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26 novembre 2024
Opinions
Par Madiambal DIAGNE
PARDONNER À SONKO ? OUI, MAIS LE SÉNÉGAL SERAIT DIGNE D’UN REPENTIR
La réhabilitation tous azimuts ne manquera pas de faire abroger la mesure de dissolution du Pastef. Demain, trouvera-t-on des fonctionnaires pour servir de rempart, pour protéger l’Etat de Droit des dérives des hommes politiques ?
Dans le livre Macky Sall derrière le masque, je montre, à force d’anecdotes, que cet homme, dans l’exercice du pouvoir, est capable d’excuser tout affront subi, toute blessure. Sans doute un trait d’opportunisme des hommes politiques car chacun de ses illustres prédécesseurs (Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade) a eu à pardonner, jusqu’à inviter autour de la table de son Conseil des ministres, des personnes qui ont eu à le couvrir des plus ignobles insanités. Le président Macky Sall a pris l’initiative de faire amnistier de graves faits qui ont conduit Ousmane Sonko et nombre de ses partisans en prison. Ces personnes sont poursuivies pour des actions terroristes, des actes subversifs, des appels répétés et assumés publiquement à l’insurrection, au meurtre, au coup d’Etat militaire et à l’assassinat de magistrats et d’éléments de Forces de l’ordre, mais aussi d’hommes politiques et de journalistes. Ousmane Sonko était encore plus cruel à l’endroit de Macky Sall, à qui il promettait de le découper en menus morceaux devant les caméras de télévision. Plus de 350 personnes sont déjà élargies de prison et les principaux leaders attendent de humer l’air de la liberté, les prochains jours ; on a même de bonnes raisons de croire que ce sera fait dans les toutes prochaines heures.
Macky Sall négocie-t-il le dernier virage de son départ du pouvoir, pour rendre une copie propre, lustrer son image ? Ou chercherait-il à amadouer son monde pour obtenir, en retour, une certaine quiétude pour gagner des jours, des semaines, des mois de rabiot, à la tête du pays ? Cette dernière accusation que lui collent ses détracteurs peut être audible, d’autant qu’on n’est véritablement pas très habitué à voir un chef d’Etat, à moins de deux mois du terme de son magistère, poser d’aussi grands actes qui pourraient déterminer l’action de son futur successeur. Pacifier le climat politique et social a-t-on dit ? On peut être surpris de cet alibi. En effet, jamais le Sénégal n’a vécu aussi paisiblement, durant les douze années de règne de Macky Sall, qu’entre le 28 juillet 2023 et le 3 février 2024, c’est-à-dire depuis l’emprisonnement de Ousmane Sonko et de ses lieutenants et autres affidés. Si des manifestations violentes ont été enregistrées le 9 février 2024, occasionnant des morts et des dégâts, c’est justement parce que la campagne électorale, qui devait s’ouvrir le 3 février 2024, avait été interrompue d’autorité, après d’ailleurs que les candidats avaient déjà fini d’enregistrer leurs «temps d’antenne» à la télévision, sous la supervision du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra). C’est ce qui fait l’autre absurdité de la démarche, comme le soulignait un journaliste français, comment expliquer la libération de fauteurs de troubles, justement au moment où des troubles ont éclaté ?
Sonko a sans doute le droit de devenir meilleur
La mort, le 9 février 2024, de Robert Badinter, emblématique ministre de la Justice de la République française, nous a permis de relire Victor Hugo dans le texte. Me Badinter aimait rappeler la belle parole de Hugo qui disait : «Le droit qu’on ne peut retirer à personne, c’est le droit de devenir meilleur.» En effet, ce droit, on peut le concéder à Ousmane Sonko et assurément à tout autre prisonnier. Le principe du pardon et de la réinsertion sociale a cours dans toutes les sociétés humaines, dans tous les systèmes politiques ou judiciaires. C’est même une longue tradition au Sénégal, encore que notre pays se distingue, pour avoir toujours aidé au retour de la paix civile et politique dans différentes parties du monde. Seulement, il y a une maldonne dans le cas d’espèce. C’est l’absence de repentance, de contrition ou d’absence de regrets ou d’expiation des fautes et torts.
Un moindre repentir, même du bout des lèvres, serait-ce trop demander ? Quelle amende honorable et quelle garantie de ne pas retomber dans la récidive pourrait-on espérer, en amnistiant un prisonnier qui n’a rien demandé, encore moins qui n’a jamais reconnu ses forfaits ? On a déjà vu la semaine dernière, des personnes sortir triomphalement de prison à Dakar et à Ziguinchor, avec le sentiment d’avoir gagné une bataille et, dans une logique de défiance ou de toute-puissance, pour se permettre, face caméra, de réitérer les propos ou les menaces de commettre à nouveau les actes qui les avaient conduites en prison. La foule qui a les accueillies à la porte de la prison a fait, de ces personnes élargies, des héros. S’imagine-t-on, le jour de sa libération, que Ousmane Sonko, à la tête de ses troupes, décide de se diriger vers le Palais présidentiel pour l’investir et s’y installer comme il l’a toujours préconisé du reste ? On peut bien se dire que les forces publiques ne le laisseraient pas faire et qu’un carnage s’en suivrait fatalement. Le pays est en situation de grave péril ! Si l’on peut nourrir légitimement de telles appréhensions, c’est simplement parce qu’œuvre de justice n’a pas été faite. Dans sa lettre du 16 avril 1963 aux pasteurs de Birmingham (Géorgie), Martin Luther King Jr fustigeait le choix de «préférer une paix négative qui est l’absence de tension à une paix positive qui est la présence de la justice».
Macky Sall devrait-il être le seul à assumer la libération de Ousmane Sonko ?
Il n’est pas question de dénoncer une quelconque générosité excessive, mais il convient de se référer à l’histoire du Sénégal et dans la pratique universelle dans de pareilles situations. Une amnistie se fait généralement après un temps de sédimentation, de cicatrisation des blessures et surtout après que la Justice soit passée sur les faits ou encore dans le cadre de séances publiques de discussion, de réconciliation et de pardon. Les bourreaux sont mis en face de leurs victimes et reconnaissent leurs forfaits pour apaiser les cœurs. Autrement, on assistera à des actes plus graves ou même des situations de vengeance ou de règlements de comptes. En 1991, le président Abdou Diouf avait voulu faire oublier les traumatismes du douloureux épisode des élections de 1988 et avait fait amnistier des poseurs de bombes, dans le cadre d’un vulgaire arrangement politique avec son farouche opposant d’alors, Me Abdoulaye Wade.
Résultat des courses ? «La bande à Clédor Sène», qui avait bénéficié des faveurs de l’amnistie, abattra, en 1993, un juge constitutionnel. Dans la foulée, on déplorera le drame du 16 février 1994, avec l’ignoble assassinat de six policiers sur le boulevard Général De Gaulle ! Cette même loi d’amnistie de 1991 avait aussi permis la libération de chefs rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui planifièrent l’exécution de 25 soldats à Babonda, le 25 juillet 1995, et 25 autres, le 19 août 1997, à Mandina Mancagne. C’était suffisant pour que les autorités militaires mirent leur veto, à toute nouvelle idée de loi d’amnistie en Casamance, notamment suite à l’accord de paix de Ziguinchor en 2005. En Côte d’Ivoire, au fil des crises politiques, il y a eu des mesures d’amnistie prises dans la précipitation et, à chaque fois, on allait crescendo dans la crise. En 2000, il y avait une disposition d’amnistie dans la Constitution, comme en 2003 et en 2007 ; ce qui n’avait pas empêché la crise post-électorale de 2010-2011, du fait que «personne n’a jamais rien reconnu, personne n’est coupable de quoi que ce soit».
C’est certainement, tirant les leçons de tout cela, que le Président Ouattara a pris son temps, attendu que la Justice nationale ivoirienne et la Cour pénale internationale finissent de se prononcer en situant les responsabilités, avant de faire adopter une loi d’amnistie des crimes et délits commis lors des tragiques événements politiques de 2010-2011. Est-il besoin de rappeler que les génocidaires rwandais, comme les criminels de l’Apartheid en Afrique du Sud, ont suivi le même parcours de supplice et de rédemption ou d’absolution. L’impréparation est si manifeste que les éléments de langage utilisés par le Président Sall, pour vendre son projet d’amnistie, ne sont pas adéquats. Les services de la présidence de la République doivent revoir les cours d’histoire. Les crimes de la Seconde Guerre mondiale ont été déclarés imprescriptibles depuis 1945 et après les verdicts du Tribunal de Nuremberg, les anciens criminels nazis comme Klaus Barbie, Helmut Oberlander, Oskar Grôning, entre autres, qui s’étaient échappés, ont continué à faire l’objet d’une traque judiciaire internationale.
Le président Macky Sall est poussé et encouragé dans cet exercice par des médiateurs, en l’occurrence Alioune Tine et Pierre Goudiaby Atepa, qui se montrent assez bavards et bruyants pour des hommes de l’ombre. Mais là où le bât blesse le plus, est que les conciliateurs disent sur les plateaux de radio et de télévision, qu’ils agissent à la demande expresse de Macky Sall. On peut dire que ça vole haut ! Au demeurant, qu’est-ce qui fait courir tant le président Sall pour qu’il offre le maximum de ce que pouvait lui demander Ousmane Sonko, sans aucune contrepartie assurée ou même espérée ? Des responsables de l’ex-Pastef fanfaronnent, affirmant n’être demandeurs de rien du tout. Macky Sall serait-il si fragile et comme désespéré, pour se mettre dans une pareille posture ? On sait que quelques autorités religieuses musulmanes ont eu à intercéder en faveur de Ousmane Sonko, mais pourquoi diantre ne sortiraient-elles pas du bois pour assumer leur demande ? On sait par exemple que pour faire élargir de prison Karim Wade, le Khalife général des Mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, s’était publiquement impliqué jusqu’à envoyer son fils Moustapha conduire à la coupée de son avion de «déportation», le célèbre exilé de Doha. De même que Abdoul Aziz Sy Al Amine avait plaidé publiquement la clémence pour l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, poursuivi pour prévarication de deniers publics.
Laver plus blanc, à quel prix ?
La volonté du président Sall d’acter l’amnistie semble inébranlable. Il vient de réitérer les instructions à son gouvernement pour préparer le projet de loi. L’Assemblée nationale aura à jouer sa partition. En attendant, la frustration est réelle chez les magistrats, policiers, gendarmes et autres fonctionnaires qui avaient instruit les procédures judiciaires. Ils avaient voulu être fidèles à leur sacerdoce, pour ne pas dire leur serment de servir la République et l’Etat de Droit. Certains d’entre eux avaient ignoré les mises en garde faites par des proches, quant à la versatilité des hommes politiques ou même leur manque de scrupules pour pouvoir sceller des accords, tout en s’asseyant confortablement sur tous les bons principes. Plus que le vague à l’âme, ces juges, procureurs et officiers ont le moral dans les chaussettes. L’un d’entre eux n’a pas pu se retenir, dépité : «Tout ça pour ça !» Ils rasent les murs devant des collègues qui avaient une posture de lâcheté et qui apparaissent aujourd’hui comme des héros, qui se font applaudir, pour avoir paradoxalement manqué à leurs devoirs vis-à-vis de la République.
Quid des victimes qui ont vu leurs maisons, leurs commerces et autres biens détruits ? A ce qu’on sache, Macky Sall n’a perdu dans l’épreuve aucun bien, encore moins un proche ! Que dire aux parents des petites filles Fatimata Binta Diallo et Oumou Kalsoum Diallo, mortes brûlées vives dans l’incendie de leur bus par un cocktail Molotov ; ou aux familles des agents de la force publique tués ou des autres personnes ayant perdu la vie et qui mériteraient que la responsabilité de leur mort soit imputée formellement à des auteurs ? Personne ne répondra finalement de l’autodafé de l’Université de Dakar ! Ce sentiment d’impunité a certainement poussé Me Ngagne Demba Touré de l’ex-Pastef et ses collègues greffiers, à profaner la Justice. Si des greffiers assermentés en arrivent à soutenir de la sorte un collègue, salafiste assumé, poursuivi pour des crimes contre l’autorité de la loi et qui a abandonné dans sa fuite son poste pendant plus de six mois, tout en continuant de défier l’Etat, c’est justement parce que la République et l’Etat de Droit sont en piteux état.
Je le disais dans plusieurs textes publiés à travers ces colonnes, en indexant la propre responsabilité des magistrats et autres auxiliaires de Justice qui se révélaient être les premiers pourfendeurs de l’institution judiciaire («S’il faut en arriver à huer les juges» , 16 juillet 2018 ; «Ces juges qui se moquent de la Justice», 24 août 2020 ; «Ousmane Sonko devant le juge, la République reconnaîtra les siens», 8 mars 2021 ; «Est-il désormais permis d’insulter les magistrats ?», 2 janvier 2023). Ironie du sort, ces fameux articles m’ont valu mes pires déboires judiciaires !
Pendant qu’on y est, on va laver plus blanc. La réhabilitation tous azimuts ne manquera pas de faire abroger la mesure de dissolution du parti Pastef et même d’amnistier les faits de diffamation pour sauver Ousmane Sonko de sa condamnation dans son contentieux avec Mame Mbaye Niang. Demain, trouvera-t-on des fonctionnaires pour servir de rempart, pour protéger l’Etat de Droit des dérives des hommes politiques ? A la place des fauteurs de troubles, le président Macky Sall devra présenter de sincères excuses à la Nation.
Par Vieux SAVANÉ
LE SÉNÉGAL AU CŒUR, UNE CHIMÈRE
Comment comprendre en effet que le président de la République mette le pays dans une telle situation après avoir déclaré urbi et orbi qu’il s’engageait à respecter les recommandations du Conseil constitutionnel ?
Aujourd’hui, démarre le dialogue voulu par le chef de l’Etat. Mais quelle pertinence à cela, vu qu’il se fera sans les 16 candidats sur les 19 retenus par le Conseil constitutionnel. Et sans certaines grandes organisations de la société civile et autres recalés qui ont décliné l’invitation à un dialogue sans objet selon eux. Aussi, qu’il se tienne possiblement ce matin au Cicad une sorte de grand’messe noyée sous les vivats d’une foule bigarrée à la gloire de son Excellence Macky Sall, ne devrait pas surprendre outre mesure. Encore moins un consensus ou plutôt un unanimisme sorti du chapeau voire du foulard de recalés et de représentants sans épaisseur.
Comment comprendre en effet que le président de la République mette le pays dans une telle situation après avoir déclaré urbi et orbi qu’il s’engageait à respecter les recommandations du Conseil constitutionnel ? Pour que nul n’en ignore lui-même expliquait pourtant à bon nombre de ces recalés qu’il avait reçus que les décisions des 7 Sages sont définitives et ne sont susceptibles d’aucun recours. Comment dès lors expliquer ce jeu qui n’honore pas la parole donnée, décrédibilise et embrume plutôt les institutions de la République dans le déshonneur. Surtout qu’il faudra, quoi qu’il arrive, retourner au Conseil constitutionnel. Toutefois, en dépit de tous les trous de souris bétonnés, on fait face à une agitation stérile, une débauche d’énergie négative visant en fait à gagner du temps pour atteindre un objectif qui n’ambitionne nullement d’avoir « le Sénégal au cœur ». Sacrée parole ! « Bouche rek» comme diraient nos amis et frères ivoiriens pour décrire une parole volatile, à géométrie variable, travaillée par la ruse si ce n’est la tromperie.
A la vérité, on se doit de reconnaitre qu’à vouloir trop ruser on finit par s’embrouiller et se retrouver gros-jean comme devant, ayant perdu la main, incapable d’entrevoir les bonnes solutions. Lorsque l’on arrive à ce stade, c’est qu’il temps de s’arrêter et de revenir à la simplicité des choses. A savoir mettre en mouvement les recommandations du Conseil constitutionnel comme le chef de l’Etat s’y est engagé. Il s’agit tout simplement de repositionner au plus vite le processus électoral, en rapport avec toutes les parties prenantes. En attendant, du fait de ses atermoiements, le chef de l’Etat aura fragilisé son propre camp puisqu’il lui sera difficile avec un tel passif de participer à l’animation de sa campagne car ce dernier sera plutôt soumis au risque du « vote dégagiste ». Alors qu’est-ce qui aurait poussé le chef de l’Etat à succomber à un brutalisme sans fards, stoppant net le processus électoral à quelque 10 h de son ouverture ?
C’est que là aussi, les étoiles ne se sont plus alignés, le prestidigitateur donnant l’impression d’avoir perdu la main, dérouté d’avoir été lâché par les Dieux. Et à vouloir forcer le chemin il ne pourra que le parsemer d’embûches. A bien y réfléchir, rien que la somnolence bavarde dans laquelle se trouvait le siège de l’Alliance pour la République (Apr) à quelques heures de la séquence électorale en disait long sur la suite. Sur le fronton du siège ne trônait en effet qu’une vieille affiche géante mettant en scène Macky Sall en posture de candidat potentiel. Cette léthargie était aussi perceptible au niveau national car rien des moyens n’avaient été débloqués pour permettre aux militants de se déployer. Etaitce parce que le chef de l’Etat détenait des informations qui jetaient le doute sur une éventuelle victoire de son candidat ? Fort de cela a-t-il alors décidé de jeter du sable dans le couscous électoral ?
Non point pour inverser une tendance qui va sûrement aller crescendo mais pour prévenir un avenir susceptible d’être cauchemardesque. Avec un probable futur président issu de l’opposition, vaut mieux anticiper sur de possibles déconvenues. Prudence oblige. Alors, si s’invitant ainsi dans le débat consistant sous nos cieux à encourager les présidents de la République et leurs entourages à s’en aller sans avoir peur d’être rattrapés par leurs turpitudes, l’amnistie tant chantée ces derniers jours cherchait plutôt à effacer tous les crimes et délits englobant une période assez large incluant les deux mandatures du président Macky Sall ?
S’il ne s’agit nullement de passer l’éponge sur certaines dérives, ni de se livrer à une quelconque chasse aux sorcières, force est de relever que la meilleure protection consiste à la mise en place d’institutions fortes jouant chacune pleinement son rôle en toute responsabilité. Il est donc venu le temps d’instaurer un grand débat autour de l’hyper présidentialisme qui a gangrené nos institutions en faisant du chef de l’Etat celui qui décide de tout. Et ce débat vaut pour tous les prétendants à la magistrature suprême.
Par Abdou SENE
SENEGAL YEEWU NA
Yeewu ngeen, yeewu naa, du ñu falati ku matul njiitu réew
Jógleen ! Jóg naa. Amoon na fi, gan guy yewwi béy,
Jógleen ! Jóg naa. Gan gi fi jaaroon, yee na ñu
Sama réew du falati sàmbaabóoy
Sénégal du falati suraabaali
Sama réew du falati ci ñiy yee fitna
Sénégal du falati ci ñi yées
Sama réew du falati ku matul kilifa
Sénégal du falati ku matul xalifa
Déedéet sama waay, bul sori ! Baayil ma tënkal la ko :
Yeewu ngeen, yeewu naa, du ñu falati kuy féewale ay waaso
Yeewu ngeen, yeewu naa, du ñu falati baadoolo bu dul suur
Yeewu ngeen, yeewu naa, du ñu falati ku matul njiitu réew
par Boun Abdallah Dionne
POURQUOI DIONNE 2024 IRA AU DIALOGUE
Rien ne doit être de trop pour trouver, dans le respect du droit et des principes démocratiques, mais sans surenchère gratuite, une solution pour assurer le passage de témoin à la tête de l'Etat
La Coalition DIONNE 2024 exprime son opposition à toute interruption-reprise du processus électoral, alors que le Conseil constitutionnel vient de publier officiellement la nouvelle liste des 19 candidats à l'élection. Au surplus, toute reprise du processus électoral va inéluctablement rompre le principe juridique du "Droit acquis" lié à l'exigence de sécurité juridique et à la non-rétroactivité des actes administratifs.
La Coalition DIONNE 2024 a toujours exprimé son désaccord pour un report de la date de l'élection au plan des principes, mais elle a souhaité en pratique que la question de la corruption supposée dans le processus électoral soit vidée dans les meilleurs délais, afin que le vote des sénégalais ne puisse aucunement être altéré en termes de sincérité.
Souvenons-nous également que la fixation de la date d'une élection est d'ordre réglementaire et que conséquemment seul le Président de la République peut la fixer par décret. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel y relative, le Président de la République se doit de fixer une date pour l'élection présidentielle de 2024 dans les meilleurs délais. Les participants au dialogue en cours pourraient l'aider à cette fin.
Au total, la Coalition DIONNE 2024 participe au dialogue parce que l'heure est grave et il y a bien en ce moment une rupture du consensus politique et social. Rien ne doit être de trop pour trouver, dans le respect du droit et des principes démocratiques, mais sans surenchère gratuite, une solution pour assurer le passage de témoin à la tête de l'Etat, dans l'apaisement, la paix civile et la réconciliation nationale.
par Latyr Diouf
CONTRE L’ADOUBEMENT GÉNÉRALISÉ DU CRÉTINISME
Ceux qui rejettent la concertation feignent d’ignorer les concours d’incidents qui nous ont menés à ce stade et réclament une date. La décrispation amorcée ne sera peut-être pas sans compromission, de part et d’autre
Ma position est simple et constante : tous ceux qui, sans coup férir, sont capables de croire et d’affirmer, que nos misères sociales, économiques, politiques, culturelles et toutes les péripéties de la démocratie sénégalaise, notamment les rebondissements vertigineux autour de l’élection présidentielle de 2024, sont exclusivement imputables à Macky Sall (l’homme et l’Institution), se trompent fatalement.
Le seul crédit d’une telle conviction (d’un tel biais, à mon avis) est le nombre de fanatiques que les circonstances ont, hélas, considérablement accru. C’est, au choix, de l’opportunisme, de la mauvaise foi, de la paresse, de l’hypocrisie, de la manipulation, de la bêtise, de l’ignorance, de l’intimidation et, de plus en plus, de la haine pure. La terreur qui paralyse le pays depuis, au moins mars 2021, n’est pas à chercher ailleurs que dans ce raccourci facile du patriotisme convenu.
Bien-sûr, il n’est pas question de considérer que le président de la République est exempt de toute responsabilité. Je peux, aisément, dresser un historique d’actes manqués depuis 2012 et lui attribuer, suivant mon interprétation, une part logique et conséquente dans cette malheureuse confusion. Mais, malgré les inventaires à la Prévert qui lui prêtent les intentions les plus farfelues, aucun de ses pourfendeurs ne peut, raisonnablement, se prévaloir plus patriote que lui.
Puisque le patriotisme se résume, de plus en plus, à dénigrer facilement les institutions, à confesser hâtivement et courageusement sa honte et sa tristesse devant la situation politique déplorable que traverse le Sénégal, aucun compatriote (pas de jeu de mots svp, j’essaie d’être sérieux !) ne devrait indexer l’autre. Nous souffrons, globalement, de notre égoïsme, de notre impuissance collective, de notre rapport problématique à l’intérêt général, au travail, à la vérité, au droit, au respect de l’autre, à la bienveillance, à l’amour (oui !). Ceux qui ont l’âme lyncheuse et influençable devraient se regarder, d’abord, dans une glace, avant de se choisir un bouc émissaire.
Peut-on encore consentir sans sourire à l’expression « Vox populi, vox Dei » (La voix du peuple est la voix de Dieu) ? Même au Sénégal, même sur les réseaux sociaux ? Pour moi, c’est, de plus en plus, complexe. Popularité n’est pas vérité. L’Histoire le prouve aisément. La simplification peut être dangereuse, surtout quand elle nourrit le populisme en se bordant de justifications médiocres (factuelles, disent-ils), de la caution intellectuelle de quelques célébrités et de l’accès facile aux médias. La note risque d’être encore plus salée, si nous persistons dans la surenchère de déclarations courtes aussi outrancières qu’inopérantes.
Un individu peut toujours se prétendre peuple mais il n’exprime jamais que ses valeurs intrinsèques (ses désirs, son égo, ses limites) et, très souvent, il sublime ses propres inadaptations. Sans étaler les miennes, petite précision sur ma situation d’énonciation. J’étais à Dakar le 3 février au moment où le président de la République abrogeait le décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel prévu le 25 février 2024 suscitant l’ire empressée, empruntée, excessive et imprudente d’une opposition versatile (dont certains voulaient le report) et le désarroi de beaucoup de Sénégalais et au-delà. J’y étais encore quand le Conseil constitutionnel rendait sa décision annulant le décret présidentiel.
Cette proximité relative avec Dakar, foyer ardent des emballements nationaux, ne donne pas forcément de privilège dans l’analyse. L’essentiel se passe au cœur des Institutions de la République qui ont toujours des raisons que le peuple ignore. Mais, qui garde les gardiens, d’ailleurs ? Le reste se joue, en roue libre, dans la jungle des réseaux sociaux. Le seul constat que j’ai tiré de la rue dakaroise, c’est le dispositif impressionnant de maintien de l’ordre.
Le récent temps fort de ce feuilleton préélectoral est le face-à-face du président de la République avec la presse nationale le 22 février. J’ai trouvé Macky Sall digne mais affligé à juste titre. Loin devant le pétrole et le gaz, qui suscitent tant de convoitises et de fantasmes, la plus grande richesse du Sénégal est sa crédibilité internationale. Elle a permis au volontarisme du chef de l’Etat, par le truchement du Plan Sénégal émergent, d’obtenir des résultats tangibles encore insuffisamment et injustement appréciés. A travers le bashing extrême qu’il a subi alors qu’il avait à cœur d’assumer une lourde responsabilité (politiquement discutable, peut-être, au regard des délais) en repoussant les élections, c’est l’image du Sénégal qui a été ternie. Non, le Sénégal ne mérite pas que certains pays se permettent de lui remonter les bretelles, Macky Sall, non plus ! Sa peine non feinte est compréhensible.
Des morts furent encore à déplorer, hélas ! L’urgence, aujourd’hui, est de dépasser cette situation qui n’arrange que les « rentiers du chaos ». Répondre à l’appel au dialogue du lundi 26 février me semble la meilleure chose à faire au vu des circonstances. Ceux qui rejettent la concertation feignent d’ignorer les concours d’incidents qui nous ont menés à ce stade et réclament une date. Même si le grand nombre d’aspirants à diriger le Sénégal sans, manifestement, en avoir l’envergure est un des symptômes du malaise, l’eau destinée à éteindre un incendie n’a pas besoin d’être potable (cf. Idrissa Seck pendant la Covid). La décrispation amorcée ne sera peut-être pas sans compromission, de part et d’autre, et les précédents qui pourraient en découler hantent déjà notre futur « commun vouloir de vie commune », mais le retour à la stabilité de notre République serait à ce prix. Amen !
Enfin, au cours de l’entretien, le président a laissé entendre qu’il n’excluait pas de s’établir au Maroc pour ne pas gêner son successeur. J’aimerais mieux qu’il reste au Sénégal pour profiter de la reconnaissance qu’il mérite pour les incontestables services rendus à la Nation. N’ayant pas pu le voir en tête à tête depuis très longtemps malgré mes demandes répétées, je me consolais à l’idée de pouvoir lui rendre visite après son mandat et de le trouver un week-end en bermuda dans sa maison de Fatick. J’aimerais tellement savoir quelles raisons d’État poussent un homme politique aussi aguerri et aussi averti que lui à se passer de certains de ses partisans parmi les plus sincères, les plus loyaux et les plus compétents et à promouvoir d’improbables intrigants qui sont pour beaucoup dans cette défiance qui sape la confiance et mine la société jusqu’à des niveaux insoupçonnés.
Latyr Diouf est président du Comité Electoral de l’Essonne, Vice-Coordonnateur élu de la CCR France.
par Ibra Pouye
MACKY SALL RACONTÉ À MON ENFANT
La rupture totale d’avec le peuple est consommée quand il a annulé la présidentielle de 2024 à 10 heures d’intervalle du début de la campagne électorale
Plongé dans un bouquin sans fin et dominé par une certaine paresse intellectuelle, j’entends l’enfant, le mien, chanter une ode joyeuse dans l’air du temps et glorifiant quelques politiques et citoyens épris de justice aspirant à la paix sous-tendant le développement. «Ôyé, Sonko namnala, ôyé...».Tout à coup tel un chat à la recherche de sa proie, je reste scotché aux sons sortant de la bouche de l’enfant. Je le prends sur mes genoux et d’un air sérieux, je lui demande s’il aimerait que je lui raconte l’histoire de celui qui gouverne le Sénégal, ce pays si beau et si spécial et il opine du chef. Mais vu son âge, cette histoire, je la raconte dans un langage élémentaire pour sa compréhension. Même s’il ne comprend pas la quintessence de toute cette histoire mais qu’il en saisisse un bon bout.
Mon fils,
Macky Sall, notre président de la République, est né le 11 décembre 1961 à Fatick, après le soleil des indépendances et depuis 2012 il est l’homme qui dirige d’une main de fer le Sénégal. Main de fer, mon fils, veut dire, il manie la carotte et le bâton mais plutôt le bâton parce que le Sénégal est un pays très spécial. Le sénégalais est comme l’arabe. Il est quelqu’un qui a toujours besoin d’être recadré. Macky Sall vient d’une famille de propriétaires terriens mais l’histoire raconte autre chose que la décence m’interdit de te dire vu ton âge. Mais c’est un quelqu’un qui a beaucoup de mérite parce que son père Amadou Sall était gardien d’école et sa maman, Coumba Thimbo, vendait des cacahuètes. Il ne devait pas être heureux, une raison qui l’a poussé à travailler durement à l’école. L’histoire dit que sa famille était tellement pauvre qu’il lui arrivait souvent de ne pas manger trois fois par jour. Vu son jeune âge, il a très tôt aimé la politique en fréquentant un petit parti politique. Quand il a eu le bac, il est allé continuer ses études à Dakar jusqu’à devenir ingénieur en géologie. Mais il militait aussi dans le Parti démocratique sénégalais. Parti d’un vieux chauve et leader charismatique qu’on appelle Abdoulaye Wade niombor. Niombor parce qu’il est très malin et très intelligent.
Mon fils,
Cet homme, Macky Sall a eu une carrière très rapide comme le Ter que j’emprunte quand je vais à Dakar. Son mentor et son deuxième papa, Abdoulaye Wade, l’a pistonné et à tous les postes. Ce qui fait dire que Macky Sall ‘’dafa am liggéyu nday’’, il récolte jusqu’à présent les fruits du travail de sa mère. Dans les années 2000, il a été patron du pétrole sénégalais et haut cadre du parti d’Abdoulaye Wade grâce à son parcours. Et quand Wade accédait au pouvoir, il piaffait d’impatience pour faire partie du nouveau gouvernement mais le destin en avait décidé autrement. De 2001 à 2007, il gravit les escaliers de la galaxie Wade. De ministre des Mines, de l’énergie et de l’hydraulique, il devient ministre de l’Intérieur, Premier ministre et puis président de l’Assemblée nationale et tout en créant un réseau dense de proches collaborateurs. A la fin, il s’est fâché de son chef et père qui ne voulait plus de lui. Certes courageux et va-t-en-guerre, il crée son propre parti, l’Alliance pour la République. Et c’est en ce moment qu’il est accusé de détournement de l’argent public. Macky en bon enfant est allé pleurer dans les boubous d’un puissant marabout de la confrérie mouride mais je ne peux te dire qui est véritablement Macky Sall parce que sa parole ne vaut pas une pincée de riz.
Mon fils,
En 2012, à la surprise générale, Macky Sall remporte les élections présidentielles avec son fameux slogan de campagne le « Yoonu Yookuté». Fourbe comme Leuk-le-Lièvre, il a fait le tour du pays tout en laissant ses amis de l’opposition manifester à Dakar. Quatrième président du Sénégal, il prête serment dans un luxueux hôtel de la capitale devant un parterre de personnalités venues du monde entier. Au vu de sa jeunesse, le peuple était content et dansait. La joie emplissait les coeurs mais certains doutaient qu’il n’est pas ce qu’il montre rééllement en public. Quand il a pris le pouvoir, mon fils, l’on commençait à regretter son arrivée. Parce qu’il n’aime pas la contradiction et pourchasse ses propres adversaires politiques. Sa première victime a été Karim Wade, le fils d’Abdoulaye Wade qu’il a mis en prison. Une victime parmi tant d’autres de cet homme introverti et froid au regard fuyant. Mais dans son règne, il est des malversations financières dans son proche entourage. En termes plus simples, beaucoup de ses proches volent l’argent du peuple et surtout son propre griot. Le bouffon du roi. Pour lui, le Premier ministre et les ministres sont des simples collaborateurs. Il s’est toujours vu comme un roi et les sénégalais ses propres sujets. En effet, il est devenu méchant et paranoïaque à cause de sa boulimie du pouvoir. Riche comme Crésus. Voyageant avec femme et enfants comme il veut à travers la planète.
Mon fils,
L’année 2019 est l’année de sa consécration en politique parce qu’il remporte les élections présidentielles, ère de son 2e mandat. Et à la surprise générale, il supprime le poste de Premier ministre pour être le seul maître à bord du paquebot Sénégal. Dans cette période, le peuple impuissant assiste à la kyrielle de scandales financiers. Mon fils, nous avons un président qui est lié aux puissants lobbys financiers et occultes. On l’a même accusé d’avoir donné de l’argent à Marine Le Pen, une politicienne française qui n’aime ni les noirs et encore moins les arabes.
Mon fils,
A vrai dire, nous avons quelqu’un de très méchant qui n’hésite pas à maltraiter son peuple. Il emprisonne et tue de jeunes manifestants. Faisant fi des recommandations des puissants chefs religieux, il n’a peur que de quelqu’un, un certain Ousmane Sonko, « Ôyé, Sonko namnala, ôyé...». A défaut de l’assassiner, il met ce dernier en prison grâce à sa police et sa gendarmerie brutales et aidé d’un haut gradé qu’on appelle Rambo Fall. Tu sais, mon fils, le nom de Macky Sall et quelques noms de son entourage reposent sur la table d’un grand juge d’un pays très lointain qui se nomme les Pays-Bas. Il est accusé de crimes contre l’humanité et cela ne s’est jamais passé au Sénégal. En juin 2023, plusieurs gosses qui manifestaient ont été fauchés par des balles. Pour calmer la rue, il s’adresse à la nation qu’il ne ferait pas un 3e mandat tout en menaçant son propre peuple. Mais l’on se demande encore si cet homme est normal lorsqu’il désigne le candidat de sa propre coalition politique et essaie de l’abattre en même temps par un complot ourdi par lui et sa bande de députés. La rupture totale d’avec le peuple est consommée quand il a annulé la présidentielle de 2024 à 10 heures d’intervalle du début de la campagne électorale. La goutte de trop pour le peuple qui est sorti en masse manifester. Bilan, quatre jeunes assassinés par balles. Paix à leur âme, amen. Et là mon fils, il est seul, très seul et au fond du trou. Le Conseil constitutionnel, l’instance suprême de notre juridiction lui intime l’ordre d’organiser le plus rapidement les élections avant que le pays brûle. Le peuple est dans une attente fiévreuse.
Mon fils,
Cet homme, son élément est le feu et j’espère ne pas voir la prophétie de feu le professeur Cheikh Anta Diop se réaliser. Mais je préfère ne pas m’en étaler vu ton jeune âge. Mais ce Macky Sall risque de nous réserver encore des surprises désagréables. Quant à Ousmane Sonko, je te raconterai son histoire la prochaine fois inchallah. Promis, juré et craché fiston. «Ôyé, Sonko namnala, ôyé...» Reprit l’enfant de plus belle.
Par Seriñ Kabbe
26 FEVRIER 2021- 26 FEVRIER 2024 : TROIS ANNEES D’INCERTITUDE ET LE DIALOGUE ANNONCE COMMENCE.
Partition pour les élus - La responsabilité d’un homme d’Etat s’exerce en gardant à l’esprit que le temps est juste. Il rattrape ceux qui tournent le dos à l’éthique.
Il n’est pas élégant de polémiquer sur le respect d’une décision de justice qui n’est susceptible d’aucun recours et qui s‘impose à tous, «erga omnes». La responsabilité d’un homme d’Etat s’exerce en gardant à l’esprit que le temps est juste. Il rattrape ceux qui tournent le dos à l’éthique. Il expose ceux qui abusent de l’impérium d’un éphémère pouvoir. Il s’arrête un jour, pour chacun, avec nos actes gravés pour l’éternité. Complots, diversions, raison et passions passeront ; et ne comptera plus que le souverain Bien.
Quelle est donc cette contraignante « morale de la paix » qui impose le dialogue, l’amnistie et la dérogation aux lois pour sortir d’une crise institutionnelle majeure qui n’existe que dans la tête de quelques hommes ? On se croirait dans une certaine Afrique. Du reste, devoirs de réconciliation, de mémoire et de repentir vont ensemble .
Le temps des combats politiques n’est jamais suspendu, mais il a son calendrier consigné dans le corpus des lois. Par ailleurs, ses acteurs ne sont pas exonérés des règles de la vie publique dans leur lutte pour le pouvoir. La mémoire collective enseigne que le commun vouloir de vivre ensemble intègre que les braves soient primés, les criminels condamnés, et les dirigeants choisis à des intervalles réguliers et prédéfinis.
L’arbitre constitutionnel se charge de nous rappeler le dernier point. On nous promet que nous serons fixés, au décours des concertations ouvertes le 26 Février 2024, sur l’interprétation consensuelle que ceux qui y adhérent se font de sa dernière décision. L’Assemblée des Élus se chargerait ensuite d’acter les formes . On ose espérer que l’agenda de la compromission ne sera pas alors consacré.
Honorables ; à la même date en 2021, résonnait la cacophonie de la levée de l’immunité d’un de vos pairs. Les faits qui ont suivi sont connus jusqu’au texte adopté au mépris de la loi fondamentale.
Le moment est propice pour s’interroger sur le sens de votre mission. En toute normalité, Il peut être nécessaire d’ aider à la manifestation d’une vérité équitable, au nom de l’égalité des hommes en droit. Il faut juste avoir une claire conscience de sa responsabilité et une lucidité prospective. D’autres délibérations suivront qui réclament la même vertu ; sur l’amendement des lois pour les rendre moins équivoques ; sur la régulation de l’action gouvernementale, ou l’engagement des moyens de l’État au service du bien commun. Cela participe de la continuité de l’État.
Usons ainsi de notre droit de rappel à ceux décident en notre nom sur la présente élection présidentielle ; même si nous sommes rassurés que les « Sages » puissent encore livrer leur partition au bal des Élus… . En espérant que le tourbillon des politiques ne leur arrachera point leur baguette de Justes.
Seriñ Kabbe
Par Fadel DIA
TOUT EST PERDU… FORS L’HONNEUR
Il aurait pu achever son mandat sans être peut-être auréolé de gloire, mais il aurait respecté ses engagements et sauvé ce qui lui reste d’honneur
En annonçant, ou plus exactement en faisant annoncer, qu’il prend acte du verdict rendu par le Conseil Constitutionnel retoquant le décret par lequel il renvoyait de dix mois la tenue des élections présidentielles et en proclamant sa ferme résolution de le respecter, le Président de la République avait arrêté (momentanément ?) la dangereuse glissade qui menaçait de conduire notre pays dans le désordre et la violence.
Il aurait pu faire mieux, plus clair et plus vite.
On rêvait que, quelques heures à peine après la publication de la décision du Conseil constitutionnel - (dont il a probablement pris connaissance bien avant tout le monde) -il prenne solennellement la parole devant ses compatriotes, comme il l’avait fait pour annoncer son décret contesté, respectant au passage le parallélisme des formes. Pourquoi essayer la taille d’un boubou sur la souche d’un arbre quand son propriétaire est présent ,dit un proverbe pulaar qu’il ne peut pas ignorer ? Pourquoi confier le soin de transmettre une information de cette importance et à laquelle toute la nation est suspendue à un vague conseiller, en tout cas très loin dans l’ordre hiérarchique, alors que le moment était historique et que le président de la République c’est, dit-on, la rencontre d’un homme et d’un peuple ? Plutôt que le « porte-parole » on eût préféré celui qui porte légitimement la parole, plutôt qu’un communiqué, on aurait souhaité que le président de la République nous regardât les yeux dans les yeux, afin que nous puissions tenter de juger sa sincérité à travers son ton sa voix et son regard !
Bien entendu lorsqu’un chef d’Etat s’exprime, dans un moment aussi solennel, ce ne peut être que pour réaffirmer des principes et prendre des décisions car gouverner c’est d’abord décider. Nous vivons sous un régime hyper présidentiel, les compétences du président sont nombreuses et parmi elles, il y a celle que lui a rappelée le Conseil constitutionnel qui est de fixer le calendrier électoral. On ne peut pas avoir été un impérieux Jupiter pendant douze ans et se muer subitement en un simple mortel paterne envers ses contempteurs et soumis à leurs humeurs. Le président de la République aurait pu ainsi faire l’économie d’une conférence de presse improvisée et dont le format et le casting donnent l’impression d’une cérémonie préalablement scénarisée. Tout le monde sait que ce n’est pas en lisant le journal Le Soleil ou en écoutant et en regardant la RTS qu’on est le mieux informé sur ce qui se passe au Sénégal et les questions que posent les représentants de deux organes de presse embedded au pouvoir ne peuvent être qu’une pale émanation de celles qui agitent les Sénégalais.
Et qu’aurait pu dire le président de la République, dès le 15 février, et qu’aucune autre autorité ne pourrait dire à sa place et que quelquefois il a esquissé sans en tirer les conséquences ?
Qu’il est, comme le chante depuis des années un célèbre « communicateur social », le gardien de la Constitution et qu’à ce titre il s’est fait le devoir d’être le premier à la respecter. Qu’il a fait son mea culpa, mais que s’il a pu se tromper, il était de bonne foi, exclusivement préoccupé par le souci de restaurer l’équité et de conforter les institutions, même si cela doit se faire au détriment de sa réputation. Que s’il a tenté de modifier le calendrier électoral, son engagement de quitter le pouvoir à la fin de son mandat est ferme, définitif et irrévocable. Ce n’est d’ailleurs pas une concession de sa part, c’est une exigence républicaine.
Beaucoup parmi nous auraient applaudi, d’autres sans doute auraient encore continué à douter de sa bonne foi, mais sa démarche aurait sauvé ce qui pouvait encore être sauvé. Quand le premier citoyen d’un pays reconnait une erreur et affirme, publiquement et avec force que ses intentions étaient pures, on ne peut pas rester indifférent. Quand il ajoute que pour sa part il respecte la constitution et qu’il invite ses adversaires à en faire autant, à toutes les occasions, c’est comme s’il leur lançait un défi. Quand il poursuit sa péroraison en disant que c’est précisément parce qu’il respecte la Constitution, dans sa lettre et dans son esprit et qu’il n’a nulle intention de remettre en cause la date de la fin de son mandat, il peut se permettre d’appeler ses adversaires à consentir, à leur tour, à des sacrifices, notamment d’ego, à accepter des compromis, qui pourraient être, notamment, la réduction de la durée de la campagne électorale, l’engagement de la rendre moins folklorique et plus paisible en témoignage de solidarité envers les deux communautés religieuses du pays qui seraient alors confrontées aux rigueurs du carême, à respecter les institutions et à combattre la violence d’où qu’elle vienne…
Quand enfin, pour conclure, il rappelle que pour arriver au but il faut faire le chemin, que ce chemin s’achève le 2 avril, qui pourrait trouver à redire si, comme il l’avait fait librement quelques mois auparavant, il proclame un calendrier électoral exclusivement fondé sur cette exigence ? Il aurait ce faisant fait l’économie d’un dialogue aux contours indéfinis et auquel beaucoup ne croient plus et ne pas promettre plus que ce qu’il peut tenir. Il aurait pu achever son mandat sans être peut-être auréolé de gloire, mais il aurait respecté ses engagements et sauvé ce qui lui reste d’honneur !
Mais, plus important que sa personne, il aurait restitué au peuple le pouvoir souverain de choisir ses dirigeants…
PAR Babacar Diop Buuba
MULTIPLE PHOTOS
ARMÉE NATION : COLONNE VERTÉBRALE DE LA RÉPUBLIQUE OU CINQUIÈME COLONNE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Mai 68 a marqué un tournant dans l'histoire du Sénégal avec l'implication des militaires pour résoudre la crise. Depuis, l'armée navigue entre réserve politique et participation au développement. Mais où se situent ses limites ?
Contribution sur le rôle et la place des forces de défense et de sécurité (FDS) pour l’État de droit, la justice, la solidarité et le développement
Le 14 février 2024, un quotidien du pays, Bës bi, (p. 5 à 8) en l’occurrence, a profité de la fête de la Saint-Valentin pour citer, entre autres acteurs à aimer, les forces de défense et sécurité : « La patrie est arrosée entretenue, maintenue par les forces de défense et de sécurité (FDS), ces militaires et paramilitaires qui en sont aujourd’hui le dernier rempart.
Ces acteurs illustrent l’exception sénégalaise, la méritocratie, 64 ans de compagnonnage entre l’armée et la patrie en péril, une armée politiquement neutre, mais pas indifférente ».
Nous avons eu l’occasion de partager nos points de vue, sur la place et le rôle des principaux acteurs et porteurs d’enjeux, dans la vie des sociétés en général, sénégalaise en particulier.
Les quatre (4) groupes : (i) la société civile, (ii) acteurs économiques, (iii) organisations politiques et (iv) leaders coutumiers, religieux culturels, ont reçu des traitements dans nos écrits[1]
La présente contribution a l’ambition de faire un focus sur la colonne vertébrale ou cinquième colonne : les forces de défense et de sécurité
Vue de l’intérieur, formation, réflexion stratégique et champs d’intervention
A ma connaissance, le premier acteur du dedans qui a osé, écrire au Sénégal, sur le sujet, de manière académique, est le général de corps d’armée puis ambassadeur et acteur des Assises Nationales (2008-2009), Mamadou Mansour Seck. Son ouvrage porte le titre « Nécessité d’une armée », Harmattan Sénégal, 2012. L’ouvrage est en fait sa thèse soutenue en 1974 à l’École Supérieure de Guerre aérienne de Paris (ESGA).
Le chapitre I est consacré au passé (préhistoire, antiquté et histoire de France), le second à l’après-guerre et au présent, non seulement dans les pays industrialisés, mais aussi aux pays en voie de développement, encore mieux, à des questions majeures, comme les rapports des armées aux questions politiques, socioéconomiques (chap. III)
Dès l’avant-propos, le Général reconnaît que notre monde est en déséquilibre sans partage, ni solidarité suffisante, et « l’armée seule ne peut résoudre les injustices, par contre elle représente une garantie contre la cupidité des hommes et participe à l’intégration nationale, surtout dans les pays en voie de développement. Une armée républicaine participe aussi à la stabilité de la Nation ».
Mieux, il a eu le courage de se prononcer sur le conflit en Casamance et n’a pas hésité à indiquer des voies de dépassement en trois (3) volets : politique, économique et sécuritaire.
Il a analysé la composition socio-culturelle de l’armée, fait des développements sur ses fonctions et prestations (p.57 à 65) à l’intérieur et en dehors du Sénégal. Sa conclusion est pleine de sagesse :
« Les hommes, mieux éduqués, mieux formés réclament toujours plus de liberté sans toujours savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Il faudra alors penser à endiguer leurs excès parce que, par nature, ils ne sont pas très sages. D’où la nécessité, encore là, d’une force de maintien de l’ordre, dans chaque pays, capable, éventuellement de faire face aux grandes catastrophes ». (op.cit. P. 77)
Le second qui s’illustre, dans l’analyse des faits politiques, est feu le général Lamine Cissé qui a livré témoignages et analyses dans ses « Carnets secrets d’une alternance, avec le titre : Un soldat au cœur de la démocratie, édition, GIDE PPE, Paris 2001.
Dans cet ouvrage, il explique, dans l’avant-propos, les circonstances dans lesquelles, le Président Abdou Diouf l’a nommé Ministre de l’Intérieur, chargé de la Décentralisation, en lui donnant la responsabilité d’organiser des élections d’une importance majeure (législatives en mai 1998, sénatoriales en janvier 1999, présidentielle à deux tours en février et mars 2000).
L’ouvrage informe sur les suspicions (chap. II), les tensions (chap. III), la fanfare du pouvoir (chap. V), le pou sur la tête (chap. VI), guerres et paix (chap. VII) et l’exigence démocratique (chap. VIII).
Les annexes sont très précieux, car ils permettent de mesurer le rôle de la société civile dans le FAC (Front d’Action de la Société Civile) alors autour du CONGAD, de la RADDHO, du Forum Civil et du RADI) et aussi les dispositions particulières qu’il a prises pour conduire la mission sans oublier les résultats.
Le général Cissé est d’avis qu’il est « essentiel de favoriser l’enracinement de la démocratie dans nos pays. Cet idéal ne pourra s’épanouir en Afrique que si nos dirigeants civils et militaires manifestent concrètement la volonté d’appliquer les règles qui la fondent » (op. Cit. P13).
L’auteur rappelle les circonstances dans lesquelles, l’armée a eu à observer le jeu politique au Sénégal et les relate dans sa biographie qui lui a permis d’avoir une bonne formation intellectuelle, citoyenne et militaire (chap. I, p. 15 à 39, Jour de pluie sur le Sahel).
Son apprentissage citoyen et sa carrière dans le génie militaire l’avaient préparé à réussir sa mission. Le résultat est connu : première alternance politique au Sénégal, la victoire du candidat de l’opposition Abdoulaye Wade face au président sortant Abdou Diouf
Le travail des historiens de métier permet de compléter la documentation et d’approfondir la réflexion sur le rôle de l’armée dans les crises politiques.
Retenons que de l’antiquité à nos jours, les armées ont permis de défendre des institutions politiques, de renverser des régimes, depuis l’Égypte pharaonique jusqu’aux États modernes, en passant par la période intermédiaire.
Le regard des historiens
Dans l’avant-propos de la seconde édition de son ouvrage sur « Mai 68 à Dakar », le professeur Abdoulaye Bathily, ancien enfant de troupe, puis étudiant enrôlé de force, puis ministre de la République, a consacré des pages à la question des forces armées et de sécurité au cours des événements de Mais 68 (voir extraits en photos d’illustration 2,3 et 4). Il a aussi produit des études sur les armées, la politique dans le cadre du CODESRIA (Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique).
Notre collègue Oumar Guèye a produit un ouvrage sur Mai 68 au Sénégal, Mai 1968 au Sénégal ; Senghor face aux étudiants et au mouvement syndical, Karthala, 2012 (voir extraits en photos d’illustration 5, 6, 7, 8, 9. Il revient sur le rôle des deux armées française et sénégalaise.
Dynamiques nouvelles
Ce qui est intéressant dans le contexte actuel, c’est la succession des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest et leurs caractères politiques, prononcés les tentatives de solidarité, voire de fédérations des soldats.
On peut ajouter pour reprendre une formulation de notre collègue Bakary Samb de Timbuktu Institute « Les coups d’État en Afrique sont devenus des moments de respiration démocratique » :
« Ce qu’on voit derrière ces juntes qui viennent au pouvoir est un signe d’une désaffection par rapport aux États incarnés par des civils et une conséquence de la mal gouvernance, de l’absence de démocratie qui se résume chez nous à l’aspect électoral. On a vu d’autres aspirations qui sont aujourd’hui prises en charge par les tenants. Autre chose également, on a vu qu’il y a un discours populiste qui surfe les déceptions par rapport aux régimes civils précédents, mais aussi sur un contexte international. Cette désaffection est le signe aussi d’un rejet du modèle occidental devant propager des valeurs. Ces Occidentaux, par rapport à ces mêmes valeurs, ont été eux-mêmes inconséquents à un moment. Finalement, ce sont les intérêt stratégiques immédiats qui ont toujours guidé leurs choix. Il y a non seulement un problème de démocratie, mais aussi de crédibilité du discours sur la démocratie. Par rapport à cela aujourd’hui, sous sommes dans une situation qu’on pourrait qualifier d’hybride et de paradoxale. Ces juntes ont joué avec une stratégie très claire. Par exemple au Mali, qui a toujours trouvé des boucs émissaires avec la France, Barkane, la CEDEAO et les soldats ivoiriens ou encore la MINUSMA, on voit que les militaires au pouvoir sont dans une logique de légitimation. En effet, le fait de mettre en avant l’idée selon laquelle leur souveraineté serait menacée, comme on le sait, mécaniquement, quand il y a menace extérieure autour d’un leadership qui s’est mis en opposition par rapport à un régime civil qui a duré au pouvoir »
Au Sénégal, certains analystes ont interprété une allusion du président Macky Sall sur l’attention à porter à « d’autres forces organisées » comme une invite faite à l’armée pour prendre le pouvoir au cas où les partis politiques et la société civile ne reviennent pas à la raison, en acceptant sa proposition pour un nouveau dialogue inclusif.
Pour le moment, les forces de défense et de sécurité ont la latitude d’exercer leurs droits de vote ; elles sont concurrencées dans certains rôles par des nervis aux services d’organisations politiques, elles ont été secouées dans certaines de leurs composantes par les affaires politiques avec des sanctions disciplinaires ou des disparitions physiques. Il faut souhaiter que l’esprit républicain et laïc puisse continuer d’inspirer la grande muette et ses sœurs dans leurs combats pour la sécurité nationale et leur contribution au développement social, économique et culturel.
En tout état de cause, il faut souhaiter et œuvrer avec l’élection présidentielle en 2024, à la victoire du camp de l’alternative qui s’engage à appliquer les conclusions des Assises Nationales et les recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI). Ainsi une des premières mesures à prendre serait de revenir sur les crimes impunis, les condamnations injustes et demander pardon, au nom de la Nation aux familles des victimes. Ainsi la Nouvelle République à conduire partira sur de bons auspices.
Babacar Diop Buuba est Coordonnateur du mouvement citoyen
Taxaw Temm - Stand up – Debout.
[1] A propos dans la société civile, je renvoie à ma contribution dans M23 - chronique d’une révolution citoyenne, CONSUP, les éditions de la Brousse, 2014 sour le titre «La société civile et la refondation politique, économique et socio-culturelle, op. Cit. , p. 65 à 72
Concernant les relations entre les acteurs économiques et politiques, j’ai développé mes analyses dans les «Syndicats dans l’histoire; regards et partition universitaire,», Harmattan Sénégal 2019
Pour les questions spirituelles, idéologiques, religieuses, je renvoie à mon texte sur l’autorité des textes religieux dans les batailles politiques, idéologiques, in Propos d’Un Africain sur l’Antiquité, PUD, 2014, p. 298 à 308
par Dialo Diop
MACKY SALL S’ACCROCHE DÉSESPÉRÉMENT AU PARTI-ÉTAT
Que le prochain scrutin présidentiel s’est transformé en un quasi-référendum opposant deux camps : celui des adeptes de la continuité néocoloniale, face à l’immense majorité du peuple, qui en souffre et le subit en victime non consentante (2/2)
Celui-ci, Macky Sall, né après les « indépendances africaines » des années 1960 et prétendant de ce fait être « mentalement décolonisé », va entamer son mandat en surfant sur la vague électoralement porteuse de la Charte de gouvernance démocratique issue des Assises Nationales. L’ayant signée a posteriori sans avoir pris part aux délibérations qui ont abouti au consensus politique le plus large jamais réalisé au Sénégal, le président fraîchement élu s’est empressé de confier au pilote desdites Assises, le patriarche Amadou Mahtar Mbow, la charge de conduire également les travaux d’une Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI). Une mission dont ce nonagénaire et son équipe vont s’acquitter de façon magistrale. Tant et si bien qu’ils complèteront leur rapport final d’un avant-projet de Constitution, une manière élégante de souligner à la fois l’ampleur et l’urgence des réformes institutionnelles à opérer pour « refonder l’Etat et la société », selon les propres termes de la Charte des Assises Nationales.
Or, dès réception dudit rapport final et avant-même la cérémonie tardive de restitution, une levée de boucliers fut orchestrée dans les media par le conseiller juridique du président Sall, un certain Ismaïla Madior Fall, premier juriste local à occuper ce poste, réservé de tout temps à un maître de Requêtes au Conseil d’Etat français…, tout comme d’ailleurs celui de conseiller militaire revenait systématiquement (l’on n’ose pas dire de droit) à un Saint-Cyrien français. Il ira même jusqu’à reprocher publiquement au patriarche Mbow d’avoir outrepassé son mandat !
Quant au chef de l’Etat, il va se borner à faire le tri des recommandations de la CNRI, pour n’en retenir que celles qui convenaient à son nouveau « Plan Sénégal émergent » … Autant dire qu’il avait délibérément choisi de jeter à la poubelle l’essentiel du programme de refondation de la société et de l’Etat, proposé par les sages du pays. Précocement victime du syndrome de l’ivresse du pouvoir, il va alors renier un à un tous ses engagements antérieurs : de la réduction volontaire de la durée du septennat en cours à l’annonce d’une « gestion sobre et vertueuse » de la chose publique, ou encore le slogan « la patrie avant le parti », en passant par son pseudo-référendum
constitutionnel, frauduleux dans le fond comme dans la forme… La liste de ses manquements de tous ordres est interminable et va aller s’aggravant au cours de sa présidence pour culminer à l’approche de la fin de son second et dernier mandat.
Auparavant, il a eu à croiser sur sa route un jeune inspecteur des impôts et domaines du nom d’Ousmane Sonko. Ce dernier est non seulement un des initiateurs du premier syndicat professionnel de son corps d’origine, mais aussi et secondairement le co-fondateur d’un parti politique d’opposition du nom de Pastef (Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité). Fondé en 2014, ce parti se réclame ouvertement de l’héritage politique de Mamadou Dia, véritable père de l’indépendance formelle du Sénégal. Il n’y a point de hasard en histoire, dit-on. Il se trouve, en effet, qu’Ousmane Sonko a pris part aux travaux des Assises nationales (Commission Économie) et va signer par deux fois ladite Charte : d’abord dès 2008 en sa qualité de responsable syndical, puis à nouveau en 2018, en tant que président de Pastef et député non inscrit, unique élu de la Coalition Ndawi Askan Wi (NAW) en 2017. Un exemple sans précédent, à ma connaissance, de confirmation d’un engagement politique avec une décennie de recul. Mais surtout, un contraste éthique saisissant avec un autre signataire rendu fameux par le reniement public de sa signature !
Quoi qu’il en soit, l’adversité entre le chef du nouveau Parti-Etat, Alliance pour la République (APR) et celui qui va peu à peu s’imposer comme le leader de l’opposition patriotique et démocratique (Pastef), ira crescendo au fur et à mesure de l’amplification des succès électoraux de ce dernier, aux divers scrutins aussi bien nationaux que locaux. Depuis sa radiation arbitraire de la fonction publique (2016) jusqu’à l’invalidation arbitraire de la liste des candidats titulaires à la députation de la Coalition Yeewi Askan Wi (YAW) qu’il dirigeait (2022), en passant par la multiplication des procès en sorcellerie, sous divers prétextes aussi fallacieux les uns que les autres (viol avec armes à feu, diffamation, vol du téléphone portable d’une gendarme en civil, attentat à la sûreté de l’Etat lié à une entreprise terroriste, etc.), qui s’avèreront en fin de compte n’être qu’autant de pétards mouillés…
En effet, malgré sa séquestration prolongée à domicile, suivi de son kidnapping et de son emprisonnement, et en dépit de la dissolution autoritaire précédée de la fermeture illégale du siège national de Pastef, et surtout la campagne de terreur blanche prolongée, mais dirigée presqu’exclusivement contre les dirigeants, militants et sympathisants du Parti (plusieurs dizaines de morts par armes à feu, près de 1500 prisonniers d’opinion à travers le pays, nombreux exilés, etc.), en dépit donc de cette véritable guerre non déclarée visant à l’anéantir, le Pastef est parvenu à rester debout et à résister victorieusement aux violents assauts du pouvoir totalitaire du Président sortant. Aussi bien sur le plan politique, en le contraignant à renoncer publiquement à une troisième candidature, qu’au plan juridique en réussissant à présenter un candidat de substitution au président Sonko, illégalement écarté, en l’occurrence le Secrétaire général du Parti, Bassirou Jomaay Faye, qui l’a précédé à la prison du Cap Manuel !
C’est précisément la faillite de son perfide système de parrainage sur mesure, visant à choisir lui-même ses adversaires (et qui lui avait si bien réussi lors du scrutin présidentiel de 2019), avec une vingtaine de candidats au prochain scrutin, qui va le pousser à la faute fatale : la promulgation d’un décret illégal interrompant le processus électoral à la veille de l’ouverture de la campagne, couplée à une loi scélérate dérogatoire à la Constitution et votée nuitamment en procédure d’urgence par un parlement croupion, d’où les députés de l’opposition avaient été préalablement expulsés, suscitant stupeur, indignation et colère dans l’opinion tant intérieure qu’africaine et mondiale…
Une tentative désespérée de coup de force anticonstitutionnel, fort heureusement retoqué par un Conseil constitutionnel pour une fois compétent ! Du coup, il a recours aux manœuvres dilatoires, en appelant à un énième faux « dialogue », visant à prolonger aussi longuement que possible une soi-disant « transition » qui, conformément à la loi fondamentale en vigueur, ne l’autorise pas à présider aux cérémonies officielles de la prochaine « fête de l’indépendance », le 4 avril 2024.
Faut-il rappeler qu’en 1993, la première tentative de mise œuvre du consensus issu des travaux de la Commission Nationale de Réforme du Code électoral, présidée par feu le juge Kéba Mbaye, a entraîné sa démission fracassante de la présidence du Conseil constitutionnel au cours du scrutin présidentiel de février, tandis que l’élection des députés du mois de mai suivant s’est soldée par l’assassinat du vice-président de la même juridiction, Me Babacar Sèye, « juge des élections » ? Il importe de préciser que, dans l’intervalle séparant les deux scrutins, la majorité parlementaire mécanique du Parti-Etat PS avait unilatéralement brisé le consensus du « Code Kéba Mbaye », en retirant le droit de vote aux représentants des candidats au sein de la Commission Nationale de Recensement des Votes, désormais réduits au statut de simples observateurs, pour le réserver exclusivement aux magistrats de la Cour d’Appel de Dakar ! L’on voit que le changement unilatéral et partisan des règles du jeu en cours de partie, par l’héritier de Me Wade n’est que la perpétuation d’une vieille tradition de fraude politicienne typiquement senghorienne, même si elle est en réalité héritée de la tradition jacobine française…
Il n’en demeure pas moins que le prochain scrutin présidentiel s’est transformé en un quasi-référendum opposant deux camps : celui des partisans et bénéficiaires du vieux et calamiteux système du parti-Etat, adeptes de la continuité néocoloniale, face à l’immense majorité du peuple, qui en souffre et le subit en victime non consentante. Nos concitoyens sont dans l’attente d’une véritable alternative et non pas d’une troisième alternance trahie par des politiciens professionnels, qui ne sont ni patriotes, ni démocrates ! Tant et si bien que l’on peut prédire sans risque de se tromper que, si et seulement si le scrutin est calme et paisible, régulier et sincère, qu’un second tour est plus qu’improbable, tant le raz de marée « pastefien » en faveur de la Coalition Jomaay Président semble inéluctable…
Toutefois, il apparaît que partout en Afrique, les échéances électorales, loin d’être des moments forts de débats constructifs, de respiration et de régulation de la vie démocratique, se réduisent à des luttes pour le pouvoir personnel et s’avèrent être les principaux facteurs de crise sociale et d’instabilité institutionnelle, sinon de violence sanglante généralisée. Aussi, n’est-il pas exclu que le président sortant tente un ultime coup fourré pour sauver sa mise, en divisant les rangs du mouvement patriotique et démocratique. Une conspiration assurément vouée à l’échec, étant donné le niveau de prise de conscience des masses et surtout de la jeunesse, auxquelles l’on s’adresse désormais dans les langues africaines, (via media et réseaux sociaux) et le degré de détermination qui en résulte chez les gens.
Quoiqu’il en soit, le minuscule arbre du Sénégal ne saurait nous cacher l’immense forêt africaine… La multiplication des crises structurelles autant dans la sous-région ouest-africaine qu’à travers l’ensemble de notre continent, dans un contexte global de faillite politique, économique et morale de l’Occident impérial, dominé par des génocidaires non repentis, (esclavagistes, colonialistes anciens et nouveaux, ségrégationnistes, racistes incorrigibles et prédateurs impénitents), devraient nous convaincre de l’urgente nécessité de changer radicalement de cap.
D’autant qu’il est aujourd’hui manifeste que ceux qui craignent, depuis toujours, l’avènement de la libre expression d’un authentique suffrage universel, régulier et sincère en Afrique, forment une sainte alliance de prédateurs étrangers, désormais associés à des Africains traîtres à leur patrie et esclaves de leurs intérêts égoïstes. Cette association de malfaiteurs incorrigibles n’est guidée que par la volonté de puissance et de domination, le culte du profit et l’esprit de lucre.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, pourquoi s’étonner que la gestion dépendante et incompétente, autoritaire et corrompue, autrement dit le pouvoir personnel à la solde de l’étranger, qui a caractérisé l’évolution de la quasi-totalité des États africains, des indépendances avortées à nos jours, aient abouti à une impasse, sinon au chaos plus ou moins généralisé partout ou presque ?
Il s’agit donc à présent de savoir tirer les bonnes leçons de la riche expérience de luttes pour la survie collective, accumulée par les peuples africains du continent et de la Diaspora d’ascendance africaine directe, afin de nous donner les moyens de recouvrer la maîtrise de nos propres destinées dans des délais non prohibitifs, de concert avec les autres peuples opprimés du monde, dont il y a également beaucoup à apprendre.
Ainsi, au-delà des principes généraux de l’égale dignité de tous les êtres humains et du caractère inviolable de la vie sur terre, affirmés dès 1212 dans le Serment des Chasseurs, plus connu sous le nom de Charte du Mandé, le premier et le plus concis des « textes sacrés de la liberté », (il ne compte que sept articles, à ne pas confondre avec le faux apocryphe dit du « Kurukan Fugan » qui en compte quarante-quatre…) la leçon principale à tirer de notre expérience historique dans les Temps modernes devrait être que même si tout africain possède un terroir de naissance, forcément situé sur un territoire donné, au sein d’un quelconque pays à travers le continent-mère, il doit être évident, pour chacun et pour tous, que la nation à construire ou la patrie à défendre ne saurait être autre qu’une Afrique véritablement libre parce que, réunifiée, souveraine et démocratique sur la base du principe égalitaire absolu : non ethnique, non racial, non sexiste et non confessionnel ; et, par voie de conséquence, une Afrique non violente.