SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
22 avril 2025
International
LES PASSAGERS FRANÇAIS DESORMAIS PERSONA NON GRATA A L’AEROPORT DE NIAMEY?
Au Niger, plusieurs ressortissants français ont été refoulés à leur arrivée à l’aéroport de Niamey, ces derniers jours, même s’ils étaient en possession de documents en règle. Les Français sont-ils désormais persona non grata au Niger ?
Au Niger, plusieurs ressortissants français ont été refoulés à leur arrivée à l’aéroport de Niamey, ces derniers jours, même s’ils étaient en possession de documents en règle. Les Français sont-ils désormais persona non grata au Niger ? C’est ce que semblait indiquer un document d’Air Burkina qui circulait le 1er février 2024. Mais la direction de la compagnie aérienne a démenti dans la soirée. Détails.
La compagnie aérienne Air Burkina dément être à l’origine de ce document, mais ne dit pas s’il est possible ou non d’embarquer des Français à destination de Niamey. Une réaction au document qui circulait le 1er février 2024, présenté comme une note interne de la compagnie.
On pouvait y lire que « selon les autorités nigériennes, tout passager de nationalité française n’est plus autorisé à rentrer sur le territoire nigérien » et ne sera donc plus accepté sur les vols vers cette destination. Des sources internes à Air Burkina l’avaient authentifiée auprès de RFI.
Selon une source proche du pouvoir nigérien, il n’existe pas de consigne officielle
À Royal Air Maroc, on indique qu’il faut une autorisation spéciale des autorités du Niger depuis près d’une semaine pour les passagers français.
Selon une source proche du pouvoir nigérien, il n’existe pas de consigne officielle. Mais cette source constate que la police refoule en effet des Français depuis quelques jours à l’aéroport de Niamey.
RFI a confirmé au moins cinq cas, dont l’un en possession d’un passeport diplomatique des Nations unies. S’agit-il d’une mesure de réciprocité, comme l’affirme cette même source ? Paris a notamment annulé les visas de plusieurs personnalités nigériennes qui émettaient des positions critiques envers la France.
PAR Khandiou
FIN DE L'ILLUSION D'UNE CEDEAO DES PEUPLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Depuis quelques années, on assiste à la montée du nationalisme dans nombre d’États membres. Au niveau de l’élite politique, on note une absence de leadership au sein de cette organisation créée depuis 1975
La décision est qualifiée par une grande partie de l’opinion de malheureuse, de n’être ni dans l’intérêt de ceux qui restent dans la CEDEAO, ni dans l’intérêt de ceux qui sont sortis, le Niger, le Burkina Faso et le Mali regroupés dans un cadre dénommé l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Les conséquences lourdes dont les civils seraient les premières victimes sont souvent évoquées. Comme elles l’ont été déjà depuis l’embargo imposé à l’AES au lendemain des putschs militaires.
Quid des coups d’Etat constitutionnel et institutionnel qui ont fait le lit de tout ce désordre en Afrique de l’Ouest déjà fortement éprouvé par le péril terroriste, les changements climatiques, les épidémies, etc. ? Nous en reparlerons plus bas.
La CEDEAO des peuples clamée sur tous les toits est une réalité de façade. D’abord l’épidémies d’Ebola en 2015 concentrée notamment en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, puis la pandémie à Covid-19, ont montré à quel point le multilatéralisme et la solidarité ne sont qu’un vœu pieux. Au contact de la réalité, les faits sont tout autres.
Ne nous voilons point la face.
Depuis quelques années, on assiste à la montée de ce qui s'apparente à du nationalisme dans nombre d’États membres de la CEDEAO. La démographie galopante, combinée à la pauvreté à cause du chômage des jeunes notamment, irritent de plus en plus les populations. Les exemples de scènes de xénophobie en Afrique du Sud contre les Nigérians, et plus près de nous, les mêmes actes entre Burkinabè et Ivoiriens, en sont quelques illustrations. La circulation des personnes et des biens, obligatoire en vertu du protocole de la CEDEAO sur la question, ne connait pas une application rigoureuse. La célèbre phrase qui veut qu'"en Afrique on est partout chez soi" s’effrite chaque jour un peu plus. Le nationalisme est de plus en plus chuchoté, avec pudeur, même dans le cercle des intellectuels africains qui ne croient presque plus aux idéaux d’une Afrique unie. La vocation première de la CEDEAO, soulignons-le, était de mettre en œuvre des politiques cohérentes pour une intégration économique de ses Etats membres.
Au niveau de l’élite politique, on note une absence de leadership au sein de cette organisation créée depuis 1975. S'y ajoute une division issue, entre autres, et plus récemment, des sanctions de la CEDEAO contre les régimes militaires dans la région. Des sanctions qui visent d’abord les populations civiles, faut-il le rappeler.
Mais comment ses militaires sont parvenus à s’imposer dans leur pays respectif et semblent recueillir l’adhésion et le soutien des populations ? Les scènes de liesse populaire qui accompagnent les chutes de régimes civiles, au Burkina Faso, au Niger et au Mali renseignent suffisamment sur la rupture profonde et le manque de confiance de ces populations vis-à-vis de leur gouvernant, de l’élite politique plus généralement.
Le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, pourtant document de référence, est peu ou pas considéré par les dirigeants qui, au lieu de mettre en place des mécanismes juridiques, réglementaires et législatifs pour son application effective, trouvent toujours les moyens de rester au pouvoir au-delà de leurs mandats légaux. Des actes anticonstitutionnels qui ne sont presque jamais condamnés par la CEDEAO désormais considérée comme une organisation moribonde, au service de puissances étrangères, la France plus précisément.
Constat : les mécanismes régionaux au sein de la CEDEAO ont montré leurs limites dans de nombreuses situations. Souvenons-nous-en, alors que le Mali et tout le Sahel étaient menacés en 2012 par des groupes armés terroristes, l’organisation n’a pas pu apporter avec célérité une réponse forte et coordonnée à la hauteur de la menace, montrant ainsi des défaillances profondes dans les systèmes de défense collective. Ce qui a été à l’origine de l’intervention de la France rejointe par d’autres puissances et finalement de ce bousculement de forces étrangères dans le Sahel.
Que nos dirigeants se le tiennent pour dit. L’Afrique, sa population, ses armées, ne nourrissent plus de complexes vis-à-vis de l’Occident. Les temps ont changé. Plus rien ne se décidera sur le dos des Africains de plus en plus conscients que tout ce qui se fait sans eux est contre eux, conscients également que leurs nombreuses ressources minérales et leur forte et jeune démographie pèsent sur la balance.
C’est aussi une question de dignité.
Mon avis est qu’il nous faut de grands chocs pour après rebâtir de bonnes choses avec et pour nos populations. La souveraineté ne se proclame pas. On doit aussi mettre en place des réformes endogènes, structurantes et résilientes pour faire face aux chocs exogènes. Nous devons prendre notre destin en main. Ce ne sera pas facile. Nous n'en verrons certainement pas les résultats immédiats. Mais l’avenir et la dignité des générations futures en dépendent.
LE PARI RISQUÉ DE BBY ET DU PDS
En s'appuyant sur l'article 52 de la Constitution, ils espèrent créer les conditions d'un report de la présidentielle afin que le président use de ses pouvoirs exceptionnels pour décider seul du sort du processus électoral
Le Parti démocratique sénégalais (Pds) qui avait demandé et obtenu sa commission d’enquête parlementaire pour enquêter sur les conditions d’invalidation de son candidat Karim Wade grâce au soutien de Benno exige aujourd’hui le report de la présidentielle, l’activation de l’article 52 de la Constitution étant en ligne de mire. Depuis l’indépendance, le Sénégal qui est à sa 13ème élection présidentielle a toujours organisé à date échue ce scrutin.
«Notre prochaine lutte, c’est le report de la présidentielle». C’est le message sans ambigu partagé sur les réseaux sociaux par Karim Wade, candidat recalé de la « coalition Karim 2024 » pour la présidentielle du 25 février prochain, après l’adoption par 120 députés du projet de constitution de la Commission d’enquête parlementaire chargée d’éclairer les accusations portées sur des membres du Conseil constitutionnel. Lors des discussions générales qui ont précédé ce vote historique, plusieurs parlementaires membres du groupe parlementaire « Liberté démocratie et changement » du Parti démocratique sénégalais (Pds) mais aussi du groupe de la majorité, Benno Bokk Yakaar, avaient également entonné le même refrain « de report de la présidentielle » dans l’hémicycle.
À vingt-trois jours de la date de la tenue du scrutin, l’ambition des partisans de l’ancien chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade, et ceux de son successeur Macky Sall semblerait donc de passer par cette Commission parlementaire pour créer les conditions d’un report de cette 13e élection présidentielle de l’histoire politique de la République. Et ce, en provoquant une crise institutionnelle, entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire pour permettre au Président de la République de disposer de ses pouvoirs exceptionnels par l’activation de l’article 52 de la Constitution et pouvoir décider tout seul du sort du processus électoral en cours.
En effet, cet article 52 de la Constitution dispose : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels. Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation. Il ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle».
Cette ambition de reporter l’élection présidentielle pour ces deux blocs politiques (Benno conduit et le Pds) est sans précédent. En effet, depuis son indépendance, le Sénégal a toujours organisé à date échue son élection présidentielle. L’autre défi qui se dresse devant cette ambition du régime en place et son nouvel allié réside dans l’avis ou la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le projet de réforme constitutionnelle de 2016 concernant le point relatif à la réduction de la durée du mandat du président de la République de 7 à 5 ans. En effet, à l’époque, les « Cinq sages » avaient justifié leur refus de cautionner cet engagement du chef de l’État, Macky Sall, au motif que la durée de ce mandat, «préalablement fixée dans le temps, et par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle». Aujourd’hui, avec l’inscription de cette durée du mandat du président de la République dans le chapitre des clauses d’éternité, personne ne peut toucher au nombre et à la durée du mandat du président de la République. Et reporter la date de l’élection présidentielle violerait cette clause d’intangibilité qui fixe la durée du mandat à cinq ans renouvelable une seule fois.
BURKINA FASO, LE CAPITAINE TRAORÉ N’EXCLUT PAS LE DÉPLOIEMENT DE TROUPES RUSSES SUR LE TERRAIN
Le chef de l’Etat burkinabé a admis que des troupes russes pourraient être déployées sur le terrain pour combattre les djihadistes dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, si nécessaire.
“Cent spécialistes militaires russes sont arrivés dans la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou”. Cette annonce avait été publiée, mercredi 24 janvier, par des canaux Telegram proches des renseignements russes. Le capitaine Ibrahim Traoré, Président du Burkina Faso, a démenti mardi les informations sur la présence de ces mercenaires russes sur les lignes de front, dans la guerre de son pays contre les groupes armés.
Mais le chef de l’Etat burkinabé a admis que des troupes russes pourraient être déployées sur le terrain pour combattre les djihadistes dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, si nécessaire. Comme le Niger et le Mali, le Burkina Faso est tourné vers Moscou pour une coopération militaire et économique à la suite de la détérioration des liens avec son allié traditionnel, la France.
FIN DE VOYAGE POUR LES FRANÇAIS VERS NIAMEY
Des compagnies aériennes comme Air Burkina ou Royal Air Maroc ont décidé d'interdire l'embarquement de passagers de nationalité française à destination du Niger
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 01/02/2024
Selon des informations obtenues mercredi par l'Agence France-Presse (AFP) auprès de sources aéroportuaires, des compagnies aériennes comme Air Burkina ou Royal Air Maroc ont décidé d'interdire l'embarquement de passagers de nationalité française à destination de Niamey, la capitale du Niger.
"Selon les autorités nigériennes, tout passager de nationalité française n’est plus autorisé à rentrer sur le territoire nigérien, par conséquent ces derniers ne seront plus acceptés sur nos vols sur cette destination", indique une note interne d’Air Burkina consultée par l'AFP. De son côté, Royal Air Maroc a confirmé à l'AFP que "les passagers français à destination de Niamey ne peuvent plus embarquer à bord [de ses avions] sans autorisation spéciale des autorités nigériennes".
Ces dernières semaines, plusieurs Français se sont également vu refuser l'embarquement à leur arrivée à l'aéroport de Niamey, selon des sources aéroportuaires citées par le journal Le Parisien.
Ces décisions interviennent dans un contexte de dégradation des relations entre la France et le Niger, dirigé depuis juillet par une junte militaire. Celle-ci avait rapidement exigé le départ des soldats français déployés contre les djihadistes et dénoncé des accords de défense avec Paris. L'ambassadeur de France avait quitté le pays fin septembre et l'ambassade a officiellement fermé ses portes début janvier, continuant ses activités depuis Paris, selon les ministères français et nigériens des Affaires étrangères.
Le BigDeal
VIDEO
SÉNÉGAL AUJOURD'HUI ET DEMAIN
Initiative d'un débat public structuré à cheval entre 2023 finissant avec son lot d'incertitudes et ses promesses d'un Sénégal du pétrole et du gaz pour… 2024 et ses bonnes résolutions
C'est assurément le « Débat de l'Année », si bien nommé « Le BigDeal ». Initiative d'un débat public structuré à cheval entre 2023 finissant avec son lot d'incertitudes et ses promesses d'un Sénégal du pétrole et du gaz pour… 2024 et ses bonnes résolutions.
Avec *Dr. Mame Aby Seye - Déléguée Générale DER/FJ
*Dr. Mabouba Diagne - Banquier International d'Investissement, Vice-président BIDC, Entrepreneur et Fondateur des Fermes « Gade gui »,
*Omar Dioum - Administrateur Directeur Général de FBNBank - Sénégal,
*Mouhamed Bachir Niang - Entrepreneur et Président du CNE (Conseil National de l'Entrepreneuriat)
Présentation : Abdoulaye Cissé.
LES INSUFFISANCES D'UN SYSTÈME JUDICIAIRE SOUS TENSION
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE - Le contentieux pré-électoral a dévoilé à la fois des points positifs et négatifs dans son traitement, soulevant des enjeux structurels pour la démocratie
(EXCLUSIF SENEPLUS) - Le présent rapport est le troisième du genre, et le dernier avant l’élection présidentielle du 25 février 2024. Il porte sur l’événement majeur intervenu depuis un mois, qui est la collecte des parrainages et les suites judiciaires de celle-ci. Au-delà de l’aspect topique et contentieux de cette phase du processus, il sera question, dans une perspective plus « structurelle », d’identifier des goulots d’étranglement de la démocratie électorale sénégalaise mais également de repérer, s’il y’a lieu, des motifs de satisfaction dans l’évolution récente de la situation politique sénégalaise.
Sur la base de ce tableau général, des recommandations seront faites.
II – Analyse du traitement judiciaire du contentieux préélectoral
Le contentieux déféré au Conseil constitutionnel (juge essentiel du processus préélectoral) mais aussi à la Cour suprême (qui a été saisie dans le cadre de la contestation du décret présidentiel renouvelant la composition de la CENA) a mis en évidence, dans son traitement, des points positifs (entendus comme éléments de renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit) et des points sans doute négatifs (dans la mesure où ils cristallisent ou suscitent des désaccords profonds).
Points positifs
Dans les deux décisions majeures qu’il a eu à rendre dans le cadre de la préparation de l’élection – décisions du 12 et du 20 janvier 2024 -, le Conseil constitutionnel a réglé deux questions d’une manière propre à contribuer à un apaisement de la situation préélectorale.
La première est la garantie des droits du candidat lorsque des carences observées dans son dossier sont imputables à l’Administration. La juridiction était attendue sur ce point, qui concernait directement le principal opposant, Ousmane Sonko. Ayant essuyé plus d’une fois le refus de la Direction générale des Elections (DGE) et de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de faire diligence dans la perspective de la constitution de son dossier de candidature, ce candidat avait été, de fait, mis dans l’obligation de présenter un dossier incomplet. Le juge a toutefois refusé de le sanctionner pour la raison, écrit-il, que « ce fait ne saurait lui être reproché, puisqu’il est indépendant de sa volonté » (§ 16 de la décision du 20 janvier 2024). Ce faisant, le Conseil se situe dans la continuité d’une décision qu’il avait rendue le 15 avril 1998.
La seconde décision qui peut contribuer à détendre l’atmosphère est l’admission, à défaut d’Ousmane Sonko, de candidats qui lui sont proches, et qui sont notamment trois : Habib Sy, Cheikh Tidiane Dièye et Bassirou Diomaye Faye. Il convient sans doute de se féliciter d’une telle présence dans l’élection car après la dissolution du principal d’opposition (« Pastef ») et l’arrestation de nombre de ses dirigeants, le spectre d’une élimination totale de ce courant dans l’élection a plané. Il est heureux, pour le caractère compétitif du scrutin, que cette négation du pluralisme n’ait pas eu lieu.
A côté de ces sujets de satisfaction, il existe des raisons de s’inquiéter du traitement judiciaire du contentieux préélectoral.
Points préoccupants
Il est possible de relever quatre sujets d’inquiétude à cet égard.
Le premier concerne la décision de la Cour suprême rendue le 3 janvier 2024 contre M Ndiaga Sylla, expert électoral et simple citoyen.
Ce dernier avait, avec d’autres dans un premier temps, saisi la Cour pour l’annulation du décret présidentiel pris à la fin de l’année 2023, qui a procédé au remplacement de la totalité de l’équipe de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). On rappelle que ce décret avait été pris suite à l’injonction, faite par l’équipe sortante, de remettre au mandataire de M Sonko des fiches de parrainage, après que la justice eût demandé sa réinscription sur les listes électorales. Or, M Sylla - qui critiquait le fait que de nouveaux membres de la CENA avait affiché des convictions politiques dans le passé et qu’au moins un des membres ne pouvait être « limogé » du fait que son mandat était en cours de validité - a vu sa demande rejetée au motif, dit la Cour, qu’il n’avait pas d’intérêt à agir.
Une telle motivation est bien entendu très discutable car cela revient à dire qu’un électeur n’a pas intérêt à ce que le processus même de l’élection soit, de son point de vue, transparent, ce qui passe par l’impartialité des organes chargés de le surveiller. Ce faisant, la cour suprême a eu une conception particulièrement restrictive et logiquement contestable de l’intérêt à agir. Il est certain qu’une telle vision des choses ne contribue pas à favoriser une implication purement civique dans le processus électoral.
Un deuxième motif d’inquiétude concerne le comportement de l’Administration et la sanction – ou pas – attachée à ce comportement.
Il s’agit précisément du refus persistant de la DGE et de la CDC de permettre à un candidat de constituer son dossier, alors même qu’une décision de justice lui avait reconnu un tel droit. On a vu que le Conseil constitutionnel a refusé d’en faire subir les conséquences au candidat, mais le vrai problème est celui des suites réservées à un tel comportement de la part des autorités administratives. En d’autres termes, le tout n’est pas de dire qu’un candidat empêché peut tout de même voir son dossier admis, il est aussi de savoir si le comportement affiché par l’Administration en cause ne doit pas être fustigé ou sanctionné. Le Conseil constitutionnel n’a pas traité de ce point précis, alors qu’il aurait sans doute dû le faire. Ce silence peut signifier qu’à l’avenir, l’Administration pourra violer les règles du processus électoral sans coup férir, le Conseil n’ayant pas eu à critiquer – a fortiori à parler de sanctions - les libertés que des fonctionnaires se sont données.
La décision du 20 janvier 2024, celle qui statue définitivement sur les candidatures, révèle un « taux d’élimination » plutôt élevé et les motifs mêmes de ces éliminations peuvent parfois susciter une forme de frustration.
Il faut d’abord rappeler le verdict final, qui est le suivant :
10 demandes déclarées irrecevables
29 demandes rejetées (c’est-à-dire estimées mal – fondées)
20 candidats finalement admis.
Il faut cependant, préalablement, clarifier un point, relatif au principe même d’une sélection par le parrainage. Au départ, près de 90 candidatures ont été enregistrées. Il est évident qu’un tel nombre est élevé et que dans de telles conditions, un « écrémage » peut s’imposer. Nul ne conteste donc qu’une sélection des candidatures soit une nécessité et à vrai dire, il n’y a pas vraiment une forte position hostile au parrainage lui-même.
Le problème, à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, est plutôt de savoir pourquoi et comment les candidatures sont rejetées. Sur ce point, et en poursuivant toujours l’analyse de la décision, deux ordres de motifs de rejet peuvent être relevés :
les rejets fondés sur des questions purement techniques, liées au maniement de l’outil informatique (au moins 8 cas) ;
les rejets fondés sur ce qu’on pourrait appeler le théorème de « la différence entre l’inscription sur le fichier et l’identification sur le fichier ». L’idée est la suivante : on peut être inscrit sur le fichier mais si au moment de la collecte des parrainages, des erreurs se glissent dans la transcription des données de l’électeur, le système « refuse d’identifier » le parrain, et celui-ci n’est pas comptabilisé (au moins 5 cas).
Beaucoup de candidats ont manifestement été « surpris » par cette règle. Ajoutons que d’autres ont été victimes des aléas de l’outil informatique et de la délicatesse de son maniement.
On ne discutera pas longuement de la « légitimité » de tels motifs de rejet mais l’élection de cette année a au moins mis en évidence, dans une proportion plus spectaculaire que celle de 2019, la nécessité d’élucider les règles techniques du parrainage. Rien ne s’oppose, par exemple, à ce que le juge des parrainages ou l’Administration en charge des élections organise des rencontres avec les acteurs politiques – séminaires d’initiation – afin de réduire le risque de rejets massifs fondés sur des motifs qui peuvent laisser pantois le non-averti.
Il en a en définitive résulté un lourd contentieux préélectoral, qu’il n’est plus question de traiter judiciairement compte tenu de l’épuisement des voies de recours, mais qui contribuera à vicier le climat de l’élection.
A la suite de la décision du 20 janvier 2024, le PDS, dont le candidat, Karim Wade, a de nouveau été « recalé », a non seulement demandé la « dissolution » du Conseil constitutionnel et nommément mis en cause deux de ses membres, mais un « Front » des « recalés » regroupant 41 personnes a protesté auprès de chancelleries établies à Dakar – parfois partenaires dans le cadre du financement des élections – et décidé de porter l’action au plan international. S’ils ne doutent, d’ores et déjà, de la fiabilité des résultats de l’élection du 25 février, certains membres de ce Collectif ont déjà suscité une forme de bipolarisation de la compétition en appelant dès à présent à battre le candidat du pouvoir. Nombre d’hommes politiques, même ayant réussi à franchir le cap du parrainage, n’hésitent pas à critiquer sinon ce mode de sélection, du moins les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel le fait opérer.
En définitive, les récentes évolutions de la situation politique et préélectorale sénégalaise laissent apparaître un problème qui, s’il n’était pas rapidement éradiqué par une clarification des règles du jeu, pourrait devenir cyclique ou structurel : le problème de l’ « inclusivité » de l’élection présidentielle, avec le jeu de deux techniques de sélection et donc d’exclusion : le parrainage et les conséquences de condamnations pénales sur l’éligibilité des personnes (dispositions du Code électoral, articles L.28 à L.31, L. 125… ). La question s’est posée en 2019, elle se pose de nouveau en 2024.
Recommandations
Eu égard à ce tableau et à la veille de l’élection présidentielle, les recommandations suivantes sont faites :
Promouvoir une éthique de la campagne électorale à travers une « Charte » que les candidats doivent s’engager à respecter. Pour l’essentiel, ce Document portera sur la prohibition de la violence physique et verbale, appel à l’esprit d’ouverture et de responsabilité des leaders, prohibition de déclarations de nature à exacerber des tensions ou à préjuger des résultats de l’élection
Mener des campagnes de sensibilisation à l’endroit des citoyens : importance du vote et promotion de la paix et du respect mutuel ;
Dépasser la conjoncture actuelle et travailler ultérieurement, selon des modalités à déterminer, sur les limites structurelles de la démocratie sénégalaise et du processus électoral dans son ensemble, telles qu’elles ont été retracées dans les différents rapports d’analyse périodiques.
Ci-dessous, le rapport de décembre précédemment publié en trois volets et celui de janvier plus bas :
Alors que la présidentielle du 25 février approche à grands pas, l'une des principales inconnues reste la capacité d'un des candidats, Bassirou Diomaye Faye, à mener sa campagne depuis sa cellule de détention
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 01/02/2024
Alors que la campagne officielle pour l'élection présidentielle du 25 février s'ouvrira dimanche, un obstacle majeur risque de priver l'un des principaux concurrents de sa capacité à défendre son programme de manière égale. Bassirou Diomaye Faye, candidat autoproclamé "antisystème", est encore détenu à quelques jours du coup d'envoi des opérations de campagne. Comme le rapporte l'Agence France-Presse (AFP), la justice a de nouveau refusé cette semaine de le remettre en liberté, malgré une demande déposée le 22 janvier dernier.
Secrétaire général du parti d'opposition Pastef, dissous depuis, M. Faye est écroué depuis 2021. Arrêté dans le cadre de la confrontation entre sa formation et le pouvoir en place, il a été inculpé pour outrage à magistrat, diffamation et actes pouvant compromettre la paix publique. Désigné candidat de substitution après l'invalidation de celle d'Ousmane Sonko, chef de file emprisonné de Pastef, M. Faye fait figure de sérieux challenger pour le scrutin, en dépit de sa détention.
Or, faute d'une remise en liberté, le candidat risque fort d'être contraint de mener une "campagne virtuelle", selon les termes employés par l'AFP. Privé de déplacements sur le terrain, il pourrait se voir imposer d'importantes restrictions pour défendre sa candidature. Pourtant, les règles de la régulation audiovisuelle prévoient pour tous les candidats un premier message télévisé obligatoire vendredi ou samedi. M. Faye sera-t-il en mesure d'y participer depuis sa cellule ? Rien n'est moins sûr.
Cette situation soulève de légitimes interrogations quant à l'équité et la transparence du processus électoral. Déjà fragilisé par les disqualifications massives opérées par le Conseil constitutionnel et la pression sur les opposants, le scrutin risque d'apparaître entaché si l'un de ses principaux protagonistes ne peut s'exprimer librement. Les propos du camp Faye dénonçant la "volonté de spolier les droits de tout opposant" prennent dans ce cadre un relief particulier. Ils alimentent les tensions préexistantes autour d'élections présidentielles particulièrement ouvertes et indécises.
Reste à savoir si la justice ou le pouvoir en place assoupliront leur position d'ici dimanche, afin de garantir un traitement égalitaire des candidatures. Sans quoi le maintien en détention de M. Faye constituera une sérieuse entrave à la transparence du débat démocratique. Une ombre qui pourrait durablement setter sur la légitimité du prochain président de la République.
PRÉSIDENTIELLE CRISPÉE, SOUS HAUTE SURVEILLANCE INTERNATIONALE
Dans ce climat tendu, où même la légitimité du Conseil constitutionnel est remise en cause, certains "craignent des surprises" comme des tensions post-électorales. le choix démocratique des Sénégalais sera particulièrement scruté depuis l'étranger
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 01/02/2024
Le Sénégal s'apprête à vivre une élection présidentielle exceptionnelle le 25 février prochain, avec 20 candidats en lice dont un opposant emprisonné, dans un contexte tendu sous haute surveillance de la communauté internationale, révèle une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP).
Aucun candidat ne se détache nettement dans les intentions de vote, d'autant que des opposants sérieux comme Ousmane Sonko et Karim Wade ont été éliminés par des décisions judiciaires contestées. Bien que les craintes de violences pré-électorales ne se soient pour l'instant pas concrétisées, la tension reste palpable au Sénégal à quelques semaines du scrutin. Certains observateurs redoutent même un possible report du vote, une option ouvertement évoquée par la population.
C'est ce que révèle Sidy Diop, directeur adjoint du quotidien sénégalais Le Soleil, pour qui il s'agit de "l'élection la plus ouverte" de l'histoire du pays depuis 1960. En effet, aucun des principaux candidats, dont le Premier ministre Amadou Ba porte-drapeau du président sortant Macky Sall, n'est assuré d'être qualifié pour le second tour, soulignent les analystes.
Derrière cette incertitude électorale, le choix démocratique des Sénégalais sera particulièrement scruté par la communauté internationale. Dans un contexte régional troublé par les coups d'État, le Sénégal se distingue par sa stabilité et l'alternance pacifique du pouvoir. Pourtant, le pays a connu en 2021 des épisodes meurtriers causés par la répression d'Ousmane Sonko, avec des dizaines de morts selon Human Rights Watch.
Sidy Diop cite justement Ousmane Sonko, écroué depuis l'an dernier et dont la candidature a finalement été invalidée, parmi les favoris. Non sans nuancer : "l'un des problèmes du parti de Sonko [le Pastef], c'est qu'il fait peur". Car de nouveaux troubles sont redoutés autour de cette figure clivante qui dénonce avec véhémence les élites et l'influence française.
Dans ce climat tendu, où même la légitimité du Conseil constitutionnel est aujourd'hui remise en cause, Gilles Yabi du think-tank Wathi "craint des surprises" comme des tensions post-électorales. La communauté internationale observera donc avec la plus grande attention le déroulé d'une présidentielle sénégalaise complexe, qui engage la stabilité démocratique de toute une région.
par Karim Wade
CETTE ÉLECTION S'APPARENTE À UN SIMULACRE
Il est intolérable que le Conseil constitutionnel soit utilisé pour exclure un candidat ayant renoncé à sa double nationalité, tout en autorisant d'autres binationaux à concourir. J'attends avec impatience les conclusions de la commission d'enquête
Nous avons remporté une première victoire décisive contre le coup d'État électoral. L'Assemblée Nationale a approuvé la création d'une commission d'enquête pour examiner les circonstances de mon élimination injuste, ainsi que celle d'autres candidats, de l’élection présidentielle du 25 février 2024. C'est une avancée majeure pour prévenir le chaos et sauvegarder la démocratie au Sénégal.
Notre prochaine lutte est le report de cette élection présidentielle, qui s'apparente à un simulacre . Nous exigeons l'instauration d'une Cour constitutionnelle véritablement indépendante avec des juges impartiaux, honnêtes, et dévoués aux intérêts de notre nation, à l'image des grandes démocraties de ce monde. Chaque citoyen sénégalais devrait pouvoir se tourner vers cette cour pour défendre ses droits.
Ces propositions font partie de mon programme ambitieux pour le Sénégal, un programme que les actuels "sages" du Conseil constitutionnel tentent de m'empêcher de mettre en œuvre. Il est intolérable que le Conseil Constitutionnel soit utilisé pour exclure un candidat ayant renoncé à sa double nationalité, tout en autorisant d'autres candidats binationaux à concourir. Quel scandale ! Quelle injustice !
J'attends avec impatience les conclusions de la commission d'enquête. Ce sera un moment décisif pour notre démocratie. Ce sera ainsi le début d'une ère de justice et d'équité dans notre système électoral
Vive les députés de notre Assemblé Nationale !
Vive le Sénégal !
Vive l’Afrique !