jammeh. Le leader de l’ex-Pastef a été accusé de tous les noms d’oiseaux à cause de discours sur la neutralité et l’impartialité de certains juges. Aujourd’hui, c’est le gardien de la Constitution, celui qui est considéré comme la clé de voûte des institutions, le père de la nation, le président du Conseil supérieur de la magistrature, chef suprême des armées qui jette en pâture des magistrats en créditant des soupçons de corruption sur des juges du Conseil Constitutionnel. Il veut aussi nous faire croire que notre Assemblée nationale sera en conflit contre le Conseil Constitutionnel. Il veut nous faire croire qu’une enquête parlementaire des députés acquis à sa cause, qui se comportent comme des moutons de Panurge sont capables de nous élucider sur ce supposé cas de corruption. Cette même Assemblée nationale n’avait-elle tenté le coup avec la fameuse affaire des 94 milliards avant que l’OFNAC ne refroidisse leurs conclusions ? Triste sort pour le pays de Senghor, de Abdou Diouf et de Abdoulaye Wade.
Troisième mandat à tout prix
C’est désormais clair, net et limpide. Macky Sall n’a jamais voulu quitter le pouvoir. D’ailleurs, il a toujours usé de toutes sortes de subterfuges pour se présenter à nouveau. Son «ni oui, ni non», le limogeage de toutes les personnes qui osaient dire non au troisième mandat, la promotion de qui ceux qui le soutiennent et le théorisent, la très tardive déclaration aux allures d’une contrainte pour finalement renoncer à briguer les suffrages des Sénégalais, tout a été savamment orchestré pour lui baliser la voie.
On croyait alors que le Président Sall avait fini par entendre raison. Que nenni ! La preuve, c’est le choix porté sur Amadou Ba. Un choix qu’il qualifie de «raison» contre un éventuel choix de «cœur». Comme au théâtre chinois, tel un habile marionnettiste, il tire les ficelles, distribue les rôles. Usant du machiavélisme jusqu’au bout, il se débarrasse d’un de ses fidèles lieutenants, El Hadji Mamadou Diao dont le seul péché est d’avoir osé déclaré sa candidature. Aly Ngouille Ndiaye avait déjà fini de quitter le navire. Quant à Abdoulaye Daouda Diallo, il lui demande de rester sans rester. Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) organise sa capitulation sans prononcer le nom de Amadou Ba, dans un discours fait en français, en wolof et de poular
N’empêche, la machine électorale se met en branle. Nous nous épargnons des forfaitures de la Direction générale des élections (DGE), du limogeage spectaculaire des membres de la CENA, et de l’installation de la nouvelle CENA en violation totale des textes.
On croyait alors avoir bu le calice jusqu’à la lie. Macky Sall décide de porter l’estocade à travers Mame Mbaye Niang qui débarque sur les plateaux de la TFM, le matin même de conseil national de l’APR pour descendre Amadou Ba en plein vol. Le candidat de BENNO se retrouve avec des ailes mouillées mais reste zen. Pendant ce temps, l’opposition surtout le camp de Sonko s’organise autour de Bassirou Diomaye Faye, cloué dans sa cellule de prison. Inédit !
Des candidats débarquent à la RTS pour enregistrer leur première sortie médiatique. Sauf que le chef de l’Etat ne veut pas d’élection. En l’absence d’insurrection souhaitée, de la démission du chef du gouvernent, il sort de son imagination un conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel pour tout arrêter sans préciser de date de la tenue de l’élection. Un coup d’Etat constitutionnel aux conséquences incommensurables.
par rené lake
PLONGÉE DANS L’INCONNU
EXCLUSIF SENEPLUS - La stratégie de Macky, axée sur la survie politique et incarnée par le « Tout sauf Sonko », a engendré une situation bien plus périlleuse pour le pouvoir avec la validation inattendue de la candidature de Bassirou Diomaye Faye
Le Sénégal se trouve actuellement immergé dans une réalité qui lui est étrangère. L'ajournement indéfini de l'élection présidentielle prévue pour le 25 février 2024 intensifie une crise de confiance déjà palpable entre une part significative de la population et les dirigeants de la nation, notamment le président Macky Sall.
Macky Sall diffère les élections, prétextant une crise dont il omet délibérément de préciser la nature, empêchant ainsi une compréhension claire de ses implications et de sa portée. Il évoque d'abord un « affrontement ouvert entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel », puis mentionne une « controverse autour de la double nationalité d'une candidate », avant de décrire la situation comme étant de « conditions ambiguës ».
Sur ce fond contextuel, il justifie le report de l’élection, arguant que l'Assemblée nationale a proposé une « loi constitutionnelle à suivre en procédure d'urgence ».
Trois termes décrivent la situation : Conflit, Controverse, et Conditions ambiguës. Comment est-il envisageable de suspendre l'ordre électoral, l'ordre républicain, et l'ordre constitutionnel sur des bases aussi peu pertinentes et convaincantes ?
Aux États-Unis, malgré plus de 620.000 décès en quatre ans, de 1861 à 1865, durant la guerre civile – un bilan supérieur aux pertes cumulées lors de multiples conflits historiques –, les scrutins se sont tenus à la date prévue. Le 8 novembre 1864, les citoyens américains ont voté, réélisant Abraham Lincoln.
Même en temps de crise sanitaire, comme lors de la pandémie de grippe espagnole en 1918 qui a fait 615.000 victimes, les États-Unis n'ont pas reporté leurs élections. Le 5 novembre 1918, les citoyens ont été appelés aux urnes, conformément à la tradition des élections fédérales tenues le premier mardi suivant le premier lundi de novembre.
Par ailleurs, selon les propres termes du président Macky Sall, la stabilité nationale n'est pas en jeu. Qu'il estime que le pays « ne peut se permettre une nouvelle crise » relève de son plein droit, mais rien n'indique, à la date du 3 février 2024, l'existence ou la potentialité d'une crise susceptible de déstabiliser le pays et de menacer la cohésion sociale.
Au contraire, la majorité des candidats se montraient prêts pour une campagne électorale dynamique. Cependant, il est de notoriété publique que le camp présidentiel était, à cette date, empêtré dans des conflits internes si profonds que les ponts d'alliance et de collaboration entre Macky Sall et Amadou Ba, son Premier ministre et candidat désigné, étaient rompus. Depuis une semaine, les spéculations abondaient sur le conflit ouvert entre les deux hommes et ses répercussions sur l'élection.
En vérité, une analyse plus approfondie des rapports de cause à effet suggère une inversion de la logique apparente. La stratégie de Macky Sall, axée sur la survie politique et incarnée par la devise « Tout sauf Sonko », a engendré une situation bien plus périlleuse pour le pouvoir avec la validation inattendue par le Conseil constitutionnel de la candidature de Bassirou Diomaye Faye, numéro deux du parti dissous de Sonko. Ce retournement de situation, totalement imprévu, transforme la stratégie du « Tout sauf Sonko » en une réalité impensable pour Macky Sall, aboutissant à une élection « Sans Sonko mais avec Diomaye ».
Au-delà de la crainte des divergences idéologiques et philosophiques entre Macky Sall et Diomaye Faye, il est rapidement devenu évident que le remplaçant de Sonko, bénéficiant non seulement du soutien des membres et sympathisants de Pastef, jouissait également d'une sympathie due à sa condition de victime, surtout en tant que prisonnier politique détenu sous des accusations discutables dans un contexte démocratique ou d'État de droit.
Cependant, la situation se complique davantage pour Macky Sall et ses alliés face à la prise de conscience que depuis sa cellule, le candidat acquiert un avantage supplémentaire, celui d'éviter des erreurs politiques lors d'une campagne électorale. La détention devient ainsi un atout politique majeur pour le remplaçant d'Ousmane Sonko.
Il est devenu manifestement clair au sommet de l'État que la stratégie du « Tout sauf Sonko » a engendré, involontairement, une menace encore plus grande pour Macky Sall et ses alliés. Il devient essentiel de trouver une solution. Face à l'irréversibilité des décisions du Conseil constitutionnel, la seule option restante pour Macky Sall est de reporter l’élection afin de neutraliser la candidature de Diomaye Faye.
Quelle démarche adopter ? Guidé par un instinct de préservation, c'est ici que se révèle une partie importante de l’objectif politique qui sous-tend la décision du report. Plusieurs sources proches de Macky Sall indiquent que celui-ci considère que son candidat est pour le moins inapte à affronter Diomaye Faye ou encore Khalifa Sall, leader de la coalition Taxawu Senegal dans cette élection. C’est ainsi qu’il devient aisé d’utiliser Amadou Ba comme bouc émissaire pour provoquer une crise au sommet de l'État, justifiant l’ajournement de l’élection présidentielle.
Pour arriver à ce résultat, une crise est fabriquée artificiellement, exacerbée, créant les conditions d'une instabilité au sommet de l'État afin de pouvoir ainsi justifier un ajournement du rendez-vous électoral le plus important du pays.
Pour couronner le tout, Macky Sall se voit confronté à deux possibilités imprévues, celles liées à la double nationalité de Karim Wade et de Rose Wardini. Ces nouvelles circonstances offrent des justifications semblant plus pertinentes, plus crédibles et plus aisées à avancer pour parvenir au but visé, comparées à celle d’un « lynchage planifié du candidat de la coalition présidentielle », selon les mots d’un proche d’Amadou Ba. Il a judicieusement ajouté : « Parfois, même dans les méandres, les étoiles s'alignent ».
Le maintien des élections présidentielles à leurs dates prévues est un pilier fondamental de la démocratie et de la stabilité politique dans n'importe quel pays. Ce n’est pas principalement une question juridique ou de droit mais bien plus une question politique et de gouvernance. Les raisons pour lesquelles les élections présidentielles ne devraient jamais être reportées sont multiples et d'au moins cinq ordres :
Précédent dangereux : Le report d'une élection peut créer un précédent dangereux, permettant à des gouvernements de futurs reports sous des prétextes non justifiés. Cela peut ouvrir la porte à des abus de pouvoir et à l'érosion des institutions démocratiques.
Légitimité du pouvoir : La légitimité des dirigeants élus repose sur le respect du calendrier électoral. Tout retard jette un doute sur la légitimité du pouvoir en place et alimente des tensions politiques, des contestations, voire des conflits.
Respect des principes démocratiques : Les élections sont le fondement de la démocratie représentative. Elles permettent aux citoyens d'exprimer leur volonté et de choisir leurs dirigeants. Reporter une élection est une atteinte aux droits démocratiques fondamentaux et une violation de la confiance du public envers ses institutions.
Gestion des crises : Bien que des circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, crises sanitaires) puissent présenter des défis logistiques, l'histoire a montré que les élections peuvent être adaptées plutôt que reportées. Des mesures appropriées ou l'ajustement des procédures de vote peuvent permettre la tenue d'élections même dans des contextes difficiles.
Prévisibilité et stabilité : Un calendrier électoral constant et prévisible contribue à la stabilité politique et économique. Les investisseurs, les partenaires internationaux et les citoyens eux-mêmes s'appuient sur cette régularité pour planifier leur avenir.
En somme, la décision de reporter, en réalité d’annuler les élections, prise par le président Macky Sall, ce 3 février 2024, s'apparente à une plongée dans l'inexploré qui expose le Sénégal à des turbulences extrêmes, dangereuses et indésirables.
René Lake est journaliste et analyste politique à Washington.
DEMAIN SÉNÉGAL APPELLE AU RESPECT DE LA CONSTITUTION
L'association citoyenne dénonce une violation "indiscutable" de la loi fondamentale sénégalaise et appelle à la vigilance contre toute "subversion" démocratique
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
L'association Demain Sénégal, une structure de la société civile sénégalaise, a fait part de sa "profonde consternation" face à l'annulation de l'élection présidentielle du 25 février 2024 par le président Macky Sall. Dans une déclaration rendue publique le 4 février, l'association dénonce une "violation indiscutable" de la Constitution sénégalaise.
Pour Demain Sénégal, cette décision "qui est une première regrettable dans l’histoire politique de notre pays, bafoue la volonté du peuple sénégalais et son droit souverain à des élections libres et équitables, ainsi que la stabilité démocratique que notre pays a chèrement acquise au fil des années". L'association estime qu'elle "va à l'encontre des principes démocratiques, de l'État de droit, et viole les engagements internationaux ainsi que les normes constitutionnelles de notre nation".
Citant directement la Constitution sénégalaise, Demain Sénégal souligne que "la démocratie sénégalaise se fonde sur le pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, et le respect des échéances électorales" et qu'"aucun individu, aucun parti politique, aucune institution n'a le droit de se substituer à la volonté souveraine de la population qui s’exprime par les urnes".
Dans cette déclaration signée par une centaine de personnalités membres, l'association "renouvelle (son) appel à la vigilance et à l'action contre cette subversion de nos institutions démocratiques" et "exhorte le gouvernement et appelle les partis politiques, l’Assemblée nationale, la société civile et tout le peuple sénégalais à s’accorder" notamment sur le maintien du processus électoral et le respect du calendrier prévu.
Fondée en décembre 2021, Demain Sénégal se présente comme une association non partisane de la société civile ayant pour mission de contribuer au développement du Sénégal sur des piliers comme l'état de droit, la santé, l'éducation ou encore l'emploi. Elle dit s'être donnée pour objectif de recueillir les attentes des citoyens et de faire des propositions aux futurs candidats à la présidentielle de 2024.
POUR THE ECONOMIST, LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE NE TIENT PLUS QU'À UN FIL
Selon l'influente publication britannique, le report de l'élection par Macky Sall constitue un coup dur et jette un trouble important sur l'avenir du pays
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 04/02/2024
Selon le magazine britannique The Economist, la démocratie sénégalaise ne tient plus qu'à un fil. En effet, juste quelques semaines avant l'élection présidentielle prévue le 25 février, le président Macky Sall a annoncé son report sans donner de nouvelle date.
Cette décision a provoqué une crise constitutionnelle majeure et porté un coup dur à la démocratie en Afrique de l'Ouest aux yeux de The Economist. L'opposition sénégalaise a vivement réagi, à l'image de Khalifa Sall, qui a dénoncé "un coup d'État constitutionnel". Un autre candidat, Thierno Alassane Sall, cité par l'hebdomaire, a quant à lui évoqué "une haute trahison".
Pourtant, le Sénégal était longtemps considéré comme un modèle de stabilité et de démocratie dans la région. Contrairement à de nombreux autres pays ouest-africains, il avait su éviter les guerres civiles et les coups d'État militaires. The Economist souligne également que le pays a toujours organisé des élections de manière pacifique jusqu'à présent.
Mais pour le magazine, la crédibilité démocratique de Macky Sall a commencé à s'effriter ces dernières années, avec une restriction des libertés au Sénégal. Le report du scrutin, sans indication de calendrier, laisse craindre selon The Economist que le président cherche en réalité à s'accrocher au pouvoir au-delà de son mandat, qui expire le 2 avril prochain.
Dans ce contexte dangereux pour la démocratie sénégalaise, l'avenir politique du pays apparaît plus qu'incertain. Pour The Economist, la démocratie exemplaire du Sénégal ne tient désormais plus qu'à un fil, Macky Sall semblant prêt à enfreindre la constitution pour rester au pouvoir.
SURSAUT CITOYEN DÉNONCE LE COUP DE FORCE DE MACKY SALL
"Les arguments avancés pour justifier cet acte sans précédent, lourd de conséquences pour la stabilité du pays, sont peu convaincants. Le président remet en cause de manière fondamentale la souveraineté du peuple"
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de l'organisation citoyenne Sursaut citoyen reçu ce dimanche 4 février à propos de la situation sociopolitique nationale marquée par le report sine die de la présidentielle :
"À quelques heures seulement de l’ouverture de la campagne électorale pour l’élection présidentielle du 25 février 2024, le président Macky Sall a profondément choqué le peuple sénégalais en annonçant sa décision de suspendre par décret le processus électoral qui se déroulait normalement.
Les arguments avancés pour justifier cet acte sans précédent, lourd de conséquences pour la stabilité du pays, sont peu convaincants : une initiative d’un groupe parlementaire exigeant une enquête parlementaire sur une prétendue corruption de deux juges constitutionnels, faussement présentée comme un conflit entre deux institutions de la République, et une certaine « confusion » susceptible, selon lui, d’engendrer des contestations pré- et post-électorales. Ces événements, fabriqués de toutes pièces par le pouvoir en place en complicité avec le PDS, ont servi de prétexte à Macky Sall pour invoquer une « crise institutionnelle » et plonger le Sénégal dans une crise réelle.
Dans son entêtement déraisonnable à vouloir conserver le pouvoir à tout prix, en dépit du cadre légal, Macky Sall n’a montré aucun scrupule à violer les droits collectifs et individuels des citoyens, à forcer l’adoption de décisions électorales et à recourir à une répression sanglante contre toute opposition à sa politique.
Pour ceux qui s'interrogeaient sur la portée de sa logique de violence et de sa gouvernance autocratique, il vient de donner une réponse claire : « Je fais ce que je veux et ne respecte aucune limite ». En définitive, il remet en cause de manière fondamentale la souveraineté du peuple, qui s’exerce par le renouvellement périodique des mandats présidentiels. Il n’est donc pas exagéré de qualifier l’acte commis par Macky Sall de coup d’État institutionnel.
Mais quelle est la raison de cette démarche extrême ? Encore une fois, il est question pour lui de conserver directement ou indirectement le pouvoir pour éviter de rendre des comptes sur de nombreux crimes commis à la tête de l’État. C’est pratiquement une question de survie pour lui. Tous les sondages d'opinion sont unanimes à ce jour pour prédire la défaite du candidat qu’il soutient. Il est évident que, selon lui, ces élections ne doivent pas avoir lieu, quitte à plonger le pays dans le chaos.
Face à cette situation, Sursaut citoyen :
rejette les prétextes fallacieux avancés par Macky pour justifier la suspension du processus électoral ;
condamne fermement le putsch institutionnel qu’il a perpétré ;
s’engage dans l’organisation de la résistance à l’oppression pour éviter au pays de chuter dans le chaos que la suspension du processus électoral semble inévitablement provoquer ;
appelle les citoyens soucieux de démocratie et leurs organisations à participer activement aux luttes populaires pour restaurer la souveraineté du peuple ;
invite les diverses organisations et mouvements citoyens, syndicaux et politiques engagés dans cette bataille à mutualiser leurs ressources pour établir un large front démocratique capable de générer le rapport de force nécessaire à la victoire ;
propose de mettre en place une cellule de réflexion tactique et stratégique chargée de conseiller et d’accompagner le leadership de ce front."
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
LIBÉRALISME AFRICAIN ET DICTATURE
EXCLUSIF SENEPLUS - En désespoir de cause, ils se retrouvent en famille pour tenter un dernier coup. Toute cette cabale vise Diomaye Faye et nullement Karim Wade, mais on lui fait porter l’initiative pour dédouaner le pouvoir
La famille libérale est au pouvoir depuis 24 ans sur les 50 ans promis par Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, ces libéraux sont tétanisés par la perspective de l’arrivée au pouvoir d’un parti avançant un programme radical et un renouvellement générational. La dernière entourloupe qu’ils poussent n’a rien à voir avec l’invalidation de la candidature de Karim Wade mais plutôt avec la validation de la candidature de Diomaye Faye. Ils pensaient en avoir fini avec le Pastef en écartant Ousmane Sonko et n’ont pas vu venir le tacle de ce dernier.
Ils savent qu’ils vont perdre l’élection et perdre tous leurs privilèges et prébendes. En désespoir de cause, ils se retrouvent en famille pour tenter un dernier coup. Toute cette cabale vise Diomaye et nullement Karim, mais on lui fait porter l’initiative pour dédouaner le pouvoir. C’est à vomir.
Aujourd’hui, le président dans son discours nous dit en 3 minutes : (1) dysfonctionnement des institutions qui ne fonctionnent pas de manière régulière, (2) annulation de l’élection, (3) dialogue et (4) élection inclusive …un de ces jours. Autrement dit, nous sommes en “crise”. Mais en vérité cela relève de son fait.
Car nous savons que nos institutions ont été rendues dysfonctionnelles par les cafouillages d’Abdoulaye Wade qui a introduit des ajustements de salaires arbitraires, décidé de nominations fantaisistes, s’est complu dans un népotisme éhonté, à créer des agences à tour de bras, a installé une corruption généralisée. A telle enseigne que des Assises nationales ont été convoquées et que son successeur nous a promis une gestion sobre et vertueuse.
Si aujourd’hui le président Macky Sall a constaté des dysfonctionnements, il en est pleinement responsable. Ceci étant, en quoi des dysfonctionnements peuvent-ils être assimilés à une crise ? Quand des décisions de justice sont royalement ignorées par la Direction des élections, c’est un dysfonctionnement créé par l’Executif mais ce n’est pas une crise. Quand Macky Sall enjoint à ses hauts fonctionnaires d’aller contester des élections, cela crée des dysfonctionnements dans l’Administration. Quand Macky Sall choisit le président de l’Assemblee nationale en violation du principe de la séparation des pouvoirs, il crée des sources de dysfonctionnements répétitifs. Nous sommes donc habitués depuis le magistère de Macky Sall à un dysfonctionnement des institutions institué en norme de fonctionnement. Ou est la crise ?
Comment peut-il se dédouaner de ses propres turpitudes ? Qui a fermé l’Université ? Qui a décidé du blocus de la Casamance ? Qui a décidé de la fermeture de Wal’Fajiri ? Qui a décidé de l’interdiction systématique de toutes les manifestations pacifiques ? Un régime aux abois.
À défaut du “chaos” tant souhaité, le président nous informe tel un illusionniste de l’existence d’un “chaos institutionnel “ pour justifier sa décision d’annuler l’élection présidentielle.
“Chaos institutionnel “? Il est où ce chaos ? Le Conseil constitutionnel a achevé la première partie de son travail et quelques soient les frustrations ses décisions ne sont pas susceptibles de recours. Donc on avance. Que l’APR et le PDS imposent à l’Assemblée nationale de mettre sur pied une Commission d’enquête sur des accusations qu’ils ont eux mêmes porté sans preuves contre deux membres du Conseil constitutionnel, qu’a cela ne tienne. Allons-y. Où est la crise ? Où est le chaos ?
Il n’y a donc aucune, je répète aucune raison institutionnelle de reporter et à plus forte raison d’annuler l’élection présidentielle. C’est tout simplement une forfaiture, une de plus de la part d’un président qui nous a habitués à ses mensonges, ses trahisons et le mépris dans lequel il tient le peuple sénégalais. De toutes pièces, il manufacture une crise, annule l’élection et nous propose un énième dialogue. A-t-il perdu la raison au point de ne compter que sur la force, la violence et la peur ?
En tous cas, il a décidé de rejoindre le camp des dictateurs africains. Comment ont ils tous fini : la fuite, la prison ou le coup d’État ! Qu’est-ce qui lui fait croire que son sort sera différent ? Parce qu’il est plus intelligent ? S’il était intelligent, il n’aurait pas choisi de verser dans la dictature.
par Abdoulaye Dieye
CE QUE JE SAIS
Ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances la durée des mandats pouvait être réduite ou prolongée
En abrogeant le décret n°2023-2283 portant convocation du corps électoral, le président de la République a reporté sine die la présidentielle prévue le 25 février 2024. Cette décision fondée sur des motifs d’une légèreté inouïe, place le Sénégal dans une ère d’incertitudes et d’interrogations sans réponses.
Qu’adviendra –t-il le 2 avril à l’expiration du mandat actuel ?
Toute idée de prolongation de mandat doit être écartée. D’abord parce que la durée du mandat de cinq ans ne peut faire l’objet de révision aux termes de l’article 103 de la Constitution ; ensuite parce que le Conseil constitutionnel a dit en 2016 que la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés (ne) pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée (Considérant 32 de la « décision » n°1/C/2016). C’est cet argument que le juge constitutionnel avait brandi pour rejeter toute possibilité, pour le président Macky Sall, de réduire son mandat conformément à son engagement. Pour le juge, ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances la durée des mandats pouvait être réduite ou prolongée.
On nous a dit et bien dit en 2016 que le Conseil constitutionnel, même s’il n’est saisi que d’une demande d’avis, statue par des décisions motivées (loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016) et que ses décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (Article 92 al 3 de la Constitution de 2001), nous devons considérer alors que le Droit a été dit.
Même si la proposition de loi déposée est adoptée, elle ne cherche à modifier que la disposition aux termes de laquelle le scrutin pour l'élection du président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l'expiration du mandat du président de la République en fonction.
Peut-être aussi que l’on ira vers l’allongement du délai prévu pour organiser l’élection en cas de démission, le 2 avril du président Sall et, en attendant, faire suppléer le président de la République par le président de l’Assemblée nationale.
C’est bien cet acte de folie d’hier qui va installer le Sénégal dans une crise institutionnelle.
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MACKY SALL JOUE LA MONTRE
En reportant sine die la présidentielle ce samedi 3 février, "le président cherche avant tout à gagner du temps", décrypte Momar Thiam, directeur de l'École des hautes études en communication de Dakar
C'est la douche froide au Sénégal. À la surprise générale, le président Macky Sall a pris la décision inédite d'abroger le décret convoquant le corps électoral et de reporter l'élection présidentielle prévue le 25 février.
Officiellement, Macky Sall évoque un conflit entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel. Mais pour beaucoup d'observateurs, ces motifs ne sont pas légitimes.
"Le président cherche avant tout à gagner du temps", décrypte Momar Thiam, directeur de l'École des hautes études en communication de Dakar, dans l'émission Objection de Sud FM.
Les conséquences ne se font pas attendre. Dès l'annonce du report, le secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, a présenté sa démission. L'opposition et la société civile sont vent debout, dénonçant un « coup d'État » institutionnel.
Affaibli, discrédité, Macky Sall joue désormais sa survie politique. Il doit impérativement fixer une nouvelle date d'élection avant la fin de son mandat en avril, sous peine de plonger le Sénégal dans une crise majeure, estime l'invité de Baye Omar Gueye.