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23 novembre 2024
International
par Fatoumata Sissi Ngom
L’EXPLORATION SPATIALE MONDIALE ET SÉNÉGALAISE DOIT ÊTRE CONSCIENTE, POLITIQUE ET DURABLE
Est-il acceptable de polluer l’espace pour notre propre bénéfice ? Le moment de la mort de GAINDESAT, il sera crucial de considérer les impacts que sa pulvérisation ou non aura dans l’écosystème spatial et la terre
J’ai visité, au mois de juillet dernier, la NASA (National Aeronautics and Space Administration) Spatial Center à Houston, États-Unis. Un moment inoubliable en famille et une expansion de conscience, sur la finitude de notre existence et la notion du Temps. Je suis sortie de cette visite habitée par une humilité nouvelle, fascinée par l’Immensité, l’insignifiance et la brièveté de la vie à notre échelle. Surtout, j’ai été subjuguée par la perfection de la création divine.
Nébuleuses, naissances et morts d’étoiles, mondes parallèles et multivers, espaces-temps, satellites, missions spatiales, relations américano-russes durant la Guerre Froide. J’y découvre les détails de programmes bien connus, mais aussi des télescopes, des navettes et sondes spatiales, connus et moins connus. Apollo, Curiosity, Hubble, Artemis, Galileo, entre autres. Mon nom de mission préféré, est devenu, bien évidemment, Psyché, lancée tout récemment, en 2023. Le génie de l’homme est vraisemblablement sans limites. Les ingénieurs, astronomes et astronautes de cette Agence responsable du programme spatial et aéronautique américain en sont, depuis près de 70 années, la preuve vivante.
Explorer notre galaxie pour en apprendre plus sur nous-mêmes et l’essence de nos corps et de nos âmes
L’exploration spatiale permet d’abord de percer les secrets de notre univers, au-delà de la science pure qui nous a enseigné la physique quantique, et instruit sur le big bang, la création des galaxies, l’énergie, etc. Mais qu’en est-il de ce qu’il y a au-delà de tout ceci ? Après ma visite à la NASA, je me suis documentée sur la formation de la matière, et me voilà, depuis, déterminée à en apprendre plus sur l’origine de la Vie et le procédé de matérialisation des âmes humaines, animales, végétales et minérales sur notre terre. J’ai appris que nous étions faits de la même matière que les étoiles (poussières d’étoiles), et cette découverte a été pour moi une évidence, comme si je l’avais toujours su. Tout fait sens. Dès lors, comment arrive-t-on à produire autant de savoirs et de connaissances sur l’espace, sans pouvoir parler de ces questions relatives à la Source de la Création ? Les savoirs ont toujours été cloisonnés et codifiés, il serait peut-être temps de les décloisonner et d’aller au-delà de la matière physique et des belles formules mathématiques.
Décoller du monde pour partir en quête de sens
Un autre questionnement fondamental m’a habitée. C’est celui qui habite les philosophes : Pourquoi ? Pourquoi l’homme se met-il, avec une si grande détermination et curiosité, en quête d’ailleurs ?
La réponse m’est venue naturellement. C’est dans la nature humaine, tout simplement. L’exploration de l’inconnu et, son corollaire qui est la colonisation sous toutes ses formes, est dans notre ADN. Il suffit juste de le faire dans le respect et la bonne conscience. Cette caractéristique peut être activée ou dormante, selon nos environnements culturels. On voit bien que les peuples qui n’ont pas choisi l’exploration d’autres continents, ou qui n’en ont pas eu la technologie, ont été tout simplement colonisés. Les pays africains en sont la preuve vivante. C’est le cas aussi pour les peuples d’Amérique latine, d’Océanie, etc. L’exploration de notre espace sert donc, aussi, l’homme en expansion. Il ne faut jamais s’arrêter d’explorer, d’apprendre, de chercher, d’aller voir ce qui se passe dans des contrées lointaines. Ainsi, nous ne devons pas rester cantonnés ou attachés à une terre, à un pays, à un continent.
L’homme, éternel chercheur de nouveau et de sens, et explorateur, veut aujourd’hui coloniser d’autres planètes, y trouver d’autres formes de vie. Il ne lui reste que cela, à l’homme contemporain, puisqu’il n’y a plus aucun peuple à coloniser sur terre en raison de l’évolution des lois humaines. Qui sait, peut-être qu’un jour on sera capable d’atteindre des exoplanètes (qui se trouvent en dehors de notre système solaire), de les coloniser. Dans le cas où on y trouverait des formes humanoïdes ou des extraterrestres, de modifier leur structure mentale (ou l’inverse, en fonction des forces en présence) comme ce fut le cas lors des différentes périodes coloniales.
Il y a une réelle économie de l’espace en place depuis que l’homme a commencé à sonder les mystères de l’univers et de l’utiliser à son profit. Cela a des implications en matière d’économie politique, et aussi en matière de gestion durable de la vie et de la mort des satellites.
Les implications en matière de politiques publiques et de coopération internationale
Les détracteurs de l’exploration spatiale soutiennent que l’argent dépensé pour ces activités hors-sol pourrait servir aux problèmes terrestres comme l’emploi, la santé, la lutte contre la pauvreté. Je ne suis pas du même avis.
Comme le souligne le Forum Spatial de l’OCDE (OECD Spatial Forum), le système spatial est essentiel pour relever les défis contemporains de notre monde. Par exemple, les observations spatiales fournissent plus de la moitié des variables climatiques nécessaires pour surveiller le changement climatique, relever les températures de surface de la mer, la couleur des océans (OCDE, 2024). Les observations spatiales permettent également de surveiller l’état de la couverture terrestre et des calottes glaciaires, et l’application de la loi, par exemple aux frontières entre les pays. Dans les pays en développement, la technologie spatiale permet de surveiller l’environnement, les forêts et la production alimentaire, et contribue aux interventions d’urgence et à la prévention des catastrophes naturelles. Elle joue également un rôle central dans la fourniture de services de communication à travers la télévision et la radio par satellite, et les transactions financières (OECD, 2024).
L’observation de l’espace permet également de protéger notre planète en détectant, par exemple, les trajectoires de comètes qui pourraient entrer en collision dans l’atmosphère terrestre.
Les pays qui ont des programmes spatiaux s’organisent pour échanger des connaissances et des bonnes pratiques en matière de sciences, de technologies, de politiques publiques pour l’économie de l’espace, et de développement durable. Cette coordination est centrale et permet un apprentissage mutuel et une coopération internationale efficace pour une économie spatiale au service de l’homme et de la terre. Le multilatéralisme et la coopération permettent aux pays d’avancer ensemble plus rapidement en matière de recherche et de politiques spatiales, que s’ils s’y étaient attelés seuls.
Un saut quantique effectué par le Sénégal
Aujourd’hui, je suis ravie de voir le Sénégal, mon pays d’origine, prendre sa place à la table des explorateurs de l’espace et des producteurs de savoirs spatiaux.
En effet, le 16 août 2024, le Sénégal a lancé son premier satellite GAINDESAT-1A. GAINDESAT est l’acronyme de Gestion Automatisée d’INformations de Données Environnementales par SATellite. GAINDE signifie aussi « lion » en Wolof, qui est l’animal emblème du Sénégal. Un évènement historique et une belle entrée dans le cercle des pays qui font de la recherche spatiale et explorent l’espace. Le Sénégal a notamment créé, en 2023, l’Agence Sénégalaise d’Etudes Spatiales, présidée par Maram Kaïre qui œuvre à la promotion de l’astronomie et du spatial au Sénégal.
GAINDESAT est un nanosatellite de forme cubique, dimensionné de 10x10x10 cm et pesant 1kg. Il a été conçu par des ingénieurs sénégalais, dans le cadre du projet spatial SENSAT. Le Professeur Gayane Faye, enseignant-chercheur et Directeur du Laboratoire de Télédétection Appliquée à l’Université Cheikh Anta Diop a coordonné ce projet qui s’inscrit dans le cadre d’une collaboration entre le Sénégal et le Centre spatial universitaire de Montpellier (CSUM). Positionné en orbite basse, à environ 500 km au-dessus de la Terre, GAINDESAT est équipé d’une caméra, d’un panneau solaire, d’une batterie rechargeable, et d’un émetteur-récepteur. L’émetteur-récepteur servira à collecter principalement des données environnementales et à les envoyer au centre de contrôle et de réception à la Cité du Savoir à Diamniadio, en vue de leur traitement.
GAINDESAT a deux fonctions : cartographie grâce à la collecte d’informations, et imagerie grâce à observation de la Terra. Chaque jour, GAINDESAT passe deux fois au-dessus du Sénégal et collecte des données fiables et à coûts moindres pour la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau (DGPRE) au ministère de l’Hydraulique. Il collecte aussi des données pour l’agriculture, la gestion des inondations, la météorologie et la surveillance de la migration irrégulière. GAINDESAT contribue ainsi à la recherche et l’innovation, et l’élaboration de politiques publiques basées sur des données concrètes et en temps réel. Il est prévu qu’un deuxième satellite sénégalais soit lancé en 2025.
La vie et la mort des satellites, et la pollution de l’espace
Le lancement de satellites a connu une croissance fulgurante ces dix dernières années. Le nombre est passé de 200 en 2013 à 2600 en 2023 (OECD, 2024). Cependant, ce déploiement exponentiel de satellites va de pair avec des conséquences négatives dans l’espace, la terre et l’atmosphère. Sont notés l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’acidification de l’air, le déversement de déchets toxiques, la pollution de l’eau, la pollution lumineuse. Les embouteillages de satellites, surtout ceux en basse orbite, font aussi partie des effets délétères de cette course à l’Espace. Est-il acceptable de polluer l’espace pour notre propre bénéfice ?
En particulier, la pollution des débris spatiaux est une préoccupation centrale.
Les débris spatiaux résultent de la fragmentation d’objets et d’engins de l’espace, de collisions, d’explosions ou d’interceptions via les tests antisatellite. Ils peuvent aussi être des parties de lanceurs spatiaux ou des satellites abandonnés qui errent dans l’espace (Agence Spatiale Européenne, 2024). Les débris spatiaux ont des tailles différentes qui se mesurent en millimètres, centimètres, ou en mètres.
Les satellites en basse orbite, comme GAINDESAT sont d’habitude envoyés à la désintégration dans l’atmosphère terrestre — ce qui crée également des débris et perturbe l’atmosphère — ou, pire, abandonnés. Les satellites à haute orbite et géostationnaires sont envoyés dans une sorte de cimetière des satellites situé à des altitudes plus hautes. Cela fait froid le dos quand on y pense. L’homme est donc en train de polluer l’espace, comme il le fait, depuis des siècles et des siècles, pour la planète dans lequel il vit. Les usual suspects de la pollution spatiale sont les mêmes principalement : Les États-Unis, l’Europe, la Chine, la Russie, le Japon.
Les conséquences peuvent être désastreuses et altérer la perception du risque, sachant que seuls les débris de plus de 1 cm sont traçables, et qu’ils ne constituent que 4 % des débris totaux (OECD, 2024).
GAINDESAT a une durée de vie de 5 ans. Le moment de sa mort venu, il sera crucial de considérer les impacts que sa pulvérisation ou non aura dans l’écosystème spatial et la terre. J’espère que le Sénégal a mis en place une stratégie de fin de vie pour GAINDESAT et je suis intéressée par savoir ce qu’il a prévu ou non en ce sens. Nous sommes tous responsables.
Dans l’Univers, nous, la Terre, ne sommes qu’un petit point, un grain de sable. À cette échelle, nous sommes donc aussi vulnérables que les petits États insulaires en développement (SIDS) sur terre. Par exemple, la moindre vibration changeante au niveau d’une galaxie pourrait anéantir notre système solaire.
L’homme devra explorer l’espace de façon durable et ne pas oublier que toute action a des conséquences. Il doit éviter la création de nouveaux problèmes dont il n’aura aucune maîtrise. Les lois de l’Univers et de la physique quantique ne sont, eux, pas modifiables, car régies par une force plus grande que nous.
Dans mille ans ou même moins, et nous ne serons plus là, peut-être que les humains feront du tourisme dans le système solaire et au delà.
En attendant, mon rêve c’est de me rendre dans la Station Spatiale Internationale. Lors de la visite à la NASA, j’ai dit à Seyda et à Ahmadou que le jour où j’en aurai la possibilité, je n’hésiterai pas à sauter à bord d’une navette spatiale.
« L’homme doit s’élever au-dessus de la Terre — aux limites de l’atmosphère et au-delà – ainsi seulement pourra-t-il comprendre tout à fait le monde dans lequel il vit ». Attribué à Socrates.
Des « centaines de milliers d’enfants » au Niger, au Nigeria et au Mali ont été contraints de quitter leurs foyers avant la rentrée scolaire en raison des pluies torrentielles et des inondations ayant frappé ces pays ces dernières semaines
Des « centaines de milliers d’enfants » au Niger, au Nigeria et au Mali ont été contraints de quitter leurs foyers avant la rentrée scolaire en raison des pluies torrentielles et des inondations ayant frappé ces pays ces dernières semaines, a alerté vendredi l’ONG Save the Children. Au Soudan, Plus de 700 000 personnes sont actuellement touchées.
Près de 950 000 personnes ont été déplacées en tout dans ces trois pays – 649 184 au Niger, 225 000 au Nigeria et 73 778 au Mali –, a affirmé Save the Children dans un communiqué.
Parmi elles, des « centaines de milliers d’enfants font face à la maladie, à la faim causée par la destruction des récoltes et à l’interruption de leur scolarité, les écoles étant désormais occupées par des familles en fuite, ou endommagées par les inondations », a ajouté l’ONG.
Au Niger, dont l’intégralité du territoire est touchée, 273 personnes sont mortes et plus de 700 000 sont sinistrées depuis le début de la saison des pluies en juin selon le gouvernement.
Au Nigeria voisin, 29 des 36 États du pays, majoritairement situés au nord, ont été concernés par la montée des eaux du fleuve Niger et son affluent la Bénoué, les deux plus grands cours d’eau du pays, causant la mort de plus de 200 personnes dont des enfants, indique Save the Children.
« Plus de 115 265 hectares de terres cultivées ont aussi été endommagés », précise l’ONG qui cite des données du gouvernement nigérian et estime qu’« un enfant sur six a fait face à la faim entre juin et août cette année — une augmentation de 25 % par rapport à la même période l’année dernière ».
Enfin au Mali, où le gouvernement a déclaré l’état de catastrophe nationale après des inondations faisant des dizaines de morts, près de la moitié des déplacés sont des enfants, dont « beaucoup cherchent un abri dans les écoles, risquant un retard de la rentrée prévue en octobre », déplore l’ONG.
« Ces types de temps extrêmes sont en train de devenir plus fréquents et plus rudes à cause de la crise climatique », commente Save the Children.
L’Afrique subit le changement climatique et les coûts de son adaptation « de manière disproportionnée », affirmait lundi l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
En outre, « ces pays sont déjà ravagés par le conflit et l’insécurité, ce qui rend la réponse encore plus difficile », commente Vishna Shah-Little, directrice régionale de la communication de Save the Children pour l’Afrique de l’Ouest et centrale.
Plus de 700 000 personnes touchées par de graves inondations au Soudan
Plus de 700 000 personnes sont actuellement touchées par de graves inondations au Soudan du Sud, selon le bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCH), qui a prévenu que ce bilan augmentait de jour en jour dans ce pays parmi les plus pauvres au monde.
« Ces inondations ont détruit ou considérablement endommagé des maisons, des récoltes et des infrastructures cruciales, perturbant le système éducatif et les services de santé et augmentant le risque d’épidémies », a souligné l’OCHA, dans son point situation de jeudi.
Selon les organisations humanitaires, le Soudan du Sud, pays parmi les plus pauvres au monde, fait face aux pires inondations qu’il ait jamais connues depuis des dizaines d’années.
À la date du 5 septembre, « ces inondations ont touché plus de 710 000 personnes dans 30 des 78 comtés » du pays, selon ce rapport d’OCHA.
Selon l’OCHA, « l’accès aux personnes affectées reste un obstacle majeur, étant donné que de nombreuses routes sont impraticables, et les pluies et inondations ont coupé du monde des communautés entières d’habitants ».
Un accord de paix a mis fin en 2018 à cinq ans d’une guerre civile meurtrière au Soudan du Sud, mais le jeune pays, qui a obtenu son indépendance du Soudan en 2011, reste miné par les luttes de pouvoir, la corruption et fait face à une situation humanitaire dramatique.
Selon l’accord de paix de 2018, le pays est dirigé par un gouvernement d’union nationale intégrant les rivaux Salva Kiir (président) et Riek Machar (premier vice-président), avec pour mission de mener à bien une « transition » s’achevant par des élections.
Mais les progrès dans des domaines clés de l’accord (rédaction d’une constitution, création d’une armée unifiée…) restent minces, et le gouvernement fait également face à un cruel manque de moyens. Il a perdu sa principale source de revenus après qu’un oléoduc lui permettant d’exporter son pétrole a été endommagé par les combats au Soudan voisin, où une guerre a fait des dizaines de milliers de morts depuis avril 2023.
Par Madiambal DIAGNE
PRÉSIDENT FAYE, FAITES COMME WADE EN 2000
Il faut prendre garde à ne pas écouter des apprentis-sorciers qui préconisent de mettre en place le budget par ordonnance. Il appartient ainsi au chef de l'État d’engager le dialogue pour sauver les meubles
Le 8 avril 2024, à peine le nouveau régime installé, j’avais indiqué, dans une chronique intitulée «Nul n’a le droit de miser sur l’échec de Diomaye Faye», que les «risques et écueils sur la route du nouveau gouvernement sont nombreux» et que le nouveau régime allait «vivre cent premiers jours d’enfer». C’était peut-être un truisme, mais nous estimions qu’il revenait aux autorités politiques de l’Etat d’avoir l’intelligence d’instaurer le dialogue, la concertation pour passer le cap, jusqu’à la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale. Sans cela, «des tensions de divers ordres pourront naître de cette situation et leur exacerbation ne manquerait pas d’avoir des conséquences fâcheuses pour la stabilité du pays. C’est ainsi qu’il urge de s’engager à aider le nouveau régime à sortir la tête de l’eau, pour lui éviter de sombrer. L’échec de Bassirou Diomaye Faye sera fatal à tout le monde».
Je redis aujourd’hui la même chose. Seulement, il incombe, plus que jamais, au président de la République d’avoir l’initiative de l’apaisement. Il faut situer cependant les responsabilités car s’il y a une tension sur la scène politique, jusqu’à menacer le fonctionnement régulier des institutions, c’est de la faute exclusive du Premier ministre Ousmane Sonko, qui verse dans des provocations puériles. Il a insulté, menacé tout le monde. Il n’a pas respecté ses adversaires, encore moins l’institution judiciaire qu’il semble vouloir ravaler à une situation de vassale du gouvernement, ou le Parlement qu’il snobe. Son opposition a voulu jouer le jeu, il faut le dire, encore une fois, mais le Premier ministre s’est montré buté en plaçant son ego au-dessus des intérêts supérieurs de la Nation. Il a refusé de s’acquitter de son devoir de procéder à une Déclaration de politique générale (Dpg) et se soumettre au jeu politique et démocratique. Son alibi d’une imperfection du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale n’en n’était véritablement pas un.
En effet, dès que le président Faye a obtenu de la majorité parlementaire un dialogue et une concertation pour adapter le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, afin de satisfaire à ce caprice de son Premier ministre, des voix autorisées se sont élevées pour dire que Ousmane Sonko ne se présentera pas devant cette Assemblée nationale. Lui-même l’a dit. Le gouvernement a joué de subterfuges et de manœuvres dilatoires sur le processus de promulgation de la loi modifiant le Règlement intérieur, pendant que le Premier ministre annonce la dissolution fatale de l’Assemblée nationale pour le 12 septembre 2024. Cela ne trompait personne et couvre de ridicule l’Exécutif. Il est heureux que le Président Bassirou Diomaye Faye ait pris, une nouvelle fois, l’initiative pour trouver un arrangement avec l’Assemblée nationale. On annonce ainsi que le Premier ministre fera sa Dpg le 13 septembre 2024, devant cette Assemblée nationale qui est loin de lui être acquise. Il sera dans la même posture que Moustapha Niasse, le 20 juillet 2000. Le Premier ministre qu’il était, nommé par le Président Abdoulaye Wade, faisait face à un Hémicycle largement dominé par des députés du Parti socialiste. Du reste, il ne saurait être envisageable que cette nouvelle date, proposée par le président de la République et acceptée par l’Assemblée nationale, ne soit un leurre. On a vu Waly Diouf Bodian insinuer que le Premier ministre n’y sera pas. Si c’est le cas, la crédibilité du président de la République en prendrait un sacré coup.
Deux petits mois de plus pour sauver le Sénégal de l’ingouvernabilité
Qu’on s’entende bien, le chef de l’Etat déroule son agenda politique et institutionnel de manière discrétionnaire. Il a besoin de chercher, au plus vite, une majorité parlementaire. Il aura la latitude, à partir du 12 septembre 2024, de prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Seulement, il devrait se garder de le faire dans la précipitation. Le pays a assurément besoin que certaines diligences soient satisfaites, avant de retourner en campagne électorale. Autrement, il court de graves risques d’ingouvernabilité, et pour cause. Il urge de chasser tous les nuages qui s’accumulent au-dessus des relations avec les partenaires au développement, notamment le Fonds monétaire international (Fmi). Le Sénégal a raté ses échéances du mois de juillet dernier avec le Fmi, induisant un non-décaissement de la somme de 230 milliards de francs Cfa. Un autre décaissement en faveur du Sénégal, de 169 milliards, est prévu pour le mois de décembre 2024. Ces sommes sont indispensables pour le budget de l’Etat. Le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba, a fait un déplacement éclair à Washington, sans réussir à débloquer la situation. Au-delà des explications exigées par le Fmi sur les conditions de l’organisation, au début du mois de juin 2024, d’une opération d’Eurobonds, le Sénégal se trouve dans l’impossibilité de satisfaire à certains prérequis comme l’adoption d’une Loi de finances rectificative (Lfr) pour ajuster le budget de l’Etat. Dans le calendrier convenu avec le Fmi, la Lfr devait être examinée en juillet 2024. Le manque de sincérité du budget en cours d’exécution est un secret de polichinelle. Les petites querelles entre le Premier ministre et l’Assemblée nationale ont beaucoup pesé sur cette carence du gouvernement. De toute façon, le gouvernement n’a même pas encore adopté en Conseil des ministres un projet de Loi de finances rectificative. C’est dire que si l’Assemblée nationale se trouve dissoute, avant d’avoir fini de voter une Lfr, cette question, pomme de discorde majeure avec nos partenaires, ne sera pas réglée d’ici la fin de l’exercice budgétaire au 31 décembre 2024. En conséquence, la gestion budgétaire souffrira de lacunes, d’anachronismes et de carences qui vont rattraper l’exercice 2025.
Mais la situation la plus grave qui guette le Sénégal est le risque que le budget pour 2025 ne soit pas adopté dans les délais, c’est-à-dire avant le 31 décembre 2024. Ce serait une situation inédite. Le Sénégal n’a jamais connu un tel cas de figure et fait appréhender les conséquences néfastes pour la viabilité économique et financière du pays. Le principe budgétaire est de consommer à chaque mois le 12ème des crédits votés du budget précédent. En d’autres termes, le régime Diomaye-Sonko se coltinera encore le budget laissé par le régime de Macky Sall et qui avait été voté, faut-il le rappeler, en décembre 2023. Ce sera du surplace, aucun changement d’orientation des politiques publiques préconisé par le nouveau régime ne sera donc opérationnel. De surcroît, tous les projets en cours de réalisation seront arrêtés net. Il semble alors irresponsable qu’avec désinvolture, des responsables politiques claironnent qu’il n’y aurait pas péril en la demeure, si un nouveau budget n’est pas voté dans les délais. Cela traduit une ignorance sidérante des modes de fonctionnement de l’Etat. Une telle situation participerait à détériorer davantage les relations avec les partenaires techniques et financiers. Le Sénégal ne peut s’offrir le luxe de n’en faire qu’à sa tête. Il est d’ailleurs à se demander si réellement le gouvernement est prêt à déposer un nouveau projet de budget. Le nouveau budget devait, depuis le mois d’août dernier, faire l’objet d’arbitrages techniques et politiques, et le projet devait être soumis et adopté en Conseil des ministres pour être sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 septembre, pour la session dite budgétaire qui s’ouvre le 1er octobre. D’après ce que l’on sait, rien de tout cela ne sera fait !
Le président Diomaye Faye doit reprendre l’initiative
Des crises politiques surviennent dans tous les pays démocratiques. Aux Etats-Unis par exemple, il arrive des querelles qui empêchent l’adoption, dans les délais, du budget fédéral, provoquant un «shutdown», c’est-à-dire l’arrêt des activités fédérales non essentielles. Mais à chaque fois, le dialogue est engagé pour trouver des compromis et passer le mauvais cap dans un délai très court. Le «shutdown», jamais encore connu en France, est aujourd’hui le cas redouté et cela mobilise les énergies pour l’éviter, d’où les difficiles tractations pour la formation du gouvernement de Michel Barnier. La préoccupation majeure, pour ne pas dire le casse-tête du Président Macron, est de faire adopter un budget pour l’année 2025. En Allemagne, le Chancelier Olaf Scholz a été obligé de négocier un compromis, épilogue d’un long conflit parlementaire, pour sauver le budget 2025 car la perspective d’un blocage budgétaire porterait un coup «à la stabilité de l’Allemagne». Il ne viendrait à l’esprit d’aucun homme politique responsable de se mettre devant les populations pour leur dire, les doigts dans le nez, que «ce n’est pas grave s’il n’y a pas de budget ; on va se débrouiller jusqu’à ce qu’on puisse installer une nouvelle Assemblée nationale». Il faut prendre garde à ne pas écouter des apprentis-sorciers qui préconisent de mettre en place le budget par ordonnance. Il est clair que les partenaires étrangers, qui financent pour plus de 46% le budget national et que le nouveau gouvernement a déjà bien du mal à faire suivre, rechigneront à financer un budget qui n’aura pas l’onction de la représentation nationale. Il ne faut pas rêver, on ne peut pas se passer, dans notre ordonnancement institutionnel, du rôle et des missions de l’Assemblée nationale. Quelle que puisse être, du reste, sa piètre qualité !
L’outil du dialogue et de la discussion, mais dans le respect, avait permis à Moustapha Niasse et Abdoulaye Wade de faire adopter deux Lfr au courant de l’année 2000 et mieux, un budget pour l’année 2001 leur avait été voté «sans débats». Il appartient ainsi au président Faye d’engager le dialogue pour sauver les meubles Sénégal. La seule concession sera sans doute de laisser l’Assemblée nationale encore en place pour deux petits mois. La majorité parlementaire se montre jusqu’ici conciliante en concédant au président Faye de procéder à la modification du règlement intérieur et de changer la date du 11 septembre 2024 initialement retenue par sa «Conférence des présidents» pour adopter la date proposée par le président de la République. Au demeurant, cette majorité semble parfaitement comprendre que la dissolution de l’institution s’avère inévitable. Un «gentlemen’s agreement» doit être possible. Le nouveau régime a fort besoin de régler ces questions latentes pour pouvoir dérouler sa politique sans encombre pour les années à venir. Même l’opposition, qui espère, à l’issue d’élections législatives anticipées, obtenir une majorité pour cohabiter avec le président Faye, aura besoin, le cas échéant, de ne pas hériter d’un pays en ruine. Ce dialogue et ces discussions ne sauront aucunement empêcher la poursuite de la politique nécessaire et normale de reddition des comptes. Le dialogue avec l’opposition n’avait pas empêché le régime Wade de mener sa politique de reddition des comptes.
Une fois de plus, le 8 avril 2024, j’alertais : «Le président Bassirou Diomaye Faye sera bien obligé, avant de prononcer la dissolution, d’attendre au moins jusqu’au mois de décembre 2024, afin de laisser passer la session budgétaire.»
Sans doute qu’on ne m’écoutera pas, car il y a beaucoup de vents contraires, mais le Sénégal doit être placé au-dessus de nos petits égos !
ABDELMADJID TEBBOUNE REELU
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a été réélu pour un mandat de cinq ans au premier tour de l’élection présidentielle de samedi en obtenant 94,65 % des voix
Dakar, 8 sept (APS) – Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a été réélu pour un mandat de cinq ans au premier tour de l’élection présidentielle de samedi en obtenant 94,65 % des voix, a annoncé Algérie Presse Service, dimanche.
Il s’agit de résultats provisoires officiels, selon l’agence de presse gouvernementale d’Algérie.
M. Tebboune a réuni 5 millions de voix, soit un taux de 94,65 %.
Il se place nettement devant les candidats Abdelaâli Hassani Cherif et Youcef Aouchiche, qui ont respectivement obtenu 3,17 % et 2,16 %, selon la même source.
Vingt-quatre millions d’électeurs algériens étaient appelés à élire le président de la République parmi les trois candidats.
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LA JUSTICE FRANÇAISE, BRAS ARMÉS DE LA FRANÇAFRIQUE ?
Alors que Mahamat Déby se rapproche de la Russie, le Parquet National Financier sort ses griffes. Une enquête sur les biens mal acquis du président tchadien est lancée, après des années de complaisance vis-à-vis de ce régime dynastique
Le Tchad, longtemps fidèle pion de la France en Afrique, fait aujourd'hui l'objet d'une enquête du Parquet National Financier (PNF) sur les biens mal acquis de son président, Mahamat Déby. Coïncidence ? Pas si sûr.
Alors que le jeune dictateur tchadien flirte ouvertement avec la Russie de Poutine, Paris semble brandir la menace judiciaire comme une épée de Damoclès. Une volte-face surprenante quand on sait que pendant des décennies, la justice française a fermé les yeux sur les exactions du clan Déby.
De l'esclavage moderne aux assassinats d'opposants, en passant par le financement occulte des campagnes électorales françaises, le régime tchadien bénéficiait d'une impunité totale. La France, chantre autoproclamée des droits de l'Homme, préférait alors protéger ses intérêts géostratégiques plutôt que de faire justice.
Aujourd'hui, le réveil soudain du PNF sonne comme une tentative désespérée de l'Élysée de garder la main sur son ancien "meilleur élève" africain. Une manœuvre qui illustre parfaitement les travers de la Françafrique : une justice à géométrie variable, instrumentalisée au gré des intérêts diplomatiques.
Cette affaire pose une question cruciale : la France est-elle prête à sacrifier son image et ses valeurs sur l'autel de son influence en Afrique ?
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LE VISA SCHENGEN, FORTERESSE EUROPEENNE AUX FRAIS DES AFRICAINS
90 euros pour un espoir. 27% de chances d'être rejeté. 56 millions d'euros perdus en 2023. Derrière ces chiffres, le visa Schengen dessine une frontière invisible mais bien réelle entre l'Europe et l'Afrique
L’Europe se barricade, et c’est l’Afrique qui paie la facture. En 2024, le rêve européen coûte plus cher que jamais aux Africains, avec des frais de visa Schengen grimpant à 90 euros. Mais le véritable scandale ? C'est le taux de refus astronomique de 27% pour les demandeurs africains, transformant ces frais non remboursables en une véritable taxe sur l'espoir.
Imaginez : 56,3 millions d'euros ont quitté les poches africaines en 2023, remplissant les caisses européennes pour des visas refusés.
Le système est impitoyable : des dossiers kafkaïens, des frais qui s'accumulent, et au bout du compte, souvent un "non" sec et coûteux. Pour beaucoup d'Africains, ces 90 euros représentent un mois de salaire, parti en fumée sur l'autel de la "forteresse Europe".
Face à cette injustice, une question brûlante se pose : l'Afrique devrait-elle riposter par la réciprocité ? Imposer aux Européens le même parcours du combattant financier et administratif ? Certains y voient une justice poétique, d'autres craignent les répercussions économiques.
Une chose est sûre : le système actuel creuse un fossé d'incompréhension et de ressentiment entre les deux continents.
par Ibrahima Malick Thioune
LE TIRAGE AU SORT EN DÉMOCRATIE : UNE ALTERNATIVE POUR RÉENCHANTER LA REPRÉSENTATION POLITIQUE
Cette méthode, loin d'être une nouveauté, puise ses racines dans l'Antiquité grecque. Aujourd'hui, elle se réinvente comme un outil pour revitaliser nos systèmes démocratiques
Dans les démocraties contemporaines, les systèmes électoraux sont devenus les garants de la légitimité des gouvernements. Cependant, ces systèmes souffrent d'une crise de représentativité. L'emprise des élites socio-économiques, l'influence des groupes d'intérêt et la montée de la polarisation politique ont exacerbé le fossé entre les gouvernants et les gouvernés. Face à ces difficultés, le tirage au sort, méthode ancienne utilisée dans les démocraties antiques, refait surface comme une solution possible pour restaurer l'équité, la diversité et la justice dans les processus décisionnels. À l’instar des réformes constitutionnelles en Irlande ou des expérimentations en France avec la Convention Citoyenne pour le Climat, le tirage au sort s’inscrit de plus en plus dans les réflexions théoriques et pratiques visant à revitaliser nos démocraties.
Ce retour aux sources historiques, et la revalorisation des mécanismes aléatoires de désignation politique, soulèvent des interrogations fondamentales quant à la nature même de la démocratie. Si, comme l’affirmait Aristote, « le tirage au sort est démocratique », cette méthode n’en est pas moins sujette à des critiques quant à sa légitimité et son efficacité. Il convient donc de l'examiner à la lumière des principes démocratiques, tout en tenant compte des réalités actuelles de nos systèmes politiques. À travers une analyse théorique et empirique du tirage au sort, cet article propose de démontrer que, loin d’être une pratique archaïque ou irréaliste, cette méthode constitue une alternative crédible pour remédier aux défaillances des démocraties représentatives modernes.
Fondements et Limites des Systèmes Électoraux
1. L'Élection : Une méthode de sélection non neutre
Le suffrage universel, présenté comme l’expression directe de la volonté populaire, s’est imposé comme le pilier des régimes démocratiques modernes. Les élections permettent en effet au peuple de choisir ses représentants à intervalles réguliers, conférant ainsi aux élus une légitimité démocratique indiscutable. Pourtant, l’élection, malgré ses apparences de neutralité, n’est pas exempte de biais.
Le premier de ces biais est socio-économique. Dans un contexte où les campagnes électorales nécessitent des ressources financières considérables, les candidats issus des classes aisées bénéficient d’un avantage décisif. Les frais de campagne, l’accès aux médias et le soutien de groupes d’intérêt influents favorisent les élites au détriment des candidats issus des milieux modestes. Cette inégalité dans les moyens se traduit par une surreprésentation des classes favorisées dans les instances décisionnelles, ce qui engendre un déséquilibre dans la formulation des politiques publiques.
Ce phénomène est aggravé par la polarisation politique. La compétition électorale, particulièrement dans les systèmes majoritaires, tend à exacerber les clivages entre les partis. Les partis politiques, pour maximiser leurs chances de succès, adoptent des positions de plus en plus tranchées, entraînant une radicalisation du discours politique et une perte du sens du compromis. Cette polarisation mine la cohésion sociale et bloque souvent les processus législatifs, rendant la gouvernance de plus en plus difficile.
Enfin, l'élection, en favorisant l’émergence de leaders charismatiques, conduit à la personnalisation du pouvoir. Le processus électoral devient alors un théâtre où les qualités personnelles des candidats – souvent réduites à leur aptitude à séduire les électeurs – priment sur les compétences techniques et la réflexion politique. Ce phénomène est accentué par la médiatisation à outrance des campagnes, qui met l'accent sur l’image des candidats plutôt que sur la consistance de leurs programmes.
En somme, les élections, en dépit de leur légitimité apparente, favorisent la concentration du pouvoir entre les mains des élites, renforcent la polarisation politique et encouragent la personnalisation du pouvoir. Elles tendent à détourner la démocratie de son essence première, qui est de garantir une participation égale et active de tous les citoyens au processus décisionnel.
2. Les Limites du système représentatif
La démocratie représentative, fondée sur l’élection, repose sur une délégation de pouvoir. Les citoyens, par leur vote, confient à des représentants le soin de légiférer en leur nom. Si cette forme de démocratie permet de gérer la complexité des sociétés modernes, elle présente néanmoins des défauts structurels.
Tout d'abord, elle crée une distance entre les gouvernés et les gouvernants. Une fois élus, les représentants jouissent d'une autonomie relative dans la prise de décisions, ce qui peut les amener à privilégier leurs propres intérêts, ou ceux de leurs soutiens financiers, plutôt que l’intérêt général. De plus, la délégation de pouvoir tend à éloigner les citoyens du processus politique, réduisant leur rôle à un simple acte de vote tous les quatre ou cinq ans.
Ce mécanisme génère également un déficit de participation. La participation électorale, bien que fondamentale, ne permet pas une implication continue des citoyens dans les affaires publiques. Nombreux sont ceux qui se sentent dépossédés de leur pouvoir une fois les élections passées, laissant les représentants agir sans contrôle effectif de la base électorale. Ce qu’en disait l’abbe Sieyes est très évocateur. Dans son discours du 7 septembre 1789 il dit : Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. »
Cette réalité conduit inévitablement à une crise de légitimité. La montée de l'abstention et la défiance croissante à l’égard des élites politiques illustrent une rupture entre les citoyens et leurs représentants. Les populations perçoivent de plus en plus les institutions démocratiques comme déconnectées de leurs préoccupations, et la représentativité des élus comme insuffisante pour garantir une véritable démocratie.
Ces constats justifient la nécessité de repenser les modalités de la représentation politique. Le tirage au sort, en se positionnant comme une alternative à l’élection, propose un mode de désignation non élitiste et plus représentatif de la diversité sociale. Mais avant d’évaluer cette alternative, il est essentiel de revenir sur les origines et les principes théoriques qui fondent cette méthode.
Tirage au Sort : Une voie pour réenchanter la démocratie
1. Le Tirage au Sort : fondements historiques et avantages théoriques
Le tirage au sort trouve ses racines dans la démocratie athénienne, où il était considéré comme le moyen le plus démocratique de désigner les représentants. Dans l’Athènes antique, le tirage au sort garantissait une égalité d’accès aux charges publiques, indépendamment des conditions sociales ou économiques des citoyens. Cette pratique visait à empêcher la concentration du pouvoir et à assurer une rotation des responsabilités, garantissant ainsi une participation large et diversifiée à la vie publique.
Cette méthode repose sur l'idée de la rationalité du choix politique, c’est-à-dire sur l’absence de biais conscients dans la désignation des représentants. Contrairement à l'élection, où les choix sont influencés par des considérations partisanes, sociales ou économiques, le tirage au sort neutralise les influences extérieures. Le hasard décide, et cette impartialité intrinsèque est précisément ce qui confère au tirage au sort sa dimension démocratique.
Le tirage au sort permet en outre de réduire les conflits d'intérêts. Dans un système électoral, les élus sont souvent redevables à leurs donateurs ou à leurs partis, ce qui peut biaiser leurs décisions. En éliminant la nécessité de financement de campagnes, le tirage au sort garantit une plus grande indépendance des représentants. Ces derniers sont ainsi plus enclins à prendre des décisions en fonction de l’intérêt général plutôt qu’en réponse à des pressions extérieures.
Par ailleurs, le tirage au sort contribue à une représentation plus équitable de la société. Contrairement aux élections, qui favorisent généralement les candidats les mieux dotés en ressources financières et en réseaux d'influence, le tirage au sort donne à chaque citoyen une chance égale de participer au processus politique. Cela permet d'inclure des groupes souvent sous-représentés, tels que les minorités ethniques ou les personnes à faibles revenus, assurant ainsi une plus grande diversité des voix au sein des instances décisionnelles.
2. Applications contemporaines et défis pratiques
L’intégration du tirage au sort dans les démocraties modernes se fait principalement par le biais de jurys citoyens ou d'assemblées délibératives. Ces expériences, menées dans plusieurs pays, montrent que le tirage au sort peut enrichir le débat public et renforcer la légitimité des décisions politiques. En France, par exemple, la Convention Citoyenne pour le Climat a réuni 150 citoyens tirés au sort pour formuler des propositions sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En Irlande, la Citizens' Assembly a contribué à des réformes constitutionnelles majeures, notamment sur la légalisation du mariage pour tous.
Cependant, la mise en œuvre pratique du tirage au sort présente plusieurs défis logistiques. La constitution de listes inclusives de participants potentiels, la sécurisation du processus de tirage et la formation des citoyens tirés au sort sont autant d'éléments cruciaux pour garantir la réussite de cette méthode. Des systèmes sophistiqués de gestion, combinant technologie et supervision institutionnelle, sont nécessaires pour assurer la transparence et l’impartialité du tirage.
Un autre défi réside dans la perception publique du tirage au sort. Beaucoup de citoyens considèrent cette méthode comme contraire aux principes de mérite et de compétence. Pour surmonter cette résistance, des stratégies de sensibilisation doivent être mises en place, notamment en expliquant les avantages du tirage au sort et en prouvant son efficacité par des expériences réussies. La combinaison du tirage au sort avec d’autres méthodes, telles que l’élection pour certaines fonctions exécutives ou législatives, peut également renforcer sa légitimité.
Vers une démocratie hybride
Face à la crise de représentativité et aux défaillances des systèmes électoraux traditionnels, le tirage au sort apparaît comme une alternative crédible pour réenchanter la démocratie. En permettant une représentation plus équitable, en réduisant les biais électoraux et en neutralisant les conflits d’intérêts, cette méthode offre une voie pour revitaliser la participation citoyenne et restaurer la confiance dans les institutions démocratiques. Cependant, pour que le tirage au sort devienne une solution viable et légitime, il doit être mis en œuvre de manière réfléchie, en tenant compte des défis logistiques et des perceptions publiques.
Plutôt que de remplacer entièrement les élections, le tirage au sort pourrait être intégré dans un système hybride, où il compléterait les mécanismes électoraux traditionnels. Cette complémentarité permettrait de profiter des avantages des deux méthodes : l’élection pour la légitimité populaire et le tirage au sort pour la diversité et l’impartialité. Ainsi, la démocratie, dans sa quête d’inclusion et de justice, pourrait renouer avec ses principes fondateurs tout en s’adaptant aux exigences du monde moderne.
Ce modèle de démocratie hybride, en s’appuyant sur des dispositifs délibératifs et participatifs, offre une réponse innovante aux insuffisances de la démocratie représentative. Il montre qu’il est possible de repenser la gouvernance politique en associant les citoyens de manière plus directe aux processus décisionnels, ouvrant ainsi la voie à une forme de démocratie plus authentique et plus inclusive.
par Patrick Chamoiseau
KALINAGO ET ARAWAK POUR UNE CITOYENNETÉ TRANSNATIONALE
Ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation »
À l’heure où les grandes nations se raidissent dans des levées guerrières, nous pouvons — nous, de la Caraïbe — distinguer un murmure. Celui qui monte de la mer et qui nous invite à une reconnaissance. L’Inde et le Bénin, dans un élan de justice mémorielle, l’ont entendu. Ils offrent une citoyenneté de cœur à ceux que la Traite et la colonisation ont enlevés à leur sol. Une porte inédite s’est ainsi ouverte à ceux d’entre nous qui désirent amplifier leur extension au monde. Que l’on s’en serve ou pas relève d’une stricte éthique individuelle. Mais, nous pouvons globalement en peser l’intention.
Au-delà des choix personnels, ne devrions-nous pas, tous autant que nous sommes, soustraire notre horizon au seul modèle de l’État-nation occidental, à son nationalisme meurtrier, pour y multiplier les rhizomes d’une « nation-relation » ‒ celle que nous avons (Édouard Glissant et moi) évoquée dans bien des manifestes ?
De la source à la ressource
Avec la colonisation, la globalisation capitaliste, les mouvements aléatoires des peuples et des individus, le monde s’est pris de créolisation. Il a réactivé en lui (à haute intensité, à grande échelle et sans frontières) le brassage des diversités humaines et non humaines qui composent le vivant. Ce brassage n’est rien d’autre qu’un principe fondateur, non seulement du vivant lui-même, mais aussi des communautés d’Homo sapiens qui se sont mises en place depuis la nuit des temps. Dès lors, tous les peuples, sociétés et cultures d’aujourd’hui, sont exposés à des mélanges relationnels qui font d’eux des pays culturellement composites… Tous sont, soit nés dans le Divers, soit en devenir imprédictible dans le Divers.
Hélas, les imaginaires humains (dans leurs absolus communautaires antagonistes) ont tendance à oublier ce rapport organique à la diversité. Les multiplicités intérieures (post-coloniales, accélérées, soudainement agissantes) affolent les imaginaires restés monolithiques. Un incertain identitaire ébranle les anciennes illusions, tant du bord des coloniaux attardés que de celui des décoloniaux énervés. Pourtant, la santé mentale de notre époque consiste à simplement accepter la loi diverselle du vivant. Ce qui revient pour chacun à accepter toutes ses origines, sans en omettre une seule. À les envisager une à une, nullement comme cicatrices à conjurer, mais comme des sources vives qui deviennent des ressources, et qui irriguent ainsi la profondeur et l’étendue de nos présences au monde. C’est le défi de notre temps.
Désapparition
Ici, dans notre archipel caribéen, chaque volcan élève une stèle aux peuples premiers génocidés. Avant l’arrivée des Européens, cette zone accueillait près de deux millions de natifs – sociétés Taïnos, sociétés Kalinagos. En quelques décennies, victimes de maladies, de massacres, et de toutes qualités d’asservissements, elles se sont retrouvées gisantes, éparpillées de par les îles, en quelques milliers de survivants. Cet effondrement constitue un impensable conceptuel. Les vagues y font frémir les silences, les cris et les soupirs, de ceux qui sont venus d’eux-mêmes, et de ceux que l’on a charroyés pour le besoin des colonisations. C’est l’écume de ces vagues qui distille un intranquille murmure, habité de mille sources, virtuel de mille ressources.
Hélas, dans ce chaos génésique, les descendants des Arawaks et des Kalinagos, ne sont plus que des sources négligées, et donc, en ce qui concerne notre devenir à nous caribéens, des ressources potentielles abimées. À l’heureuse du bonheur, leurs formidables équations culturelles n’ont pas pris disparaître malgré le génocide ; elles ont seulement désapparu, nourrissant par en-bas, mais nourrissant malement, ce que nous sommes maintenant. Il est temps de les reconnaître. Il est temps de nous ouvrir en eux, de les ouvrir en nous – non en ombres folkloriques, mais en citoyens d’office, sujets trans-nationaux, de notre grande Caraïbe qu’ils savaient, de toute éternité, concevoir dans une continuité de terre, de ciel, de mer, d’aller-virer et de balans du vent.
Blason
Alors, tenons cette poétique : ouvrir nos pays ; permettre à ces filles et ces fils de l’horizon premier, de circuler sans chaînes, de s’enraciner comme bon leur semble dans chacune de nos terres, sans accrocs ni barrières. Offrons-leur (et offrons-nous dans le même temps) un moment de justice historique, un éclat d’élégance mémorielle : le blason d’une vision hospitalière du monde.
Cette citoyenneté-en-étendue serait une réparation symbolique du génocide inaugural. Elle leur rétablirait une présence plénière parmi nous, laquelle deviendrait la trame incontestable de notre espace commun. La Caraïbe pourrait ainsi déserter sa chimère d’insularités éclatées, sans mouvement d’ensemble autre que celui, absurdement capitaliste, d’une liturgie économique. Elle pourrait ouvrir la ronde d’une rythmique de jazz où chaque île-pays s’amplifierait des échos et des richesses des autres ; où chaque citoyen improviserait en lui toutes les histoires, toutes les mémoires, toutes les souffrances, mais aussi toutes les beautés de ce qui constitue la gamme géographique la plus créole et la plus musicale du monde.
Nations-relation
Nous, du pays-Martinique, avons encore à nous débarrasser des vyé zombis mentaux qui nous lient aux abrutissements de l’outremer français. Riches d’une souveraineté optimale, maîtrisant nos interdépendances avec la France, avec l’Europe, nous pourrions enfin assumer nos en-communs de destin avec la Caraïbe. Et kisa de plus beau, de plus juste, de plus vrai, que d’amorcer cette utopie refondatrice en reconnaissant Kalinagos et Arawaks comme fils ainés — inaliénables, légaux et légitimes ! — de notre bel archipel ? Kisa de plus exaltant que de les retrouver libres de le parcourir, de l’habiter au vent, de l’enchanter des sillons de leurs chants, de leurs récits, des kanawas pacifiques de leurs vies ?
Voici une des beautés que cette citoyenneté va engendrer : la Caraïbe s’élèvera en une belle offrande de complexité historique, patrimoniale, mémorielle, de géopolitique démiurge, de solidarité généreuse, et pour tout dire : de Relation. La référence à cette poétique de la Relation d’Édouard Glissant est ici obidjoule. Le poète proposait une gourmandise du monde où les rapports entre les peuples, les cultures, les territoires et les individus, ne seraient plus de dominations ou d’exclusives souveraines. Elles s’agenceraient dans l’interaction horizontale des différences, et de ces surgissements qui naissent sans fin de leurs rencontres. Cette vision récuse les cadres usés des vieux États-nations, le plus souvent moisis sur des verticales du pouvoir et de l’identité. Elle nous offre une partition polyrythmique pour improviser ensemble une mélodie d’alliances plus fluides, plus inclusives de nos appartenances. Danser ça ! auraient admis les répondeurs.
Donc : ni outremer, ni empire, ni fédération, ni confédération, ni zone de libre-échange…, mais l’inouï d’une catégorie juridique nouvelle : l’ouvert d’un archipel-relationnel qu’il nous revient d’imaginer. Chaque descendant des Arawaks et des Kalinagos pourra y retrouver sa terre-mer-archipel, sa voix originelle, sa voie caribéenne, y libérer son devenir dans tous nos devenirs. Il ne s’agit plus de seulement réparer les crimes du passé, mais ‒ sans pathos, sans haine, et sans rien oublier ‒ d’agencer une présence caribéenne où chaque source s’étincelle dans les autres, où les jouvences de l’un viennent compenser les vieillissements de l’autre, où chaque célébration relationnelle acquise, exalte le diversel fondal-natal de nos humanités. C’est un Faire-caraïbe ! auraient crié les répondeurs.
Une nouvelle cheffe des Kalinago de la Dominique vient d’être élue. Il s’agit de Mme Anette-Thomas Sandford. S’il nous fallait lui formuler un hommage, ce serait cette adresse ouverte, destinée à toutes les organisations officielles et entités civiles qui envisagent une autre Caraïbe 1 . Y souscrire sublimerait nos solidarités. La mettre en œuvre désignerait au monde une manière de transcender l’héritage terrifiant des méfaits coloniaux et des folies de la Traite. La proclamer esquisserait surtout un joli pas de tango vers l’idée des « nations-relation » — celles qui sont à venir, celles qui se verront tissées de souverainetés intimes poussées à l’optimal ; celles qui augureront d’une citoyenneté neuve, joyeuse, post-capitaliste, planétaire, poétique et nomade. C’est l’horizon de notre Faire-pays ! auraient hélé les répondeurs.
1 – Association des États de la Caraïbes (A.E.C.), Organisation des États de la Caraïbe orientale (O.E.C.O.), Communauté des Caraïbes (CARICOM), Système d’intégration Centraméricain (SICA), Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), à l’Union des Nations Sud-Américaines (UNASUR)…etc.
L'HÉRITAGE MAOÏSTE DANS LA POLITIQUE SÉNÉGALAISE
Du Petit Livre rouge aux hautes sphères de l'État, toute une génération de politiciens et d'intellectuels a été façonnée par ce mouvement radical. Aujourd'hui encore, des figures comme Madièye Mbodj témoignent de cette empreinte durable
(SenePlus) - Dans les coulisses du pouvoir sénégalais, une tendance discrète mais persistante se dessine : la présence d'anciens maoïstes dans les hautes sphères de l'État. Ce phénomène, peu connu du grand public, témoigne de l'influence durable d'un mouvement qui a marqué toute une génération d'intellectuels et de politiciens.
Comme le rapporte Le Monde, "c'est une règle non écrite de la vie politique sénégalaise. Depuis deux décennies, on trouve toujours un ancien maoïste dans les hautes sphères du pouvoir." Cette réalité se vérifie encore aujourd'hui, avec la présence de Madièye Mbodj, un "mao" historique, comme conseiller du nouveau président Bassirou Diomaye Faye.
L'influence maoïste au Sénégal remonte aux années 1970, une période marquée par l'effervescence intellectuelle et politique dans le monde entier. Dans un Sénégal alors dirigé par Léopold Sédar Senghor, les idées marxistes gagnent du terrain parmi la jeunesse. Cependant, c'est la pensée de Mao Zedong qui trouve un écho particulier auprès des jeunes sénégalais.
Mamadou "Mao" Wane, sociologue et figure emblématique de ce mouvement, raconte : "Issa Samb alias 'Joe Ouakam', l'un des plus célèbres artistes contemporains sénégalais décédé en 2017, ramenait secrètement de Mauritanie des exemplaires du livre en traversant le fleuve entre les deux pays." Cette anecdote illustre le caractère clandestin et risqué de l'engagement maoïste à l'époque, la simple possession du Petit Livre rouge pouvant entraîner des ennuis avec la police.
Malgré ces risques, le mouvement attire de nombreux jeunes, séduits par ses activités culturelles et son approche intellectuelle. El Hadj Kassé, ancien maoïste devenu écrivain et conseiller politique, explique : "Chaque militant devait être 'rouge et technicien'. Nous lisions de l'économie, des sciences dures, des traités d'ingénierie… Nous traduisions en wolof des textes pointus pour les lire dans des groupes ouvriers…"
Cette formation rigoureuse a contribué à façonner une génération de penseurs et d'acteurs politiques. Parmi eux, on trouve des figures comme Omar Blondin Diop, intellectuel brillant et figure subversive, dont la mort en détention en 1973 reste entourée de mystère.
L'influence du mouvement maoïste au Sénégal ne s'est pas limitée à la sphère politique. Il a également joué un rôle précurseur dans plusieurs domaines. Comme le souligne Le Monde, "l'organisation féministe pionnière Yewwu Yewi ('Prendre conscience et se libérer' en wolof) naît de leurs rangs dans les années 1980." De plus, les anciens maoïstes continuent d'animer les débats sur les orientations économiques et le développement du pays, à l'image de l'économiste Demba Moussa Dembele, critique du franc CFA.
Le mouvement maoïste a également joué un rôle crucial dans la transition démocratique du Sénégal. Un ancien ministre, cité anonymement par Le Monde, affirme : "Les maoïstes ont été des acteurs importants de la transition démocratique. À la fin des années 1970, certains ont rejoint l'organisation panafricaniste dirigée par Cheikh Anta Diop, le Rassemblement national démocratique, qui a participé à exercer une pression sur le président Senghor afin que le Sénégal accède au multipartisme."
Cette influence s'est poursuivie dans les années 2000, lorsque Landing Savané, leader du parti maoïste And Jëf, a soutenu la candidature d'Abdoulaye Wade, contribuant ainsi à la première alternance politique du pays.
Aujourd'hui, si les anciens maoïstes ont emprunté des chemins politiques divergents, beaucoup gardent des liens forts. El Hadj Kassé souligne : "Il y a de l'estime, du respect entre nous malgré les divergences, du fait de cette époque partagée."
L'héritage maoïste dans la politique sénégalaise contemporaine soulève des questions intéressantes sur l'évolution des idéologies et leur adaptation aux réalités du pouvoir. Comme le note un ancien militant cité par Le Monde : "Les anciens révolutionnaires étaient nombreux au gouvernement lors du rétablissement des relations entre la Chine et le Sénégal en 2005. [...] Quand il rencontre un communiste chinois, il le comprend vite, il connaît cette culture."
Cette connaissance approfondie de la culture politique chinoise pourrait-elle jouer un rôle dans les relations sino-sénégalaises actuelles ? Bien que ce facteur ne soit pas déterminant, il ajoute une dimension intéressante à l'analyse des dynamiques politiques et diplomatiques entre les deux pays.
par Ndukur Kacc Ndao
LES PROCÉDÉS MAGICO-RELIGIEUX AU COEUR DE LA BÊTISE HUMAINE QUI INSISTE ET PERSISTE
Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle
Il y a six ans, sur les chemins des Karones, au nord de la basse Casamance. Souvenirs de ce qui fait encore le côté obscure de l'homo-senegalensis. Un peuple de sorcellerie qu'il partage sans doute avec d'autres à travers le monde. Les procédés magico-religieux, des pratiques tout aussi vieilles que l'ère cénézoïque du quaternaire supérieur. Au coeur des pratiques occultes. Une autre façon de se regarder dans la glace.
Toujours dans les interstices des forêts de Kafountine. Je découvre fortuitement sur un baobab des clous sous forme de bois lignifié. Le processus est simple. Clouer mystiquement un adversaire, un ennemi dans les profondeurs des Karones. Avec ce procédé ésotérique, vous enfoncez une amulette avec du bois lignifié dans les entrailles du baobab nain pour lui donner une charge vibratoire négative. Processus très connu de nos milieux qui avec ce bois, nous avons un support plus transitif et plus durable parce que ça peut se dissiper.
Cette pratique ressemble, toute proportion gardée, à la pratique du Wanga dans le Vodou qui consiste à mettre une pression sur une poupée pour lui transférer les charges négatives. Voilà le quotidien d'une grande partie des sénégalais toujours à la recherche de "xaarfafufa ", des pratiques occultes pour tuer "des génies ". Tous leurs rapports à la réussite sont basés sur cette tension occulte de gens qui sillonnent les baobabs du Sine, de la Basse Casamance, pour jeter des sorts contre leurs frères, soeurs, maris ou épouses.
Une société magico-religieuse contre les performants et les performances. Vrai ou pas vrai, d'un point de vue épistémique, entre africains, nous nous connaissons. Admettons que ce sont des pratiques transversales à notre continent. L'anthropologie religieuse comparée produit des pratiques très significatives. Les intensions valent souvent plus que les pratiques. Bienvenue au Sénégal bardé de gens qui sont toujours à l'église ou à la mosquée ou dans les bois sacrés et qui prient dans le secret de leur conscience, qu'un adversaire politique ou même un demi frère crève la dalle. Qui peut lever le doigt pour jurer qu'il n'a jamais marabouté son prochain ?
En attendant, si tout cela fonctionne comme prévu, j'ai enlevé toutes les pointes enchâssées dans ces deux baobabs des Karones sauvant "syllogistiquement" ces emprisonnés du baobab. J'espère qu'ils se sont réveillés et qu'ils ont été exorcisés de Satana ou de l'homo-senegalensis. Quelle imbécilité de clouer même "symboliquement" un être humain dans des baobabs perdus dans ces forêts ou d'autres !
Camus avait raison sur la bêtise humaine. Elle insiste et persiste. Une société magico-religieuse n'est jamais fiable si elle vise à tuer nos génies transformateurs de progrès.