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26 novembre 2024
Opinions
par Cheikh Omar Diallo
20 CANDIDATS ENTRE FORCES ET POINTS D’AMÉLIORATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Entre candidats menacés de vote-sanction, anciens alliés du président désormais opposants et outsiders, tous espèrent rassembler une base électorale suffisante. Étude technique des profils en lice
Incontestablement, le dernier communiqué de la présidence de la République en date du 16 février 2024 vient confirmer l’intention du président Macky Sall d’organiser le scrutin dans les plus brefs délais [DLPBD]. Très probablement autour de la mi-mars, environ sept millions d’électeurs seront convoqués aux urnes. Conformément à l’article 33 de la Constitution, le scrutin devra tomber sur « un dimanche ». C’est dans ce contexte que Dr Cheikh Omar Diallo, Docteur en Sciences Juridiques et Politiques a publié une étude technique des 20 candidats en lice. Cela vaut le détour.
1. Amadou Ba : L’homme que son propre camp veut abattre
Amadou Ba est un animal blessé. Il faut donc s’en méfier malgré la défiance et la méfiance en son endroit. Porté par une grande mais faible coalition politique, le dernier chef de gouvernement de Macky Sall se trouve dans une position complexe et délicate. Jamais dans l’histoire politique du Sénégal, un Premier ministre n’a été aussi affaibli par son propre camp ; défié par ses ministres ; humilié par les députés de la majorité et sous-estimé par son mentor. L’aventure ambigüe de Macky Sall et des caciques du parti présidentiel (APR) le hissera très difficilement au sommet. Mieux, le risque de vote-sanction est fort élevé dans ses propres rangs.
Pour se révéler définitivement aux Sénégalais, Amadou Ba doit s’émanciper de la tutelle de Macky Sall.
Malgré le bilan matériel avantageux par endroits et les progrès économiques, le Sénégal est toujours en proie à des inégalités tenaces, une pauvreté criarde et des problèmes sociaux brûlants tels que la cherté de la vie, le chômage galopant et l’émigration clandestine. Se positionnant comme le principal acteur du changement dans la continuité, il doit convaincre les couches populaires défavorisées qu’il est à même d’apporter de profondes corrections et d’importants ajustements. Tout un programme !
Équation électorale
L’adoubement timide de Macky Sall et les accusations de corruption de deux membres du conseil constitutionnel constituent un chemin de croix pour lui. Alors comment faire la balance entre l’élargissement de l’électorat et la menace de vote-sanction ? Telle est la problématique de Ba.
Stratégie politique
Elle consiste à s’affranchir de la tutelle Macky Sall pour mieux affirmer sa propre identité politique. Ce qui passe par des propositions concrètes sur des préoccupations nationales telles que la cherté de la vie, le chômage endémique, l’emploi des jeunes et l’émigration clandestine.
Angle de communication
En se libérant des discours classiques et en dé-standardisant son écriture politico-médiatique, Amadou Ba peut espérer conquérir de nouveaux bastions et atténuer le risque de vote-sanction. Son défi communicationnel tient en une phrase : savoir ce que les électeurs veulent entendre et comment ils aimeraient qu’on le dise.
2. Bassirou président, Sonko Premier ministre
À défaut d’être candidat, le champion de l’opposition Ousmane Sonko a servi une masterclass en faisant valider trois candidatures : Bassirou Diomaye Faye le favori, Habib Sy et Cheikh Tidiane Dieye. Un avantage et plusieurs inconvénients. C’est vrai, ils sont perçus comme des hommes intègres et des patriotes. Mieux, leur ligne politique ne souffre d’aucune ambigüité ; elle est axée sur le souverainisme, l'indépendance et la préférence nationale.
Au surplus, le soutien sans équivoque d’Ousmane Sonko à son lieutenant Bassirou Diomaye Faye entrainera la mobilisation des centaines de milliers d’électeurs, constituant ainsi un bassin électoral. Mais, il serait judicieux que les autres candidats fassent profil bas pour éviter l’émiettement des voix. Dans cette élection, une seule voix peut faire la différence.
Équation électorale
Elle repose sur la nécessité pour le prisonnier politique Sonko de rassembler les voix des électeurs partageant les mêmes préoccupations autour de son candidat en détention Bassirou Diomaye Faye. Alors comment faire pour éviter l'émiettement des voix ? Telle est l’équation majeure du masterchef de l’opposition.
Stratégie politique
Les candidats pro-Sonko devraient surligner leur maîtrise des préoccupations de la jeunesse en proposant des solutions innovantes afin de mobiliser une masse critique d'électeurs.
La décision tactique de certains candidats de faire profil bas au profit du candidat officiel sera déterminante. Encore faudrait-il dès le premier tour une union sacrée.
Angle de communication :
L’axe principal sera la libération de Sonko grâce à un bulletin de vote. Ensuite, il faudra gagner la bataille des thèmes cruciaux que sont l'emploi des jeunes, la lutte contre la corruption et le combat pour l’égalité des chances.
Si Bassirou Diomaye Faye est vainqueur, Ousmane Sonko sera le premier ministre le plus puissant d’Afrique et donc le véritable chef de l’Exécutif pendant 5 ans.
3. Idrissa Seck : Dos au mur, face à son destin
Idrissa Seck se distingue par une expérience inégalée des arcanes des campagnes électorales, faisant de lui le seul candidat à détenir un tel record. Malgré les récents défis pour surmonter les obstacles du parrainage, sa détermination et son engagement sont intacts.
Leader charismatique et orateur hors pair, il conserve une éloquence torrentielle. En dépit des controverses sur ses choix politiques déroutants, l'ancien Premier ministre reste un acteur incontournable de la scène politique et porte malheur à ceux qui le négligent. En cas de non-élection, il pourrait être un faiseur de roi au second tour.
Équation électorale
Elle repose sur l'équilibre entre son expérience politique, ses choix controversés et la nécessité de délivrer un discours qui transcende les ambigüités de son passé. Ses tergiversations et ses alliances surprenantes ont pu limiter sa capacité à mobiliser les électeurs lors des précédentes campagnes.
Stratégie politique
Il doit trouver la bonne connexion avec l’électorat jeune. La clé de succès réside dans sa capacité à conjuguer son parcours politique complexe avec une communication inspirante et accessible.
Angle de communication
La construction d'un discours politique accessible qui touche les cœurs et frappe les esprits. En un mot, il devra parler peuple au… peuple.
4. Khalifa Sall : Un faiseur de roi
Dans une campagne électorale aussi incertaine qu'inédite, Khalifa Ababacar Sall se distingue par une riche expérience politique, ayant occupé divers postes au sein de l'exécutif local et national. Ancien maire de Dakar, il a acquis une expertise significative dans la gestion municipale bénéficiant ainsi d'une popularité urbaine. En outre, il a démontré une attention particulière sur des questions sociales et celles du bien-être des citoyens.
Équation électorale
Malgré son crédit indéniable en matière d'expérience locale, il n'a pas encore prouvé son envergure nationale, suscitant des interrogations sur sa véritable capacité électorale.
Sa participation au dialogue politique a pu laisser croire qu’il est en intelligence avec « le système », car ce raout a clairement facilité sa candidature. Ce compromis a fini de l'éloigner de la frange la plus radicale de l'opposition.
Stratégie politique
La stratégie de l’ancien maire de Dakar coordonnée par son directeur de campagne, l’actuel maire de Dakar Barthélémy Dias sera exclusivement axée sur le marketing politique et territorial à travers une plateforme inclusive. Un immense défi… A défaut, il sera le grand faiseur de roi.
Angle de communication
Communiquer de manière transparente sur les bénéfices concrets de sa participation au dialogue politique pour la population. Cela pourrait dans une moindre mesure contribuer à dissiper les suspicions et à établir sa légitimité en tant que candidat capable de transcender les divisions politiques pour le bien du pays.
5. Mahammed Boun Abdallah Dionne : Tout pour être président mais…
Il y a quelques heures, il comptait appeler les 19 autres candidats à boycotter la présidentielle de mars. Il est peu probable qu’il soit entendu. Cela voudrait dire qu’il n’est pas prêt. Or, sa remarquable expérience en tant que chef de gouvernement combinée à sa compréhension approfondie des arcanes de l’Etat, se révèle être un atout crucial pour la gestion du pays. En tant que candidat tourné vers le redressement il doit exposer une vision distincte du Plan Sénégal émergence pour mieux se démarquer de ses concurrents.
Cependant, l'absence d’une base politique clairement définie représente un défi majeur pour Mahammed Dionne en matière de mobilisation électorale. Son revirement par rapport au choix du candidat de Macky Sall, en l'occurrence Amadou Ba, suscite encore des interrogations.
Équation électorale
Les chances de Dionne et de ses principaux soutiens reposent sur l'équilibre entre sa capacité à construire un électorat massif et les défis liés à l'absence de fiefs politiques. Il a tout pour être président mais se trouve sans lieutenants forts capables d’apporter des voix.
Stratégie électorale
Il doit capitaliser son expérience politique sans être catalogué comme un candidat révolté par le choix du chef. Son challenge sera de rendre le second tour irréversible.
Angle de communication L'enjeu réside dans sa capacité à communiquer une vision latérale de l’émergence version Macky-Ba pour capter l'attention des électeurs insatisfaits. Pour cela, il doit projeter une image de leader engagé et déterminé pour un changement profond et profitable à tous.
Vent debout contre Amadou Ba, les autres dissidents [qui se veulent légitimistes] sont l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel maire de Linguère Aly Ngouille Ndiaye, bon connaisseur de la géographie électorale du pays. Il faudra également compter avec le maire de Kolda l’inspecteur des Impôts et Domaines El Hadji Mamadou Diao. Ces deux-là se trouvent textuellement dans la même configuration politique que Mahammed Boun Abdallah Dionne. Au premier tour, ils cultiveront dans le même champ électoral qu’Amadou Ba. Et, logiquement, la grande partie de leur électorat pourrait retourner à la rivière « APR-BBY », en cas de second tour.
6. Boubacar Camara : Le technico-politique
Réformateur respecté, Boubacar Camara bénéficie d'un avantage indéniable, illustrant des compétences professionnelles et techniques pointues et une compréhension approfondie des enjeux économiques et administratifs. En outre, sa capacité à compter facilement les parrainages nécessaires pour valider sa candidature fait de lui un candidat digne d’intérêt.
Équation électorale
Fort de son profil d’homme d’idées, le techno-politique Boubacar Camara devra se servir de cet atout pour gagner la confiance des électeurs. La mobilisation autour de lui indique un soutien initial, mais une équation demeure : comment transformer cette base affective en un électorat massif et diversifié ?
Stratégie de campagne
Sa feuille de route complète englobant des domaines cruciaux tels que l'éducation, la santé, l’économie et la gestion des ressources naturelles, constitue une porte d’entrée pour une campagne axée sur des problématiques-clés. La stratégie devrait se concentrer sur une communication audacieuse de son projet de société, démontrant ainsi sa crédibilité en tant que machine à solutions.
Angle de communication
À coup sûr, il mettra en exergue sa force de propositions. En outre, sa communication devra adresser de manière proactive la question des ressources financières limitées du candidat qu’il est…
7. Déthie Fall : L'outsider
Déthié Fall se présente comme le médiateur incontournable (middle-man) au sein de l'opposition, tirant sa force de sa capacité à construire des alliances. Sa présence prépondérante au sein de YAW et son rôle central dans l'alliance avec la coalition Wallu Sénégal mettent clairement en lumière son expertise dans la création d'alliances stratégiques. Par conséquent, il est perçu comme un stratège ancré dans l'opposition. Sa proximité avec Ousmane Sonko, son intelligence politique et la bonne image auprès de la jeunesse ajoutent à son capital-sympathie. Il pourrait être la révélation de cette campagne électorale.
Équation électorale
En tant que middle-man de l'opposition, il capitalisera sa capacité à construire des alliances. Mais, la multitude de candidatures au sein de l'opposition crée une forte concurrence qui nécessite des stratégies pour se démarquer et capter le plus grand nombre d’électeurs. L’équation n'est pas simple : comment puiser dans l'électorat du chef de file de l'opposition alors que Sonko a déjà lancé ses propres lieutenants dans la course ?
Stratégie de campagne
La lutte contre la cherté de la vie, le chômage endémique, l'émigration clandestine, la mal-gouvernance et l'équitable répartition des richesses pétrolières et gazières seront les axes prioritaires. En fond de scène, sa stratégie sera basée sur la libération d'Ousmane Sonko.
Angle de communication
Il insistera sur ses qualités de leader moderne, crédible et compétent, prêt à unir l'opposition pour relever les nombreux défis du Sénégal. En outre, il exploitera sa proximité intellectuelle, politique et affective avec Ousmane Sonko.
8. Les non-alignés
Les non-alignés que sont Mamadou Lamine Diallo (il a obtenu 0,4% en 2007), Aliou Mamadou Dia (son parti est constamment crédité de 3 à 4%) ; le député Pape Djibril Fall, auteur d’un sans-faute électoral ; l’industrielle Anta Babacar Ngom, le serial-entrepreneur Serigne Mboup, ainsi que le professeur de médecine Daouda Ndiaye et la très grosse épine de Rose Wardini ne figurent pas parmi les poids lourds de ce scrutin. Mais sous-estimer leur apport serait une erreur stratégique. Leur rôle ne sera pas négligeable en cas de deuxième tour ; les gouttes de pluie, à la longue, remplissent le réservoir.
Équation électorale
Les non-alignés tenteront de mener une bonne campagne tout en conservant une neutralité apparente. Ils se positionneront à équidistance entre les multiples candidats du système et ceux de l'anti-système. L’équation consiste à trouver un juste milieu sans s’aliéner dès le départ.
Stratégie de campagne
Conscients que le second tour sera décisif pour leur survie politique, ils entendent négocier des alliances stratégiques pour obtenir des avantages en échange de leur soutien. C’est pourquoi, ils éviteront de prendre des positions tranchées qui limiteront leur capacité à négocier. Et, tout au long de la campagne, ils identifieront des points de convergence avec les deux candidats susceptibles de se qualifier.
Angle de communication
Dans la première moitié de la campagne, ils insisteront sur leur volonté de travailler pour l'intérêt général et le refus de s'engager dans des luttes partisanes. Dans la seconde, ils prépareront le deuxième tour en soulignant que leur priorité est le Sénégal d’abord.
PAR Abdoulaye Ndiaye
À LA CROISÉE DES CHEMINS POLITIQUES : UNE PERSPECTIVE ÉCONOMIQUE
L'incertitude politique mine l'environnement des affaires, conduisant à des investissements retardés, à des marchés perturbés et à une approche prudente de la part des partenaires internationaux
Face aux récents événements politiques au Sénégal, l'essence même de la démocratie et du droit est mise à l'épreuve. L'abrogation du décret présidentiel annulant les élections, suivie de la décision du parlement de reporter les élections au 15 décembre, a plongé la nation dans un état d'incertitude politique. Si cette incertitude est laissée sans réponse immédiate, elle menace non seulement le tissu démocratique du Sénégal mais aussi sa stabilité économique et sa croissance future.
À ce moment critique, il est impératif que le président Macky Sall se conforme à la décision du Conseil constitutionnel, qui a agi pour annuler les tentatives du président et de son parlement majoritaire de retarder les élections. Cette adhésion n'est pas simplement une question de conformité légale mais un pas vers la restauration de la foi dans les institutions démocratiques du Sénégal et son engagement envers l'État de droit. La décision du Conseil constitutionnel, soutenue par nos partenaires de développement — incluant la CEDEAO, les États-Unis et l'Union Européenne — reflète un consensus sur l'importance de maintenir les normes et processus démocratiques.
D'un point de vue économique, le coût de l'incertitude politique ne peut être sous-estimé. Les tendances récentes des prix des Eurobonds sénégalais témoignent de l'anxiété qui saisit les investisseurs. Ces obligations, autrefois symbole de la confiance des investisseurs dans l'économie du Sénégal, sont en chute, signalant une perte de foi dans la stabilité politique et la gestion économique du pays. Si cette tendance n'est pas inversée, elle pourrait conduire à un déclin de l'investissement étranger, une pierre angulaire sur laquelle reposent les perspectives de croissance économique du Sénégal.
En outre, l'incertitude politique mine l'environnement des affaires, conduisant à des investissements retardés, à des marchés perturbés et à une approche prudente de la part des partenaires internationaux. Le coût économique de cette crise — allant d'une augmentation potentielle des coûts d'emprunt à un ralentissement des activités économiques — peut annuler des années de progrès et de développement.
Il est donc crucial que le président Macky Sall se conforme à la décision du conseil constitutionnel. Ce geste n'est pas seulement question de corriger une erreur politique mais est une étape pivot vers la réaffirmation de l'engagement du Sénégal envers les principes démocratiques et la stabilité économique.
Abdoulaye Ndiaye est Enseignant-Chercheur à l'Université de New York et Chercheur au Centre for Economic Policy Research.
Par Marouba FALL
MACKY SALL ENTRE REPORT ET DIALOGUE : ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME
Diriger, c’est commander, conduire, exercer une autorité sur un groupe, orienter la conduite et l’action de ce groupe. Facile quand tous les membres de la famille se plient au bon vouloir du père, quand tous les agents respectent les consignes du chef...
Diriger, c’est commander, conduire, exercer une autorité sur un groupe, orienter la conduite et l’action de ce groupe. Facile quand tous les membres de la famille se plient au bon vouloir du père, quand tous les agents respectent les consignes du chef de service. Très facile si on est Général de forces armées, Pape ou Khalife général ! Mais tellement difficile quand on est président d’une République où tout un chacun, au nom de la démocratie, a des prétentions fondées ou non d’être Président, où tout un chacun ordonne ce que doit faire ou ne doit pas faire le chef d’Etat !
Au Sénégal, Macky Sall aurait dû connaître la paix depuis le 3 juillet 2023, date à laquelle il a officiellement annoncé sa décision de ne plus se présenter à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Pourtant, c’est à propos de ce rendez-vous attendu du Peuple avec son futur élu qu’il a des embrouilles avec son adversité intraitable. Le tout premier problème, c’est, quand même, lui qui l’a cherché. Etait-ce de son ressort de choisir, pour son parti et la coalition qui l’ont porté au sommet, un candidat à la Présidentielle ? Les critères de son choix étaient-ils consensuels ? Pourquoi continue-t-il de passer sous silence les vertes sorties verbales d’un ministre qui ne quitte pas l’attelage gouvernemental, mais tire allègrement à boulets rouges sur le Premier ministre qui se trouve être le cheval de bataille idéal harnaché pour une course victorieuse vers la continuité et le parachèvement du Plan Sénégal émergent ?
La désignation des sept «Sages» siégeant au Conseil constitutionnel a tôt suscité des controverses non prises en compte. Le maintien du ministre de l’Intérieur comme cheville ouvrière dans le déroulement général des élections demeure un caillou dans la gorge de l’opposition pusillanime qui ne réagit qu’après un fait accompli qui la défavorise. Si le parrainage tel qu’il est pratiqué ne la rassure pas, si le fichier à partir duquel l’électorat est estimé reste inaccessible, pourquoi n’a-t-elle pas vigoureusement protesté et envisagé de boycotter, dans l’unité, l’élection qui ne serait ni transparente ni inclusive ?
Evacuer les problèmes préélectoraux aurait été pour le président de la République de ne désigner au Conseil constitutionnel aucune personnalité dont la présence pourrait faire invoquer un quelconque conflit d’intérêts, de remplacer le ministre de l’Intérieur par quelqu’un dont la neutralité ne souffrirait d’aucun doute, et enfin d’instruire le ministre de la Justice d’agir de sorte que les présumés détenus politiques soient relaxés.
Ces problèmes, suivant l’appréciation de bon nombre d’observateurs, sont-ils considérés comme tels par le Président et ses partisans ? Ce sont les divergences de points de vue et de postures qui font de la situation politique un véritable imbroglio, pire un invariable et durable jeu de dupes. Un bon nombre de ceux qui réclament aujourd’hui, à cor et à cri, la tenue de l’élection présidentielle à date échue, prévoyait objectivement, et souhaite intérieurement, le report. A qui veut-on se la jouer ? Si c’est aux populations laborieuses que des soucis persistants de survie préoccupent, peine perdue ! Partout, dans le monde, la politique politicienne prospère désormais difficilement et ses professionnels gagneraient à se trouver un job plus constructif et autrement revalorisant.
On se rappelle qu’après la déclaration de non-candidature à un autre mandat par Macky Sall qui, par la même occasion, a promis d’organiser des élections démocratiques et transparentes, à date échue, des voix se sont fait entendre pour diffuser la rumeur d’un éventuel report du scrutin présidentiel au mois de février 2026. Pourquoi ces voix qui ne venaient pas du camp au pouvoir se sont brusquement tues ? Alertaient-elles l’opinion nationale ou mettaient-elles en garde contre une probable forfaiture ? Toujours est-il que le 3 février 2024, à 14 heures, le Président Macky Sall s’est trouvé contraint d’abroger le décret convoquant le corps électoral le dimanche 25 février 2024 pour l’élection de son successeur. Après son acte responsable dicté par son statut d’arbitre, que de protestations et de supputations ! Devait-il croiser les bras, se taire et laisser se poursuivre un processus que la majorité des candidats jugeaient gravement vicié ? Beaucoup de candidats ont déclaré douter du fichier électoral et ignorer le réel motif de leur échec au parrainage. Initialement retenu parmi les prétendants au fauteuil présidentiel dont la candidature serait validée, Karim M. Wade ne figure pas sur la liste définitive des candidats autorisés à briguer la magistrature suprême pour cause de double nationalité sénégalaise et française. Plus alarmant, c’est tardivement qu’on a découvert qu’une candidate qui a réussi le parrainage avait dissimulé sa double nationalité. A ces dysfonctionnements s’ajoutent d’autres faits qui méritent vérification : 900 000 potentiels électeurs ne figureraient pas sur le fichier électoral et un candidat aurait corrompu à coups de milliards des membres du Conseil constitutionnel.
Même si Macky Sall avait signalé aux candidats qui s’estimaient spoliés et réclamaient son intervention que les décisions du Conseil constitutionnel sont insusceptibles de recours, devait-il laisser le processus suivre son cours alors que l’institution devant valider et proclamer les résultats définitifs de l’élection n’était pas hypothétiquement éclaboussée, mais délibérément salie, ouvertement incriminée par les représentants d’un parti d’opposition ayant exercé le pouvoir ? C’est, en effet, le Parti sémocratique sénégalais (Pds) qui, à travers son groupe parlementaire soutenu par celui du camp Benno bokk yaakaar, a estimé que son candidat a été injustement sorti de la liste des candidats devant participer à l’élection du 25 février 2024. Et c’est l’Assemblée nationale qui, à la majorité de ses membres, a voté le report de l’élection présidentielle au 15 décembre 2024.
Entre laisser se poursuivre un processus qui ne peut mener qu’à des contestations pré et post-électorales, et permettre à la classe politique de se mettre autour d’une table de concertation franche et responsable, Macky Sall, qui se trouve ainsi entre le marteau et l’enclume, a courageusement choisi la posture qu’il peut assumer devant l’Histoire. Le dialogue auquel il convie toutes les parties concernées est apprécié par les observateurs clairvoyants comme une possible et salutaire porte de sortie de crise.
Parler de coup d’Etat constitutionnel, appeler le Peuple à la résistance, faire sortir les élèves et les étudiants des salles de classe et des campus, et préconiser la confrontation, c’est vouloir dramatiser la situation. Pour départager l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel qui échangent à hue et à dia, l’Exécutif a tranché, laissant à chaque institution sa liberté de manœuvre, conformément à ce qu’autorise la loi. Ainsi le Conseil constitutionnel, saisi par les opposants au report ayant déposé un recours, se prononcera-t-il sans entrave ?
En tout cas, reporter l’élection présidentielle paraît concevable, si c’est une élection démocratique, transparente et inclusive que le pouvoir et l’opposition souhaitent vraiment. Sera-t-elle démocratique si la classe politique se scinde en deux camps antagonistes : ceux qui adhèrent au report contre ceux qui le rejettent ? Quelle transparence en attendre si le doute sur la fiabilité du fichier électoral et sur l’impartialité ou la probité de certains membres du Conseil constitutionnel persiste ? L’élection sera-t-elle inclusive si une solution n’est pas trouvée pour que la candidature de Karim M. Wade soit validée et que Ousmane Sonko, le leader incontestable de l’opposition, participe, en chair et en os, à l’élection ?
Aller au dialogue dans l’unité et parler d’une même voix, voilà ce qui incombe à l’opposition. Dialoguer, ce n’est nullement se renier ou renier ses principes et sa vision des choses. C’est écouter l’autre et se faire entendre de lui. Cela demande non seulement du courage, mais aussi de l’honnêteté intellectuelle. Dire de vive voix au cours d’un dialogue libre et inclusif ce qu’on clame quand on est dans un groupe de protestataires ou sur un plateau de télévision, ne sera pas facile pour certains que leurs pairs soupçonnent déjà d’être des hyènes cachées sous une peau de chèvre ou bien des manipulateurs encagoulés.
Refuser le dialogue, c’est implicitement avouer la faiblesse de ses arguments et sa volonté de faire durer la confusion. C’est surtout permettre à une catégorie de profiteurs de tirer leur épingle du jeu, laissant pourrir les vraies questions à poser. Le régime qui fait du président de la République le maître absolu du jeu politique est-il à conserver ? Le Président élu doit-il continuer à être chef de parti ? Le ministre de l’Intérieur doit-il être définitivement écarté du processus de gestion des élections ? La République ne mérite-t-elle pas d’être refondée ?
Aller aux élections dans le contexte d’un Sénégal où les institutions constituant le socle sur lequel doit reposer l’Etat de Droit sont constamment bafouées est-il la priorité ? Depuis 1963, allèguent les anti-report, l’élection présidentielle s’est toujours tenue à date échue. Mais depuis cette date, la classe politique s’est-elle souciée de la meilleure manière de gérer le pays auquel la métropole colonisatrice a accordé une indépendance sous haute surveillance ? Partout, en Afrique noire francophone, les responsables politiques nationaux n’ont eu que deux préoccupations majeures : conquérir le pouvoir, à n’importe quel prix, et le conserver le plus longtemps possible, voire à vie !
Il n’est pas trop tard pour les Africains de refonder la République par eux-mêmes et pour les générations à venir. Léopold Sédar Senghor, en son temps, a procédé à une relecture de la pensée de Karl Marx et de Friedrich Engels pour l’adapter aux réalités négro-africaines. La démocratie libérale restera une mauvaise boussole pour les conducteurs des peuples noirs, à moins qu’ils ne fassent l’effort de l’adapter aux mentalités et aux croyances de leurs administrés.
Au nom de la démocratie, voici qu’au Sénégal grenouillent plus de 300 partis politiques reconnus. En perspective de l’élection présidentielle du 25 février 2024, probablement repoussée au 15 décembre de la même année ou bien au-delà, plus de 260 individus sont allés retirer des fiches de parrainage. La majorité d’entre eux n’a pas versé de caution à la Caisse des dépôts et consignations, et ne s’est pas présentée au contrôle du Conseil constitutionnel. De la même manière que le bougre qui s’est inventé des députés, les mauvais plaisantins devaient être sévèrement sanctionnés, en guise d’avertissement.
Une question mérite d’être sérieusement discutée au dialogue qu’il faut préférer à une Conférence nationale. Le Sénégal n’est pas dans une impasse, car sa classe politique, qui ne s’entend pas sur tout, n’est pas encore à couteaux tirés. Donc il faut un dialogue dans la sérénité et la bonne volonté pour trouver un consensus fort garantissant la paix sociale et politique à laquelle a appelé le thème prémonitoire du 144ème Appel de Seydina Limamou Laye organisé les 10 et 11 février 2024. La question à battre en brèche est relative à la double nationalité sénégalaise et française.
Refonder la République, c’est d’abord revoir la Constitution et faire en sorte qu’elle ne soit plus taillée sur mesure pour personne, qu’il ne soit plus possible de la tripatouiller, qu’elle soit mûrement méditée et rigoureusement conçue pour un Etat souverain, promis à une stabilité pérenne.
Un Etat souverain est comparable à un corps sain agissant au gré d’un esprit sain. Moom sa bopp té moomoo sa lammiñ caaxaan la ! Que vaut la liberté d’un Peuple qui perd la langue par laquelle ses différentes composantes sociales communiquent ? Le Sénégal conquerra sa seconde et réelle indépendance lorsque sa langue officielle qui deviendra, par la même occasion, sa langue de travail, d’enseignement général et d’apprentissage, sera une des langues que ses populations sauront parler, écrire et lire. A ce moment seulement, la double nationalité pourra valablement être retenue comme cause de non-éligibilité d’un candidat à la présidence de la République.
Quelle est la nationalité exclusive des trois présidents qui, avant Macky Sall, ont présidé aux destinées du Sénégal où, pendant plus d’un quart de siècle, Jean Collin (1924-1990) a assumé de hautes charges au sommet de l’Etat ? Quel est le statut des ressortissants des quatre communes ? Sous la colonisation, les natifs de Saint-Louis, de Dakar, de Rufisque et de Gorée étaient considérés comme des citoyens français. Parce qu’ils étaient Français, Blaise Diagne, Léopold Sédar Senghor et Me Lamine Guèye ont siégé comme députés au Palais Bourbon, à Paris. Né le 13 octobre 1872 à Gorée et décédé le 11 mai 1934 à Cambo-les Bains, Diagne fut le premier Africain élu à la Chambre des députés français, en 1914. Senghor, maire de Thiès du 1er décembre 1956 au 31 juillet 1960, fut ministre-conseiller dans le gouvernement français du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961. Quant à Me Guèye, maire de Dakar de 1945 à 1959, il fut aussi membre du Comité consultatif constitutionnel qui a rédigé la Constitution de la Cinquième République française.
Après 64 ans d’indépendance, lorsque le président de la République s’adresse à la Nation sénégalaise, c’est en français qu’il s’exprime d’abord.
Je n’envisage point de renoncer à ma double culture acquise grâce aux deux langues qui sont les deux béquilles sur lesquelles je m’appuie pour aller à la rencontre de mes proches et lointains compatriotes africains et semblables du village planétaire qu’est devenu le monde.
Je me considère à la fois Sénégalais et Français bien que je n’aie jamais demandé ni souhaité obtenir la nationalité française. C’est pourtant à la langue de Victor Hugo qui m’ouvre les portes du monde que je dois une certaine notoriété. Le wolof, ma langue maternelle, qui se trouve être celle parlée par la grande majorité de mes compatriotes, m’enferme dans un espace trop étroit pour me permettre de faire valoir mes prétentions de citoyen du monde. Je revendique une double nationalité qui n’est pas de droit mais de fait. Ne suis-je pas Sénégalo-Français tout comme ma fille, mon gendre et mes petits-enfants, tous nés au Sénégal, mais installés à Nantes et naturalisés Français le sont ? Quant à Karim M. Wade, né le 1er septembre 1968 à Paris d’une mère française, il est Franco-Sénégalais. De la même façon que le mot composé exprime une réalité évidente, la double nationalité, qui est en fait une nationalité composée, exprime le statut de bon nombre de personnes ne pouvant éradiquer leur zébrure.
La France, par le biais de sa langue d’ouverture, de fraternité et de liberté, m’apporte plus qu’elle n’apporte à des Français de souche. Ceux-ci ne reçoivent de leur Patrie que ce qui leur garantit la satisfaction des besoins élémentaires, tandis qu’elle m’offre un outil précieux et une arme miraculeuse. En effet, une langue est une lampe au front du mineur qui fouille l’esprit et l’âme de l’humanité. Plus elle s’universalise, plus elle aide les humains à se souder par des liens de commerce multidimensionnel et de solidarité agissante qui consolident et élargissent l’apport inestimable de la diversité culturelle et linguistique.
Refonder la République, c’est restituer au pays sa langue qui deviendra l’instrument de l’approfondissement de son unité et l’arme de sa conquête pacifique du monde extérieur ; c’est réécrire sa loi fondamentale dans cette langue que le Président élu au suffrage universel utilisera pour s’adresser à la Nation et aux délégations étrangères ; c’est reconfigurer les institutions en s’inspirant des valeurs culturelles et spirituelles qui ont éclairé les guides de l’Afrique précoloniale, s’il est établi que cette Afrique-là n’était point une table rase et ne tâtonnait pas hors de l’Histoire.
Refonder la République, voilà la priorité des priorités, celle qui mérite un temps de réflexion pointue et de concertation élargie.
Le dialogue auquel appelle le président de la République et qu’encouragent, par une déclaration conjointe, les anciens chefs d’Etat du Sénégal, Abdou Diouf et Maître Abdoulaye Wade, est une occasion pour la classe politique de démentir l’opinion dubitative qui met dos à dos boulimiques du pouvoir et trublions de l’opposition, les prenant de moins en moins au sérieux, les assimilant aux saigneurs à blanc, impénitents et éhontés, de la République.
Patriotes, tous au dialogue !
Marouba FALL
Professeur de Lettres modernes à la retraite
Ecrivant, auteur du roman «La collégienne»
Président de l’Association des Parents d’Élèves du Lycée Seydina Limamou Laye marouba_fall@yahoo.fr
Par Serigne Saliou DIAGNE
MILLE RAISONS DE DIRE NON A L’AMNISTIE
Le journal Le Quotidien révélait en début de semaine, un projet d’amnistie que concoctaient les plus hautes autorités du pays pour effacer tout un pan d’histoire récente, assez tumultueuse et violente.
Le journal Le Quotidien révélait en début de semaine, un projet d’amnistie que concoctaient les plus hautes autorités du pays pour effacer tout un pan d’histoire récente, assez tumultueuse et violente. Un projet de texte devait être présenté en Conseil des ministres pour balayer sous le lit du Sénégal, les émeutes de mars 2021 et de juin 2023. Cela, dans une logique de baliser la voie à un dialogue national et une décrispation de la vie publique.
Un tel projet entraînera des levées de boucliers de toutes parts. Entre des républicains et citoyens épris de justice qui voudraient voir clair sur les causes de près de cinquante morts et des dégâts matériels qui ont mis l’économie du pays à genoux, des chapelles politiques d’opposition qui rejettent totalement toute idée d’amnistier un ensemble de faits très graves et des partisans de la machine au pouvoir qui ont rué dans les brancards pour ne pas offrir de répit à l’ennemi Sonko, le Sénégal, en tant qu’ensemble, a bien fait de ne pas donner écho à la musique qui voudrait être jouée. Résultat des courses, le projet ne sera pas finalement présenté en Conseil des ministres. On verra divers groupes s’enorgueillir d’avoir mis à l’arrêt un projet qui ne devait jamais voir le jour. Toutefois, on ne peut qu’être groggy à l’idée qu’un arrangement politique aurait pu refermer le couvercle sur la séquence qui a été à un bout de faire du Sénégal un Etat failli. C’est dire la gravité des actes posés.
Comment peut-on penser à un moment qu’il faut prescrire la pilule de l’oubli pour effacer des mémoires tout ce qui a pu se produire comme dérapages, abus et crimes contre l’Etat et la République ? Comment peut-on vouloir dans une logique d’élargir des adversaires politiques, les soustraire des lois de la République en amnistiant tous les faits graves dont ils ont été les commanditaires et dont leurs sbires ont signé tous les forfaits ? Veut-on enlever des mémoires collectives l’attaque terroriste au cocktail Molotov d’un bus de transport en commun, rempli de monde, qui emportera la vie des sœurs Diallo à Yarakh ? Quelle est cette logique de vouloir disqualifier des faits aussi graves qu’une série d’attaques contre des infrastructures vitales telles que des centrales électriques, des postes de distribution d’eau, des transports de masse comme le Train express régional (Ter) ? Quelles personnalités qui étaient dans la liste d’un commando funeste qui s’apprêtait à attenter à leur vie et à celle de leurs proches, vont vouloir passer de tels actes sous le sceau d’actes mineurs à l’initiative de militants zélés ? Les stations d’essence caillassées, les supermarchés mis à sac, les petits commerces détruits, les petites gens violentés, allons-nous faire passer tout cela par pertes et profits ?
J’ai toujours beaucoup de mal à croire au discours tout haut de nos hommes politiques. En un si petit chemin, j’en ai croisé une pelle se courber dans les coulisses avec révérence alors que sur la scène ça brandit des muscles qui ne ploient pas. Quand des émissaires de luxe comme Pierre Goudiaby Atepa et Alioune Tine investissent les médias pour mettre à l’agenda un nettoyage à grande eau de toute la séquence folle et criminogène allant de mars 2021 à février 2024 et qu’ils se trouvent des caisses de résonance dans les rangs du pouvoir pour un tel projet, on en vient à être résigné d’un pays où les politiciens seraient des citoyens d’exception. Ils peuvent insulter des juges, chahuter des officiers, cracher sur nos textes fondamentaux, appeler à la violence, paralyser l’économie, s’invectiver tout haut le jour et boire leur petit thé la nuit, avoir toutes les commodités en détention, trouver des passerelles de dialogue entre eux et se laver de tous leurs péchés.
Comme dans tout ce qu’il y a de tortueux dans ce pays et qui se drape faussement des habits d’une forme de lucidité, il y aura Alioune Tine à la baguette. Son rodéo médiatique en dit long sur les coups de bélier pour forcer l’opinion à l’idée d’une amnistie totale pour que le pays gagne en sérénité et en quiétude. Le Bon Dieu ne ferait pas mieux, car la mansuétude est à l’ère du temps !
Si pour pacifier l’espace public, l’Etat du Sénégal suit un Alioune Tine dans son réquisitoire complaisant et faisant l’apologie du tout, de la délinquance sexuelle au vandalisme, en passant par des actes terroristes, pour draper tous les criminels en puissance de vêtements de prisonniers politiques, la République et ses enfants seront bien orphelins d’un Etat fort, à même de se faire respecter. Je me mets à la place d’un officier de Police judiciaire qui, depuis juin 2021, mène des enquêtes sur des faits graves et voit tout un travail fait pour sauver le Sénégal balancé à la poubelle, parce qu’il faudrait accommoder des politiciens. Quel affront à notre Justice et à nos corps de sécurité ! En parlant du gourou de la bien-pensance dakaroise et de son humanisme sur des bases fallacieuses, Alioune Tine, l’extase de ce «rentier de la tension» lorsqu’il réclamait sur les antennes de France 24, la libération de son héros politique Ousmane Sonko, s’entendait à mille lieues. Faire d’un tel individu, le liant d’un dialogue national en dit long sur la logique de calculs et d’accommodements avec tout le monde dans un esprit de rendre une copie propre dans le livre de la République. Le roman républicain de cette Nation est tâché, il faudra situer les responsabilités sans faux-fuyants.
Il y a des gens qui se sont systématiquement mis dans une logique de détruire le modèle républicain sénégalais et n’ont pas ménagé d’efforts pour faire prospérer ce funeste projet, on ne peut leur serrer la main dans une lâche logique de masla pour les disculper de toutes les fautes lourdes qui auraient pu détruire ce pays. Quand un corbeau veut jouer les colombes de paix, il faut lui rappeler que des gens, par leurs faits et gestes, ont contribué à prôner un climat de tension permanent, en semant toutes les germes d’une guerre civile que la Société civile sénégalaise, avec Alioune Tine en tête, aura grandement contribué à théoriser par complaisance politique et surtout par un jeu de calculs mesquins qui ont fait peu de l’intérêt du Sénégal. Toutes ces gens qui ont contribué à déchirer beaucoup de pages de lucidité au grand livre républicain du Sénégal doivent être combattus sans répit, avec l’énergie qu’il faut et la détermination pour les faire rompre. Ce n’est pas en dialoguant sans se dire la vérité qu’on arrivera à tirer ce pays du gouffre dans lequel toute la classe politique nous aura précipités.
Ces mots peuvent être violents, mais quand tout conspire à vouloir banaliser une violence qui a failli détruire un pays, il faut savoir donner des coups. La violence, sous toutes ses formes, n’appelle qu’à de la violence. Pour défendre le Sénégal et son idéal républicain, il n’y a aucune honte à être violent face aux ennemis de cette Nation. Quoi qu’il en coûte.
Au moment où je bouclais cette chronique, différents détenus pour des crimes et délits commis dans la séquence de mars 2021 à février 2023 commençaient à être élargis. Certains de nos fameux «détenus politiques» hument l’air de la liberté. On dirait que des voies sont trouvées pour pacifier, malgré les passifs, la politique a ses raisons.
Par Abdoulaye THIAM
UNE JURISPRUDENCE DANS LES ANNALES
Pour la première dans l’histoire, le juge constitutionnel s’est déclaré compétent pour connaître de la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle. Une jurisprudence inédite qui sera enseignée dans les facultés de droit
Mamadou Badio Camara, Aminata Ly Ndiaye, Mouhamadou Diawara, Youssoupha Diaw Mbodj, Cheikh Tidiane Coulibaly, Mouhamadou Diawara, Awa Dièye. Retenez bien ces noms. L’histoire retiendra qu’ils sont les sept (7) juges du Conseil Constitutionnel qui ont rendu la décision N°1/C/2024 le 15 février 2024, redorant le blason de la démocratie sénégalaise, ternie par le pouvoir exécutif et quelques députés mus par des appétits carnassiers.
Pour la première dans l’histoire, le juge constitutionnel s’est déclaré compétent pour connaître de la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle. Une jurisprudence inédite qui sera enseignée dans les facultés de droit.
Il s’agit aussi et surtout d’une décision courageuse, sage qui redonne la primauté à la Constitution et offre une victoire éclatante au droit. Comme d’illustres Sénégalais qui ont donné à notre pays ses lettres de noblesse, Mamadou Badio Camara et son équipe ont sauvé la République. Ils ont prouvé que le Sénégal est une grande nation, composée d’hommes et de femmes de valeur qui refusent de rentrer dans l’histoire à reculons. En plus de sécurité juridique contenue dans sa décision en 2016, le Conseil constitutionnel, a ajouté qu’il doit «être en mesure d’exercer son pouvoir régulateur et de remplir ses missions au nom de l’intérêt général, de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la nécessaire continuité de leur fonctionnement».
IL EST TEMPS D’ENTENDRE RAISON
Le Président de la République du Sénégal, Macky Sall a hérité d’un pays jalousé pour sa démocratie. Il n’a pas le droit de faire moins que ses prédécesseurs. D’ailleurs, la décision du Conseil constitutionnel lui offre une belle opportunité d’entendre enfin raison. Qu’il n’écoute alors et surtout pas les assoiffés de pouvoir qui l’entourent. Ils seront les premiers à détaler comme de vulgaires délinquants poursuivis par la clameur publique, quand le pays va sombrer. Les événements de mars 2021 en sont une parfaite illustration.
En grand démocrate, il devrait se soumettre à la décision du Conseil constitutionnel en organisant les élections présidentielles dans les plus brefs délais, comme le lui recommandent les 7 Sages.
Autrement dit avant le 2 avril prochain. Les candidats ayant déjà perdu 10 jours si la campagne avait démarré à date échue (le 14 février dernier), peuvent encore se rattraper.
A défaut, l’autre scénario improbable, serait qu’il rende le tablier. Le cas échéant, le président de l’Assemblée nationale va assumer l’intérim et aura la lourde charge d’organiser les élections dans 60 jours au minimum et 90 jours au maximum.
D’autant plus que selon l’article 92, alinéa 4 de la Constitution «les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles».
AU PEUPLE SOUVERAIN DE CHOISIR SON PRESIDENT
Qui des 20 candidats va succéder au Président de la République ? Mystère et boule de gomme ! Il appartient au peuple sénégalais, détenteur de la souveraineté d’en décider. Un tel principe a échappé à la vigilance du Chef de l’Etat, Macky Sall, qui non seulement, a tenté de choisir un candidat pour sa coalition tout en cautionnant paradoxalement que cette candidature obtenue dans la douleur et la division soit sabotée et torpillée par certains de ses poulains. Mais aussi et surtout semble vouloir choisir pour le peuple sénégalais celui qui doit présider à ses destinées. «Kou Ignané sa Ndono, sa déwine niaw», dit l’adage en wolof. Finalement, c’est le peuple souverain qui va choisir en son âme et conscience. En toute liberté. En toute responsabilité. Parce que seul le Sénégal compte. Il est et sera au dessus de TOUT
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AUCUN BONUS N’EST TOLÉRABLE APRÈS LE 02 AVRIL
Macky Sall est invité à renoncer à son projet de s’octroyer un bonus inconstitutionnel sur son mandat présidentiel. En tout cas le 2 avril, il doit s’inscrire dans le passé. La société civile n'entend pas le laisser dérouler son plan
Figure de la société civile sénégalaise, le Pr Babacar Gueye fait partie des acteurs qui essaient de mobiliser le peuple pour résister contre la violation de la Constitution sénégalaise par le président Macky Sall. Lequel a décidé de reporter presque unilatéralement la Présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024 avec ses députés à l’Assemblée nationale.
La société civile n’a nullement l’intention de le laisser faire étant entendu que cette décision est anticonstitutionnelle et anti démocratique. Même si la mobilisation de mardi a été interdite, le collectif de la société civile compte organiser sa marche pacifique samedi, promet le Pr Babacar Gueye interrogée par AfricaGlobe Tv.
Dans cette interview exclusive, Babacar Gueye expose sa déception de l’interdiction de la manifestation que lui et ses camarades ont voulu organiser ce mardi. Il précise toutefois que ce samedi, cette manifestation pacifique sera tenue à Dakar.
Constitutionnaliste connu et reconnu et agrégé en droit public, cet enseignant de droit pointe l’inconstitutionnalité de l’abrogation du décret convoquant le corps électoral le 25 février par le président Sall.
Selon lui une fois que le président a signé le décret convoquant le corps électoral, il n’a plus aucun pouvoir juridiquement de l'abroger. À cette étape, seul le Conseil constitutionnel peut agir. En conséquence, le président de la République viole en toute flagrance la constitution qu’il est censé protéger lui-même s'il s'obstinait a reporter le scrutin jusqu'en decembre.
Par Cheikh Yérim Seck
LES CLES POUR COMPRENDRE CE QUI SE PASSE AU SENEGAL
A la stupéfaction générale, dans une adresse à la nation prononcée le 3 février, le président du Sénégal, Macky Sall, a abrogé le décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel qui devait se dérouler le 25 février, a une date ultérieur.
A la stupéfaction générale, dans une adresse à la nation prononcée le 3 février 2024, le président du Sénégal, Macky Sall, a abrogé le décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel qui devait se dérouler le 25 février, reportant de facto sine die la présidentielle. Pour entériner cette décision inédite dans l’histoire de la démocratie sénégalaise, l’Assemblée nationale a voté, au forceps, dans une hémicycle débarrassée manu militari des députés de l’opposition radicale, un projet de loi constitutionnelle fixant la nouvelle date de l’élection au 15 décembre 2024. Ce qui a ajouté à l’escalade et entraîné des manifestations de rue ayant occasionné la mort de trois manifestants, dont un étudiant. Qu’est-ce qui a conduit Macky Sall à ce saut dans l’inconnu, lui qui avait pourtant engrangé tant de sympathie après son discours historique du 3 juillet 2023 dans lequel il avait déclaré renoncer à briguer une troisième candidature à la magistrature suprême par égard pour la Constitution et pour la tradition démocratique sénégalaise ?
Dans son adresse à la nation, il a évoqué une crise institutionnelle qui augurait d’une crise post-électorale s’il n’arrêtait pas le processus. Les couacs se sont en effet multipliés. Quarante-un candidats à la candidature, dont les dossiers ont été rejetés par le Conseil constitutionnel, se sont regroupés dans un Collectif et ont sollicité le président de la République à l’effet de faire réparer « l’injustice » qu’ils estiment avoir subie. En cause, la méthode d’examen par la haute juridiction des parrainages exigés pour être éligible à la candidature. Dans le flot de contestations, Aly Ngouille Ndiaye, un ancien ministre de l’Intérieur, qui sait donc de quoi il parle pour avoir organisé plusieurs élections, a soulevé un sérieux grief : « Il y’a plus de 900 000 électeurs inscrits qui ne figurent pas sur le fichier à partir duquel le Conseil constitutionnel a travaillé pour apprécier la validité des parrainages. » C’est trivial, il n’y a pas d’élection crédible sans un fichier électoral fiable.
Sur les vingt-un candidats qui ont franchi le filtre du parrainage, Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir de 2000 à 2012), a été recalé pour ne pas être exclusivement de nationalité sénégalaise. Alors que le PDS protestait en exhibant la déclaration de renonciation à la nationalité française de son candidat, une copie du passeport français de Rose Wardini, une candidate admise à concourir, a été publiée dans la presse, discréditant encore un peu plus le travail du Conseil constitutionnel.
Pour ne rien arranger, le groupe parlementaire Wallu, porte-étendard du PDS à l’Assemblée nationale, a suscité la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur des soupçons de corruption passive touchant deux membres du Conseil, de conflit d’intérêts, de collusion dangereuse… Macky Sall, à qui certains de ses adversaires prêtaient quelque regret suite à sa renonciation à briguer sa propre succession, ne pouvait trouver un contexte plus favorable pour documenter un arrêt du processus électoral. Ce qu’il a fait, en assortissant la mesure d’un appel à un large dialogue pour corriger ces graves dysfonctionnements afin de créer les conditions d’une élection qui ne souffrira pas de contestations. Pareille posture, en théorie républicaine, a été vite qualifiée de politicienne voire partisane par l’opposition qui y a vu une parade pour enrayer la défaite annoncée du candidat du pouvoir face à la vague d’adhésions en faveur de Bassirou Diomaye Faye, celui de Pastef, parti d’opposition radicale.
« Le facteur Pastef dans la complexité de l’équation politique»
Le métabolisme de la vie politique sénégalaise a été bouleversé par l’irruption brutale dans l’arène d’un haut fonctionnaire de l’administration des Impôts et domaines reconverti en hussard de la République. A coups de déballages tous azimuts, y compris sur des dossiers dont il a connu en tant que fonctionnaire, de livres à scandale et de fracassantes conférences de presse, Ousmane Sonko est passé de syndicaliste anonyme des Impôts à député élu au plus fort reste, puis à candidat classé 3e à la présidentielle, pour se retrouver porte-étendard de la coalition de l’opposition qui a ôté la majorité parlementaire au pouvoir de Macky Sall. Sous la bannière de Pastef (acronyme de Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), Sonko a introduit dans un champ politique feutré et raffiné des méthodes aussi inédites que brutales (émeutes, casses, incendies volontaires, destructions de biens publics et privés, invectives contre les adversaires, insultes contre les autorités religieuses et coutumières, campagnes de diabolisation et d’intoxication sur internet…). Cette stratégie du bord du gouffre a atteint son paroxysme en mars 2021, lorsque le pays a manqué de peu de basculer après trois jours d’émeutes et de destructions perpétrés par des jeunes déchaînés par la convocation de Sonko sous une accusation de viol.
Pastef, objet politique non identifié, a, telle une météorite, bousculé la hiérarchie des forces, secoué les positions sur l’échiquier politique, rallié jeunes désoeuvrés, laissés pour compte économiques et autres damnés de la terre par un discours populiste, démagogique mais efficace. Au bout de deux années où leurs incitations à la violence, leurs appels à l’insurrection et leurs nombreuses défiances envers les institutions ont installé le pays dans le désordre sécuritaire, économique et social, Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, ont fini par être arrêtés et emprisonnés. Condamné définitif pour corruption de la jeunesse, après la requalification du viol qui lui était reproché, donc inéligible, Sonko a dû se résoudre à soutenir la candidature de Faye à la présidentielle qui devait se tenir. L’acceptation de cette candidature est d’ailleurs l’une des curiosités du travail tant décrié du Conseil constitutionnel. Pastef ayant été dissous en juillet 2023 pour actes de terrorisme, destructions de biens publics et privés, financement occulte par des fonds d’organisations salafistes…, aucun de ses membres ne pouvait, en effet, conserver le droit de concourir dans la moindre élection. C’est donc dans ce climat de suspicions, mais aussi de couacs répétés, sur fond d’une longue tension politique, que l’élection a été reportée. D’autant que la goutte d’eau de l’élimination de Karim Wade a fait déborder le vase.
« L’injustice du rejet de la candidature de Karim Wade »
A l’encontre de Karim Wade, l’injustice est systématique, systémique. Depuis la défaite de son père à la présidentielle de 2012, le fils d’Abdoulaye Wade va de tracasseries en brimades. Poursuivi pour enrichissement illicite par le régime de Macky Sall, il s’est vu infliger une lourde peine de 5 ans de détention par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). En dépit du rejet, par le Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire, de cette décision rendue par une juridiction d’exception au mépris de son droit à la défense et du double degré de juridiction, il a été incarcéré 3 longues années et demie. Le jour même de sa libération, ce 23 juin 2016, il a été manu militari mis dans un avion, contraint à un long exil au Qatar. A la veille de l’élection présidentielle de 2019, désigné candidat par le PDS, il a été empêché de revenir au pays pour prendre part au scrutin, menacé par le régime d’arrestation dès sa descente d’avion pour cause de contrainte par corps.
Pour éviter d’être à nouveau écarté, Karim Wade a, dès le 26 octobre 2023, pris la précaution de faire une déclaration de renonciation à la nationalité française auprès de l’ambassade de France à Doha. Enorme déchirement identitaire chez cet homme né d’un Sénégalais et d’une Française ! En dépit de ce sacrifice, il a subi un nouveau rejet de sa candidature. Une telle injustice, rendue évidente par l’admission de Rose Wardini – elle, réellement française –, a poussé le groupe parlementaire Wallu du PDS à initier une commission d’enquête parlementaire visant deux membres du Conseil constitutionnel pour corruption passive et conflit d’intérêts. Puis à déposer un projet de loi portant report de la présidentielle, pour donner à la commission le temps d’exécuter sa mission. Le projet, voté, a fixé le scrutin à la date du 15 décembre 2024.
Une curiosité, toutefois, dans cette procédure : la création de la commission d’enquête et le report de l’élection ont été adoptés grâce au vote des députés de la majorité présidentielle alors que les magistrats sont soupçonnés d’avoir été corrompus par… le candidat de cette majorité, le Premier ministre, Amadou Ba.
« Le problème Amadou Ba au sein de la majorité présidentielle »
Dans mon livre « Macky Sall face à l’Histoire/ Passage sous scanner d’un pouvoir africain », paru en janvier 2023, figure, à la page 207, un chapitre 19 titré « Le problème Amadou Ba ». L’intitulé est prémonitoire au regard des événements actuels. Cet inspecteur des impôts, directeur des Impôts au moment de la chute d’Abdoulaye Wade, a été promu ministre des Finances, puis ministre des Affaires étrangères par Macky Sall, avant d’être brutalement éjecté du gouvernement, soupçonné de manœuvres peu catholiques pour être calife à la place du calife.
Après deux années de traversée du désert, au cours desquelles tous le fuyaient comme la peste pour ne pas être suspects de connivence avec lui, il a été nommé Premier ministre par défaut dans un contexte où il était loin d’être le premier choix du chef. Avant d’être, à la faveur d’un intense lobbying qu’il a su orchestrer, désigné comme candidat de la coalition au pouvoir suite à la renonciation de Macky Sall à briguer une troisième candidature en 2024. L’adoubement de l’homme le plus calomnié dans les cercles du pouvoir, le plus soupçonné de déloyauté, le plus combattu… a aiguisé les couteaux, creusé les tranchées, déclenché une levée de boucliers… Sont-ce ses qualités, réelles, qui dérangent ? Des cadres de la mouvance présidentielle comme l’ex-Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, l’ancien ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, et l’ex-directeur directeur des domaines, Mame Boye Diao, sont ouvertement entrés en dissidence et ont déclaré leur candidature. Des proches de Macky Sall comme le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, son homologue de l’Industrie, Moustapha Diop… ont alterné attaques publiques et coups en coulisses contre le candidat. Le cercle le plus intime du président a fini par se laisser persuader qu’Amadou Ba n’a pas l’étoffe pour gagner et que, s’il arrivait par miracle à l’emporter, il ne resterait pas loyal à la famille présidentielle. Pareille perception a dû peser sur la balance.
Toutefois, avant et après l’annonce du report, Macky Sall a donné des gages à son Premier ministre, lui a renouvelé sa confiance, l’a maintenu à son poste à la primature et à sa position de candidat. Conscient, sans nul doute, qu’un divorce d’avec Amadou Ba et ses proches, dans ce contexte de guerre frontale contre l’opposition et la société civile, scellerait la perte du pouvoir. Qu’adviendra-t-il entre ces deux hommes, qui ne s’aiment pas et ne se font pas mutuellement confiance, si la conjoncture politique actuelle change ?
Pour l’heure, Macky Sall continue de subir le problème Amadou Ba, maintient une unité de façade de son camp, appelle celui d’en face à un dialogue pour surmonter la crise…
« Le dialogue, moindre mal pour sortir de la crise »
Si le cycle actuel de manifestations et répressions perdure, le Sénégal risque de basculer dans une spirale meurtrière ou de connaître, pour la première fois de son histoire, une rupture de l’ordre démocratique. Dans une récente interview accordée à Associated Press, Macky Sall a prévenu que, si la classe politique n’arrive pas à s’entendre, « d’autres forces organisées » risquent de faire irruption dans le champ politique. Dans un communiqué conjoint en date du 12 février, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui dirigèrent successivement le pays de 1981 à 2000 et de 2000 à 2012, ont appelé les jeunes au calme, la société civile à la responsabilité, l’opposition et le pouvoir à « un dialogue constructif et franc » pour aboutir, le 15 décembre 2024, à une élection présidentielle inclusive et incontestable.
D’ores et déjà, la coalition au pouvoir, les dissidents de la mouvance présidentielle (Mahammad Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye…), le PDS d’Abdoulaye et Karim Wade, le candidat et ex-Premier ministre Idrissa Seck, le candidat et ancien ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye… ont déclaré leur volonté de prendre part au dialogue. Certains ne devraient pas tarder à les rejoindre autour de la table. Nombre d’autres candidats, pas prêts pour une élection le 25 février, cherchent à mettre les formes pour aller à la discussion sans perdre la face.
Alors que l’on craignait que la chaise de l’opposition radicale amenée par Pastef reste vide, Pierre Goudiaby Atépa, un célèbre architecte proche d’Ousmane Sonko, et Alioune Tine, une figure de la société civile autoproclamée médiateur dans les crises successives, ont révélé que Macky Sall et Sonko ont entamé des négociations secrètes dans le but d’aboutir à une décrispation du climat politique. Tine est allé plus loin, indiquant même que, en guise de signe d’apaisement, « Sonko va sortir de prison au cours des prochains jours » à la faveur d’une loi d’amnistie. Laquelle a été effectivement déposée sur la table de l’Assemblée nationale. Après cette sortie médiatique, la sonkosphère a multiplié les démentis, objectant que son leader, porte-étendard de l’anti-système, chantre de la rupture d’avec la politique classique, n’est pas homme à « négocier » comme les politiciens traditionnels. Comme pour couper court à ces dénégations, Karim Wade a jeté un pavé dans la mare, dans ce tweet du 13 février : « Je viens d’apprendre qu’Ousmane Sonko est en négociation avec le président Macky Sall en vue de sa prochaine libération et de celle des personnes emprisonnées avec lui. »
Si Sonko devra éclairer aux yeux de ses partisans les péripéties de sa prochaine libération, l’Etat du Sénégal doit, de son côté, élucider les circonstances dans lesquelles trois manifestants ont perdu la vie. Il a également l’obligation de sanctionner les éléments des forces de sécurité qui ont levé la main sur deux femmes. Leurs écarts ont été captés dans des vidéos devenues virales qui ont fortement choqué l’opinion. Plus jamais ça ! Même le chien ne supporte pas de voir un homme frapper une femme.
Par Ibou FALL
DIOUF-WADE, COMBIEN DE COMBINES ?
Sénégal : cardiaques, émigrez ! Alors que la République tremble dans ses fondements depuis que le chef de l’Etat en exercice, Macky Sall, nous annonce le report de l’élection, ne voilà-t-il pas que deux revenants, surgis des limbes de l’histoire politique
Sénégal : cardiaques, émigrez ! Alors que la République tremble dans ses fondements depuis que le chef de l’Etat en exercice, Macky Sall, de son ton le plus solennel, arborant sa mine la plus grave, nous annonce le report de l’élection, ne voilà-t-il pas que deux revenants, surgis des limbes de l’histoire politique récente, nous rappellent à leur bon souvenir….
Dans un courrier cosigné, les deux anciens présidents de la République, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, nous appellent, en chœur, à garder notre sang-froid, faire preuve de bonne éducation, de retenue, d’esprit républicain, de patriotisme. Ils s’adressent à nous autres, Sénégalais ordinaires, dont la plupart sont de cette jeunesse qualifiée de malsaine par l’un, et que l’autre a éduquée à affronter les Forces de l’ordre, leur apprenant comment renvoyer les lacrymogènes aux policiers quand elle ne fait pas exploser des voitures pour obtenir sa libération.
Une énième «sénégalaiserie» de ces duettistes dont le sordide compagnonnage, qui date de bien longtemps, prend racine en des occasions sans doute que l’histoire ne révèlera jamais.
Certes, le pays est au plus mal
A l’international, nos amis du monde occidental, qui font du Sénégal le premier de la classe démocratique sous les tropiques, froncent les sourcils
Le département d’Etat américain, cette vierge éternelle effarouchée, s’indigne des violations flagrantes des principes de bonne démocratie. Au pays de la peine de mort, du port d’arme institutionnalisé, où un Nègre prend une balle perdue s’il fouille trop brusquement ses poches, ça ne tolère pas qu’un pays aussi pauvre que le nôtre puisse s’offrir l’audace d’enfreindre sa Constitution avec autant de désinvolture.
Quant à l’Union européenne, qui ne comprend déjà pas qu’un pays civilisé s’offusque que des homosexuels se promènent sur les boulevards bras dessus, bras dessous en échangeant des baisers à pleines bouches, elle se scandalise que ces sauvages se permettent en plus de rater un rendez-vous électoral.
Que dire de l’indignation de la Cedeao… Ses pays membres ont déjà du mal à gober les Sénégalais qu’ils regardent comme des intrus : un authentique pays africain a dans son pedigree au moins deux coups d’Etat sanglants et un putsch sympa, pour le principe, sans trop de gaspillage d’hémoglobine. Juste des foules en liesse, des soldats sur les chars et des chants martiaux qui surexcitent les midinettes.
Le Sénégal, qui est non pas un pays africain mais juste situé en Afrique, tarde à sauter le pas. C’est agaçant. Allez, quoi : du nerf ! Y’aurait pas un sergent obtus chez nous, genre Dadis Camara, aux intonations vernaculaires et au vocabulaire chiche, qui se dévouerait pour authentifier notre nègre attitude ?
Macky Sall, avouons-le, est dans la bonne direction, puisqu’il ouvre la voie à l’aventure. Ça ne suffit pas. Il devrait sauter le pas et répondre à l’appel de l’abîme avec plus de courage s’il veut mériter sa place dans la liste interminable des chefs d’Etat africains dont on évoque les hauts faits en écrasant des larmes sur nos bajoues.
Ce n’est pas sénégalais certes, mais très ouest-africain. Une vraie révolution, avec des insurgés grognant et hurlant, une foule délirante qui brûle tout sur son passage et, au final, un quarteron de gradés qui prend ses aises au palais de la République après en avoir délogé l’occupant.
La première mesure que ces malappris prendraient, après avoir suspendu la Constitution, c’est de mettre un terme au gaspillage républicain dont les astronomiques pensions de retraites présidentielles ainsi que les frais d’entretien qui vont avec.
De quoi réveiller le tonus de retraités grabataires qui pensent jusque-là couler des jours peinards à l’abri du besoin, tandis que leurs enfants et petits-enfants vivraient sur un grand train, conformément au standing familial. Suivez mon regard…
Saperlipopette, s’exclamerait-on dans un autre monde.
Et donc, ces bons messieurs, Diouf et Wade, de leurs plus belles plumes, qui voient de loin venir le temps des vaches maigres si la République bascule dans la révolution de palais, se fendent d’un appel à la raison, après avoir fait régner leur déraison trente-deux années durant.
On rembobine ?
Au début des années soixante-dix, alors que Senghor tient la barque d’une main de fer dans un gant de velours, il tourne autour de lui un troupeau de jeunes ambitieux dont les rêves de gloire n’excèdent pas la gloire de prendre la place du Blanc.
Abdou Diouf, sorti de l’Enfom, où l’on vous enseigne l’art de mater du Nègre en obéissant au Blanc, est un premier de la classe.
Deux mètres, mais pas un poil plus ras que l’autre. Il sait se plier en quatre, rentrer le cou et raser les murs au besoin. Quand on lui demande de poser aux côtés du Président plutôt court sur pattes, il recule de deux pas pour que le contraste des tailles ne fasse pas de l’ombre au Président.
La courtisanerie est un art.
Ça rassure l’autocrate républicain que le bicéphalisme avec Mamadou Dia échaude depuis les «événements de 1962».
Dans ces années-là, les finances publiques sont choses trop sérieuses pour être confiées à la négraille. André Peytavin, médecin vétérinaire, militant progressiste qui préfère la nationalité sénégalaise à celle de la France au moment des indépendances, est le premier ministre des Finances.
Il décède sans crier gare en 1964.
Un court intermède fera de Daniel Cabou, son successeur, un juriste et économiste, également un pur produit de l’Enfom.
Tout ça, c’est avant que Jean Collin n’y atterrisse.
Pause pipi.
Il y reste jusqu’en 1971. Malgré les coups de boutoir de jeunes ambitieux qui réclament sa tête et veulent sa place avec pour principal argument que leur couleur de peau.
Quand il faut choisir, quelques têtes émergent.
Un premier de la classe, sorti de l’Enfom, qui a eu le malheur d’être le directeur de Cabinet de Mamadou Dia, Babacar Bâ, sort du lot. Un surdoué qui, en 1948, décroche le bac à dix-huit ans, pendant que ses contemporains le décrochaient à vingt-deux ou même trente
Rien à voir avec les carrières poussives des autres prétendants, dont un certain Abdoulaye Wade.
Babacar Bâ a ce petit quelque chose, le panache, peutêtre, que la noblesse vous impose malgré vous. Sa mission : créer une bourgeoisie nationale qui reprendra notre économie des mains du colonisateur. Le vendredi, quand Babacar Bâ sort du cimetière de Soumbédioune aux aurores, il s’astreint à des audiences que le Peuple des Sénégalais en urgence lui réclame. Sa légende anime le monde des affaires et il devient un mythe dans le bassin arachidier.
C’est sans doute à ce moment-là qu’entrent Abdou Diouf, Premier ministre sans envergure, et Abdoulaye Wade, juriste, économiste, avocat, qui se voit ministre des Finances après avoir déployé tant d’efforts pour que l’économie et les finances soient confiées à un Nègre bon teint.
Senghor lui préfère Babacar Bâ
Abdou Diouf et Wade ne nous diront jamais à quel point ils ont été complices. La création d’un «parti de contribution» travailliste, le Pds, pour appuyer les progressistes de l’Ups, surtout au plan économique, tombe pile-poil. Quand Wade rencontre Senghor à Mogadiscio pour avoir l’autorisation de créer son parti, il a la bénédiction du Premier ministre.
Ça tombe bien, le monde entier attend la création d’un parti d’opposition civilisé en Afrique…
Le hasard faisant bien les choses, c’est dans le fief de Babacar Bâ, le bassin arachidier, avec aux manettes Ahmed Khalifa Niasse, que le premier congrès du Pds se tient.
En ces temps-là, le bourrage des urnes est la norme. Quand Senghor le veut, les urnes affichent 100% des votes. Quand Wade et son Pds arrivent, ô miracle, ils décrochent de quoi former un groupe parlementaire à l’Assemblée, avec dix-huit députés.
Fara Ndiaye, le numéro deux du Pds, est un familier de Diouf, depuis la fin des années cinquante. Ils crèchent alors dans la même résidence universitaire en France. Cerise sur le gâteau, le beau-frère de Fara Ndiaye est un condisciple de Diouf. Ça aide, n’est-ce pas…
Ils se parlent la nuit, en bons Africains, comme dirait un éditorialiste français pince-sans-rire. C’est Diouf lui-même qui le dit dans son autobiographie.
Pour financer le Pds, un cabinet de consultance est mis sur pied, codirigé par Fara Ndiaye et Habib Diagne, que l’on dit proche de Abdou Diouf. Des lettres de recommandation du gouvernement sénégalais leur ouvriront des marchés auprès de certains Etats africains.
Il n’y a pas que gagner de l’argent en politique, il faut aussi savoir nuire à ses adversaires…
Pendant que Abdoulaye Wade dénonce le scandale économique qu’est l’Oncad, le moteur de l’économie dans le bassin arachidier, fief de Babacar Bâ, Abdou Diouf démolit le mécanisme de financement de la bourgeoisie locale en fermant le fameux «Compte K2» de la Bnds qui donne à Babacar Bâ plus de pouvoir que de raison.
Moustapha Niasse, Djibo Kâ, qui ceinturent Senghor sous la coupe de Jean Collin, se dévoueront pour provoquer le court-circuit entre le Président et son ministre des Finances… Même le cousin, Serigne Ndiaye Bouna, s’en mêlera en créant le fameux «scandale des voitures japonaises», prétextant que Babacar Bâ, ministre des Finances, protègerait les multinationales françaises en interdisant l’importation des voitures japonaises.
Un «scandale» révélé par le seul journal privé de l’époque, Le Politicien…
Tous ces braves concitoyens feront tant et si bien que le chouchou de Senghor tombera en disgrâce. Il est d’abord déplacé aux Affaires étrangères avant qu’un incident ne le raye de la liste des membres du gouvernement. Avec les compliments de Jean Collin et Abdou Diouf.
La voie est libre.
Lorsque Diouf remplace Senghor, Collin est aux premières loges certes, mais Wade ne doute pas qu’il a sa part du butin qui l’attend. Diouf n’est pas une bête politique et il pense n’en faire qu’une bouchée aux premières élections qui viennent.
En 1983, ô surprise, c’est Diouf qui gagne… C’est alors que le gentil parti d’opposition issu du «parti de contribution» opère sa mue. Le style change. L’extrémisme de Wade que la conquête du pouvoir obsède depuis que c’est Diouf qui occupe le Palais, effraie ses lieutenants qui le quittent les uns après les autres.
En 1988, lorsque le Pds donne l’assaut, c’est une armée de sans-culottes que complète un trio de poseurs de bombes.
L’Etat, alors, c’est Jean Collin.
Il faudra s’en débarrasser, en 1990, pour enfin que Diouf et Wade se retrouvent en tête-à-tête, face à face. Pour qu’il puisse y avoir le «Code électoral consensuel» piloté par Kéba Mbaye, puis le «gouvernement de majorité élargie» où nos larrons se croiront en foire…
De leurs mamours, qui confinent à la vulgaire partie de jeu de dames, on retiendra en plus la faillite de l’éducation et la citoyenneté, une année scolaire «blanche», un juge constitutionnel assassiné, plusieurs couvre-feux, le plus grand naufrage maritime de l’humanité, une culture du reniement et de la compromission, du vandalisme politique, une conception du bien public qui se contente de garder le pouvoir ou le conquérir juste pour jouir de ses privilèges.
Entretemps, comprenez trente-deux-années de magistère si on additionne les années de gloire de nos duettistes, la «jeunesse malsaine» a fait des petits qui sont devenus des pilleurs et des assassins.
Avec les compliments de MM. Diouf et Wade…
Par Mamadou Oumar NDIAYE
AU PAYS DU PRESIDENT BATTREKAT
Ce récit est purement fictif et les personnages qui y sont mentionnés totalement imaginaires. Toute ressemblance avec un pays ou une situation ayant existé est naturellement purement fortuite…
Acte 1 : Il demande au Premier ministre de venir le voir et, sans même l’inviter à s’asseoir, se lance dans une longue tirade. « Monsieur le Premier ministre, les services m’ont réuni toutes les preuves. Vous avez fait corrompre des juges constitutionnels non seulement pour éliminer un candidat de l’opposition qui est de la même famille que moi même si je l’avais jeté en prison… Au fait, vous avez bien été un membre de son mouvement lorsqu’il me combattait alors que j’avais pris le maquis ? Rappelez-vous, c’est quand vous prétendiez que nous autres étions dans l’abstrait ! En plus donc de faire éliminer ce candidat, vous leur avez demandé de faire valider un autre présenté par mes pires ennemis. C’est significatif d’ailleurs que, bien que j’aie appuyé la résolution de nos alliés demandant l’ouverture d’une enquête parlementaire sur cette affaire en sachant parfaitement ce qu’il en était, vous n’ayez pas protesté un seul instant. Car vous savez ce que vous avez fait ! Je ne vais pas vous accabler davantage et je vais même dire que je vous renouvelle ma confiance. Mais en échange, je ne veux plus vous voir vous épancher dans les médias, notamment ceux de nos anciens maîtres, pour vous opposer à un report de la présidentielle. Et puis, je vous rends service en reportant ce scrutin car vous savez bien que vous ne décollez pas dans les sondages. C’est compris ?
— Oui, Monsieur le Président.
— Parfait, donc vous pouvez disposer.
Acte 2 - Il convoque le président du Conseil constitutionnel et, affichant le masque des mauvais jours, lui tient à peu près ce langage : « Je ne suis pas content de vous et vous savez pourquoi. Valider la candidature de ce dangereux salafiste, vous vous rendez-compte ! Au moment où les terroristes sont à nos frontières, où les forces occultes attirées par notre pétrole et notre gaz sont prêtes à tout pour déstabiliser notre pays ! Je peux, si je le veux, vous jeter en pâture à l’opinion en demandant à la commission d’enquête parlementaire d’aller jusqu’au bout et de publier les preuves qu’elle détient. Ces gens du Pds, vous savez bien que ce ne sont pas des manchots. Et moi donc, vous savez bien que je suis l’homme le plus renseigné de ce pays. Ecoutez donc ces audios (le patron du Conseil constitutionnel écoute et de grosses gouttes de sueur inondent son visage). Bon, je vais arrêter tout ça mais ne faites pas le con. Ces gens qui vous poussent à déclarer inconstitutionnelle la loi reportant l’élection ne vous aiment pas. Allez donc faire ce que vous savezle mieux, à savoir vous déclarer incompétents et on n’en parlera plus ! ».
Acte 3 : Le Président appelle le président de l’Assemblée et le chef de ses députés. « Allô ? Le président du Conseil vient de quitter, je lui ai parlé, il a compris et je crois qu’ils ne vont pas faire les cons. Vous pouvez donc lever le pied sur la commission d’enquête parlementaire. Ah, vous voulez une porte de sortie honorable, ne vous en faites pas je sais ce que je dois faire ! »
Acte 4 : Le Président appelle son ministre de la Justice : « Allô, Monsieur le Garde des Sceaux ? Vous m’aviez dit n’est-ce pas qu’un magistrat de mon Conseil constitutionnel avait saisi les juridictions d’une plainte pour diffamation ?
— Oui, Monsieur le Président !
— Et je vous avais demandé d’instruire le Procureur de mettre cette plainte sous son coude ?
— Tout à fait, Monsieur le Président!
— Alors, qu’il lève le coude dessus et dise qu’il va instruire la plainte du magistrat ! »
Le Président raccroche et se balance dans son fauteuil, satisfait de son coup de billard : « quand je leur disais que je suis un génie politique ! Je suis parvenu à mes fins, j’ai obtenu le report de la présidentielle, j’ai neutralisé mon Premier ministre, je vais faire condamner ce salafiste de manière à le rendre inéligible, réintroduire dans le jeu le candidat que j’avais jeté en prison dès mon arrivée au pouvoir pour qu’il ne soit pas un obstacle à ma réélection.
Grâce à l’élimination de ce salafiste, je vais remettre en pole position mon candidat. Quant aux autres candidats dont la plupart, du reste, m’avaient demandé de reporter le scrutin du fait de dysfonctionnements au niveau du Conseil constitutionnel, il me suffira de les appeler à dialoguer avec en perspective la formation d’un gouvernement d’union et en leur vendant la fable des terroristes aux frontières, pour qu’ils gobent tout ce que je leur vendrai.
Franchement, au vrai, je suis un génie ! » Là-dessus, le téléphone sonne et le Président décroche. La voix de son assistante se fait entendre : « Monsieur le Président, le secrétaire d’Etat américain désire vous parler ! » Tout trempé d’un seul coup, le Président murmure : « merde, je n’avais pas compté avec ces enquiquineurs ! »
Ndlr : Ce récit est purement fictif et les personnages qui y sont mentionnés totalement imaginaires. Toute ressemblance avec un pays ou une situation ayant existé est naturellement purement fortuite…
Par Vieux SAVANE
LA CONSTITUTION, DERNIER REMPART
De démocratie craquelée voilà donc le Sénégal devenu une démocratie fracassée sous les coups de boutoir d’un « matey » cavalier habité par une petitesse de vue, si ce n’est une ivresse du pouvoir, qui le décrédibilisent totalement.
Deux anciens présidents qui signent un communiqué commun, appelant à l’apaisement et à la réconciliation tout en soutenant le report de l’élection présidentielle, des médiateurs autoproclamés qui s’activent pour l’instauration d’un dialogue entre le chef de l’Etat et le chef d’un parti de l’opposition embastillé, des idées d’amnistie agitées, des victimes et des parents de personnes décédées lors de violences désemparés, etc.
C’est dans ce contexte que Karim Wade s’est fendu d’une missive pour se réjouir d’avoir appris qu’ « Ousmane Sonko est en négociation avec le Président Macky Sall en vue de sa prochaine libération et de celle des personnes emprisonnées avec lui ». Après avoir prié pour que ce dernier « recouvre rapidement la liberté » et félicité toutes les personnes qui « officient sans relâche et dans la plus grande discrétion pour sa libération », il dit son impatience de l’ « affronter dans la sérénité lors de l’élection présidentielle du 15 décembre prochain dans un scrutin démocratique, ouvert, inclusif et transparent ».
Tout ce méli-mélo témoigne du fait que ce qu’il se passe aujourd’hui avec l’arrêt brusque du processus électoral est une catastrophe. De démocratie craquelée voilà donc le Sénégal devenu une démocratie fracassée sous les coups de boutoir d’un « matey » cavalier habité par une petitesse de vue, si ce n’est une ivresse du pouvoir, qui le décrédibilisent totalement. Pour accentuer cette descente aux enfers, il nous a été servi après une douzaine d’années de règne à la tête du pays, un discours abscons aux allures de manœuvre cousue de fil blanc. Ce dernier cherchant en effet à masquer une ruse de plus, tout en essayant de s’incruster durablement dans les plis d’un pouvoir présidentialiste qui fascine et fait fantasmer nombre de candidats à la candidature.
A force de louvoiements, le risque est d’installer une rupture de confiance profonde entre les gouvernants et les citoyens exaspérés. En mal d’espoir pour leur écrasante majorité, comme saisis d’apoplexie, ces hommes et femmes, jeunes et vieux manquent d’air. Privés de cette respiration démocratique que permet l’élection, dépossédés de cette espérance d’un nouvel horizon qui aide à supporter les affres du présent ils étouffent, impatients d’enfanter à date échue un lendemain plus à leur portée. Brandissant leurs cartes électorales, en déphasage avec le dialogue dont il est question, ils tiennent ainsi à rappeler que ce dernier se fait en amont ou en aval, pour poser les règles du jeu ou en faire le bilan dans la perspective de nouvelles stratégies, mais certainement pas pour changer les règles en cours de jeu. Surtout qu’un vrai dialogue se déroule autour de principes clairs et non pour s’accorder dans la temporalité spécieuse d’arrangements dénués de toute épaisseur historique, embourbés dans la gadoue des ambitions personnelles et des calculs égoïstes.
Aussi est-il important de rappeler qu’une démocratie ne peut fonctionner qu’avec des démocrates. En somme des hommes et des femmes soucieux de la République, dotés d’une perception non captatrice du pouvoir, portés par un amour tyrannique pour leur pays, loin des petits calculs qui n’ont en ligne de mire que leurs petits conforts personnels. Il est donc bon de rappeler qu’une démocratie, ce sont des élections régulières, libres et transparentes, la séparation des pouvoirs, la liberté d’expression et de presse, une opinion publique forte. Une fois énoncées ces grandes lignes, il reste aux hommes et aux femmes de conviction de les appliquer si l’on ne veut pas qu’une quelconque instrumentalisation s’invite dans cette relation indivise et fasse courir le risque d’un basculement dans le chaos. Et le temps presse assurément au regard de la tension palpable, dans la rue, avec son cortège de vies fauchées, et d’ambitions calcinées.
Il s’y ajoute une grande misère sociale comme nous le rappelle ces 46 jeunes candidats à l’émigration irrégulière originaires de la zone de Missirah et de Koussanar, dans la région de Tambacounda. Agés entre 12 et 35 ans, ils ont été interpellés dans la nuit de lundi à mardi à l’entrée de la commune de Kaolack sur la route de Kaffrine, selon une dépêche de l’Aps. Chacun des migrants détenait une sacoche contenant des biscuits qui devaient leur servir d’alimentation au cours de leur voyage.
Près de 65 ans après l’indépendance du Sénégal, à voir ses enfants s’inscrire ainsi dans une démarche suicidaire, essayant vaille que vaille d’aller chercher ailleurs des moyens de vivre en dit assez sur les faillites d’une gouvernance plutôt encline à « se servir » qu’à « servir » les laissés-pour-compte. Parce que la crise multidimensionnelle que nous vivons est d’une grande acuité, elle nous oblige à nous convaincre que rien de durable ne peut se bâtir dans le mensonge et la manipulation mais plutôt dans la vérité et la grandeur. A cela, Il faut ajouter l’enterrement de facto de la commission d’enquête parlementaire devant faire la lumière sur les accusations de corruption, de collusion et de conflits d’intérêt, voulue par le Pds et renforcé par la majorité, après enrôlement de la plainte du juge du Conseil constitutionnel Cheikh Ndiaye. Ce qui en dit long sur le burlesque voire le tragique d’une situation qui a conduit au report brutal de l’élection présidentielle.
C’est dire qu’il revient plus que jamais au Conseil constitutionnel de jouer son rôle, d’assumer pleinement ses prérogatives au nom du peuple sénégalais. Parce que l’atmosphère est pesante, parce qu’ils sont soumis à l’exigence de responsabilité, parce qu’il s’agit de défendre la Constitution, il est alors bien loin le temps des dérobades.