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26 avril 2025
International
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ECO-CFA, LA MONNAIE COLONIALE QUI NE VEUT PAS MOURIR
Le franc CFA devait disparaître en 2015. Puis en 2025. Maintenant on parle de 2030, voire 2035. Pendant que l'ECO, censé le remplacer, s'enlise dans des reports, cette monnaie héritée de la colonisation continue de régir le quotidien de 15 pays africains
En Afrique de l'Ouest, l'histoire monétaire s'écrit toujours à l'encre du franc CFA. Cette monnaie, vestige de l'ère coloniale, continue de régir les échanges de 15 pays d'Afrique subsaharienne, divisés en deux zones distinctes : l'UEMOA et la CEMAC. Particularité troublante : bien que portant le même nom, ces deux francs CFA ne sont pas interchangeables entre eux.
L'ECO, annoncé comme le successeur du franc CFA, accumule les reports. D'abord prévu pour 2015, puis 2025, son lancement pourrait désormais glisser jusqu'en 2030, voire 2035. Cette valse des dates alimente les doutes sur la réelle volonté de changement.
Les chiffres sont éloquents : d'après une enquête menée en 2024, plus de 90% des Africains jugent le franc CFA néfaste pour leur économie. La parité fixe avec l'euro, présentée comme un gage de stabilité, agit en réalité comme un frein aux exportations tout en favorisant les importations. Cette situation pénalise le développement des industries locales.
Les obstacles techniques à la mise en place de l'ECO s'accumulent. L'harmonisation des politiques financières entre les pays membres reste incomplète. Les structures institutionnelles nécessaires tardent à se mettre en place. Le rôle futur de la France dans ce nouveau système monétaire continue de susciter des débats.
Face à ces défis, des économistes africains proposent des solutions pragmatiques. Parmi elles, l'arrimage de la future monnaie à un panier de devises incluant le dollar et le yuan, plutôt qu'à l'euro seul. Ces experts soulignent que le continent dispose des compétences techniques nécessaires pour gérer sa propre monnaie. Reste à transformer cette capacité en réalité politique.
LES ASSISES NATIONALES PROPOSENT UNE TRANSITION DE CINQ ANS AU NIGER
Les assises nationales au Niger ont proposé jeudi 20 février 2025, au terme de leurs travaux. "une durée de cinq ans renouvelables" pour conduire la transition en cours depuis le coup d'Etat de 2023 ...
Les assises nationales au Niger ont proposé jeudi 20 février 2025, au terme de leurs travaux. "une durée de cinq ans renouvelables" pour conduire la transition en cours depuis le coup d'Etat de 2023, et la "possibilité" pour les dirigeants du régime militaire de se présenter aux prochaines élections...
L'évènement a eu lieu en présence du chef du régime militaire du Niger, le général Abdourahamane Tiani (photo), qui devra valider cette proposition et a salué un "nouveau départ" pour le pays. Les assises ont réuni du 15 au 19 février 716 participants civils et militaires pour notamment fixer la durée de la transition...
Mamoudou Harouna Djingarey, qui a présidé les assises, a mentionné "la possibilité" pour les "dirigeants des organes" de la transition "de se présenter aux futures élections".
Les conclusions des travaux proposent par ailleurs de conférer le "titre de président de la république" au général de brigade Tiani et de "l’élever au grade de général d’armée" en raison de son "leadership" dans la conquête de "la souveraineté" du Niger, ancienne colonie française. Elles proposent également "une amnistie pour les auteurs du coup d’Etat du 26 juillet 2023" qui a chassé le président civil élu Mohamed Bazoum.
L’ONU APPORTE UN SOUTIEN DE PLUS DE 150 000 DOLLARS AU FESPACO
Le système des Nations Unies au Burkina Faso a annoncé aujourd’hui un appui financier de 98,25 millions de francs CFA (156 400 dollars) à la 29e édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), qui débute samedi.
Le système des Nations Unies au Burkina Faso a annoncé aujourd’hui un appui financier de 98,25 millions de francs CFA (156 400 dollars) à la 29e édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), qui débute samedi.
La contribution des Nations Unies au Fespaco, pour un montant de près de 156 000 dollars, comprend notamment un prix officiel au Palmarès d’une valeur de près de 20 millions de FCFA, a précisé l’organisation dans un communiqué parvenu à APA. Le festival, qui se tiendra du 22 février au 1er mars, a pour thème « Cinémas d’Afrique et identités culturelles ».
« Le FESPACO est bien plus qu’un festival de cinéma : c’est une vitrine exceptionnelle du talent africain et un puissant vecteur de transformation sociale », a souligné Carol Flore-Smereczniack, Coordonnatrice Résidente du Système des Nations Unies au Burkina Faso et Coordonnatrice humanitaire.
Cette édition, qui a pour invité d’honneur le Tchad représenté par son président, le maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, arrivé à Ouagadougou vendredi, mettra l’accent sur le rôle du cinéma dans la valorisation des identités africaines, la promotion du dialogue interculturel et le renforcement de la cohésion sociale. Un thème qui, selon l’ONU, « résonne avec les valeurs fondamentales des Nations Unies, en particulier la promotion de la diversité culturelle, le respect des droits humains et l’importance du vivre-ensemble ».
Pour la Coordonnatrice Résidente, le FESPACO 2025 représente une « opportunité unique » de valoriser le potentiel du cinéma africain et son rôle dans la préservation des identités culturelles du continent.
Un tract, parmi d’autres aussi immondes rédigés en français ou en langues nationales, circule au Burkina Faso et dont voici le texte transcrit à la lettre : «Opération 0 peulhs activé. Aucun peulh ne doit survivre. C’est eux les terro. Ouvrez l’œil».
On ne prêterait pas une grande attention à un tel pamphlet, si ignoble soit-il, si l’histoire récente ne nous avait pas appris, en restant dans le cadre africain, que c’était ainsi qu’avait commencé, il y a un peu plus de trente ans, une tragédie qui allait aboutir à l’extermination, souvent à la machette, d’un million de personnes, hommes femmes et enfants, dont le seul tort était d’appartenir à un « groupe ethnique » créé ex nihilo par la colonisation belge.
On lui aurait donné moins d’importance s’il n’était pas l’œuvre d’activistes ou de mouvements qui se réclament de la junte militaire qui gouverne le Burkina Faso et s’il n’était pas diffusé via les réseaux sociaux, devenus la première source d’information dans nos pays, dont on sait pertinemment, qu’ils sont sous le contrôle de l’Etat, surtout dans un pays où la plupart des libertés ont été suspendues…
C’est une tendance générale qui fait que, depuis quelques années, prospèrent dans le monde, des mouvements qui souvent à visages découverts, désignent les brebis galeuses, les boucs émissaires sur lesquels ils font porter tous leurs malheurs. En Europe et en Amérique du Nord leurs cibles principales ce sont les immigrés, les Noirs ou les Musulmans et leurs soupçons portent même sur ceux qui ont perdu toute attache avec leur pays d’origine, ou plutôt celui de leurs parents, et qu’on a pris l’habitude de désigner par l’affreux terme de « non souchiens ».
Sans soulever l’indignation de ce que l’on appelle « la communauté internationale », Donald Trump a pu ainsi interdire ou restreindre, l’accès du territoire américain aux ressortissants des pays musulmans, ce qui constitue une discrimination injustifiable. Son homme en Europe, Viktor Orban, a exprimé sans détours son opposition à toute immigration non européenne, au nom de la « pureté » de la « race » hongroise, tandis qu’ en Italie comme en Allemagne ou en France … les tenants de la « ré-émigration » occupent les médias…Dans tous ces pays on ne parle encore que d’exclusion, mais un jour viendra où à la chasse à l’étranger y sera considérée comme une opération de salut public. La différence entre ce qui se passe dans ces pays et ce que nous vivons c’est que chez eux, l’ennemi c’est l’étranger, alors que dans certains pays africains il est à l’intérieur même des frontières, c’est notre voisin, celui avec lequel nous avons conclu, après l’indépendance, le pacte du « commun vouloir de vie commune ».
A cette différence, s’ajoute une autre : au Nord, ce genre d’incident est généralement rapporté par la presse, ce qui oblige les gouvernants à procéder à des sanctions, alors que dans nos pays, c’est un thème tabou, ignoré par les autorités politiques et même religieuses. C’est un peu comme si nous avions honte de notre diversité ethnique ou culturelle, alors que nos Etats sont tous des créations artificielles et que les frontières héritées de la colonisation déchirent les peuples et les cultures !
Nous devons nous inquiéter de la stigmatisation d’une composante nationale, souvent la même, au Burkina Faso ou au Mali notamment, parce qu’elle obéit aux mêmes ressorts que celle qui sévit dans les pays du Nord. Lorsqu’un Maghrébin commet un crime ou un délit dans un pays comme la France, même s’il y est né, c’est toute la composante maghrébine de l’Hexagone, qui compte plusieurs millions de personnes, qui est stigmatisée ou qui est sommée de se justifier. Mohamed Merah rend tous les « Arabes » mauvais, alors que Zinedine Zidane ne les rend pas parfaits ! Un Français dont les parents sont originaires d’Algérie a avoué, à sa grande honte, qu’à chaque fois qu’un crime monstrueux est commis en France, il pense non pas à la victime mais au coupable, en priant qu’il ne soit pas Maghrébin.
Au Mali et au Burkina Faso, il a suffi qu’un des chefs des djihadistes soit connu comme un peul et prêche dans sa langue pour que les millions de personnes qui s’expriment dans cette langue fassent l’objet de suspicions, soient mis à l’index et que des centaines, peut-être des milliers d’entre eux, soient exécutés par des groupements d’autodéfense, voire par l’armée nationale ! Amadou Koufa qui s’est arrogé le titre « d’émir » de la katiba Macina, ancien membre de Ansar Dine et désormais affidé au GSIM, est certes djihadiste et peul, mais les thèmes principaux de ses prêches sont la « réislamisation » du pays, par la création d’une République islamique, et non la mise en place d’un état peul, et la nécessité d’une une « révolution sociale », telle qu’il l’entend. Ses cibles préférées ce sont les « aristocrates », les familles maraboutiques, l’armée et les forces étrangères, qu’elles soient françaises ou russes. Ce qu’il fait, ce qu’il dit, quelle que soit leur monstruosité, n’engage que lui, et pas ceux qui, par peur de représailles ou parce que l’Etat n’assure pas leur défense, obéissent à son diktat Je me souviens d’un conte de mon enfance qui disait que le malheur s’en vient en balançant sa queue dans tous les sens et que personne n’était à l’abri de ses coups. Ce qui se passe chez nos voisins nous concerne parce qu’il leur fait courir le risque d’une guerre civile, qui est la pire des guerres et la plus contagieuse, à l’image du massacre perpétré le 23 mars 2019 dans le village peul de Ogossagou, au Mali, qui a fait plus de 150 victimes, exécutées par leurs voisins aux cotés desquels elles vivaient depuis des siècles. Ce n’était pas le premier et les peuls n’étaient pas les seules victimes de ces règlements de comptes, mais c’était alors le massacre de populations civiles le plus meurtrier depuis le déclenchement de la guerre du Mali en 2012. Avec la prolifération de fake news et l’avènement de l’Intelligence Artificielle, qui peut faire dire et faire ce qu’on veut, ce genre de crimes pourrait devenir un fléau national.
Méfions-nous des signes avant-coureurs de ces dérives, comme les paroles de ce ministre qui conteste l’identité nationale de Tidjane Thiam, petit neveu du premier président de la Cote d’Ivoire et dont deux frères ont été ministres de cette République, sur la seule base de son patronyme, oubliant par la même occasion que le débat sur « l’ivoirité » avait conduit son pays au bord du gouffre. Méfions-nous de ce politicien sénégalais qui, aux dernières élections législatives, avait bâti toute sa campagne sur le rejet de l’étranger. Et il a été élu, ce qui n’a rien d’étonnant, car avec Donald Trump nous avons appris que quelquefois, en politique, la c.… ça marche !
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VASTE RÉFORME ADMINISTRATIVE ANNONCÉE POUR JUIN
Fini les berlines de luxe. Sonko a annoncé ce vendredi une centralisation des achats publics et une fusion massive des agences d'État. Un audit complet de la fonction publique sera réalisé d'ici avril, suivi d'une révision des grilles salariales
Lors de la séance de questions-réponses à l'Assemblée nationale ce vendredi 21 février 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko a dévoilé un plan ambitieux de restructuration de l'administration sénégalaise. Au cœur de cette réforme : la fusion des agences aux missions similaires et une rationalisation drastique des dépenses publiques.
D'ici juin 2025, plusieurs entités seront fusionnées, notamment dans les secteurs de la microfinance, des énergies renouvelables et de la formation professionnelle. Le chef du gouvernement a notamment annoncé le regroupement du Fonds d'impulsion de la microfinance, du Fonds national de la microfinance et du Fonds d'appui à l'économie sociale et solidaire.
Dans le cadre de la maîtrise des dépenses de personnel, un audit complet de la fonction publique sera réalisé avant fin avril 2025. Une interface numérique entre les systèmes de paie et de budget sera déployée pour assurer un suivi en temps réel des dépenses de personnel.
Le plan prévoit également un gel des recrutements dans la fonction publique, à l'exception des secteurs jugés prioritaires : santé, éducation, défense et sécurité. Les nouvelles embauches dans le secteur parapublic seront désormais soumises à l'autorisation directe du Premier ministre.
Pour réduire le train de vie de l'État, la centralisation des achats publics sera systématisée, touchant particulièrement la flotte de véhicules administratifs, dont le standing sera revu à la baisse. Le Premier ministre a souligné que ces mesures s'accompagneront de dispositions pour préserver les intérêts des travailleurs concernés par ces restructurations.
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SONKO RIPOSTE AUX ATTAQUES DE THIERNO ALASSANE SALL
Au cœur du débat, le budget 2025, voté le 28 décembre dernier sans débat, et l'annonce récente d'un "pacte national de stabilité". La réponse du Premier ministre a été cinglante, rappelant à son opposant son passé au sein du régime précédent
Ce vendredi 21 février 2025, lors de la séance de questions-réponses à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Ousmane Sonko a dû répondre aux interpellations de l'opposition, notamment de Thierno Alassane Sall, sur la gestion des finances publiques.
Au cœur du débat, le budget 2025, voté le 28 décembre dernier sans débat, et l'annonce récente d'un "pacte national de stabilité". Face aux accusations de mauvaise gestion et d'aggravation du déficit budgétaire, le Premier ministre a défendu la stratégie gouvernementale, car le budget initial était volontairement "à minima" en raison des contraintes temporelles liées à l'installation du nouveau gouvernement.
Le chef du gouvernement a annoncé une prochaine loi de finances rectificative, rejetant fermement le terme d'austérité employé par le député de l'opposition. Il a insisté sur la volonté de son administration de rationaliser les dépenses publiques tout en maintenant les investissements et la croissance économique.
Concernant la restructuration de l'État, le Premier ministre a révélé une réduction significative du nombre d'agences et de postes de direction. Il a souligné que cette décision, bien que difficile politiquement, était nécessaire pour aligner l'administration avec la "Vision 2050" du gouvernement.
LE SÉNÉGAL EXCLUT TOUTE RESTRUCTURATION
Malgré une dette record, le ministre des Finances assure que le pays est solide. Les marchés applaudissent, les obligations grimpent. C'est un pari audacieux pour un pays qui doit déjà composer avec la suspension d'un important programme du FMI
(SenePlus) - Le Sénégal a fermement exclu toute restructuration de sa dette, une annonce qui a immédiatement rassuré les investisseurs internationaux et propulsé les obligations du pays parmi les meilleures performances des marchés émergents cette semaine. Cette décision, confirmée par le ministre des Finances, Cheikh Diba, lors d’un appel avec des investisseurs jeudi, a été saluée par les marchés, entraînant une hausse significative des obligations libellées en dollars du Sénégal, selon des données compilées par Bloomberg.
« Le gouvernement vise à procéder à des opérations de gestion des passifs pour continuer à honorer ses échéances de dette », a déclaré Diba, selon des sources proches du dossier citées par le journal américain. Ces sources, qui ont requis l’anonymat en raison du caractère privé de la réunion, ont également indiqué que le Sénégal ne fait face à aucune pression de liquidité immédiate.
La réaction des marchés a été rapide et positive. L’obligation sénégalaise arrivant à échéance en 2048 a grimpé de 1,6 centime pour atteindre 69,8 cents sur le dollar vendredi, après une hausse de 1,1 centime la veille. Cette performance place le Sénégal en tête des gains parmi les pays émergents, selon Bloomberg.
Cette dynamique intervient dans un contexte où la Cour des comptes a récemment confirmé que la dette publique et le déficit budgétaire national sont nettement plus élevés que précédemment annoncé. Selon ce rapport, la dette a atteint près de 100 % du PIB en 2023, un niveau qui aurait pu justifier des craintes de restructuration.
Malgré ces chiffres préoccupants, le ministre Diba a tenu à rassurer les investisseurs sur la capacité du pays à gérer sa dette sans recourir à une restructuration. « Le gouvernement n’envisage pas de restructuration de la dette », a-t-il affirmé, selon les sources de Bloomberg. Il a également évoqué des options de financement alternatives en cas de retard dans la mise en place d’un nouveau programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Parmi ces options figurent l’émission de sukuk (obligations conformes à la charia) et des prêts garantis par des banques de développement.
Le Sénégal espère conclure un nouvel accord de financement avec le FMI d’ici juin. Ce programme fait suite à la suspension d’un précédent accord de 1,8 milliard de dollars par l’institution basée à Washington, en raison d’une enquête sur les finances publiques du pays.
Dans un communiqué publié après l’appel, un porte-parole du ministère des Finances a souligné que le gouvernement envisageait des réformes pour « contenir les dépenses publiques courantes dans le secteur de l’énergie » et poursuivre une « gestion active de la dette ». Le ministre Diba a également indiqué aux investisseurs que le gouvernement prévoyait de réformer les subventions énergétiques, tout en veillant à ce que la population puisse supporter ces mesures.
Les déclarations du ministre reflètent une stratégie équilibrée entre la nécessité de réduire les dépenses publiques et celle de protéger les ménages des impacts économiques. « Le gouvernement doit s’assurer que la population puisse supporter la mesure », ont rapporté les sources citées par Bloomberg.
par Makhtar Diouf
CRÉATION D’EMPLOIS, PROMESSES, INVECTIVES ET RÉALITÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Sous le régime précédent, la manière dont certains emplois étaient créés est à proscrire. Le problème de l’emploi ne doit pas être du domaine de la politique politicienne
Toute fille de joie en séchant devient prude. Victor Hugo faisait tenir ce propos à un personnage de sa pièce de théâtre ‘’Ruy Blas’’. Un propos qui sied bien à la nouvelle opposition avec ses invectives, entre autres, sur les promesses de créations d’emplois non tenues par le nouveau régime en place depuis moins d’un an. Comme s’ils avaient été des modèles de pruderie, de vertu dans la gouvernance du pays. Comme s’ils l’avaient laissé en plein emploi. Comme si la création d’emplois allait tout de go.
Sous le régime précédent, la manière dont certains emplois étaient créés est à proscrire et n’est pas à reconduire. Par le clientélisme politique et parental étaient casées de façon pléthorique des personnes sans compétence dans l’Administration, dans les entreprises publiques et dans la multitude d’ambassades et de consulats. Sans égards pour la masse salariale dans le budget de l’Etat et son fonctionnement efficace.
Et, pour quels résultats au niveau de l’emploi ? Sous Macky Sall qui avait présenté l’emploi comme « une surpriorité », le taux de chômage est passé de 10,2% en 2012 à 25% en 2022, alors que ses promesses de création d’emplois étaient de 500 000 en 2012 et 1 000 000 en 2019.
A propos des statistiques de chômage
Le problème de l’emploi ne doit pas être du domaine de la politique politicienne. Il doit être examiné de façon sereine, avec retenue.
Il faut admettre que les taux de chômage publiés dans les pays africains sont surestimés. Beaucoup de personnes en Afrique sont en activité quotidienne dans un secteur informel imposant. Les agences de statistique quelle que soit leur ingéniosité ne sont pas en mesure de les saisir complètement. Les personnes qui y sont à l’œuvre ne sont pas des salariés, mais elles en tirent des revenus qui leur permettent de vivre, ou de survivre. Ce ne sont pas des chômeurs, même si en situation précaire.
Dans les pays industrialisés la catégorie ‘’chômeurs’’ est constituée par des inscrits demandeurs d’emploi salarié, pouvant bénéficier d’allocations chômage sur une durée limitée.
La création d’emplois est le casse-tête de tout régime au pouvoir. A qui incombe-t-il de créer des emplois ?
Le secteur privé face au chômage
Dans nos économies libérales actuelles, on compte beaucoup sur le secteur privé pour créer des emplois.
Mais un opérateur économique qui investit son argent dans une affaire ne le fait jamais avec l’objectif de créer des emplois. Il investit pour faire des bénéfices. La création d’emplois est une simple résultante de son activité, mais pas son objectif. Il embauche du personnel, donc crée des emplois, mais uniquement dans la limite de ses besoins, sans se soucier du niveau du chômage.
Quant à l’Etat libéral, il estime que son activité ne doit pas sortir du cadre de fourniture de biens collectifs (administration générale, sécurité, justice, éducation, santé …). A ce niveau, ses besoins en personnel sont limités (pas plus de 5 pour cent de la population active). Ce qui laisse entier le problème du chômage.
Economies libérales face au chômage
Il n’est pas superflu de rappeler comment des pays industrialisés sont confrontés au chômage.
Lorsqu’en 1976 le président français Giscard d’Estaing nomme le professeur d’Economie Raymond Barre Premier ministre et cumulativement ministre de l’Economie et des Finances, c’est parce qu’il voit en lui le premier économiste de France, capable de venir à bout du chômage. Acculé sur ce problème qu’il ne peut résoudre, Barre énervé s’exclame un jour face à des journalistes : Que voulez-vous que je fasse ? Que je recrée les ateliers nationaux ?
Dans la France du 19ème siècle, l’Etat au nom du principe du droit au travail, avait créé des ateliers nationaux pour donner du travail à des ouvriers et artisans chômeurs. Mais devant l’impossibilité de satisfaire les plus de 100 000 demandeurs d’emploi, l’Etat ferme les ateliers nationaux qui n’ont duré que quatre mois de l'année 1848.
Le 24 octobre 2012 le magazine français ''Le Point'' publie un article avec ce titre percutant : Le chômage un drame français. La conjoncture de l'époque est marquée par la présence de plus de 3 millions de demandeurs d'emploi.
François Hollande élu président en 2016 promet de faire baisser la courbe du chômage. Pour cela, en lieu d’exonérations d’impôts, il prend une mesure inédite : attribuer des subventions aux entreprises qui s’engagent à créer des emplois. Mais la mesure n’a aucun impact sur le chômage. Conscient de son impopularité, il renonce à se présenter pour un second mandat.
Le problème de l’emploi est tellement lancinant dans ce pays que des institutions sont créées et se suivent sans résultats : ‘’Agence nationale pour l’Emploi’’, ‘’Association pour l’Emploi dans le commerce et l’industrie’’, ‘’Pôle Emploi’’, et depuis 2024 ‘’France Emploi’’.
Le plein emploi n’a jusqu’ici été réalisé que dans les économies socialistes de type soviétique. Les entreprises étant publiques, l’Etat n’étant pas motivé par le profit, un travail pouvant être effectué par deux personnes était confié à quatre ou cinq personnes. Il en résultait une faible productivité par tête, mais tout le monde était au travail. Cette pratique était dénoncée dans les pays occidentaux comme du ‘’chômage déguisé’’.
A l’opposé sévit le ‘’burn out’’ (épuisement professionnel), phénomène physico-psychologique qui affecte le travailleur accablé de surcharge de travail, occupant seul un poste conçu pour trois travailleurs, avec son lot de dépressions allant jusqu’au suicide (cas de ‘’France Télécom’’). Cette pratique de certains employeurs soucieux de comprimer leur masse salariale ne contribue pas à la création d’emplois.
En prenant les données du taux de chômage dans des pays industrialisés, selon l’OCDE pour l’année 2023, la moyenne du taux de chômage est de l’ordre de 4%, d’un peu plus de 7% en France et en Italie.
Dans certains de ces pays, avec les millions de morts et de blessés graves de la seconde guerre mondiale qui étaient des travailleurs, dans la période 1950-1970 le chômage n’était pas à l’ordre du jour. La guerre avait réglé le problème.
L’émigration clandestine, une solution au chômage ?
Au Sénégal, comme dans d'autres pays africains, depuis plus d'une trentaine d’années, des jeunes se déclarant dans l’impossibilité de trouver du travail prennent l’aventure de l’émigration dans des embarcations de fortune avec les drames qui s’en suivent. Il est dit que des parents les y encouragent pour ne pas être la risée du voisinage avec des enfants sans avenir face à leurs amis qui ont réussi à l’extérieur. Une seule question qu’ils ne se posent pas est : Qu’est-ce qu’ils vont y faire ? Comme si, arrivés quelque part en Europe ou en Amérique, ces néo-émigrés seront reçus par des comités d’accueil avec des ahlan wa sahlan (Soyez les bienvenus !). Nonobstant le racisme, ces pays de destination, s’ils y arrivent, sont aussi affectés par le chômage.
Au Sénégal, ce dont on ne parle jamais, ce sont ces jeunes qui sont partis et qui ne sont pas revenus. Même s’ils trouvent là-bas du travail de fortune, leurs salaires de survie ne leur permettent pas de venir pour des vacances au pays, sans compter le risque de ne pouvoir retourner faute de visa. Ils sont dans l’impossibilité d’envoyer de l’argent à leurs parents ou de rentrer définitivement.
Il m’est arrivé d’en rencontrer quelques-uns à New York dans les années 1990, me racontant leur calvaire et leur regret d’avoir tenté cette aventure. Ils sont logés par des marchands de sommeil dans des sortes de dortoirs où le nombre de lits est limité. Un même lit est partagé par deux ; lorsque celui qui travaille de jour arrive, son compagnon qui lui travaille de nuit se lève pour lui céder la place. C’est cela l’Eldorado rêvé, le ‘’american dream’’ ? Le ‘’rêve américain’’ tant vanté en a laissé plus d’un sur la touche. Deux d’entre eux qui avaient effectué des études de sciences économiques à l’Ucad, mais sans succès, m’étant les plus familiers, me racontaient leur situation. C’est par pudeur que leurs parents disaient qu’ils allaient bien, alors qu’ils ne recevaient d’eux aucune nouvelle, surtout en cette période où la téléphonie mobile n’existait pas.
Ces jeunes sénégalais rencontrés aux Etats-Unis n’étaient sûrement pas plus mal lotis que les autres émigrés en Europe. Lorsque l’un d’eux réussit, combien sont-ils ceux qui sont partis et qui ne sont pas revenus, devenus clochards, envoyés dans des asiles de vieillards, morts enterrés comment ?
Un facteur non négligeable de l’émigration clandestine est le désir d’aventure, le rêve d’Eldorado. Tous ces candidats aux pirogues ne sont pas des chômeurs : comme ce tailleur refoulé qui déclare qu’il gagnait bien sa vie, cet étudiant en 3ème année de Droit à l’Ucad.
L’émigration clandestine n’est pas la solution au chômage. La réussite des Sénégalais de la Diaspora peut être un appel d’air pour les jeunes qui ne rêvent que de partir. C’est oublier que les Sénégalais de la Diaspora, en dehors des quelques ‘’self made’’(ceux qui se sont faits seuls) sont des cadres de haut niveau formés là- bas dans des universités et dans des écoles d’enseignement technique. Ils gagnent bien leur vie, les uns comme salariés dans de grandes entreprises, les autres comme gestionnaires de leurs propres affaires avec réussite.
Emigration dite circulaire ou concertée
Le Sénégal s’est investi très tôt dans l’émigration circulaire de concertation avec des gouvernements
étrangers. Dans les années 1960 des Sénégalais du Fouta et de Tambacounda étaient envoyés à Paris dans des travaux d’éboueurs. Le voyage par avion leur était offert. Des étudiants sénégalais leur donnaient des cours d’alphabétisation.
Le Sénégal était aussi en coopération avec des pays africains comme le Gabon et le Tchad pour y envoyer des travailleurs (enseignants du secondaire, ouvriers qualifiés du bâtiment …). Une expertise intellectuelle et ouvrière très appréciée. La pratique a été poursuivie sous le régime de Wade.
Lorsque l’actuel ministre du travail informe d’une coopération entre le Sénégal, le Qatar et l’Espagne pour envoyer dans ces pays des jeunes en quête d’emploi, c’est le tollé de critiques de la part de la nouvelle opposition et même d’intellectuels de bonne foi, y voyant une forme de servitude et même d’esclavage pratiquée par un régime qui se réclame du souverainisme. Pour ce qui est du Qatar, cela peut susciter des inquiétudes, compte tenu des informations sur les traitements inhumains infligés aux travailleurs étrangers qui y ont été pour construire les infrastructures sportives de la Coupe du monde de football et des Jeux olympiques. Les familles sénégalaises tentées d’y envoyer leurs filles ont intérêt à y réfléchir au moins deux fois.
Les jeunes sénégalais qui rêvent d’Espagne y sont attendus dans les plantations d’olive. Le Maroc, le pays africain le plus proche de l’Espagne y envoie depuis longtemps ses ressortissants pour le même travail. En France, les viticulteurs avaient recours aux étudiants pour les vendanges (cueillette des raisins) pendant les grandes vacances, logés, nourris et rémunérés. Un travail qui n’a rien de dégradant. D’autant plus que pour ces Sénégalais pour l’Espagne, il ne peut s’agir que de contrats à durée très déterminée. Ce n’est qu’un palliatif, un expédient qui ne peut résoudre le problème du chômage dans le moyen terme. Mais il peut décourager de la mortelle émigration clandestine, en attendant que ce nouveau régime mette en chantier des projets créateurs d’emplois à durée indéterminée. Sans perdre de vue que pour certains de ces candidats l’Espagne est la voie royale pour accéder à d’autres pays européens.
Le Sénégal, de la seconde moitié du 19ème siècle à 1958 a eu recours à des dizaines de milliers de migrants saisonniers venant de Guinée, Soudan (Mali), Haute Volta(Burkina) pour le travail de l’arachide, appelés navétanes. Le journaliste Philippe David leur avait consacré un ouvrage Les Navétanes. Histoire des migrants saisonniers de l'arachide en Sénégambie, des origines à nos jours, 1980, Neas, préfacé par le président Senghor.
Cela dit, la migration clandestine ou légale ne doit pas priver un pays de sa main-d’œuvre qui est son potentiel de développement. Le travail est le premier facteur de production, donc de développement. C’est le capital humain qui produit le capital-machine et non l’inverse. Le père de la science économique l’Ecossais Adam Smith dans ‘’La Richesse des nations’’,1776, disait que le travail est le fonds primitif qui constitue la richesse des nations.
De grands économistes face au chômage
Le chômage a été une préoccupation majeure pour tous les grands économistes.
L'ouvrage économique le plus célèbre depuis le 20ème siècle est celui de l'Anglais John M. Keynes Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie,1936. Tout l’ouvrage porte sur la manière de porter haut le niveau de l’emploi.
Un autre économiste anglais William Beveridge dans Le plein emploi dans une société de liberté, 1944, estime qu’on peut considérer l’économie en plein emploi lorsque le taux de chômage est de 3 pour cent de la population active.
C’est à l’ultralibéral économiste américain Milton Friedman que la littérature économique doit le terme « taux naturel de chômage » : un taux de chômage incompressible qui selon lui, accompagne l’évolution économique. Aucune mesure de politique monétaire ou budgétaire, dit-il, ne peut l’enrayer. C’est l’aveu qu’une économie de type libéral ne peut créer le plein emploi. Le chômage est considéré comme un phénomène naturel, structurel, avec en plus sa composante conjoncturelle.
L’emploi porté par la fabrication de matériel de guerre
A la Faculté de Droit de Paris, un ‘’visiting professor’’ américain Carl Shoup, dans son cours « Economie publique » disait que l’économie américaine a toujours été et est encore une économie de guerre : Entre 1947 et 1953, les dépenses de guerre ont constitué 80 pour cent des dépenses dans le budget fédéral.
Le professeur C. Shoup ne manquait pas de souligner le paradoxe de la libre entreprise dans une économie de guerre : le système de la libre entreprise du monde occidental n'a jamais été conçu pour fonctionner dans une économie de guerre et pourtant, tout bien considéré, il a remarquablement fonctionné dans un tel système.
Aux Etats-Unis comme dans beaucoup de pays occidentaux, l’emploi est soutenu par la fabrication d’armes. Seules quelques grandes firmes fabriquent le matériel de guerre, mais elles font travailler en sous-traitance des centaines de petites et moyennes entreprises qui sont de grandes niches d’emplois. Les armes à feu légères (fusils, pistolets, revolvers) sont utilisées par les chasseurs, les pêcheurs, les malfaiteurs, mais aussi pour l’autodéfense, comme aux Etats-Unis où la Constitution les autorise aux citoyens. La firme Boeing fabrique des avions, tout en étant une des plus grandes entreprises de matériel de guerre.
Il est établi que les usines d’armes dans ce pays sont au nombre de 602 en 2024, toutes grandes pourvoyeuses d’emplois.
Ce qui permet de comprendre que quand il ne fait pas la guerre (contre de petits pays), le gouvernement américain suscite des guerres ailleurs pour régler le problème de l’emploi (très sensible dans l’opinion) par des exportations massives de sa quincaillerie guerrière. L’argument est arms equals jobs (les armes sont comme les emplois). Selon ‘’ US Labor of Statistics’’, Jo Biden durant son mandat 2020-2024 pour embellir son bilan par la création d’emplois, avait misé sur les exportations d’armes vers l’Ukraine, Israël, l’Arabie Saoudite militairement engagée au Yémen.
La création d’emplois est ainsi devenu un problème de géopolitique.
Des niches d’emplois à exploiter au Sénégal
Au Sénégal comme dans d’autres pays d’Afrique, on n’en n’est pas dans la fabrication d’armes pour créer des emplois. Mais il existe des niches substantielles d’emplois non exploitées. L’accès à ces niches d’emplois est obstrué par les importations massives d’articles qui peuvent et devraient être fabriqués sur place. Ces importations sont des générateurs importants de chômage.
L’industrie est le secteur qui crée le plus grand nombre d’emplois. En attendant, sous peu, espérons- le, les grandes unités industrielles à partir de l’acier (la matière première et l’énergie sont là), on peut s’appuyer sur une combinaison de l’artisanat comme proto-industrie et de petites unités industrielles.
Les peaux de mouton (surtout après la tabaski), de chèvres, de bovidés peuvent être traitées sur place pour servir de matière première aux fabricants de meubles de salon, à des cordonniers pour fabriquer les chaussures des corps militaires et paramilitaires, des ballons de sport collectif (foot, basket, … etc.). Ces tenues militaires, les toges des magistrats, des avocats, des universitaires, les blouses du personnel médical peuvent être confectionnées sur place par des tailleurs locaux avec des tissus du pays et des tissus importés dans un premier temps comme matière première.
Les outils de travail des ouvriers du bâtiment tels que truelles, marteaux, pinces, tournevis, scies, rabots, interrupteurs, prises électriques, ampoules d’éclairage …etc. peuvent être fabriqués ici. Il suffit de faire le recensement des articles vendus dans les nombreuses quincailleries du pays pour se rendre compte de ce qui est à faire pour créer des milliers d’emplois. Le petit électroménager (ventilateurs, fers à repasser ...etc.) peut être lancé en attendant la fabrication de réfrigérateurs, de climatiseurs. Et bien entendu, rendre la mer à leurs ayants droit, les pêcheurs locaux, en écartant les bateaux étrangers tout en veillant à ce qu’ils ne reviennent sous pavillons sénégalais avec des complicités locales.
Les produits alimentaires importés en des montants exorbitants créent des emplois dans leurs pays d’origine, mais pas ici. L’Institut de Technologie Alimentaire créé en 1963 met au point des prototypes de produits alimentaires performants, mais la fabrication en séries ne suit pas, pendant que les importations continuent.
Une bonne promotion de l’élevage peut contribuer à satisfaire la demande de lait, un lait pur et sain, en lieu et place de ces laits en poudre à ingrédients douteux.
Dans beaucoup de secteurs industriels, l’Etat devrait se faire Etat-patron, c’est-à-dire y investir dans un premier temps, quitte à se désengager par la suite pour laisser l’exploitation à des opérateurs privés. Il faut se départir du slogan ‘’moins d’Etat, mieux d’Etat’’ de la Banque mondiale et du Fmi, pour maintenir nos gouvernements à l’écart de l’activité économique. Les entreprises publiques sont plus nombreuses dans les pays occidentaux que dans les pays africains.
Au Sénégal du temps de Wade, on s’était trouvé devant cette situation cocasse lors de son projet de privatiser la Senelec par l’entreprise canadienne Hydro-Québec, une des plus grandes entreprisses d’électricité au monde. Mais Hydro-Québec est à 100 pour cent de capitaux publics et fonctionne actuellement avec près de 20 000 employés permanents. Une entreprise publique appelée à ‘’privatiser’’ une entreprise publique ! On en avait ri.
La promotion de l’Etat-patron ne relève pas de l’idéologie, mais du pragmatisme. L’industrie est l’épine dorsale de toute économie. Sans oublier l’agriculture qui bien aménagée permettra de créer des milliers d’emplois tout en réduisant les importations alimentaires.
Bien entendu dans toutes ces branches d'activité, les travailleurs devront se bonifier avec une bonne formation technique et opérer avec des équipements adéquats.
A côté de l’Etat, les collectivités locales peuvent créer de nombreux emplois par la construction de pavés et le pavage des rues dans les villes et dans les zones rurales. Ce n’est pas seulement avec le goudron, cher, polluant et peut créateur d’emplois qu’on peut aménager des routes praticables. Des pays africains (Ghana, Guinée) sont en avance dans l’activité des pavés fabriqués avec les débris de bâtiments démolis et des matières plastiques.
Nos pays sont couchés sur des matelas d’emplois potentiels non exploités. Même si le chômage n’est pas éliminé, il peut être circonscrit. Parce que le chômage, tout comme l’inflation, ne peut être éliminé dans aucune économie de type libéral. Ce sont aussi les deux plus grands problèmes qui se posent à la science économique.
MANIPULATIONS
L'ivoirité, concept mal compris et souvent attribué à tort au président Bédié, trouve ses origines dans une vision universaliste portée par Senghor. Sa transformation en outil politique dans les années 1990 a trahi l'intention de ses créateurs
Qu’est-ce qu’un Ivoirien ? Comme l’on dit qu’est-ce qu’un homme ; qu’est-ce qu’une femme ? La réponse, on la devine vise à pouvoir identifier, donc à différencier. S’inscrivant dans une mobilité, une histoire en train de se faire, l’être humain est difficile à enfermer dans une détermination. Il est une ouverture des possibles et donc l’expression d’un parcours qui en prenant fin avec la mort arrive ainsi à « transformer la vie en destin ».
C’est cela toute la beauté et la singularité de notre humanité. Alors qu’est-ce que le concept d’Ivoirité. A l’origine, nous dit Thiémélé Ransès Boa, Maître de conférences de philosophie, Université de Cocody. Abidjan, il représentait « l’ensemble des valeurs que l’Ivoirien apportait à la construction à l’africanité » (In les Etats-nations face à l’Intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Le cas de la Côte d’Ivoire. Editions Karthala. Paris 2009).
Il s’agissait donc selon Thiémélé Ransès Boa, « de créer une personnalité ivoirienne contribuant de façon authentique à l’enrichissement de l’Afrique et du monde ». Mais très rapidement, sous l’impulsion des manipulations politiciennes, il n’a plus été question d’une restriction de la perspective pour la poser comme « le fondement d’une conscience nationale » (ibid). Ce qui bien sûr, « crée un micro nationalisme opposé à la construction de la conscience panafricaine ». Initialement proposé comme un cadre culturel et fédérateur, il est devenu un concept qui divise plus qu’il ne rassemble. Pour Ramsès Boa, « il y a une injustice intellectuelle qui devra être réparée à l’égard des fondateurs réels du concept, (Niangoran Porquet et Pierre Niava) et aussi à l’égard du lieu (la sphère culturelle) et de l’époque (1974) de la création du concept ».
Au début était Senghor
Ivoirité, le concept surgit dans les années 1970. Il sera prononcé pour la première fois en Côte d’Ivoire par la bouche de Léopold Sédar Sénghor, Président du Sénégal, au cours d’une leçon inaugurale prononcée en décembre 1971 dans le cadre de sa première visite officielle en Côte d’Ivoire. « Comme une participation au banquet de l’Universel, Senghor, ardent théoricien et défenseur de la Négritude avait mis en parallèle à la Francité, la Sénégalité, l’Ivoirité et l’Arabité » (In Mémorandum du Front Populaire Ivoirien présenté à la Table Ronde de Linas Marcoussis qui s’est tenue du 15 au 24 janvier 2003). Et il apparait pour la première fois sous une plume ivoirienne par Pierre Niava au « sujet de l’œuvre et du projet d’un jeune intellectuel, Niangoran Porquet ».
Pour Senghor, il s’agissait bien sûr de rencontre, de métissage, de vivre-ensemble. En un mot de l’Universel. La date de naissance du concept d’ivoirité n’est donc pas imputable au président Henri Konan Bédié. Du reste pour Niava, il s’agissait de la part ivoirienne à la construction culturelle de l’unité africaine. Il s’agissait surtout de ne pas venir les mains vides, mais bien pleines, à la rencontre de la Négritude de Senghor, du mouvement High Life ghanaéen, de la Renaissance culturelle impulsée à travers le flamboyant et mythique Bembeya Jazz de Guinée de Sékou Touré
Et cela n’avait pas soulevé des vagues, car le contexte de l’époque était si l’on ose dire, à des identités bienveillantes, à savoir l’expression d’une spécificité constitutive de la construction d’une universalité qui se nourrit des spécificités bien différentes en cela de celle qui se pose comme la référence impériale. En fait, et dans la compréhension de l’époque, il était question de favoriser « l’identité culturelle comme facteur de développement ».
Démagogie mortifère
Niangoran Porquet, théoricien de l’Ivoirité culturelle meurt en 1995, année où fleurit une nouvelle problématique de l’ivoirité. Ainsi le président et candidat Henri Konan Bédié écrivait-il en 1995 : « Ce que nous poursuivons, c’est bien évidemment l’affirmation de notre personnalité culturelle, l’épanouissement de l’homme ivoirien dans ce qui fait sa spécificité, ce que l’on peut appeler son ivoirité ». ibid Dans son ouvrage « Les chemins de ma vie » publié en 1999, il indiquait que « l’ivoirité concerne en premier les peuples enracinés en Côte d’Ivoire mais aussi ceux qui y vivent en partageant nos valeurs ». Boa souligne que la « version politique de l’ivoirité a eu lieu dans un contexte particulièrement idéologique, voire démagogique » et qui s’est donné notamment à travers les débats relatifs aux élections de 1995, puis ceux liés à l’entrée de Alassane Dramane Ouattara en politique où il a été en effet question de ses origines, de sa nationalité.
Par Vieux SAVANE
A-T-IL OUBLIÉ QU’IL S’APPELLE OUATTARA
Célestin SereyDoh, triste ministre délégué auprès du ministre chargé des Affaires maritimes de Côte d’Ivoire, a-t-il oublié que son patron s’appelle Ouattara et qu’il a été victime dans un passé récent d’une marginalisation
Célestin Serey Doh, triste ministre délégué auprès du ministre chargé des Affaires maritimes de Côte d’Ivoire, a-t-il oublié que son patron s’appelle Ouattara et qu’il a été victime dans un passé récent d’une marginalisation qui cherchait à l’enfermer dans l’univers infamant de l’allochtonie ?
D’une telle personne, d’un âge certain, en train de boucler son deuxième mandat, on aurait attendu de le voir faire montre de hauteur et graver son nom dans le marbre. Parce que même les rois meurent, emportés par l’inéluctabilité de la finitude humaine, il importe de saisir que notre éternité se dévoile à travers notre œuvre. Penser à la mort, cette expulsion brutale et soudaine de la scène du monde, nous oblige à anticiper et à penser à notre héritage. A l’image de ce testament à l’endroit de notre famille pour que point elle ne se déchire et aide notre âme à pouvoir s’installer dans l’extase et la félicité du repos éternel.
Non point comme Hitler, Idi Ami Dada Bokassa et tutti quanti, mais plutôt comme Sankara, Lumumba , et tant d’autres héros africains dont les noms qui tonnent dans l’imaginaire de beaucoup d’africains se posent comme un éclairci qui aide à ne pas désespérer du continent. Parce qu’ils ont eu à dérouler une ambition véritable pour leur pays, pour l’Afrique.
Du président Alassane Dramane Ouattara, il est donc attendu qu’il pense à la génération qui vient et qu’il passe le témoin. La Côte d’Ivoire est trop importante pour se faire l’otage du syndrome de l’hubris et des courtisans pétrifiés par leurs intérêts bassement égoïstes.
Poids lourd dans la sous-région, la Côte d’Ivoire impressionne par sa grande résilience. Sortie d’une période difficile qui l’a vue s’enliser avec une violence inouïe dans des troubles post-électoraux, elle force le respect par le travail de reconstitution accompli. Faut-il donc courir le risque de voir tout cela s’effondrer, se fracasser et la replonger dans des scènes d’apocalypse indignes d’elle. Gageons que l’Ivoirité retrouve son sens originel, celui de la « Sénégalité », de la « Francité », de l’ « Arabité » dont parlait Senghor dans sa leçon inaugurale prononcée en 1971 à l’Université de Cocody, en apportant son génie, comme une contribution au banquet de l’Universel qui lui était si cher. A l’image du chocolat, de l’atiéké ivoirien, bien loin de toutes les manipulations qui se structurent finalement autour d’une désastreuse conception du pouvoir, celle de la captation prédatrice au profit de soi, des siens et de la ronde des courtisans. Au détriment de la Côte d’Ivoire, de l’Afrique et du Monde. Parce que nous sommes tous Ivoiriens, le désastre annoncé qui toque aux portes de la Terre d’Eburnie n’est pas pour rassurer.