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26 novembre 2024
Opinions
Par Ibou FALL
L’AME DE LA NATION, LA MYSTIQUE DE LA REPUBLIQUE ET LA MAIN INVISIBLE DE L’ETAT
Quelle est donc cette alchimie qui nous retient au bord du précipice depuis la nuit des temps, nous autres Sénégalais, lorsque tout semble perdu et que même l’honneur est compromis ?
Quelle est donc cette alchimie qui nous retient au bord du précipice depuis la nuit des temps, nous autres Sénégalais, lorsque tout semble perdu et que même l’honneur est compromis ?
La décision du Conseil constitutionnel qui renvoie à leurs chères études et l’Exécutif et le Législatif, nous grandit parce qu’il y a entremêlées, quelque chose de l’âme de notre Nation, la mystique de notre République et la main invisible de notre Etat.
Alors que le Sénégal touche le fond sous les lazzis et quolibets de l’opinion mondiale, notre Patrie, que je me plais à définir comme un «pays situé en Afrique», aux yeux du monde occidental, rejoint les démocraties tropicales qui vous arrachent un sourire de compassion.
Déjà, pour être la République du Sénégal et non pas la Fédération du Mali, il faut la mauvaise foi de Houphouët-Boigny et le sens pointu de l’intrigue de Jacques Foccart pour que de quatre pays, le Sénégal, le Mali, la Haute-Volta et le Bénin, il n’en reste plus que deux, face-à-face.
Entre-temps, la Haute-Volta et le Bénin entrent dans un ménage à quatre, le Conseil de l’entente, avec le Niger et la Côte d’Ivoire auxquels le Togo viendra s’ajouter. Pour consoler tous ces braves gens, il y aura quelques sucettes à distribuer, avec les compliments de la Françafrique.
Voilà donc le Soudan français de Modibo Keïta, face au Sénégal de Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia…
Modibo Keïta, rude Mandingue musulman, n’aime pas le précieux Sérère catholique latiniste Léopold Sédar Senghor. Il préfère commercer davantage avec le Baol-Baol musulman Mamadou Dia, qu’il verrait bien comme son bras droit, alors que lui serait à la tête de la Fédération. Schéma idéal dans lequel Lamine Guèye ferait des piges à l’Assemblée nationale. A Senghor, l’on attribuerait un p’tit rôle dans le dispositif et il devrait s’en flatter en attendant que l’Histoire l’envoie aux oubliettes.
C’est sans doute à ce moment-là que naît l’âme de la Nation sénégalaise.
Le choix est fait : les Soudanais, comme on les appelle alors, sont neutralisés et embarqués dans le premier train pour Bamako. Avant d’être un païen, musulman ou catholique, Wolof, Bambara, Diola, Peul, Sérère ou Toucouleur, nous sommes des Sénégalais.
Ce qui n’est pas rien.
Certes, au regard des dernières actualités, le doute peut s’installer. Je le concède, parce que, franchement, il y a de quoi désespérer quand on vient du pays qui enfante des humanistes de pointures mondiales, dont la saga se raconte jusqu’aux confins de la planète, du genre Blaise Diagne, Lamine Guèye, Léopold Sédar Senghor, Isaac Forster, Cheikh Fal, Makhtar Mbow, Hyacinthe Thiandoum, Souleymane Bachir Diagne, Doudou Ndiaye Rose, Joseph Ndiaye, Ousmane Sow, Diagna Ndiaye, Makhtar Diop, Aziz Dieng, Sadiya Guèye, Akon, Youssou Ndour, Mbougar Sarr, Battling Siki, Aliou Cissé et Sadio Mané, pour finalement être représentés par du menu fretin, de l’espèce de Coura Macky, Mame Diarra Fam, Abdou Mbow, Ahmed Aïdara, Guy Marius Sagna, Barthélemy Dias, ces arbres loufoques qui cachent la forêt de crétinisme… Un esprit lumineux ébauche en trois «D», il y a de cela plusieurs décennies, le profil psychologique national : «Deureum, djiguén ak daradja.» Comprenez, l’argent, les plaisirs et les honneurs. Après ça, je sens que les féministes pures et dures vont encore s’arracher les cheveux naturels. Qu’à cela ne tienne…
Illustration ?
Une vidéo circule qui montre un, euh, député, Modou Mbacké Bara Doly, qui anime le buzz récemment après sa candidature à la Présidentielle, quelques mois après une offense au chef de l’Etat qui lui vaut une garde à vue et des explications embarrassées… Un flagorneur le filme devant une rangée de bolides de dernier cri, dont l’un qui lui coûterait quatre-vingts millions en vulgaires Cfa. Rassurez-vous, il y en a d’autres, sans doute tout aussi onéreux. On distingue, dans le désordre, celui acheté pour la frime, celui pour se promener discrètement, celui avec lequel il bat campagne l’an dernier et sans doute d’autres pour les petites courses au marché et menus achats sur des coups de sang. Il exhibe, à l’occasion, deux immeubles mitoyens de plusieurs étages qui abriteraient sa smala manifestement à l’abri du besoin. Seule anomalie : pour tous ces monstres à moteur garés devant son p’tit empire, il n’y a pas de garage…
Le Nègre dans toute sa splendeur.
Un drôle de pistolet, si loin de cette folie douce qui habite les pères fondateurs de la Nation, pour laquelle ils auront sacrifié jusqu’à leur vie familiale : la mystique de la République. Senghor, qui renonce à l’héritage paternel, dont le rêve fou est d’entrer au Collège de France après 1963, se coltine d’affligeantes sénégalaiseries près de dix-huit années de suite, avant de remettre les clés de la maison Sénégal à un serviteur trop obséquieux pour être sincère.
L’erreur est humaine…
Mamadou Dia, chef de gouvernement, lors de son arrestation, n’a aucun bien immobilier et n’a dans son compte bancaire pas plus de 170 000 francs Cfa. Un de ses proches collaborateurs manque de se faire virer pour avoir eu la mauvaise idée de chercher à améliorer son confort. Alerté par l’épouse du président du Conseil de gouvernement qui lui montre la paillasse sur laquelle ils dorment, et l’équipement ménager vétuste, le missi dominici rénove le mobilier. Lorsque Mamadou Dia constate le changement, il convoque le malappris et lui passe un savon mémorable. Le limogeage est évité de justesse…
Et puis, il y a Jean Collin… Un Toubab qui nous débarque du Cameroun avec la foi en notre Nation qu’il fait sienne. Lorsqu’il faut se déterminer, dès 1958, face à De Gaulle, alors que Senghor hésite et que Mamadou Dia évite de le heurter de front, Jean Collin, malgré les consignes, rédige un discours sans fioritures que Valdiodio Ndiaye prononce : le Sénégal veut son indépendance. Il occupe sept années durant le ministère des Finances, de 1964 à 1971, puis neuf années le ministère de l’Intérieur de 1971 à 1980, avant de devenir le vrai patron du pays. Ministre d’Etat, nommé avant le Premier ministre, Sg de la présidence de la République de 1981 à 1990, il est le vrai patron : si la mystique de la République devait arborer un visage, ce serait le sien.
Il l’incarnera également par la main invisible de l’Etat, avec sobriété, discrétion et rigueur.
C’est cette main invisible qui nous retient jusque-là au bord du précipice alors que même l’honneur est sujet à caution. Qui nous épargne des p’tits riens que les esprits chagrins comme le mien désignent accidentellement comme la raison d’Etat. Sauf que pour la tenir et la diriger sans trembler, il faut avoir, dans son tréfonds, un peu de l’âme de la Nation, et la mystique de la République.
Par le Professeur Mary Teuw NIANE
POUR OU CONTRE NOTRE CONSTITUTION
Aujourd’hui, dans notre pays, la ligne de démarcation politique se situe entre ceux qui défendent notre Constitution, son application et ceux qui combattent la Constitution, développent tous les stratagèmes pour empêcher son application
Par le Professeur Mary Teuw NIANE |
Publication 22/02/2024
Aujourd’hui, dans notre pays, la ligne de démarcation politique se situe entre ceux qui défendent notre Constitution, son application et ceux qui combattent la Constitution, développent tous les stratagèmes pour empêcher son application et qui sont les acteurs ou les complices du nouveau coup d’État en cours de mise en œuvre. Les deux camps ne sont plus seulement, depuis quelques jours, le camp du pouvoir d’une part et d’autre part le camp de l’opposition. Les lignes se sont imbriquées. Le camp anticonstitutionnel a recruté tous les opportunistes de l’espace politique qui pensent tirer profit d’une reprise du processus électoral pour se présentant aux élections. Il a recruté tous les soi-disant démocrates effrayés par l’arrivée au pouvoir de forces politiques souverainistes. Il a embauché les journalistes, les chroniqueurs, les hommes et femmes de média sensibles au confort de l’immobilisme politique.
Enfin, ils ont fait fonctionner l’intelligence artificielle à outrance pour essayer de convaincre les Sénégalais que le dialogue, large et approfondi, est au-dessus de notre Constitution et qu’il est le seul moyen d’assurer la stabilité du pays, la paix sociale et l’organisation d’élections inclusives. Le camp anticonstitutionnel ne dévoile pas ses objectifs et cache ses motivations. Ce camp ne dit pas que l’organisation de l’élection présidentielle avec les dix-neuf candidats d’ici le 2 avril 2024 aura pour conséquence la victoire du prisonnier Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Cette frayeur manifeste est la conséquence de la déception de tous ces délinquants économiques, ces aspirants à la gouvernance malsaine et tous ces opportunistes tapis dans l’ombre qui attendent l’opportunité de s’emparer du pouvoir pour servir des intérêts étrangers de plus en plus puissants et envahissants.
Notre pays est à la croisée des chemins.
La communauté internationale exige la tenue des élections conformément aux décisions du Conseil constitutionnel. Le Président-putschiste joue au dilatoire. Cela fait déjà cinq jours qu’il ne pose aucun acte allant dans le sens de l’organisation des élections présidentielles avant le 2 avril 2024, conformément aux décisions du Conseil constitutionnel et malgré les propositions de la société civile et la disponibilité exprimée des candidats. Le Conseil constitutionnel en publiant hier la nouvelle liste des candidats à l’élection présidentielle a confirmé la continuité du processus électoral et mis définitivement un terme à la propagande distillée, ces derniers jours, d’un redémarrage de la procédure de candidature et la confection d’une nouvelle liste de candidats. Le camp anticonstitutionnel n’a plus de choix: abdiquer et permettre la tenue des élections d’ici le 2 avril 2024 ou bien poser les actes, notamment par l’inaction, qui vont conduire à l’impossibilité de tenir les élections.
Évidemment le facteur temps jouera un rôle primordial. Comme disait Gramsci, la bataille pour le contrôle de la superstructure est essentielle. Il faut contrôler la conscience des citoyens, faire douter les populations et tout envelopper dans des promesses de stabilité, de paix et d’élections inclusives, sans aucune exclusion. Ces concepts et notions sont au cœur de notre manière de penser, notre vivre-ensemble et notre vision du monde. C’est pourquoi ils concentrent la bataille d’opinion sur nos cordes sensibles. La violence ne suffit pas ! Tout est bon pour tromper les Sénégalais, les effrayer, dans l’espoir de briser leur résistance qui a eu raison du premier coup d’État du Président-putchiste. De l’autre côté, c’est le peuple Sénégalais qui est le socle du camp favorable à la Constitution et à son application. C’est lui qui a assez de l’ancienne classe politique embourbée dans ses deals, ses renoncements aux intérêts nationaux, sa corruption révoltante, ses traîtrises, son absence de principe et de valeur. Le peuple Sénégalais ne démord pas. Il veut ses élections, ici et maintenant, avant le 2 avril 2024.
Le peuple exige le départ de Macky Sall le 3 avril 2024.
Le Camp anticonstitutionnel brandit des sucettes, de gros cadeaux pour ceux qui accepteront leur deal. Méfions-nous de leurs langues qui sont devenues tellement mielleuses qu’on oublie leurs forfaitures. N’oublions pas que leurs sabres demeurent aiguisés, leurs fusils affûtés et leurs tortuosités incommensurables. Personne ne peut leur faire confiance. Aucun citoyen ne doit leur faire confiance. Notre confiance ne peut être accordée qu’au peuple sénégalais, à sa volonté d’en terminer avec ce régime liberticide, à son aspiration démocratique et aux énormes sacrifices qu’il consent pour le respect de sa dignité, de la démocratie, de l’État de droit et par conséquent de notre Constitution. Nous avons gagné la bataille qui a conduit à l’échec du premier coup d’État. Ne nous relâchons pas ! Mobilisons nous pour gagner la bataille du respect de notre constitution.
C’est la condition sine qua non de la tenue des élections présidentielles avant le 2 avril 2024, de la remise du pouvoir le 2 avril 2024 au Président élu et, par conséquent, à l’échec total du second coup d’État en cours.
par Astou Thiam
POUR QUE LES FRUITS TIENNENT LA PROMESSE DES FLEURS
L'heure n'est plus aux murmures timides. Elle appelle à une mobilisation de l'esprit et du cœur, une levée en masse des âmes assoiffées de justice, prêtes à défier les tempêtes pour ancrer notre navire national dans le port sûr de la démocratie
Dans le théâtre ombrageux de notre conjoncture politique, un silence de plomb s'est abattu, provenant des couloirs du pouvoir, et enveloppant notre Sénégal dans un voile d'incertitude, tissant une tension palpable qui serre les cœurs de toute une nation. Ce silence devient d'autant plus préoccupant, qu’il semble que le président de la République n'affiche aucune urgence à cultiver la précieuse opportunité florale que le Conseil constitutionnel lui a tendue, un bourgeon à arroser avec soin pour faire éclore la démocratie dans toute sa splendeur. Ce mutisme, énigmatique et lourd de non-dits, pourrait bien être l'écho d'une soif inassouvie de pouvoir, un appétit vorace pour les dorures de la présidence qui, depuis l'ascension au sommet de l'État, n'a arrêté de dessiner les contours d'une gouvernance de tâtonnement et cousue de faux-pas.
Le partage du gateau est encore de rigueur
À l'autre bout du spectre, une constellation d'acteurs politiques, drapés dans les détours de l'opposition, semble jouer une partition discordante, où l'urgence démocratique se perd dans une cacophonie d'intérêts et de manœuvres d'opportunisme. Ces pseudos opposants, mus par des desseins politiques obscurs, laissent transparaître une réticence à embrasser la lumière crue des urnes, révélant ainsi une tragédie démocratique où la quête du pouvoir prend le pas sur l'appel de la démocratie.
Au cœur de cette atmosphère saturée de tension, le voile de silence drapé autour de la détermination d'une nouvelle échéance électorale par le camp au pouvoir, conjugué aux manœuvres stratégiques du camp adverse, intensifie l'anxiété collective et nourrit un terreau fertile à toutes les spéculations. Cette situation esquisse une période marquée par une incertitude politique vertigineuse, durant laquelle les fondations mêmes de la démocratie semblent ébranlées, confrontées à une introspection critique qui questionne leur nature profonde.
Servir mais pas se servir…
Dans ce théâtre d’ombres où se joue l’avenir de toute une nation, je dis « Kou lang ci dénkaané diambour, la nga ci nameu wakhoko, té bou say péxé soté, fogouma mou gueunal borom ndénkaané la ». Cette phrase, en peignant un tableau de la situation actuelle, traduite par l’idée de s'accrocher indûment à ce qui nous a été temporairement confié, et refuser de le céder quand le moment est venu, révèle une volonté obscure, une aspiration à se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire en combinant ruses et subterfuges. Elle met en lumière, avec une précision cristalline, la situation présente : un acharnement à retenir ce qui devrait être, par devoir et honneur, remis en jeu, dénotant ainsi une ambition qui ne trouve plus d'écho ni d'aspiration au sein de la majorité populaire.
L'heure a sonné pour un réveil collectif, pour une prise de conscience qui transcende les divisions et rassemble les cœurs et les esprits autour d'un idéal commun : celui d'une nation gouvernée par la justice, le respect et la dignité. Le mutisme du pouvoir face aux souffrances du peuple ne peut être interprété que comme un signe de déconnexion, un symbole d'une gouvernance qui, ayant perdu le nord de sa boussole morale, navigue à vue dans les eaux troubles de l'autoritarisme.
Face à cette fresque politico-théâtrale, la voix du peuple doit s'élever, plus forte et plus unie que jamais, pour rappeler à ceux qui semblent l'avoir oublié que la souveraineté appartient à la nation, et non à ceux qui, par un caprice du destin, se trouvent momentanément à sa tête. Nous, peuple du Sénégal, sommes appelés à endosser le manteau de la responsabilité. Il est de notre devoir de faire jaillir la lumière de notre conscience collective sur les chemins divers et parfois obscurs que notre démocratie emprunte. Chargés par le poids d'un héritage ancestral, il nous appartient de tenir bon face aux épreuves, de rester inébranlables devant les tempêtes de l'adversité, pour forger notre avenir loin des contraintes qui cherchent à nous emprisonner dans l'immobilité.
Un miroir pour chaque Sénégalais
C'est au cœur de notre volonté unie, animés par le flambeau de notre engagement profond, que se dessine l'atelier de notre avenir. L'heure n'est plus aux murmures timides ni aux pas hésitants. Elle appelle à une mobilisation de l'esprit et du cœur, une levée en masse des âmes assoiffées de justice, prêtes à défier les tempêtes pour ancrer notre navire national dans le port sûr de la démocratie. Nous sommes les gardiens de ce phare, les veilleurs de cette aube qui peinent à percer les nuages de l'oppression et de l'ambition démesurée.
Que notre marche soit celle d'un peuple uni, traversant les déserts de l'indifférence et escaladant les montagnes de la manipulation, pour réclamer, avec la force tranquille des géants, le droit souverain de façonner l'avenir de notre terre. Que notre voix, portée par le souffle des ancêtres, résonne comme un tonnerre, déchirant le silence complice, pour annoncer l'avènement d'une ère où la volonté du peuple est la seule boussole qui guide nos dirigeants.
Dans ce combat pour le salut de notre patrie, chaque citoyen est appelé à être un guerrier de la lumière, brandissant l'étendard de la vérité et de la dignité, pour que notre Sénégal renaisse, phénix flamboyant, des cendres d'une crise qui aura testé la résilience de son âme mais jamais éteint l'éclat de sa démocratie.
par Souleymane Ndour Ater
UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE VOUS AVIEZ DIT
La décision rendue le 15 février 2024 confirme qu’il ne faut jamais ériger une jurisprudence en règle absolue ni faire de sa constance une norme de référence. Le juge constitutionnel sénégalais opère « une révolution »
Le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles connaît dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel sénégalais une constance. En d’autres mots, le juge constitutionnel estime qu’il n’est pas habilité en vertu de ses compétences d’attribution de contrôler la constitutionnalité des normes qui ont une valeur supérieure ou égale à la Constitution. Il est simplement compétent pour examiner la conformité des règlements de l’Assemblée, les lois organiques et ordinaires ou encore des traités avec la loi fondamentale. Cela demeure une constance dans sa jurisprudence. Justement, après l’adoption de la loi de révision constitutionnelle le 5 février portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, le terme jurisprudence constante revient avec insistance. La saisine au titre du contrôle de constitutionnalité a priori laissait croire selon une certaine doctrine que le Conseil constitutionnel n’avait pas le choix, il devrait inéluctablement s’aligner derrière sa jurisprudence dite constance, comme si celle-ci demeure un bloc immuable. Cela peut s’apparenter à un truisme, mais il est important de définir avant de décrire la jurisprudence constance (I) d’autant que c’est par ce biais qu’il reste possible de savoir, si elle peut faire l’objet de revirement (II).
La décision rendue le 15 février 2024 confirme qu’il ne faut jamais ériger une jurisprudence en règle absolue ni faire de sa constance une norme de référence. Le juge constitutionnel sénégalais opère « une révolution ». Il se déclare maintenant compétent pour contrôler les lois constitutionnelles, pour le moins issues du pouvoir dérivé.
I- Le sens d’une jurisprudence constante
De prime abord, par jurisprudence, il importe de comprendre l’ensemble des décisions de justice, des cours et tribunaux. Puisque nous parlons du Conseil constitutionnel, il s’agit des décisions et avis rendus par ce dernier. Le terme « constante » qui est, en l’occurrence, employé pour qualifier la jurisprudence, signifie le caractère d’un fait qui dure, d’idées, d’actions qui se répètent ou qui sont reproduites invariablement dans le temps. Eu égard à ces deux acceptions, la synthèse permet de retenir qu’une jurisprudence est dite constante lorsque sur une question donnée, l’ensemble des décisions et avis de la juridiction constitutionnelle s’inscrit dans une continuité. Il n’y a pas de revirement. La jurisprudence constante, encore appelée jurisprudence établie, montre ainsi que le juge constitutionnel ne varie pas sur sa position. Il maintient l’interprétation juridique qu’il donne à un énoncé, ici, les lois constitutionnelles ou celles émanant du pouvoir constituant dérivé ou originaire. La notion de jurisprudence constante a une fonction pratique. Sa visée consiste à mieux résumer les positions du juge constitutionnel sur une problématique juridique déterminée afin d’éviter de chercher ou de se demander quelle pourrait être la solution adoptée. L’identification de la jurisprudence constante passe a priori par les termes auxquels fait recours le juge sur une question précise. L’emploi de formules, phrases, incises identiques, similaires ou approximatifs. En substance, il renouvèle quasiment les mêmes dispositifs : « Le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur (les lois de révision constitutionnelle) ».
Cet outil contentieux doit-il être surinterprété, à l’instar du précédent dans les systèmes anglo-saxons qui enferme le juge dans une spirale décisionnelle et l’empêche de connaitre une nouvelle orientation ?
En matière de contrôle de constitutionnalité des lois émanant du constituant originaire ou celui dérivé, le juge constitutionnel s’abstenait de se reconnaitre compétent, et cela, à chaque fois qu’il a été saisi sur la question. L’inventaire complet dressé par le Professeur Meissa Diakhaté convainc facilement à ce sujet. Le juge constitutionnel était droit dans ses bottes, la constance primait. Rien ne semblait l’ébranler ou le motiver de changer sa jurisprudence sur les lois du constituant, fût-il dérivé ou originaire jusqu’à la décision du 15 février 2024 qui fera sans nul doute date. À travers celle-ci, le juge constitutionnel opère un revirement en acceptant pour la première fois d’examiner la constitutionnalité des lois dites de révision de la Constitution. Quel revirement ! De l’audace pourrait-on dire. Non, il ne faut jamais avoir foi à une jurisprudence constante car elle n’a pas de portée normative. Par conséquent, elle peut changer à tout moment eu égard à la constitutionnalité externe ou encore interne.
II- La portée normative de la jurisprudence constante
La jurisprudence fait office de source de droit. À défaut de références normatives précises, écrites et textuelles, elle est susceptible de servir de fondement juridique au juge afin de se soustraire de toute accusation de déni de justice. En procédant à une interprétation de l’énoncé constitutionnel, il détermine la signification de celui-ci, ce qui revient à dire qu’il est, quelque part, le créateur de la norme même. En effet, une jurisprudence immuable sur une question demeure naturellement une référence pour le juge constitutionnel. Toutefois, eu égard à sa portée indéniable, cela n’est pas synonyme de valeur normative au point que certains estimaient que cette loi portant dérogation de l’article 31 de la Constitution n’allait pas avoir d’autre sort que celui de la validation.
Le Conseil constitutionnel sénégalais s’est illustré de fort belle manière, en démontrant que sa jurisprudence sur les lois de révision constitutionnelle bien qu’elle soit constante n’a pas une portée normative. Elle ne s’impose pas dans tous les cas au juge. Celui-ci est tenu de faire une appréciation au cas par cas d’autant que des dispositions législatives peuvent être textuellement identiques et différer substantiellement. Elles sont susceptibles d’être approximativement les mêmes mais diverger sur un certain nombre de points. C’est pourquoi, parler d’une constance en termes de jurisprudence sans réellement prendre en compte le contexte reste un raccourci intellectuel très glissant et dangereux. Sous ce rapport, on pourrait se permettre de préciser que le contrôle a priori dans le cas sénégalais est abstrait. En revanche, il est possible qu’un contrôle abstrait a priori prenne les airs d’un contrôle concret. Autrement dit, dans son examen de constitutionnalité, le juge constitutionnel ne fait pas abstraction du contexte factuel à travers lequel la loi a été adoptée. En évoquant la sécurité juridique et la stabilité des institutions, on décèle, d’une certaine manière, une prise en compte des aspects inhérents aux faits qui ont ponctué l’adoption de la loi contestée.
Le juge constitutionnel soutient pour connaitre sa compétence que « le périmètre de compétence du Conseil constitutionnel dans le contrôle de constitutionnalité des lois, est circonscrit, en matière de révision constitutionnelle, à la vérification du respect des conditions d’adoption, d’approbation et des limites temporelles et matérielles que la Constitution elle-même fixe à l’exercice des pouvoirs du constituant dérivé » (Considérant 6). Le Conseil s’affranchit ainsi d’une constance qui faisait jusque-là sa réputation de « juridiction pusillanime ». Il sanctionne les choix du constituant dérivé qui violaient les articles 103 et 27, qualifiés de dispositions intangibles. Une « révolution » sans doute qui permet au juge constitutionnel, hormis l’usage de son pouvoir de régulation, d’écrire l’une des décisions les plus appréciées, plus salvatrices, les plus audacieuses. En réalité, sans sortir des limbes de notre analyse, cette décision confirme qu’il ne faut jamais désespérer d’une jurisprudence mais surtout qu’une jurisprudence constante n’est pas une norme de référence. Elle peut aiguiller le juge constitutionnel, sans nécessairement forcer la voie à suivre.
En somme, cette décision illustrative de revirement de jurisprudence contribue à fortifier notre État de droit mais surtout marque d’un trait significatif : la hardiesse de la juridiction constitutionnelle. Elle rentre inexorablement dans l’histoire politico-institutionnelle du Sénégal. Le juge constitutionnel sénégalais à l’instar de celui centrafricain, béninois, du chief Justice Marshall, de Aharon Barak, de celui français en 1971 accède au panthéon des juges ayant pris, face à la clameur politique, leur courage pour dire le droit, rien que le droit. On ne peut que saluer cette prouesse malgré quelques réserves relatives à l’économie des moyens, le dessaisissement de la Cour suprême, la date d’organisation des élections. Si ces lacunes ne peuvent être occultées, on retient, in fine, comme le soulignait l’un des plus grands penseurs de la justice constitutionnelle, Georges Vedel : « le contrôle de constitutionnalité fait partie, si je puis employer une expression familière, du confort moderne des démocraties. Nous sommes (re) venues à l’instar de nos voisins (africains, c’est nous qui soulignons), comme est venu à la machine à laver et à la salle d’eau non par simple mode mais pour mieux vivre »[1].
[1] Georges Vedel, Entretien à la revue Le débat, n° 55, mars-avril, 1989.
par Mamadou Socrate Diop
MACKY SALL, CHRONIQUE D'UNE MORT REPORTÉE
À partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt
Alors que l'élection présidentielle devait se tenir le 25 février 2024, le président Macky Sall, a décidé de reporter la date du scrutin. Surpris, beaucoup l'ont été, quoique, avec Macky Sall, en 12 ans de règne, rien n'est de trop, que, pour chaque acte qu'il pose, il envisage cette réponse-ci : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ? Si la réponse est oui, il fonce ; qu'importe s'il laisse des vies humaines sur le bitume, qu'importe s'il ravale la soupe qu'il a vomie la veille, qu'importe s'il faille pactiser avec l'ennemi, qu'importe, qu'importe...
Si la réponse est non, alors faudra travestir l'impossible, tordre le destin, revenir sur le temps, forcer, forcer et forcer pour encore se demander : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Imaginer Macky Sall président quoiqu'il puisse arriver, c'est l'imaginer dans une dictature écrite avec les arguments de la démocratie, c'est l'imaginer dans la peau d'un démocrate qui a le fantasme d'un tyran, c'est l'imaginer en pèlerin, avec une carotte et un bâton, qui cherche pénitence dans la violence et la colère; c'est en langage plus simple comprendre un système qui s'accroche à "ce quelque chose" qu'il essaie de contrôler depuis des années : le temps, du temps pour mieux s'armer, du temps pour donner l'impression de partir, un pas vers la porte, un autre pour revenir, revenir pour mieux cogner, cogner et se vautrer plus confortablement dans son fauteuil.
Á chaque sortie, il révèle encore plus un des traits d'une personnalité complexe : qu'attendre de celui qui a forcé le bureau et voté sans présenter une pièce d'identité, de celui qui a promis de faire un premier mandat de cinq ans (pour finalement en faire 7), de celui qui s'est toujours arrangé pour se présenter aux élections face à plus faible, de celui qui a fait du pouvoir de nomination une arme redoutable pour toujours châtier l'impertinent qui oserait défier la machine, de celui qui a réussi à scinder la nation en deux : bénis ceux qui savent flatter l'égo du chef, gare à ceux qui oseraient dire au chef que son nez est un peu trop gauche, zut !...
Soit, ce report, comme certains veulent nous faire croire, n'est pas un coup sorti ex-nihilo de la besace du chef. Tout était prévu, et encore une fois, excusez si je me répète, il a posé sur la table, la seule question qui prévaut ses actes : est-ce qu'à la fin de la journée je suis président ?
Et cette fois-ci, comme n'étant pas sûr d'avoir un argument infaillible à faire avancer, alors, il pose le joker : reset, le jeu reprend à zéro ! Macky fait du Macky en se disant, j'en ai fait, fait et refait, je suis toujours président, je reste encore un peu, du temps, j'en ai, j'en aurais probablement, je retourne le jeu, échec et mat ! Mais il est difficile de l'imaginer encore revenir dans le jeu. Une barrière l'empêche d'avancer : ni lui-même, ni la communauté internationale, ni le peuple. Il attend le salut d'un homme, un homme qu'il "accuse" d'avoir sabordé son projet de 3e mandat, de l'avoir mis en mal avec le monde, d'avoir (probablement) anéanti ses chances pour un poste à l'international après le pouvoir : Ousmane Sonko. De lui, il en espère désormais une petite main tendue, un clin d'œil, une causerie... advienne que pourra même s'il lui faudra jouer sa survie à la roulette russe-que ça passe ou ça fracasse—, même si le susnommé est en prison, que de lourds chefs d'accusation pèsent ses épaules, l'essentiel est ailleurs pour le Macky : « viens, on oublie tout. », parce qu'il n'a pas vu venir Diomaye émerger de l'ombre, grandir, grandir si vite qu'on aurait pensé qu'il est Sonko lui-même.
« Diomaye Mooy Sonko » (littéralement : Diomaye c'est Sonko) pour un politique comme Macky qui n'a foi qu'aux sondages, est un horizon à ne pas ne jamais voir naître, une perspective à ne jamais entrevoir ; le scenario aurait été terrible pour lui : Diomaye en prison, son leader emprisonné, le parti qui le porte dissout, une bonne partie du directoire et des militants de 1ère heure en prison, voir ce même Diomaye, échappé du filtre du conseil constitutionnel avec une côte de popularité qui monte de jour en jour nonobstant les arguties tirées par les cheveux des sbires du régimes, journalistes pouilleux et éditorialistes en quête lambris au nom de la « mansuétude légendaire et de la magnitude » du chef et qui, sans nous voiler la face, probablement allait sortir au 1er tour, cette carte-là sur la table, pour le régime, elle était à déchirer ! Et tout le reste n'aura été que poudre de perlimpinpin : « des Yérimiades » pour soutenir l'insoutenable, la vieille rengaine absurde de « la raison d'Etat », une pseudo crise des institutions, une soudaine compassion pour un "petit vieux" exilé au Qatar, une commission d'enquête d'on ne sait quel motif (report, ou corruption de magistrat) jusqu'au jour où lors d'une récente interview, Macky parachève l'œuvre : c'est soit moi, soit l'armée, moi je suis une moindre, venez donc on dialogue.
Mais il oublie Macky que ce dialogue, c'est avec le peuple, un peuple qu'il a méprisé, un peuple auquel son régime a fait tant mal : une centaine de personnes tuées, des milliers de détenus politiques, des familles disloquées, des exilées...
Et comment pourra-t-il convaincre ce peuple, que l'ultime poignard (la confiscation de leur droit de vote), c'était pour son bien ?!
Car à vouloir toujours gagner un jour de plus pour organiser sa mort, on finit par se faire surprendre par la mort : tout ceci donne l'impression que ce report, dans l'imaginaire collectif, sonne comme une mort inéluctable, qu'il essaie de contrôler tant bien que mal. Et à partir du 2 Avril (date de la fin officielle de son mandat), il risque de se rendre compte qu'il fallait mieux partir un peu plus tôt, hélas un peu tard pour s'acheter un linceul et un cercueil...
Par Pape NDIAYE
COMME A SERENGETI
Jeudi 15 février 2024 au quartier populaire de Rebeuss, nous y sommes ! Entre l’immense portail de la prison centrale et la rue, une foule s’est massée en haie d’honneur servant de passerelle aux détenus en route vers la liberté.
Jeudi 15 février 2024 au quartier populaire de Rebeuss, nous y sommes ! Entre l’immense portail de la prison centrale et la rue, une foule s’est massée en haie d’honneur servant de passerelle aux détenus en route vers la liberté. Parmi eux, des activistes, des adolescents, des personnes âgées, des militants d’Ousmane Sonko, pour la plupart, arrêtés et incarcérés lors des récentes manifestations politiques. Ou pour avoir commis le « crime » d’avoir porté un bracelet ou un tee-shirt aux couleurs de Pastef.
Munis de leurs billets de sortie, ils sont précipités vers le bout du tunnel. A l’arrivée, parents et amis les ont acclamés et embrassés comme des héros de l’injustice. Des scènes de retrouvailles joyeuses filmées et photographiées sous tous les angles par les reporters de la presse nationale et internationale. Mais aussi immortalisées par les smartphones. Cette horde de détenus retrouvant la liberté constitue une véritable « faune » carcérale qui nous renvoie à l’immense savane du Serengeti située en Tanzanie.
Un parc sauvage où se déroule la plus grande et spectaculaire migration animale au monde. En effet pour échapper à l’enfer des félins (lions et tigres), zèbres, buffles et antilopes font la périlleuse traversée de la rivière « Mara » infectée de crocodiles. Exactement comme à la prison de Rebeuss où des centaines de jeunes détenus « politiques » dont la majorité sont arbitrairement arrêtés et emprisonnés ont réussi à traverser la rivière d’apaisement aux eaux douces afin de se défaire de l’étau autoritaire gouvernemental.
En tout cas, ces arrestations massivement ciblées suivies de mandats de dépôt systématiques décernés aux partisans d’Ousmane Sonko n’étaient rien d’autre qu’une grande rafle de masse de « juifs pastefiens » jamais organisée par les forces de défense et de sécurité sur le territoire sénégalais à l’image du…Vél d’Hiv. A bien des égards, il s’agissait d’une vaste et violente campagne de répression contre les partis d’opposition afin d’éliminer la concurrence à l’approche de la présidentielle 2024 dont la date du scrutin, initialement fixée ce 25 février, a été repoussée.
Une accusation que la ministre de la Justice, e Aissata Tall Sall n’a pas voulu reconnaitre ou soutenir, hier, lors de sa conférence de presse. Pour mieux garder et sécuriser les « seaux » contenant le pouvoir politique de l’Apr, Me Aissata Tall Sall a précisé qu’aucune des 344 personnes libérées n’avait été détenue ou n’a été libérée pour des raisons politiques. « C’est « faux, complètement faux ! », assure-t-elle.
Une chose est sûre, jamais le Sénégal n’avait connu autant d’arrestations et de répressions pré-électorales que durant ces trois dernières années. C’est-à-dire depuis mars 2021. Plus jamais ça !
Par Professeur Abdoul Azize KEBE
DIALOGUER N’EST PAS CAPITULER
Réeroo amul, ñakka waxtaan a am. Il n’y a pas de malentendu, seulement subsiste l’absence de dialogue.
Il n’y a pas de malentendu, seulement subsiste l’absence de dialogue.
Il n’est pas besoin d’être un expert ou un acteur politique chevronné pour comprendre que nous sommes dans un tourment collectif, malgré la décision du Conseil constitutionnel qui apporte un bol d’air, sans mettre à disposition toutes les réponses. Les problèmes demeurent, relativement au processus électoral, avec la multitude de contestations des spoliés par là, des recalés par ci, des partisans du statu quo ante, ou des attentes de ceux qui désirent une remise à zéro des compteurs. La floraison d’interrogations sur la date du scrutin, sur la fiabilité du fichier, sur la double nationalité des candidats admis à participer aux élections, etc., tout cela est révélateur d’un désordre que la simple évocation des codes et règles de Droit ne résoud pas automatiquement. La diversité et le nombre d’interprétations, de la part des agrégés et experts juridiques, en sont la preuve.
Dans de telles conditions, être dans le fétichisme des dates et des principes, pour reprendre les propos de Me Ousmane Ngom à un média de la place, ne nous permet pas d’avancer. C’est même d’une certaine manière reporter les problèmes aux lendemains tout proches, avec le risque de leur aggravation. Par ailleurs, le fétichisme n’engendre, pour la plupart des cas, que de la désillusion. Face à ce tourment collectif, à cette épreuve qui fragilise notre stabilité et notre unité, face à cette crise de confiance, de légitimité et d’autorité qui se profile, une remise à l’ordre est nécessaire. J’entends la voix de mes jeunes amis, qui me dit qu’il n’y a d’ordre que républicain. Heu-reusement ! Car en dehors de la République, et de ses fondements et institutions, le péril nous guette. Mais l’ordre républicain n’est pas un dogme figé. L’ordre républicain, c’est une harmonie qui se réajuste face aux réalités et à ses désordres, sur la base de règles consensuelles, fondées sur la raison et les valeurs sociétales. C’est alors une construction permanente, mais partagée, entre les acteurs politiques et sociaux. Et là, il est grand temps !
J’emprunte la formule à mon homonyme et guide, Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine, qu’Allah agrée ses œuvres. Il est grand temps ! Il est grand temps que nous nous parlions, que nous dissipions ces voiles de suspicion, de méfiance réciproque et de défiance, que nous démolissions ces cloisons de peur qui nous font nous dresser les uns contre les autres, pour nous retrouver autour de ce que nous avons en commun et que nous ne pouvons pas nous partager, le Sénégal.
Ce n’est pas la première fois que, sur le long chemin de la démocratie, notre pays traverse des écueils qui menacent sa stabilité et son unité. Et nous nous en sommes sortis, car nous avons toujours pu retrouver notre nature, en tant que pays de dialogue. A l’image de l’adage qui dit qu’il est facile à l’oiseau de voler, car c’est sa nature, on peut dire qu’il doit être facile alors pour le Sénégal de dialoguer, puisque c’est un pays de dialogue.
Dialoguer, c’est permettre les mutations positives
Dialoguer n’est pas un aveu de faiblesse ni de capitulation, c’est une posture de sagesse et de grandeur que seuls peuvent adopter ceux et celles qui sont conscients des enjeux. Ce sont de tels guides qui sont capables de prendre des décisions qui semblent ramer à contre-courant de leurs intérêts du moment, mais qui concourent à la victoire des lendemains proches, sur la base d’acquis consolidés. C’est une posture de maturité, que de faire des arrangements aujourd’hui, à la place d’une épreuve de force inféconde, et construire les conditions d’arriver aux objectifs, dans le futur. Le dialogue est un outil qui permet les mutations positives pour éviter les fractures irréversibles.
Deux ou trois exemples pour illustrer mon propos.
Le premier porte sur la posture du Messager d’Allah lors de l’arrangement avec les Qurayshites, qui a conclu «l’accord de Hudaybiya». Alors qu’il était tout proche de la Mecque avec ses compagnons et les fidèles, pour accomplir le rituel de la umra, il fut stoppé à Hudaybiya et empêché de poursuivre son chemin. Et il dut, après des pourparlers avec des négociateurs qurayshites, reporter sa umra à l’année suivante. Cet arrangement, connu sous le nom de «pacte de Hudaybiya», avait irrité certains de ses compagnons dont Ali, son cousin et gendre, qui avaient manifesté leur désaccord. Certes cette décision n’était pas agréable à prendre, c’était comme une reddition, mais le Messager d’Allah avait compris qu’aussi difficile soit-elle, c’était la bonne à prendre. Et le triomphe de la conquête de la Mecque sans effusion de sang en fut la résultante.
Le 2e exemple se rapporte à Mandela. Après 27 années d’une longue, âpre et meurtrière lutte contre l’apartheid, alors qu’il était encore en prison, il a encouragé et conduit la réconciliation, a négocié avec ses plus irréductibles adversaires, pour entrer dans le gouvernement de Klerk. Cela a contribué à créer les bases de la nouvelle Afrique du Sud, Nation arc-en-ciel, et lui a valu le Prix Nobel de la Paix.
Le 3e exemple est bien de chez nous, avec les présidents Diouf et Wade, et avec eux une partie de la classe politique sénégalaise d’alors. Ils avaient compris que s’arc-bouter sur des positions irréductibles risquait de nous précipiter dans le gouffre. Leurs conversations secrètes, leurs concertations et négociations confidentielles ont balisé la route à l’alternance de 2000, grâce aux cadres consensuels établis pour une vie politique apaisée. C’est dire que le dialogue, loin d’être une capitulation, est une posture de dépassement et de progrès, même si, sur le cliché de l’instantané, certains le perçoivent comme une abdication. Il n’en est rien ! Le dialogue est un moyen de retrouver la bonne direction et de s’y engager, pour sortir des impasses de la passion aveugle et aller de l’avant, avec la boussole de la raison.
Convertir une réalité conflictuelle en réalité consensuelle
Aujourd’hui, tout le monde constate que le climat sociopolitique actuel est vicié par la méfiance réciproque, et c’est un défi complexe de vouloir le transformer en environnement propice à la construction de la paix sociale. Complexe oui, mais pas impossible, il y a bien des chemins pour y parvenir si nous voulons rester ce pays distingué dans le concert des nations. Et plus tôt nous redeviendrons unis, grâce à la gestion intelligente et sage de la diversité et de la pluralité politique, mieux ce sera pour nous et nos enfants. Plus tôt nous comprendrons que les divergences une fois exprimées et bien exprimées, sont des invitations à trouver un minimum de convergence, mieux ce sera pour réduire les fractures, apaiser les souffrances et rassurer sur l’avenir de notre démocratie.
Pour cela, il est impératif que nous empruntions le chemin de la rencontre et de la conversation, avec un sentiment autre que la haine. Car la haine fausse le chemin, par sa capacité à distordre les perceptions et à crisper les positions. Et il est illusoire de vouloir sortir de la crise par le radicalisme des uns et des autres, l’héroïsme aveugle sur le front de la rue, l’outrance du discours des oppositions, ou l’arrogance des hommes au pouvoir. Ce dont il s’agit, c’est d’adresser une réalité conflictuelle et la redresser pour la convertir en une réalité consensuelle. Pour ce faire, il urge de s’engager ensemble, ou à la majorité des acteurs, exposer courageusement le mal qui nous divise et coopérer avec honnêteté pour lui trouver un remède durable. Cela peut se faire si, comme le disait Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine, nous plaçons le Sénégal au-dessus de nous tous. Diouf et Wade avaient emprunté ce chemin qui fut difficile en son temps, et nous avons hérité de l’alternance démocratique.
Commençons alors par bâtir des ponts de confiance qui nous mènent aux convergences des intérêts en commun. Ainsi, toutes les actions d’apaisement et de reconversion vers la paix sociale pourraient être examinées de part et d’autre : accords de renoncement à la violence de part et d’autre, remise des peines pour les détenus concernés par les manifestations violentes, établissement de cadres garantissant les règles équitables, consensuelles, pour le jeu démocratique, etc. Bien sûr, tout cela doit se faire dans le sens de préserver et consolider la République et l’Etat de Droit, sans fétichisme ni aventurisme.
Il faut aussi, dans ce cadre, que le leadership politique, pouvoir comme opposition, adopte une attitude empathique qui reflète sa volonté sincère de construire la paix, pour tous et avec tous. Il serait décevant que, pour une raison ou une autre, chaque camp se retranche dans ses certitudes, refuse de faire un pas vers l’autre et chauffe ses troupes pour la bagarre. Or, on constate que, le plus souvent, ce qui est obtenu par la force, est aussi perdu par la force. Les leçons sont nombreuses dans la sous-région et ailleurs dans le monde. Des entités politiques dans la sous-région ont été enivrées par la détermination de la foule à faire tomber leur régime, le peu de démocratie qui leur avait permis ces rassemblements, est mort avec la chute des régimes auxquels ils ont refusé le dialogue. Les printemps arabes n’ont pas du tout enfanté la démocratie, pour la plupart du temps. Et il est clair que les régimes portés par ces printemps ont plutôt engendré un long hiver pour la vie de la démocratie dans ces pays. Ouvrons les yeux !
Restaurer la confiance et soutenir les efforts de dialogue
Grande peut être la tentation de surfer sur les lignes de défense réciproques, sur les sujets qui nous divisent, de titiller l’amour propre des troupes pour créer une opinion contre le dialogue. Grand pourrait être le risque, pour les Forces de défense et de sécurité d’être débordées dans leur devoir régalien de sécurité et de répression pour établir l’ordre public. Mais tout radicalisme fait le jeu des mouvements radicaux de quelque obédience qu’ils puissent se réclamer. Ils attisent le feu de la discorde et de la division pour nous encourager dans notre affrontement, ce qui va nous précipiter dans l’abîme.
Il est alors grand temps que nous ayons une conscience aiguë du sérieux de la situation et que nous nous engagions, citoyens organisés dans des cadres ou non, acteurs politiques aux côtés des autres acteurs sociaux, sans préjugés, pour restaurer la confiance entre nous et créer les conditions d’une vie politique apaisée et d’une compétition équitable. Il est grand temps que nous nous dressions au travers de tout ce qui menace la paix et l’unité nationales, en soutenant avec force les efforts de dialogue. Allons à la rencontre de l’autre avec l’esprit du croyant qui, animé par l’enseignement du Messager d’Allah, désire pour l’autre ce qu’il désire pour lui-même. Là, les peurs et les pièges ne seront pas de mise. Tout cela pour rester fidèles à notre devise : Un Peuple, Un But, Une Foi, dans le respect de l’esprit de la Constitution, la lettre étant déjà dépassée par les délais et la complexité des attentes divergentes des différents acteurs.
Professeur Abdoul Azize KEBE
Ministre conseiller aux Affaires religieuses
Par Gorgui Wade Ndoye
LE SENEGAL DOIT RESTER PAISIBLE ET DEMOCRATIQUE
Hier, à Genève, des Sénégalais ont manifesté sous la chaise cassée, place des Nations, devant l’ONU, pour que leur pays connu pour sa stabilité et sa démocratie ne sombre pas dans l’incertitude et le chaos.
Hier, à Genève, des Sénégalais ont manifesté sous la chaise cassée, place des Nations, devant l’ONU, pour que leur pays connu pour sa stabilité et sa démocratie ne sombre pas dans l’incertitude et le chaos. Le président Macky Sall a décidé, le 3 février dernier, de reporter sine die l’élection présidentielle qui était prévue le 25 de ce mois. Une décision surprenante prise sous la pression du Parti démocratique sénégalais. C’est le PDS de l’ancien président Wade, aujourd’hui dirigé par son fils Karim en exil au Qatar et candidat recalé à la candidature pour la présidentielle.
Le Conseil constitutionnel a rejeté la candidature de Wade fils à cause de sa double nationalité française et sénégalaise. Alors le PDS et ses nouveaux alliés de la coalition BENNO du parti au pouvoir APR (Alliance pour la République) décident d’attaquer le Conseil constitutionnel, accusant deux juges d’être corrompus par l’actuel premier ministre, qui n’est autre que le candidat de la coalition présidentielle ! On y perd la raison !
En procédure d’urgence, le 5 février, le parlement décide, sans débat, d’une loi de révision de la Constitution autorisant le chef de l’État à reporter l’élection au 15 décembre pour pouvoir inclure le fils de l’ancien président et éventuellement d’autres recalés comme Ousmane Sonko, actuellement en prison et sorti troisième de la présidentielle de 2019.
«Un groupe de consultation a lancé l’Appel de Genève pour la paix et la démocratie»
Attachés à la démocratie et à l’idée de la République, des Sénégalais ont manifesté et exprimé leur déception. Pour eux, l’actuel président n’a pas protégé la Constitution. Il a préféré se donner un bonus, d’autres parlent même de coup d’État constitutionnel. Il y a eu trois morts de trop dont un étudiant de mon ancienne université à Saint-Louis. L’image du Sénégal se retrouve craquelée, écornée et balafrée. Les appels à l’ordre des organisations sous-régionales, régionales et internationales montrent, au-delà de la gravité de la situation politique, la place qu’occupe le Sénégal dans le concert des nations.
C’est pourquoi, à Genève, un groupe de consultation composé d’éminentes personnalités de la diaspora a lancé l’Appel de Genève pour la paix et la démocratie publié en Suisse par «Le Temps» et largement par la presse sénégalaise.
Ce qui est attendu : le respect du calendrier électoral, l’organisation d’une élection transparente avec les 20 candidats déjà retenus par le Conseil constitutionnel, l’autorisation des manifestations et leur encadrement pour éviter la violence et la dégradation des biens publics et privés, la libération des manifestants, l’indemnisation des familles des victimes. Enfin le départ du président le 2 avril date d’expiration de son mandat.
Dans ses décisions du 15 février, le Conseil constitutionnel a dit que le décret de report de l’élection pris par le président est anticonstitutionnel autant que la loi du Parlement. Cette décision historique a remis du baume au cœur à des millions de Sénégalais attristés et traumatisés par la situation politique actuelle.
Le suspense demeure, cependant, car Macky Sall, qui assure qu’il respectera ces décisions, n’a pas encore fixé la nouvelle date de la présidentielle. Quinze candidats à la présidentielle sur les vingt insistent sur le respect de la Constitution. A Genève, nous réaffirmons notre appel à toutes les composantes de la nation à un sursaut d’honneur pour promouvoir le pardon et la réconciliation dans la vérité et la justice, afin de retrouver les bases solides d’un vivre ensemble paisible et conduisant au développement et l’État de droit, aspiration profonde du peuple sénégalais.
PAR MOUSTAPHA DIENE
LA DEMOCRATIE SENEGALAISE : D’UN REPORT « SINE DIE » A UNE TENTATIVE D’OBLITERATION.
L’opposant Ousmane Sonko fera-t-il office d’un moise Katoumbi ? Monsieur Amadou Ba risque-t-il le sort de Shadary ? Qui pour jour le rôle de Tshisekedi ? En tout état de cause la pièce de théâtre aura besoin d’un bon casting.
Les évolutions de la vie politique sénégalaise depuis l’indépendance se sont accompagnées d’oscillations non moins importantes. Le processus démocratique fut jalonné, durant ces vingt dernières années, de multiples péripéties dont certaines furent portées à la connaissance du grand public grâce à la révolution technologique des instruments d’information et de communication. La progression des moyens de communication et l’émergence de groupes de presse privés permirent à l’opposition de tenir l’opinion nationale et internationale informée de la réalité des situations et de l’évolution de sa lutte pour l’avènement de la démocratie au Sénégal[1]. En effet, le contexte actuel, marqué par l’accès facile à l’information, la détérioration les revenus les plus bas et ceux des membres des classes moyennes, l’accentuation du désir de participation politique etc. va accoucher des luttes politiques et syndicales qui se sont intensifiées pendant les dix (1O) dernières années. On assite alors à de nouvelles exigences du « peuple » en termes de bonne gouvernance, de respect de l’Etat de droit, de gestion transparente mais aussi et surtout de respect des droits fondamentaux et des libertés publiques.
Depuis le tournant des années 2012, la fermeté et la rigidité du style de gouvernance du président Macky Sall ont buté sur l’émergence du discours d’alerte et de conscientisation de monsieur Ousmane Sonko. La perspective quelque peu populiste de l’Opposant Sonko a su cristalliser l’espoir d’une frange importante de la jeunesse sénégalaise, laissant les tenants du régime en marge de crédibilité et de légitimité.
La démocratie sénégalaise est confrontée à un grave tournant. Le 31 juillet 2023, par un acte administratif, les autorités sénégalaises ont annoncé la dissolution du PASTEF, le parti politique de l’opposant et candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle Ousmane Sonko. La raison invoquée était que celui-ci aurait fréquemment appelé ses partisanes à des mouvements insurrectionnels ayant entraîné des morts, plusieurs blessées et des actes de pillages et de destructions de biens publics. Ceci étant l’aboutissement d’un long processus de musèlement de l’opposition accompagnés de vagues de violences et de protestations plongeant le pays dans ce que l’ancien Premier ministre Habib Thiam avait qualifiées d’« années de braise ».
L’élection présidentielle prévue pour le 25 février prochain se verra reportée par la décision du président Macky Sall d’abroger la loi portant convocation du corps électoral. Le projet de loi pour la prorogation du mandat du président de la République a été adopté par les députés à l’Assemblée nationale suite à un marathon verbal finalement estompé par l’intervention de la gendarmerie.
Cette conjoncture politique nous laisse présager trois scénarios à l’horizon. Ainsi, loin d’une tentative de prophétie politique, cette réflexion s’inscrit dans une perspective d’élucidation du réel politique sénégalais en ces heures sombres d’une démocratie en crise d’épilepsie.
Le « scénario Kabila-Shadary » en procédure d’ablation
La République démocratique du Congo (RDC), immense pays d'Afrique centrale et un des plus pauvres du continent en dépit de son fort potentiel minier, est dirigée depuis 2001 par Joseph Kabila. Investi à 29 ans président, après l'assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila par un garde du corps, Joseph Kabila est élu président en 2006 lors des premières élections libres depuis l'indépendance, puis réélu en 2011, lors d'un scrutin marqué par des violences et des fraudes. Devant l’impossibilité de briguer un troisième mandat Kabila fils se trouve dans le besoin de choisir « son candidat ». Le choix fut porté sur l’ancien ministre de l’intérieur Emmanuel Ramazani Shadary qui, devient de facto son dauphin.
Sans revenir sur les péripéties qui ont jalonnées les différentes échéances électorales qui ont porté le président Sall à la magistrature suprême du Sénégal, nous avons fait le parti-pris de considérer le choix de monsieur Amadou Ba comme dauphin. En effet, tout comme le choix de Joseph Kabila avait mis fin aux nombreuses spéculations sur le respecte de la Constitution, celui du président Sall semblait être cohérent au regard du rapport de force, du jeu d’influence mais aussi du devoir de respecter la parole donnée.
Toutefois, l’histoire a montré que le choix du président Kabila de mettre les atouts en faveur de Shadary en prenant comme principal menace l’opposant Moise Katoumbi, n’a pas porter ses fruits. Un outsider Félix-Antoine Tshisekedi va hériter du pouvoir congolais malgré les subterfuges politiques favorables à Shadary.
L’opposant Ousmane Sonko fera-t-il office d’un moise Katoumbi ? Monsieur Amadou Ba risque-t-il le sort de Shadary ? Qui pour jour le rôle de Tshisekedi ? En tout état de cause la pièce de théâtre aura besoin d’un bon casting.
Allons voir le second épisode…
Le « scénario Gbagbo » en gestation
Laurent Gbagbo a été élu en octobre 2000, pour un mandat quinquennal qui devait expirer en octobre 2005. Mais le scrutin prévu à cette date a été annulé à cause de la guerre.
Par la résolution 1633, le Conseil de sécurité a souscrit à la décision du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) selon laquelle le Président Gbagbo, demeure chef de l’État au-delà du 31 octobre 2005 correspondant à la date d’expiration de son mandat. Toutefois, la prolongation du mandat est pour une période n’excédant pas 12 mois.
Les dates proposées par la suite, notamment octobre 2006, octobre 2007, janvier 2008, juin 2008, novembre 2008 et novembre 2009, ont connu le sort d’un bébé mort-né et premier tour de l'élection attendue depuis 2005 se tiendra finalement le 31 octobre 2010. Le deuxième tour de la présidentielle, tenu le 28 novembre 2010, se solde dans la controverse alors que les deux candidats en lice, le président sortant Laurent Gbagbo et l’ex-premier ministre Alassane Ouattara, revendiquent la victoire. Gbagbo sera assermenté, avant d’être renversé à la suite d’une intervention armée, en avril 2011. La CPI sera sa future destination.
Gagner un mandat de plus suite à un report de l’élection et finir à la Cour pénale internationale est-il une carte que le président Sall doit tirer ?
Encore un troisième épisode…
Le « scénario Compaoré » encore évitable.
Arrivé au pouvoir à la faveur du coup d’État contre son ancien frère d’armes Thomas Sankara en 1987, "Blaise", comme l’appellent ses pairs africains, n’avait pas prévu une telle fin de règne. Malgré deux septennats (1992-2005) puis deux quinquennats (2005-2015), il souhaitait se maintenir à la tête du Burkina Faso après la fin de son mandat en décembre 2015, en révisant la Constitution.
C’est cette volonté de s’accrocher au pouvoir qui a finalement eu raison de son régime en suscitant l’ire de l’opposition, des syndicats, d’une grande partie de la société civile et de la jeunesse de ce pays où plus de 60 % des 17 millions d’habitants avaient moins de 25 ans. Fait rare au Burkina Faso, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées, le 28 octobre, dans les rues de la capitale Ouagadougou pour demander au régime de renoncer à son projet. Attentions au président Sall !
Justement, au-dessus de la foule de protestataires s’élevaient des milliers de pancartes exigeant du président qu’il se plie à la Constitution : « 27 ans, c'est assez », « Judas, libérez les lieux » ou encore « Blaise dégage ». Trois jours plus tard, Blaise Compaoré s’est résigné à lâcher prise au profit de l’armée qui a pris les commandes du pays. La démocratie sénégalaise mérite-t-elle un tel coup de fouet ?
Il (Compaoré) démissionne en 2014, après 27 ans au pouvoir, à la suite du soulèvement populaire des 30 et 31 octobre 2014. En 2022, alors qu'il s'est réfugié en Côte d'Ivoire, il est condamné par contumace, à Ouagadougou, à la prison à perpétuité pour « complicité d'assassinats » et « atteinte à la sûreté de l'État ». On pouvait lire sur les lignes d’un texte de France 24 « Blaise Compaoré, le médiateur privilégié des crises en Afrique de l'Ouest, n’a pas résisté au vent de révolte qui a soufflé sur son pays ces derniers jours. » Le président Sall va-t-il s’offrir une telle fin ? et à quelles fins ?
Moustapha DIENE, Enseignant en Science politique et Formateur en conception et pilotage des politiques publiques.
[1] Bathily, Abdoulaye. « IV. Les pas hésitants de la démocratie au Sénégal et en Afrique (1983-2000) », Passion de liberté. Mémoires, sous la direction de Bathily Abdoulaye. Éditions Présence Africaine, 2022, pp. 291-307.
Par Mohamed GUEYE
NOUS ATTENDONS LE DIALOGUE SUR L’ÉCONOMIE
Ce n’est pas par des coups de baguette magique que des pays aussi moins dotés que la Suisse, la Belgique, Maurice ou les îles du Cap-Vert peuvent aujourd’hui faire état de l’état d’abondance pour leurs populations.
Bien longtemps après le scrutin présidentiel, le pays devrait accueillir ses premiers barils de pétrole et ses camions de gaz liquéfié au dernier trimestre de l’année, au plus tard. Quand les devises tirées des ventes de ces produits commenceront à rentrer dans l’économie, le Sénégalais moyen se rendra sans doute compte que nous avons basculé dans une autre économie. La question sera alors de savoir si ce basculement fera le bonheur du pays, ou comme on le voit dans la plupart des pays africains, son malheur.
Le Sénégal, malgré tous ses efforts, n’a pas encore pu former une masse critique de personnes qualifiées aux questions du pétrole et du gaz, ce qui fait que sur les plateformes et dans toutes les chaînes logistiques, les compagnies nationales continueront à solliciter les compagnies étrangères. Même dans les domaines des services liés aux hydrocarbures, comme les logements des personnels, leur alimentation, ainsi que plusieurs autres menus services indispensables au confort de ces personnels, les compagnies installées au Sénégal font plus facilement recours à des clients avec lesquels elles sont habituées à travailler. La loi sur le contenu local est facilement contournée, avant même que l’exploitation ne batte son plein. Cela, au vu et au su des pouvoirs publics.
Sur le plan théorique et juridique, le gouvernement du Sénégal a pris tous les textes de lois nécessaires à l’installation d’un réseau de compagnies à même de pouvoir jouer leur rôle pour que les retombées économiques de nos matières premières n’échappent pas aux nationaux. Mais de manière concrète, l’engagement économique des entrepreneurs sénégalais tourne plus au mirage. Avant de parler des hydrocarbures, qui sont un secteur encore peu maîtrisé pour les Sénégalais, on devrait regarder les autres industries extractives. Qu’a fait le Sénégal pour préserver ses parts dans l’exploitation des ressources de son sol, et même de les renforcer ?
Aujourd’hui, notre phosphate va d’abord en Inde avant de nous revenir à des taux prohibitifs. Les Industries chimiques du Sénégal ont été bradées au franc symbolique après avoir été mises en faillite. D’exportateur net de phosphates, le Sénégal est devenu importateur. Cet échec n’est pas le seul. Dans la cimenterie, où l’on cherche à accréditer d’autres opérateurs, il n’y en a qu’un qui soit Sénégalais, si l’on veut. Tous les autres sont à capitaux étrangers. Et puisque l’Etat veut avoir avec eux des rapports mercantiles, il ne leur permet pas de modérer leurs produits de manière à ce que le Sénégalais moyen, qui voit son environnement se dégrader, trouve une certaine consolation dans le prix d’achat de son sac de ciment. Au contraire, comme avec l’or, le zircon ou le poisson, le sentiment général est que l’Etat laisse les étrangers venir piller nos ressources et nous laisser un environnement pollué et appauvri, juste pour les intérêts d’un petit groupe de privilégiés. Il faut que cet état d’esprit change, et l’Etat doit monter en première ligne pour cela.
Les Sénégalais doivent prendre en main l’exploitation de leurs ressources, et surtout, en tirer le plus de bénéfices possible. Ce ne sont pas de vaines incantations qui permettront de réaliser ces ambitions, mais une politique économique concertée. C’est à cela que notre classe politique devrait se sentir interpellée, et organiser un dialogue sur des objectifs atteignables à terme. On peut ne pas être d’accord sur des objectifs politiques, mais tous les acteurs devraient pouvoir s’accorder sur la recherche du bien-être pour une bonne majorité de nos concitoyens. Si nous nous concertons pour mesurer ce dont la nature nous a dotés, nous devrions pouvoir savoir comment nous en servir.
Ce n’est pas par des coups de baguette magique que des pays aussi moins dotés que la Suisse, la Belgique, Maurice ou les îles du Cap-Vert peuvent aujourd’hui faire état de l’état d’abondance pour leurs populations. Les Chaebols, ces conglomérats d’entreprises coréennes, qui sont devenus des géants industriels enviés aujourd’hui partout dans le monde, alors que leur pays était moins riche en 1960 que le Sénégal, n’ont pris cette dimension que parce que leur Etat a décidé, en dépit de toutes autres considérations politiques ou sociales, de les porter à ce niveau. Les Sénégalais, leurs dirigeants en tête, aux côtés de ceux qui aspirent à les diriger, devraient savoir le meilleur chemin à suivre. Nous avons atteint un niveau de maturité politique et intellectuelle qui fait que ce n’est plus acceptable qu’un dirigeant qui arrive au pouvoir cherche à imposer ses orientations sans consultation. Le temps où le pouvoir en place se faisait élire sous le slogan économique du Yoonu yokkuté pour bifurquer après quelque temps et imposer le Plan Sénégal émergent (Pse) envers et contre tous, ne peut plus être. Car, si de nouveaux dirigeants arrivaient à la tête du pays, ils s’empresseraient de les effacer. Il y a donc besoin de concertation, ou de dialogue, ou même d’assises si l’on veut. Pas pour parler de calendrier électoral ou des pouvoirs du Conseil constitutionnel. Il devra s’agir de ne parler que de la vision économique, et des ambitions pour améliorer les conditions de vie des citoyens de ce pays. Mettre en place des choses qu’aucun pouvoir ne viendrait bouleverser pour discréditer ses prédécesseurs. Pour installer le pays sur des voies que la politique ne ferait pas dérailler.