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21 avril 2025
Opinions
Par mamadou Ndiaye
COMBINAZIONE
Aux frontières des régimes civils en Afrique de l’Ouest, les bruits de bottes s’intensifient. Les militaires au pouvoir au Burkina, au Mali et au Niger partagent bien des parcours, des itinéraires, des aventures et des mésaventures.
Aux frontières des régimes civils en Afrique de l’Ouest, les bruits de bottes s’intensifient. Les militaires au pouvoir au Burkina, au Mali et au Niger partagent bien des parcours, des itinéraires, des aventures et des mésaventures. Ils s’aperçoivent qu’ils se ressemblent. Ils s’assemblent. Et décident de passer à l’action en unissant le peu de forces qu’ils détiennent.
Pris séparément, chacun des trois pays ne pèse pas plus d’un poids plume. Mais en additionnant leurs volontés, les pouvoirs kaki issus de coups d’Etat condamnés et sanctionnés au sein de la principale organisation d’intégration de la région, méprisent ces décisions, passent outre et se détournent de la Cedeao qu’ils ont du reste quittée avec fracas en la vouant aux gémonies.
Et pourtant, au plus fort de l’exubérance de l’intégration, nombre d’officiers ont bénéficié de faveurs pour aller se former ou se perfectionner dans des Ecoles de guerre renommées. En revanche, nullement impressionnés par leur mise au banc des accusés, ils régentent tout dans leurs pays respectifs, suspendent les partis politiques, musèlent les médias et les syndicats.
Bref ils confisquent toutes les libertés à l’exception d’une qu’ils s’arrogent avec arrogance : le gel de la liberté. Non contents de s’attribuer autant de droits, ils emprisonnent des figures de l’opposition ou les poussent à l’exil tout en exerçant de terribles pressions sur les journalistes contraints de fuir leur pays pour se sauver.
D’ailleurs, une nouvelle pratique du journalisme est née sur les flancs de ces coercitions avec des traitements décalés de l’actu dans ces pays à partir de leurs lieux de refuge ou de résidence.
Pour justifier leurs « coups », les militaires avaient évoqué toutes sortes de raisons, accablant les civils pour leur incompétence et surtout pour leur manque de rigueur er de fermeté dans la lutte contre le terrorisme.
Pour autant les actes de violence massive à but politique n’ont pas reflué. Au contraire, les foyers de tension se multiplient. L’ampleur de cette terreur inouïe surprend les putschistes très peu outillés et mal préparés pour orchestrer la riposte.
Face aux assauts répétés auxquels ils n’opposent qu’une molle résistance, les militaires se cachent et ne font guère mieux que les civils qu’ils ont chassés. Ils agissent en rase-motte et compensent leur faiblesse par des harangues interminables, oiseuses et pompeuses devant des foules excitées et admiratrices de militaires qui se camouflent. Vers qui se tournent-ils maintenant pour éviter la bérézina ?
Grattez les képis, vous trouverez Poutine, Xi Jiping ou Kim Jong-un ! Au nom du peuple, jamais consulté au demeurant, la notion de souveraineté a été brandie pour rallier les masses qui, dans leur furie destructrice, en ont voulu à la puissance colonisatrice, la France en l’occurrence invitée à quitter définitivement ces territoires avec armes et bagages.
Paris s’y est prêtée de bonne grâce mais assortit toutefois son accord à un avertissement solennel : pas d’humiliation, pas de manifestation d’hostilité à l’égard des troupes. Les Français ne supporteraient pas d’actes délictueux.
La lente dégradation du climat politique et des affaires dans le Sahel où se propagent des sectes radicales avait fini par convaincre la France d’amorcer une stratégie de repli. L’est et le sud de l’Afrique séduisent les industriels français qui découvrent des environnements d’affaires plus prospères, assez compétitifs avec des acteurs rompus au business international. De ce point de point de vue, le continent change partiellement de visage. Lequel contraste avec la face hideuse de l’ouest où la recrudescence des coups d’Etat reprend de plus belle.
La France partie, bonjour la Russie, la Chine et dans une faible mesure la Corée du Nord. Pour l’heure Wagner plastronne à Bamako, à Ouagadougou et à Niamey à la grande satisfaction des galonnés sahéliens. Sa présence étonne et inquiète. Les régimes autoritaires en place trouvent dans ces supplétifs aux horizons bizarres des relais de puissance « avec la nuisance en moins ».
Or cet excès d’optimisme maquille une surprenante naïveté. Lorsque le patron du groupe paramilitaire Evguéni Prigogine s’est senti fort et puissant pour dicter sa loi, il a nargué Moscou au point de se retrouver dans le collimateur des tenants de la ligne dure. Il est mort le 23 août 2023 dans le crash de son avion avec ses principaux lieutenants.
Ainsi décapité, Wagner, craignant pour son futur, se réaligne derrière les positions du chef du Kremlin qui toise le monde occidental avec le silence consentant de Pékin. Faut-il voir dans ce saisissant clivage une nette démarcation de lectures contradictoire d’un monde tourmenté ?
L’Afrique n’échappe pas à cette dichotomie. Elle est au cœur des tourbillons et des appétits, si bien que son ventre mou est sa façade ouest en proie à une instabilité qui fragilise toute sa cohésion que des décennies ont contribué à forger.
En l’espace de 48 heures, les militaires ligués au sein d’une Alliance des Etats du Sahel ont tenu à Niamey un sommet de démonstration quand, dans le même temps, s’ouvrait à Abuja le sommet des Chefs d’Etat de ce qui reste de la Cedeao. Du jamais vu !
Deux tableaux d’une même réalité qui se fissure au détriment des populations au nom desquelles ces raisonnements illogiques s’affrontent. Si salafistes, djihadistes, irrédentismes et terrorismes s’en mêlent, le cocktail est bien évidemment explosif et il alimente des obsessions et des passions meurtrières. Il n’échappe à personne que le Sahel constitue une poudrière avec des frontières « gruyères » que ne parviennent pas à contrôler les forces de Défense et de Sécurité.
Qui s’émeut de la dislocation progressive d’une région autrefois aire de migration et de brassage de peuples et d’ethnies qui ont su, à travers des siècles, bâtir un socle d’harmonies parées de sagesse et de vertu ?
Certes les civils au pouvoir ont commis des bévues et affiché des fragilités désobligeantes. Mais parce qu’ils étaient élus au suffrage universel, leur éviction n’en est pas moins scandaleuse, car ce sont des processus démocratiques qui ont été ainsi interrompus. Les viabilités économiques également sont compromises par ses assauts à la kalachnikov qui éloignent les investisseurs, désorganisent les circuits de production et déstructurent les tissus industriels embryonnaires.
Les invectives ne transforment pas le monde. Au contraire elles inhibent les initiatives et écartent le continent du projet de globalisation dans lequel il ne vient pas les « mains nues ».
Par ces richesses, ses terres, ses ressources et sa position axiale sur les routes internationales, l’Afrique a une carte maîtresse à jouer que ne semblent pas comprendre les auteurs de coups d’Etat à répétition.
L’enflure militaire représente un gros risque politique et économique. Et voilà que la sécurité s’y greffe. Tout le monde chercher mais ne trouve pas encore de solution à la l’équation sécuritaire. Trêve de vanité. Dès lors, s’impose à nous un nouvel état d’esprit pour soustraire nos pays à de répétitifs « huis clos » hors saison.
Par Abdoulaye SAKHO
CONTENU D’UNE REGLEMENTATION POUR LES ACTEURS DU SPORT ?
Le mot « acteur » vise les groupements sportifs ou clubs, l’encadrement dont les éducateurs, formateurs et entraineurs/Coach, le sportif (pratiquant appelé aussi joueur ou athlète), le supporter, les agents sportifs et intermédiaires, les matchs makers...
Le mot « acteur » vise toutes les parties prenantes au sport et à son organisation : les groupements sportifs ou clubs, l’encadrement dont les éducateurs, formateurs et entraineurs/Coach, le sportif (pratiquant appelé aussi joueur ou athlète), le supporter, les agents sportifs et autres intermédiaires comme les « matchs makers », les médecins du sport, les journalistes …
L’option inéluctable pour une prise en charge correcte au plan juridique de ces acteurs est de combiner sport amateur et sport professionnel. Il faut donc un bon cadre juridique d’évolution des structures sportives comme les fédérations et les clubs ainsi que celui des sportifs eux-mêmes, aussi bien pour le sport amateur que pour le sport professionnel.
Concernant d’abord les structures sportives. Pour la prise en charge du sport amateur, il ne devrait pas y avoir de gros changement. Le droit en vigueur qui repose essentiellement sur le droit associatif (article 811 et suivants du COCC), doit juste être adapté au contexte actuel caractérisé par la raréfaction des ressources publiques et les exigences de bonne gestion. Cette adaptation devra se faire dans le but de permettre aux associations sportives de générer des ressources et d’évoluer vers un fonctionnement leur permettant, au-delà des cotisations de leurs membres, d’accéder à d’autres ressources financières de sorte à ne pas seulement dépendre des subventions de l’Etat et des collectivités territoriales (solidarité et péréquation sport prof et sport amateur ?).
Pour la prise en charge du sport professionnel, il y a une nécessité impérieuse : prévoir un droit spécial et adapté pour les clubs professionnels qui évoluent dans le champ de l’activité économique concurrentielle et donc marchande. Dans notre pays, pour le football, nous avons fonctionné ou essayé de fonctionner, avec les sociétés actuelles du système OHAD. Mais c’est un immense échec.
Pourtant, nous juristes spécialisés en droit des sociétés, savons que le système juridique OHADA offre la possibilité pour les Etats membres d’avoir des réglementations spécifiques pour certaines sociétés du champ des activités commerciales et industrielles (banques, assurances, pharmacie, sociétés publiques …). En effet, l’article 916 alinéa premier de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales le dit, en des termes non équivoques ; l’Acte uniforme s’applique : « aux sociétés soumises à un régime particulier sous réserve des dispositions législatives et réglementaires auxquelles elles sont assujetties ».
En conséquence, je crois qu’il faut introduire dans la réglementation du sport (le code du sport), une forme de société commerciale compatible avec les exigences de l’activité sportive dès lors que les formes de sociétés prévues dans l’OHADA ne me paraissent pas spécialement conçues pour la gestion économique du sport.
En ce sens et, dans l’attente d’une véritable société commerciale sportive que nous pouvons mettre en place par des dispositions spéciales dérogatoires du droit commun des sociétés qu’est l’Acte uniforme (à intégrer dans le code), ceux qui veulent créer une société pour leurs activités sportives professionnelles, seraient bien inspirés d’utiliser la forme Société par Actions Simplifiées (SAS). C’est la plus souple des structures commerciales de l’OHADA. D’ailleurs, ses statuts peuvent s’adapter pour en faire un excellent instrument de gestion des activités sportives dans leur dimension professionnelle. Aussi, je suggère que si on doit légiférer pour une société commerciale sportive, que cela se fasse sur le modèle de la SAS qui existe dans le droit positif.
Concernant le statut du sportif. Pour le droit applicable au sportif ou pratiquant, (statut juridique, fiscal et social) la distinction opérée ci-dessus doit être reflétée dans la réglementation avec d’une part, le sportif amateur et d’autre part, le sportif professionnel qui relève du droit du travail sportif.
Il faut aussi des dispositions pour les entraineurs, éducateurs, formateurs et coach aussi bien dans les conditions d’accès que dans les conditions d’évolution de leur carrière. Dans la perspective de tenir compte de l’état de développement de notre économie, faut peut-être introduire une catégorie intermédiaire (pour une durée limitée dans la transition amateur professionnel). En effet, au regard de ses caractéristiques, notre situation économique pourrait présenter des difficultés à entretenir, dans beaucoup de disciplines, des sportifs professionnels à temps plein comme le font les économies des pays développés. L’idée serait de prendre en compte cette situation pour encourager le cumul d’une activité sportive rémunérée avec une autre activité salariée. Un tel modèle correspond le mieux à la situation actuelle et, sa soutenabilité ne devrait pas poser de grosses difficultés.
Par ailleurs, une attention particulière est portée à la mobilité des sportifs et au statut des intermédiaires : agents sportifs et règles de transfert que nous avons beaucoup de mal à maitriser.
Dans le même ordre d’idées, il doit y a une plage spéciale pour le sportif de haut niveau (une qualité octroyé au sportif selon certaines conditions) si bien sûr, l’option affirmée par l’Etat et par toutes les parties prenantes (pouvoirs publics et mouvement sportif) de définir et d’appliquer une politique sportive pour le haut niveau, est consolidée. Cela permettra de ranger aux oubliettes la gênante affaire des récompenses aux champions d’Afrique d’athlétisme et de régler définitivement le statut de nos sportifs qui concourent, par leur activité, au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport sans une reconnaissance (récompense ?) digne de ce nom de la part de cette même nation.
(Par Abdoulaye SAKHO)
Par Mamadou DIOUF
MOMAR COUMBA DIOP, UN DÉFRICHEUR DE SOURCES ET DE RESSOURCES DOCUMENTAIRES
Il appartient à mon passé, mon présent et bien sûr mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné le rôle de l’aîné d’un cadet sans discipline
On m’a annoncé la mort de Momar Coumba, j’étais assis à l’aéroport John F. Kennedy, en train d’attendre mon vol pour Toronto et Ottawa. J’étais en route, ironie de l’histoire, pour le XXIIe Congrès International des Sociologues de Langue Française. Le thème retenu : « Sciences, Savoirs et Sociétés ». La violente collision entre cette invitation qui semble destinée à Momar et l’annonce de sa disparition m’a proprement bouleversé. Un retournement qui a ramassé les souvenirs, les éclats de rire et les querelles dans les vents tourbillonnants de la bourrasque. Je n’arrivais pas à m’y faire. Je ne pouvais conjuguer Momar au passé. En effet, il appartient à mon passé, à mon présent et bien sûr à mon futur. Je le croyais fermement. Diabel comme il signait parfois ses messages, c’est le bourdonnement quotidien à mes oreilles, de celui qui s’était assigné un rôle, celui de l’aîné d’un cadet sans discipline, espiègle et plutôt rebelle. Je lui ai très tôt concédé ce statut, tout en me moquant de sa rigueur rugueuse, toujours à propos, solidement documentée et puisée aux meilleures sources. Il était un lecteur vorace. Une passion que nous partagions. Livres et journaux, tracts et pamphlets étaient l’objet d’un traitement minutieux. Momar ne se contentait pas de les lire et de les exploiter pour ses travaux, il les archivait et les ouvrait à la consultation, notamment des jeunes chercheurs.
Ses opinions étaient toujours informées. Il avait toujours un projet de recherche, un livre ou un article à produire, des relectures à faire et des commentaires sur les écrits de collègues, les mémoires de politiciens et de syndicalistes. N’a-t-il pas inauguré la publication des autobiographies et récits de vie des politiciens avec les ouvrages du politicien sénégalais de son terroir, Linguère, Magatte Lo, L’Heure du choix (1986) ; Sénégal : syndicalisme et participation responsable (1987) et Sénégal, le temps du souvenir (1991). A la suite de ce travail, sa méticulosité, son expertise de bibliothécaire et la qualité des soins apportée aux références, en termes de présentation et de précision ont fait de Momar l’éditeur technique formel et substantiel des œuvres de la bibliothèque politique sénégalaise.
Pourtant la chronique du décès de Momar était annoncée. J’ai refusé d’y accorder une quelconque crédibilité. Il avait été malade mais sa vaillance et sa discipline lui avait permis de triompher de cette terrible maladie. Cette incroyable victoire était portée par une énergie créatrice. En attestent les ouvrages qu’il a dirigés, les articles écrits ou co-écrits. En revanche, la maladie lui a volé son enseignement et l’encadrement d’étudiants qui avaient été accompagnés par l’ouverture de nouvelles pistes pour la recherche sociologique. L’interruption de nos messages quotidiens – Momar m’envoyait des informations, des journaux, sénégalais et français, ses jugements péremptoires, ses indignations, ses appréciations plaisantes et ses mises en garde, au quotidien - m’avait inquiété. J’ai contacté son neveu Mor. Il a eu la décence de me dire qu’il était malade et m’a suggéré de contacter sa fille, Isseu Majiguène. Elle m’a dit l’état dans lequel se trouvait son père. Je demeurais convaincu qu’il allait encore s’en sortir. Le sourire entendu au coin des lèvres. Sa pause préférée.
Je ne sais pas comment j’ai rencontré Momar, au début des années 1980. Une rencontre qui a eu lieu à l’Université de Dakar, probablement dans la « cafétéria » de Kane, à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. C’est probablement Mohamed Mbodj Inge et feu Salif Diop qui avaient fréquenté avec lui, le lycée Blaise Diagne qui ont facilité le contact. Progressivement une amitié à toute épreuve s’est établie entre le Jolof-Jolof et l’enfant des comptoirs. Elle est devenue la ressource principale de notre collaboration intellectuelle. Celle-ci a été alimentée par les héritages multiples, sociaux, politiques, religieux et disciplinaires. Les legs de Momar s’ancrent dans les traditions familiales du Jolof, les engagements islamiques confrériques et politiques ainsi que les turpitudes du quartier des HLM et du lycée Blaise Diagne. Sa maladie avait accentué la posture sereine et la tranquille assurance qu’il affichait.
Momar était, avec ma mère, l’autre personne qui m’appelait Modou. Pourquoi m’appelait-il ainsi restera une énigme. Une énigme pour moi parce que le nom se logeait dans la géographie de son intimité et de ses relations qui lui étaient propres : des territoires bien délimités, les amis, la famille, les collègues. D’une loyauté à toute épreuve, il choisissait minutieusement ses amis. Il était intransigeant et sélectif. Son sacerdoce, c’était sa famille, ses frères et ses sœurs, ses neveux, ses oncles., ses enfants. Parfois, il en faisait une sociologie pleine d’humour et d’amour. Je voudrais spécialement mentionner son neveu Mor et son défunt cousin, El Hadj Lo. Ses enfants étaient sa fierté. Il ne s’est pas sacrifié pour eux. Il les a accompagnés et éprouvait un grand plaisir à leur réussite. Un père présent et irremplaçable pour Ada, Mamy et Gnilane qui l’émerveillaient.
Installé au carrefour de plusieurs héritages, Momar est devenu l’aiguilleur des humanités et des sciences humaines sénégalaises. Nul chercheur autre que lui n’est parvenu à créer des réseaux de chercheurs, assurer une coordination et une évaluation systématique des contributions qui dévoilent avec minutie, les trajectoires de la société et de l’État au Sénégal. Au moins deux générations de chercheurs venant de différents horizons disciplinaires et thématiques ont été mobilisées dans les entreprises épistémologiques de Momar. Il était un guide, un défricheur de sources et de ressources documentaires. Il savait polir les chapitres des autres et identifier les dispositifs autour desquels s’élaborent des pensées et se mobilisent des pratiques, à l’usage des jeunes chercheurs. L’extraordinaire hommage à la contribution incomparable de Momar Coumba Diop aux opérations de la sociologie sénégalaise et plus généralement aux humanités et sciences humaines a été brillamment mis en valeur par ses collègues qu’il a mobilisé dans toutes ses entreprises éditoriales, dans Comprendre le Sénégal et l’Afrique aujourd’hui. Mélanges offerts à Momar Coumba Diop (2023). Sa maitrise parfaite des leçons qu’il tirait de sa fréquentation assidue des travaux d‘Abdoulaye Bara Diop, de Boubacar Ly, de René Girard, de Jean Copans, de Donal Cruise O’Brien, de Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily et d’Amady Aly Dieng avait poussé le sociologue Momar Coumba Diop sur les pistes de l’histoire, de l’anthropologie et de la psychologie. Son braconnage théorique sans frontière, ni terrains interdits est la raison pour laquelle, Amady Aly Dieng nous avait qualifié de « néo wébériens », à la sortie du Sénégal sous Abdou Diouf (1990). Un penseur libre et sans tabous politiques, il enjambait allègrement les frontières idéologiques et épistémologiques. Un rebelle dont la seule cause était la clarté de l’argument, la rigueur de l’argumentation et les preuves qui les alimentent.
Les Mélanges offerts à Momar dessinent une lumineuse cartographie de sa production intellectuelle. Je me contenterai de suivre une trajectoire avec des points d’incandescence qui illustrent, sans conteste son rôle pionnier. A la suite de Donal Cruise O’Brien, The Mourides of Senegal (1971), Saints and Politicians (1975), de Jean Copans, Philippe Couty, Jean Roch et Guy Rocheteau, Maintenance sociale et changement économique au Sénégal : 1- La doctrine du travail chez les Mourides (1972), de Philippe Couty, Les Mourides et l’arachide (1982), de Jean Copans, Les marabouts de l’arachide (1985), il inaugure avec sa thèse de troisième cycle, La confrérie mouride : organisation politique et mode d’implantation urbaine (1980), les fonctions et activités des dahiras urbains. Un travail suivi par son essai, La littérature mouride : essai d’interprétation thématique (1980). Il commence à suivre à la trace, l’émergence des mourides dans le secteur informel, les métamorphoses organisationnelles, politiques et vestimentaires et leurs effets sur la ville et le pays. Momar ouvre de nouveaux chantiers qui aujourd’hui dominent les études mourides.
On peut reconstituer assez facilement le travail archéologique auquel se dévoue Momar Coumba Diop à l’entame de sa carrière, avec sa thèse et son essai sur la littérature mouride. Non seulement il nous offrait une lecture très serrée des travaux de ces prédécesseurs, il précisait les figures multiples, variées et instables de l’économie politique et imaginaire des paysanneries, de leurs relations avec les appareils confrériques et avec l’État. Un détour qui circonscrivait le territoire de sa contribution la plus décisive aux études sénégalaises, les manifestations urbaines du mouridisme et les imaginations qui leur sont adjointes. Il participait ainsi aux débats qui ont secoué les études africaines autour du (néo) patrimonialisme, du « soutien mercenaire » et les tours et détours des stratégies des entrepreneurs politiques et sociaux.
La sociologie de l’État et des élites prolonge son travail sur les paysanneries. Un registre qui est inauguré par le premier volume dont il assure la direction, Sénégal, Trajectoires d’un État (1990). Un ouvrage qui établit l’agenda des études sénégalaises Tet met à l’affiche une nouvelle génération de chercheurs, solidement établis dans leurs disciplines et comme lui, plutôt iconoclastes. Je pense à François Boye et à Paul Ndiaye. Suivent, Le Sénégal et ses voisins (1994) à la révision de laquelle il s’était attelé ces dernières années ; Les successions légales en Afrique. Les mécanismes de transfert du pouvoir en Afrique (1990) ; Les figures du politique en Afrique. Des victoires héritées aux pouvoirs élus (1999), un essai et un livre qui mettent à l’épreuve les usages politiques et théories relatives au Sénégal en situations africaines. Il ne quitte pas, pour autant, durant cette première période le terrain sénégalais, publiant, Le Sénégal sous Abdou Diouf. État et Société (1990), avec D. Cruise O’Brien et M. Diouf, La construction de l’État au Sénégal (2002) qui revient sur les débats et controverses ouverts par les thèses de Cruise O’Brien relatives au « contrat social sénégalais », à la « success story » et aux leaders confrériques considérés comme la société civile sénégalaise. Un écho des plus importants des études urbaines mourides initiées par Momar sont les travaux de Cheikh Anta Babou, de Mansour Tall sur les migrations, le travail et les opérations économiques des membres de la confrérie.
La symphonie majeure, plutôt le xassaid majeur – Momar adorait les xassaid des Hizbut Tarqiyyah dont il m’envoyait régulièrement des copies – sont, Le Sénégal contemporain (2002), Le Sénégal à l’heure de l’information - technologies et société (2003), La société sénégalaise entre le local et le global (2003), Gouverner le Sénégal - entre ajustement structurel et développement durable (2004) et Le Sénégal sous Abdoulaye Wade - le sopi à l’épreuve du pouvoir(2013). Elle assure une présence de Momar qui continuera de nous sommer de continuer à creuser le sillon. Il nous contraint à relever le défi qui a animé son projet intellectuel, l’établissement ferme des humanités et des sciences sociales sénégalaises.
Repose en paix jeune homme !
Que nos prières t’accompagnent.
Par Amadou Lamine SALL
MON CRI AU PRESIDENT DIOMAYE
Avec respect et gratitude, je vous demande, Monsieur le président, d’instituer une journée nationale du pardon. Réconciliez ainsi, par le cœur et l’âme, notre beau et grand petit pays
Avec respect et gratitude, je vous demande, Monsieur le président, d’instituer une journée nationale du pardon.
Réconciliez ainsi, par le cœur et l’âme, notre beau et grand petit pays. Faites prendre conscience aux Sénégalais combien nous devons recréer une nouvelle vie en commun, en société. Pardonner ne veut pas dire oublier. « Dans l’absolu, nous ne sommes pas obligés de pardonner. Néanmoins, on ne pardonne pas pour la personne qui nous a fait du mal, mais pour nous-mêmes. En effet, le pardon permet de se libérer et de la rancœur, des blessures, de la peine.»
Pardonnez n’est pas une faiblesse. Pardonnez est plus beau que châtier, punir, réprimer, se venger. Le Coran nous dit que «le croyant sincère doit gagner le pardon par la repentance.» Certes, le pardon est «une démarche pacificatrice parfois difficile».
Graciez, Monsieur le président, en cette Journée nationale du pardon, si vous l’instituez, des prisonniers. Nos prisons sont devenues effrayantes, terrifiantes, insoutenables, inhumaines.
Avec une infinie gratitude, voyez dans la limite de vos pouvoirs, comment libérer, déjà, les prisonniers devenus finalement aveugles ou fous, en prison. Comment garder encore en cellule de pareilles créatures dont la vie s’est presque achevée, quel que soit la hauteur de la faute commise ? Voyez, également, comment ces milliers de prisonniers qui vivent dans des conditions presque inhumaines, pourraient être sortis de jour et affectés à des contraintes de travail de set-setal, par exemple. Cela aiderait nos cités si sales et si pourries, à retrouver un peu de fard..
Cela soulagerait des collectivités locales si désarmées financièrement et le plus souvent si mal organisées et si désastreusement mal gouvernées. Ces sorties de jour de prisonniers pour aller travailler et servir, leur donneraient un semblant de vie, un peu d’air du dehors, un tout petit peu d’espérance, malgré le degré de la faute. Seule la force invincible de la foi, sauve le plus grand nombre de prisonniers du suicide et de la mort.
Ceux qui sont libérés, des années et des années après, errent dans les rues, perdus, délaissés et oubliés et par leur famille et par l’État et par la société. J’en ai rencontré qui mendiaient, malades et affamés et qui dormaient sur et sous les bancs des très rarissimes places publiques comme la Place de l’Indépendance. C’est là que nous avons appris que ces bancs faisaient d’ailleurs l’objet de trafic payant pour les occuper la nuit. Qu’Allah veille sur les démunis.
Monsieur le président, je vous demande, avec une infinie prière, de veiller sur les prisons et les prisonniers, parce que vous m’êtes apparu comme un homme d’abord, un Président ensuite, qui possède une âme à qui on peut avoir l’espérance de parler et d’être entendu. Tant pis si je me trompe ! Dans tous les cas, vous ne faites pas peur ! Vous apaisez !
Monsieur le président, vous êtes sorti de prison pour entrer dans une autre prison. La seule différence, ce sont les murs, l’accueil, les regards, la considération, les gardes, la nature des contraintes. La première prison, vous n’avez pas demandé à y être reçu. La seconde, vous êtes allé la chercher vous-même, pour y entrer. Elle est dorée, diton, mais pas aussi tranquille que la première. Plus dangereuse, même !
Si vous sortez du Palais pour aller prendre votre avion de commandement, au retour, sous escorte, on vous reconduit en «prison », avec motards et gyrophares chez vous, dans votre Palais. Cette prison du Palais est contraignante et elle est surtout celle qui vous isolerait le plus de la réalité de votre peuple. J’ai toujours cru, au regard de notre histoire politique, que les chefs d’État sont les moins informés que leur peuple. Évitez ce piège ! Écoutez, écoutez beaucoup. Regardez, regardez attentivement vos parapheurs. Prenez le temps de mettre votre sceau. Mettez correcteurs et grammairiens en amont. Rendez votre cabinet imparable. Il l’est déjà, conduit, chose rare, par un mathématicien et un poète. De vos collaborateurs et de vos conseillers, faites des amis mais surtout dites-leur de ne pas avoir peur de vous faire rebrousser chemin. La critique où le courage de la critique, semblerait beaucoup manquer dans les cabinets présidentiels. Peut-être, également, que l’on se trompe ! Ce sont des confidences avérées depuis des décennies et des faits réels qui nous ont appris cela. Il doit être possible de ne pas toujours dire, de jour comme de nuit, pendant cinq ans ou douze ans à un président, «oui, Monsieur le président. Oui, Monsieur le prescient.»
La confession d’un ancien président de la République du Sénégal bien particulier, s’est révélée, dans ce sens, bouleversante et révélatrice de la nature de cette vraie prison que constitue le palais présidentiel où tout le monde ne fait qu’acquiescer à tout ce que dit le président. Mais, nuançons ! Au-delà des renseignements généraux au travail admirable et sécuritaire, prenez aussi le temps d’écouter la vraie rue. Faites comme faisait Senghor, qui, en voiture banalisée, allait le soir se mêlait à son peuple dans les quartiers les plus animées de Dakar, incognito ! Il le raconte lui-même et c’est si succulent !
Que le Seigneur vous protège Monsieur le président Diomaye et il vous protègera au regard des belles et reposantes valeurs dont vous êtes habillé et que nombre de Sénégalais reconnaissent en vous. Sorti de la première prison, secourez ceux qui y vivent encore ! Utilisons plus les bracelets électroniques que l’enfermement carcéral dans des cellules pires que l’enfer et à la promiscuité indescriptible ! Des Sénégalais témoignent que cette promiscuité a fait naître nombre d’homosexuels !
Mes respects déférents Messieurs les commissaires, les procureurs et les juges ! Sans être faibles, chevillés aux lois et règlements, rendez moins peuplées, sauvages et inhumaines nos prisons ! Votre mission est capitale et vous êtes si précieux dans ce combat.
Encore, Monsieur le président, libérez les prisonniers devenus aveugles ou désormais malades mentaux. Nous prions pour vous !
N’oublions pas que nous avons été autrefois et encore aujourd’hui un «peuple de géants.» Ne devenons pas un «peuple de nains» accouchant d’une chefferie de nains. Et cela n’arrivera pas !
Par Henri Valentin B. GOMIS
REFORMES DE LA JUSTICE POUR UN SYSTEME JUDICIAIRE EFFICACE ET EFFICIENT
J’ai espoir que le Sénégal de demain - et demain pour moi c’est maintenant - sera un Sénégal fort, développer où les règles permettront de vivre en harmonie. C’est pourquoi je tenterai de faire l’état des lieux et de proposer des pistes de solutions.
J’ai espoir que le Sénégal de demain - et demain pour moi c’est maintenant - sera un Sénégal fort, développer où les règles permettront de vivre en harmonie. Pour cela quelles réformes pendre pour une rupture radicale et sans complaisance de ce qui plombe encore notre développement et notre vivre ensemble ? Il faut prendre en compte plusieurs secteurs d’activités notamment la justice, la politique et surtout l’économie. Dans cet exercice, je ne parlerais que de la « Justice ». C’est pourquoi je tenterai de faire l’état des lieux et de proposer des pistes de solutions.
Analyse ou constat de la situation actuelle
Le titre III de la constitution sénégalaise du 7 janvier 2001 sous l’égide du Président Abdoulaye Wade fait de la justice un pouvoir judiciaire au même titre que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Et son article 88 stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. À l’instar de nombre de pays africains, le Sénégal a consacré l’indépendance de la Justice à travers son érection en « Pouvoir » par la Constitution de 1963. Or depuis les cas Mamadou Dia sous Senghor, Abdoulaye Wade sous Abdou Diouf et aujourd’hui les cas Karim Meïssa Wade, Ababacar Khalifa Sall, Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye et les militants du Pastef (Mille prisonniers politiques) sous Macky Sall, nous nous rendons compte sans aucune irrévérence que les opposants ont toujours fait l’objet de poursuites, de liquidation politique par la voie judiciaire. Le cas Ousmane Sonko depuis 2021 l’atteste sans nul conteste. Alors qu’il est reconnu au magistrat, même nommé par le Président de la République après avis consultatif du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), de n’être soumis qu’à l’autorité de la loi dans l’exercice de sa fonction ou de sa mission de rendre la justice (Cf. Art. 90 de la constitution de 2001). Et mieux la constitution dit que le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par elle.
A l’analyse de la réalité des faits et de la pratique judiciaire l’on peut dire sans être contredit que cela est toujours et reste un vœu pieux. En effet il y a une rupture de confiance du peuple à l’égard de la justice, des justiciables à son égard et voire même parfois une défiance de la justice par le peuple qui ne croit plus en celle-ci quand bien même qu’il est par ailleurs dit que la justice est rendue au nom du peuple.
L’hyper-judiciarisation de l’espace politique restera un des héritages les plus marquants de la présidence de Macky Sall. L’histoire de la magistrature sénégalaise révèle que cette dernière est plus un appareil au service du Pouvoir exécutif voire politique qu’une institution dévouée à sa société. Le pouvoir judiciaire est en principe indépendant du pouvoir exécutif et législatif. Donc les juges ne peuvent être soumis à une « injonction » de l’État. Bien entendu s’il s’agit de magistrats du siège en théorie. Cette séparation du pouvoir judiciaire avec le pourvoir exécutif et législatif constitue le fondement d’un État de droit.
L’indépendance du pouvoir judiciaire ne doit pas être entendue dans un sens absolu : les juges rendent leurs décisions sur la base des lois ou de la Constitution, bref à partir de textes qu’ils n’ont pas eux-mêmes faits ou votés. L’indépendance de la justice renvoie à sa capacité à fonctionner à l’abri de tout parti pris, de toute pression et de toute interférence. L’indépendance de la Justice est, en effet, consubstantielle à la séparation des pouvoirs et à l’État de droit. Sans une Justice indépendante, l’édifice de l’État de droit devient fragile et peut à tout instant s’écrouler. Par sa fonction d’arbitre et de protection des droits et libertés, la Justice joue tout à la fois une fonction de maintien de la cohésion sociale et de gardienne des valeurs et principes fondamentaux de la démocratie et un rôle de contrôle des actes de l’état par le conseil constitutionnel.
Mais qu’en est-il dans la pratique et les faits ?
Les injonctions données au procureur par l’exécutif dans les poursuites pénales et la violation permanente de la règle de l’inamovibilité, vidée de sa substance parle recours à deux notions à savoir la nécessité de service et l’intérim devenues la règle, affaiblissent la justice dans son fonctionnement normal. Par ces notions les juges peuvent être déplacés avec la même facilité que n’importe quel magistrat du Ministère public. Certains, à peine installés, sont mutés tandis que d’autres sont affectés du siège au Parquet et vice-versa sans aucune explication logique. En un mot, c’est l’aléa et la précarité qui règnent en maître, excluant toute possibilité de se tracer un plan de carrière1 . A la violation de cette règle de l’inamovibilité se pose le problème des nominations surtout des chefs de juridictions qui restent du domaine exclusif du Ministre de la justice et du Président de la République, de même que la prolongation de l’âge de la retraite de 65 à 68 ans. Aucun critère de transparence n’est défini à l’avance pour justifier les choix et nomination.
L’une des critiques que l’on peut faire à l’indépendance de la justice porte d’abord sur le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature qui dans sa porte les germes de sa dépendance vis-à-vis de l’exécutif. Ainsi, s’agissant de sa composition, le CSM est dirigé par le Président de la République qui en est le président et le Ministre de la Justice qui y fait office de vice-président. Il s’y ajoute que sur les seize magistrats qui siègent au sein de cet organe, douze (12) sont des membres de droit nommés par l’exécutif (le Président de la République). En outre, dans la répartition des attributions, on note que la part du lion est réservée au Ministre de la Justice et au Président de la République qui exercent respectivement le pouvoir de proposition et de nomination, les magistrats se contentant de donner leur avis qui est consultatif et qui, dans certains cas, ne lient pas l’autorité de nomination. Au regard d’une telle configuration, il est clair que le CSM du Sénégal ne peut ni incarner, ni assumer le rôle de sentinelle de l’indépendance que l’on est en droit d’attendre de lui 2 .
Ensuite l’autre manque d’indépendance de la Justice correspond à la situation du Parquet. Les magistrats du parquet jouent un rôle important dans l’administration de la justice. Étant chargé de l’exercice de l’action publique, le Ministère public est la vitrine de la justice pénale. Sous ce rapport, le Parquet conditionne pour une large part, l’idée que le peuple se fait de la justice. Or, au Sénégal, le Ministère public reste subordonné au pouvoir exécutif. Ainsi, l’article 28 du Code de procédure pénale précise que « le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, peut dénoncer au Procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou de faire engager les poursuites, ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le Ministre juge opportunes ». Aux termes de l’article 25 du même Code « Le Ministère public est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 28 et 29 ». D’autre part, le ministère public, qui peut recevoir des instructions écrites de la part du Ministre, dispose d’énormes pouvoirs. Cette subordination hiérarchique du parquet, permet indirectement, au Ministre de la Justice de s’immiscer dans le traitement des affaires pénales. Surtout que dans certains cas le juge d’instruction un magistrat du siège est tenu de placer sous mandat de dépôt si le ministère public le requiert sans pourvoir d’appréciation (Art. 139 CPP et Art. 50 à 155 et 255 CP). Ce qui, à l’évidence, pose un sérieux problème pour l’indépendance institutionnelle du magistrat du siège par rapport au magistrat du parquet.
En définitive, force est de constater que si l’indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée par la Constitution, son effectivité reste tributaire des insuffisances ci-dessus énumérées qui gagneraient à être corrigées. D’où l’urgence qu’il y a à mettre en œuvre des réformes susceptibles de renforcer l’indépendance de la Justice.
Il convient alors de se poser la question pertinente : quelles réformes pour notre justice ?
Les réformes institutionnelles, fonctionnelles et organisationnelles
La justice pour répondre à sa mission et pour être bien perçue par le peuple doit faire l’objet d’une réforme profonde. D’où les réformes pertinentes proposées dans ce sujet de réflexion.
Première réforme : Mise en place d’une autorité judiciaire, renforcement de CSM et création d’un organe de contrôle du CSM appelé HCM (Haut conseil de la magistrature).
Il s’agit de faire de la justice non plus un pouvoir mais une autorité judiciaire. En effet le pouvoir judiciaire ne peut dépendre ni de l’exécutif ni du législatif, car la séparation de pouvoir fait qu’ils sont d’égale dignité. Être indépendant, c’est n’avoir « rien à craindre ni à désirer de personne » (Thierry RENOUX). La Constitution ne reconnaît explicitement que l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il faut faire soit de la justice une autorité réellement indépendante dans son fonctionnement et dans son organisation
Pour cela il faut que :
Le CSM soit un organe délibérant avec un secrétariat exécutif et un secrétariat général géré par les Magistrats eux-mêmes notamment les hauts magistrats ;
le CSM dispose d’un organe de gestion des carrières et d’un organe de sanction disciplinaire ;
les membres du CSM soient élus par leur paire et non plus nommés par le Président de la République;
le pouvoir de proposition du Ministre de la justice soit supprimé et revienne aux magistrats eux-mêmes ;
un appel à candidature ou une postulation pour chaque poste de chef de juridiction ; cette proposition à l’heur de mettre en concurrence ou en compétition les magistrats entre eux selon leur grade et ancienneté. Par ailleurs on peut utiliser deux systèmes :
La sélection de trois dossiers à soumettre au président pour leur nomination, ou l’élection par leurs pairs puis confirmation par le Président par décret après avis favorable du HCM.
L’avantage de ce système serait de fixer une durée ou un mandat pour chaque chef de juridiction et pour cela j’estime que 5anssuffisent. L’autre avantage serait que le chef de juridiction est tenu de travailler avec les magistrats nommés dans sa juridiction sans être en mesure de choisir ses collaborateurs, ce qui diminuerai largement la redevabilité ou le lien de subordination entre magistrats.
A côté du CSM, il faut mettre en place un Haut Conseil de la Magistrature (HCM) qui comprendrait le CSM représenté parle bureau exécutif d’une part et le Président de la République, le Ministre de la justice, le Bâtonnier de l’ordre des Avocats ou son représentant, le Responsable du syndicat des travailleurs de la justice et éventuellement un ou deux membres de la société civile d’autre part. ce Haut conseil de la magistrature jouera le rôle d’organe de contrôle de la régularité des actes pris par le CSM concernant la carrière, les nominations et les sanctions disciplinaires des magistrats.
Remarque : Il faut à ce niveau faire attention à la promesse donnée lors de la campagne électorale par les gouvernants actuels : Sortir du CSM. Le premier désamour de Macky avec le peuple fut son dédit sur le fait de ramener son mandat de 7 à 5ans. Le même cas s’est produit avec Wade sur la question du troisième mandat. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. C’est pourquoi le président doit respecter sa parole donnée : Gor thia wokh ba. L’idée de la création d’un HCM et de renforcement du CSM me parait plus adéquate que de lui suggérer d’y rester. Ce serait une erreur politique d’y rester. Si la modification ne porte pas les fruits escomptés, là sans honte il pourra revenir à l’ancienne méthode. Mais il faut éviter le wokh wokhète.
Deuxième réforme : la spécialisation des juridictions et des magistrats pour une bonne qualité des décisions de justice.
S’agissant de la spécialisation des juridictions, à l’image du tribunal du commerce, il faut des juridictions spécialisées dans tous les domaines notamment administrative, civile, pénale, correctionnelle, criminelle, sociale, pétrolière, gazière et minière etc… Il faut également des juridictions spécialisées pour la poursuite du blanchiment, du détournement des deniers publics et des crimes connexes notamment des crimes économiques, financiers, cybercriminels, et de terrorisme…
Concernant les magistrats, dans une société au fonctionnement de plus en plus complexe aujourd’hui, les juges doivent se spécialisés. Cela est une nécessité. La non prise en compte de la spécialisation du juge entraine une conséquence fâcheuse dans la qualité des décisions. C’est pourquoi leur recrutement doit se faire en fonction des besoins des juridictions spécialisées et ce dès le CFJ. Ce qui suppose la réforme des modes de recrutement et du mode de formation au CFJ..
La spécialisation des juridictions et des juges conduit à une plus grande compétence et efficacité de la justice.
L’avantage principal de la spécialisation est de faire juger les litiges par…des spécialistes ! C’est-à-dire par des magistrats ou des juges rompus à certains contentieux car certains contentieux sont techniques. Elle conduira à une bonne qualité des décisions de justice donc moins de contestations.
Pour exemple, un tribunal de Dakar (TGI) a jugé une affaire de droit maritime en tenant compte du COCC, alors que cette matière est régie par la convention de Hambourg et le Code de la marine marchande du Sénégal. Il méconnaissait que le « connaissement » ou le « bill of lading » est à la fois titre de voyage et titre de propriété de la marchandise. D’où l’importance de la spécialisation.
Henri Valentin B. GOMIS
Avocat à la cour
1er secrétaire de Conférence
Maitrise en Droit public option Relations internationales
Master ii en Droit de l’Homme
Master ii en Droit et gestion Maritime
Master ii en Management de l’énergie et des Ressources pétrolières
1 Article 6 de la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats.
2 Cf. Les Cahiers de la Justice 2019/3 (N° 3), pages 483 à 495, article du juge Souleymane Téliko.
Par Mamadou Omar NDIAYE
JUBANTI LEEN BAAR BI TUUTI REK*
Les institutions dénoncées comme « inutiles » et « budgétivores » et dont la suppression avait été promise fonctionnent comme si de rien n’était. Le copinage et le népotisme affleurent dans certaines nominations
Dans un éditorial intitulé « Viatique pour nos jeunes nouveaux « maîtres » rédigé au lendemain de l’accession à la magistrature suprême de Bassirou Diomaye Faye, j’avais dit que je respecterai la règle non écrite des 100 premiers jours qui veut qu’on laisse à tout nouveau pouvoir le temps de s’installer, de prendre ses marques avant de le juger. Je me suis astreint à cet engagement malgré tout ce qui s’est passé dans ce pays depuis le 2 avril dernier. Si on me demandait mon appréciation globale sur les premières mesures du nouveau pouvoir, sur ses pas initiaux et les actes déjà posés, j’emploierais la formule qui fut celle de Georges Marchais, un défunt secrétaire général du Parti communiste français (PCF). Marchais, donc, interrogé sur le bilan des pays du « socialisme réel » avait répondu : « il est globalement positif ! » Autrement dit, et pour parler du Sénégal, dans ce qu’ont fait le président de la République et son Premier ministre — puisqu’une dyarchie semble s’être installée au sommet de l’Etat —, il y a du bon et du mauvais même si le positif l’emporte sur le négatif. Du moins, selon ma perception.
Parmi les bons points on peut mentionner la lutte contre la spéculation foncière, les mesures prises pour contrer la hausse des tarifs des transports routiers à la veille de la Tabaski, la tenue des Assises de la justice, le paiement des dettes des fournisseurs de semences et d’engrais, l’augmentation du budget de la campagne agricole et les mesures prises pour que les intrants parviennent à leurs véritables ayants droit, la baisse des prix des denrées, l’attitude de fermeté face aux meuniers. Il y a aussi le début de mise en œuvre d’une diplomatie de souveraineté et, en particulier, le recentrage du cercle de nos amitiés sur l’Afrique. Sans compter la sobriété qui semble s’être installée à la tête de l’Etat. De ce point de vue, le fait que plus de trois mois après le changement de régime il n’y ait pas encore de fondation de Première dame est plutôt de bon augure. Encore qu’on voit mal comment deux fondations auraient pu être créées étant donné que l’actuel chef de l’Etat a deux épouses. De même, la famille présidentielle n’a pas—du moins pour l’instant—envahi l’espace public. Mais surtout, surtout, aussi bien Bassirou Diomaye Faye qu’Oscar Sierra ne semblent pas vouloir s’enrichir personnellement. A ce que je sache, ils sont intègres et ont la volonté de changer positivement ce pays, de rompre ses liens de dépendance avec l’étranger.
Cela dit, les Sénégalais attendent encore que les fruits tiennent la promesse des fleurs. Pour l’essentiel, ce sont les gens de l’ancien régime qui sont toujours en place et les institutions dénoncées comme « inutiles » et « budgétivores » et dont la suppression avait été promise fonctionnent comme si de rien n’était. Avec les mêmes figures vomies du système Benno Bokk Yaakar (BBY). L’Assemblée nationale est toujours aux mains de la camarilla de cette dernière coalition. Toutes ces institutions continuent de vivre grassement aux frais du contribuable et la République est toujours bonne fille pour les hiérarques du régime du président Macky Sall. Surtout, la reddition des comptes promise à cor et à cris reste une promesse non encore honorée. Pis, les nouvelles autorités prennent tout leur temps pour traduire devant la justice les satrapes qui ont pillé nos sociétés nationales, détourné les deniers de la Nation, dilapidé nos ressources, ont ordonné ou exécuté le meurtre de dizaines de jeunes gens qui ne faisaient que manifester pacifiquement etc. Il est vrai que le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre ont fort à faire pour dégoupiller les bombes à retardement et éviter de sauter sur les mines enfouies par le chef de l’Erat sortant. Avançant en terrain miné, ils sont obligés de faire très attention à là où ils mettent les pieds. Surtout que la nouvelle opposition, disposant de moyens financiers inouïs et de solides relais médiatiques, ne fait pas mystère de sa volonté de mener une contre-révolution.
Il n’en reste pas moins que le duo Diomaye-Sonko a pris des mesures qui sont sujettes à caution ou qui poussent à lui instruire un procès en impréparation. Cet amateurisme a transparu surtout dans les nominations où, franchement, il y a beaucoup de tâtonnements et d’approximations. Le copinage et le népotisme affleurent dans certaines d’entre elles. Mais surtout, ce qui inquiète, c’est cette volonté de « pastéfiser » le management des sociétés et agences nationales ainsi que les directions centrales de l’Administration. Des hommes et des femmes qui n’ont pas le profil de l’emploi sont promus à des responsabilités manifestement trop lourdes pour eux. Leur seule mérite, c’est l’appartenance à Pastef ou d’être passés par la case prison voire d’avoir été sanctionnés pour leurs activités politiques ! Or, les états de services militants ou antécédents carcéraux pour raisons politiques ne sauraient valoir brevets d’aptitudes aux hautes fonctions étatiques ou managériales !
Ne pas « ennahda-iser » notre administration !
Entendons-nous bien : dans toutes les grandes sociétés démocratiques, il y a ce qu’on appelle le « spoil system ». Lisons la définition qu’en donne l’encyclopédie Wikipedia : « Le système des dépouilles est un principe selon lequel un nouveau gouvernement, devant pouvoir compter sur la loyauté partisane des fonctionnaires, substitue des fidèles à ceux qui sont en place. Cette tradition permet de régénérer les élites de la haute administration en incorporant souvent des profils très spécifiques… » Lorsqu’il y a eu une levée de boucliers au lendemain des premières nominations effectuées par le président de la République Bassirou Diomaye Faye — qui, en vertu de la Constitution, nomme aux emplois civils et militaires —, nous avions écrit dans ces colonnes qu’il était parfaitement fondé à mettre en œuvre son « spoil system ». Cela, nul ne saurait lui en dénier le droit. Tout ce qu’on lui demande, c’est de veiller à choisir les bons profils et non pas à « ennahda-iser » notre Administration ! Quand les islamistes du parti tunisien Ennahda ont accédé au pouvoir, ils ont non seulement fait exploser les effectifs de la Fonction publique mais surtout ils ont responsabilisé des cadres de leur parti notoirement incompétents. Au bout de quelques mois, ils ont été chassés par les Tunisiens. Je rappelais d’ailleurs sous forme de mise en garde cet épisode tunisien dans mon « Viatique pour nos jeunes nouveaux « maîtres » d’avril dernier.
Dans ce même éditorial, je disais comprendre que ces derniers soient tenus de récompenser ceux qui avaient mené avec eux la lutte pour l’accession au pouvoir du « Projet ». Voici ce que j’écrivais à ce propos : « Certes, des centaines voire des milliers de militants ont investi dans le « Projet », que ce soit sur le plan intellectuel, sur le plan matériel ou surtout financier, s’ils ne se sont investis physiquement. D’aucuns parmi eux ont payé leur engagement par l’emprisonnement, la perte de leur emploi ou la privation de revenus. Je ne parle évidemment pas de ceux qui ont été tués. Tous ces gens veulent donc un retour sur investissement et leur part du gâteau. Ils exigent leur place au banquet de la République. C’est normal, légitime puisqu’ils ont misé et gagné. Ce n’est donc que justice qu’ils soient rétribués. Seulement voilà, il faudra faire la part des choses et trouver le juste équilibre entre la nécessité de récompenser les militants et les alliés, d’une part, l’impératif de produire des résultats au niveau de l’Etat de l’autre ! » Tout est question de juste mesure et il ne faut point trop en faire en matière de propulsion de cadres « patriotes » aux « stations » (comme disait Idrissa Seck) de l’Etat ! Entre les institutions politiques comme l’Assemblée nationale ou le Conseil économique et social, les personnels subalternes des ambassades, quelques postes de second ordre dans les sociétés nationales, des marchés publics, des financements au niveau d’organismes comme la Der et j’en passe, les fonctions de chargés de missions ou conseillers spéciaux, les présidences de conseils d’administration,…il existe des possibilités infinies pour un parti au pouvoir de récompenser la fidélité militante de ses affidés. Encore faudrait-il veiller à ne pas installer un régime des anciens combattants ! Dans certains pays du continent qui ont dû mener des luttes de libération nationale, les anciens maquisards, une fois l’indépendance obtenue, se sont partagé les postes de responsabilités alors qu’ils n’avaient aucune aptitude à gérer. Résultat : des Etats en faillite. Il faut que les promoteurs du « Projet » évitent de reproduire ce schéma dans notre pays. Pour obtenir des résultats, ils doivent aller chercher les meilleurs où qu’ils soient : dans Pastef s’il y en a, dans la nouvelle opposition pourquoi pas pourvu qu’ils ne traînent pas des casseroles, dans la diaspora. L’essentiel, c’est de faire gagner le Sénégal. Pour cela, à défaut de placer la barre plus haut que les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, au moins la mettre au même niveau qu’eux !
Soyons justes : le président et son Premier ministre ont fait de très bons choix pour ce qui est des forces de défense et de sécurité en nommant les généraux Martin Faye et Mame Thierno Ndour à la tête de la Gendarmerie et de la Police, en promouvant pour la première fois un cadre maison pour diriger l’Administration pénitentiaire, en revenant à l’orthodoxie à la Banque Agricole et à la BNDE pour mettre des banquiers professionnels aux commandes de ces deux établissements à la place des inspecteurs des impôts et domaines, en choisissant le secrétaire général de la Senelec pour en faire le directeur général etc. La liste n’est pas exhaustive. Pour ces cas-là, ils ont eu la main heureuse.
Par contre, il y a eu des nominations calamiteuses qui font douter dans certains milieux pourtant très bien disposés à leur endroit de leur aptitude à bien s’entourer. Et, donc, à pouvoir diriger ce pays. S’agissant du gouvernement, on s’attendait à une équipe de pros immédiatement opérationnels, force est de constater que, trois mois après, certains ministres se cherchent encore. A comparer avec l’équipe du nouveau Premier ministre britannique qui s’est mise à la tâche dès le lendemain de sa formation !
A mort les vieux !
Au chapitre des mauvais points, l’économie qui ne bouge toujours pas. Ne parlons pas de décoller ! Encore que trois mois, ça soit trop peu pour faire quoi que ce soit. Mais le problème c’est qu’il n’y a pas de visibilité, pas de direction claire. Tout est bloqué et les TPE-PME-PMI sont à l’article de la mort. Là aussi, je ne suis pas surpris puisque j’avais prévu cette situation dans mon « viatique ». « Dette stratosphérique, recettes en berne, dépenses qui explosent, masse salariale exponentielle, subventions ruineuses…Le tableau est effrayant. Il faudra effectuer des coupes claires pour ne pas dire qu’à court terme, un ajustement structurel nous paraît inévitable. Pour cela, il faudra tenir un langage de vérité aux populations dès le départ en leur faisant une présentation sans fard de l’héritage en matière économique pour leur faire accepter d’inévitables sacrifices ». Voilà ce que j’écrivais et c’est exactement ce qui se passe mais les nouvelles autorités rechignent à tenir un langage de vérité aux populations. Au contraire, elles font dans le populisme à quatre sous, caressent nos compatriotes dans le sens du poil, promettent en dépit du bon sens de raser gratis, font entrevoir des lendemains qui chantent sans dire que ceux-ci sont impossibles sans que les Sénégalais se (re)mettent véritablement au travail et apprennent à se discipliner. Un populisme qui les pousse à jouer les vertueux et innocents travailleurs contre les patrons pourris et sans cœur, à miser sur les jeunes au détriment des vieux qui doivent dégager, à draguer les ambulants et autres acteurs de l’informel responsables de tout le bazar dans nos villes etc. Le jeunisme, donc, et au rebut les vieux… sauf si ce sont des marabouts.
Il me semble aussi que les deux hommes forts du pays ont toujours tendance à se considérer comme des inspecteurs des impôts plutôt que comme le président de la République et le Premier ministre ! Parfois, des amis, dont je sais qu’ils ont ardemment soutenu le « Projet », m’appellent : « khana tu ne peux pas parler à tes gosses-là ? » J’ai beau leur expliquer que, bien que j’aie soutenu leur lutte, je ne suis pas un « maggu Pastef » et je ne murmure pas aux oreilles des nouvelles autorités de ce pays, mieux que je n’ai pas eu l’honneur de parler à un seul de ces braves jeunes gens — à l’exception d’un coup de fil échangé avec mon jeune frère, le général Jean-Baptiste Tine, ministre de l’Intérieur, pour un rendez-vous finalement avorté —, j’ai beau leur dire tout cela mes interlocuteurs ne me croient pas. C’est pourtant la stricte vérité.
Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko n’en sont qu’au début de leur « règne ». C’est donc normal qu’ils commettent des maladresses à la manière d’un enfant qui apprend à marcher et qui multiplie les chutes avant de se relever à chaque fois. Ils ont donc la possibilité de redresser la barre, de corriger certaines lacunes car, comme disent les Wolof, « bant bu toyé la ñu koy jubanti ». Autrement dit, c’est avant qu’il ne sèche qu’on peut redresser un bout de bois !
Pour me résumer, ils ont fait beaucoup de bonnes choses en 100 jours mais aussi, nul n’est parfait, commis des boulettes. Néanmoins, si on devait demander au sévère correcteur que je suis de les noter, je leurs donnerais une note de 12/20 assortie de l’appréciation suivante : « Bien, mais peuvent mieux faire » !
* Redressez légèrement la barre.
PAr Ndiaga Loum
ICI LE LAPSUS EST UN AVEU, L’EXCUSE RELÈVE D’UN PUR CYNISME
Dans une démocratie normale où existe une justice libre, l’ancien garde des sceaux serait au moins un témoin dans l’enquête sur la disparition des deux militaires (Sambou et Badji)
Entre l’affirmation et la rétraction, une hypothèse crédible émerge : c’est que s’il ne connaissait pas tout, il en saurait au moins beaucoup. Dans une démocratie normale où existe une justice libre, l’ancien garde des sceaux serait au moins un témoin dans l’enquête sur la disparition des deux militaires (Sambou et Badji) qu’il inclurait ainsi dans le champ d’application d’une loi d’amnistie couvrant des délits et crimes de nature politique. Le lapsus évoqué ensuite pour se rétracter, venant d’un ancien ministre de la justice en poste durant les faits « incriminés », est en réalité un aveu. Non, ce n’est pas le subconscient qui a parlé ni l’inconscient; c’est bien la conscience, mais la mauvaise conscience. Pour paraphraser Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, les auteurs ou complices d’un crime n’auront jamais la conscience tranquille. L’excuse évoquée ensuite sous couvert d’une mauvaise expression et sur fond de supposée faute professionnelle de la journaliste (coupable du « délit de curieuse relance »), relève en fait d’un pur cynisme. Et c’est ce cynisme et cette étrange légèreté dans le traitement de l’horreur et de l’innommable qui nous ont gouvernés ces douze dernières années. Ne serait-ce que pour cela, le 24 mars 2024 aura été plus qu’une révolution, c’est une délivrance collective qui porte la main d’un Dieu qui aime encore les Sénégalais. Cette révolution devra rendre justice aux familles des deux officiers et de toutes les autres victimes, ou alors elle n’aura pas servi à grand-chose d’un point de vue purement symbolique. Le message symbolique qui passe par la justice sera : PLUS JAMAIS ÇA !!
Oui, la révolution entamée le 24 mars 2024 ne sera pas une réussite seulement parce qu’elle mettra fin à 64 ans du système néo-patrimonial renvoyant au « prebendalism », à la corruption, à la concussion, à la politique du ventre. Cette révolution sera vraiment une réussite lorsque dans ce pays, plus personne ne pensera à tuer pour conserver le pouvoir, parce que les coupables seront lourdement sanctionnés par une vraie justice rendue au nom du peuple pour soulager un tant soit peu la douleur des victimes. Cette révolution sera une réussite quand les piètres « carriéristes » prêts à tout pour réussir socialement comprendront que leurs préoccupations bassement matérielles ne valaient guère plus que la santé, l’intégrité physique et la vie de ceux qui faisaient obstacle à leurs jouissances terriennes qu’ils s’imaginaient éternelles. Cette révolution sera une réussite quand les partisans du moindre effort qui se bousculaient sur la fusée menant vers l’enrichissement illicite lorsqu’au même moment l’ascenseur social était en panne chronique depuis presque toujours, comprendront que leur vie d’en haut ne tenait qu’à l’effort pourtant mal rétribué des gens d’en bas qu’ils narguaient, méprisaient et écrasaient.
Les années socialistes furent injustes et dures pour les plus démunis; celles des libéraux de Wade catastrophiques en termes de gouvernance. Les 12 ans de Macky Sall auront plagié les mêmes maux que ceux des régimes précédents, mais en y rajoutant de façon volontaire et inexplicable la déraison, la méchanceté, le cynisme, la lâcheté, les meurtres, la froideur et le flegme condescendants, les contorsions faites au droit, la déchéance morale et les compromissions intellectuelles poussées à leur paroxysme, bref l’extrême violence d’un système clanique aux allures protéiformes qui s’épuise certes aujourd’hui, mais non sans résistance.
Par El Amath THIAM
LE RETRAIT DU PRESIDENT DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE
Le président de la République peut, de son propre chef, décider de ne plus présider le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Cependant, il est nécessaire de modifier au préalable les dispositions légales qui font de sa présence une obligation
Le président de la République peut, de son propre chef, décider de ne plus présider le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Cependant, il est nécessaire de modifier au préalable les dispositions légales qui font de sa présence une obligation. En d'autres termes, il suffit de modifier l’existant.
Selon la Constitution, en son article 90 alinéa 1er et la Loi organique n° 2017-11 du 17 janvier 2017, abrogeant l’Ordonnance n° 60-13 du 03 septembre 1960, régissent l’organisation et le fonctionnement du CSM au Sénégal. Voici les points clés des dispositions légales fournies :
1- Composition du CSM
• Article premier de la Loi organique précitée dispose : "Le Conseil Supérieur de la Magistrature est présidé par le Président de la République. Le ministre de la Justice en est le vice-président."
• Article 2 : "Sont membres de droit : le premier président de la Cour suprême et le procureur général près ladite cour ; les premiers présidents de cours d’appel et les procureurs généraux près lesdites cours."
• En outre, quatre (04) membres élus par leurs collègues magistrats pour un mandat de 3 ans renouvelable une fois. Le Conseil se réunit au moins deux fois par an sur convocation du Président de la République. Toutefois, en cas d’urgence, le CSM statue par voie de consultation à domicile (article 7 alinéa 2 de la LO 2017).
2- Examen juridique :
La Présidence du CSM par le Président de la République L'article premier de la loi organique n° 2017-11 dispose explicitement que " Le Président de la République est le président du Conseil supérieur de la magistrature ". Cette disposition crée une obligation légale pour le Président de la République de présider le CSM.
3. Nature des obligations légales et constitutionnelles :
La présidence du CSM par le Président de la République est ancrée dans une loi organique, qui est une loi ayant une valeur supérieure aux lois ordinaires et qui est souvent nécessaire pour compléter ou mettre en œuvre le sens et la portée des dispositions constitutionnelles. En l'occurrence, la loi organique a été adoptée par l'Assemblée nationale et validée par le Conseil constitutionnel dans sa Décision n°1/C/2017 du 09 janvier 2017.
4. Révision de la Constitution :
Pour qu'une disposition de cette importance soit modifiée ou pour que le Président de la République puisse volontairement se retirer de la présidence du CSM, une simple modification de la loi organique pourrait ne pas suffire. Il est probable que cette obligation légale découle ou soit en lien avec des principes constitutionnels en son article 90 alinéa.
Ainsi, une révision de la Constitution serait nécessaire pour permettre au Président de la République de se retirer volontairement de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature.
« Nul n’est cense ignorer la loi »
Par Penda MBOW
MOMAR COUMBA DIOP, L’ARISTOCRATE DE LA PENSÉE
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Sociologue de renommée internationale, mentor passionné, il a consacré sa vie aux savoirs et à la production de connaissances sur le Sénégal et l'Afrique
Momar Coumba Diop, devant la profondeur de la pensée d’Achille Mbembe, le surnommait l’aristocrate de la pensée. Mais faisant face au côté prolixe des travaux de Momar, sa perspicacité, sa domination des sciences sociales, ses multiples initiatives, il nous revient de déceler en lui, le véritable aristocrate de la pensée. Un homme de savoir, féru de culture mais d’une humilité et générosité extrêmes.
En vrai esthète, il aimait l’art, le beau, les habits raffinés et pouvait chanter la beauté de la femme sénégalaise. Rien n’échappait à l’oeil de l’érudit qu’il était ! Nous venons de perdre un véritable frère. Au moment, où nous aurions commenté les résultats des élections législatives françaises, tel un couperet, la nouvelle tomba : Momar Coumba Diop, le grand sociologue est décédé ! Dès que l’appel de son frère Yabsa s’afficha sur l’écran de mon portable- il était 18H 45- nous comprîmes tout de suite que le pire était arrivé car vers 13h, nous avions parlé à sa fille Mamy qui veillait à son chevet à Paris. Cela fait plus d’une semaine que nous le savions aux soins palliatifs mais nous refusions obstinément la réalité : Momar ne pouvait pas mourir comme ça; nous en avions perdu notre énergie. Il est parti un peu trop tôt car il avait encore des chantiers à achever . Par exemple celui de la réédition de cet ouvrage collectif si important : « le Sénégal et ses voisins ou encore l’histoire de l’Université de Dakar».
La vie de Momar se résumait à la production scientifique sur le Sénégal contemporain, l’édition chez Khartala et la relecture sans complaisance des textes de ses collègues, des jeunes chercheurs. Nous concernant, il fut un formateur en permanence, tel un mentor de la jeune assistante au département d’Histoire à partir de 1986. Dans les années 90, Momar, avec insistance nous orienta vers le CODESRIA . « Tu iras aux études sur le genre et Aminata Diaw vers la gouvernance ».
D’ailleurs nous finîmes par y diriger deux gender Institute. Il veillait aussi sur nos lectures d’honnête citoyenne. ‘As- tu lu, Penda les travaux d’Abdoulaye Ly par exemple, le premier docteur d’Etat en Histoire? interrogea t-il. Sachant que notre période d’études et d’enseignement est le Moyen âge et ayant une vocation « politique », il nous suggéra d’étudier continuellement selon sa perspective, celle de la période contemporaine. Parfois, il s’agit d’auteur qui sort complètement de notre champ intellectuel comme le philosophe italien Domenico Losurdo. Ce dernier est aussi historien.
En tant que communiste, il a produit une contre histoire du libéralisme remarquable! Momar appelait affectueusement ses collègues ; Mamadou Diouf devenait Modou, Djibril Samb Djiby, Mamadou Mbodji , Mamaadou, Mahtar Diouf, Abdoulaye Bathily, Boubacar Barry, Charles Becker, Mouhammed Mbodj , Ebrima Sall ou encore Ibou Diallo…
La dimension intellectuelle de l’individu primait chez ce grand penseur. Pour lui, par exemple Aminata Diaw , philosophe fut forte, même Abdoulaye Ly l’avait écrit soulignait-il. Il aimait Gaye Daffé avec lequel, il a entretenu une relation de complicité et qui le qualifiait d’intellectuel passionné et discret. Il aimait travailler avec Francois Boye, Alfred Inis Ndiaye, etc. Ibrahima Thioub fit une remarque fort appropriée après son départ à la retraite en 2015. « L’évaluation des nombreuses contributions reçues a confirmé l’existence d’une véritable famille intellectuelle qui s’est créée durant les trois décennies au cours desquelles Momar Coumba Diop , en puissant inspirateur de recherches, a impulsé sans relâche la production des savoirs sur le Sénégal et l’Afrique».
Momar fut le premier à avoir attiré notre attention sur les travaux de l’anthropologue et activiste sud africain Archie Mafeje de l’Ougandais Mahmoud Mamdani, penseur de la liberté académique ou encore de notre regretté Sam Moyo du Zimbabwe, qui nous fit saisir l’enjeu de la terre , Afrique australe.
Momar vouait une grande admiration pour Tandika Mkandawere, un des plus grands secrétaires exécutif du CODESRIA Nous échangions beaucoup sur la vie politique au Sénégal et l’ouvrage qu’il a co-publié avec Mamadou Diouf, le Sénégal sous Abdou Diouf, en 1992 est un incontournable pour comprendre les mutations rapides de la société sénégalaise on encore, l’ouvrage collectif qu’il a dirigé le Sénégal, trajectoire d’un Etat. Il a beaucoup aidé le Ministère de l’Economie avec plusieurs études prospectives, des analyses, etc. Momar Coumba, un esthète qui aimait le beau, l’art, le raffinement. Il a inculqué à ses enfants , Mamy , Gnilane, Ada, une excellente éducation. Il aimait beaucoup sa famille, ses frères et sœurs. Il vouait à feu son père , El hadj Nieul Diop et sa mère Madjiguène Diop, un respect quasi religieux. Une grande complicité le liait à son oncle feu Maguatte Lo, grand homme politique et ministre sous LS Senghor. Il a étroitement travaillé avec ce dernier au moment où il rédigeait ses mémoires. Momar va nous manquer et j’espère que l’Etat du Sénégal lui décerner à titre posthume, l’ordre national du Lion. Décoration méritée et qu’il a tant attendue.
Par Hamidou Anne
ENTRE ALIOUNE TINE ET ALIOUNE BADARA SAMB, LA RÉPUBLIQUE RECONNAIT LES SIENS
M. Tine est coutumier des déclarations malvenues. L’acharnement avec lequel ces gens rabaissent le Sénégal me sidère. Mais peut-on attendre autre chose des populistes, antirépublicains, et de leurs laquais maquillés en société civile ?
Alioune Tine, comme un Sisyphe des tropiques, jour après jour, va à son bureau, c’est-à-dire sur Twitter (devenu X), pour dire du mal des gens et caresser le maître et son vizir avec un manque de tenue absolument gênant. Abondance de rien ne nuisant pas au «président-fondateur» de l’inutile think tank Afrikajom Center, l’intéressé, cette fois, s’en prend au Gouverneur de Saint-Louis, Alioune Badara Samb. De ce dernier, M. Tine tweete ceci : «Toute l’Administration territoriale aux ordre (sic) de Macky a violé l’Etat de Droit et les libertés fondamentales reconnues par la Constitution.
On était sorti du règne des (sic) la loi. La force a prévalu toute au longu (sic) de cette séquence historique. Arrêt sur image ! Devenu Premier ministre donc son patron, Ousmane Sonko se retrouve nez à nez avec le fameux Préfet Alioune Badara Samb qui s’était interposé devant son cortège en mars 2021.» Ces propos relèvent d’une indécence à laquelle M. Tine a hélas habitué son monde. Que voulait-il que le Gouverneur Samb fasse quand le chef du gouvernement séjourne dans sa région ? Cette attitude consistant à vilipender publiquement un fonctionnaire astreint au devoir de réserve signifie une absence de courage, d’élégance et de tenue. Le Gouverneur Samb honore la République, en se faisant le visage de l’impersonnalité et la continuité de l’Etat. Les régimes politiques passent et les haut-fonctionnaires se dévouent à appliquer la politique définie par les autorités légales et légitimes que les Sénégalais se sont choisies. Le Gouverneur Samb, que je n’ai jamais rencontré de ma vie, incarne l’honneur du Sénégal. Il ne s’est pas dérobé face à ses responsabilités. Il a servi loyalement son pays en mars 2021, il le sert aujourd’hui, et demain il le servira, car l’homme a fait le serment de l’allégeance non aux hommes mais aux institutions que Alioune Tine hait de toutes ses forces au point de vouloir qu’elles s’affaissent. M. Samb vaut mieux qu’un homme qui, dans l’âge supposé être celui de la sagesse, refuse obstinément de faire sienne cette précieuse valeur qu’est la décence. Il adore se donner en spectacle sur Twitter avec un niveau de langue calamiteux et une posture digne d’un enfant de la maternelle..
Qu’à cela ne tienne, le Gouverneur Samb va arborer fièrement la médaille d’honneur que symbolisent les injures du sieur Tine devant des followers (c’est comme ça que l’on dit désormais) biberonnés à la vulgarité et à la médisance, devenues recettes politiques efficaces.
M. Tine est coutumier des déclarations malvenues. Il avait - encore sur Twitter - dit, le 24 juin 2023, ceci : «Le Mfdc est un mythe.»
Le Mfdc est un mouvement qui porte une responsabilité tragique de décennies de remise en question de l’intégrité territoriale et de l’unité de la Nation. Ce mouvement a provoqué des milliers de morts, civils et militaires, et une impossibilité par divers crimes et trafics à développer le potentiel immense de la partie sud du pays. M. Tine avait publié, en juin 2023, un rapport mensonger sur la «démocratie sénégalaise» pour contribuer à l’offensive de délégitimation de la République et des hommes et femmes qui l’incarnent. Dans ce rapport, il avait, entre autres, traité l’Ige d’«instrument politique entre les mains de l’Etat pour exercer une pression sur des dissidents politiques de l’opposition». Ce corps d‘élite, qui fait la fierté de notre Etat, avait ainsi été victime des calomnies de M. Tine.
Alioune Tine, partisan acharné de la non-présence du président au Conseil supérieur de la Magistrature jusqu’à la semaine dernière, change d’avis car ses maîtres semblent eux aussi avoir changé d’avis. Si je ne dénie pas à l’intéressé son droit de se dédire, son argument est tout de même savoureux. Il nous dit avoir opéré un revirement, car un quidam l’aurait téléphoné du Burkina Faso pour lui dire que là-bas l’expérience d’un président hors du Csm fut catastrophique. Interdit de rire…
L’acharnement avec lequel ces gens rabaissent le Sénégal me sidère. On dira que le vent qui souffle fort n’épargne pas les girouettes.
Pendant que Alioune Tine, tel un oisif errant, occupe son temps libre, manifestement élastique, sur Twitter, le Gouverneur Samb sert avec dignité l’Etat du Sénégal. Il représente tous les fonctionnaires, magistrats, préfets, sous-préfets, militaires, gendarmes, policiers, que Alioune Tine et ses amis insultent et menacent depuis une décennie. Mais peut-on attendre autre chose des populistes, antirépublicains, et de leurs laquais maquillés en Société civile ?
Il est des hommes qui s’élèvent, il est d’autres qui se dévoilent, et par leurs actes de tous les jours pour plaire au Prince, se déprécient et deviennent les fous du royaume.
Alioune Tine, au profit d’un agenda personnel voire identitaire, a rejoint la longue liste des gens qui sont dans la négation du Sénégal. Ils nient son histoire glorieuse, tentent de dévitaliser ses institutions et d’humilier celles et ceux qui servent notre pays avec la froideur, la tenue et la lucidité attendues des commis de l’Etat. Ils sont des entrepreneurs de la tension et de la haine, car dans leur Adn, s’est insérée la rage de ne jamais s’élever à la dignité que confère le service de notre pays.
M. Tine doit savoir que le Prince, plus par cynisme que par intelligence, accorde du crédit et de l’intérêt au courtisan, qui a encore une valeur marchande, et non aux roquets démonétisés qui prospèrent dans la flatterie. C’est une tragédie de vivre sur la rente des Retweet et des Like…
Au-delà de leur caractère excessif, donc insignifiant, les propos de M. Tine s’inscrivent dans une bataille culturelle qui secoue notre pays et qui appellent à une lecture lucide. Quel Sénégal voulons-nous bâtir ?
Celui où on injurie, diffame et humilie les fonctionnaires compétents, qui servent loyalement leur pays, ou celui où les hommes et les femmes dans l’espace public s’abstiennent de verser dans les outrances verbales et physiques afin de trier entre le patriote et le traître à la Patrie ? La volonté de déciviliser le débat public et de plonger le Sénégal dans le manichéisme entre les bons et les méchants est symptomatique de ceux-là qui, partout, assèchent la promesse républicaine de l’égalité des citoyens devant la loi.
La République a déjà tranché entre Alioune Tine et Alioune Badara Samb. Le premier est partisan de la fragmentation de la société, de la négation du récit national et de la fin de l’indivisibilité de la Nation. Il vit sur la rente de la tension électorale, des conflits politiciens, des cadavres d’enfants et des larmes des veuves et des orphelins. Il n’existe que par la propension à salir son pays à l’étranger pour attirer des financements. Le second fait honneur à la Nation en tant que garant de la sacralité du service de l’intérêt général et du prestige de l’Etat. En servant son gouvernement comme s’y engagent les membres du corps préfectoral depuis 1960 pour que le fil de l’histoire ne se coupe jamais, le Gouverneur de Saint-Louis assume son rôle dans la perpétuation de notre tradition républicaine.
Alioune Badara Samb est l’honneur du Sénégal des valeurs républicaines et de la constance dans le service de l’Etat dont Alioune Tine est un des plus illustres contremodèles. Les fervents républicains attachés au culte de l’Etat, à la primauté de la République sur le reste et à l’indivisibilité de la Nation sont interpellés par la multiplicité des propos et actes antirépublicains. A nous toutes et tous de faire face pour que jamais la République ne cesse de reconnaître les siens. Alioune Badara Samb est des nôtres.