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30 novembre 2024
Opinions
PAR MOUSTAPHA DIENE
LA DEMOCRATIE SENEGALAISE : D’UN REPORT « SINE DIE » A UNE TENTATIVE D’OBLITERATION.
L’opposant Ousmane Sonko fera-t-il office d’un moise Katoumbi ? Monsieur Amadou Ba risque-t-il le sort de Shadary ? Qui pour jour le rôle de Tshisekedi ? En tout état de cause la pièce de théâtre aura besoin d’un bon casting.
Les évolutions de la vie politique sénégalaise depuis l’indépendance se sont accompagnées d’oscillations non moins importantes. Le processus démocratique fut jalonné, durant ces vingt dernières années, de multiples péripéties dont certaines furent portées à la connaissance du grand public grâce à la révolution technologique des instruments d’information et de communication. La progression des moyens de communication et l’émergence de groupes de presse privés permirent à l’opposition de tenir l’opinion nationale et internationale informée de la réalité des situations et de l’évolution de sa lutte pour l’avènement de la démocratie au Sénégal[1]. En effet, le contexte actuel, marqué par l’accès facile à l’information, la détérioration les revenus les plus bas et ceux des membres des classes moyennes, l’accentuation du désir de participation politique etc. va accoucher des luttes politiques et syndicales qui se sont intensifiées pendant les dix (1O) dernières années. On assite alors à de nouvelles exigences du « peuple » en termes de bonne gouvernance, de respect de l’Etat de droit, de gestion transparente mais aussi et surtout de respect des droits fondamentaux et des libertés publiques.
Depuis le tournant des années 2012, la fermeté et la rigidité du style de gouvernance du président Macky Sall ont buté sur l’émergence du discours d’alerte et de conscientisation de monsieur Ousmane Sonko. La perspective quelque peu populiste de l’Opposant Sonko a su cristalliser l’espoir d’une frange importante de la jeunesse sénégalaise, laissant les tenants du régime en marge de crédibilité et de légitimité.
La démocratie sénégalaise est confrontée à un grave tournant. Le 31 juillet 2023, par un acte administratif, les autorités sénégalaises ont annoncé la dissolution du PASTEF, le parti politique de l’opposant et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle Ousmane Sonko. La raison invoquée était que celui-ci aurait fréquemment appelé ses partisanes à des mouvements insurrectionnels ayant entraîné des morts, plusieurs blessées et des actes de pillages et de destructions de biens publics. Ceci étant l’aboutissement d’un long processus de musèlement de l’opposition accompagnés de vagues de violences et de protestations plongeant le pays dans ce que l’ancien Premier ministre Habib Thiam avait qualifiées d’« années de braise ».
L’élection présidentielle prévue pour le 25 février prochain se verra reportée par la décision du président Macky Sall d’abroger la loi portant convocation du corps électoral. Le projet de loi pour la prorogation du mandat du président de la République a été adopté par les députés à l’Assemblée nationale suite à un marathon verbal finalement estompé par l’intervention de la gendarmerie.
Cette conjoncture politique nous laisse présager trois scénarios à l’horizon. Ainsi, loin d’une tentative de prophétie politique, cette réflexion s’inscrit dans une perspective d’élucidation du réel politique sénégalais en ces heures sombres d’une démocratie en crise d’épilepsie.
Le « scénario Kabila-Shadary » en procédure d’ablation
La République démocratique du Congo (RDC), immense pays d'Afrique centrale et un des plus pauvres du continent en dépit de son fort potentiel minier, est dirigée depuis 2001 par Joseph Kabila. Investi à 29 ans président, après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila par un garde du corps, Joseph Kabila est élu président en 2006 lors des premières élections libres depuis l'indépendance, puis réélu en 2011, lors d'un scrutin marqué par des violences et des fraudes. Devant l’impossibilité de briguer un troisième mandat Kabila fils se trouve dans le besoin de choisir « son candidat ». Le choix fut porté sur l’ancien ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary qui, devient de facto son dauphin.
Sans revenir sur les péripéties qui ont jalonnées les différentes échéances électorales qui ont porté le président Sall à la magistrature suprême du Sénégal, nous avons fait le parti-pris de considérer le choix de monsieur Amadou Ba comme dauphin. En effet, tout comme le choix de Joseph Kabila avait mis fin aux nombreuses spéculations sur le respecte de la Constitution, celui du président Sall semblait être cohérent au regard du rapport de force, du jeu d’influence mais aussi du devoir de respecter la parole donnée.
Toutefois, l’histoire a montré que le choix du président Kabila de mettre les atouts en faveur de Shadary en prenant comme principal menace l’opposant Moise Katoumbi, n’a pas porter ses fruits. Un outsider Félix-Antoine Tshisekedi va hériter du pouvoir congolais malgré les subterfuges politiques favorables à Shadary.
L’opposant Ousmane Sonko fera-t-il office d’un moise Katoumbi ? Monsieur Amadou Ba risque-t-il le sort de Shadary ? Qui pour jour le rôle de Tshisekedi ? En tout état de cause la pièce de théâtre aura besoin d’un bon casting.
Allons voir le second épisode…
Le « scénario Gbagbo » en gestation
Laurent Gbagbo a été élu en octobre 2000, pour un mandat quinquennal qui devait expirer en octobre 2005. Mais le scrutin prévu à cette date a été annulé à cause de la guerre.
Par la résolution 1633, le Conseil de sécurité a souscrit à la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) selon laquelle le Président Gbagbo, demeure chef de l’État au-delà du 31 octobre 2005 correspondant à la date d’expiration de son mandat. Toutefois, la prolongation du mandat est pour une période n’excédant pas 12 mois.
Les dates proposées par la suite, notamment octobre 2006, octobre 2007, janvier 2008, juin 2008, novembre 2008 et novembre 2009, ont connu le sort d’un bébé mort-né et premier tour de l'élection attendue depuis 2005 se tiendra finalement le 31 octobre 2010. Le deuxième tour de la présidentielle, tenu le 28 novembre 2010, se solde dans la controverse alors que les deux candidats en lice, le président sortant Laurent Gbagbo et l’ex-premier ministre Alassane Ouattara, revendiquent la victoire. Gbagbo sera assermenté, avant d’être renversé à la suite d’une intervention armée, en avril 2011. La CPI sera sa future destination.
Gagner un mandat de plus suite à un report de l’élection et finir à la Cour pénale internationale est-il une carte que le président Sall doit tirer ?
Encore un troisième épisode…
Le « scénario Compaoré » encore évitable.
Arrivé au pouvoir à la faveur du coup d’État contre son ancien frère d’armes Thomas Sankara en 1987, "Blaise", comme l’appellent ses pairs africains, n’avait pas prévu une telle fin de règne. Malgré deux septennats (1992-2005) puis deux quinquennats (2005-2015), il souhaitait se maintenir à la tête du Burkina Faso après la fin de son mandat en décembre 2015, en révisant la Constitution.
C’est cette volonté de s’accrocher au pouvoir qui a finalement eu raison de son régime en suscitant l’ire de l’opposition, des syndicats, d’une grande partie de la société civile et de la jeunesse de ce pays où plus de 60 % des 17 millions d’habitants avaient moins de 25 ans. Fait rare au Burkina Faso, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées, le 28 octobre, dans les rues de la capitale Ouagadougou pour demander au régime de renoncer à son projet. Attentions au président Sall !
Justement, au-dessus de la foule de protestataires s’élevaient des milliers de pancartes exigeant du président qu’il se plie à la Constitution : « 27 ans, c'est assez », « Judas, libérez les lieux » ou encore « Blaise dégage ». Trois jours plus tard, Blaise Compaoré s’est résigné à lâcher prise au profit de l’armée qui a pris les commandes du pays. La démocratie sénégalaise mérite-t-elle un tel coup de fouet ?
Il (Compaoré) démissionne en 2014, après 27 ans au pouvoir, à la suite du soulèvement populaire des 30 et 31 octobre 2014. En 2022, alors qu'il s'est réfugié en Côte d'Ivoire, il est condamné par contumace, à Ouagadougou, à la prison à perpétuité pour « complicité d'assassinats » et « atteinte à la sûreté de l'État ». On pouvait lire sur les lignes d’un texte de France 24 « Blaise Compaoré, le médiateur privilégié des crises en Afrique de l'Ouest, n’a pas résisté au vent de révolte qui a soufflé sur son pays ces derniers jours. » Le président Sall va-t-il s’offrir une telle fin ? et à quelles fins ?
Moustapha DIENE, Enseignant en Science politique et Formateur en conception et pilotage des politiques publiques.
[1] Bathily, Abdoulaye. « IV. Les pas hésitants de la démocratie au Sénégal et en Afrique (1983-2000) », Passion de liberté. Mémoires, sous la direction de Bathily Abdoulaye. Éditions Présence Africaine, 2022, pp. 291-307.
Par Mohamed GUEYE
NOUS ATTENDONS LE DIALOGUE SUR L’ÉCONOMIE
Ce n’est pas par des coups de baguette magique que des pays aussi moins dotés que la Suisse, la Belgique, Maurice ou les îles du Cap-Vert peuvent aujourd’hui faire état de l’état d’abondance pour leurs populations.
Bien longtemps après le scrutin présidentiel, le pays devrait accueillir ses premiers barils de pétrole et ses camions de gaz liquéfié au dernier trimestre de l’année, au plus tard. Quand les devises tirées des ventes de ces produits commenceront à rentrer dans l’économie, le Sénégalais moyen se rendra sans doute compte que nous avons basculé dans une autre économie. La question sera alors de savoir si ce basculement fera le bonheur du pays, ou comme on le voit dans la plupart des pays africains, son malheur.
Le Sénégal, malgré tous ses efforts, n’a pas encore pu former une masse critique de personnes qualifiées aux questions du pétrole et du gaz, ce qui fait que sur les plateformes et dans toutes les chaînes logistiques, les compagnies nationales continueront à solliciter les compagnies étrangères. Même dans les domaines des services liés aux hydrocarbures, comme les logements des personnels, leur alimentation, ainsi que plusieurs autres menus services indispensables au confort de ces personnels, les compagnies installées au Sénégal font plus facilement recours à des clients avec lesquels elles sont habituées à travailler. La loi sur le contenu local est facilement contournée, avant même que l’exploitation ne batte son plein. Cela, au vu et au su des pouvoirs publics.
Sur le plan théorique et juridique, le gouvernement du Sénégal a pris tous les textes de lois nécessaires à l’installation d’un réseau de compagnies à même de pouvoir jouer leur rôle pour que les retombées économiques de nos matières premières n’échappent pas aux nationaux. Mais de manière concrète, l’engagement économique des entrepreneurs sénégalais tourne plus au mirage. Avant de parler des hydrocarbures, qui sont un secteur encore peu maîtrisé pour les Sénégalais, on devrait regarder les autres industries extractives. Qu’a fait le Sénégal pour préserver ses parts dans l’exploitation des ressources de son sol, et même de les renforcer ?
Aujourd’hui, notre phosphate va d’abord en Inde avant de nous revenir à des taux prohibitifs. Les Industries chimiques du Sénégal ont été bradées au franc symbolique après avoir été mises en faillite. D’exportateur net de phosphates, le Sénégal est devenu importateur. Cet échec n’est pas le seul. Dans la cimenterie, où l’on cherche à accréditer d’autres opérateurs, il n’y en a qu’un qui soit Sénégalais, si l’on veut. Tous les autres sont à capitaux étrangers. Et puisque l’Etat veut avoir avec eux des rapports mercantiles, il ne leur permet pas de modérer leurs produits de manière à ce que le Sénégalais moyen, qui voit son environnement se dégrader, trouve une certaine consolation dans le prix d’achat de son sac de ciment. Au contraire, comme avec l’or, le zircon ou le poisson, le sentiment général est que l’Etat laisse les étrangers venir piller nos ressources et nous laisser un environnement pollué et appauvri, juste pour les intérêts d’un petit groupe de privilégiés. Il faut que cet état d’esprit change, et l’Etat doit monter en première ligne pour cela.
Les Sénégalais doivent prendre en main l’exploitation de leurs ressources, et surtout, en tirer le plus de bénéfices possible. Ce ne sont pas de vaines incantations qui permettront de réaliser ces ambitions, mais une politique économique concertée. C’est à cela que notre classe politique devrait se sentir interpellée, et organiser un dialogue sur des objectifs atteignables à terme. On peut ne pas être d’accord sur des objectifs politiques, mais tous les acteurs devraient pouvoir s’accorder sur la recherche du bien-être pour une bonne majorité de nos concitoyens. Si nous nous concertons pour mesurer ce dont la nature nous a dotés, nous devrions pouvoir savoir comment nous en servir.
Ce n’est pas par des coups de baguette magique que des pays aussi moins dotés que la Suisse, la Belgique, Maurice ou les îles du Cap-Vert peuvent aujourd’hui faire état de l’état d’abondance pour leurs populations. Les Chaebols, ces conglomérats d’entreprises coréennes, qui sont devenus des géants industriels enviés aujourd’hui partout dans le monde, alors que leur pays était moins riche en 1960 que le Sénégal, n’ont pris cette dimension que parce que leur Etat a décidé, en dépit de toutes autres considérations politiques ou sociales, de les porter à ce niveau. Les Sénégalais, leurs dirigeants en tête, aux côtés de ceux qui aspirent à les diriger, devraient savoir le meilleur chemin à suivre. Nous avons atteint un niveau de maturité politique et intellectuelle qui fait que ce n’est plus acceptable qu’un dirigeant qui arrive au pouvoir cherche à imposer ses orientations sans consultation. Le temps où le pouvoir en place se faisait élire sous le slogan économique du Yoonu yokkuté pour bifurquer après quelque temps et imposer le Plan Sénégal émergent (Pse) envers et contre tous, ne peut plus être. Car, si de nouveaux dirigeants arrivaient à la tête du pays, ils s’empresseraient de les effacer. Il y a donc besoin de concertation, ou de dialogue, ou même d’assises si l’on veut. Pas pour parler de calendrier électoral ou des pouvoirs du Conseil constitutionnel. Il devra s’agir de ne parler que de la vision économique, et des ambitions pour améliorer les conditions de vie des citoyens de ce pays. Mettre en place des choses qu’aucun pouvoir ne viendrait bouleverser pour discréditer ses prédécesseurs. Pour installer le pays sur des voies que la politique ne ferait pas dérailler.
Texte Collectif
LES CANDIDATS DÉCRIENT LE SABOTAGE EN COURS DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE PAR MACKY SALL
Les opérations électorales peinent à reprendre leur cours normal malgré la décision du Conseil constitutionnel. Tout fonctionne au rythme de la mauvaise volonté du président. Sa responsabilité personnelle reste engagée dans cette périlleuse entreprise
Depuis la Décision du Conseil constitutionnel du jeudi 15 février 2024 annulant le report de l'élection présidentielle tenté par le régime de Macky Sall et enjoignant l'indication d'une nouvelle date dans les meilleurs délais, une lenteur inexplicable est constatée.
Rien n'a été entrepris. Pourtant, le cadre légal est clairement fixé et aucun obstacle juridique ou de fait ne se dresse contre la fixation d'une date que le Sénégal et la communauté internationale attendent avec impatience et inquiétude.
De plus, nous constatons que les opérations électorales peinent à reprendre leur cours normal malgré la décision du Conseil constitutionnel exigeant leur poursuite.
En effet, les mandataires des candidats rencontrent des difficultés pour prendre possession du fichier électoral et tout fonctionne au rythme de la mauvaise volonté du président Macky pour déclencher le processus de sa succession inévitable.
Il est manifeste que cette situation révèle un refus du président de la République de prendre en charge sa mission régalienne d'organisation d'une élection libre et transparente.
Nous prenons acte de la décision du Conseil constitutionnel mettant à jour une nouvelle liste de 19 candidats, ce qui vient confirmer, s'il en était encore besoin, l'impérieuse nécessité de poursuivre le processus électoral en cours.
Le cas du Sénégal est au bout de toutes les lèvres et écorne l'image de notre pays jadis considéré comme une vitrine de la démocratie en Afrique.
Tout porte à croire que Macky Sall n'arrive pas à digérer la mise en échec par le Conseil constitutionnel et le peuple de sa tentative de saboter l'élection présidentielle.
Le FC 25 dénonce les tentatives de discréditer nos institutions, notamment le Conseil constitutionnel.
Le FC 25 précise que la responsabilité personnelle de Macky Sall reste engagée dans cette périlleuse entreprise et met également en garde tous ceux qui contribuent, de près ou de loin, au sabotage de l'élection présidentielle.
Le FC25 est déterminé à défendre les droits du peuple et convie la presse nationale et internationale à une conférence de presse le jeudi 22 février 2024 pour annoncer une série d'actions visant à garantir la tenue du scrutin dans les délais impartis.
Il est impératif que le président Macky Sall respecte la volonté du peuple sénégalais et fixe une date pour l'élection présidentielle.
En tout état de cause, le FC 25 rappelle qu'à compter du 2 avril 2024, il ne sera plus président de la République du Sénégal. Il doit respecter le peuple sénégalais qui a toujours fait preuve de maturité en choisissant son président de la République. Il ne faut pas lui voler cette occasion ! On ne négocie pas la démocratie et le respect du droit fondamental de voter.
Le FC 25 condamne fermement toute tentative de retarder le processus électoral et de violer les droits légitimes des candidats.
Les Signataires :
Aliou Mamadou DIA
Mamadou Lamine DIALLO
Elhadii Mamadou DIAO
Cheikh Tidiane DIEYE
Déthié FALL
Pape Djibril FALL
Diomaye Diakhère FAYE (représenté par son mandataire Amadou BA)
Malick GAKOU
Serigne MBOUP
Aly Ngouille NDIAYE
Daouda NDIAYE
Anta Babacar NGOM
Khalifa Ababacar SALL
Thierno Alassane SALL
Habib SY
Boubacar CAMARA
PAR René Lake
LE COUP D’ÉTAT CONSTITUTIONNEL NE SEMBLE PLUS RAMPANT
EXCLUSIF SENEPLUS - La stratégie de Macky se dessine à travers les propos de sa ministre de la Justice : utiliser le dialogue pour imposer un agenda. L'appel à des idées fortes et à des actions civiles non-violentes est plus que jamais pertinent
Au cœur d'une période délicate de son histoire politique, le Sénégal voit se dessiner la stratégie du président Macky Sall, à travers les déclarations de son ministre de la Justice, Aissata Tall Sall. Cette stratégie soulève un débat profond sur les enjeux démocratiques et les mécanismes de gouvernance.
À travers les propos de son ministre de la Justice, Aissata Tall Sall, lors de sa conférence de presse de ce mardi 20 février 2024, se dessine une volonté de naviguer dans les tumultes constitutionnels et politiques avec une approche qui semble à la fois conciliante et calculatrice.
Aissata Tall Sall, en sa qualité de ministre de la Justice, vice-présidente du Conseil supérieur de la magistrature, éclaire la position officielle du gouvernement face à la décision du Conseil constitutionnel, mentionnant explicitement que le président Macky Sall “a pris acte“ de cette décision et invite au dialogue.
Cette ouverture au dialogue, selon elle, est destinée à écouter toutes les parties prenantes. Toutefois, elle reconnaît l'incertitude quant aux résultats de ce dialogue, soulignant une situation où la voie à suivre reste indéterminée, en particulier concernant la vacance de pouvoir annoncée pour le 2 avril.
Elle s’interroge concernant le dialogue, “qu'est-ce qu'il en sortira“ ? “Je ne sais pas“, répond-elle avant d’ajouter, « par contre, ceux qui disent qu’à partir du 2 avril il y a vacance de pouvoir, moi j'ai ma réponse en tant que juriste. C'est un débat entre juristes, entre constitutionnalistes et ma réponse importe peu. Le 2 avril arrivera, prions tous d'être là et observons ce qui se passera“.
“Ce à quoi nous sommes astreints, c'est d'organiser l'élection dans les meilleurs délais. C'est quand le meilleur délai ? C'est lorsque les acteurs du dialogue se mettront ensemble et diront ce qu'ils pensent des meilleurs délais. Moi j'ai ma façon de penser les meilleurs délais, mais ce n’est pas ça qui intéresse. Aujourd'hui, le président de la République a sa façon de penser, il aurait pu dire voilà ce que je pense et l’imposer, mais il a trouvé que c'était plus sage de réunir tous les acteurs et de s'entendre. Donc, sous les meilleurs délais, vous aurez la signification des meilleurs délais du Conseil constitutionnel“.
Aissata Tall met donc l'accent sur l'obligation d'organiser les élections dans les “meilleurs délais“, pour indiquer qu’il s’agit là d’une formulation qui prête à interprétation et qui devra être précisée par le consensus des acteurs du dialogue national. Cette démarche qui dans de toutes autres conditions pourrait apparaître comme démocratique et consensuelle, n’est rien d’autre qu’un masque d’une stratégie bien plus nuancée, voire machiavélique, de la part du président Macky Sall.
Premièrement, en insistant sur l'utilisation du dialogue pour définir les “meilleurs délais“, Macky Sall semble embrasser une tactique de dilatoire, retardant potentiellement la date de l'élection pour manœuvrer selon ses intérêts politiques du moment.
Deuxièmement, en ramenant la question de la date limite de son mandat à un débat juridique, il cherche à minimiser l'importance politique de cette échéance, la réduisant à une simple question technique.
Cette stratégie révèle une tentative de Macky Sall de contrôler le narratif autour de la fin de son mandat, en utilisant le Droit comme un outil pour légitimer une approche qui s'éloigne des principes démocratiques. Par ailleurs, cette approche marginalise la voix du citoyen et réduit l'espace public de débat à une arène technique inaccessible au grand public.
Il est impératif de reconnaître que, au-delà des arguments juridiques, la question de la gouvernance et du respect des délais constitutionnels est fondamentalement politique.
Elle concerne le respect des règles du jeu démocratique et la légitimité du pouvoir en place. Le dialogue national, tout en étant nécessaire dans d’autres conditions que celles actuelles, ne doit pas servir de prétexte pour éluder ces questions fondamentales ou pour imposer un agenda politique qui sape les fondements de la démocratie.
Face à cette situation, il est crucial que les forces vives de la nation, au-delà des clivages politiques et juridiques, se mobilisent pour exiger la transparence, le respect des procédures démocratiques et l'engagement envers les principes qui fondent le vivre-ensemble. Il s'agit non seulement de répondre sur le terrain du droit, mais surtout sur le terrain politique, où chaque citoyen a le droit de s'exprimer et d'exiger le respect des engagements pris.
L'appel à des idées fortes et à des actions civiles non-violentes est plus que jamais pertinent pour contrer la réussite de toute tentative de coup d'État constitutionnel. La mobilisation citoyenne, informée et pacifique, reste l'outil le plus puissant pour défendre la démocratie et assurer que le futur politique du Sénégal reflète la volonté du peuple, dans le respect des normes démocratiques et constitutionnelles qui ont uni la nation.
PAR Thierno Guèye
POURQUOI DEVONS-NOUS FORCER LE PRÉSIDENT MACKY SALL À REDEVENIR LIBRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le sens commun et certains dictionnaires généralistes ont pris l’habitude de définir la liberté comme l’absence de contrainte. Mais, autant dire tout de suite qu’il n’en est rien. Selon moi, la liberté est la seconde âme de l'humain
Le sens commun et certains dictionnaires généralistes ont pris l’habitude de définir la liberté comme l’absence de contrainte. Mais, autant dire tout de suite qu’il n’en est rien. Selon moi, la liberté est la seconde âme de l'humain. C'est ce qui fait qu'on peut le condamner ou le porter aux nues, le punir ou le récompenser... Quiconque perd cette liberté, on ne peut plus lui demander légitimement des comptes, il redevient comme l'enfant ou même l'animal. C'est uniquement grâce à elle qu'il est imputable et qu'on peut le mettre sur le banc des accusés. Une personne dont la liberté n'est pas attestée ne saurait être justement condamnée, lorsqu’elle pose des actes répréhensibles. Point d'enfer ni de paradis sans liberté ! Perdre sa liberté, c’est perdre sa responsabilité !
À ce sujet, Jean-Jacques Rousseau nous rappelle que la liberté ne saurait se confondre avec l’indépendance. En effet, une posture sous-jacente à l’indépendance est de considérer que les personnes indépendantes les unes des autres peuvent faire ce qu’elles veulent. Or, dit Rousseau : « Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre[1]. » En quoi consiste alors la liberté ?
Selon Rousseau : « La liberté consiste moins à agir selon sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. » Ce qui signifie que je reste libre tant et aussi longtemps que ma volonté n’est soumise à aucune autre volonté et que ma volonté ne soumet aucune autre volonté. Si telle est la liberté du citoyen, qu’en est-il de la liberté du Maître ?
La réponse de Rousseau à cette question est sans appel : « Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir. » Le secret du commandement est dans la servitude et l’abandon de soi au profit exclusif de sa communauté. Ce fut le cas de l’empereur du Ier siècle, Othon, qui pour éviter de plonger son empire dans une guerre civile, a préféré mettre fin à ses jours. C'est ainsi que le 16 avril 69, il se suicida après avoir déclaré, d’après l’Histoire romaine de Dion Cassius : « Je vais me libérer afin que tous (sic) puissent apprendre de l'événement que vous avez choisi pour votre empereur celui qui ne vous abandonna pas pour se sauver lui-même, mais choisit plutôt de s'abandonner pour vous sauver[2]. »
Concernant la mort de cet empereur, Suétone nous dit ceci : « Othon décida de se suicider. Il est plus probable que sa conscience l'empêcha de continuer à risquer des vies et des trésors dans une quête à la souveraineté que penser que ses hommes étaient devenus démoralisés et peu fiables... » Ses hommes, cependant, lui restèrent fidèles, même dans la mort. « Plusieurs soldats se rendirent sur son lit de mort où ils lui baisèrent les mains et les pieds, le louant comme l'homme le plus courageux qu'ils aient jamais connu, et le meilleur empereur que l'on puisse imaginer[3]... »
Bien entendu, personne ne demande au président Macky Sall de se suicider, mais simplement de faire la seule chose qui fait de nous des sénégalais libres et dignes : obéir aux lois que nous nous sommes collégialement fixées et auxquelles nous avons décidé de nous soumettre tant qu’elles seront en vigueur.
Selon le théoricien du Contrat social, il n’y a de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a le droit d’opposer de la résistance. « Dans la liberté commune, nul n’a le droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée[4]. » Puisque la liberté est impossible sans la justice et qu’aux fondements de cette justice il n’y a pas n’importe quelles lois, mais des lois justes. C’est pourquoi : « Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois : dans l’état même de nature, l’homme n’est libre qu’à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous. »
En définitive, si les Sénégalais restent libres, c’est parce qu’ils ne servent ni le président Macky Sall ni aucune autorité autre que la Loi qui est au-dessus de tous et que personne ne peut surplomber ou mettre sous son coude. Ce qu’il faut que le Président et ses alliés sachent pour de bon, c’est qu’« Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. (….). Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui qui gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi[5]. »
Si le président de la République et ses acolytes refusent d’être libres, malgré tout, nous, en tant que peuple et partie prenante du contrat initial qui nous lie les uns aux autres, devons, par pure générosité citoyenne, les forcer à rester libres en usant de tous les moyens prévus par la Loi et particulièrement notre Loi fondamentale, la Constitution de la République sénégalaise. Rousseau ne dit rien d’autre lorsqu’il affirme que :
Afin donc que le pacte social ne soit pas un vain formulaire, il renferme tacitement cet engagement qui seul peut donner de la force aux autres, que quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera à être libre ; car telle est la condition qui donnant chaque citoyen à la patrie le garantit de toute dépendance personnelle ; condition qui fait l’artifice et le jeu de la machine politique, et qui seule rend légitimes les engagements civils, lesquels sans cela seraient absurdes, tyranniques, et sujets aux plus énormes abus.
Jean-Jacques Rousseau (2001), Du contrat social ou principes du droit politique, Éditions Mozambook, p. 27
Seriñ Tuuba ne : « Kuy def lu ko neex, dina daje ak lu ko naqari ta du ko mën a faj. » Seriñ Saam Mbay yokku si ne : « Ku la yàqal sa adduna, nga yàqal ko alaaxiraam. »
[1] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
[4] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
[5] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
Thierno Guèye est Docteur en Philosophie et M.A. en Science politique, Enseignant-chercheur/Formateur à la FASTEF [U.CAD], syndicaliste/Membre du Collectif des Universitaires pour la Démocratie [CUD]. Auteur et co-auteur du Manuel de Philosophie : Cours et textes pour apprendre à philosopher, présenté au public en janvier 2024.
[1] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
[4] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
[5] Rousseau, Jean-Jacques, Lettres écrites de la Montagne. In Œuvres, Tome II, Bibliothèques de la Pléiade, Ed. Gallimard, p. 841
Par Mamadou Ndiaye
EFFORT, RÉCONFORT
La politique imprègne tous les aspects de vie au Sénégal. Elles inspire et aspire à la fois. Sa trop forte propension à envahir les espaces dépouille la société de sa diversité et de ses attributs de solidité.
La politique imprègne tous les aspects de vie au Sénégal. Elles inspire et aspire à la fois. Sa trop forte propension à envahir les espaces dépouille la société de sa diversité et de ses attributs de solidité. Celle-ci se fragilise par le jeu des ambitions mal définies et surtout des égoïsmes pernicieux.
La conjoncture qui sévit en ce moment traduit une profonde crise politique à ramifications multiples. Pour preuve : l’économie est reléguée aux calendes sénégalaises alors qu’elle devrait, en bonne logique, être la locomotive du progrès que tous appellent de leurs vœux. Que nenni !
Dans ce Sénégal qui se banalise à force de recul et de renonciations à l’effort, la destruction l’emporte sur l’édification, le défi s’estompe au profit de la bravade, l’individu s’affiche à mesure que s’effiloche le collectif.
Face aux situations complexes, chacun tente de se sauver à l’image d’un loup dominant, forcément solitaire. Seul le bal des célébrités intéresse nos hommes politiques. Ils devant une certaine presse gagnée par la paresse et faussement conquise ou complice de ce rituel peu valorisant.
Sans jouer les Cassandre ou passer pour un oiseau de mauvais, notre économie sombre dans l’abîme. Elle n’est pas robuste. A ce rythme, le sera-t-elle un jour ? A tous, il doit être évident que la nécessité de maintenir l’économie à flot reste la consigne pour remonter la pente raide sur laquelle elle glisse.
Tout se passe comme si le poids des travers et des avatars dicte sa loi à une assemblée de gens dépourvus d’ancrage mais en quête de voie de salut. D’obscurs hommes occupent la scène politique à côté d’autres qui n’en sont pas moins des esprits distingués. Ce voisinage est flatteur pour les premiers et certainement ruineux pour les seconds.
La semaine précédente, le Premier ministre Amadou Ba a reçu en audience une imposante délégation de chefs d’entreprise et d’opérateurs venus partager avec lui de vives préoccupations relatives à l’état catastrophique de notre économie. Le vacarme politique a noyé cette rencontre pourtant significative des enjeux du moment.
Il ne sert à rien de plastronner sous les lambris dorés pour cueillir la mansuétude des politiques. Les dirigeants d’entreprises cultivent certes la discrétion. Cela peut être apprécié comme une qualité. Néanmoins, la défense et l’illustration de l’outil de travail requièrent opiniâtreté, endurance, une certaine résilience et une grande flexibilité opérationnelle pour slalomer entre les difficultés qui se dressent sur leur chemin.
Notre économie doit-elle être assujettie aux humeurs et aux facéties d’une classe politique indifférente à son sort ? Elle est atone. Une année électorale ralentit souvent l’économie à fortiori quand les signaux de violence s’accumulent. Selon des observateurs avertis, une élection majeure dans un pays donné vit un gel des investissements sur une longue période.
Les lendemains qui chantent se raréfient. Le retour au calme après des troubles s’opère lentement. Les stigmates de la violence s’effacent tout aussi lentement avec son lot de malheurs : magasins éventrés, stations d’essence mises à sac, des succursales défigurées, des boutiques et des surfaces commerciales saccagées. Pire, il y a mort d’homme. Inacceptable quand on connaît la sacralité de toute vie sur terre.
L’usage excessif de la force, en débordant dans la rue comme lieu d’exaltation, traduit l’esprit passionnel dont la politique est le vicieux terreau. Vu sous cet angle, notre pays a fini de s’installer dans des cycles de violence qui perturbent sa trajectoire de projection.
Déjà notre croissance bat de l’aile. Certes il n‘est pas ridicule comparé à la moyenne pondéré dans la sous région. En revanche la dette s’alourdit même si le Ministère des Finances rassure sur la conformité aux critères de convergence de l’UEMOA. Nous n’en sommes pas loin.
Pour sa part, l’industrie stagne, faute de carnets de commande bien remplis. Cas aggravant, la vétusté du parc représente un désavantage compétitif devant une invasion de produits importés. A terme, une réelle menace pèse sur la production nationale aléatoire et peu soutenue par les pouvoirs publics pour imposer des « lignes Maginot » infranchissables en guise de protection de nos filières de transformation.
En d’autres termes la manufacture accomplit de timides progrès qui ne sont guère de nature à inverser la courbe de la décroissance. Or les pistes ne manquent pas. A elles seules, l’agriculture et l’horticulture constituent de potentiels secteurs de relance avec d’indéniables atouts pour amorcer le décollage.
Les politiques, pour se faire bonne conscience, ânonnent des refrains de reprise. Ils mettent toutefois plus de hargne à conquérir des parcelles de pouvoir qu’à doter notre économie de puissants outils d’expansion et de souveraineté. En clair, ils ne soutiennent pas l’entreprise. Autant le dire d’emblée.
Et pourtant, la dignité républicaine devrait les inciter à défendre autant les droits de l’homme et le respect de la loi fondamentale que l’entreprise, à la fois creuset de liens et facteur de création d’emplois. Non seulement un emploi créé entretient une famille mais il lui procure une relative stabilité dans un environnement pollué par des surenchères sociales.
Comparaison n’étant pas raison, le Maroc, dont l’abondance en eau faiblit selon les saisons, met en place d’habiles stratégies pour pérenniser sa vocation agricole ; de l’atlas à l’oued en passant par ses zones oasiennes. Son agriculture, disent les spécialistes, traverse une phase critique avec une baisse drastique de l’ordre de 67 % de précipitation et une sécheresse encore plus sévère.
Les phénomènes climatiques ne découragent les volontés au Maroc qui anticipe tout à travers des études rondement menées pour placer le royaume à l’abri des crises alimentaires, des ruptures d’approvisionnement et des pénuries. Sans ambages, Rabat s’arc-boute à ce conducteur de volontés.
Chez nous par contre, une telle absence de lisibilité est imputable à des naufrageurs restés impunis en dépit de retentissantes faillites de politiques publiques. Ceux qui n’ont pas d’éthique de conviction ne peuvent se prévaloir d’une éthique de responsabilité. A fortiori si cette dernière engendre une conséquence négative. Plus proche de nous encore, la Côte d’Ivoire aligne d’impressionnants acquis. A commencer son titre de Champion d’Afrique à l’issue de la récente Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qu’elle a vaillamment remportée.
Une organisation réussie, des infrastructures de qualité, un époustouflant timing qui a séduit les hauts dirigeants du football africain et mondial. Les Ivoiriens célèbrent enfin des victoires sous la bannière de leur propre drapeau et de leur hymne national, formidable trait d’union.
N’évoque-t-on pas la possibilité pour le pays des éléphants d’organiser une édition de la Coupe du monde, tant Infantino, son patron, a été séduit par le charme du pays et l’hospitalité des Ivoiriens. Le pays capte des investissements et se destine à intégrer le club très fermé des économies émergentes. Le réconfort après l’effort…
Par Moubarack LO
COMPRENDRE LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
La Décision numéro 1/c/2024 a été saluée par tous les citoyens comme une grande victoire du Droit qui repositionne le Sénégal sur les rails d’une grande démocratie régie par les principes de l’Etat républicain et de la séparation des pouvoirs.
Par la Décision numéro 1/c/2024 en date du 16 février 2024, le Conseil constitutionnel a rejeté la loi numéro 4/2024, adoptée par l’Assemblée nationale, en sa séance du 5 février 2024, portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, arguant que la durée du mandat du président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, conformément à sa jurisprudence constante. Selon le Conseil constitutionnel, «la loi votée par l’Assemblée nationale est contraire aux dispositions des articles 27 et 103 de la Constitution et au principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et de stabilité des institutions». Il a également annulé le décret numéro 2024-106 du 03 février 2024, portant abrogation du décret convoquant le corps électoral, en relevant que celui-ci manquait clairement de base légale.
Cette décision a été saluée par tous les citoyens comme une grande victoire du Droit qui repositionne le Sénégal sur les rails d’une grande démocratie régie par les principes de l’Etat républicain et de la séparation des pouvoirs.
Les «Sages», armés uniquement de leur foi, de leur courage et de leur sens du devoir, ont su dire non aussi bien à l’Exécutif qu’au Législatif, en rappelant, avec fermeté et délicatesse, leur rôle de régulateur du respect des dispositions constitutionnelles par toutes les institutions de la République, ainsi que leur mission de préservation de l’ordre public, de la paix, de la stabilité des institutions et du principe de la continuité de leur fonctionnement.
Le président de la République, réagissant à ladite décision du Conseil constitutionnel, s’est engagé à l’appliquer strictement et à suivre les orientations qui lui ont été tracées. Désormais, il lui appartient de passer de l’engagement à l’action, et de dérouler, au cours des premières semaines, un agenda permettant de sortir définitivement notre pays de la crise générée par des membres de l’Assemblée nationale qui ont contesté la liste des candidats à l’élection présidentielle retenue par le Conseil constitutionnel.
Le président de la République a retenu d’engager des consultations avec des acteurs politiques, afin de mieux préparer ledit agenda. Néanmoins, son choix devra demeurer conforme aux prescriptions du Conseil constitutionnel et aux dispositions de la Constitution et du Code électoral que l’on peut résumer en trois points.
La fixation de la date de l’élection présidentielle, dans les meilleurs délais possibles, est du ressort des autorités compétentes. En choisissant cette formule, plutôt que de déterminer lui-même la nouvelle date à observer, le Conseil Constitutionnel n’a fait que respecter l’article 30 alinéa 2 de la Constitution qui stipule que «les électeurs sont convoqués par décret». Le Conseil constitutionnel, par prudence, n’a pas voulu s’immiscer dans les attributions réglementaires de l’Exécutif, en dépit des courts délais menant à la date limite du mandat présidentiel (le 3 avril 2024).
La Constitution, en son article 31 alinéa 1, indique que «le scrutin pour l’élection du président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du président de la République en fonction». Suivant cette disposition, le scrutin doit obligatoirement se dérouler au plus tard le dimanche 3 mars 2024, pour ne pas dépasser le délai fixé dans la Constitution, étant entendu que le Conseil constitutionnel a relevé que la date du 25 février 2024 était devenue impossible à respecter.
L’Article L.O. 137 du Code électoral indique que «les électeurs (pour l’élection présidentielle) sont convoqués par décret publié au Journal officiel, au moins 80 jours avant la date du scrutin». Etant donné que le décret convoquant les électeurs doit être repris, cela mènerait au plus tôt au 6 mai 2024 pour la tenue du scrutin, si ledit décret était publié le 17 février 2024. Ce qui enjamberait la date du 3 avril 2024 prévue comme terme du mandat présidentiel. Pour rester conforme aux dispositions de la Constitution et du Code électoral, il conviendrait donc de faire voter, en urgence, par l’Assemblée nationale, une révision de la Loi 2021-35 du 12 juillet 2021 portant Code électoral, pour raccourcir le délai relatif à la convocation des électeurs. En clair, le Président se verrait, exceptionnellement, offrir la capacité, de convoquer les électeurs le 3 mars 2024 (soit dans un délai de 12 jours au lieu de 80 jours), sachant que le Conseil constitutionnel a déjà arrêté et publié (le 20 janvier 2024) la liste des candidats. La campagne entre les deux tours serait maintenue à trois semaines. Le second tour éventuel se tiendrait ainsi le 24 mars. La Commission nationale de recensement des votes publierait les résultats provisoires du second tour éventuel le mercredi 27 mars dans la matinée. Le Conseil constitutionnel publierait le vainqueur du second tour éventuel au plus tard le dimanche 31 mars.
En définitive, en combinant les différentes dispositions de la Constitution et du Code électoral, on constate que le Conseil Constitutionnel n’a offert qu’une très faible marge de manœuvre aux autorités dites compétentes pour organiser l’élection, et ce délai ne dépasse guère une semaine (en déplaçant la tenue du scrutin du 25 février au 3 mars 2024). Toute autre mesure sortirait du cadre strict du Droit, tel qu’organisé par la Constitution.
Moubarack LO
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (section Service public) moubaracklo@gmail.com
LinkedIn : Moubarack LO
Par Hamidou ANNE
DANS LA DOUCE DICTATURE TROPICALE DU SENEGAL
Les mêmes qui saluent la décision du Conseil constitutionnel, ont outragé et injurié ses membres, criant au «complot», quand ils ont invalidé la candidature de leur champion sous le coup de plusieurs condamnations.
Le Conseil constitutionnel a retoqué et le décret n°2024-106 du 03 février 2024 portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024 et la loi n°4/2024 adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 5 février 2024 portant dérogation aux dispositions l’article 31 de la Constitution.
Au regard de notre Charte fondamentale, «les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles». Je n’arrive pas à verser dans l’hystérie collective ni à joindre ma voix au concert de celles qui font d’une décision ordinaire un événement. Le Sénégal est une démocratie, encore à parfaire, mais bien loin des dictatures tropicales du continent. Il s’agissait selon moi d’un jour normal dans notre grand pays. L’Exécutif a pris un acte réglementaire et les députés ont voté une loi ; les deux ont été jugés sans fondement légal par les «Sages».
Le chef de l’Etat peut nommer sept juges, qui cassent sa décision sur une matière d’une importance capitale pour le présent et l’avenir du pays. Ces juges vont ensuite vaquer librement à leurs occupations sans craindre ni pour leur vie ni pour celle de leurs familles.
Une démocratie majeure se construit dans le temps grâce aux actes posés par les trois pouvoirs qui en sont les chevilles ouvrières. On arrive à un Etat de Droit par la sédimentation dans le temps des arbitrages juridiques et des décisions des autorités légales et légitimes qui renforcent la liberté et la paix civile.
Ce concert d’extases chez les politiques, intellectuels et dans l’opinion renseigne sur le personnel public qui n’est pas à la hauteur de notre démocratie. Il faut être peu ambitieux pour parcourir les médias du pays et de l’étranger et chanter les louanges du juge, qui dit, selon lui, le Droit, et dont nous devons nous conformer tous à la décision.
Dans un passé récent, les juges Sabassy Faye et Ousmane Racine Thione ont donné tort à l’Etat au profit d’un adversaire politique. C’est en banalisant les décisions de Justice que l’on construit un espace public serein. C’est ainsi que l’on arrive à ce que soutient souvent mon ami Yoro Dia ; pour lui il faut que le Sénégal passe de «l’ère des furies» à celle du «règne de l’opinion».
Au contraire, nous sommes à l’ère d’une démocratie du bavardage sans consistance d’un corps politique dont beaucoup d’acteurs sont indignes d’être les légataires de l’héritage de nos pères fondateurs. Sinon comment comprendre que Aminata Touré -vu son aridité et son agitation, je me demande encore comment elle a pu arriver à la station de cheffe du gouvernement- puisse ne serait-ce qu’oser être candidate à la magistrature suprême. Elle n’est pas la seule certes à être davantage un objet de curiosité qu’un acteur politique sérieux. L’ancienne Première ministre avait accusé en janvier 2024 le Conseil constitutionnel d’avoir «volé» ses parrainages. En février, sans transition aucune, elle salue la décision de ceux qu’elles refusaient d’appeler «Sages» quelques semaines auparavant. C’est cela le Sénégal d’aujourd’hui, ces individus de peu de vertu pullulent dans l’espace politique et poussent d’autres bien plus responsables à prendre la porte. Sur ce sujet, on attribue à Pierre Mauroy cette phrase lumineuse : «Quand les dégoûtés partent, il ne reste que les dégoûtants.»
Nous ne pouvons pas bâtir une démocratie solide sans démocrates, comme il est impossible de construire une République sans républicains. Les juges sont conspués quand ils prennent une décision qui ne va pas dans le sens souhaité par les acteurs d’un camp ; très souvent les mêmes biberonnés à la haine des institutions républicaines, à l’injure et à l’outrance.
A la lecture de la Décision des «Sages», j’ai pensé aux manifestes des 102, des 49, des 117, puis des 104 intellectuels qui proclamaient que nous n’étions plus un Etat de Droit. Sans oublier les échappées solitaires d’intellectuels et de politiques qui se sont passé le mot pour manipuler nos concitoyens et salir notre pays à l’étranger.
Les mêmes qui saluent la décision du Conseil constitutionnel, ont outragé et injurié ses membres, criant au «complot», quand ils ont invalidé la candidature de leur champion sous le coup de plusieurs condamnations. Lui-même les accusait le 8 juin 2022 de «haute trahison», poursuivant de plus belle, il les traitait de «délinquants de la loi». Nos pétitionnaires si prompts à défendre la Justice n’avaient rien entendu…
«Tout ce qui est excessif est insignifiant.» Les pétitions signées par les mêmes et publiées sur la même plateforme, -seuls les titres changent- à la fin, relèvent du radotage, et ça ne fait plus très sérieux. La politique n’est pas un jogging du dimanche matin ni une activité qu’on pratique par intermittence. La politique, c’est l’essence-même pour faire société.
Le Sénégal est une démocratie, certes en chemin. La République a prévu des textes pour résoudre nos différends. Demander à des enfants de descendre dans la rue quand on a introduit un recours -finalement ayant obtenu gain de cause- c’est irresponsable. Mais qu’attendre de gens qui ont formulé ou soutenu deux années durant des insultes et menaces vis-à-vis de magistrats ?
Nous demeurons sur la même ligne de l’attachement viscérale à la République. Vous, qui avez injurié les «Sages» en janvier, venez les féliciter en février. Nous, républicains, sommes restés constants et sur la même ligne car nous ne parlons qu’au nom de notre conscience et de notre attachement à la démocratie et à la République. Quid des enfants qui ont perdu la vie à cause d’adultes de peu de foi ? On ne vient pas en politique pour mourir. Les invocations sacrificielles, les termes «martyr» et «gloire aux morts» sont dangereux et relèvent d’un imaginaire fondamentaliste et extrémiste. On ne peut s’habituer à la mort d’enfants pour ensuite leur accorder un post sur Facebook. C’est d’une sidérante indécence.
Concernant la suite, le gouvernement du Sénégal a eu raison de prendre acte de la décision des juges et de décider de l’exécuter. Il n’y a pas d’alternative à la loi. Imaginons ensemble, en puisant dans le génie sénégalais, les moyens de sortir de l’impasse.
Une dernière chose : ceux qui exigent du président de la République qu’il «arrête de s’immiscer dans l’action judiciaire» sont ceux qui applaudissent la libération de centaines de personnes sur décision individuelle au mépris des procédures en cours. Quand sont libérés sans préavis des gens sur qui pèsent parfois des charges très lourdes, je ne vois curieusement pas les pétitionnaires aux grands principes hausser la voix, signer une pétition et dénoncer une «forfaiture», une «dictature sanguinaire» et appeler le «peuple» à la «résistance». Tout ça au fond contient une seule vertu : voir les masques tomber pour identifier ainsi qui est qui.
par Thierno Alassane Sall
UN PUTSCHISTE QUI N’EN DÉMORD PAS
Visiblement, Macky Sall n’a toujours pas renoncé. Son objectif reste d’annuler le processus en cours, en faisant du troc : amnistie contre inclusion. C'est cela qui explique le dilatoire qu'il observe actuellement
À la suite de la décision n°1/C/2024 du Conseil constitutionnel en date du 15 février, qui réaffirme l'impératif de poursuivre le processus électoral conformément à ses décisions précédentes, notamment celle portant validation définitive de la liste des 20 candidats, la présidence de la République faisait savoir que Macky Sall allait se conformer à cette nouvelle décision.
L'histoire récente nous enseigne cependant à accueillir avec prudence les promesses de Macky Sall. Pas plus tard que le 24 janvier dernier, il faisait publier un communiqué à la suite d'une audience avec des candidats recalés venus solliciter son intervention pour "une élection inclusive". Par ce communiqué, Macky Sall réaffirmait devant le Sénégal et le monde le caractère définitif et sans recours des décisions du Conseil constitutionnel. Il confirmait que l'élection présidentielle se tiendrait le 25 février. On sait ce qu'il advint de ce bel esprit républicain et légaliste : le 3 février, le chef suprême des Armées, Macky Sall se mit devant les Sénégalais pour annoncer ce qui s'avère être un coup d'État constitutionnel.
Il apparaît donc que les discussions avec les candidats recalés n'étaient qu'une vaste mascarade pour justifier son coup d'État constitutionnel. On sait aujourd'hui que bien avant cette rencontre, des rencontres discrètes avaient lieu qui visaient rien moins que le report de l'élection. Ceux qui ont proposé des compromis coupables, tels que "l'amnistie contre une élection inclusive", sont complices de la déstabilisation orchestrée par Macky Sall sous nos yeux. Ils portent également une grande responsabilité dans le cycle de violence vers lequel le Sénégal se dirige, ainsi que les 3 morts déjà enregistrés. On ne fonde pas une paix durable sur le mépris des lois.
Visiblement, Macky Sall n’a toujours pas renoncé. Son objectif reste d’annuler le processus en cours, en faisant du troc : amnistie contre inclusion. C'est cela qui explique le dilatoire qu'il observe actuellement qui est source de toute sorte de spéculations.
En conséquence, le seul sujet pertinent de discussion avec l'administration est la date du premier tour de l'élection présidentielle.
Nous exhortons les Sénégalais à rester vigilants. Nous exhortons les dialogueurs de l'ombre à se départir de la tentation de marcher sur la Constitution en acceptant le report de l'élection. Nous exhortons le Conseil constitutionnel à constater la carence de Macky Sall à exécuter sa décision 1/C/2024, et à en tirer le seul verdict qui vaille : Macky Sall est décidément un putschiste qui n'en démord pas.
PAR Tiébilé Dramé
HOMMAGE AU PEUPLE SÉNÉGALAIS ET À SA DÉMOCRATIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Vous nous avez donné tous une belle occasion de relever la tête et de garder allumée la lueur de l’espoir en une Afrique démocratique. Merci Sénégal !
Vendredi matin, 16 février, toute l'Afrique s'est réveillée un peu moins inquiète. Grâce au Sénégal. Grâce au Conseil constitutionnel de ce pays démocratique !
De l'abrogation du décret convoquant le collège électoral, le 3 février, à l'arrêt salvateur du 15 février, nous avons rasé les murs. Si le Sénégal nous fait ça, qu'allons-nous avoir à dire ailleurs sur le continent ?
Hommage au peuple sénégalais, à sa démocratie qui résiste, à sa vibrante société civile, à son opposition politique, à son élite consciente et dynamique, à sa presse toujours debout et à son Conseil constitutionnel !
Au président Macky Sall qui s'est incliné devant le verdict des Sages ! À la mouvance présidentielle qui a accepté le jeu normal des institutions démocratiques.
Vous nous avez donné tous une belle occasion de relever la tête et de garder allumée la lueur de l’espoir en une Afrique démocratique.