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20 avril 2025
Opinions
Par Hamidou ANNE
LE MEURTRE PERMANENT DU JUGE BABACAR SEYE
Un ancien hors-la-loi multirécidiviste est devenu une référence en matière d’hydrocarbures. Il est devenu un personnage adoubé, invité, enfilant même le costume de chroniqueur régulier pour des chaînes peu regardantes sur l’éthique
C’est avec un grand déchirement que j’ai lu cette semaine la lettre adressée par la famille du juge Babacar Sèye aux organes de presse de notre pays. Dans celle-ci, sa veuve et ses proches demandent aux journalistes de ne plus inviter le meurtrier de leur père, après avoir exprimé le drame que chaque apparition de cet homme provoque dans la famille. J’ai personnellement à plusieurs reprises, interpellé des amis journalistes sur cette propension à ouvrir leurs plateaux et ondes à ce sinistre individu.
Après avoir assassiné froidement un juge, il a été condamné par la Justice. Il a fallu l’arrivée au pouvoir de Abdoulaye Wade, son ancien leader en politique, pour qu’il bénéficie, avec ses complices, d’une loi d’amnistie dont les péripéties -de l’adoption au vote avaient divisé le pays et provoqué une forte levée de boucliers aussi bien auprès des organisations politiques que dans l’opinion. Finalement la loi Ezzan est passée, les anciens condamnés sont sortis de prison.
Le Sénégal a changé depuis. La vulgarité et l’impudeur se sont installées dans l’espace public et se sont même fortifiées avec le temps, du fait notamment du peu d’exigence dont l’opinion fait montre. Un ancien hors-la-loi multirécidiviste est devenu une référence en matière non pas de gangstérisme, mais…d’hydrocarbures. Il écume les plateaux de télé et les studios de radio pour dérouler sa science infuse sur le sujet et sur tous les autres liés à la gouvernance publique. Un jour, invité de deux jeunes journalistes, ces derniers le présentent comme un héros qui a été victime d’une cabale judiciaire d’un système -le mot est à la mode - inique et injuste. Il est devenu un personnage adoubé, invité, enfilant même le costume de chroniqueur régulier pour des chaînes peu regardantes sur l’éthique. Aucun rappel à l’ordre des instances compétentes dans une société si permissive avec le désordre, l’individu devient un influenceur très suivi. Une pègre dont la population ne cesse de s’agrandir a envahi les médias pour recouvrir de son vacarme inepte et mensonger les faits. L’objectif est clair et la méthode éculée : armer des mercenaires téméraires mais sans talent pour faire disparaître la vérité au milieu d’un torrent de mensonges et de manipulation
Tout ceci est possible car il faut l’avouer avec tristesse après la sidération : la calomnie, le conspirationnisme et le mensonge ne dérangent guère nos compatriotes qui s’en accommodent volontiers. Le sieur dont je parle comme d’autres «chroniqueurs», s’engouffrent dans la brèche d’une société moralement effondrée pour commettre leurs forfaits. Le mal est fait. L’affreux s’enkyste dans le corps social. Le Sénégal est certainement l’une des seules démocraties au monde où un individu condamné pour un crime aussi odieux, qui est resté comme une tache dans la conscience collective nationale, se balade dans les médias pour donner son avis sur tout. L’individu, avec quelques autres sinistres congénères, en vulgarité et en indécence, a lancé une coalition politique : Le Peuple. Ils ont rejoint Yewwi askan wi ; ces gens que visiblement rien ne répugne, leur avaient ouvert leurs portes. Le même a gagné, après le 24 mars, une respectabilité et une honorabilité qui en font un invité des Assises de la Justice. Un homme qui a le sang d’un juge constitutionnel sur les mains est invité à la même table que des magistrats pour discuter des affaires concernant cette belle vertu qu’est la Justice. On ose tout dans notre pays…Et je renvoie à nouveau à Sureau : «Aucune âme sensible ne contemple l’histoire de son pays sans douleur.»
Il n’est pas aisé de parler de ces gens, de leur offrir ne serait-ce qu’une once d’importance en les citant, tellement ils incarnent le dégout. Mais la lettre des proches de Me Sèye dont j’imagine la souffrance à chaque fois que cet homme apparaît sur leurs écrans, nous engage toutes et tous qui souhaitons un débat public sain, apaisé, dans lequel les incarnations de la défaite de l’humanité n’ont pas leur place. Devoir supporter le passage à la télévision au quotidien, du meurtrier de son père est insupportable. Je ne souhaite à personne de vivre ce châtiment qui est comparable à la cohabitation avec l’horreur.
J’admire la pudeur des propos de la famille Sèye. Je salue leur courage, leur résilience, leur dignité, leur décence et leur sens de l’honneur. Ils sont tout ce que le meurtrier de leur père n’est pas. Ils sont les exemples de ce Sénégal d’hier où les valeurs de décence et de pudeur avaient encore un sens.
Par Kaccoor Bi
ILS VEULENT TOUS NOUS ENFARINER !
Entre les nouveaux opposants, qui ruent dans les brancards et essayent de faire feu de tout bois, et la foucade des meuniers, le choix devient cornélien. Cependant, pour ne pas faire de jaloux, allons pour les deux.
Entre les nouveaux opposants, qui ruent dans les brancards et essayent de faire feu de tout bois, et la foucade des meuniers, le choix devient cornélien. Cependant, pour ne pas faire de jaloux, allons pour les deux.
Commençons d’abord par ces messieurs qui refusent de nous rendre le pain plus digeste et sont toujours à se sucrer sur notre dos avec leur sempiternelle hausse du cours du blé sur le marché international sans que les baisses du même cours soient jamais répercutées aux pauvres consommateurs que nous sommes !
Et parce qu’on leur demande de rendre la vie de nos compatriotes moins revêche, ils nous sortent l’argument de leurs stocks non épuisés qu’ils ont payé à prix d’or ou qu’ils ne peuvent pas vendre en se ruinant. Les pauvres ! Leur argument massue : on ne peut pas vendre à perte, c’est interdit par le Loi. Gageons que même si la Loi l’avait permis, ils ne l’auraient pas fait ces gens qui passent leur temps à nous rouler financièrement dans la farine.
Leur raison d’être, c’est la recherche du profit pas la philanthropie ! Ces milliardaires ont ainsi décidé de suspendre la production et la vente de farine boulangère et voudraient que les pauvres que nous sommes s’appauvrissent encore dans un marché qui est loin de ce qu’ils veulent nous faire gober. C’est en fait ce que le Gouvernement a voulu faire comprendre à ces messieurs habitués à des coups fourrés sur les pauvres consommateurs.
La mise en demeure qui leur est adressée se révèle être un véritable réquisitoire imparable sur des pratiques pas du tout catholiques. A la guerre comme à la guerre, semble leur dire le ministre en charge du Commerce et de l’Industrie qui n’est pas un novice dans le secteur. On verra qui tuera l’autre ou qui prendra le dessus sur l’autre.
Sur un autre registre de la vie politique de ce charmant pays, on assiste à la surenchère de certains messieurs et dames qui livrent une féroce et déloyale concurrence aux partis constitués dont les animateurs sont tous en hibernation. Délaissant ainsi le terrain à ces mécontents qui ne font qu’exprimer leurs états d’âme. Ce qui fait qu’aucune voix ne semble s’opposer à Seugn Bass.
En revanche, celui qui fait face à une nouvelle opposition, c’est bien Oscar Sierra que ces néo-opposants ne semblent pas aimer. Alors pas du tout ! Il serait à l’origine de tous leurs malheurs et voudrait les enterrer vivants. Ou, comme ils disent, les faire taire. Et plutôt que d’arguments massues, ça vole bien bas dans leurs différentes déclarations. Ils vendent à l’opinion l’idée qu’on voudrait leur mise à mort alors qu’on ne leur demande qu’à se mettre en règle avec le Fisc.
Parmi ces néo-opposants, l’un est devenu un habitué des plateaux des médias. Sa seule cible ? Le vilain Oscar Sierra. L’autre s’illustre de plus en plus dans les railleries à outrance et risquerait bientôt de disputer la place de la bouffonnerie aux pitres des médias. Un autre est dans la victimisation. On voudrait lui faire payer un crime qu’il est le seul à voir. Quant à la belle de ce groupe de grognons, elle se dit prête, toutes griffes dehors, à faire face. Grrr !!! Ace jeu, c’est la vraie opposition qui risque de disparaître du paysage
Par Oumar Sow
LE DANGER DU PARTI PRIS
Dans la vie courante, nous avons une vaste expérience de voir tous les jours les conséquences du jeu du diable.
Dans la vie courante, nous avons une vaste expérience de voir tous les jours les conséquences du jeu du diable.
Quand Dieu a tracé les lignes rouges qui ont correspondu à l'ensemble de Ses interdits, il a doté les hommes d'un outil de mesure exceptionnel qu'on appelle l'esprit (ou l'intelligence) pour être responsables de leurs actes.Vivre appelant succinctement à devoir, chaque devoir va avec plus de responsabilités.
Ainsi l'ignorance est une audace puisqu'elle ne permet pas d'évaluer le danger. Mais (se)savoir faire du mal et en ignorer les conséquences s'est s'inscrire à l'école du diable.
Le parti pris dans nos foyers nous coûte la paix.(Irresponsabilité)
Le parti pris entre nos propres enfants nous coûte l'union familiale( Irresponsabilité ).
Le parti pris entre nos voisins nous coûte la personnalité.( Irresponsabilité)
Le parti pris entre nos administrés nous coûte de bons résultats.(Irresponsabilité).
Le parti pris de l'Etat dans sa gestion lui coûte la paix sociale. ( Grosse Irresponsabilité)
Imposer une langue nationale est un parti pris provocateur qui sèmera la frustration et la division d'une nation jusque-là homogène.
Ignorer tout un espace culturel, social, historique, politique et économique dans la répartition des zones économiques est un parti pris et un amateurisme architectural du maillage de la gestion économique du territoire national.
Le danger, pour en revenir à lui,c'est d'avoir tous les outils de justice, d'équité et de transparence, de les ignorer et de ne s'en tenir qu'à son irresponsable désir de faire.
Quand on ignore royalement de faire le possible, on passe souverainement à côté du devoir accompli.
Puisque, nous l'avons déjà vu plus haut, que le devoir et la responsabilité sont strictement liés, que l'état commence par se sentir expressément responsable de tout le mal qui arrivera au joli bien que constitue le merveilleux vivre ensemble de notre cher Sénégal,dans son désir entêté de continuer à tirer sur la corde,dans son sourd for intérieur.
Notre devoir et notre responsabilité, c'est de dire non au danger du parti pris et à l'injustice.
Moýýere Allah e mon.
Oumar Sow (Saïkou Modoulo).
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
QUAND LE MAITRE VEUT IMITER L’ÉLÈVE
EXCLUSIF SENEPLUS - Certains de leur mainmise sur la vie politique nationale, Macron et Macky ont sous-estimé la défiance grandissante. Les calculs politiciens se sont brisés sur la sanction cinglante des urnes, révélant l'ampleur de leur déconnexion
La leçon de Macky voulant réduire l’opposition à sa plus simple expression n’a pas servi à Macron. Ce dernier ambitionnait de réduire le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen à sa plus simple expression et ne voilà-t-il pas qu’il a lamentablement échoué ? Dans des proportions inégalées, l’extrême droite française a remporté les élections européennes en France. Le parti de Macron, Renaissance (RE) réalise moitié moins que le RN. Du jamais vu ! Jamais l’extrême droite ne fut aussi près des portes du pouvoir en France !
Tout comme Macky, Macron fut atteint subitement de soubresauts de folie. Il s’engagea dans une fuite en avant éperdue. Quand l’élève Macky reportait l’élection présidentielle sénégalaise, le maître Macron dissolvait l’Assemblée nationale française. On eut du mal à comprendre, dans un cas comme dans l’autre, les logiques à la base de ces comportements compulsifs. Si Macky évoquait, sans trop y croire lui-même, la gravité des faits de corruption supposés touchant son premier ministre et des magistrats de la Cour constitutionnelle, Macron, lui, se bornait à évoquer un acte de confiance en son peuple face à la montée de l’extrême droite.
Et si en définitive, l’acte de Macky Sall avait jeté le Parti démocratique sénégalais dans les bras du Pastef, celui de Macron aura plutôt recimenté en un temps record, et comme par miracle, la gauche française fort moribonde et aura semé la zizanie dans les rangs de la droite, notamment chez Les Républicains (LR). Éric Ciotti, patron de LR, rêvant de victoire quoi qu’il en coûte (une autre version de « na ci bokk rekk »), a décidé de suivre le RN sans l’accord des siens, créant un rififi incroyable chez les Républicains.
Les seules logiques qui semblaient justifier les choix de l’élève Macky auraient été sa recherche désespérée de s’agripper au pouvoir pour quelques mois supplémentaires, sans qu’on sache d’ailleurs pour quoi faire. Quant à celles du maître Macron, elles semblaient résider dans sa volonté farouche de rester à la barre et de ne pas attendre que les vagues d’une éventuelle motion de censure ne le happent.
Macky savait que sans tricheries, le Pastef allait gagner. En décidant tout d’un coup de normaliser la situation politique, de libérer Diomaye et Sonko et de faire voter, au pas de charge, une loi d’amnistie à l’Assemblée où il détient une majorité relative, il s’était résolu à abdiquer et à offrir le pouvoir au Pastef.
Macron sait la cohabitation avec l’extrême droite inéluctable. Le voilà à rêver de s’acheter un monde sans histoires où, il pourrait régner en paix jusqu’à la fin de son dernier mandat. Mitterrand n’eut-il pas ses meilleurs moments de présidence avec Chirac et Balladur à la barre comme premiers ministres ? C’est bien cela l’avantage de la cohabitation. On voit mal comment le parti du président, Renaissance, pourrait se remettre de cette cuisante défaite électorale. Comme pour l’APR, le parti de Macky Sall, l’ampleur de la défaite de Renaissance fût sans précédent. L’un comme l’autre aura du mal à survivre à cette crise profonde.
Les divorces entre les autorités régnantes et leur peuple sont devenus grandissants. En France, au Sénégal, comme en Afrique du Sud, les défaites des partis au pouvoir étaient prévisibles. Cependant, partout, c’est l’ampleur des défaites qui surprend. Elle démontre combien est grande la défiance des peuples par rapport aux politiques. Les idéologies n’attirent presque plus, les gens veulent vivre, ils veulent du riz dans le bol, ils veulent du bonheur, ils préfèrent la croissance de l’indice du développement humain (IDH) qui profite à tous (donc à eux) à celle du PIB générée par 80% de la population et qui ne profite qu’à 1% !
Que faire ?
En France, il faut déconstruire les thèses racistes du RN de Le Pen et de Reconquête de Zemmour (on se demande bien de quoi) s’acharnant à démontrer au peuple français que l’obstacle majeur à leur bien-être, à leur bonheur, serait l’étranger, l’autre. Les thèmes de l’identité, de la sécurité et de l’immigration brandis par ces partis ne sont là que pour victimiser l’autre. Chassons l’autre et nous serons heureux, battent-ils en brèche. C’est cette thèse simpliste qui a prospéré au fil du temps, depuis qu’un certain François Mitterrand a mis le pied à l’étrier à une extrême droite confidentielle pour contrer sa droite. Quel triste châtiment cela aurait été pour le chef de file socialiste, s’il avait connu l’infamie de vivre ce moment de gloire du parti d’extrême droite française ! Plus de 30% aux élections législatives européennes !
Peut-on espérer que la réflexion rationnelle puisse ramener le peuple français à plus d’humanisme ?
C’est le travail colossal auquel s’attachent, depuis la débâcle du 9 juin, les blocs de centre et de gauche. Le temps leur est compté. Difficile de croire qu’ils y arriveront. Dans un contexte de brutalisation de la vie publique, ce sont les solutions extrêmes qui prévalent hélas ! Et donc l’extrême droite séduit de plus en plus. Le vote se fera assurément en ces temps troubles, sur des aspects irrationnels et émotionnels.
La roulette russe est enclenchée, espérons que le barillet n’est pas plein pour qu’il y ait au moins une chance de survie !
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
Par Amadou Lamine SALL
DIOMAYE-SONKO, ENCORE PLUS LOIN QUE LES LIENS POLITIQUES ?
Ce pays est une oasis et les dattes sont à portée de lèvres. Que tout ce peuple soit béni et avec lui ses jardiniers de mars 2024. Mais se souvenir toujours que «la différence entre un jardin et un désert, ce n’est pas l’eau. Mais l’homme»
Notre prière, hymne à l’amitié et à nos valeurs les plus nobles, est celle-ci, avec l’arrivée du Président Diomaye au pouvoir comme 5ème président de la République du Sénégal : Qu’un océan caché et en marche, prenne le relais d’une mer qui n’a jamais renoncé à son sel. Même s’il est plus facile de «contempler la lune» que de «devenir l’océan.» Puissent les nouveaux marchands de sucre rendre notre quinquéliba plus délicieux encore qu’hier. Aidons-les tous à réussir un nouvel arôme !
Certains nous en voudront, jusqu’à nos prières ! Comme si nous n’avions pas le cœur et le droit de prier pour le bien et non pour le mal ! Tant pis, c’est trop tard ! Nous avons choisi le bien ! Il n’a rien à voir avec la politique, parce que la politique, ses démons et ses divisions nous ont appris plus à s’opposer, à haïr qu’à aimer !Que ceux que Le Seigneur aime soient préservés de ce cyanure, de cet incendie !
Nous tentons d’être des poètes qui donnent une voix à l’humanité et tentent de mettre en lumière les problèmes sociaux et politiques et inspirer les gens à agir pour les résoudre. Cette race, dit-on, Dieu veille sur elle et lui prête Sa Lumière.
Il n’y a rien de plus précieux que la liberté ! Il n’y a, non plus, rien de plus beau que l’amitié ! Surtout, que personne ne suive mon regard. Le Sénégalais sait être coquin ! Il est vif d’esprit. Le poète Rûmi, fondateur de la tarîqa Mawlawîya, écrit ceci dans ses «Odes mystiques», je le cite : «…tous deux nous sommes une seule lumière - Si tu veux, vois le, situ le veux, vois-moi.-Je suis lui, il est moi. -Pourquoi dis-je moi ou lui, puisque lui-même est moi, et que moi je suis lui ? Je suis lui-même, maintenant c’est de moi-même que je parle… Heureux le moment où nous sommes assis dans le palais, toi et moi. Avec deux formes et deux visages, mais une seule âme, toi et moi.»
Salâh-od-Dîn Farîdûn Zarkûb dit ceci de son ami le poète Rûmi. - Ne suivez pas mon regard-, je le cite : «Je suis comme un miroir devant Mawlânâ -autre nom du poète Rûmi-. C’est en moi qu’il voit son propre visage. S’il m’a choisi, c’est qu’il s’est choisi lui-même.»
Si quelque misère séparait un jour les deux gardiens du Sénégal à qui le peuple a confié les clefs de sa précieuse maison, -et prions pour que cela n’arrivera jamais-, l’un comme l’autre nous dira alors : «Je me plains puisqu’on m’a séparé de la canne à sucre. Et je ne puis plus vivre sans gémir et me lamenter.»
Puissent les deux, le saint et le héros, comme Senghor les avait prédits, «accueillir les pauvres et ceux qui sont dans le besoin, et qu’ils supportent avec patience la peine de les servir», comme le peuple dans les urnes les a si abondamment servis. Qu’ils se lèvent avant l’aube pour servir et qu’ils se couchent tard pour toujours servir.
«Un affamé ne s’enfuit pas loin du pain» si le pain montre sa pâte et diffuse son parfum.
«Garde bouche close» dit le poète Rûmi ! Dans ce pays si bavard, les meilleurs se taisent. Ils ont vu, fait, donné, construit, aimé leur pays et parcouru le monde. Sans bruit. Ceux qui bavardent, l’esprit court, l’ignorance en bandoulière et la vanité enflée, n’en sont même pas encore «au tournant d’une ruelle.» Tout finit par passer ! Seule demeure ce qui ne peut s’effacer et que garde jalousement les livres d’histoire, la vigueur et l’invincibilité de la tradition orale. Quand on sait et voit qu’il ne reste qu’à peine un mur des grands palais somptueux des sultans arabo-perse, comme « le palais d’Aladin des Mille et Une Nuits, entre autres, on devient silencieux.
Travaillons et pas seulement les tenants du pouvoir, mais tous ensemble. Soyons une présence savante, humble et fraternelle, constructive et non destructrice, divisionniste, séparatiste, jalouse et haineuse.
Ce pays est une oasis et les dattes sont à portée de lèvres ! Que tout ce peuple soit béni et avec lui ses jardiniers de mars 2024 venus avec pelles et truelles. Mais se souvenir toujours que «la différence entre un jardin et un désert, ce n’est pas l’eau. Mais l’homme.»
Par Madiambal DIAGNE
L’OFNAC SERVI SUR UN PLATEAU… D’ARGENT
La récente opération de levée de 450 milliards interroge sur une possible prise illégale d'intérêts, alors que le Sénégal, à en croire le FMI, n'avait nul besoin d'emprunter autant de manière aussi opaque
L’agence Bloomberg avait révélé, dans une dépêche du 4 juin 2024, que le Sénégal a levé, sur les marchés internationaux de capitaux, la bagatelle de 750 millions de dollars américains, soit 450 milliards de francs Cfa. L’information a été très largement relayée par les médias. Le gouvernement daigne alors, dans un communiqué en date du 6 juin 2024, confirmer l’information, soulignant avoir réalisé l’opération «avec succès». L’organisation Forum civil, qui s’investit pour la transparence dans la gestion des affaires publiques, s’était interrogée, par la voix de son coordonnateur, Birahim Seck, sur les conditions de réalisation de cette opération. «Le ministre des Finances et du budget doit nous édifier sur le choix de JP Morgan Londres. Le problème de la transparence de l’intermédiation demeure», demande-t-il. Le gouvernement n’a encore fourni la moindre réponse à cette interpellation publique. A priori, on pouvait être indulgent à l’endroit de cette opération car, dès l’installation du gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, des voix, les plus autorisées, laissaient entendre que la situation financière héritée du régime de Macky Sall était catastrophique et qu’il fallait parer au plus pressé pour trouver des ressources financières.
Pourtant, le 11 avril 2024, le nouveau régime avait encaissé 324 milliards de francs Cfa, fruits d’un prêt garanti par la Banque africaine de développement (Bad) et autorisé par le Fmi, en décembre 2023, pour permettre de passer le premier trimestre de 2024 marqué par une période électorale.
L’opération cachée, même au Fmi : Un scandale !
Les objections formulées quant à l’opération de levée de 450 milliards de francs Cfa étaient tout bonnement ignorées. Ainsi, le fait que le Sénégal ait cette fois-ci emprunté au taux le plus cher de son historique d’endettement, à savoir 7,75%, adjugé aux investisseurs, sur une maturité aussi courte de sept ans, ne devait pas étonner. Quel est le taux définitif si on intègre les commissions et autres frais d’intermédiation gardés confidentiels ? Le gouvernement avait souligné avoir levé les fonds pour consacrer les deux tiers à «optimiser davantage le service de la dette». Allez savoir la logique d’emprunter à des taux les plus chers, pour racheter des dettes moins coûteuses ! Les brillants économistes sénégalais, qui parlaient souvent de ces questions, se sont subitement tus. Nul ne cherche à insister pour savoir dans quelles conditions la banque intermédiaire JP Morgan a été choisie, sans aucun appel à la concurrence, et que l’opération présentée comme un eurobond ne l’est point et se révèle plutôt être une banale opération de placement d’obligations directes du Sénégal auprès d’investisseurs ciblés. Dans une opération classique d’eurobonds, du style de celles réalisées les dernières semaines par la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya, et par le Sénégal sous les régimes de Abdoulaye Wade et Macky Sall, la transparence est de rigueur sur les modalités du choix de la banque conseil, les frais et commissions d’intermédiation payés. Mieux, «un road show» est organisé à l’intention des potentiels souscripteurs, avec l’assistance des institutions financières internationales publiques. Le modus operandi d’un eurobond voudrait une publicité préalable de l’opération et que les souscripteurs proposent, au cours d’une séance publique, des taux de financements affichés à l’écran, que le pays demandeur apprécie et négocie avant de distribuer le portefeuille selon ses propres critères d’appréciation. Le public est informé, jusqu’à la nomenclature des dettes rachetées à l’occasion ! Il n’en est véritablement rien de la première opération de levée de financements privés que vient de mener le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba, en dehors des marchés financiers régionaux. JP Morgan n’a eu à démarcher que ses clients privilégiés, et des investisseurs traditionnels non consultés ou approchés font une moue frustrée. D’autres curiosités pouvant renforcer la suspicion sont également notées. L’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair, présenté comme un Vrp de JP Morgan, a été reçu par le Président Faye, le lendemain de l’opération «fast track» de levée de fonds, alors qu’il était jadis férocement pourfendu par Ousmane Sonko. Simple coïncidence ? En outre, des médias ont pu révéler que des cadres encartés au parti Pastef avaient été, jusqu’à une période récente, des collaborateurs de JP Morgan.
Le Fmi, un «lanceur d’alerte» pour l’Ofnac
La mission qu’une équipe du Fmi, a effectuée du 6 au 19 juin 2024, pour une revue du programme en cours avec le Sénégal (2023-2026), s’est conclue par un coup de tonnerre. Edward Gemayel, chef de mission, a révélé, au cours d’une conférence de presse à Dakar, que «le Sénégal traverse une période de surfinancement. Le pays a emprunté plus que nécessaire, conduisant à une liquidité excédentaire». Il souligne que le gouvernement dispose actuellement de plus de liquidités que nécessaire. «Ce surplus de financement résulte principalement de l’émission d’euro-obligations (eurobonds) des 3 et 4 juin 2024.» Ce qui est fait est fait, et le Fmi semble donc se résigner à «discuter avec le gouvernement de l’utilisation de ce surfinancement pour effectuer des opérations de gestion du passif». M. Gemayel ajoute, non sans saveur : «C’est-à-dire racheter des dettes à court terme plus coûteuses avec cette liquidité à plus long terme et moins coûteuse.» Seulement, on remarquera que le taux de 7,75%, déjà souscrit par le Sénégal, ne saurait être moins coûteux que les dettes à racheter ! De toute façon, le principe préconisé par le Fmi pourrait apparaître simple et Mesmin KouletVickot, représentant-résident du Fmi à Dakar, nous l’explique de manière didactique : «Le Sénégal a emprunté plus que nécessaire pour ses besoins actuels, créant ainsi des fonds excédentaires disponibles. La gestion du passif implique de réduire les coûts de la dette et d’améliorer la stabilité financière à long terme. Les fonds excédentaires, ayant des taux d’intérêt plus bas et des échéances plus longues, permettraient de rembourser des dettes plus coûteuses à court terme et de bénéficier de coûts d’emprunt plus bas sur une période plus longue. Cette stratégie permettrait d’optimiser la structure de la dette, de réduire le surfinancement et de renforcer la soutenabilité de la dette.» Question à Mesmin KouletVickot : en langage plus clair, le Sénégal avait-il un besoin vital de faire ce nouvel emprunt ? Réponse plus ou moins embarrassée : «Véritablement pas.» Pourquoi le Fmi, conseiller du gouvernement, a-t-il pu alors laisser faire ? Le représentant résident à Dakar consent à lâcher : «Non, le Fmi n’était pas informé en amont de cette opération.»
Le fait que cette opération ait été réalisée dans le dos du Fmi est de nature cavalière et rajoute à la suspicion. Pourquoi diantre se cacher du Fmi et mettre l’institution financière devant le fait accompli, alors que la transparence dans ces opérations à gros sous doit être totale, pour éviter, à tout le moins, tout soupçon de prise illégale d’intérêts ou de versement de rétro-commissions ? Est-ce de la simple malice que, dans son communiqué numéro 24/226 du 19 juin 2024, le Fmi se félicite du renforcement des pouvoirs et des moyens d’action de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) et de la protection des «lanceurs d’alerte» ? Doit-on redouter que cette affaire ne finisse par gêner les relations du Sénégal avec ses partenaires ? Le gouvernement ne semble pas être très à l’aise avec ce dossier. La communication, à l’issue des conseils de ministres du 5 juin 2024 et du 12 juin 2024, donc postérieurement à l’opération de levée de fonds, continue étonnamment de faire l’impasse sur ces fonds. Y’aurait-il anguille sous roche pour que le ministre Diba, dans sa communication du 12 juin 2024 devant le Conseil des ministres, n’ait évoqué, à en croire le communiqué publié par le porte-parole du gouvernement, que le prochain débat d’orientation budgétaire à l’Assemblée nationale ? Cette omerta est de nature à accabler un gouvernement dont la transparence reste le crédo principal clamé. D’ailleurs, le public serait-il jamais informé de cette opération, menée en catimini, si Bloomberg n’avait pas vendu la mèche ? Par exemple, le gouvernement Sonko a levé près de 150 milliards de francs Cfa sur le marché financier de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa), en bons et obligations assimilables du Trésor ; à savoir respectivement 28 milliards le 3 mai 2024, 68 milliards le 31 mai 2024 et 50 milliards le 6 juin 2024. Seul le petit monde de la finance a été informé de ces opérations ; nonobstant d’éventuels prêts directs souscrits avec des banques de la place. Dans une autre époque, les services du Trésor public sortaient systématiquement des communiqués pour en rendre compte.
Le risque de se fâcher avec les marchés financiers formels
Le programme signé entre le Fmi et le Sénégal prévoit un décaissement, en juillet 2024, de 230 milliards de francs Cfa sous forme de prêt concessionnel. Mais on peut s’inquiéter pour un tel décaissement. En effet, il peut apparaître quelque peu incohérent pour l’institution financière de continuer à prêter à un pays dont il a fini de relever, à la face du monde, qu’il se trouve dans la merveilleuse et enviable situation de «surfinancement». Peut-être aussi que le Fmi pourrait faire appliquer son vœu ou préconisation, qui jusqu’ici paraîtrait comme une simple clause de style diplomatique, d’utiliser les ressources empruntées pour racheter des dettes plus chères et à maturité immédiate. Les prêts concessionnels sont en effet à des taux d’intérêts quasiment nuls. Il demeure que le Sénégal aura grand intérêt à éviter de froisser le Fmi car, sans son accompagnement, le pays ne pourra plus recourir aux marchés internationaux formels ou réguliers, et s’exposerait, pour le financement de son budget, à des fonds spéculatifs ou «fonds vautours». En dépit de tous ces fonds déjà empruntés, le gouvernement garde encore un gros reliquat dans l’autorisation parlementaire d’endettement contenue dans la Loi de finances initiale 2024.
Une manne à la Bceao ou une vulgaire fiction comptable
Le commun des Sénégalais constate des difficultés ou des tensions de trésorerie au niveau des administrations publiques. Des projets et programmes sont à l’arrêt faute de financements et de nombreuses entreprises attendent des paiements échus. La fête de la Tabaski a été l’occasion de constater des problèmes de trésorerie, alors qu’on nous dit que le Sénégal disposerait d’une position à la Banque centrale qui devait excéder un solde créditeur de 1000 milliards de francs Cfa dont près de 800 milliards encaissés le 11 avril 2024 (324 milliards) et après le 5 juin 2024 (450 milliards). On veut bien croire que cet argent est réellement disponible, car le Fmi assure qu’il «ne spécule pas». Sa mission n’a certes pas visité la Bceao et s’est suffi des assurances du gouvernement. En tout cas, tout mensonge à ce niveau pourrait avoir des conséquences fatales. Une pareille ambiguïté, pour ne pas dire nébuleuse, doit interpeller au premier chef les députés qui attendent, dans les prochains jours, le Premier ministre Ousmane Sonko pour une Déclaration de politique générale. Le ministre des Finances et du budget est aussi attendu pour l’examen d’une Loi de finances rectificative et un débat d’orientation budgétaire. La majorité parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby) doit se sentir bien concernée, elle qui observe des attaques en règle de la part des tenants du nouveau régime qui se défaussent systématiquement sur leur gestion. A l’opposé, le Fmi constate que le pays reste liquide. Qu’est-ce qui cloche ? Comment avoir des difficultés pour fonctionner alors qu’on aurait autant d’argent dans les livres de la Bceao ? Il reste qu’on relèvera quand même que la signature du Sénégal n’est pas si chahutée ou abimée qu’on a voulu le faire croire, si le régime de Bassirou Diomaye Faye a pu lever, en un claquement de doigts, sur une courte période d’un mois, plus de 600 milliards de francs Cfa sur les marchés ! Rares sont les pays africains qui peuvent se targuer d’une telle confiance des investisseurs. Les ratios d’endettement du secteur public, suite aux dernières actualisations, sont hissés à plus de 85% du Pib. Un niveau de pic que le Sénégal n’a jamais atteint auparavant. En décembre 2023, l’évaluation du Fmi portait la dette de l’administration centrale à 73,8% du Pib et la dette totale du secteur public à 81,2% du Pib. Tous les tabous sont tombés et cela place le Sénégal dans une «situation de pays à risque élevé de surendettement», avec ses conséquences sur sa viabilité économique et sociale !
PAR Abdoul Aziz Diop
IRRESPONSABILITÉ AVÉRÉE
L’antirépublicanisme de la faute civique d’Amadou Ba montre l’insincérité de l’humilité de l’intermittent du politique jamais sorti vainqueur de la moindre consultation électorale, se contentant des postes clés d’État dont Macky avait le secret
L’ancien premier ministre et candidat malheureux à l’élection présidentielle du 24 mars 2024, l’inspecteur des Impôts et des Domaines - la précision vaut le détour - Amadou Ba, s’adjuge une « nouvelle responsabilité » dans un texte - exercice rarissime du plus privilégié des privilégiés - dans lequel (suivre le lien) il assume, dès le début, l'irresponsabilité antirépublicaine de l’intermittent du politique par deux courtes lignes :
« Sénégalaises, Sénégalais »,
« Mes chers compatriotes »
L’usurpation de fonction - sport favori chez nous au Sénégal - par celui qui considère qu’il a reçu mandat de s’adresser à la Nation comme le président élu, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est manifeste. Dans quatre dispositions constitutionnelles, deux suffisent à recarder définitivement les présidents autoproclamés qui nous parlent sans qu’on sache d’où sort leur légitimité populaire et démocratique. Voici lesdites dispositions :
Article 48 :
Le président de la République peut adresser des messages à la Nation.
Article 79 :
Le président de la République communique avec l'Assemblée nationale par des messages qu'il prononce ou qu'il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.
Et précisons-le pendant que nous y sommes :
Article 52, Alinéa 2
[Le président de la République] peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation.
Article 73
Dans le délai fixé pour la promulgation [des] « lois définitivement adoptée s», le Président de la République peut, par un message motivé, demander à l'Assemblée nationale une nouvelle délibération qui ne peut être refusée. La loi ne peut être votée en seconde lecture que si les trois cinquièmes des membres composant l'Assemblée nationale se sont prononcés en sa faveur.
Du haut de ses laborieux 35,79 %, Amadou Ba est mal inspiré par sa « responsabilité nouvelle » pour s’adresser à ses compatriotes majoritairement regroupés autour du président Faye en lui assurant, dès le premier tour de scrutin, 54,28 % de leurs suffrages valablement exprimés.
L’antirépublicanisme de la faute civique d’Amadou Ba montre l’insincérité de l’humilité de l’intermittent du politique qui n’est jamais sorti vainqueur de la moindre consultation électorale, se contentant des postes clés d’État dont l’ancien président Macky Sall avait le secret de la distribution au terme de stupéfiants castings. À ce grand maître du casting mauvais, l’histoire retiendra l’élitisme antirépublicain naturellement aux antipodes de « l’élitisme républicain » avec lequel l’inventeur, le républicain français Jean Pierre Chevènement, rehaussait la parole publique du grand intellectuel en politique.
L’Énarchie à la sénégalaise
Les présidents Senghor, Diouf, Wade et Sall ne firent rien contre l’« Enarchie », version sénégalaise. Forgée, sur le modèle de « monarchie », par l’ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement, à partir de la racine grecque «arkhos » («pouvoir»), l'Enarchie désigne, depuis la parution, en 1967, du livre de son inventeur, « les mandarins de la société bourgeoise » française où tous les postes clés sont détenus par des anciens élèves de l'Ecole nationale d’administration (ENA). Au Sénégal, c’est sans doute l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) à ses débuts, devenue ENA, qui alimente depuis, plusieurs décennies maintenant, les cohortes du mandarinat. Plusieurs jeunes (garçons et filles) en sortent pour investir les centres de décisions. Si ce mandarinat-là a fait du tort au pays c’est parce qu’il a souvent fait oublier aux décideurs que d’autres jeunes étaient partis se former là où ils le pouvaient au Sénégal, en Afrique et dans le reste du monde. La plupart de celles et de ceux qui partirent parfois très loin, rentrèrent au pays avec un savoir-faire qui n’a jamais profité au Sénégal. Un Bacc+10 n’aura même rien obtenu pendant longtemps pour n’avoir jamais pu souscrire à un appel à candidatures pour une haute fonction publique.
Quand, encore qu’ils étaient dans l’opposition politique, deux inspecteurs des Impôts et des Domaines, Ousmane Sonko et Bassirou D. D. Faye promirent, au nom de l’égalité des chances, d’ouvrir, dès qu’ils en ont le pouvoir, les postes clés à tout.e légitime prétendant.e, la standing ovation qui salua la grande promesse avait sans doute été perçue au sommet de la hiérarchie comme l’onction administrative antérieure au changement de régime qui vient. L’inspecteur des Impôts et des Domaines, riche comme Crésus, Amadou Ba, est pour beaucoup dans ce qui arriva plus tard : la consécration de deux de ses anciens jeunes collègues dix ans après l’intérêt accru en 2014 de Ba pour la politique et la création du parti des « Patriotes du Sénégal pour la transparence, l’éthique et la fraternité » (Pastef). C’est bien contre Ba et son recruteur Sall que Sonko et Faye, moins riches mais pas pauvres, décidèrent de ne plus se fondre dans la haute fonction publique pour en assurer le contrôle en se donnant les moyens politiques et l’onction populaire leur permettant de transformer l’essai. Peut-on encore attendre d’eux la réforme du mandarinat à la sénégalaise ? Rien n’est moins sûr ! Le Sénégal serait même devenu le pays sous la férule, et pour longtemps encore, des inspecteurs des Impôts et des Domaines.
Il va de soi qu’après coup, Sonko et Diomaye ne prennent pas au sérieux Amadou Ba plus qu’ils ne le firent auparavant en lisant le texte vaseux au nom d’une « responsabilité nouvelle » qui n’est qu’une orgueilleuse demande de pardon aux « Sénégalaises et Sénégalais » qui ne le prennent naturellement pas au sérieux. « À la lumière des événements douloureux de mars 2021 et de juin 2023, notre nouvelle responsabilité est de déclarer la péremption de la violence dans le règlement des différends politiques », écrit l’ancien premier ministre de Macky Sall. Mais qui auparavant se risquerait de solder à sa place les mécomptes de l’irresponsabilité avérée dont il fit montre, se contentant de privilèges indus pour voler le pouvoir à celles et ceux qui ont trimé pour la République au cours du dernier quart de siècle (2000-2024) ? Qui ?
La « Nouvelle Responsabilité de faire de l’espace politique un cadre de confrontations d’idées » serait bien ancienne aujourd’hui si pendant dix ans (2014-2024) Amadou Ba n’aurait pas été l’attentiste de la République des paresseux qui attendaient d’être mieux servi par la politique à la petite semaine. Son texte faux n’abuse que celles et ceux pour qui la rénovation politique n’est que la lubie bien ancienne des « notoriétés intellectuelles » - parmi lesquelles celles de notre ancien parti (Alliance pour la République) - qu’Amadou Ba n’associa à aucune réflexion d’intérêt général.
Pourquoi le ferait-il maintenant ?
par Edgard Gnansounou
IL EST TEMPS D’AGIR CONCERNANT LA QUESTION MONÉTAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Nigeria fait semblant d’être intéressé à l’unification monétaire et la tiédeur de l’engagement des autres Etats contribue à une farce qui n’a que trop duré. Pour une stratégie graduelle en quatre phases pour contourner les obstacles
Depuis plus de quatre décennies, la volonté de parvenir à une monnaie unique en Afrique de l’Ouest nourrit des débats souvent passionnés dans la région. Elle est portée principalement par deux motivations : stimuler les échanges commerciaux communautaires d’une part, parvenir à une souveraineté monétaire régionale d’autre part. Ces discussions sont amplifiées par le rejet de plus en plus vif du franc CFA utilisé par huit pays ouest-africains et hérité de la période coloniale.
La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait lancé son projet de monnaie unique selon un processus qui comprenait deux étapes : (1) créer une deuxième zone monétaire, la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) avec les sept pays non membres de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) ; la ZMAO devant parvenir à une unification monétaire de ces Etats en 2015, (2) unir ensuite les deux zones monétaires avec comme monnaie unique l’ECO en 2020. L’objectif de la ZMAO se révélant être inatteignable, la CEDEAO décida d’un processus direct d’unification monétaire des quinze Etats-membres.
Le 21 décembre 2019, les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara annonçaient, au nom de l’UEMOA, une réforme dont un des trois points majeurs était l’adoption de l’ECO en remplacement du franc CFA. Cette décision était censée entrer en vigueur en 2020. L’ECO de l’UEMOA resterait arrimé à l’Euro et la France s’engageait à maintenir la garantie de sa convertibilité.
L’annonce du 21 décembre 2019 est mal reçue par l’opinion en Afrique de l’Ouest. Elle est toujours légitimement ressentie comme une récupération par la France et ses partisans du projet de monnaie unique de la CEDEAO et son instrumentalisation pour perpétuer le franc CFA en se contentant de le débaptiser. En juin 2021, le lancement de l’ECO est reporté par la CEDEAO à 2027 pour tenir compte de la crise économique provoquée par la Covid-19 et de ses conséquences sur l’atteinte des critères de convergence, préalable à l’adoption de l’ECO. Ce nouveau report interroge cependant sur la volonté réelle des chefs d’Etat de parvenir à une monnaie unique régionale.
Enfin, au cours de la campagne présidentielle au Sénégal de mars 2024, le parti Pastef prône, dans son projet, la création d’une monnaie nationale. Cette position est ensuite corrigée par les leaders de ce parti qui la conditionnent à l’éventualité d’un échec du processus de création de l’Eco.
Le Pastef ayant gagné l’élection présidentielle, le Sénégal pourrait servir d’aiguillon au projet d’unification monétaire de la CEDEAO. Mais quelles sont les chances de succès de ce projet ? Quelle alternative pour sortir de l’impasse actuelle qui se manifeste par des reports à répétition ? Le Sénégal ne doit pas se faire d’illusions sur les chances d’aboutissement à moyen terme du projet de la CEDEAO dans sa mouture actuelle. Il devrait œuvrer, de manière volontariste, à une alternative graduelle plus réaliste qui s’appuie sur les acquis actuels malgré leurs insuffisances. La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement prévue le 7 juillet 2024 pourrait fournir une opportunité pour commencer un travail diplomatique dans cette nouvelle voie.
L’impasse du projet Eco
L’échec de la ZMAO vient du fait que le Nigéria n’a pas montré un grand enthousiasme à mutualiser ses réserves de change avec celles plus faibles des six autres Etats de la zone monétaire, contrairement à la pratique dans l’UEMOA. En réalité, ceci montre une difficulté importante du processus du projet Eco. Le comportement du Nigeria résulte moins de l’égoïsme du pays le plus riche de la région que des différences de gestion des monnaies en présence.
En particulier, l’économie du Nigeria reste dépendante des exportations de pétrole brut qui, en 2022, représentaient 78,74% des exportations du pays. La conséquence monétaire de cette situation est que le naira est souvent dévalué quand les cours internationaux du pétrole baissent.
Par ailleurs, l’économie du Nigeria s’industrialise et se diversifie pour moins dépendre du pétrole. Elle a donc un grand besoin de ses réserves de change pour importer des biens d’équipement. Cette situation n’encourage pas leur mutualisation avec d’autres pays, même si ceci pourrait changer à long terme. On pourrait en effet, s’attendre à ce qu’un meilleur équilibre des réserves de change s’établisse à l’avenir entre le Nigeria et les autres pays de la région.
Il est cependant dommage que, pour des raisons qui tiennent au fonctionnement diplomatique de nos Etats, cette impasse ne soit pas officiellement reconnue par la CEDEAO. En réalité, le Nigeria fait semblant d’être intéressé à l’unification monétaire et la tiédeur de l’engagement des autres Etats dans le projet de monnaie unique contribue à installer une farce qui n’a que trop duré.
Ainsi, dans le contexte actuel, le projet Eco de la CEDEAO n’est pas viable du fait de l’asymétrie entre l’économie du Nigéria, exportatrice nette de pétrole brut et celle des autres économies de la région qui sont importatrices nettes. La baisse des cours de pétrole est favorable aux autres économies alors qu’elle est défavorable au Nigeria qui a tendance à dévaluer sa monnaie. La mise en place de l’Eco de la CEDEAO ferait subir le même sort à la nouvelle monnaie, étant donné le poids de l’économie nigériane dans la région.
Ce diagnostic n’implique cependant pas qu’il faille maintenir le statu quo avec les huit monnaies en place ou encore créer de nouvelles monnaies nationales. Ceci ne serait pas favorable à l’intégration économique de la région.
Une solution alternative
L’unification monétaire doit être pensée dans la perspective d’une industrialisation résiliente de l’Afrique de l’Ouest qui nécessite la création d’un espace économique plus fluide. L’expérience de monnaies régionales telles que l’Euro montre que la gouvernance de la monnaie est problématique en l’absence d’une mutualisation de la gouvernance politique.
Par exemple, la montée de l’extrême droite en France et en Allemagne, à l’occasion des élections européennes de 2024, et en particulier, la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président français en réaction à cette droitisation politique, ouvre l’opportunité d’un gouvernement du Rassemblement National, à l’extrême droite de l’échiquier politique en France.
On assisterait alors à un clivage entre un gouvernement de gauche en Allemagne et d’extrême droite en France, deux des piliers de la zone Euro. Si elle s’avérait, cette situation affaiblirait l’Euro dans sa parité avec le dollar américain. Les conséquences seraient par exemple, le renchérissement en FCFA des dettes des Etats de l’UEMOA libellées en dollar et des dépenses liées aux produits importés en dollar.
On voit là, d’une part pour la zone Euro, la nécessité d’adosser la problématique monétaire sur une gouvernance politique fédérale et, d’autre part pour les pays de l’UEMOA, les implications possibles de l’absence de souveraineté monétaire.
Dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest, nous avons proposé une intégration économique et politique selon un processus devant conduire à la création en trois étapes d’une confédération à l’horizon 2045. En conformité avec cette vision, l’unification monétaire pourrait aboutir selon une feuille de route en quatre étapes.
Etape 1 - Remplacer immédiatement (en 2025 par exemple) le FCFA par l’Eco ; renoncer, par dignité, à la garantie par le trésor français de la convertibilité de l’ECO ; traiter directement avec la banque centrale européenne la coordination des politiques monétaires entre les zones Euro et Eco ; considérer la nouvelle devise comme monnaie commune (et non unique) de l’Afrique de l’Ouest ; à cette première étape, l’Eco pourrait rester arrimé à l’Euro avec la même parité que celle du franc CFA ; les conditions de cette étape ont été partiellement réunies par la décision certes contestable de l’UEMOA du 21 décembre 2009 qui a déjà été ratifiée par certains Etats de l’UEMOA ; mais il faudra en plus, par dignité, se passer de la garantie de convertibilité apportée par la France et rendre l’Eco totalement indépendant de ce pays ; assurer le maintien des Etats de l’AES dans l’UEMOA et soutenir leurs efforts militaires en vue de recouvrer l’entièreté de leur souveraineté nationale et obtenir, dans ces conditions, une gouvernance économique de ces pays compatible avec les critères de convergence ; consolider les politiques économiques des autres Etats de l’UEMOA.
Etape 2 - Mettre en œuvre ou consolider les réformes économiques au Ghana, en Gambie, au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée pour parvenir à une convergence macroéconomique avec les pays actuellement membres de l’UEMOA, à l’horizon 2030. Au fur et à mesure, les pays qui auront atteint les objectifs de convergence de manière stable seront accueillis dans l’UEMOA rénovée c’est-à-dire débarrassée de l’influence française. L’Éco serait alors la monnaie unique de l’UEMOA rénovée. Etant donné les effets cycliques de l’environnement international sur les économies africaines, la convergence doit être entendue en termes d’harmonisation de la gouvernance économique et politique et non de la convergence quantitative à court terme d’indicateurs macroéconomiques aux comportements erratiques.
Etape 3 – L’Eco serait reformé pour l’arrimer désormais à un panier de devises incluant l’Euro, le YUAN et le Dollar américain (échéance 2035) selon un régime flottant. Ceci se ferait concomitamment à une amélioration continue de la gouvernance de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de manière à assurer la crédibilité de l’Eco après le changement de son régime. A cette échéance, il est attendu que les quatorze Etats de la CEDEAO autres que le Nigéria soient membres de l’UEMOA rénovée. Il y aurait désormais deux devises en Afrique de l’Ouest : le NAIRA et l’Eco à la place des huit monnaies actuelles.
Etape 4 - L’UEMOA rénovée serait transformée politiquement en Fédération Sahélo-Guinéenne à l’horizon 2040. La BCEAO deviendrait la banque centrale de la Fédération Sahélo-Guinéenne.
Il est temps d’agir
Le report incessant de la monnaie unique de l’Afrique de l’Ouest est un symptôme de l’impossibilité de ce projet dans sa mouture actuelle. La stratégie que nous proposons est graduelle et réaliste. Elle permet d’éviter les perturbations économiques que produirait inévitablement une unification totale et rapide et réduirait, dans la période transitoire, des souffrances inutiles qui seraient infligées aux populations démunies.
La volonté de réduire le nombre de monnaies nationales en cours dans la région répond à la nécessité d’un accroissement des échanges économiques régionaux et à celle du développement industriel en Afrique de l’Ouest.
Les perspectives économiques des Etats de la région avec la mise en exploitation de ressources minières telles que les hydrocarbures au Sénégal et au Niger par exemple, favoriseront un accroissement des entrées de devises étrangères du fait d’un accroissement des exportations. Cette perspective doit être mise en balance par les sorties plus importantes de devises en vue d’importer des biens technologiques requis pour l’industrialisation.
La tentation de cultiver les nationalismes hérités des temps coloniaux risque d’être forte particulièrement dans les Etats ouest-africains riches en matières premières. Certains milieux inciteront à la création de monnaies nationales. Il s’agit, en particulier, de milieux favorables à l’émiettement de l’Afrique (diviser pour mieux régner) et d’autres qui empoignent, sans lucidité, le souverainisme et le prétendu patriotisme prônés par la droite radicale dans les pays occidentaux.
Les Etats ouest-africains ainsi visés pour leur dotation en ressources minières, devront résister aux tentations narcissiques de marche solitaire car il est de leurs intérêts et de ceux de tous les peuples de l’Afrique de l’Ouest de créer un espace monétaire robuste. Seuls un tel espace et une gouvernance monétaire rigoureuse et vertueuse seront en mesure d’assurer un environnement stable pour un développement économique soutenu et continu de l’ensemble de la région.
Edgard Gnansounou est président du Mouvement des Fédéralistes Sahélo-Guinéens (MFSG).
PAR Patrick Chamoiseau
POUR FAIRE FRONT POÉTIQUE
Il ne s'agit pas d'opposer une contre-économie au tout-économique capitaliste, de la colère à l'arrogance fasciste ou de la véhémence apeurée à sa haine. Il s'agit de se mettre poétiquement du côté de la vie
En cette angoisse où l'extrême droite se rapproche du pouvoir, il est utile que toute conscience progressiste ajoute à l'idée du Faire Front populaire celle d'un Faire Front poétique. La Gauche française, en quête de ferveur unitaire, invoque un passé glorieux : le Front Populaire (1936), et, en filigrane, l'esprit du Conseil National de la Résistance (1943). Ce dernier a su combiner diverses forces politiques pour jeter les bases très humaines d'un État-providence. Le Front Populaire a, quant à lui, imaginé d'inouïes audaces sociales : congés payés, réduction du temps de travail, droits syndicaux...
Ces moments rappellent aux Français que l'intelligence collective transversale peut sublimer un désastre par des élévations humaines. Cependant, notre monde a changé. Les défis actuels exigent de cultiver sinon la nostalgie, du moins le sel de ces périodes : l'effervescence d'une créativité.
La réponse économique
La Gauche française semble répondre à la montée de l'extrême droite en s'entourant d'économistes. L'économie demeure pour elle solaire. La domination capitaliste (avec son dogme du profit économique maximal) est à l'origine des précarités structurelles, pauvretés et misères, qui nourrissent l'anxiété populaire. Il est urgent d'y répondre par des mesures telles que l'augmentation immédiate du SMIC, la taxation des superprofits, le retour des services publics, l'annulation de la loi sur la retraite... toutes provendes capables d'oxygéner une justice sociale. Cependant, organiser la lutte de fond contre l'extrême droite autour de cette seule dimension matérielle serait une folie. Le néo-libéralisme et l'extrême droite peuvent eux aussi faire preuve de compassion sociale stratégique.
Le capitalisme protéiforme a réduit l'humain à son pouvoir d'achat. Partis, syndicats, comités, médias libres, instances de médiations ou de service public, ont été dégradés. La chaîne d'autorité vertueuse qui animait les vieux tissus sociaux (depuis les institutions jusqu'au cadre familial) s'est vue invalidée sous les priorités du Marché. Le travail, autrefois source d'accomplissement individuel par un arc-en-ciel d'activités, a été réduit à un "emploi" monolithique, besogne maintenant précaire, dépourvue de signifiances, qui avale sans ouvrage les exaltations de la vie. Dès lors, cet affaiblissement de l'imaginaire (noué aux précarités existentielles) abîme les individuations en individualismes. Il entretient une peur constante de la déchéance sociale. Il cherche des boucs émissaires, et nourrit des réflexes du rejet de l'Autre, du repli sur soi, de crispations inamicales dessous les vents du globe, avec des hystéries racistes, sexistes, antisémites ou islamophobes, habitant de grands désirs devenus tristes... A cela s'ajoute une raréfaction de la rencontre avec de puissantes stimulations culturelles qui ne relèveraient pas de la simple consommation. Ces involutions néo-libérales génèrent un obscurantisme diffus, sans rêves, sans combats, sans idéaux. Les prépotences moyenâgeuses, les trumpismes démocratiques et les boursouflures de l'extrême droite, y fleurissent. Ce maelstrom hallucinant ne saurait se conjurer sur le long terme par des mesures d'économistes, ni être minoré face aux immanences écologiques.
La nouvelle gauche
Edgar Morin a perçu la complexité de ce défi et appelle à une Gauche plus exaltante1 . Celle-ci embrasse les dimensions éco-sociales, mais enveloppe, de manière tout aussi intense, les aspirations culturelles, symboliques, spirituelles. Elle est laïque et déserte l'écueil du rationalisme, du technocratisme ou de l'économisme, pour une humanisation continue de l'Humain. Elle œuvre aux solidarités des "Nous" qui se rejoignent dans du commun, aux reliances mutualistes de la diversité acceptée, à l'écologie intégrale, à la justice sociale sans frontières, et à la quête de sens ontologique... Elle propose une métacivilisation, riche de toutes les civilisations, où la qualité de la vie prime les entassements consuméristes ; où l'épanouissement humain devient le cœur du Politique ; où la Terre s'exalte en "Patrie fragile et partagée" d'un tragique sublimé. Le capitalisme ne dispose que de valeurs sommaires. Il n'a rien à opposer à celles tout aussi sommaires de l'extrême droite. Cette Gauche nouvelle (post communautés, post colonialiste, post capitaliste, post hégémonie occidentale) disposerait, elle, d'une éthique complexe, vaste, permettant à chacun de s'accomplir dans l'en-commun d'un monde ouvert qui ne serait plus à craindre. Elle porterait bien mieux qu'un souffle. Une poétique de la Relation.
Le poétique humain
Depuis nos terres antillaises, encore échouées sous des vestiges coloniaux2 , nous entendons cet appel. Une telle Gauche ne saurait tolérer que des peuples-nations soient encore déresponsabilisés dans un sigle "Outremer". Le passé de nos pays, marqué par le génocide Kalinago, les plantations esclavagistes, la réification du vivant, nous offre l'archive glorieuse de nos ancêtres. Tombés de l'Afrique, tombés du monde, ils ont opposé à cette domination existentielle (aussi totale que celle du capitalisme d'aujourd'hui), le couperet sans concession du marronnage, mais ils l'ont soutenu par une effervescence poétique, créative et joyeuse... Dessous la mort symbolique de la négation, ils ont projeté l'enthousiasme du vivre, la danse, la musique, la joie, l'amitié, le manger, le boire, la parole individuelle et collective dans de longues veillées nocturnes et des rondes ingénieuses. Ils ont ainsi donné naissance à Césaire, à Fanon, à Glissant... et largement ouvert la voie aux esthétiques contemporaines.
Les plus créateurs d'entre eux auraient auréolé tous les moments de la démocratie d'une couronne poétique. Ils en auraient fait des lieux politiques vivants, où le Boléro de Ravel pourrait côtoyer le So What de Miles Davis ; où les glossolalies des slameurs viendraient se nouer aux lectures des poètes ; où les banquets républicains (appelés de nos vœux) rassembleraient toutes les humanités envisageables. Les moments de vote, les lieux de réunions, ne seraient plus des espaces sévères, mais l'occasion d'une fête multiculturelle sacralisante. Le temps du geste démocratique deviendrait (à l'instar de la Fête de la musique), un moment d'enthousiasme créateur. Car il ne s'agit pas d'opposer une contre-économie au tout-économique capitaliste, de la colère à l'arrogance fasciste ou de la véhémence apeurée à sa haine. Il s'agit de se mettre poétiquement du côté de la vie, dans un monde de culture et de Beauté que les fascistes ne peuvent même pas imaginer.
par Ndongo Samba Sylla et Jomo Kwame Sundaram
LA DETTE PUBLIQUE EST UN SYMPTÔME, PAS UNE CAUSE
L'endettement chronique de la plupart des pays en développement et les crises qui en découlent sont des manifestations de la nature inégalitaire et injuste du système économique et financier international
Ndongo Samba Sylla et Jomo Kwame Sundaram |
Publication 22/06/2024
Les gouvernements des pays en développement sont accusés d'avoir trop emprunté et de manière irresponsable. Le stress de la dette qui en résulte a bloqué les investissements et la croissance dans cet ordre économique mondial inégal et injuste.
La monnaie comme dette
Les mythes sur la dette publique sont légion. Les plus pernicieux considèrent les gouvernements comme des ménages. Par conséquent, un gouvernement "responsable" doit essayer de dégager un excédent comme un chef de famille exemplaire ou d'équilibrer son budget.
Cette analogie est simpliste, infondée et trompeuse. Elle ne tient pas compte du fait que les gouvernements et les ménages ne sont pas des entités monétaires équivalentes. Contrairement aux ménages, la plupart des gouvernements nationaux émettent leur monnaie.
Comme la monnaie est largement utilisée pour les transactions économiques, la dette et les engagements financiers des gouvernements influencent les revenus et l'accumulation de richesse des ménages et des entreprises.
Cette analogie ignore également les principes de la comptabilité en partie double, car les dépenses d'une entité sont les revenus d'une autre, les débits d'une entité sont les crédits d'une autre, et ainsi de suite. Le déficit public est égal à l'excédent du secteur non gouvernemental, qui comprend les ménages, les entreprises et le "reste du monde".
Ainsi, lorsqu'un budget public est déficitaire - les dépenses sont supérieures aux recettes - le gouvernement a créé une richesse financière nette pour le secteur non gouvernemental. Les déficits publics augmentent donc l'épargne privée et la masse monétaire.
Étant donné que seul le gouvernement émet la monnaie nationale, ses dépenses n'évincent pas celles du secteur privé, mais les complètent. La monnaie étant une dette émise par l'État, il ne resterait plus d'argent dans une économie si le gouvernement remboursait toute sa dette !
L'hystérie médiatique autour de la dette publique est donc injustifiée. Il convient plutôt de s'intéresser aux impacts macroéconomiques et distributifs des dépenses publiques. Par exemple, ces dépenses vont-elles générer de l'inflation ou avoir un impact négatif sur la balance des paiements ? Qui en bénéficiera ou qui y perdra ?
Inutile : le ratio dette/PIB
Un autre mythe très répandu soutient que la dette publique au-delà d'un certain niveau n'est pas soutenable ou qu'elle a un impact négatif sur la croissance économique. Des études soutenant ce point de vue ont été discréditées à de nombreuses reprises, y compris par des recherches menées au sein du FMI. Pourtant, le mythe persiste.
Imitant les critères de la zone euro, de nombreux gouvernements d'Afrique de l'Ouest ont fixé des objectifs de politique économique tels des déficits publics inférieurs à 3 % du PIB et des ratios dette/PIB inférieurs à 70 %.
Le ratio dette/PIB indique sans aucun doute les niveaux relatifs d'endettement. Mais, pour le reste, ce ratio n'a aucune utilité analytique. Après tout, la dette publique est un "stock", alors que le PIB ou la production est un "flux".
Supposons qu'un pays ait un revenu annuel de 100 dollars et une dette nulle. Supposons que son gouvernement émette une dette de 50 dollars sur 25 ans, avec des remboursements annuels de 2 dollars. Son ratio dette publique/PIB augmentera soudainement de 50 %.
Cela ne pose aucun problème car le PIB augmentera probablement grâce au regain d’investissements réalisés en même temps que le remboursement de la dette de 50 dollars. Avec un taux de croissance économique annuel de 3 % en moyenne, le PIB fera plus que doubler au cours de cette période.
De plus, la dette publique est toujours soutenable lorsqu'elle est émise et détenue en monnaie nationale et que la banque centrale contrôle les taux d'intérêt.
Avec un ratio dette/PIB de 254 %, le gouvernement japonais ne manquera jamais de moyens pour rembourser sa dette. Contrairement aux pays en développement qui s'endettent en devises à des taux qu'ils ne maîtrisent pas, il sera toujours solvable. Ainsi, le Pérou a fait défaut en 2022 avec un ratio dette/PIB de 33,9% !
Le "mur de Berlin" monétaire
Il existe donc une différence significative entre les gouvernements du Nord - principalement endettés dans leur propre monnaie - et ceux du Sud, dont la dette est au moins en partie libellée en devises étrangères.
Mais les gouvernements du Sud ne sont pas endettés en devises étrangères en raison d'une épargne insuffisante.
Ils peuvent toujours financer toute dépense nécessitant des ressources locales, y compris la main-d'œuvre, la terre, l'équipement, etc. Objectivement, aucun pays émetteur de monnaie ne peut manquer de "financement" pour ce qu'il a la capacité technique et matérielle de faire.
L'endettement chronique de la plupart des pays en développement et les crises qui en découlent sont donc des manifestations de la nature inégalitaire et injuste du système économique et financier international.
Les pays du Sud sont obligés d'accumuler des "devises fortes" - généralement des dollars - pour effectuer leurs transactions internationales. Ce "mur de Berlin" monétaire sépare deux types de pays en développement.
Premièrement, les pays exportateurs nets qui accumulent "assez" de dollars qu’ils investissent généralement dans des bons du Trésor américain à faible rendement, ce qui permet aux États-Unis d'importer des biens et des services de manière quasi gratuite.
Deuxièmement, ceux qui ne gagnent pas "assez" de devises fortes ont recours à la finance transnationale, ce qui accroît généralement leur endettement extérieur. La plupart d'entre eux finissent par se tourner vers le FMI pour obtenir une aide d'urgence, ce qui ne fait qu'aggraver leur situation.
Cependant, comme ils doivent faire face à des conditions prohibitives pour accéder au financement étranger d'urgence, il est difficile d'échapper aux pièges de la dette extérieure.
Paradoxalement, les pays du Sud qui enregistrent des déficits chroniques de dollars sont souvent riches en ressources naturelles. Les institutions de Bretton Woods exigent généralement une austérité budgétaire prolongée et une dénationalisation de l'économie, ce qui compromet les chances des pays en développement d'obtenir une juste rémunération de leurs ressources et de leur travail.
Les abus et la mauvaise gestion peuvent aggraver l'endettement des gouvernements du Sud en devises étrangères, mais ils doivent toujours être compris dans le contexte d'un ordre économique et financier mondial inégal.